Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée contestait la cote qu’elle avait reçue lors de son évaluation du rendement - l’Agence du revenu du Canada (<< l’employeur >>) s'est opposée à ce que le grief soit tranché à l’arbitrage, en faisant valoir que l’arbitre n’avait pas la compétence nécessaire pour réviser des évaluations du rendement - l’arbitre de grief a rendu une décision partielle de vive voix en déclarant qu’il possédait la compétence nécessaire pour déterminer si le processus prévu par la convention collective avait été appliqué et s’il y avait eu violation de l’article 40 de cette même convention - l’employeur a accédé à la demande de la fonctionnaire s’estimant lésée en lui fournissant une copie des << lignes directrices >>, un document de 32 pages rédigé par la Direction des ressources humaines de l’employeur qui fournit des précisions sur l’application de la politique de l’employeur en matière de gestion du rendement - l’évaluation du rendement initiale a été remise à la fonctionnaire s’estimant lésée le 31 octobre 2002, mais n’a été parachevée avec elle que le 1er avril 2003; dans l’intervalle, la fonctionnaire a refusé à plusieurs reprises de rencontrer sa supérieure afin de discuter de son évaluation du rendement - la convention collective ne fait aucune mention des lignes directrices; le document ne porte pas non plus la signature de l’agent négociateur - la fonctionnaire s’estimant lésée a prétendu qu’elle ne comprenait pas les différences qui existaient entre les diverses cotes et que l’employeur avait contrevenu aux lignes directrices, lesquelles faisaient partie intégrante de la convention collective - l’arbitre de grief a conclu que si le grief était présenté comme un grief relatif à un processus, il portait pour l’essentiel sur le contenu de l’évaluation du rendement; or il est un principe bien établi en droit que l’arbitre de grief ne possède pas la compétence nécessaire pour réviser une évaluation du rendement avec laquelle le ou la fonctionnaire est en désaccord - la fonctionnaire s’estimant lésée ne s’est pas acquittée de la charge de démontrer que les lignes directrices avaient été intégrées à la convention collective - il lui appartenait de prouver que, selon la prépondérance des probabilités, il existait une intention manifeste de la part des parties d’être liées par les lignes directrices et que les modalités de celles-ci étaient suffisamment claires - les lignes directrices n’étaient pas mentionnées dans la convention collective et ne faisaient aucune mention de cette dernière - aucune des parties n’a produit d’éléments de preuve au sujet de leur création, mais il semblerait qu’elles ont été créées par l’employeur et qu’elles ne portent pas la signature de l’une ou l’autre des parties - les parties n’ont pas non plus produit d’éléments de preuve relativement au sens des mots << tout document écrit fournissant des instructions >> contenus dans la convention collective ou au sens à attribuer au paragraphe 40.02b) - étant donné que les lignes directrices n’étaient pas intégrées à la convention collective, l’arbitre de grief a décidé qu’il ne possédait pas la compétence nécessaire pour conclure que leur application allait à l’encontre de la convention collective - la fonctionnaire s’estimant lésée n’ayant pas soulevé la question de la mauvaise foi ou de la mesure disciplinaire déguisée dans son grief, l’arbitre de grief était par conséquent incapable de tenir compte de tels arguments - l’employeur avait appliqué le processus prévu par la convention collective et le fait qu’il a fallu plusieurs mois pour mener le processus d’évaluation à terme ne constitue pas une infraction à la convention collective, compte tenu du refus de la fonctionnaire s’estimant lésée de rencontrer sa supérieure - même s’il avait possédé les pouvoirs nécessaires et même s’il y avait eu violation de la convention collective, l’arbitre de grief n’aurait pas été compétent pour ordonner à l’employeur de remplacer une cote de rendement par une autre. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-12-06
  • Dossier:  166-34-33761
  • Référence:  2007 CRTFP 115

Devant un arbitre de grief


ENTRE

HELENE SPACEK

fonctionnaire s'estimant lésée

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Spacek c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Paul Love, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Paul Reniers (9 mai et 3 au 6 octobre 2006) et Nao Fernando (7 mars et 24 mai 2007), Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Adrian Bieniasiewicz, avocat

Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),
le 9 mai, du 3 au 6 octobre 2006 et les 7 mars et 24 mai 2007.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

I. Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Le 15 avril 2003, Helene Spacek (la « fonctionnaire s'estimant lésée »), une employée de l'organisme désigné aujourd'hui sous le nom d'Agence du revenu du Canada (l’« employeur » ou l’« Agence »), a déposé un grief relativement à son évaluation du rendement. La fonctionnaire s'estimant lésée occupe un poste de conseillère régionale – recherche et technologie (CO-02) au sein de la Direction de la recherche scientifique et du développement expérimental (RSDE) au Bureau des services fiscaux de l'Agence à Vancouver. Elle fait partie de l'unité de négociation du groupe Vérification, finances et sciences liée par la convention collective qui a été conclue entre l'employeur et l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) (« la convention collective »).

2 Son grief dit :

[Traduction]

[…]

Le rapport d'évaluation du rendement pour la période du 1er janvier au 31 août 2002 qui m'a été remis le 21 mars 2003 ne fait pas état de manière exhaustive ni avec exactitude de mon rendement, et le processus d'examen du rendement associé à ce rapport d'évaluation du rendement ne s'est pas déroulé conformément à la politique de l'ADRC intitulée « Lignes directrices sur la gestion du rendement de l'employé », ni à l'article 40 de la convention collective de l'IPFPC.

[…]

3 La mesure corrective suivante est demandée :

[Traduction]

[…]

Que mon rapport d'évaluation du rendement soit modifié à ma satisfaction, que je sois mutée à une autre équipe de manière qu'un chef d'équipe différent puisse effectuer mes évaluations du rendement, et que l'on m'indemnise intégralement.

[…]

4 Le 9 février 2004, D.G.J. Tucker, sous-commissaire, Ressources humaines (RH), a formulé la réponse suivante au dernier palier de la procédure de règlement des griefs :

[Traduction]

[…]

La présente fait suite au grief que vous avez déposé concernant votre rapport d'évaluation du rendement, et dans lequel vous affirmez que le rapport en question ne fait pas état avec exactitude de votre rendement et que l'employeur a contrevenu à la stipulation 40.02b) de la convention collective de l'IPFPC. Au chapitre des mesures correctives, vous demandez la modification du rapport d'évaluation du rendement en question à votre satisfaction et votre mutation à une autre équipe.

J'ai examiné avec soin votre grief ainsi que les observations et l'exposé présenté au dernier palier pour votre compte par votre représentant de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada.

Au terme d'un examen exhaustif, j'ai conclu que l'évaluation du rendement est factuelle et qu'elle rend compte de votre rendement en général. J'en suis arrivé à la conclusion également que, bien que les opinions soient divergentes sur le processus, les Lignes directrices sur la gestion du rendement vous ont été remises le 26 mars 2002. En outre, je ne vois aucune preuve d'une mauvaise foi de la part de votre superviseur dans la préparation de votre évaluation.

J'ai noté également que, depuis le 2 juin 2003, vous faites partie d'une autre équipe.

Compte tenu de ce qui précède, votre grief est rejeté et la mesure corrective que vous avez demandée ne sera pas accordée.

[…]

5 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), c. P-35 (« l'ancienne Loi »).

6 Dans une lettre rédigée par son avocat le 2 mai 2006, l'employeur a soulevé une question relative à l'arbitrabilité du grief :

[Traduction]

[…]

L'employée a présenté son grief le 15 avril 2003. Elle y énonce [le texte du grief et les mesures correctives souhaitées].

L'employeur soutient avec égard que la Commission des relations de travail dans la fonction publique a statué dans tous les cas qu'un arbitre de grief nommé pour entendre un renvoi à l'arbitrage de grief aux termes de l'article 92 de la LRTFP n'est pas compétent pour se pencher sur des évaluations du rendement.

Par conséquent, l'employeur fera valoir à cette audition que le grief mentionné en rubrique n'est pas arbitrable aux termes de l'article 92 de la LRTFP.

[…]

7 Le présent grief devait être entendu en même temps qu'un autre grief déposé par la fonctionnaire s'estimant lésée, dossier de la CRTFP 166-34-35739. Après avoir pris connaissance des arguments de l'employeur sur la question de la compétence à l'égard des deux griefs, je distingue la présente affaire de l'autre grief aux fins de la tenue d'une audition. J'ai rédigé une décision distincte dans le dossier de la CRTFP 166-34-35739.

8 Au moment où la présente affaire a atteint l'étape de l'arbitrage de grief, la fonctionnaire s'estimant lésée avait été mutée à une autre équipe, et ses évaluations du rendement suivantes avaient été effectuées par un chef d'équipe différent. Son grief ne contient donc plus que la demande que son « Rapport de gestion du rendement de l'employé » (« rapport de rendement ») soit modifié à sa satisfaction et qu'elle soit indemnisée intégralement.

9 Dans le présent cas, après que les représentants des parties eurent présenté des arguments de vive voix sur la question de la compétence, j'ai déterminé à l'audience que j'étais compétent pour déterminer si le processus énoncé dans la convention collective avait été suivi et s'il avait été contrevenu à l'article 40 de la convention collective.

10 La fonctionnaire s'estimant lésée était représentée par Paul Reniers, de l'IPFPC, pour les dates d'audience en 2006. M. Reniers a quitté les rangs de l'agent négociateur avant que les conclusions finales n'aient été présentées. Celles-ci devaient être présentées le 7 mars 2007. M. Fernando, le nouveau représentant de la fonctionnaire s'estimant lésée, n'était pas prêt à aller de l'avant à cette date et, malgré l'objection de l'employeur à un ajournement, la présentation des arguments a été ajournée de manière que des observations puissent être présentées par voie de téléconférence à une date que fixerait la Commission des relations de travail dans la fonction publique, et qui serait impérative pour l'agent négociateur. À la date de la demande d'ajournement, les deux parties ont convenu de présenter leurs observations par voie de téléconférence. Elles ont subséquemment convenu de reprendre l'affaire avec des observations orales, et la présentation des conclusions finales a été achevée le 24 mai 2007.

