Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a été suspendu pendant cinq jours sans solde pour avoir communiqué des renseignements confidentiels - le fonctionnaire s’estimant lésé avait divulgué à une autre employée les résultats d’un concours auquel il avait participé - l’employeur avait insisté sur le caractère confidentiel de l’information communiquée au fonctionnaire s’estimant lésé concernant ses résultats et ceux des autres candidats - l’employeur considérait ce manquement à l’obligation de confidentialité comme de l’insubordination - le fonctionnaire s’estimant lésé estimait pour sa part que ce manquement avait peu d’importance - le fonctionnaire s’estimant lésé avait reçu deux réprimandes dans le passé - il avait aussi reçu deux lettres-conseils sur la nécessité de préserver la confidentialité de l’information - l’arbitre de grief a conclu que la faute de conduite ne justifiait pas une suspension de cinq jours - la mesure disciplinaire doit tenir compte du préjudice réel ou potentiel causé par la faute de conduite - l’arbitre de grief a réduit la peine à une suspension de deux jours sans solde. Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-10-15
  • Dossier:  166-02-36723
  • Référence:  2007 CRTFP 107

Devant un arbitre de grief


ENTRE

STEPHEN SIDORSKI

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Commission canadienne des grains)

employeur

Répertorié
Sidorski c. Conseil du Trésor (Commission canadienne des grains)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Dan Butler, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Laurin Mair, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Robert Lindey, avocat

Affaire entendue à Thunder Bay (Ontario),
du 29 au 31 août 2007.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Le 29 novembre 2004, Stephen Sidorski (« le fonctionnaire s'estimant lésé ») a déposé un grief en vue de contester la décision de l'employeur de lui imposer une suspension disciplinaire de cinq jours. À titre de mesure corrective, il demandait ceci :

[Traduction]

  1. Que la suspension disciplinaire soit levée immédiatement.
  2. Que tous les documents faisant état de cette affaire soient retirés et détruits.
  3. Que je sois remis dans la position antérieure. Qu'on me paie immédiatement un dédommagement pécuniaire.

2 À ce moment-là, le fonctionnaire s'estimant lésé occupait le poste d'inspecteur des grains à la Commission canadienne des grains (CCG ou l'« employeur ») à Thunder Bay (Ontario), un poste de niveau PI-03 (groupe Inspection des produits primaires).

3 Ayant échoué à faire lever la suspension aux premier, deuxième et troisième paliers de la procédure de règlement des griefs, le fonctionnaire s'estimant lésé a renvoyé son grief à l'arbitrage de grief le 9 novembre 2005, avec l'appui de l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC).

4 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

5 La Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») a tenté à deux reprises de mettre l'affaire au rôle, mais sans succès, l'employeur et l'agent négociateur ayant demandé à tour de rôle l'ajournement de l'audience.

6 Le président de la Commission m'a confié le mandat d'instruire et de trancher le grief à titre d'arbitre de grief.

7 À l'ouverture de l'audience, les parties m'ont demandé de les aider, à titre de médiateur, à déterminer s'il était possible d'en arriver volontairement à un règlement. L'effort de médiation ayant échoué, j'ai entrepris d'instruire le grief.

II. Résumé de la preuve

8 À la demande du représentant de l'employeur, et avec l'accord du représentant du fonctionnaire s'estimant lésé, j'ai rendu une ordonnance d'exclusion des témoins.

9 Le représentant de l'employeur a présenté sa preuve en appelant quatre témoins. Seul le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné pour son compte. Treize pièces justificatives ont été produites en preuve.

10 Le premier témoin de l'employeur a été Allen Coffey. À tire de gestionnaire des services d'inspection à la CCG à Thunder Bay, poste qu'il a occupé pendant quatre ans, M. Coffey supervise l'application du programme d'inspection technique dans toutes les installations de la CCG à Thunder Bay.

11 M. Coffey a déclaré qu'il avait présidé un comité de sélection, en 2004, dans le cadre d'un concours visant à combler des postes d'inspecteur des grains de niveau PI-04 à Thunder Bay. Le comité était également composé de Dennis Caruso, superviseur des Opérations d'inspection, et de Linda Brown, représentante des ressources humaines à la CCG. Après que les résultats eurent été communiqués aux candidats, deux d'entre eux - le fonctionnaire s'estimant lésé et David (« Rocky ») McConnell - ont déposé des appels.

12 M. Coffey, M. Caruso, Mme Brown, les deux appelants et leur représentante syndicale, Judith Monteith-Farrell, ont pris part à une séance de divulgation dans le cadre de la procédure d'appel. Les membres du comité de sélection ont alors soumis à l'examen des appelants les questionnaires d'examen qui avaient été utilisés lors du concours et les notes qui avaient été attribuées à tous les candidats. M. Coffey a déclaré qu'il avait expliqué aux candidats, au début de la réunion, que l'information qui allait leur être communiquée était confidentielle et qu'ils auraient le loisir de poser des questions aux membres du comité après en avoir pris connaissance. M. Coffey a ensuite quitté la salle. À son retour, il a rappelé aux candidats que l'information était confidentielle et que [traduction] « […] ces notes ne doivent pas être divulguées ». À la fin de la réunion, il a de nouveau insisté sur le fait que l'information était [traduction] « cent pour cent confidentielle ». Il a déclaré que les appelants et leur représentante avaient alors hoché de la tête pour indiquer qu'ils comprenaient.

