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Résumé :

Dans son objection préliminaire, l’employeur soutenait qu’un arbitre de grief n’a pas la compétence pour instruire le présent grief dans lequel la mise en disponibilité est contestée - la fonctionnaire s’estimant lésée a fait valoir que la mise en disponibilité était injustifiée et enfreignait les dispositions de sa convention collective sur le réaménagement des effectifs - la fonctionnaire s’estimant lésée a fait valoir qu’elle aurait dû obtenir le statut d’employée pour une période indéterminée parce qu’elle a été employée de façon continue au sein du même ministère pendant plus de trois ans - pendant une mise en disponibilité saisonnière de l’Agence Parcs Canada, la fonctionnaire s’estimant lésée a accepté une série de nominations pour une période déterminée au ministère de l’Environnement - la fonctionnaire s’estimant lésée a fait valoir que selon les provisions de la Politique sur l’emploi pour une période déterminée (<<la Politique>>) du Conseil du Trésor, elle aurait dû être traitée comme une employée pour une période indéterminée et aurait donc dû avoir le droit de se prévaloir des dispositions de la convention collective sur le réaménagement des effectifs puisque la durée cumulative de ses postes pour une période déterminée excédait le seuil des trois années prévu dans la Politique - l’employeur soutenait que le <<poste d’attache>>, selon les termes de la Politique, était le poste de la fonctionnaire s’estimant lésée à Parcs Canada et que ses mandats successifs pour une période déterminée au ministère de l’Environnement ne la rendaient pas admissible à un poste pour une période indéterminée au sein de ce ministère - l’arbitre a fait valoir que les faits n’étaient pas contestés, mais qu’il y avait un désaccord manifeste quant aux répercussions de ces faits quant à la Politique - il s’agissait de déterminer si un arbitre de la Commission a compétence ou non sur ces éléments litigieux - l’article209 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique définit la portée de la compétence des arbitres - le grief ne tombait sous le coup d’aucun des champs de compétence énumérés au paragraphe209(1) - l’essence du grief consiste à déterminer si, en vertu de la Politique, la fonctionnaire s’estimant lésée pouvait se prévaloir des dispositions de protection en cas de licenciement prévues dans la convention collective et pouvait maintenant répondre à la question préliminaire qui consiste à déterminer si la fonctionnaire s’estimant lésée pouvait ou non être traitée comme une employée pour une période indéterminée. Objection accueillie, grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-12-20
  • Dossier:  566-02-627
  • Référence:  2007 CRTFP 123

Devant un arbitre de grief


ENTRE

KATHERINE SPENCER

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère de l’Environnement)

défendeur

Répertorié
Spencer c. Administrateur général (ministère de l’Environnement)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Beth Bilson, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Karen Wilcock, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour le défendeur:
Simon Kamel, avocat

Affaire entendue à Edmonton (Alberta),
le 12 juin 2007.
(Observations écrites déposées le 16 juillet, le 14 août et le 12 septembre 2007.)
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 La présente décision concerne l’objection préliminaire du défendeur selon laquelle un arbitre de grief de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») n’a pas compétence pour entendre un grief déposé par Katherine Spencer contestant la cessation de son emploi en date du 31 mars.

2 Mme Spencer a déposé un grief dans les termes suivants :

[…]

Je dépose un grief pour contester la cessation de mon emploi en date du 31 mars 2006 en cela qu’elle est une mise en disponibilité injustifiée et qu’elle contrevient aux dispositions de ma convention collective relatives au réaménagement des effectifs.

Du 3 mars 2003 au 31 mars 2006, j’ai continuellement travaillé à Environnement Canada à titre d’employée à temps plein nommée pour une période déterminée; mon statut aurait dû être changé pour celui d’employée nommée pour une période indéterminée à partir du 3 mars 2006.

[…]

Elle a demandé les mesures correctives suivantes :

[…]

Que mon statut d’employée nommée pour une période indéterminée soit réputé en vigueur depuis le 3 mars 2006. Que je sois rétablie dans mes fonctions à mon poste de niveau PC-02 à durée indéterminée à compter du 3 mars 2006 et qu’ainsi je sois admissible aux dispositions de la Directive sur le réaménagement des effectifs de ma convention collective.
Que je sois indemnisée intégralement à tous égards.

[…]

3      Le grief n’a pas été réglé par la procédure de règlement des griefs; il a donc été soumis à l’arbitrage et une audience a été prévue du 12 au 15 juin 2007. Avant l’audience, dans une lettre datée du 15 mai 2007, Éric Daoust, conseiller en représentation de l’employeur pour le Conseil du Trésor a informé la Commission que l’employeur soulevait une objection quant à la compétence de la Commission pour se prononcer sur le présent grief.