11 L'audition s'est déroulée sur une période de plusieurs mois. À la fin de la journée d'audience du 6 mai 2006, avec le consentement des parties, j'ai interdit à Doug Cline, gestionnaire de la recherche et technique pour le programme de RSDE, de communiquer avec la fonctionnaire s'estimant lésée au sujet de son témoignage dans le processus de règlement du grief en attendant la poursuite de l'audience. J'ai indiqué également que, si l'agent négociateur souhaitait présenter une autre demande en vue d'une interdiction de communication plus générale, il devait le faire conformément aux règles applicables. Puisque cela constituerait une mesure de redressement extraordinaire, si une telle demande était présentée, elle devrait être appuyée de textes faisant autorité. L’avocat de l'employeur s'est engagé à faire part de la directive à M. Cline. Après avoir formulé celle-ci, je n'ai été informé d'aucune autre difficulté entre la fonctionnaire s'estimant lésée et M. Cline.

12 J'ai examiné la preuve et je suis d'avis qu'il existe peu de raison de reprendre les perceptions divergentes des parties sur les nuances factuelles se rapportant au contenu de l'évaluation, puisque rien ne repose sur celles-ci. Je me suis retenu de formuler des commentaires détaillés sur la preuve de chaque partie relative au contenu des évaluations du rendement ou de répéter celle-ci. J'ai résumé la preuve plutôt que de reprendre l'ensemble des témoignages, dans la mesure nécessaire pour prendre une décision sur le « processus » et la question d'un manquement allégué à l'article 40 de la convention collective soulevé dans le grief. J'ai rendu une décision sur le présent grief sur un point de compétence.

II. Résumé de la preuve

13 La fonctionnaire s'estimant lésée et M. Cline ont témoigné. Il est ressorti de leurs témoignages qu'il y avait eu rupture des communications entre eux, mais il est difficile de déterminer à quel moment exactement cela s'est produit. Il semble que cela ait précédé le processus d'évaluation du rendement.

14 Partout dans la preuve, les deux parties ont soulevé de nombreuses objections sur la pertinence de certaines questions relativement au processus, ou se sont demandé si elles devaient simplement traiter du contenu de l'évaluation. De toute évidence, il peut être difficile d'établir cette distinction, et il y a lieu de le faire point par point. J'ai tenté de confiner mon résumé de la preuve aux questions se rapportant au processus, dont celle du manquement à l'article 40 de la convention collective, soulevée dans le cadre du présent grief.

15 À la fin de l'été de 1996, la fonctionnaire s'estimant lésée a été engagée à titre de consultante externe sur une base contractuelle pour étudier les demandes de crédits présentées par les contribuables dans le cadre du programme de RSDE. Elle était chargée d'évaluer les aspects scientifiques de ces demandes. Elle est devenue employée à temps plein le 19 janvier 1999. Quand elle s’est jointe à l’Agence, elle rendait des comptes au Dr Thomas Hu, qui assurait la supervision de toute la section scientifique.

16 L'examen des demandes en matière de RSDE compte deux volets. L'examen du volet scientifique est mené par le personnel de la section scientifique, comme la fonctionnaire s'estimant lésée, et l'examen du volet financier est mené par des employés dotés de compétences en matière financière. L'Agence est tenue de traiter les demandes qu'elle reçoit dans certains délais. Si la section financière consacre « trop de temps » à la demande, elle crée chez les employés de la section scientifique à la fois tension, stress et colère. Au moment où les événements dont il est question dans le présent grief se sont produits, tout porte à croire qu'une profonde tension existait au sein de l'organisation et que le moral des employés était bas.

17 Vers le mois de mars 2002, le poste de la fonctionnaire s'estimant lésée, qui avait été jusqu'alors classé PM-05, a été classé au groupe et au niveau CO-02.

18 En janvier 2002, la section a été soumise à une réorganisation interne et l’ordre hiérarchique de la fonctionnaire s’estimant lésée a changé. Plutôt que d’avoir le Dr Hu comme chef d'équipe, la fonctionnaire s’estimant lésée a commencé à rendre des comptes à M. Cline à partir du 2 janvier 2002, et l'a fait jusqu'au mois de juin 2003. Avant qu'il ne soit nommé gestionnaire de la recherche et technique, M. Cline avait été le collègue de la fonctionnaire s'estimant lésée et rendait lui aussi des comptes au Dr Hu. Le 28 janvier 2002, le Dr Hu a envoyé à tous ceux qui relevaient de lui un courriel indiquant qu'il devait effectuer les évaluations du rendement de tous les employés au plus tard le 31 décembre 2001, puisqu'il avait été mis fin à sa relation officielle (pièce G-2).

19 La fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré au cours de son témoignage qu'elle avait reçu une description de travail pour le poste CO-2 et qu'elle s'était posé certaines questions à cet égard. Elle a donc fait parvenir un courriel à son nouveau superviseur, M. Cline, le 25 mars 2002. Le 26 mars 2002, M. Cline a répondu à son courriel, lui demandant d'accuser réception de la description de travail et renvoyant aux [traduction] « Lignes directrices sur la gestion du rendement de l'employé de l'ARDC » (« les Lignes directrices »). Dans sa réponse, la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé où se trouvait le document, et M. Cline lui a fait parvenir un lien y donnant accès.

20 Les Lignes directrices forment un document de 32 pages qui contient un avant-propos et des annexes. Ce document précise à qui les lignes directrices s'appliquent et énonce des renseignements sur la manière d'appliquer la [traduction] « Politique de l'ARDC sur la gestion du rendement des employés » (page 1). Le document précise que la période d'évaluation va du 1er septembre au 31 août de chaque année et que le gestionnaire doit rédiger un rapport d'évaluation du rendement pour chaque employé au plus tard le 31 octobre de chaque année (page 3). Les gestionnaires doivent s'entretenir avec chacun des employés et chacune des équipes pour établir des objectifs et des critères d'évaluation (page 4). Ils doivent être conscients de leur responsabilité d'inclure les employés dans la phase d'évaluation (page 5). Le processus prévoit la tenue d'une rencontre officielle visant à discuter des attentes en matière de rendement, mais il prescrit également que les parties doivent communiquer régulièrement tout au long de la période d'évaluation (page 7). Les gestionnaires et les employés doivent faire en sorte que les critères de mesure du rendement décrivent les caractéristiques du rendement qui satisfont aux attentes ou les dépassent dans des termes précis et vérifiables (page 8). Les gestionnaires rédigent une évaluation du rendement dans laquelle ils donnent une cote globale et encouragent les employés à en faire de même. Le gestionnaire rencontre l'employé pour discuter de son rendement en fonction des attentes et l'invite à lui faire part de ses commentaires (page 12).

21 La convention collective ne mentionne pas expressément les Lignes directrices. Les Lignes directrices n'ont été signées ni par l'agent négociateur, ni par l'Agence. Elles semblent, à leur lecture, avoir été rédigées par la Division du renouvellement du personnel et de la gestion de carrière de l'Agence, Direction de la stratégie, politique et planification, Direction générale des RH. Rien n'indique que l'agent négociateur a participé à sa préparation.

22 La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné qu’elle ne savait trop quelles étaient exactement les attentes à l'égard de son rendement du 1er septembre 2001 au 31 août 2002, puisque les objectifs étaient imprécis.

23 Au cours de la période pertinente, la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé une mutation de manière à ne plus faire partie de l'équipe de M. Cline. Il semble qu'elle ait demandé cette mutation pour la première fois dans un courriel daté du 14 août 2002 (pièce G-11).

24 Au cours de l'été 2002, l'employeur a retenu les services d'un médiateur indépendant en milieu de travail, Michael Fogel, chargé de régler les difficultés au travail par la voie de la médiation. Les détails de cette médiation et les questions qui ont été abordées dans le cadre de celle-ci n'ont pas été versés en preuve dans la présente affaire.

25 Le 31 octobre 2002, M. Cline a envoyé un courriel à la fonctionnaire s'estimant lésée et y a joint un « rapport d'évaluation du rendement » pour la période se terminant le 30 septembre 2002, pour [traduction] « être conforme au reste de la région » (pièce G-8). M. Cline souhaitait la rencontrer pour mettre au point son évaluation du rendement. Je n'aborderai pas le contenu, mais je me contenterai de dire que le formulaire de l'employeur énonce les attentes en matière de rendement, y compris les objectifs, les critères de mesure du rendement et les compétences requises. Le formulaire énonce les quatre catégories suivantes aux fins de l'évaluation :

Dépasse - a dépassé la majorité des attentes en matière de rendement; a entrepris et mené à terme des projets additionnels.

Satisfait - a satisfait à la majorité des attentes en matière de rendement et a pu en dépasser certaines.

Ne satisfait pas - n'a pas satisfait à la majorité des attentes en matière de rendement; des améliorations sont nécessaires; doit faire l'objet d'une attention particulière.

Évaluation impossible - (par exemple, en congé prolongé).

26 Dans le rapport, M. Cline a dit du rendement de la fonctionnaire s'estimant lésée qu'il avait « satisfait aux attentes ». De manière générale, le rapport était positif, mais il faisait également état de certains domaines où des améliorations s'imposaient, notamment en ce qui concerne la relation de la fonctionnaire s'estimant lésée avec M. Cline. En contre-interrogatoire, M. Cline a confirmé qu'il avait entrepris l'évaluation tard, mais il a dit qu'il arrivait parfois que d'autres activités de gestion aient priorité sur l'évaluation.

27 La fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré que le document l'avait troublée au motif qu'il visait une période d'évaluation « écourtée », qu'il « venait à peine de lui être remis » et que l'on s'attendait simplement à ce qu'elle signe le document. Elle a déclaré que des objectifs différents avaient été en cause après le 31 août, qu'il était difficile de savoir ce que les lignes directrices étaient, ce qu'étaient les objectifs et « quoi d'autre changerait ». Elle a été contrariée par le rapport de rendement et estimait qu'il ne tenait pas compte du travail qu'elle avait effectué. Elle était préoccupée parce que son rendement était évalué sous un angle négatif, parce qu'elle était étonnée de ce rapport et parce qu'elle aurait dû être avertie, avoir une idée ou être invitée à une discussion avant que le contenu ne se rende jusqu'à son évaluation. Elle a indiqué qu'une lecture des Lignes directrices et de la définition de « dépasse », qui signifie « a dépassé la majorité des attentes et a entrepris et mené à terme des projets additionnels », ne lui avait pas permis de comprendre la manière dont le contenu de son évaluation du rendement avait été déterminé.