13 M. Caruso est venu le voir plusieurs heures plus tard ce jour-là pour lui dire que Peter Duda, l'un des candidats qui avait réussi au concours, l'avait appelé pour savoir pourquoi ses notes [traduction] « circulaient sur les quais ». M. Coffey a alors appelé M. Duda, qui lui a raconté qu'une employée lui avait dit que le candidat qui s'était classé premier au concours n'avait pas reçu la note la plus élevée à l'évaluation des qualités personnelles. M. Duda était contrarié; il a demandé à M. Coffey pourquoi cette information avait été divulguée vu que les membres du comité de sélection avaient assuré que tout était confidentiel. M. Duda a ajouté que c'était Jacklynne (« Jacki ») Barnes qui lui avait communiqué l'information.

14 M. Coffey a ensuite appelé Mme Barnes, qui lui a dit que l'information en question lui avait été fournie par le fonctionnaire s'estimant lésé. Pressée de fournir plus de précisions, elle a ajouté que le fonctionnaire s'estimant lésé avait mentionné plusieurs notes qui avaient été attribuées au concours ainsi que la question des qualités personnelles. À la demande de M. Coffey, elle a ensuite confirmé sa version des faits dans un courriel daté du 10 novembre 2004 (pièce E-2). M. Coffey a déclaré que les notes auxquelles Mme Barnes faisait référence dans son courriel étaient bien celles qui avaient été attribuées. Lors d'un entretien ultérieur, Mme Barnes a précisé à M. Coffey que l'échange avec le fonctionnaire s'estimant lésé s'était déroulé aux bureaux de la Western Grain Byproducts (« Western 10 »). Se souvenant qu'il avait assisté à une séance de divulgation plus tôt dans la journée, elle lui a demandé [traduction] « Comment ça s'est passé? » Après cet échange, Mme Barnes était retournée à son lieu de travail habituel. Elle y avait croisé M. Duda, à qui elle avait fait part de la remarque que le fonctionnaire s'estimant lésé avait faite à son sujet.

15 M. Coffey a convoqué le fonctionnaire s'estimant lésé à son bureau pour discuter de l'allégation. Mme Brown a aussi participé à l'entretien par téléphone. Le fonctionnaire s'estimant lésé, qui était accompagné par Mme Monteith-Farrell, a nié qu'il avait communiqué de l'information. M. Coffey a indiqué que le fonctionnaire s'estimant lésé ou Mme Monteith-Farrell avait affirmé que c'était la direction qui avait divulgué l'information et, plus particulièrement, M. Caruso, qui avait obtenu cette information de Carol Coffey et l'avait rendue publique.

16 M. Coffey a vérifié cette affirmation auprès de M. Caruso, qui a nié de vive voix et par courriel qu'il avait divulgué de l'information (pièce E-3). Mme Coffey a expédié un courriel à M. Coffey dans lequel elle indiquait qu'elle n'avait pas eu d'échange de ce genre avec M. Caruso (pièce E-4).

17 M. Coffey a discuté des résultats de son enquête avec Jim Ball, gestionnaire des Opérations, Rick Bevilacqua, directeur régional, et Mme Brown. Il avait le sentiment que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas dit la vérité et que c'était bien lui qui avait divulgué l'information. Après avoir discuté de diverses options possibles, M. Coffey et ses collègues ont décidé qu'une suspension de cinq jours sans solde était la mesure indiquée dans les circonstances.

18 Au dire de M. Coffey, la direction a tenu compte de plusieurs facteurs avant d'en arriver à sa décision. Le fonctionnaire s'estimant lésé avait déjà reçu une lettre de réprimande, en date du 5 novembre 2003, pour avoir utilisé le système de courriel électronique à des fins non autorisées (pièce E-8). Il avait aussi fait l'objet d'une suspension d'une journée sans solde le 24 juin 2004 (pièce E-5). Cette mesure disciplinaire avait été remplacée par une réprimande écrite au dernier palier de la procédure de règlement des griefs en juin 2005 (pièce E-6). La direction lui avait également expédié deux lettres-conseils; la seconde, en date du 16 septembre 2004, insistait expressément sur la nécessité de protéger le caractère confidentiel de l'information (pièce E-7). M. Coffey a déclaré qu'ils avaient également tenu compte du témoignage de Mme Barnes et du fait que le fonctionnaire s'estimant lésé avait menti à M. Coffey en prétendant qu'il n'avait pas communiqué d'information. Vu que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas répondu de façon positive aux mesures disciplinaires et aux lettres-conseils antérieures, l'équipe de la direction en était arrivée à la conclusion que le moment était venu d'imposer une peine plus sévère.

