Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a accepté une nomination d’un an aux groupe et niveau AS-04 - les fonctions qu’il exécutait n’avaient pas été officiellement classifiées - l’employeur aurait supposément promis au plaignant que ces fonctions seraient classifiées à un niveau supérieur - le plaignant a alors accepté une deuxième nomination d’un an aux groupe et niveau AS-04 - ses fonctions ont ensuite été modifiées - le plaignant a par la suite demandé l’aide de son agent négociateur en vue d’obtenir une classification rétroactive des fonctions qu’il assumait avant la modification - il n’a pas été satisfait de l’aide apportée par son agent négociateur - il a réclamé une somme de 34 203 $ à titre de perte de salaire, calculée en fonction de la rémunération qu’il aurait reçue si ses fonctions avaient été reclassifiées rétroactivement à un niveau supérieur - la Commission a conclu que l’agent négociateur n’avait pas manqué à son devoir de représentation équitable - rien dans la preuve ne démontre que les conseils prodigués par l’agent négociateur étaient manifestement erronés, négligents ou imprudents. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-03-16
  • Dossier:  561-02-42
  • Référence:  2007 CRTFP 29

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

LEWIS S. EISEN

plaignant

et

SYNDICAT DES EMPLOYÉS DU SOLLICITEUR GÉNÉRAL

défendeur

Répertorié
Eisen c. Syndicat des employés du Solliciteur général

Affaire concernant une plainte visée à l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Georges Nadeau, vice-président

Pour le plaignant:
Walter T. Langley, avocat

Pour le défendeur:
Chantal Homier-Nehmé, Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire entendue à Ottawa (Ontario)
les 30 et 31 mai 2006.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

I. Plainte devant la Commission

1 Le 25 février 2005, Lewis S. Eisen (le « plaignant ») a déposé une plainte contre le Syndicat des employés du Solliciteur général (le « défendeur »), qui est un élément de l'Alliance de la Fonction publique (« l'Alliance »), en vertu de l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (« l'ancienne Loi »), L.R.C. (1985), ch. P-35. Le plaignant alléguait dans sa plainte qu'il y avait eu non-respect des interdictions énoncées au paragraphe 10(2), car, dans le cadre de la représentation qui lui avait été fournie, on avait agi de façon arbitraire et discriminatoire et on avait fait preuve de mauvaise foi.

2 Le plaignant déclare avoir subi une perte de revenu s'élevant à 34 203 $, en se fondant sur l'hypothèse que la classification du poste aurait correspondu au sous-groupe et au niveau ED-EDS-03. Il demande également une ordonnance de paiement des frais juridiques et des intérêts sur le montant susmentionné.

3 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « nouvelle Loi »), promulguée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 39 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») demeure saisie de cette plainte, qui doit être décidée conformément à la nouvelle Loi.

II. Position des parties

4 Au début de l'audience, le plaignant a indiqué que sa plainte était limitée à l'allégation selon laquelle le défendeur a agi de façon arbitraire, et qu'il abandonnait l'allégation relative au fait que le défendeur avait agi de façon discriminatoire ou avait fait preuve de mauvaise foi.

5 Le plaignant a précisé l'objet de sa plainte en mentionnant que le défendeur n'avait pas traité sa demande d'assistance de façon raisonnable et en temps opportun, qu'on lui avait donné des conseils erronés et que le défendeur n'avait pris aucune mesure raisonnable pour essayer d'obtenir le redressement demandé, c'est-à-dire recevoir une rémunération de niveau approprié pour le travail qu'il effectuait. En outre, le défendeur n'a pas conseillé le plaignant quant aux mesures qu'il pouvait prendre de son propre chef pour rectifier la situation.

6 Le défendeur a maintenu qu'il avait conseillé le défendeur quant à ses droits et qu'il lui avait fourni des conseils et des avis appropriés. Le plaignant n'a jamais demandé qu'un grief soit déposé en son nom. Le défendeur a maintenu qu'il n'y avait eu aucune violation du paragraphe 10(2) de l'ancienne Loi.

III. Résumé de la preuve

7 Le plaignant a témoigné en premier, en son propre nom. En juillet 2002, le plaignant, qui est avocat de formation et qui effectuait des activités de conseil concernant la formation destinée aux juges de nomination fédérale, s'est vu offrir une nomination pour une période déterminée allant du 29 juillet 2002 au 31 mars 2003. Il s'agissait d'un poste d'agent de formation principal concernant JUDICOM, au Bureau du Commissaire à la magistrature fédérale (« le Bureau »), à Ottawa, et la lettre d'offre précisait que le poste était de groupe et de niveau AS-04. Le plaignant a accepté l'offre. JUDICOM est :

[Traduction]

[…]une infrastructure électronique d'information et de communication permettant de faire en sorte que tous les juges ont accès à l'ensemble des connaissances judiciaires partagées par les juges, et qui offre à ceux-ci un mécanisme sécuritaire de communication et de conférence par voie électronique.

8 Le processus ayant mené à l'offre d'emploi susmentionné a duré un certain temps. Alors que le plaignant effectuait ses activités de consultation, le Bureau a communiqué avec lui en mai 2002 pour lui offrir d'examiner et de signer une description de travail pour le poste d'agent de formation principal, JUDICOM. Le 29 mai 2002, le plaignant, sa superviseure et le gestionnaire ont signé une description de travail provisoire pour le poste OOC-094, agent de formation principal, JUDICOM, Services des politiques et gestion, Division des systèmes de communication et d'information, au Bureau (pièce C-1). Dans le document, il n'était fait mention ni de la classification ni de la date d'effet de la classification. Le plaignant croyait comprendre qu'il s'agissait d'une description du travail devant être effectué et que cela correspondait au « poste réel » qu'on lui offrait. Une année plus tard, on lui a demandé d'examiner la description de travail, et il a constaté des changements dans le document dont il aurait aimé être mis au courant.

9 Le plaignant a indiqué qu'on lui avait offert le poste d'agent de formation principal, JUDICOM, en juillet 2002 et qu'il avait alors fait part à sa superviseure, Layla Michaud, de sa préoccupation quant au fait que la classification AS-04 n'était pas appropriée pour ce type de travail. Il a cru comprendre que Mme Michaud ainsi que les supérieurs hiérarchiques de celle-ci, dont Suzanne Labbé, sous-commissaire à la magistrature fédérale, étaient d'accord avec lui sur ce point. Il a mentionné que les représentants du Bureau s'étaient excusés et qu'ils espéraient grandement qu'il accepte le poste. Le plaignant a soutenu que le Bureau lui a offert une rémunération correspondant au haut de l'échelle salariale et lui a promis, s'il acceptait la nomination, que le poste serait classifié de façon appropriée et qu'il serait rémunéré rétroactivement à compter de la date de la nomination.