28 M. Cline s'est présenté au poste de travail de la fonctionnaire s'estimant lésée le 7 novembre 2002, vers 9 h, pour fixer une date aux fins de discuter de l'évaluation. La fonctionnaire s'estimant lésée lui a dit [traduction] « la semaine prochaine ou la semaine suivante » (pièce G-9).

29 La fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré dans son témoignage qu'elle n'était pas disposée à rencontrer M. Cline lorsqu'il était venu la voir à son poste de travail pour lui demander de fixer une date aux fins de l'évaluation. Elle a déclaré que le contenu de son rapport de rendement n'était pas ce à quoi elle s'attendait et qu'elle n'avait pas apprécié que M. Cline modifie la date de clôture de la période d'évaluation du 31 août au 30 septembre. Elle a ajouté qu'elle voulait comprendre comment il en était arrivé au contenu de son évaluation, vérifier les statistiques et trouver des documents citant des réalisations ou accomplissements. Elle souhaitait avoir une discussion avec lui après avoir recueilli tous les documents.

30 À la fin de la journée du 7 novembre 2002, la fonctionnaire s'estimant lésée a adressé un courriel à Salma Baloo, qui devait assumer le titre de directeur par intérim, lui réitérant sa demande de mutation à une autre équipe (pièce G-10).

31 La fonctionnaire s'estimant lésée a adressé un courriel à M. Cline le 12 novembre 2002, lui demandant si la période d'évaluation avait expiré le 31 août ou le 30 septembre, sans s'engager à le rencontrer pour discuter de l'évaluation du rendement (pièce G-13). M. Cline et la fonctionnaire s'estimant lésée ont discuté un peu également à son poste de travail. La fonctionnaire s'estimant lésée a pris des notes sur la discussion (pièce G-15). L'une des questions soulevées était la date de clôture de la période d'évaluation; a été abordée également la volonté de la fonctionnaire s'estimant lésée d'obtenir les données statistiques sur lesquelles M. Cline s'était fondé pour effectuer son évaluation.

32 Le 12 novembre 2002, M. Cline a remis à la fonctionnaire s'estimant lésée les données statistiques qu'il avait utilisées pour évaluer son rendement, des renseignements concernant la date de clôture de la période d'évaluation et une demande de rencontre le 21 ou le 22 novembre pour évaluer son rendement (pièce G-16). La fonctionnaire s'estimant lésée a répondu par courriel, accusant réception des renseignements, mais elle a indiqué qu'elle avait besoin d'une rencontre pour éclaircir certains points concernant les statistiques, les réalisations et les projets avant de poursuivre l'évaluation du rendement (pièce G-17).

33 Le 18 novembre 2002, Devinder Sekhon avait assumé le poste de directeur adjoint.

34 M. Cline a passé en revue les statistiques et les attentes avec la fonctionnaire s'estimant lésée lors d'une rencontre tenue le 19 novembre 2002. La fonctionnaire s'estimant lésée a là encore pris des notes sur le déroulement de la rencontre (pièce G-18). Entre autres choses, les deux interlocuteurs ont discuté des statistiques, et la fonctionnaire s'estimant lésée a dit qu'elle rédigerait une autoévaluation. Au cours de cette même rencontre, la fonctionnaire s’estimant lésée a allégué que M. Cline avait malicieusement agi de manière discriminatoire à son égard dans l'évaluation du rendement parce qu'elle avait demandé de quitter son équipe.

35 Le 20 novembre 2002, la fonctionnaire s'estimant lésée a envoyé un courriel à un employé des RH pour savoir si les Lignes directrices étaient encore en vigueur et pour déterminer la date de clôture de la période d'évaluation (pièce G-19). Le 20 novembre 2002, elle a envoyé à M. Cline également un courriel dans lequel elle a indiqué qu'elle rédigerait puis lui remettrait une autoévaluation (pièce G-20).

36 Le 22 novembre 2002, M. Cline a confirmé qu'il modifierait la date de clôture de la période d'évaluation — la date du 30 septembre initialement présentée serait remplacée par le 31 août 2002. Cela ressort du témoignage rendu par la fonctionnaire s'estimant lésée, de celui de M. Cline et de l'examen des notes prises par la fonctionnaire s'estimant lésée lors d'une discussion qui a eu lieu à son poste de travail le 22 novembre 2002 (pièce G-21). En contre-interrogatoire, M. Cline a confirmé que cela représente une différence de plus de 10 % au niveau de la durée de la période d'évaluation et que cela pourrait entraîner un changement au niveau des statistiques sur la production de dossiers, mais il savait que la production de dossiers par la fonctionnaire s'estimant lésée était bonne, de sorte que cette question ne posait aucune difficulté dans son évaluation. À la date à laquelle M. Cline a préparé le document initial d'évaluation du rendement, il croyait que les Lignes directrices avaient été révisées et il a témoigné que celles-ci avaient fait l'objet d'une révision en bonne et due forme au cours de l'année suivante. Il a témoigné également qu'à la date à laquelle il a préparé le document initial d'évaluation, il avait cru que la période d'évaluation prenait fin le 30 septembre de chaque année.

37 Le 29 novembre 2002, la fonctionnaire s'estimant lésée a fait parvenir à M. Cline, par courriel, une autoévaluation de son rendement (pièce G-22). Elle a dit de son rendement qu'il avait « dépassé les attentes ». Elle a envoyé le message suivant par courriel à M. Cline le 3 décembre 2002 (pièce G-23) :

[Traduction]

[…]

Bien que je n'aie obtenu aucune réponse de votre part à l'un ou l'autre des deux courriels que je vous ai adressés, qui sont tous deux joints aux présentes, j'espère que nous faisons des progrès en vue d'une résolution satisfaisante pour nous deux sur le contenu de mon évaluation du rendement pour la période qui se termine le 31 août 2002, et dont vous m'avez fait parvenir une version provisoire dans un courriel daté du 31 octobre 2002.

Je tente de résoudre nos différends sans recourir au processus officiel de règlement des griefs et je crois comprendre que les discussions et les rencontres que nous avons eues et que, je l'espère, nous continuerons d'avoir sur cette question, sont pertinentes relativement à la stipulation 34.01 de la convention collective de l'IPFPC.

Si cela vous convient, veuillez m'en informer. Merci.

[…]

38 Le renvoi par la fonctionnaire s'estimant lésée à la stipulation 34.01 de la convention collective est un renvoi à la renonciation par l'employeur aux exigences en matière de délai pour le dépôt d'un grief.

39 M. Cline a remis à la fonctionnaire s'estimant lésée une évaluation du rendement révisée dans un courriel daté du 12 décembre 2002 (pièce G-26). En contre-interrogatoire, M. Cline a admis qu'il avait eu l'intention de fixer la période d'évaluation au 31 août, ce qu'il a fait, mais il a ajouté qu'il avait probablement oublié de fixer la nouvelle date de clôture de la période de supervision au 31 août. Il a demandé également une rencontre avec la fonctionnaire s'estimant lésée le 16 décembre 2002 à 13 h et qu’elle confirme sa présence par courrielh, et lui a demandé de confirmer sa présence par courriel. L'évaluation est demeurée la suivante : « satisfait aux attentes. L’évaluation est demeurée « satisfait aux attentes ». Les commentaires de M. Cline sur le rapport d'évaluation du rendement modifié sont formulés en partie dans les termes suivants :

[Traduction]

[…]

Il se pose des problèmes au chapitre des communications entre Mme Spacek et moi-même. Ainsi, certaines rencontres en personne et certains courriels ont eu des conséquences négatives sur notre relation de travail. Nous travaillons activement à ce problème. Mme Spacek a fait preuve d'une volonté de discuter et de participer à la résolution de celui-ci.

[…]

40 La fonctionnaire s'estimant lésée a réitéré sa demande de mutation à l'extérieur de l'équipe de M. Cline dans un courriel qu'elle a adressé à M. Sekhon le 16 décembre 2002 (pièce G-27). Plus tard le même jour, elle a eu avec M. Sekhon une discussion au cours de laquelle elle a mentionné qu'elle souhaitait changer d'équipe; ses notes contiennent un résumé de cette discussion (pièce G-28).

41 M. Cline a tenté d'organiser une rencontre avec la fonctionnaire s'estimant lésée le 16 décembre 2002, pour examiner son évaluation du rendement et signer le document. La fonctionnaire s'estimant lésée a fait parvenir à M. Cline un courriel daté du 16 décembre 2002 (pièce G-29), dans lequel elle a fait part de son refus de le rencontrer, indiquant qu'elle ignorait quel était l'objet de la rencontre et affirmant qu'elle n'avait obtenu aucune réponse écrite à ses courriels antérieurs contenant la version provisoire de son autoévaluation. Elle a déclaré qu'elle prenait un congé pour stress jusqu'après le congé de Noël. Elle a demandé également la tenue d'un « processus de négociation raisonnée » pour clarifier et résoudre leurs difficultés en matière de communications. Aucune rencontre n'a eu lieu pour discuter du rapport de rendement de la fonctionnaire s'estimant lésée.