19 M. Coffey a expédié une lettre disciplinaire au fonctionnaire s'estimant lésé, en date du 24 novembre 2004, dans laquelle il lui imposait une suspension de cinq jours sans solde (pièce E-9). Le passage clé en est reproduit ci-dessous :

[Traduction]

[…]

Après avoir pris connaissance de cette information et des réponses que vous m'avez fournies, j'en suis venu à la conclusion que vous continuez sciemment de désobéir aux ordres. En dépit de mes lettres-conseils et des mesures disciplinaires antérieures, vous avez décidé de ne pas tenir compte des directives qui vous ont été données et vous avez ouvertement affiché votre mépris pour la confidentialité de l'information de nature délicate qui vous avait été communiquée. Il s'agit d'une entorse grave aux règles qui ne peut demeurer impunie.

[…]

20 En contre-interrogatoire, le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a demandé à M. Coffey si la relation entre le fonctionnaire s'estimant lésé et Mme Brown était difficile. M. Coffey a répondu qu'il croyait qu'ils avaient eu quelques problèmes [traduction] « dans le passé », mais que cela ne le concernait pas et qu'il n'était pas au courant personnellement des difficultés qu'ils pouvaient avoir.

21 M. Coffey a confirmé que la liste des candidats reçus avait été établie avant l'incident mettant en cause le fonctionnaire s'estimant lésé et qu'il était probable qu'un grand nombre d'employés connaissaient déjà l'identité des candidats qui avaient réussi au concours.

22 Quand on lui a demandé de répéter exactement ce qu'il avait dit au sujet du caractère confidentiel de l'information lors de la séance de divulgation, M. Coffey a déclaré qu'il ne se souvenait pas de toutes ses paroles, mais qu'il se rappelait clairement avoir demandé à la fin de la séance : [traduction] « Est-ce que tout le monde comprend que tout ce qui s'est dit ici est cent pour cent confidentiel et que l'information qui a été communiquée ne doit en aucun cas sortir de cette pièce? » M. Coffey a indiqué qu'il entendait par là les notes que les candidats avaient obtenues aux examens du concours. Il a confirmé que les appelants avaient alors indiqué d'un hochement de tête qu'ils comprenaient la consigne qu'ils venaient de recevoir. Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a demandé à M. Coffey s'il avait insisté sur un point particulier, en indiquant par exemple que les appelants n'avaient pas le droit de divulguer leurs propres notes ou celles des autres candidats. M. Coffey a répondu qu'il ne rappelait pas exactement ce qu'il avait dit d'autre durant la séance.

23 M. Coffey a déclaré qu'il n'avait pas consigné les détails de ses entretiens avec Mme Barnes, ni de sa rencontre avec le fonctionnaire s'estimant lésé et Mme Monteith-Farrell, le 15 novembre 2004. Au sujet de cette dernière rencontre, il ne se rappelait pas que le fonctionnaire s'estimant lésé avait admis qu'il avait discuté de ses propres notes, mais il se pouvait qu'il eût mentionné qu'il était déçu de sa pondération.

24 M. Coffey a confirmé que c'était le fait que le fonctionnaire s'estimant lésé avait révélé des notes qu'il considérait comme le plus grave.

25 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a tenté de faire dire à M. Coffey qu'il nourrissait un sentiment antisyndical à l'endroit du fonctionnaire s'estimant lésé, ce que M. Coffey a nié. Il a refusé d'admettre que la lettre-conseil en date du 24 juin 2004 constituait une mesure disciplinaire; il a soutenu qu'elle touchait à des questions techniques de classement dans le cadre des fonctions du fonctionnaire s'estimant lésé dont il assurait la supervision (pièce E-5). Il a mentionné qu'il avait lui-même été représentant syndical plus tôt dans sa carrière.

26 En réinterrogatoire, M. Coffey a reconnu la première lettre-conseil expédiée au fonctionnaire s'estimant lésé, le 20 mai 2004 (pièce E-10). L'objet de cette lettre et la réunion avec le fonctionnaire s'estimant lésé à laquelle elle renvoie concernait des erreurs techniques de classement que le fonctionnaire s'estimant lésé avait commises. M. Coffey a déclaré qu'il avait quitté la réunion en se disant que le fonctionnaire s'estimant lésé avait fait montre de franchise durant l'entretien et qu'il avait accepté le counselling. Peu de temps après, le fonctionnaire s'estimant lésé avait appelé M. Coffey pour lui faire dire qu'il avait une lettre pour lui, qu'il était ensuite venu lui remettre (pièce G-1). Selon M. Coffey, cette lettre lui causait un problème parce qu'il avait dit au fonctionnaire s'estimant lés qu'il devait lui faire part de ses préoccupations en personne. C'est le contenu de la lettre qui constituait le principal problème. M. Coffey avait alors décidé d'imposer une mesure disciplinaire, soit une suspension d'une journée sans solde, le 24 juin 2004 (pièce E-5).