4      Lorsque l’audience a été convoquée à Edmonton le 12 juin 2007, l’avocat du défendeur a soulevé la question de la compétence et soutenu qu’il n’y avait d’autre solution qu’un ajournement pour permettre de rendre une décision sur cette objection. Après avoir entendu de courtes plaidoiries, j’ai accordé l’ajournement et nous avons convenu d’un échéancier pour le dépôt d’observations écrites sur la question de la compétence. La présente décision quant à cette objection a été prise à la lumière de ces observations écrites.

5      L’avocat du défendeur m’a renvoyé aux articles 208 et 209 de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, qui décrivent les circonstances dans lesquelles un fonctionnaire peut présenter un grief et sous lesquelles celui-ci peut être renvoyé à l’arbitrage :

208.(1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7), le fonctionnaire a le droit de présenter un grief individuel lorsqu’il s’estime lésé :

a)       par l’interprétation ou l’application à son égard :

(i) soit de toute disposition d’une loi ou d’un règlement, ou de toute directive ou de tout autre document de l’employeur concernant les conditions d’emploi,

(ii) soit de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b)       par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d’emploi.

Réserve

    (2) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel si un recours administratif de réparation lui est ouvert sous le régime d’une autre loi fédérale, à l’exception de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Réserve

    (3) Par dérogation au paragraphe (2), le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel relativement au droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes.

Réserve

    (4) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel portant sur l’interprétation ou l’application à son égard de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale qu’à condition d’avoir obtenu l’approbation de l’agent négociateur de l’unité de négociation à laquelle s’applique la convention collective ou la décision arbitrale et d’être représenté par cet agent.

Limitation

    (5) Le fonctionnaire qui choisit, pour une question donnée, de se prévaloir de la procédure de plainte instituée par une ligne directrice de l’employeur ne peut présenter de grief individuel à l’égard de cette question sous le régime de la présente loi si la ligne directrice prévoit expressément cette impossibilité.

Réserve

    (6) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel portant sur une mesure prise en vertu d’une instruction, d’une directive ou d’un règlement établis par le gouvernement du Canada, ou au nom de celui-ci, dans l’intérêt de la sécurité du pays ou de tout État allié ou associé au Canada.

Force probante absolue du décret

    (7) Pour l’application du paragraphe (6), tout décret du gouverneur en conseil constitue une preuve concluante de ce qui y est énoncé au sujet des instructions, directives ou règlements établis par le gouvernement du Canada, ou au nom de celui-ci, dans l’intérêt de la sécurité du pays ou de tout État allié ou associé au Canada.

Renvoi à l’arbitrage

Renvoi d’un grief à l’arbitrage

   209.(1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier pallier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite.

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

Application de l’alinéa (1)a)

   (2) Pour que le fonctionnaire puisse renvoyer à l’arbitrage un grief individuel du type visé à l’alinéa (1)a), il faut que son agent négociateur accepte de le représenter dans la procédure d’arbitrage.

Désignation

   (3) Le gouverneur en conseil peut par décret désigner, pour l’application de l’alinéa (1)d), tout organisme distinct.

6      Dans les observations écrites déposées au nom de Mme Spencer, sa situation était décrite de la manière indiquée ci-dessous, avec des références précises aux documents annexés aux observations :

[Traduction]

[…]

Premier poste de Mme Spencer à Environnement Canada

Alors qu’elle était sans emploi (c.-à-d. durant une période de mise en disponibilité saisonnière de l’Agence Parcs Canada, un organisme distinct ne relevant pas du Conseil du Trésor), Kate Spencer a accepté une nomination à titre de CR-04 à Environnement Canada à Edmonton, pour une période déterminée allant du 3 mars 2003 jusqu’au 29 août 2003; sa candidature pour cette nomination a été retenue lors d’un concours à Environnement Canada. La lettre d’offre d’Environnement Canada se trouve sous l’onglet 1. Cette nomination devait se prolonger jusqu’au 31 décembre 2003 (onglet 2), mais Mme Spencer a accepté un autre poste pour une période déterminée à Environnement Canada à titre de PC-02, à compter du 21 juillet 2003. Mme Spencer a occupé le poste de CR-04 du 3 mars 2003 au 20 juillet 2003, une période de quatre mois et 17 jours.