42 Le 16 décembre 2002, M. Cline a fait parvenir la réponse suivante :

[Traduction]

[…]

Je crois savoir que vous avez reçu, le 12 novembre 2002, une évaluation du rendement préliminaire dont nous avons discuté le 18 novembre 2002. Au cours de cette rencontre, vous avez indiqué votre désaccord avec certains points et avec la cote accordée en général, selon laquelle vous avez « satisfait » aux attentes plutôt que de les « dépasser ». Vous m'avez remis une autoévaluation le 29 novembre 2002. Le 12 décembre 2002, je vous ai fait parvenir une version révisée et vous ai fait part de mon désir de tenir une rencontre le 16 décembre 2002 pour discuter de l'évaluation révisée du rendement. Vous avez indiqué par courriel ce matin que vous ne savez pas encore très bien quel est l'objet de la rencontre d'aujourd'hui. Elle vise à mettre au point votre évaluation du rendement pour cette période. Vous avez le choix de signer cette évaluation ou non, d'y ajouter vos commentaires ou non et, bien entendu, de contester le document par la voie de la procédure de règlement des griefs. J'ai examiné votre autoévaluation et pris en considération notre conversation avant de rédiger l'évaluation révisée du rendement. Je crois que cette dernière rend compte avec justesse et exactitude de votre rendement au cours de cette période. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une question devant faire l'objet d'une rencontre facilitée. Je vous demanderais donc de prendre une décision sur les renseignements dont vous disposez et de m'indiquer votre volonté ou non de me rencontrer pour mettre l'évaluation au point. Vous avez bien précisé à plusieurs occasions que vous étiez stressée. J'estime sincèrement que le fait de régler des questions comme celle de votre évaluation du rendement, plutôt que de reporter le processus jusqu'après Noël, permettra de réduire votre niveau de stress. Nous sommes d'accord sur le fait que, dans l'ensemble, votre rendement est satisfaisant, et qu’il existe des difficultés de communication. Vous m'avez demandé d'indiquer que votre rendement dans l'ensemble « dépasse » les attentes, ce que je ne crois pas justifié. Je suis disposé à poursuivre les discussions/rencontres facilitées sur la résolution du problème de communication, mais je ne crois pas que les discussions actuelles ou à venir puissent influer de quelque manière que ce soit sur l'évaluation du rendement pour la période du 1er janvier au 31 août 2002. J'aimerais recevoir une réponse aujourd'hui.

[…]

43 Au cours du témoignage qu'il a donné de vive voix, M. Cline a déclaré qu'il tentait d'obtenir la résolution du processus d'évaluation du rendement en cours, tout en laissant la porte ouverte à la résolution de tout problème de communication par la voie de la médiation.

44 Le 16 décembre 2002, M. Cline, la fonctionnaire s'estimant lésée et M. Sekhon se sont rencontrés, ont discuté et se sont mis d'accord pour traiter des questions des communications et de l'évaluation du rendement par la voie de la médiation. En contre-interrogatoire, M. Cline a indiqué qu'il ne croyait pas que la médiation soit nécessaire concernant l'évaluation du rendement, mais qu'une telle voie serait utile relativement aux questions de communication, et qu'ils pourraient ensuite achever l'évaluation du rendement.

45 Depuis le 16 décembre 2002, les parties ont échangé de nombreux courriels. La fonctionnaire s'estimant lésée n'a jamais accepté de rencontrer M. Cline pour discuter de l'évaluation du rendement.

46 Le 13 janvier 2003, la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé à M. Cline une copie signée de l'évaluation du rendement (pièce G-32). Ils ont discuté plus amplement de la médiation au travail. Le 24 janvier 2003, la séance de médiation prévue du 27 au 29 janvier 2003 a été remise par le médiateur, Scott Prior, qui a expliqué dans un courriel adressé à la fonctionnaire s'estimant lésée et à M. Cline les raisons de la remise (pièce G-39). Il a fait mention de certaines questions relatives au consentement à la médiation et de l'existence d'un appui au cours du processus préalable à la médiation et du processus de médiation. Il a aussi dit croire qu'aucune des deux parties n'était prête à aller de l'avant à ce moment-là. M. Cline a indiqué que la médiation n'avait pas eu lieu parce qu'il semblait n'y avoir eu aucune entente sur la ou les personnes qui seraient autorisées à y prendre part et sur les questions qui y seraient abordées, et parce qu'il semblait être difficile de trouver un médiateur disponible.

47 Il est clair qu'au plus tard le 30 janvier 2003 (pièce G-39), M. Cline souhaitait traiter des questions de communication séparément des questions touchant l'évaluation du rendement et qu'il n'était pas disposé à soumettre son évaluation du rendement de la fonctionnaire s'estimant lésée à la médiation. En contre-interrogatoire, M. Cline a déclaré qu'il estimait que la médiation sur une évaluation du rendement contribuerait à compliquer excessivement un processus simple, et que les Lignes directrices prévoyaient suffisamment de moyens de traiter des questions relatives à l'évaluation du rendement.

48 Après que d'autres courriels eurent été échangés, M. Cline a fourni une évaluation du rendement qu'il a signée et à l'égard de laquelle la fonctionnaire s'estimant lésée a formulé des commentaires. Aucune rencontre n'a eu lieu en personne entre M. Cline et la fonctionnaire s'estimant lésée. M. Cline souhaitait la tenue d'une telle rencontre pour discuter avec la fonctionnaire s'estimant lésée de l'évaluation, du plan d'apprentissage autonome et des attentes en matière de rendement du cycle suivant. Il a indiqué qu'il avait consulté Sheila Penny, une conseillère en RH, le 14 mars 2003, et qu'il avait par la suite proposé la tenue d'une rencontre le 20 mars 2003, à 15 h, pour achever l'évaluation du rendement. M. Cline n'ayant obtenu aucune réponse par courriel de la fonctionnaire s'estimant lésée, il s'est présenté à son poste de travail le 20 mars 2003 vers 15 h. La fonctionnaire s'estimant lésée avait apparemment refusé de le rencontrer à 10 h 30 le même jour. Elle a pris des notes de la conversation qui s'est déroulée à son poste de travail (pièce G-43).

49 Le 20 mars 2003, à 17 h 18 (pièce G-44), la fonctionnaire s'estimant lésée a exigé une copie signée de l'évaluation du rendement et indiqué qu'elle l'examinerait, qu'elle y ajouterait ses commentaires et qu'elle la signerait. Elle a indiqué qu'elle n'était pas disposée à rencontrer M. Cline seule, sans la présence d'un représentant. Elle a notamment dit ceci dans son courriel :

[Traduction]

[…]

En raison du stress que notre relation continue de me causer, de la crainte d'être intimidée (comme ce fut le cas lors de notre rencontre cet après-midi à 15 h), et de la possibilité que mes commentaires soient mal interprétés, j'en arrive à la conclusion qu'une rencontre en tête-à-tête ne serait dans l'intérêt de personne. Si vous insistez pour que nous nous rencontrions, alors j'insiste pour qu'un représentant de mon choix soit présent.

[…]

50 M. Cline a remis à la fonctionnaire s'estimant lésée une copie signée de son évaluation du rendement le 21 mars 2003. Après avoir fait parvenir des courriels à M. Cline le 27 mars (pièce G-48) et le 28 mars 2003 (pièce G-49), la fonctionnaire s'estimant lésée a signé l'évaluation du rendement et la lui a remise, ainsi que sa propre autoévaluation, le 1er avril 2003.

51 M. Cline a déclaré que les Lignes directrices constituent l'un des moyens dont disposent les gestionnaires et les employés pour fixer des attentes sur la manière dont le processus de gestion du rendement se déroule. Ce processus est lié à la description de travail d'un poste et aux compétences dont il est assorti ainsi qu'au plan d'apprentissage de l'employé en cause. M. Cline a déclaré que les critères mesurables d'évaluation du rendement sont notamment les directives sur le traitement, le guide sur les règles d'éthique et la conduite et la description de travail. Il a précisé que, bien qu'une rétroaction continue soit donnée tout au long de l'année, il est important d'évaluer formellement le rendement une fois par année.

52 La fonctionnaire s'estimant lésée se plaint du fait, principalement, que la différence entre la cote « satisfait » et la cote « dépasse » ne lui a pas été expliquée clairement et qu'elle n'est en fait expliquée qu'au moment de l'évaluation. Elle a cru qu'elle méritait une cote selon laquelle elle avait « dépassé » les attentes parce qu'elle avait effectué 12 examens techniques et 13 examens de projets préalables à une demande, qu'elle avait ajouté huit nouveaux comptes exécutifs, que c'est elle qui en comptait le nombre le plus élevé, qu'elle avait fourni des services à la clientèle dans 216 cas, qu'elle avait dépassé les objectifs en matière de délais, et qu'elle avait mené six projets supplémentaires qui ne relevaient pas de sa description de travail. La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle avait trouvé stressant de traiter avec M. Cline au jour le jour. Elle a déclaré qu'elle avait trouvé le processus d'évaluation du rendement menaçant, mais elle a admis que M. Cline ne l'avait pas menacée au cours de ce processus.

53 En contre-interrogatoire, la fonctionnaire s'estimant lésée a admis qu'il appartenait au gestionnaire d'évaluer le rendement de l'employé. Elle a admis également qu'il était parfois possible qu'un employé ne soit pas d'accord avec l'évaluation faite par un gestionnaire. Dans de tels cas, l'employé dispose de divers recours, comme le dépôt d'un grief ou la tenue d'une discussion ou d'une rencontre avec le gestionnaire. Elle a admis que M. Cline avait reçu son autoévaluation et qu'il avait incorporé certains des commentaires qu'elle avait formulés. Elle a eu la possibilité de présenter des commentaires. Elle a admis également qu'elle n'avait jamais obtenu une évaluation « dépasse les attentes » au cours des années qu'elle avait passées au sein de l'Agence.

54 Lors de son interrogatoire principal, la fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré qu'elle ne comprenait pas la différence entre les cotes « satisfait » et « dépasse » mais, en contre-interrogatoire, elle a indiqué qu'elle ne s'était pas adressée à M. Cline pour obtenir des précisions à cet égard. Elle a été invitée à expliquer la raison pour laquelle elle n'avait pas consulté M. Cline si elle ne comprenait pas bien les cotes, ce à quoi elle a répondu qu'elle ne se rappelait pas. En contre-interrogatoire, elle a admis que M. Cline avait modifié son évaluation finale après avoir reçu son autoévaluation. Les modifications n'ont cependant pas répondu à ses attentes.

55 M. Cline a déclaré au cours de son témoignage qu'en 2001, l'Agence avait adopté une méthode d'évaluation des habiletés fondée sur les compétences. Il a indiqué qu'aucun des employés n'avait reçu une évaluation selon laquelle il avait « dépassé »les attentes au cours de la période d'évaluation. Presque tous relevaient de la catégorie des employés ayant « satisfait » aux attentes. M. Cline a ajouté qu'il existe un comité d'examen qui passe en revue les évaluations à la demande des employés. Il a déclaré qu'il fallait habituellement deux mois pour achever un processus d'évaluation. C'était son premier cycle d'évaluation à titre de gestionnaire, bien qu'il ait participé à de nombreuses évaluations à titre d'employé. Il a mentionné que le processus d'évaluation du rendement n'est habituellement pas un processus soumis à la médiation, mais qu'un gestionnaire peut recourir à des techniques de négociation raisonnée pour dissiper des désaccords sur le contenu du rapport. Cela est conforme aux Lignes directrices(page 17).