27 M. Coffey a nié qu'il avait pris le fonctionnaire s'estimant lésé pour cible en ce qui concernait les erreurs techniques ou qu'il le traitait différemment des autres employés. Il a raconté brièvement qu'il avait eu des entretiens avec d'autres employés au sujet d'erreurs de classement et qu'il leur avait expédié des lettres-conseils semblables à celles que le fonctionnaire s'estimant lésé avait reçues. Il a également réfuté la déclaration contenue dans la lettre du fonctionnaire s'estimant lésé, selon laquelle il n'y avait eu que quatre erreurs (pièce G-1) en disant qu'il y en avait beaucoup plus.

28 Le deuxième témoin de l'employeur, M. Caruso, a confirmé qu'il était membre du comité de sélection qui avait été constitué en 2004 aux fins du concours PI-04 et qu'il avait participé à la séance de divulgation avec les autres membres du comité, les deux appelants et leur représentante. Il a déclaré qu'il s'était entretenu avec les superviseurs PI-04 affectés aux installations portuaires, avant la séance, comme il le faisait tous les matins. Ces entretiens avaient généralement pour but de déterminer s'il y avait des problèmes reliés à la charge de travail ou d'autres problèmes, et d'établir les besoins en personnel. Le jour en question, certains des superviseurs avec lesquels il avait parlé lui avaient fait part de leurs inquiétudes au sujet de la séance de divulgation prévue dans la matinée. Il avait donc profité de ses entretiens avec tous les superviseurs pour leur dire qu'il s'agissait d'une réunion à caractère confidentiel et qu'aucune information qui allait y être donnée ne pouvait être divulguée par la suite.

29 M. Caruso n'a dit que quelques phrases durant la séance de divulgation. Au tout début, il a indiqué aux appelants et à leur représentante qu'il espérait qu'ils comprenaient tous que l'information qui allait leur être fournie durant la séance était [traduction] « cent pour cent confidentielle » et qu'elle ne devait pas être communiquée par la suite. M. Caruso a déclaré que les trois personnes avaient hoché la tête en signe d'assentiment et qu'ils n'avaient posé aucune question au sujet de la confidentialité. Il a ajouté que M. Coffey avait lui-même insisté sur le caractère confidentiel de l'information à trois ou quatre reprises durant la séance, y compris après une absence d'une vingtaine ou d'une trentaine de minutes et à la fin de la séance. M. Caruso a déclaré que Mme Brown avait également fait quelques déclarations au sujet de la confidentialité.

30 Après la réunion, M. Caruso a discuté à nouveau avec des inspecteurs surveillants de l'importance de protéger le caractère confidentiel de l'information dans tous les processus de dotation.

31 M. Caruso a déclaré qu'il avait reçu un appel de M. Duda, après le dîner. Furieux, M. Duda lui avait dit qu'il venait de parler avec Mme Barnes, laquelle lui avait communiqué de l'information qui avait été fournie durant la séance. Mme Barnes lui avait dit qu'il s'était classé premier à l'examen écrit, mais qu'il n'avait pas obtenu la plus haute note à l'évaluation des qualités personnelles. M. Caruso a répondu à M. Duda qu'il voulait avoir un entretien privé avec Mme Barnes. Il a ensuite demandé à Mme Barnes ce qu'elle avait dit à M. Duda. Elle a répondu qu'elle lui avait parlé des notes qui avaient été attribuées et de ce que le fonctionnaire s'estimant lésé avait dit au sujet des qualités personnelles de M. Duda. M. Caruso lui a dit qu'elle ne devait pas discuter de cela avec personne d'autre et l'a prévenue qu'il allait probablement lui demander de consigner les détails de l'échange dans un courriel et qu'il devait signaler l'incident à M. Coffey.

32 M. Caruso a ensuite rencontré M. Coffey pour lui raconter ce que M. Duda et Mme Barnes lui avaient dit. Il a dit que son rôle s'est arrêté là, exception faite d'un appel qu'il a fait à Mme Barnes afin d'obtenir les détails par courriel (pièce E-2). M. Coffey a continué à s'occuper seul du dossier.

33 En contre-interrogatoire, M. Caruso a précisé que c'était lui qui avait soulevé la question de la confidentialité lors de ses entretiens avec les inspecteurs surveillants. Il est néanmoins vrai que certains lui avaient demandé si l'information au sujet du concours allait être rendue publique, mais M. Caruso les avait rassurés en leur disant que ce n'était pas le cas.

34 Prié de préciser ce qu'il voulait dire quand il avait déclaré, durant la séance de divulgation, [traduction] « cent pour cent confidentialité », M. Caruso a répondu qu'il entendait par là que la confidentialité s'appliquait à cent pour cent de l'information communiquée et des documents produits au cours de la séance.