Deuxième poste consécutif de Mme Kate Spencer à Environnement Canada :

Comme mentionné ci-dessus, le 21 juillet 2003, à la suite de sa participation à un concours interne, Mme Spencer s’est vu offrir et a accepté un autre poste pour une période déterminée à Environnement Canada. Il s’agissait d’un poste de PC-02 (science physique), plus proche de ses intérêts professionnels et de son domaine d’études. La lettre d’offre (onglet 3) était en vigueur jusqu’au 31 décembre 2003. Dans une lettre datée du 21 octobre 2003 (onglet 4), la nomination de Mme Spencer a été prolongée jusqu’au 31 mai 2004, puis le 27 mai 2004, elle a encore été prolongée jusqu’au 31 août 2004 (onglet 5). Elle a donc occupé ce poste sur une période de treize mois et 10 jours au total.

Troisième poste consécutif de Mme Kate Spencer à Environnement Canada :

Le 1er septembre 2004 (onglet 6), Mme Spencer a été nommée à un poste similaire de PC-02 après avoir subi avec succès un concours d’Environnement Canada. Cette nomination devait se terminer le 31 mars 2005, mais, dans une lettre datée du 24 février 2005 (onglet 7), elle a été prolongée jusqu’au 31 mars 2006. Mme Spencer a occupé ce poste sur une période d’un an et sept mois, jusqu’à son licenciement le 31 mars 2006 (onglet 8).

[…]

[Les passages soulignés le sont dans l’original]

7      Cette chronologie des nominations pour des périodes déterminées est importante eu égard à la Politique sur l’emploi pour une période déterminée sur laquelle les parties ont attiré mon attention. Le volet pertinent de cette politique se lit comme suit :

[…]

7.  Exigences de la politique

1. En vertu du paragraphe 7.2, lorsqu’une personne travaille dans le même ministère ou organisme en tant qu’employé nommé pour une période déterminée (voir la définition à l’annexe A) pendant une période cumulative de trois (3) années sans interruption de service de plus de soixante (60) jours civils consécutifs, le ministère ou organisme doit nommer l’employé pour une période indéterminée au niveau égal à celui de son poste d’attache. Cette nomination doit être effectuée selon le principe du mérite comme prévu dans le Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, établi par la Commission de la fonction publique. Le « même ministère » comprend les fonctions qui ont été transférées d’un autre ministère ou organisme aux termes d’une loi du Parlement ou d’un décret en conseil.

[…]

[Les passages soulignés le sont dans l’original]

8      Dans son grief, Mme Spencer demande qu’elle soit considérée une employée pour une période indéterminée et qu’elle puisse ainsi se prévaloir des dispositions de la convention collective relatives au réaménagement des effectifs; son argument repose sur cette politique puisque la durée cumulative de ses emplois pour une période déterminée à Environnement Canada dépasse le seuil de trois ans.

II. Résumé de l’argumentation

A. Pour le défendeur

9      L’avocat du défendeur a fait valoir que pour statuer sur le présent grief, il faut au préalable interpréter la Politique sur l’emploi pour une période déterminée du Conseil du Trésor plutôt que la convention collective et que, par conséquent, le présent grief ne relève pas de la compétence d’un arbitre de grief selon la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP). Il n’y a pas de différend portant sur les dispositions de la convention collective relatives au réaménagement des effectifs; le défendeur reconnaît que si Mme Spencer est une employée nommée pour une période indéterminée, il ne fait aucun doute qu’elle devrait pouvoir tirer profit des arrangements, relatifs au réaménagement des effectifs, convenus par les parties à la convention collective. Ce qui fait l’objet d’un différend, selon le point de vue du défendeur, est de savoir si Mme Spencer est une employée nommée pour une période indéterminée. Le défendeur fait valoir que le « poste d’attache » auquel fait référence la quatrième ligne du paragraphe 7.1 de la Politique sur l’emploi pour une période déterminée, définit la situation dans laquelle se trouve Mme Spencer par rapport à Parcs Canada et que les nominations à durée déterminée qu’elle a eues à Environnement Canada ne la rendent pas admissible à un poste à durée indéterminée dans ce ministère.

10    L’avocat du défendeur a fait valoir que la Politique sur l’emploi pour une période déterminée du Conseil du Trésor doit être lue dans le contexte des dispositions de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (LEFP). Si l’interprétation du défendeur du paragraphe 7.1 de la Politique sur l’emploi pour une période déterminée est fondée, Mme Spencer est alors par défaut assujettie au paragraphe 58(1) de cette loi :

58(1) Sous réserve de l’article 59, le fonctionnaire nommé ou muté pour une durée déterminée perd sa qualité de fonctionnaire à l’expiration de la période fixée ou de toute période de prolongation fixée en vertu du paragraphe (2).