10 Le plaignant a indiqué qu'il a accepté le poste en tenant pour acquis qu'il serait reclassifié. Il a ajouté que le Bureau n'a pas été en mesure de lui dire avec exactitude quelle serait la classification du poste; il serait de groupe et de niveau AS-05 ou AS-06, ou relèverait peut-être même du groupe LS ou du sous-groupe ED-EDS. Avec le temps, le plaignant a de nouveau soulevé la question de la classification, et on lui a donné diverses raisons expliquant pourquoi la classification était retardée, qu'il s'agisse de l'arrivée d'un nouvel employé des ressources humaines (RH) ou de la mise en place d'une nouvelle structure. Lorsque la sous-commissaire Labbé lui a présenté le nouveau directeur des RH, elle s'est encore une fois excusée pour le retard concernant la classification et elle a indiqué que, étant donné qu'un nouveau directeur des RH était entré en fonction, le problème allait être réglé. En mars 2003, au terme de sa nomination initiale pour une période déterminée, le plaignant a reçu une offre d'emploi consistant en une prolongation de sa nomination pour une autre année, à un poste de même groupe et de même niveau.

11 Michael Walker, le nouveau gestionnaire, Technologies de l'information, est arrivé en mai 2003. Selon le plaignant, M. Walker avait une opinion très différente quant au rôle du gouvernement en ce qui a trait aux services offerts aux juges. M. Walker a commencé à éliminer des cours du programme de formation, car il ne croyait pas qu'il revenait au gouvernement d'exécuter des activités de formation. Le plaignant a indiqué que le travail consistant à offrir de la formation aux juges représentait entre 5 % et 10 % de ses tâches, et que le cours le plus important de cette formation était celui de la recherche juridique dans Internet. Cette activité de formation faisait vraiment appel à son savoir-faire, tandis que les tâches restantes, qui constituaient 90 % du travail, auraient pu être effectuées par d'autres personnes. À l'automne 2003, M. Walker a décidé que le poste d'agent de formation principal, JUDICOM, n'avait plus à être occupé par un avocat, car les tâches n'incluaient plus l'enseignement de la recherche juridique en ligne. M. Walker a fait en sorte de produire une description de travail conforme à la façon dont il concevait le poste.

12 Le plaignant n'était pas satisfait de la façon dont la situation évoluait. Il avait l'impression que les tâches associées au poste étaient réduites et que, par conséquent, il allait recevoir la classification AS-04. Il a dit à M. Walker que ce n'était pas le poste qu'il avait accepté lorsqu'il est arrivé au Bureau, bien qu'il comprenne que la direction a le droit de redéfinir ses tâches et qu'elle peut déclasser le poste. Le plaignant a également indiqué qu'étant donné la façon dont la situation évoluait, il ne comptait pas demeurer en poste et que, si M. Walker décidait d'aller de l'avant, celui-ci ne devait pas s'attendre à ce qu'il reste en poste.

13 Le plaignant n'a pas abordé la question de la classification lors de ses échanges avec M. Walker; il croyait que celui-ci ne voudrait pas discuter de ce sujet, dans la mesure où il s'attachait à redéfinir le poste. Une nouvelle description de travail provisoire a été élaborée pour un poste d'agent de formation en chef, JUDICOM, à la fin d'octobre 2003. Cette description provisoire a été envoyée à deux consultants, afin d'obtenir une opinion relativement à la classification appropriée. On a dit au plaignant qu'on estimait que le poste recevrait probablement la classification AS-04. Selon ce qu'a indiqué le plaignant, M. Walker et un représentant des RH lui ont dit qu'il pouvait présenter une demande officielle de reclassification du poste. Il pouvait résulter de cette demande une reclassification au groupe et au niveau AS-04 ou AS-03, ou peut-être AS-05, mais que cette dernière possibilité était peu probable. Le plaignant a mentionné qu'on lui avait demandé s'il voulait que le poste soit reclassifié, ce à quoi il a répondu : [traduction] « Ce que vous faites de la description de travail m'importe peu; ce dont j'ai besoin, c'est que vous classifiez le poste pour lequel j'ai été engagé ». Le plaignant a soutenu que l'ancienne description de travail rendait compte du travail qu'il avait effectué lors des deux dernières années, jusqu'à l'arrivée de M. Walker. Il a ajouté que si le poste avait été correctement classifié dès le début (c.-à-d. le 29 juillet 2002) en tant que poste de groupe et de niveau LS-1, il aurait été renouvelé en tant que LS-1, et que si le poste tel qu'il est décrit maintenant devait être reclassifié en tant que AS-03, il profiterait de la protection accordée aux employés reclassifiés et pourrait conserver sa classification LS-1. Si cela avait été le cas, il aurait demandé à être déployé à un niveau plus élevé et convenant davantage à ses compétences.

14 Le plaignant a indiqué qu'il a fallu attendre un certain temps, soit jusqu'en novembre 2003, pour obtenir l'opinion des consultants, et qu'en décembre 2003, M. Walker lui a dit qu'il devait décider s'il voulait ou non demander une révision de la classification. Le plaignant a mentionné qu'il était devenu évident à ce moment que la situation ne progressait pas et qu'il a décidé de communiquer avec le défendeur.

15 Le plaignant a communiqué avec Janson LaBond, un représentant du défendeur, qui est venu le rencontrer à son bureau à la fin de décembre 2003. Après une discussion préliminaire portant sur l'adhésion au syndicat, le plaignant a expliqué son cas et M. LaBond lui a dit de consulter le site Web du défendeur. M. LaBond a suggéré au plaignant de faire une recherche sur le site Web et lui a indiqué que celui-ci renfermait de l'information sur la procédure à suivre en matière de grief. Le plaignant a mentionné qu'il avait consulté le site Web en entier.

16 Ce que le plaignant souhaitait à ce moment, c'était que la description de travail initiale qu'il avait signée soit classifiée de façon appropriée et qu'il reçoive la rémunération rétroactive correspondante à compter du 29 juillet 2002. Le plaignant a expliqué à M. LaBond pourquoi il estimait que la classification AS-04 ne convenait pas dans le cas du poste. Il a mentionné que M. LaBond lui a dit de consulter le site Web du défendeur et qu'on communiquerait avec lui dans quelques jours. Le plaignant a pu constater que le site Web contenait des renseignements de base utiles. Le plaignant n'avait jamais entrepris une procédure de grief auparavant. Selon le plaignant, M. LaBond devait savoir qu'il s'agissait de sa première procédure de grief, car il lui a demandé de signer une carte de membre du défendeur.