35 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a interrogé M. Caruso au sujet de la réputation de M. Duda. M. Caruso a indiqué qu'il n'avait jamais travaillé avec M. Duda, mais qu'il croyait comprendre que c'était un très bon travailleur et qu'il prenait son travail au sérieux. Il n'était pas au courant que M. Duda avait la réputation de se mettre souvent en colère. Au sujet de son entretien avec Mme Barnes, il a déclaré qu'il estimait que le contenu de son courriel (pièce E-2) confirmait ce qu'elle lui avait dit de vive voix.

36 Le troisième témoin de l'employeur a été Mme Barnes. Elle a confirmé qu'elle était membre de l'AFPC et qu'elle avait reçu une assignation à témoigner de la Commission.

37 Mme Barnes a indiqué qu'elle avait commencé la journée du 9 novembre 2004 aux silos de Cargill et que, vers 8 h 30, elle avait été dépêchée aux silos de Western 10 afin de prendre la relève du fonctionnaire s'estimant lésé. Quand ce dernier est revenu à Western 10, elle se tenait près de la porte, prête à partir. Elle lui avait alors demandé [traduction] « Puis, comment ça s'est passé? » Le fonctionnaire s'estimant lésé avait tiré un bout de papier de sa poche et s'était mis à lui parler des notes des candidats, des personnes qui étaient présentes à la séance de divulgation, de leur état émotif et [traduction] « d'autres choses encore ». Comme elle ne s'attendait à ce qu'il lui communique tous ces détails, elle avait réagi en s'exclamant : [traduction] « Ah oui, vraiment? », puis elle avait quitté les lieux. Elle a dit qu'elle n'a plus jamais reparlé de la séance de divulgation avec le fonctionnaire s'estimant lésé.

38 Mme Barnes a poursuivi en disant qu'elle était revenue au silo de Cargill entre 12 h et 12 h 30 et qu'elle avait alors croisé M. Duda, à qui elle avait dit que le fonctionnaire s'estimant lésé lui avait parlé de la séance de divulgation. Elle se souvenait d'avoir expressément dit à M. Duda que le candidat qui s'était classé premier au concours n'avait pas obtenu la plus haute note à l'évaluation des qualités personnelles. Elle a déclaré que M. Duda avait été étonné d'apprendre cela. Elle a confirmé qu'elle ne savait pas à ce moment-là qu'il s'agissait de renseignements confidentiels. Elle a dit qu'elle n'a plus jamais reparlé de cette affaire avec M. Duda.

39 Plus tard dans la journée, M. Caruso a appelé au silo de Cargill afin de parler à Mme Barnes, parce qu'il voulait savoir ce que le fonctionnaire s'estimant lésé lui avait dit. M. Caruso lui avait demandé par la suite de consigner par écrit les détails de son échange avec le fonctionnaire s'estimant lésé (pièce E-2). Elle a confirmé que la pièce E-2 était un compte rendu fidèle de ce que le fonctionnaire s'estimant lésé lui avait dit.

40 En contre-interrogatoire, Mme Barnes a déclaré qu'elle s'était portée candidate à un concours à l'automne 2004 en vue d'obtenir une promotion à un poste PI-03, mais qu'elle ne se rappelait pas à quelle date exactement le concours s'était tenu. Elle avait reçu une lettre de l'employeur au début de 2005 indiquant qu'elle figurait sur la liste des heureux candidats.

41 Concernant l'échange qu'elle a eu avec le fonctionnaire s'estimant lésé, le 9 novembre 2004, Mme Barnes a précisé qu'il n'avait pas divulgué de notes particulières, hormis les deux dont il est question dans la pièce E-2, c.-à-d. celles que lui-même et M. McConnell avaient obtenues à l'évaluation des qualités personnelles (58 % et 67 % respectivement). Pressée de fournir des précisions à ce sujet, Mme Barnes a indiqué qu'elle était sûre que le fonctionnaire s'estimant lésé lui avait parlé de la [traduction] « note de Rocky ». Elle a également confirmé que le fonctionnaire s'estimant lésé avait mentionné que Rocky était présent à la séance, qu'il était contrarié et qu'il avait éclaté en sanglots. Mme Barnes a nié qu'elle avait posé des questions au fonctionnaire s'estimant lésé au sujet du processus de divulgation ou qu'elle lui avait dit qu'elle espérait qu'[traduction] « […] ils n'interjettent pas appel des résultats du concours auquel j'ai participé ».

42 Pour en venir à l'échange avec M. Duda, Mme Barnes a dit qu'elle avait jugé nécessaire de lui parler de la conversation qu'elle avait eue avec le fonctionnaire s'estimant lésé parce que cette conversation l'avait étonnée. Elle ne se rappelait pas exactement ce qu'elle avait dit à M. Duda, ni s'il l'avait interrogée au sujet de ce que le fonctionnaire s'estimant lésé avait dit. Elle a raconté que M. Duda était contrarié et qu'il avait dit quelque chose comme : [traduction] « Attends une minute, personne n'est censé être au courant ».