11    Le paragraphe 59(1) de la LEFP se lit comme suit :

59(1) La durée des fonctions du fonctionnaire qui est employé pour une durée déterminée par voie de nomination ou de mutation devient indéterminée dans son poste d’attache lorsqu’il a occupé un emploi dans les circonstances déterminées par l’employeur pendant une période cumulative fixée par celui-ci, sauf si le fonctionnaire demande à l’administrateur général que la durée continue d’être déterminée.

La « période cumulative fixée par celui-ci [l’employeur] » est celle que définit la Politique sur l’emploi pour une période déterminée. Du point de vue du défendeur, toutefois, cette politique ne s’applique pas à Mme Spencer.

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

12    Mme Wilcock a fait valoir, au nom de Mme Spencer, que statuer en l’espèce n’exige pas qu’on interprète la Politique sur l’emploi pour une période déterminée. Étant donné qu’il n’y a pas de différend portant sur les périodes d’emploi de Mme Spencer à Environnement Canada et que ces périodes représentent plus de trois années consécutives d’emploi, la conversion au statut d’employé nommé pour une période indéterminée n’exige aucune interprétation. Mme Spencer devrait avoir droit de bénéficier des dispositions de la convention collective relatives au réaménagement des effectifs.

13    Dans ses observations écrites, Mme Wilcock a analysé avec soin les dispositions de la LEFP et de la LRTFP qui empêchent que certaines circonstances fassent l’objet d’une procédure de règlement de grief ou d’un arbitrage. Elle souligne, par exemple, que ces deux lois ont pour effet cumulatif d’empêcher un employé en stage probatoire de bénéficier d’un arbitrage; la cessation d’emploi d’un tel employé peut être établie par avis de l’employeur en vertu du paragraphe 62(1) de la LEFP.

14    Mme Wilcock a fait valoir qu’une exclusion de ce genre ne s’applique pas aux circonstances entourant le cas de Mme Spencer, et que, par conséquent, rien dans les dispositions de la loi n’empêche la Commission d’exercer sa compétence en l’espèce. Ce sont les faits, sur lesquels on ne dispute pas, et non l’interprétation des dispositions législatives ou la politique du Conseil du Trésor qui régissent l’admissibilité de Mme Spencer à une protection en vertu du plan de réaménagement des effectifs.

III. Motifs

15    Les parties m’ont renvoyé à un certain nombre de décisions qui ont été de peu d’utilité; en effet, aucune d’entre elles ne porte sur les circonstances particulières qu’on trouve en l’espèce. Les cas portaient sur différentes questions à savoir si une cessation d’emploi peut cacher une mesure disciplinaire qui pourrait être visée à l’alinéa 209(1)(b) de la LRTFP (Foreman c. Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord Canada), 2003 CRTFP 73 et Pieters c. Conseil du Trésor (Cour fédérale du Canada), 2001 CRTFP 100); si la durée d’un emploi pour une période déterminée a été calculée correctement (Braconnier c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2006 CRTFP 109); si un arbitre de grief de la Commission a compétence pour entendre un grief portant sur la façon d’effectuer une évaluation du rendement (Ball c. Agence du revenu du Canada, 2007 CRTFP 12); si un arbitre de grief de la Commission a compétence pour entendre une plainte concernant un employé dont le statut est « temporaire » (Marinos c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel du Canada), dossier de la CRTFP 166-02-27446 (19971224).

16    Quant à Hanna c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-26983 (19960624), cette affaire porte sur une question qui a un certain rapport avec celle qu’a présentée Mme Spencer : l’arrêt d’un emploi à la fin d’un contrat à durée déterminée constitue-t-il une « cessation » pour les besoins d’un renvoi à l’arbitrage. Ce cas, bien qu’il n’ait pas un rapport direct avec le présent cas, contient un rappel utile relatif à la question de la compétence :

[…]

Même en supposant, aux fins de la présente décision, que la fonctionnaire s’estimant lésée réponde aux exigences du paragraphe 91(1) [devenu le paragraphe 208(1)] relativement au dépôt d’un grief, je ne vois pas comment un tel grief pourrait être renvoyé à l’arbitrage aux termes de l’article 92 [devenu l’article 209] de la Loi.

La compétence conférée à un arbitre aux termes de l’article 92 est assez restreinte et ne peut être élargie, même par consentement des parties. Cette compétence est, d’une part, limitée à l’interprétation ou à l’application d’une convention collective et, d’autre part, à la cessation d’emploi et à une mesure disciplinaire.