17 Le plaignant a mentionné qu'après avoir consulté le site Web du défendeur, il a cru que les renseignements ne pouvaient s'appliquer à sa situation - l'information était de nature générale. La réunion de suivi avec M. LaBond a eu lieu quelques jours plus tard. Le plaignant a admis qu'ils avaient été dans l'impossibilité de se joindre par téléphone, chacun d'eux étant absent quand l'autre l'appelle. Pendant la réunion, M. LaBond a indiqué au plaignant que, selon ce qu'il comprenait, celui-ci envisageait de déposer un grief de classification, et il a précisé qu'il y avait un délai de 25 jours suivant la date de la dernière décision de classification. Le plaignant, insatisfait de cet avis, a dit à M. LaBond que l'affaire était plus complexe qu'à l'habitude et qu'il devait parler à un expert. Le plaignant a expliqué à M. LaBond que le grief devait porter sur la première description de travail, et non pas sur la nouvelle. M. LaBond, non sans une certaine réticence, lui a suggéré de communiquer avec Doug Marshall, qui à ce moment était le vice-président régional du défendeur, à Ottawa. Le plaignant a indiqué que M. LaBond semblait irrité par le fait qu'il veuille de plus amples renseignements. M. LaBond lui a donné le numéro de téléphone de M. Marshall.

18 Le plaignant a communiqué avec M. Marshall au début de 2004. Le plaignant a brièvement expliqué la situation à M. Marshall, et celui-ci lui a dit que M. LaBond était la personne compétente pour traiter la question et lui indiquer la marche à suivre. Le plaignant a mentionné avoir dit à M. Marshall que, selon lui, la situation dépassait la compétence de M. LaBond et qu'il voulait consulter une personne connaissant bien le domaine et pouvant le conseiller. M. Marshall a répondu au plaignant qu'aucune personne de ce type n'était disponible. M. LaBond était le représentant du plaignant, et c'est avec lui qu'il devait traiter.

19 Le plaignant a mentionné qu'il a alors communiqué avec M. LaBond, qui lui a dit qu'il devait déposer un grief de classification et lui a demandé quand avait été prise la décision de classification. À ce moment, le plaignant a entrepris de communiquer avec un agent des RH du Bureau. Il a indiqué à l'agent des RH qu'il voulait déposer un grief de classification et qu'il avait besoin de connaître la date à laquelle avait été prise la décision de classification pour son poste. L'agent des RH lui a fait savoir que son poste n'avait pas été classifié. Le plaignant a transmis cette information à M. LaBond. M. LaBond a dit au plaignant qu'il devait y avoir une date de classification et a ajouté quelque chose à propos de la cotation numérique. Le plaignant a communiqué une nouvelle fois avec l'agent des RH, qui lui a finalement montré un document antérieur à la description de travail originale. Le plaignant a ensuite dit à M. LaBond que le seul document disponible datait de plus de deux ans. M. LaBond a mentionné au plaignant que le délai de 25 jours pour le dépôt d'un grief de classification était passé; le plaignant ne pouvait déposer de grief, car il avait besoin d'une décision de classification datant de moins de 25 jours. Le plaignant ne pouvait se rappeler si M. LaBond lui a dit quoi que ce soit d'autre pouvant l'aider à régler le problème.

20 Le plaignant a indiqué que M. Walker a quitté son poste en février 2004 et qu'à partir de ce moment, il a été sous l'autorité directe de la sous-commissaire Labbé. Le plaignant a mentionné qu'il a assumé certaines des responsabilités qui incombaient auparavant à M. Walker. Il a profité de cette occasion pour aborder la question de la classification de son poste avec la sous-commissaire Labbé. Celle-ci lui a promis qu'on rectifierait la situation le plus tôt possible. Cependant, en mars 2004, il en a eu assez et a pris des arrangements pour être déployé hors du Bureau, à un poste PM-04. Il a informé M. LaBond de sa décision de quitter le Bureau. M. LaBond ne lui a pas dit qu'en quittant le Bureau, il perdait tout droit de déposer un grief concernant la mauvaise classification du poste original. Le plaignant a indiqué que s'il avait su que le fait de quitter le Bureau entraînait la perte de ce droit, il aurait peut-être reconsidéré sa décision. Il a fait savoir à son nouveau superviseur qu'il était aux prises avec un différend en matière de classification et qu'il espérait que le problème se règle sous peu.

21 Après son déploiement, le plaignant a communiqué avec le Syndicat de l'emploi et de l'immigration du Canada, l'élément de l'Alliance responsable de son nouveau ministère. On l'a référé à Suzanne Gauthier, une agente des relations de travail au service du défendeur, qui lui a fourni une assistance. Elle semblait comprendre la situation du plaignant et connaître les recours possibles pour les employés. Mme Gauthier a indiqué au plaignant qu'il ne disposait d'aucun recours légal, mais elle a tout de même entrepris de communiquer avec le Bureau pour essayer de régler la question. En novembre ou en décembre 2004, ses efforts se sont avérés vains, car le Bureau a refusé de modifier la classification. En février 2005, après avoir demandé un avis juridique, le plaignant a déposé sa plainte. Le 29 mars 2005, il est passé d'un poste PM-04 à un poste PM-05 pour une période indéterminée.

22 Durant le contre-interrogatoire, le plaignant a reconnu qu'il avait tenté de négocier un salaire plus élevé avec le Bureau, mais qu'il a accepté le poste de groupe et de niveau AS-04 en espérant qu'il serait reclassifié à un niveau supérieur. Il a également admis qu'il n'avait aucune expérience en matière de classification, mais qu'il avait cru en toute bonne foi que le Bureau respecterait l'engagement qu'il avait pris à son égard. Quand on lui a demandé s'il avait envisagé de déposer un grief en vertu de la convention collective, il a dit ne pas s'en souvenir. À ce moment, il croyait que l'énoncé des tâches était exact.

23 Le premier témoin qui a témoigné pour le défendeur est M. LaBond. M. LaBond est fonctionnaire depuis 11 ans.

24 M. LaBond est un membre actif de l'agent négociateur auquel il est rattaché. À l'heure actuelle, il agit à titre de représentant local et de représentant de remplacement en santé et en sécurité au travail pour l'Association canadienne des employés professionnels (« l'Association »). Avant de devenir membre de l'Association, il a été un membre actif du défendeur, pour lequel il a agi à titre de représentant local, et il a occupé les fonctions de secrétaire de séance et de vice-président de la section locale 70125, tribunaux nationaux du Canada, qui englobe les employés travaillant à la Cour suprême du Canada, à la Cour d'appel fédérale, à la Cour fédérale du Canada, à la Cour canadienne de l'impôt et au Bureau. M. LaBond a aussi occupé un certain nombre de postes à l'Alliance. Avant de joindre la fonction publique, M. LaBond a été un membre actif de la section locale 503 du Syndicat canadien de la fonction publique.

25 Dans le cadre de sa participation aux activités des agents négociateurs, M. LaBond a suivi un certain nombre de cours destinés aux représentants locaux. Il a mentionné que ce ne sont pas toutes les affaires qui peuvent faire l'objet d'un arbitrage en vertu de l'ancienne Loi.