43 Le dernier témoin de l'employeur a été M. Duda. Il a lui aussi confirmé qu'il était membre de l'AFPC et qu'il avait reçu une assignation à comparaître. Il a déclaré qu'il se trouvait aux silos de Cargill, le 9 novembre 2004, quand M. Caruso l'avait appelé comme d'habitude, tôt le matin, pour s'informer comme chaque fois de l'état de la situation au travail. Il a dit que M. Caruso l'a appelé de nouveau vers 9 h pour lui faire savoir que des employés allaient prendre part à une séance de divulgation plus tard dans la journée. Il lui avait donné l'assurance que tout ce qui allait y être communiqué était confidentiel et il lui avait demandé de le prévenir sans tarder s'il entendait parler de la séance.

44 M. Duda a raconté que Mme Barnes était revenue de Western 10 à Cargill aux alentours de midi et qu'elle lui avait dit qu'il s'était classé premier au concours, mais qu'il n'avait pas obtenu la plus haute note à l'évaluation des qualités personnelles. M. Duda, qui n'était pas au courant de son résultat, était étonné et surtout contrarié d'apprendre aussi que Rocky avait obtenu une si mauvaise note qu'il avait éclaté en sanglots durant la séance de divulgation, un commentaire qui témoignait à ses yeux d'un manque de sensibilité. Il a ensuite rapporté l'échange à M. Caruso, qui lui a demandé de fournir des précisions. M. Caruso a déclaré qu'il ne pouvait pas laisser passer ça et qu'il devait en parler à ses supérieurs.

45 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a demandé et obtenu confirmation que le travail était au ralenti au silo de Cargill, le 9 novembre 2004. Pressé de fournir des détails, M. Duda a déclaré qu'il n'était pas sûr si M. Caruso avait abordé la question de la confidentialité lors de son premier et de son second appel ce matin-là, mais il se rappelait que M. Caruso lui avait expressément dit qu'il téléphonait [traduction] « à tous les employés du coin ».

46 M. Duda a déclaré qu'il ne se rappelait pas exactement comment la conversation avec Mme Barnes avait commencé, mais il était sûr qu'il ne lui avait pas posé de questions. Il a indiqué qu'il avait considéré les commentaires que Mme Barnes lui avait faits au sujet de Rocky comme un manquement à l'obligation de confidentialité. Il a confirmé qu'elle ne lui avait pas parlé de sa note, seulement du fait qu'il s'était classé premier parmi tous les candidats et qu'il n'avait pas obtenu la meilleure note à l'évaluation des qualités personnelles.

47 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a interrogé M. Duda au sujet de sa relation avec le fonctionnaire s'estimant lésé, au sujet de la réputation qu'avait M. Duda d'être une forte-tête et du surnom de [traduction] « tête de thermomètre » que lui attribuaient certains employés. M. Duda a déclaré qu'il avait eu des malentendus avec le fonctionnaire s'estimant lésé et que ce dernier lui avait dit qu'il y avait des collègues de travail qui n'aimaient pas M. Duda. Il a nié qu'il avait été l'objet de plaintes officielles de harcèlement et qu'il avait depuis longtemps des relations difficiles avec le fonctionnaire s'estimant lésé. Il a mentionné qu'il avait eu des divergences d'opinion, de temps à autre, avec le fonctionnaire s'estimant lésé au sujet de questions touchant la section locale, mais qu'il avait du respect pour lui parce qu'il n'hésitait pas à prendre la défense des employés.

48 Le fonctionnaire s'estimant lésé a été le dernier témoin. Il a déclaré qu'au moment de l'incident, il cumulait 29 années de service à la CCG, à Thunder Bay, où il s'était hissé jusqu'au poste d'inspecteur des grains, PI-03. Il lui était arrivé à quelques occasions au cours des dernières années d'assumer à titre intérimaire les fonctions d'inspecteur responsable, PI-04.

49 Le fonctionnaire s'estimant lésé et les autres candidats au concours PI-04 qui s'est tenu en 2004 ont été informés des résultats de la mesure de dotation dans une lettre qui indiquait le classement de chaque candidat (pièce G-2). Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu'il s'était classé sixième parmi les sept heureux candidats et qu'il avait interjeté appel.

50 Le fonctionnaire s'estimant lésé a pris part à une séance de divulgation avec M. Coffey et M. Caruso, en compagnie de M. McConnell et de Mme Monteith-Farrell. Il a déclaré qu'il ne se rappelait pas si Mme Brown était également présente. On leur avait remis des copies des examens et des notes de tous les candidats ainsi que les points qui avaient été attribués à quatre questions que le comité de sélection avait utilisées pour évaluer les qualités personnelles. Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu'il n'avait pas pris de notes durant la séance et qu'il n'avait pas de bout de papier sur lui. Il se rappelait que M. Coffey avait dit que l'information [traduction] « était confidentielle », mais il ne se souvenait pas qu'il avait dit qu'elle était [traduction] « cent pour cent confidentielle ». Il a affirmé que M. Caruso n'avait pas dit un mot durant la séance.