56 M. Cline a témoigné que lui et la fonctionnaire s'estimant lésée éprouvaient des problèmes de communication qui n'avaient rien à voir avec le processus d'évaluation du rendement. Il était disposé à recourir à la médiation pour régler ces problèmes, mais pas aux fins de l'évaluation du rendement.

57 M. Cline a admis que le projet d'évaluation du rendement qu'il avait fait parvenir à la fonctionnaire s'estimant lésée le 31 octobre 2002 visait la période prenant fin le 30 septembre 2002. Il a confirmé que la fonctionnaire s'estimant lésée lui avait dit que cette période aurait dû se terminer à la fin du mois d'août. Il s'est adressé à d'autres gestionnaires pour obtenir des précisions à cet égard et, au mois de novembre 2002, il a révisé la période de l'évaluation du rendement pour qu'elle se termine en août. M. Cline a indiqué que lorsqu'il a reçu l'autoévaluation de la fonctionnaire s'estimant lésée le 29 novembre ou vers cette date, il a été étonné du contenu et il n'a pu souscrire à son évaluation, selon laquelle elle avait dépassé les attentes. Après avoir reçu cette autoévaluation, il a modifié le contenu de l'évaluation qu'il avait préparée, mais pas la conclusion selon laquelle la fonctionnaire s'estimant lésée avait répondu aux attentes

58 M. Cline a mentionné que vers la fin du processus, la fonctionnaire s'estimant lésée avait refusé de le rencontrer en l'absence d'un représentant. Il a indiqué qu'ils ne se faisaient pas suffisamment confiance pour se parler. Il a affirmé que la plupart des évaluations du rendement prennent la forme d'une « conversation » tenue au cours d'une rencontre en personne où certaines questions sont abordées. Il a déclaré que la fonctionnaire s'estimant lésée avait accès à son horaire et qu'elle avait réussi à éviter une rencontre en personne avec lui au sujet de son rendement. À la fin, il lui avait simplement remis un document signé, qu'elle lui avait retourné. En dépit de ses efforts en ce sens, il n'avait pas eu de rencontre avec la fonctionnaire s'estimant lésée ni de conversation avec elle au sujet de son rendement. Il a indiqué qu'il avait tenté de la rencontrer à 10 ou 12 reprises. Il a ajouté qu'il [traduction] « serait très anormal » de tenir un processus de médiation en bonne et due forme pour effectuer une évaluation du rendement. M. Cline s'est dit d'avis que la fonctionnaire s'estimant lésée avait adopté un comportement se rapprochant de l'insubordination dans son refus de le rencontrer.

59 M. Cline a déclaré dans son témoignage que, dans le cadre d'un cycle « normal » d'évaluation avec la plupart des membres d'une équipe, il rédigeait une évaluation du rendement, en faisait parvenir le texte par courriel aux employés visés, prenait des dispositions pour discuter avec eux, discutait ensuite avec eux de leur plan d'apprentissage individuel et des attentes à venir au chapitre de leur rendement, puis approuvait en signant les rapports de rendement. Il a affirmé que le dialogue est possible et qu'il est possible également de discuter, voire même  de réviser le rapport de rendement au cours d'une rencontre en personne. M. Cline a déclaré que, normalement, les employés qui reçoivent une évaluation « ne satisfait pas » aux attentes le savent avant l'évaluation du rendement, en raison de la rétroaction qui est donnée tout au long de l'année. M. Cline a témoigné qu'un processus ordinaire d'évaluation du rendement prend deux mois. Dans le cas de la fonctionnaire s'estimant lésée, il lui a fait parvenir le rapport d'évaluation du rendement le 31 octobre 2002, et elle a signé le document le 1er avril 2003. Ce processus n'a pas inclus de rencontre en personne au cours de laquelle le plan d'apprentissage de l'employée, les attentes à venir au chapitre de son rendement et les rapports d'évaluation du rendement auraient été approuvés.

60 M. Cline a indiqué que les employés qui dépassent les attentes sont identifiés au cours de rencontres de la direction grâce au processus de rétroaction continue. Il a ajouté qu'il avait cru comprendre que les employés qui « dépassent » les attentes ont un rendement exceptionnel, sensiblement meilleur que les employés qui y « satisfont ». Il a précisé que la catégorie dont relèvent les employés a rarement des conséquences sur la paie, à moins que la personne ne réponde pas aux attentes alors qu'elle a droit à une augmentation d'échelon. M. Cline a indiqué que la cote « dépasse les attentes » est restreinte à une catégorie très exclusive d'employés qui sont toujours [traduction] « en action » et [traduction] « qui en font plus que ce qu'ils sont tenus de faire ». M. Cline a déclaré que les attentes en matière de rendement énoncées dans le rapport de rendement sont génériques, qu'elles s'appliquent à tous les conseillers - recherche et technologie et qu'elles sont négociées entre ces derniers et leurs gestionnaires, en collaboration. Les attentes en matière de rendement sont contenues dans un document approuvé au début du cycle d'évaluation du rendement, habituellement à la rencontre au cours de laquelle on évalue le rendement pour le cycle précédent.

61 Bien qu'il estime avoir fourni tous les efforts nécessaires aux fins du processus, M. Cline a indiqué qu'il estimait avoir échoué dans le processus d'évaluation du rendement de la fonctionnaire s'estimant lésée parce qu'ils ont été incapables d'avoir une conversation en tête-à-tête. M. Cline a senti que la fonctionnaire s'estimant lésée ne souhaitait pas avoir de conversation avec lui. Lorsqu'il était nécessaire de communiquer verbalement, elle voulait le faire en la présence d'un témoin. Elle a insisté également pour que les communications se fassent par la voie de courriels plutôt qu'en personne. Il a indiqué qu'il avait réussi à avoir une discussion avec tous les autres membres de son équipe. À la fin, par suite de l'opinion qu'il avait obtenue auprès des RH et de M. Sekhon, il a achevé le processus documentaire pour se conformer à la convention collective, mais il a jugé le processus insatisfaisant.

62 M. Cline a indiqué que l'employé mécontent d'une évaluation peut déposer un grief dans un délai de 14 jours, demander les commentaires du gestionnaire ou s'adresser à un comité d'examen.

III. Résumé de l'argumentation

A.  Pour la fonctionnaire s'estimant lésée

63 Dans ses déclarations préliminaires à l'audience, M. Reniers a indiqué qu'il s'agissait d'un cas où le processus d'évaluation du rendement est devenu [traduction] « un champ de bataille entre les deux parties, et l'une des batailles les opposant tout au long de cette période ». Il a dit de cette bataille qu'elle opposait la détermination de M. Cline d'affirmer son autorité et la volonté de la fonctionnaire s'estimant lésée d'être traitée de manière équitable et avec considération. Il en est résulté un processus d'évaluation du rendement qui s'est prolongé, qui s'est parfois révélé tumultueux et dont la complexité s'est accrue du fait de profondes tensions au travail. M. Reniers a indiqué qu'il avait l'intention de démontrer que les événements en cause dans le processus avaient été profondément influencés par d'autres problèmes au travail.

64 Je remarque que, dans ses déclarations préliminaires, la fonctionnaire s'estimant lésée allègue que le délai qui s'est écoulé aux fins d'achever l'évaluation soulevait une « question d'application de la loi ».

65 La fonctionnaire s'estimant lésée a fait valoir que les questions d'arbitrabilité du grief sont liées au bien-fondé de celui-ci et qu'elles [traduction] « se fondent les unes dans les autres ». Elle a affirmé que les Lignes directrices ont été incorporées à la convention collective et que l'Agence a contrevenu à l'article 40 de la convention collective. La convention collective n'envisage pas simplement le formulaire qu'il faut remplir et remettre à l'employé. Si c'est le cas, alors le terme « shall » dans le texte anglais de la stipulation 40.02 de la convention collective suppose que l'obligation de l'employeur est impérative, qu'elle n'est pas subjective, et qu'elle peut donner lieu à une révision. L'argument central de la fonctionnaire s'estimant lésée est que les critères de mesure du rendement doivent être utilisés de manière neutre et indépendante dans l'évaluation par l'employeur de son travail.

66 La fonctionnaire s'estimant lésée a fait valoir qu'il avait été contrevenu aux Lignes directrices, puisque l'employeur ne l'a jamais informée des objectifs et des critères de mesure du rendement. Elle ignorait comment son rendement au travail serait évalué. Elle a dit que l'employeur avait contrevenu à la convention collective parce qu'il n'y avait aucune preuve qu'il avait consulté les employés et les équipes pour établir des objectifs. À la page 8 des Lignes directrices, les critères décrivent le rendement qui répond aux attentes ou qui les dépasse. La fonctionnaire s'estimant lésée a été incapable de déterminer pour elle-même si l'employeur avait appliqué correctement les Lignes directrices et les définitions applicables aux fins de déterminer si son rendement avait répondu aux attentes ou s'il avait dépassé celles-ci. Comme la fonctionnaire s'estimant lésée ignorait quels étaient les objectifs, elle me demande de conclure qu'il a été contrevenu aux Lignes directrices et à la convention collective et que l'évaluation du rendement est « nulle et non avenue ». Ainsi que le représentant de la fonctionnaire s'estimant lésée l'a affirmé, [traduction] « l'arbre empoisonné ne peut donner de bons fruits ». L'arbre au complet était empoisonné lorsque l'employeur a contrevenu aux Lignes directrices, et la fonctionnaire s'estimant lésée affirme que [traduction] « ses produits, quels qu'ils soient, étaient illégitimes ».