26 M. LaBond a donné un aperçu de la structure de l'Alliance et des responsabilités de l'agent à chacun des paliers de la procédure de règlement des griefs. Au départ, ce sont les représentants locaux qui s'occupent des griefs et qui les signent à titre de représentants de l'agent négociateur. Les représentants locaux présentent les griefs au premier et au deuxième palier. Un agent des relations de travail de l'élément de l'Alliance concerné se charge ensuite de la représentation au troisième palier, puis l'Alliance assure la représentation lors de l'arbitrage, s'il y a lieu.

27 M. LaBond a mentionné que dans le cadre de l'accomplissement de ses tâches à titre de représentant local, il a signé environ 15 griefs de classification. En général, trois griefs sont déposés pour chaque différend en matière de classification : le premier vise à obtenir une description de travail officielle, le deuxième concerne la demande de rémunération d'intérim et le troisième porte sur la classification.

28 M. LaBond a indiqué que lorsqu'on conteste une classification, la première étape consiste à obtenir une description de travail à jour et complète ainsi qu'une cotation numérique et un organigramme concernant la description de travail, comme le prévoient la plupart des conventions collectives. Ces éléments s'avèrent nécessaires, particulièrement lorsqu'une description de travail n'a pas été actualisée depuis un certain temps. M. LaBond a mentionné qu'il avait également conseillé à des employés de déposer des griefs de rémunération d'intérim et des griefs de classification afin d'établir une date de rétroactivité au cas où la procédure porterait fruit. Une fois la description de travail achevée, l'employeur la soumet aux fins de classification. Si la décision en matière de classification n'est pas satisfaisante, l'Alliance pourra soutenir le grief de classification si l'un de ses spécialistes de la classification estime que c'est justifié. Un employé peut déposer un grief de classification de son propre chef, sans l'assistance ou le soutien de son agent négociateur. Dans tous les cas touchant la classification, c'est un conseil de l'employeur qui décide du sort du grief, et l'affaire ne peut être renvoyée à l'arbitrage devant un tiers indépendant.

29 M. LaBond s'est rappelé avoir rencontré le plaignant en décembre 2003 ainsi qu'en janvier 2004. Le problème avec lequel était aux prises le plaignant concernait une description de travail et une classification. Il n'était pas satisfait de la classification. Un gestionnaire lui avait assuré que la classification serait revue à la hausse, mais cela ne s'est pas produit. Il n'avait aucun document écrit venant appuyer ses dires. M. LaBond a mentionné que ce n'était pas la première fois qu'il entendait ce type d'histoire.

30 M. LaBond a mentionné avoir expliqué au plaignant qu'elles étaient ses options et lui avoir indiqué que la première chose à faire était d'obtenir une description de travail à jour. Il a suggéré au plaignant de consulter la trousse à outils présente sur le site Web du défendeur, qui expliquait comment demander une description de travail, quels griefs il fallait déposer et quelle était la corrélation entre ces griefs. M. LaBond a ajouté qu'il a conseillé au plaignant de remplir les trois griefs. Le plaignant était plutôt réticent et ne semblait pas se réjouir à l'idée de procéder ainsi. Le plaignant a indiqué que sa nomination pour une période déterminée prenait fin en mars 2004, qu'il n'était pas certain qu'elle allait être renouvelée et qu'il se pourrait bien qu'il quitte le Bureau avant l'achèvement de la procédure de règlement du grief. M. LaBond a mentionné au plaignant que la première étape consistait à déposer les trois griefs et à entreprendre les démarches relatives à la description de poste en vue de clarifier la classification du poste. M. LaBond a indiqué qu'il revient à l'employé d'obtenir une description de travail et une classification à jour, la cotation numérique fondée sur des facteurs et l'organigramme. À la fin de la rencontre, le plaignant a indiqué qu'il prendrait l'information sous réserve et qu'il ferait une demande en vue d'obtenir une description de travail. M. LaBond a noté que, souvent, les employés nommés pour une période déterminée victimes d'une violation évidente de la convention collective sont réticents à l'idée de déposer des griefs, car ils craignent que leur nomination ne soit pas renouvelée.

31 Lorsque le plaignant a souhaité parler à un représentant plus expérimenté du défendeur, M. LaBond lui a dit de communiquer avec M. Marshall. M. LaBond a indiqué qu'il avait le sentiment d'avoir offert une aide adéquate au plaignant, et qu'il n'agirait pas autrement si pareille situation se reproduisait.

32 En contre-interrogatoire, M. LaBond a admis qu'il n'avait pas ouvert de dossier concernant le plaignant. Il a indiqué qu'habituellement, il ouvre un dossier seulement après qu'un grief a été déposé. Le plaignant n'avait pas déposé de grief. M. LaBond a confirmé que le plaignant lui avait fait savoir qu'on lui avait promis de reclassifier le poste et qu'il souhaitait obtenir une rémunération rétroactive d'un niveau plus élevé. M. LaBond a maintenu que la description de travail que lui a remis le plaignant était une description provisoire et que le poste n'avait pas été classifié. Il ne s'agissait pas d'une description de travail officielle, et la première chose à faire en vue de régler la situation consistait à obtenir une description officielle, une cotation numérique et un organigramme.

33 En réinterrogatoire, M. LaBond a noté que, pour qu'un employé puisse déposer un grief de classification, il faut qu'une décision de classification ait été rendue, et il a ajouté que les griefs de classification ne sont pas arbitrables.

34 Le défendeur a ensuite demandé à Mme Gauthier de témoigner. Elle a indiqué que de l'information sur le fonctionnement et la structure du défendeur est présente sur son site Web. Son rôle consistait à offrir une représentation aux membres au dernier palier de la procédure de règlement des griefs et auprès des comités de consultation. Elle a également participé à des activités de formation ainsi qu'à diverses réunions et conférences pour le défendeur.

35 Mme Gauthier a mentionné que les griefs de classification sont présentés à l'employeur au niveau local et qu'ils sont acheminés au dernier palier de la procédure de règlement des griefs de classification. Le rôle du défendeur consiste à s'assurer que le dossier du grief de classification est complet et contient une description de travail officielle, la classification, la cotation numérique du poste et un organigramme fourni par l'employeur. Sans ces documents, un agent de classification ne peut évaluer le cas de façon adéquate. Un grief portant sur la nature du travail est acheminé par le défendeur à tous les paliers de la procédure de règlement. Il incombe au représentant local du défendeur de présenter le grief aux trois premiers paliers, tandis que le défendeur se charge de la représentation au dernier palier de la procédure.