[…]

17    Il est vrai qu’il n’y a pas de différend sur les « faits » en ce sens que les parties sont d’accord en ce qui concerne les périodes d’emploi de Mme Spencer et les endroits où elle a eu un emploi. Par contre, il y a un net désaccord portant sur les conséquences de ces faits eu égard, pour l’employeur, à la Politique sur l’emploi pour une période déterminée – ce qui devrait être tenu pour son « poste d’attache », par exemple, et si peut-être on peut estimer que son service à Environnement Canada a été ininterrompu. La question, en ce qui me concerne, est de savoir si, en tant qu’arbitre de grief en vertu de la LRTFP, j’ai compétence sur les points litigieux.

18    Dans ses observations écrites, Mme Wilcock a fourni des exemples de situations sur lesquelles la compétence de l’arbitre de grief ne peut expressément pas s’exercer selon les dispositions de la loi. Elle a suggéré que les arbitres de griefs de la Commission, dans les situations que la loi ne dit pas expressément être hors de leur compétence, peuvent trancher le grief.

19    Un tel raisonnement contient une faille : il ne tient pas compte des limites, quant à la compétence, prévues à l’article 209 de la LRTFP qui délimite la portée de la compétence des arbitres de griefs. La LRTFP ne prévoit pas que les arbitres de griefs jouissent d’une sorte de compétence pleine et originale qui ne serait limitée que par les exceptions qu’elle-même ou d’autres lois pertinentes nomment expressément; plutôt, l’article 209 délimite strictement une compétence que d’autres exceptions et réserves réduisent encore davantage.

20    Si on compare les articles 208 et 209 de la LRTFP, on voit que la gamme des questions qui peuvent être renvoyées à l’arbitrage en vertu de l’article 209 est de beaucoup plus courte que celle des questions qui peuvent faire l’objet d’un grief individuel en vertu de l’article 208. Certes, on peut déposer un grief relativement à plusieurs questions portant sur les conditions d’emploi, mais l’article 209 prévoit qu’un nombre restreint de ces questions peuvent être tranchées par un arbitre de grief, ainsi que l’énoncent les alinéas 209(1)a) à d).

21    On n’a soulevé aucune objection au fait que Mme Spencer ait déposé un grief en vertu de l’article 208 de la LRTFP, mais Mme Wilcock n’a pas démontré comment le présent grief relève de l’un ou l’autre des champs de compétence d’un arbitre de grief énumérés au paragraphe 209(1). Le grief n’invoque aucun problème d’interprétation ou d’application de la convention collective, et on n’a pas laissé entendre qu’il tombe sous le coup de l’une ou l’autre des situations visées aux alinéas 209(1)b), c) ou d). L’objet essentiel du grief est de savoir si oui ou non, par application de la Politique sur l’emploi pour une période déterminée, Mme Spencer peut profiter des mesures de protection prévues par la convention collective en cas de mise en disponibilité. On peut certes concevoir qu’une fois obtenue la réponse à la question préliminaire qui est de savoir si Mme Spencer devrait être considérée comme étant une employée nommée pour une période indéterminée, il pourrait y avoir encore une question concernant son statut qui relève de la convention collective. Je ne peux pas répondre à la question préliminaire. J’en suis donc venu à la conclusion qu’il faut faire droit à l’objection de ma compétence soulevée par l’employeur.

22    Il n’est pas clair s’il existe un autre recours qui permettrait de trancher sur la question du statut de Mme Spencer. L’avocat du défendeur a annexé un document à ses observations écrites qui semble être un bulletin provenant de l’Agence de la fonction publique du Canada, l’agent négociateur qui représente un grand nombre d’employés du secteur public sous juridiction fédérale. Dans ce document, l’agent négociateur regrette le fait que la Politique sur l’emploi pour une période déterminée du Conseil du Trésor ne prévoit aucun recours à l’arbitrage en cas de défaut de règlement d’un grief portant sur la question de savoir si un employé devrait avoir un statut d’employé pour une période indéterminée en vertu de la politique. Bien que le document provienne d’un agent négociateur autre que celui qui représente Mme Spencer, et bien qu’il n’ait pas été soumis à un examen rigoureux dans le contexte d’une audience en bonne et due forme, il évoque l’absence d’un correctif dont pourraient profiter les employés qui se trouvent dans la situation de Mme Spencer elle-même. Si lacune il y a, elle est regrettable, mais elle ne peut fonder l’élargissement de la compétence d’un arbitre de grief telle que définie à l’article 209 de la LRTFP.

23    Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

24    L’objection du défendeur relatif à ma compétence est accueillie.

25    Le grief est rejeté.

Le 20 décembre 2007.

Traduction de la C.R.T.F.P.  

                                                                                   

Beth Bilson,
arbitre de grief

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