51 Après la réunion, le fonctionnaire s'estimant lésé est retourné à Western 10 où il était affecté cette semaine-là à titre de PI-04 par intérim. Il a expliqué qu'il y avait croisé Mme Barnes, qui s'apprêtait à quitter les lieux. Elle lui avait demandé [traduction] « Comment ça s'est passé? » Il lui avait dit que ça ne s'était pas passé aussi bien qu'il l'aurait voulu et qu'il était très mécontent des résultats qu'il avait obtenus. Au dire du fonctionnaire s'estimant lésé, Mme Barnes a alors déclaré qu'elle venait tout juste de participer à un concours PI et qu'elle se demandait pourquoi ça prenait tant de temps pour être convoqué à l'entrevue d'évaluation des qualités personnelles. Elle l'avait également interrogé au sujet des questions qui avaient été utilisées pour évaluer les qualités personnelles et il lui avait répondu qu'il était probable que les questions qui lui seraient posées seraient différentes. Il lui a dit qu'il avait obtenu 58 % à l'évaluation des qualités personnelles et qu'il était insatisfait de la pondération accordée aux diverses composantes de ce facteur. Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que Mme Barnes lui avait ensuite posé des questions au sujet de M. McConnell. Il lui avait dit que M. McConnell était très contrarié durant la séance. L'échange avait alors pris fin et Mme Barnes avait quitté les lieux.

52 Le fonctionnaire s'estimant lésé a nié qu'il avait dit à Mme Barnes que Rocky avait obtenu 67 % à l'évaluation des qualités personnelles ou que le candidat qui s'était classé premier au concours n'avait pas obtenu la note la plus élevée à l'évaluation des qualités personnelles.

53 Concernant la réunion d'instruction qui s'est tenue avec M. Coffey, le 15 novembre 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé a nié qu'il avait prétendu qu'il n'avait pas discuté de la séance avec Mme Barnes. Il a soutenu qu'il avait admis à M. Coffey qu'il avait fait part à Mme Barnes de sa déception de ne pas avoir obtenu une meilleure note à l'évaluation des qualités personnelles, qu'il lui avait révélé sa note et qu'il avait mentionné que l'autre appelant était contrarié. Il a réitéré qu'il n'avait pas révélé la note de Rocky à Mme Barnes.

54 Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu'il ne croyait pas que le fait de révéler sa propre note constituait un manquement à l'obligation de confidentialité. Il estimait [traduction] « […] avoir le droit de discuter de mes affaires personnelles ». En revanche, il ne faisait aucun doute que révéler la note d'un autre constituait un manquement à l'obligation de confidentialité.

55 Le fonctionnaire s'estimant lésé a décrit ses diverses activités à titre de représentant de la section locale. Il a déclaré qu'il avait reçu de la formation de la CCG et de l'AFPC sur la façon de traiter l'information confidentielle et qu'il avait représenté des syndiqués auprès de l'employeur dans des situations délicates où il était très important de préserver la confidentialité de l'information.

56 Il a parlé d'une situation où, à titre de représentant syndical au sein de l'équipe d'évaluation des menaces (EEM), il avait porté à l'attention de la direction, sous le sceau de la confidence, des menaces qu'un employé du silo avait proférées au travail à l'endroit d'un employé de la CCG. Le fonctionnaire s'estimant lésé s'attendait à ce que le rapport de l'EEM demeure confidentiel, or peu de temps après, il avait été confronté par la personne même qui avait été accusée de proférer les menaces. Dans un courriel de suivi expédié à Gordon Miles, chef de l'exploitation de la CCG, le fonctionnaire s'estimant lésé s'était plaint qu'un gestionnaire avait manqué à son obligation de confidentialité en faisant part du contenu du rapport à l'employé concerné (pièce G-3). L'AFPC avait ultérieurement décidé de ne plus faire partie de l'EEM en raison des doutes qu'elle entretenait au sujet de la confidentialité de l'information. Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu'il y avait eu plusieurs autres incidents - il s'agissait la plupart du temps de questions syndicales -, où la direction avait manqué à son obligation de confidentialité, mais il s'est dit incapable d'en mentionner un en particulier.