36 Mme Gauthier a indiqué que ce n'était pas à elle qu'il revenait de donner des avis aux employés individuels. Le défendeur représente 12 000 employés répartis dans 120 sections locales. Il serait impensable de vouloir donner des avis aux employés individuels. Cette responsabilité incombe aux représentants locaux du défendeur.

37 Mme Gauthier a décrit la procédure suivie lorsqu'un employé se dit insatisfait de la classification de son poste. Elle mentionne tout d'abord qu'un employé peut contester la classification si la décision de classification a été rendue dans les 25 jours qui précèdent. Si une telle décision n'a pas été prise, le moyen de lancer la procédure consiste à demander que des changements soient apportés à la description de travail. On recommande à l'employé de lire avec attention le document contenant la description de travail et de demander que toute tâche additionnelle, s'il en existe, soit incorporée à la description. Lorsqu'il y a effectivement ajout de tâches, l'employeur doit revoir la classification et demander une nouvelle décision de classification. Si l'employeur refuse de modifier la description de travail, on suggère alors à l'employé de déposer simultanément un grief portant sur la nature du travail, un grief de rémunération d'intérim et un grief de classification. Le grief de rémunération d'intérim et le grief de classification sont mis en suspens jusqu'à ce que soit réglé le grief portant sur la nature du travail. Le représentant local du défendeur connaît la procédure, qui est d'ailleurs indiquée dans la trousse à outils présente sur le site Web du défendeur.

38 Mme Gauthier a indiqué que le plaignant avait communiqué avec l'un de ses collègues, Don Reid, et que celui-ci lui avait renvoyé la demande de renseignements du plaignant. Mme Gauthier a communiqué avec le plaignant et, après avoir pris connaissance de sa situation, l'a informé qu'il n'avait plus la possibilité de déposer un grief portant sur la nature du travail, car à ce moment il n'occupait plus le poste. Mme Gauthier a mentionné que, sans grief portant sur la nature du travail, aucune nouvelle décision de classification ne serait rendue. Elle essaierait toutefois d'intervenir auprès du Bureau et de voir ce qui pouvait être fait. Malheureusement, l'intervention n'a rien donné, et elle a annoncé au plaignant qu'on ne pouvait rien faire de plus.

IV.  Résumé de l'argumentation

A.  Pour le plaignant

39 Le plaignant a allégué que, selon lui, le défendeur avait agi de façon arbitraire et capricieuse. Le défendeur n'a pu déterminer, après un examen raisonnable et approfondi, les recours dont disposait le plaignant pour obtenir un redressement. Le plaignant voulait que son poste soit reclassifié et recevoir une rémunération d'intérim pour la période pendant laquelle il a exécuté les fonctions.

40 Le plaignant a ajouté que le défendeur n'avait pas été en mesure d'évaluer le problème de façon adéquate, c'est-à-dire d'une manière pouvant donner lieu à une reclassification du poste et à une rémunération d'intérim. Selon le plaignant, le défendeur n'a pas pris en considération les options qui auraient permis de régler son problème ou a omis de lui proposer de telles options.

41 Après avoir examiné la preuve, le plaignant a indiqué que, bien qu'il possède une formation en droit, il était un néophyte en ce qui concerne la procédure de règlement des différends avec son employeur. C'était la première fois qu'il devait faire appel à son agent négociateur pour résoudre un problème.

42 Le plaignant a interrogé le défendeur et a fourni à M. LaBond des détails concernant sa situation. Selon le témoignage de M. LaBond, il est juste de croire que celui-ci a compris le problème, qui portait sur une reclassification et une rémunération d'intérim. Il ne s'agissait pas d'obtenir une classification des fonctions qui étaient celles du plaignant à l'époque. Le plaignant était satisfait de la classification de ses fonctions d'alors, telles qu'elles sont décrites dans la pièce C-3, et du fait qu'il ne reçoive pas une rémunération plus élevée pour les exécuter. Le plaignant a appris en discutant avec un représentant des RH du Bureau que, selon toute probabilité, le poste conserverait la même classification ou serait déclassé. Le plaignant n'avait aucun intérêt à ce que le poste modifié soit reclassifié selon les fonctions qui étaient les siennes juste avant qu'il quitte le Bureau.

43 Le plaignant a allégué que, même si M. LaBond avait une expérience des questions liées aux griefs, il n'en avait aucune en ce qui concerne le type de problème avec lequel il était aux prises. L'expérience de M. LaBond portait sur les descriptions de travail qui ne correspondent pas aux fonctions exécutées. Le plaignant avait un problème inverse.

44 Le plaignant a fait valoir que M. LaBond n'a pris aucune note durant leur rencontre, qu'il n'a pas examiné la description de travail relative au poste et qu'il n'a parlé à personne du Bureau, même s'il a dit qu'il essaierait à un moment ou à un autre de régler le problème de façon informelle avec l'employeur. M. LaBond n'a parlé à aucun représentant du défendeur ou de l'Alliance, car il voyait la situation du plaignant comme un problème habituel. Il y a des agents de classification à l'Alliance, mais M. LaBond n'a pas essayé de s'entretenir avec eux ou d'obtenir des avis de leur part, et il n'a jamais dit au plaignant qu'il serait plus prudent pour lui de parler à un agent de classification.

45 Le plaignant a clairement fait savoir qu'il voulait parler à quelqu'un possédant une expertise particulière, et en deux occasions il a demandé à M. LaBond s'il pouvait s'entretenir avec une telle personne, ce à quoi M. LaBond lui a répondu : [traduction] « Ces personnes ne sont pas disponibles, et de toute façon je suis là pour vous aider ».

46 À la première réunion, M. LaBond a suggéré au plaignant de faire lui-même une recherche en consultant la trousse à outils contenue dans le site Web du défendeur. Selon le plaignant, il est clairement ressorti de la réunion que M. LaBond estimait que le défendeur ne pouvait l'aider à régler les problèmes de classification et de rémunération d'intérim. M. LaBond est parvenu à cette conclusion après un bref entretien avec le plaignant et sans prendre aucune des mesures qui s'imposaient.

47 Le plaignant a ajouté qu'il a demandé à parler à un expert. M. LaBond a dit au plaignant de communiquer avec M. Marshall, qui lui a dit que c'était avec M. LaBond qu'il devait traiter. Lors d'une discussion, M. LaBond a fait savoir au plaignant qu'il devait faire en sorte que son poste soit reclassifié. M. LaBond n'a pas dit au plaignant que s'il suivait sa suggestion, il y avait une possibilité que le problème se règle. Il semblait n'y avoir aucun espoir que le poste soit reclassifié de façon rétroactive, parce que le plaignant n'avait pas déposé de grief dans les 25 jours suivant la décision de classification. La seule issue possible était que les fonctions dont s'acquittait alors le plaignant reçoivent une classification officielle et que le plaignant soit rémunéré conformément à cette classification. Le plaignant a conclu que cela ne lui serait pas utile. Il a reçu ce dernier avis d'un représentant des RH et de deux consultants.