67 La fonctionnaire s'estimant lésée a invoqué Johnson c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-17560 et 17561 (19880901), pour faire valoir qu'un employeur est tenu de suivre les lignes directrices qu'il publie si elles sont raisonnables. La fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré que la convention collective accorde à l'employeur toute la latitude requise pour établir les critères de mesure du rendement et que, dès que les critères sont établis, ils ont la valeur et l'effet d'une convention collective. L'employeur ne satisfait pas à son obligation d'établir des critères simplement en les publiant. Il doit les utiliser au moment d'évaluer le rendement, sinon, le droit prévu à la stipulation 40.02b) de la convention collective perd tout son sens : Purolator Courier Ltd. v. Teamsters Local Union 91, [2004] C.L.A.D. No. 65 (QL). Si l'obligation énoncée à la stipulation 40.02b) ne consistait qu'à fournir des critères à la fonctionnaire s'estimant lésée, et non pas à les utiliser au moment d'évaluer son rendement, le droit énoncé dans la convention collective entraînerait un résultat absurde. L'arbitre de grief devrait interpréter l’entente de manière à éviter ce résultat absurde : Billet c. Conseil du Trésor (ministère des Anciens combattants), 2006 CRTFP 28. Si l'obligation consistait simplement à remettre les Lignes directrices, l'employeur pourrait y satisfaire en remettant un ouvrage sur le tressage de paniers. Une convention collective devrait être interprétée à la lumière du contexte et de l'intention des parties : Dominion Colour Corp. v. Teamsters Chemical, Energy & Allied Workers, Local 1880 (1998), 75 L.A.C. (4th) 364. Aborder le problème « sous l'angle de l'intention et de l'objet » fait en sorte que le contexte dans le présent cas tient au fait qu'une évaluation du rendement serait préparée, et que l'employé doit connaître la norme au moyen de laquelle son rendement est évalué pour que la convention collective ait toute sa force et tout son effet.

68 Chaque stipulation d'une convention collective doit reposer sur une intention et un objet : Rusk c. Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord Canada), dossier de la CRTFP 166-02-16586 (19881114), et Buchmann c. Conseil du Trésor (Agence des douanes et du revenu du Canada), 2002 PSSRB 14. L'objet de la stipulation 40.02b) de la convention collective ne consiste pas simplement à contraindre l'employeur à remettre un document à l'employé, mais également à faire en sorte que l'employé puisse comprendre le processus de manière que celui-ci soit juste et objectif. Bien que, dans l'évaluation du rendement, il ait été indiqué que la fonctionnaire s'estimant lésée avait satisfait aux attentes, certaines parties de l'évaluation indiquaient qu'elle les avait dépassées. Elle recherchait l'excellence dans son travail et avait le droit de savoir ce qu'elle devait faire pour atteindre celle-ci. Elle a été frustrée dans sa tentative, puisque l'employeur a contrevenu aux Lignes directrices.

B. Pour l'employeur

69 L'Agence a fait valoir que le grief compte deux volets : d'une part, que l'évaluation du rendement ne rend pas compte avec exactitude du rendement de la fonctionnaire s'estimant lésée et, d'autre part, que le processus d'évaluation du rendement n'a pas été mené conformément aux Lignes directrices, qui sont incorporées par renvoi à la convention collective. La fonctionnaire s'estimant lésée a demandé notamment sa mutation à une autre unité et la modification de son évaluation du rendement à sa satisfaction.

70 L'arbitre de grief n'est ni habilité à modifier le contenu d'une évaluation du rendement aux termes de l'alinéa 91(1)a) de l'ancienne Loi, ni compétent pour le faire : Ahad et al. c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), dossiers de la CRTFP 166-02-15840, 16038 et 16233 (19870126). L'arbitre de grief ne peut exercer sa compétence que s'il conclut à la prise d'une mesure disciplinaire déguisée ou à l'existence d'une mauvaise foi, et il ne peut ordinairement prendre la place d'un employeur pour déterminer le rendement d'un employé : Veilleux c. Conseil du Trésor (Commission de la fonction publique), dossier de la CRTFP 166-02-11370 (19820729). L'Agence a fait valoir que la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas allégué l'existence de quelque mesure disciplinaire déguisée que ce soit, de sorte que je n’ai pas la compétence pour me pencher sur sa demande.

71 La prétention d'un employé suivant laquelle le contenu d'une évaluation du rendement ne fait pas état de son véritable rendement ne peut faire l'objet d'un grief arbitrable à moins que la convention collective ne confère expressément ce droit à l'employé : Largess c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-17666 et 17667 (19881207).

72 L'article 40 de la convention collective ne confère à aucun employé le droit de renvoyer un grief à l'arbitrage de grief et à l'examen par l'arbitre de grief du contenu d'une évaluation du rendement à moins qu'il n'y ait mauvaise foi : Bahniuk c. Agence du revenu du Canada, 2005 CRTFP 177, et Ball c. Agence du revenu du Canada, 2007 CRTFP 12.

73 Si l'arbitre de grief conclut qu'il a la compétence pour examiner l'évaluation du rendement de la fonctionnaire s'estimant lésée, cette dernière a la charge d'établir qu'il a été contrevenu à l'article 40 de la convention collective. Il ressort clairement de chaque stipulation de l'article 40 qu'il n'y a aucune preuve appuyant l'existence de quelque manquement que ce soit à la convention collective. La stipulation 40.01a) prescrit que l'évaluation est effectuée au cours d'une période déterminée. Aux termes de la stipulation 40.01b), l'évaluation est consignée par l’employeur sur la formule qu’il a prescrite (pièce E-3). La fonctionnaire s'estimant lésée a obtenu la formule d'évaluation ainsi que le prescrit la stipulation 40.01b). Il n'y aucune preuve d'un manquement à la stipulation 40.02, puisque M. Cline a fourni à la fonctionnaire s'estimant lésée un lien Internet aux lignes directrices sur l'évaluation du rendement. La pièce E-3 indique qu'il n'y a pas eu manquement à la stipulation 40.03. La fonctionnaire s'estimant lésée a obtenu la formule et la possibilité de la signer. L'évaluation a été effectuée par un superviseur qui l'avait supervisée pendant plus de la moitié de la période d'évaluation.

74 Les stipulations 40.02a) et b) de la convention collective énoncent une obligation simple pour l'employeur de faire en sorte que la personne qui est chargée d'effectuer l'évaluation remette à l'employé la formule en question ainsi que des directives sur la manière de remplir celle-ci pour qu'il n'y ait aucune surprise pour l'employé. La stipulation 40.02 n'oblige pas l'employeur à suivre ou à respecter les Lignes directrices; il doit faire son possible, mais cette question ne peut faire l'objet d'un grief arbitrable.

75 La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué que les Lignes directrices sont incorporées par renvoi à la convention collective, mais ce n'est pas le cas. Elles sont de simples lignes directrices qui sont remises aux gestionnaires et aux employés pour les aider à comprendre le processus. Il s'agit d'un document que l'employeur a unilatéralement préparé, sans consulter l'agent négociateur.

76 La jurisprudence établit clairement que ces documents, promulgués par l'employeur unilatéralement et sans consulter l'agent négociateur, ne sont pas incorporés par renvoi à la convention collective. Ainsi qu'on peut le lire dans l'ouvrage de Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 3e édition, 2006,au paragr. 4:1230 :

[Traduction]

Pour qu'un document accessoire fasse partie de la convention collective, les parties doivent souhaiter qu'il en fasse partie, et il doit satisfaire aux exigences de forme d'une convention collective, ou y être incorporé par renvoi.

Bien qu'il puisse y avoir des circonstances dans lesquelles de tels documents ne font pas partie de la convention collective au motif qu'ils ne satisfont pas aux exigences de forme, plus couramment la question de savoir si un document est incorporé à l’entente dépend de l'intention des parties. Aux fins de répondre à cette question, les arbitres ont indiqué que les documents accessoires ne devraient être incorporés par renvoi que dans les cas où cette intention est clairement exprimée.

[Notes en bas de page omises]

77 L'employeur a fait valoir que la convention collective ne renvoie pas clairement aux Lignes directrices et que celles-ci ne renvoient pas à une entente visant à les incorporer dans les modalités de la convention collective. L'on ne peut supposer qu'un document écrit, créé subséquemment, est automatiquement incorporé dans la convention collective. Il doit être expressément signé et mentionné soit dans la convention collective, soit dans le document lui-même; sinon, il en résulterait un chaos sur le plan des relations du travail et une incertitude sur le contenu de l'entente conclue entre l'employeur et l'agent négociateur.

78 Il en résulterait un chaos dans le monde des relations du travail si tous les documents que l'employeur a créés unilatéralement faisaient partie de la convention collective sans l’intention réciproque des deux parties, laquelle pourrait être exprimée par voie d'un document signé ou d'une déclaration dans un document signé confirmant l'incorporation par renvoi.

79 L'employeur s'est fondé sur Corning Glassworks of Canada Ltd. v. American Flint Glass Workers Union (1981), 29 L.A.C. (2d) 195. Il doit exister une intention d'incorporer un document dans les modalités de la convention collective. Cette intention peut être exprimée dans un document écrit, signé par les deux parties. Ainsi que l'arbitre l'a dit aux pages 199 et 200 :

[Traduction]

[…]

L'avocat du syndicat a fait valoir que le professeur Christie avait affirmé à tort que les deux parties doivent signer le document complémentaire avant qu'il ne soit considéré comme faisant partie de la convention collective. Il a soutenu que ce n'est que « la » convention collective qui doit être signée, puisque l'entente complémentaire ne fait partie que de la convention collective, de sorte que la signature par les deux parties n'est pas requise. Je ne puis souscrire à cet argument, et je suis d'avis que la signature des deux parties est requise, tant pour une « partie » de la convention collective que pour l'entente principale elle-même. Cette conclusion est des plus raisonnables, car il en découlerait des arguments sans fin sur la question de savoir quels documents étaient destinés à faire partie de la convention collective et quels documents ne l'étaient pas. La signature par les deux parties est habituellement une indication claire qu'elles souhaitent être liées. En l'absence de telles signatures, il est extrêmement difficile de faire le tri parmi les nombreux documents qui sont échangés au cours des négociations, et même une fois que celles-ci sont terminées, pour déterminer ceux par lesquels les parties souhaitaient être liées ou non.