48 Le plaignant a mentionné qu'il avait fait part à M. LaBond de la possibilité qu'il quitte le Bureau. M. LaBond a dit que ce sujet a été abordé parce que la nomination pour une période déterminée du plaignant allait prendre fin le 31 mars 2004. Quoi qu'il en soit, M. LaBond n'a pas fait allusion aux conséquences qu'aurait le fait de quitter le Bureau sur la capacité du plaignant à régler son problème en matière de classification. Au bout du compte, le fait de quitter le Bureau a éliminé toute possibilité pour le plaignant de régler son problème de façon satisfaisante par l'entremise de la procédure de règlement des griefs. S'il avait su que cela se produirait, il n'aurait pas quitté le Bureau avant d'avoir réfléchi plus sérieusement aux conséquences.

49 Le plaignant a ajouté que, lorsqu'il a parlé pour la première fois à M. LaBond de son double problème, celui-ci lui a uniquement conseillé d'obtenir une description de travail pour les fonctions dont il s'acquittait alors. M. LaBond a donné un avis et une orientation au plaignant sans prendre la peine d'évaluer et d'analyser le problème et sans demander conseil à un représentant du défendeur.

50 Le plaignant estime qu'il essayait de faire en sorte qu'on respecte un engagement pris avant la signature du contrat, et selon lui, M. LaBond n'a pris aucune mesure pour vérifier si c'était bien le cas. En diverses occasions, les supérieurs hiérarchiques du plaignant ont réitéré leur promesse de classifier le poste d'agent de formation principal, JUDICOM. Le défendeur n'a jamais pris quelque mesure que ce soit pour déterminer si cet engagement pouvait faire l'objet d'un grief. Le plaignant a décidé de quitter le Bureau en se fondant sur l'information qu'on lui avait fournie. Cette information n'était basée sur aucune analyse rationnelle ou raisonnable de son problème. Le fait d'avoir été déployé à un autre poste sans savoir que, par le fait, il ne pourrait plus déposer de grief a eu des conséquences extrêmement négatives en ce qui concerne son poste. Il lui était désormais impossible de poursuivre la procédure de règlement.

51 Le plaignant a allégué que, dans ces circonstances, le seul redressement possible consistait à demander des dommages-intérêts. D'après la preuve présentée, la Commission doit conclure que les dommages-intérêts demandés sont raisonnables et qu'ils constituent le seul redressement raisonnable et disponible pour le plaignant à l'heure actuelle.

52 Le plaignant a invoqué Savoury c. Guilde de la marine marchande du Canada, 2001 CRTFP 79, paragraphe 126, où l'on décrit de quelle façon doit s'exercer le pouvoir discrétionnaire d'un agent négociateur et ce qu'on est en droit d'attendre de ses représentants. Il a également porté à mon attention Griffiths v. United Steelworkers of America and National Automobile, Aerospace, Transportation and General Workers Union of Canada (CAW-Canada), Local 101, [2002] CCRI no 208. Ce cas s'appuie sur la décision Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, [1984] 1 R.C.S. 509, qui énonce les cinq principes devant sous-tendre le devoir de représentation équitable. Le plaignant a également mentionné que les actions ou les omissions qui dépassent la simple négligence peuvent être qualifiées de conduites arbitraires, tout comme les erreurs flagrantes concordant avec une attitude désinvolte. Il a aussi invoqué Jakutavicius c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2005 CRTFP 70, où l'agent négociateur a omis d'informer la plaignante du fait qu'elle pouvait poursuivre l'affaire sans l'aide de l'agent négociateur, même si elle a demandé à maintes reprises qu'on lui fournisse cette information.

53 Pour les motifs susmentionnés, le plaignant demande à la Commission de conclure que le défendeur a eu une conduite à ce point arbitraire qu'il n'a pas respecté son devoir de le représenter équitablement. Il demande à la Commission de rendre une ordonnance de compensation financière.

B.  Pour le défendeur

54 Le défendeur a indiqué qu'il n'avait pas agi de façon arbitraire. Il fait valoir que le plaignant n'a pas prouvé selon la prépondérance des probabilités que sa conduite avait été arbitraire.

55 Dans sa plainte, le plaignant a allégué que le défendeur a agi de façon arbitraire en ne traitant pas une demande d'assistance de manière raisonnable et en temps opportun. Il a ajouté que le défendeur lui a fourni des avis inexacts et que, de manière générale, il ne s'est pas acquitté de ses responsabilités. Toutefois, le témoignage de M. LaBond a permis d'établir qu'au contraire, celui-ci a immédiatement pris des mesures pour rencontrer le plaignant, après que celui-ci ait communiqué avec lui. M. LaBond, de façon bénévole et à titre de représentant local du défendeur, a rencontré le plaignant pendant leur pause déjeuner. M. LaBond a procédé à une évaluation complète du problème soulevé par le plaignant relativement à la promesse du Bureau. M. LaBond a indiqué au plaignant les options qui s'offraient à lui et les mesures qu'il devait prendre pour obtenir une reclassification. M. LaBond a clairement indiqué au plaignant les documents qui étaient requis pour enclencher la procédure. Le défendeur n'a jamais refusé de déposer un grief au nom du plaignant et ne lui a jamais fourni d'avis inexacts. M. LaBond a répondu rapidement à chacune des demandes du plaignant et lui a fourni l'information et les avis adéquats. Comme il l'a précisé dans son témoignage, M. LaBond n'a jamais insisté sur le fait d'avoir une décision de classification avant de pouvoir déposer un grief.

56 En contre-interrogatoire, le plaignant a confirmé qu'il était au fait de la convention collective et de la description de travail signée en mai 2002 (pièce C-1). Il s'agissait d'un document provisoire non classifié. Si le plaignant souhaitait obtenir une description de travail définitive, il aurait pu invoquer l'article 55 de sa convention collective et présenter une demande à cet égard au Bureau. Le plaignant a choisi de ne pas le faire. Il s'est plutôt abstenu de faire valoir ses droits et a attendu que le Bureau décide de respecter sa promesse. Quand on lui a demandé en contre-interrogatoire pourquoi il n'avait pas déposé de grief en 2002, le plaignant n'a pu fournir de réponse.

57 Le plaignant n'a pas communiqué avec le défendeur avant la fin de 2003, après avoir reçu une nouvelle description de travail de M. Walker (pièce C-3). À ce moment, il était déjà trop tard. La direction avait décidé qu'elle n'offrirait plus de formation destinée aux juges concernant la recherche juridique dans Internet. Le Bureau a fourni une nouvelle description de travail, toujours dans une version provisoire.

58 Quand le plaignant et M. LaBond se sont rencontrés, celui-ci a compris quel était le problème du plaignant; il avait une expérience de ce type d'affaires et a indiqué au plaignant la seule option qui s'offrait, soit demander une description de travail à jour en vertu de l'article 55 de la convention collective. Le plaignant a décidé de prendre l'avis en considération et a demandé à parler à quelqu'un d'autre. On lui a dit de communiquer avec M. Marshall, qui lui a donné essentiellement le même avis et l'a renvoyé à M. LaBond.

59 Le défendeur a allégué que, selon la preuve présentée, le plaignant n'était pas satisfait, car il souhaitait un règlement rapide étant donné que sa nomination pour une période déterminée prenait fin en mars. La preuve a aussi montré que M. LaBond et le plaignant ont parlé de l'arrivée à terme de la nomination et du fait que, si le plaignant poursuivait l'affaire, cela pouvait compromettre le renouvellement de sa nomination pour une période déterminée.

60 Le défendeur a ajouté que le plaignant n'a jamais demandé à M. LaBond ni à personne d'autre les répercussions qu'aurait sur ses droits le fait de quitter le Bureau. M. LaBond a mentionné que si le plaignant avait fait connaître son intention de déposer un grief, il en aurait déposé un en son nom. M. LaBond aurait réuni la documentation et ouvert un dossier. Toutefois, M. LaBond demandait au plaignant d'obtenir les documents requis de la part du Bureau pour amorcer la procédure.

61 En réponse à la déclaration du plaignant selon laquelle il était un néophyte en matière de relations de travail, le défendeur a fait valoir que le plaignant avait une formation en droit, notamment dans le domaine de la recherche juridique dans Internet. S'il avait vraiment voulu poursuivre l'affaire, il aurait été en mesure de trouver le nom et le numéro de téléphone de l'un des représentants du défendeur. Le plaignant a choisi de ne pas le faire, jusqu'à ce qu'il soit déployé hors du Bureau. En outre, même si le plaignant a été déployé hors du Bureau, Mme Gauthier a régulièrement communiqué avec lui et a pris des mesures afin de plaider sa cause auprès du Bureau, bien qu'elle savait qu'il n'était plus possible de déposer un grief.

62 Le défendeur a mentionné que le problème tenait essentiellement au fait que le Bureau n'avait pas respecté sa promesse. Il ne s'agissait pas d'une violation de la convention collective. La promesse a été faite en 2002, et le plaignant a communiqué avec le défendeur à la fin de 2003. Il a communiqué avec le défendeur pour donner suite à une plainte selon laquelle une promesse faite à son égard, à laquelle le défendeur était étranger, n'avait pas été respectée. Le défendeur a comme responsabilité principale de voir à l'application de la convention collective, et il n'est pas concerné par les affaires ou les ententes ne relevant pas celle-ci.

63 Le défendeur a allégué qu'il avait néanmoins fourni des avis et une orientation au plaignant, qui a choisi de ne pas en tenir compte et de ne pas déposer de grief. Le plaignant n'a pas suivi les conseils que lui ont donnés MM. LaBond et Marshall. Il serait faux de dire que le plaignant a perdu une possibilité de déposer un grief parce que le défendeur a omis de lui fournir des avis ou une orientation.

64  La preuve a montré que le plaignant a accepté le poste de groupe et de niveau AS-04 mentionné dans la lettre d'offre (pièce C-2). Il aurait dû connaître les conséquences découlant du fait de ne pas avoir demandé l'inclusion de la promesse faite par l'employeur dans la lettre.

65 Le défendeur n'a jamais refusé de déposer un grief au nom du plaignant et ne lui a jamais fourni d'avis inexacts. Il a répondu à chacune de ses demandes en lui offrant des avis et une assistance appropriés.

66 Le défendeur a ajouté subsidiairement que si la Commission concluait qu'il avait fourni des avis inexacts, cela n'équivalait pas à une conduite arbitraire de sa part. Le fait que le plaignant a cru que l'information fournie par M. LaBond ne l'aidait pas ne satisfait pas au critère d'arbitraire. Les promesses que fait le Bureau ne relèvent pas de la convention collective. Elles ne sont pas arbitrables et ne peuvent être exécutées par voie judiciaire, sauf si elles satisfont à certains critères juridiques particuliers. Malgré le fait que l'entente ne relevait pas de la convention collective, le défendeur a offert une représentation et a pleinement évalué la situation du plaignant.

67 Même s'il reconnaît qu'il a un devoir de représentation équitable, le défendeur soutient que la norme d'examen devrait être moins élevée en ce qui concerne l'application d'un contrat personnel et les questions liées à la classification, car de tels sujets ne relèvent pas de la convention collective.

68 Le défendeur a passé en revue la jurisprudence et a invoqué Lipscomb c. Alliance de la Fonction publique du Canada et al., 2000 CRTFP 66, Sophocleous c. Pascucci et Richey, dossier de la CRTFP 161-2-861 (19980121) et Charron c. Lafrance et al., dossier de la CRTFP 448-H-4 (19900208). Il a allégué que Savoury différait quant aux faits. Cette décision appuie la proposition selon laquelle l'agent négociateur a l'obligation d'informer les employés de leurs droits et des options qui s'offrent à eux. Le défendeur a fourni cette information au plaignant en ce qui concerne la présente affaire. Pour ce qui est de Jakutavicius, le défendeur a fait valoir qu'il n'avait pas refusé de déposer ou de poursuivre un grief au nom du plaignant. Contrairement à la situation qui prévaut dans Jakutavicius, le défendeur a fourni au plaignant des avis sur les mesures à prendre pour qu'il puisse poursuivre l'affaire.

69 Le défendeur a mentionné que la demande de dommages-intérêts s'élevant à 34 203 $ était spéculative, car il n'y a aucun moyen de déterminer si le Bureau, en toute hypothèse, aurait reclassifié le poste au niveau souhaité par le plaignant. L'attribution des fonctions est une prérogative de l'employeur, et celui-ci dispose d'une discrétion considérable à ce chapitre. Il s'agit d'un domaine pour lequel le défendeur ne cesse de lutter au nom de ses membres. Le plaignant n'a pas prouvé qu'il avait subi un préjudice découlant du refus du Bureau de respecter sa promesse, et le défendeur ne doit pas être tenu responsable de tels dommages spéculatifs.

70 Le défendeur a demandé que la requête de dommages-intérêts du plaignant soit rejetée parce qu'elle est sans fondement et que soit également rejetée la demande de paiement des frais juridiques.

C.  Réfutation du plaignant

71 En réplique, le plaignant a mentionné que Lipscomb, Sophocleous et Charron traitaient de situations ne relevant pas de la convention collective. Il a également fait valoir que c'était la première fois que le défendeur adoptait la position selon laquelle la situation était étrangère à la convention collective. Il a ajouté que la présente affaire n'est pas une question d'arrangement précontractuel, mais concerne plutôt un engagement verbal pris pendant qu'il occupait son poste, et qu'il est faux de dire qu'elle ne relève pas de la convention collective.