[…]

80 Bien qu'une convention collective puisse consister en un ou plusieurs documents, les parties doivent exprimer leur intention, le cas échéant, d'inclure un document dans une convention collective. Dans United Grain Growers Ltd. v. Grain Workers’ Union, Local 333 (1986), 24 L.A.C. (3d) 226, l'arbitre a dit ceci :

[Traduction]

[…]

La présence ou l'absence de signatures peut bien constituer un facteur pour déterminer si un document créé à mi-chemin doit être considéré comme faisant partie intégrante de la relation au chapitre de la convention collective. Toutefois, en bout de ligne, c'est l'intention des parties telle qu'elle est révélée par la preuve qui est essentielle.

[…]

81 Il est important de disposer d'un document écrit qui énonce l'entente mutuelle et d'une preuve documentaire suffisante sur les modalités exactes de l'entente : Dawson Creek & District Hospital v. HEU (1995), 49 L.A.C. (4th) 104. Il est facile pour les parties de se reporter à des documents et de les incorporer à une convention collective : Toronto District School Board v. Ontario Secondary School Teachers’ Federation (2004), 126 L.A.C. (4th) 406. On retrouve un exemple d'une telle incorporation dans Kenora Police Services Board v. Kenora Police Assn. (2001), 102 L.A.C. (4th) 439.

82 L'employeur a fait valoir que la publication des Lignes directrices ne crée aucune préclusion. Il n'a fait aucune promesse ni n'a donné aucune assurance que les Lignes directrices profiteraient à la fonctionnaire s'estimant lésée ou auraient une influence sur son évaluation du rendement. Rien n'indique que la fonctionnaire s'estimant lésée s'est fondée sur les documents, qu'elle a subi un préjudice ou que son évaluation aurait été différente à quelque égard que ce soit si les Lignes directrices avaient été suivies. L'employeur invoque l'ouvrage de Brown et Beatty, au paragr. 2:2211.

C. Réplique de la fonctionnaire s'estimant lésée

83 La fonctionnaire s'estimant lésée a réitéré qu'elle ne conteste pas l'évaluation du rendement comme telle, mais le processus suivi, et qu'elle invoque la stipulation 40.02b) de la convention collective précisément. Elle a déclaré que les parties avaient souhaité inclure les Lignes directrices dans la convention collective pour qu'elles en fassent partie. Les Lignes directrices sont un document écrit faisant partie de la convention collective. La fonctionnaire s'estimant lésée ne croit pas que l'inclusion de documents par renvoi dans une convention collective créerait un chaos sur le plan des relations du travail si les documents en question n'étaient pas expressément incorporés à la convention collective. La certitude et des normes objectives sont requises dans le cadre de l'évaluation du rendement.

IV. Motifs

84 Après avoir examiné la preuve dans le présent cas, je suis d'avis qu'essentiellement, ce grief porte sur le contenu de l'évaluation et qu'il est présenté ou qualifié de différend sur le processus. À mon avis, M. Reniers affirme à juste titre que le différend est l'un des champs de bataille qu'ont choisi les parties pour exprimer le conflit profond qui existe entre l'Agence et ses employés. Je dois cependant trancher ce différend conformément à la loi applicable. L'arbitrage de grief ne constitue pas, dans de nombreux cas, le moyen le plus satisfaisant de résoudre un différend au travail, et la compétence de l'arbitre de grief est exclue par le grief déposé et par les articles 91 et 92 de l'ancienne Loi.

85 La fonctionnaire s'estimant lésée a renvoyé son grief à l'arbitrage de grief en vertu de l'alinéa 92(1)a) de l'ancienne Loi. La partie pertinente de cette disposition est libellée dans les termes suivants :

   92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d’une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale,

[…]

[Je souligne]

86  Il est bien établi en droit qu'un arbitre de grief n'est pas compétent aux termes du paragraphe 92(1) de l'ancienne Loi pour réviser une évaluation du rendement dans les cas où l'employé n'est pas d'accord avec celle-ci. Dans son examen d'un grief et d'un libellé semblable à la stipulation 40(1)a) de la convention collective, l'arbitre de grief dans Ahad a dit ceci, aux pages 22 et 23 :

[…]

Il n'y a rien, dans tout le texte de l'article 20 de la convention collective, qui puisse permettre à un employé insatisfait de la cote d'évaluation donnée par son employeur; à un employé insatisfait d'une décision rendue par un comité de révision au mérite et à un employé insatisfait du contenu d'un rapport d'appréciation de rendement, de pouvoir recourir aux dispositions de l'article 91(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique et ainsi obliger un arbitre à se prononcer sur le mérite de son dit grief, et donc sur le fond de l'évaluation.

[…]

87 De manière générale, l'arbitre de grief qui se penche sur un grief relatif à une évaluation du rendement jouit d'une compétence très limitée aux fins d'examiner le processus pour déterminer s'il y a eu mauvaise foi ou prise d'une mesure disciplinaire déguisée : Largess, Bahniuk et Ball. Dans Bahniuk, l'arbitre de grief s'est exprimé dans les termes suivants :

[…]

[63]  Comme je l'ai déjà mentionné, j'ai déterminé à l'audience que la portée de ma compétence était limitée. Ma compétence se limite à la convention collective et ne s'étend pas à l'appréciation de l'évaluation de rendement elle-même. À mon avis, ma compétence est limitée à la détermination de la question à savoir si l'employeur a agi de mauvaise foi en refusant à M. Bahniuk un congé de rendement de gestion. Dans ce contexte, la mauvaise foi signifierait que l'employeur n'a fondé son évaluation du rendement de M. Bahniuk sur aucun fait. Quant à savoir si M. Bahniuk méritait la cote qu'il a reçue, cette question ne relève pas de ma compétence. Le rôle d'un arbitre de grief dans de tels cas sera toujours extrêmement limité.

[…]

88 Dans Veilleux, l'arbitre de grief a dit ceci, à la page 14 :

[…]

Dans l'espèce, l'employeur en évaluant le rendement de l'employé s'estimant lésé lui accorde la mention entièrement satisfaisant. Il est difficile de considérer qu'il s'agit d'une mesure punitive et, par conséquent, de l'imposition d'une mesure disciplinaire déguisée.

L'article 7 de la Loi contient les dispositions suivantes:

7. Rien dans la présente loi ne doit s'interpréter comme portant atteinte au droit ou à l'autorité que possède l'employeur de déterminer comment doit être organisée la Fonction publique, et d'attribuer des fonctions aux postes de classer ces dossiers.

À la lecture de cet article, on se rend compte qu'à défaut de prouver à la satisfaction de l'arbitre qu'il s'agit d'une mesure disciplinaire déguisée, celui-ci ne peut en aucun cas se substituer à l'employeur en matière d'organisation du travail, d'attribution de fonctions aux postes et de classification. Il ne peut non plus s'arroger le droit de décider à la place de l'employeur de l'évaluation à donner à un employé, puisque ce droit appartient à l'employeur aux termes de l'article 7 de la Loi sur l'administration financière.

[…]

89 Il est bien établi cependant que la compétence doit être considérée à la lumière du libellé du grief. La fonctionnaire s'estimant lésée n'a soulevé aucune question de mauvaise foi ni l'existence d'une mesure disciplinaire déguisée dans son grief. Je n'ai donc pas été saisi de ces questions.

90 Étant donné les limites de ma compétence, je ne peux me prononcer sur le fond du grief déposé par la fonctionnaire s'estimant lésée que si la convention collective a été violée ou si le processus suivi par l'employeur y a contrevenu. La fonctionnaire s'estimant lésée signale ce qu'elle prétend être un manquement aux Lignes directrices qui, soutient-elle, sont incorporées par renvoi à la convention collective. Puisqu'elle est l'auteur du grief, elle assume l'obligation d'établir l'existence des modalités de la convention collective. Ordinairement, il s'agit d'une tâche assez simple, consistant à déposer en preuve une copie signée de la convention collective, et j'ai effectivement une copie de celle-ci, sous la cote G-1.

91 Étant donné que la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas allégué la mauvaise foi ni l'existence d'une mesure disciplinaire déguisée, dans lesquels cas l'arbitre de grief peut habituellement être compétent dans une certaine mesure à l'égard d'une évaluation du rendement, à mon avis, je ne suis compétent pour effectuer une analyse du grief de la fonctionnaire s'estimant lésée que si j'en arrive à la conclusion qu'il s'agit d'un cas qui se rapporte à une contravention à la convention collective. Si les Lignes directrices font partie de la convention collective, je peux déterminer si l'Agence a contrevenu à celle-ci en enfreignant ces Lignes directrices.

92 Le libellé de la convention collective concernant les évaluations du rendement est clair et sans équivoque :

[…]

40.01  Aux fins du présent article,

  1. l'appréciation et/ou l'évaluation officielle du rendement de l'employé signifie toute appréciation et/ou évaluation écrite par un superviseur portant sur la façon dont l'employé s'est acquitté des tâches qui lui ont été assignées pendant une période déterminée dans le passé;
  2. l'appréciation et/ou l'évaluation officielle du rendement de l'employé est consignée sur la formule prescrite par l'Employeur.

40.02 Avant l'examen du rendement de l'employé, on remet à celui-ci :

  1. la formule qui servira à cet effet;
  2. tout document écrit fournissant des instructions à la personne chargée de l'examen;

[…]

40.03

  1. Lorsqu'il y a eu évaluation officielle du rendement de l'employé, ce dernier doit avoir l'occasion de signer la formule d'évaluation, une fois remplie, afin d'indiquer qu'il en a lu le contenu. La signature de l'employé sur sa formule d'évaluation est censée indiquer seulement qu'il en a lu le contenu et ne signifie pas qu'il y souscrit.

    Une copie de la formule d'évaluation de l'employé lui est remise au moment de sa signature.
  2. Les représentants de l'Employeur qui apprécient le rendement de l'employé doivent avoir été en mesure d'observer ou de connaître son rendement pendant au moins la moitié (1/2) de la période pour laquelle le rendement de l'employé est évalué.
  3. L'employé a le droit de présenter des observations écrites qui seront annexées à la formule d'examen du rendement.

40.04 Sur demande écrite de l'employé, son dossier personnel doit être mis à sa disposition au moins une fois par année pour examen en présence d'un représentant autorisé de l'Employeur.

40.05 Lorsqu'un rapport concernant le rendement ou la conduite de l'employé est versé à son dossier au personnel, l'employé en cause doit avoir l'occasion de :

  1. le signer pour indiquer qu'il en a lu le contenu

    et
  2. soumettre des commentaires écrits que l’employé juge appropriés concernant le rapport, et que ces commentaires soient inclus au rapport.

40.06 Lorsque l’Employeur n’a pas jugé nécessaire de mettre en place un processus annuel d’évaluation de rendement, un employé qui en fait la demande se verra accorder une évaluation de son rendement.

[…]

93 La fonctionnaire s'estimant lésée met l'accent sur les mots de la stipulation 40.02b) de la convention collective et fait valoir que le fait pour l'employeur d'avoir omis, ainsi qu'elle le soutient, de suivre « tout document écrit fournissant des instructions à la personne chargée de l'examen », constitue un manquement à la convention collective. La première question dans le présent cas est celle de savoir si elle a prouvé que les Lignes directrices sont incorporées par renvoi à la convention collective. Si elles n'en font pas partie, je n'ai pas à déterminer s'il y a été contrevenu.

94 Le critère juridique qui s'applique pour déterminer si un document fait partie d'une convention collective, qui a été énoncé dans la jurisprudence, est de savoir si les parties souhaitent que le document fasse partie de la convention collective. Ainsi que l'arbitre Munroe l'a dit dans United Grain Growers Ltd. :

[Traduction]

[…]

La présence ou l'absence de signatures peut bien constituer un facteur pour déterminer si un document créé à mi-chemin doit être considéré comme faisant partie intégrante de la relation au chapitre de la convention collective. Toutefois, en bout de ligne, c'est l'intention des parties telle qu'elle est révélée par la preuve qui est essentielle.

[…]

95 Pour qu'il soit satisfait au critère relatif à la formation d'un contrat, il doit y avoir une intention manifeste des parties d'être liées par une modalité, et une certitude suffisante au sujet des modalités du contrat, ainsi qu'une contrepartie. Une stipulation contenue dans une convention collective signée est une modalité par laquelle les deux parties ont convenu d'être liées. Il est bien établi en droit qu'une convention collective peut consister en un ou plusieurs documents écrits. Pour déterminer si un document fait partie de la convention collective, c'est à « l'intention mutuelle des parties » qu'il faut s'intéresser, et non à « l'intention unilatérale d'une partie ».

96 Le critère relatif à l'incorporation d'un document par renvoi à une convention collective est énoncé dans la jurisprudence : Corning Glassworks of Canada Ltd., United Grain Growers Ltd., Dawson Creek et Kenora Police Services Board.

97 Il incombe à la partie qui soutient l'existence d'une convention collective ou d'une modalité incluse dans une entente de prouver, selon la prépondérance des probabilités, l'intention manifeste des parties d'être liées et une certitude suffisante au sujet des modalités.

98 Les Lignes directrices ne sont pas expressément mentionnées à la stipulation 40.02b) de la convention collective. La stipulation 40.02b) renvoie simplement à « tout document écrit fournissant des instructions ». Les Lignes directrices ne renvoient pas à la convention collective ni ne mentionnent à quelque endroit que ce soit qu'elles sont incorporées à celle-ci. Elles sont publiées sur un site Internet de la direction, mais elles n'ont été signées par aucune partie. Aucune preuve n'a été produite sur la création d'un document par l'une ou l'autre partie. Il semble s'agir à sa lecture d'un document créé par l'Agence, sans renvoi à la participation de l'agent négociateur. L'historique des négociations qui ont entouré la conclusion de la convention collective n'a été produit en preuve par aucune partie relativement à ce qu'elles entendaient toutes deux par les mots « tout document écrit fournissant des instructions » ou relativement à la question de savoir si les parties souhaitaient toutes deux que la stipulation signifie quelque chose d'autre que de fournir les documents sur lesquels les critères de mesure de rendement reposent.

99 Si je me fonde sur la loi applicable, je conclus que la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas établi que les Lignes directrices sont incorporées par renvoi à la convention collective ou en font partie. Si les parties souhaitaient que les Lignes directrices fassent partie de la convention collective, elles n’auraient pu l'exprimer en des termes clairs et par écrit. Une contravention, le cas échéant, aux Lignes directrices, n'est pas une contravention à la convention collective et, par conséquent, l'argument qui repose sur une contravention des Lignes directrices ne peut être retenu.

100 Étant donné que j'en suis arrivé à la conclusion que les Lignes directrices ne sont pas incorporées à la convention collective, je n’ai pas la compétence pour conclure à l'existence de quelque manquement que ce soit à celle-ci sur le fondement des Lignes directrices.

101 Au chapitre de l'interprétation de la stipulation 40.02b) de la convention collective, je suis  d'avis que l'employé doit obtenir les documents sur lesquels la personne chargée de l'examen se fonde pour évaluer le rendement. La question de l'évaluation menée de mauvaise foi sur le fondement de normes non fournies à l'employé ne m'a pas été soumise dans le présent grief.

102 Après avoir entendu la preuve des parties pendant quatre jours et avoir examiné les arguments, je suis d'avis que le présent cas porte essentiellement sur la substance du rendement de la fonctionnaire s'estimant lésée. Cette dernière soutient qu'elle aurait dû obtenir la cote « dépasse les attentes » et non « satisfait aux attentes ». Elle conteste la cote et la méthode utilisée par l'employeur pour établir celle-ci.

103 Je n'arrive pas à comprendre de quelle « question d'application de la loi » la fonctionnaire s'estimant lésée se plaint aux termes de la convention collective. Son rendement a été évalué par un gestionnaire qui connaissait son travail depuis au moins la moitié de la période d'évaluation du rendement. De manière générale, le processus d'évaluation du rendement consiste en la préparation par l'employeur d'un projet, qui est habituellement remis à l'employé. Le gestionnaire utilise la formule de l'employeur et renvoie l'employé aux critères d'évaluation. Les parties se rencontrent ensuite et en discutent. Le gestionnaire signe l'évaluation. L'employé ajoute ses commentaires et signe l'évaluation. Les objectifs de carrière et du plan d'apprentissage sont abordés également. La question devrait être assez simple à résoudre pour deux personnes qui n'éprouvent pas de problèmes importants de communications ou de conflits de personnalité.

104 M. Cline a remis l'évaluation écrite à la fonctionnaire s'estimant lésée, qui a eu l'occasion d'y apporter ses commentaires. Il semble avoir pris en considération tous ces commentaires, mais en avoir écarté certains. J'en arrive à la conclusion que l'employeur s'est conformé au processus énoncé dans la convention collective et que, par conséquent, le processus suivi n'a contrevenu à aucune modalité de la convention collective. J'en arrive à la conclusion également, selon la prépondérance des probabilités, que la fonctionnaire s'estimant lésée a refusé de rencontrer M. Cline, de sorte que le temps passé à évaluer son rendement ou l'absence d'une rencontre en tête-à-tête ne contrevient pas à la convention collective.

105  Je n'arrive pas non plus à comprendre pourquoi le processus d'évaluation du rendement a nécessité plus de sept mois. Les parties travaillaient à des postes de travail qui se trouvaient au même étage, près l'un de l'autre. Bien qu'il y ait des problèmes évidents entre la fonctionnaire s'estimant lésée et M. Cline, ceux-ci excèdent la portée de ma compétence en tant qu'arbitre de grief saisi de ce grief.

106 Dans le présent grief, on n'allègue l'existence d'aucune mauvaise foi ni d'aucune mesure disciplinaire déguisée. Ordinairement, l'arbitre de grief n'a pas la compétence pour se pencher sur une évaluation du rendement en l'absence d'une mauvaise foi ou d'une mesure disciplinaire déguisée : Veilleux. À mon avis, je suis sans compétence pour me pencher sur le fond du présent grief.

107 Toutefois, même si j'en étais venu à la conclusion que je suis compétent et qu'il y a eu manquement à la convention collective, je ne suis pas habilité à ordonner à l'employeur de remplacer la cote « satisfait » par la cote « dépasse » ou d'y substituer une « évaluation que la fonctionnaire s'estimant lésée juge satisfaisante ». Le droit exclusif d'organiser la fonction publique appartient à l'employeur, et ce fait ne soulève généralement pas une question qui peut donner lieu à une révision aux termes de l'alinéa 91(1)a) de l'ancienne Loi, sauf dans des circonstances extrêmement limitées, dont aucune n'est présente en l'espèce. De manière générale, l'arbitre de grief est mal placé pour évaluer le rendement d'un employé, et l'évaluation du rendement est une prérogative ou un droit qui appartient exclusivement à la direction, à certaines exceptions limitées près. Dans les cas qui conviennent et où il est compétent et conclut à l'existence d'un manquement à un droit, l'arbitre de grief peut possiblement ordonner une nouvelle évaluation.

108 En résumé, la fonctionnaire s'estimant lésée allègue qu'il y a eu manquement à la convention collective au motif que les Lignes directrices y ont été incorporées par renvoi. Pour que le présent grief soit logique et pour qu'il soit accueilli, les Lignes directrices doivent avoir été incorporées à la convention collective.

109 Les Lignes directrices énoncent une manière dont la direction peut effectuer des évaluations du rendement. Le document n'est pas mentionné dans la convention collective. Il a été créé unilatéralement par l'employeur; je ne dispose d'aucune preuve que l'agent négociateur a eu quelque rôle que ce soit à jouer dans sa création. Il n'est signé par aucune des deux parties. Les Lignes directrices ne sont pas incorporées par renvoi à la convention collective. La fonctionnaire s'estimant lésée a reçu les documents visés à la stipulation 40.02b) de la convention collective.

110 À mon avis, il est juste de dire que ni la fonctionnaire s'estimant lésée ni M. Cline n'était satisfait du processus; toutefois, le rendement de la fonctionnaire s'estimant lésée a été évalué. Elle peut ne pas se réjouir du résultat, mais je n’ai pas la compétence pour modifier celui-ci de manière qu'elle en soit satisfaite.

111 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

112 Le grief est rejeté.

Le 6 décembre 2007.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Paul Love,
arbitre de grief

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