72 Le plaignant s'est opposé à l'affirmation selon laquelle il aurait pu régler l'affaire lui-même parce qu'il est avocat et qu'il sait comment effectuer une recherche juridique. Il a confié l'affaire au défendeur et a demandé une assistance, qui ne lui a pas été fournie. Ce qu'on lui a fourni est un avis selon lequel il devait obtenir une description de travail. Il a demandé la description, et le Bureau lui a dit qu'il la préparait et que le poste serait reclassifié, tout en l'avisant toutefois que le résultat pouvait ne pas le satisfaire, compte tenu de la situation à l'époque. Le plaignant a allégué qu'il s'appuyait sur l'engagement pris par le Bureau quand il a communiqué avec le défendeur. Le plaignant aurait pu montrer qu'on avait pris un engagement permanent le concernant, et le fait que les fonctions du poste avaient été modifiées peu de temps avant ne changeait rien à sa demande.

V.  Motifs de décision

73 Le plaignant a affirmé qu'un engagement a été pris au moment où il a accepté sa première nomination d'un an au Bureau. On s'était engagé à revoir la classification de son poste, qui était de groupe et de niveau AS-04 lorsqu'il l'a accepté. Le Bureau n'a pas fait en sorte de respecter l'engagement qu'il avait pris et, quand on lui a offert une seconde nomination au même niveau pour une période déterminée, le plaignant a accepté, croyant que la classification du poste serait réévaluée. Cela ne s'est pas produit non plus. Pendant sa seconde nomination pour une période déterminée, un gestionnaire nouvellement nommé a modifié ses fonctions. Le plaignant a communiqué avec le défendeur pour lui demander son assistance quelques mois seulement après que ce changement se soit produit.

74 Le défendeur a noté que le plaignant avait une description de travail provisoire et lui a conseillé de chercher à obtenir du Bureau une description de travail à jour et complète, conformément aux dispositions de sa convention collective. C'est, dans la plupart des cas, la première mesure que recommande le défendeur à un membre, quand celui-ci souhaite que son poste soit reclassifié et qu'il n'y a pas de description de travail officielle. Quand le plaignant a communiqué avec le Bureau, on lui a dit que le poste ne serait probablement pas reclassifié au niveau qu'il souhaitait, et il n'a pas poursuivi l'affaire. Le plaignant a soutenu que le défendeur ne lui a pas fourni les avis et l'assistance qui lui auraient permis d'avoir gain de cause et, par conséquent, que le défendeur avait failli à son devoir de représentation équitable. Je ne suis pas d'accord.

75  Un changement dans l'attribution des tâches s'est produit à l'été 2003. Ce changement a été pris en compte dans la description de travail provisoire révisée qu'on a fournie au plaignant en octobre 2003, et ce n'est qu'à la fin de décembre 2003 qu'il a communiqué avec M. LaBond. Celui-ci a examiné l'affaire et lui a donné les avis qu'il jugeait appropriés dans les circonstances.

76 Le plaignant a communiqué avec le défendeur et lui a demandé des avis sur la façon de procéder pour rectifier sa situation après seulement qu'on a apporté le changement à l'attribution des tâches. En procédant ainsi, il a mis en péril son droit de présenter cette demande. Il n'a pas agi à l'intérieur du délai de 25 jours que prévoit la convention collective pour le dépôt d'un grief, il a accepté une nouvelle nomination à un poste de même groupe et de même niveau, et il a laissé évoluer la situation jusqu'à un point où il devenait difficile, sinon impossible, de la rectifier. En outre, M. LaBond lui a suggéré une marche à suivre en vue de résoudre la question, et il ne l'a pas entreprise.  

77 Le plaignant savait quel était son taux de rémunération depuis sa première nomination et a choisi de s'en remettre à une promesse verbale selon laquelle la classification du poste serait réévaluée. Bien que ce défaut de respecter une promesse aurait pu faire l'objet d'un grief, le fait que le Bureau n'a pas tenu sa promesse n'est pas en soi une question autorisant le renvoi du grief à l'arbitrage en vertu de l'ancienne Loi. Dans le meilleur des cas, le plaignant aurait pu porter cette question à l'attention de ses supérieurs hiérarchiques responsables de répliquer au grief dans le cadre de la procédure de règlement. Une démarche similaire a été entreprise de façon informelle par Mme Gauthier. La réponse du Bureau a été négative.   

78 La preuve a montré que le défendeur a donné au plaignant les avis qu'il jugeait appropriés pour donner suite à la demande dans les circonstances. Absolument aucune preuve ne vient appuyer l'affirmation selon laquelle le défendeur aurait agi de façon arbitraire. Je n'ai aucune raison d'en arriver à une autre conclusion. Le plaignant n'a pas établi selon la prépondérance des probabilités que le défendeur lui a fourni des avis d'un caractère erroné évident, et certainement pas des avis pouvant laisser croire que le défendeur a fait preuve de négligence ou d'insouciance. Au contraire, la preuve donne à penser que les représentants du défendeur ont essayé d'aider le plaignant, et plus particulièrement Mme Gauthier, qui a fait tout ce qu'elle pouvait à cette fin.

79 Je crois également que les dommages-intérêts demandés sont, au mieux, spéculatifs. Même si j'acceptais l'argument selon lequel le défendeur a failli à son devoir de représentation équitable à l'égard du plaignant, rien ne vient garantir le bien-fondé de l'affirmation du plaignant selon laquelle son poste méritait une classification supérieure, et rien n'indique que le poste aurait obtenu la classification qu'il souhaitait. Le plaignant a déjà admis qu'il n'avait aucune expérience en matière de classification des postes. 

80 Je me dois de formuler un commentaire concernant le devoir qui incombe à l'agent négociateur de représenter tous les employés de l'unité de négociation. En réponse à l'argument du plaignant selon lequel il était un néophyte en matière de procédure de règlement des griefs, le défendeur a répliqué à l'audience que le plaignant avait la capacité d'effectuer sa propre recherche afin de poursuivre sa demande de reclassification. Même si je suis convaincu que MM. LaBond, Marshall et Reid ou Mme Gauthier n'ont pas eu une telle attitude lorsqu'ils ont traité la demande d'assistance du plaignant, le fait que cet argument a été utilisé à l'audience me laisse perplexe. Je rappelle au défendeur qu'un agent négociateur a un devoir de représentation équitable à l'égard de tous les employés de l'unité de négociation, peu importe leur niveau de scolarité ou leur degré de spécialisation.

81 Pour ces motifs, la Commission rend l'ordonnance qui suit :

VI.  Ordonnance

82 La plainte est rejetée.

Le 16 mars 2007.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Georges Nadeau,
vice-président

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