57 Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu'il avait commencé à s'impliquer dans les activités de la section locale en 2000 et que c'est à partir de ce moment-là que la bonne relation qu'il avait avec la direction avait changé. À mesure que croissaient ses responsabilités à titre de représentant syndical, il avait l'impression que la direction scrutait de plus en plus sa conduite, à son détriment. Il a dit avoir été la cible de menaces et de mesures d'intimidation de la part [traduction] « […] de presque tous les membres de la direction », y compris M. Bevilacqua. Il a relaté un incident qui était survenu en 2002, lors d'une réunion informelle qu'il avait eue avec M. Bevilacqua et Mme Brown, à titre de président de la section locale. Durant la réunion, il avait dit à M. Bevilacqua qu'il [traduction] « […] parlait beaucoup plus qu'il n'agissait ». Le lendemain, M. Bevilacqua l'avait convoqué à son bureau pour lui dire qu'il était offensé par les propos que le fonctionnaire s'estimant lésé lui avait tenus la veille et que rien ne l'autorisait à lui parler de cette façon à titre de représentant syndical, étant donné tout le mal que M. Bevilacqua s'était donné pour lui venir en aide personnellement dans le passé. Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu'une autre fois, M. Coffey l'avait convoqué à son bureau pour lui dire que s'il continuait à vouloir aller de l'avant avec une certaine plainte de harcèlement, la direction allait lutter contre lui. Le fonctionnaire s'estimant lésé a soutenu qu'il y avait d'autres incidents similaires qui démontraient que ses activités syndicales avaient eu une incidence négative sur sa relation avec la direction, bien qu'elles ne lui aient jamais valu de sanctions disciplinaires. Il a aussi parlé d'une réunion à laquelle M. Coffey l'avait convoqué, en compagnie de son représentant syndical, pour discuter de son rendement, et à l'issue de laquelle on lui avait imposé une suspension d'une journée pour des [traduction] « erreurs de performance » - huit environ - qu'il avait prétendument commises (pièce E-6). Cette mesure avait par la suite été remplacée par une réprimande écrite.

58 En contre-interrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé a de nouveau nié qu'il avait pris des notes durant la séance de divulgation du 9 novembre 2004. Il a aussi déclaré qu'il n'avait rien consigné par écrit à son retour au silo. Il a nié qu'il avait un bout de papier sur lui lors de l'échange avec Mme Barnes ou qu'il avait sorti un bout de papier de sa poche.

59 L'avocat de l'employeur a demandé au fonctionnaire s'estimant lésé s'il avait révélé la note de M. McConnell. Le fonctionnaire s'estimant lésé a répondu qu'il ne voyait pas quel avantage il aurait pu retirer en dévoilant la note de M. McConnell à Mme Barnes. Il était satisfait de son classement au concours, de sorte qu'il n'avait rien à gagner à parler des résultats de quelqu'un (M. McConnell) qui se trouvait plus bas que lui sur la liste. Il a déclaré que le seul objectif de son appel était d'obtenir que la période de validité de la liste d'admissibilité soit portée à deux ans.

60 Au sujet de la formation qu'il a reçue de l'AFPC en matière de protection des renseignements confidentiels, le fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué qu'il avait retenu que l'information qui lui est communiquée par un membre dans le cadre de ses activités syndicales doit être considérée comme confidentielle jusqu'à ce qu'une décision soit rendue. Il a convenu avec l'avocat de l'employeur que, suivant cette ligne de pensée, il n'était pas acceptable de communiquer des renseignements personnels durant un processus de dotation. Il a aussi admis, de prime abord, qu'il ne parlerait pas de la réaction émotive qu'un membre avait eue durant une réunion, mais il a déclaré par la suite que [traduction] « […] ce n'était pas nécessairement inacceptable […] » de parler des émotions d'un collègue dans le cadre d'un concours, que c'était là une décision [traduction] « […] qui lui appartenait à titre de représentant syndical ». Dans le cas exprès de sa rencontre avec Mme Barnes, le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu'il lui avait paru acceptable de mentionner la réaction émotive de M. McConnell puisque Mme Barnes lui avait posé une question au sujet de ce dernier et qu'elle s'était inquiétée pour lui. Quand l'avocat de l'employeur lui a demandé si la première chose à faire n'aurait pas été de vérifier d'abord auprès de M. Coffey ou de M. Caruso, il a répondu que [traduction] « […] jamais [il] ne solliciterai[t] les conseils de la direction sur des questions de confidentialité au vu de [son] expérience passée ». Interrogé davantage sur ce point, le fonctionnaire s'estimant lésé a mentionné qu'il irait probablement consulter le syndicat au lieu de la direction pour discuter d'inquiétudes de confidentialité.  Il a ajouté [traduction] « La décision d'accepter ou non des consignes [de la direction] m'appartient entièrement. Jamais je ne lui demanderai conseil. »

61 En réinterrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé a nuancé ses propos en disant qu'il acceptait toujours les consignes de la direction, mais que [traduction] « […] c'est ma prérogative de solliciter ou non ses conseils ». Il a aussi précisé sa pensée au sujet de la question de la divulgation de la réaction émotive de M. McConnell en disant que si on lui demandait en n'importe quel temps si une personne était contrariée, il ne considérerait pas comme un manquement à l'obligation de confidentialité le fait de lui répondre.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour l'employeur

62 L'avocat de l'employeur a avancé que la preuve démontre que l'employeur a donné au fonctionnaire s'estimant lésé la consigne de ne pas divulguer l'information confidentielle qui lui a été communiquée lors de la séance de divulgation du 9 novembre 2004. Ce processus de divulgation s'inscrivait dans le cadre des recours prévus par le Règlement sur l'emploi dans la fonction publique (2000) (« le Règlement ») :

[…]

26.(1) L'appelant a accès sur demande à l'information, notamment tout document, le concernant ou concernant le candidat reçu et qui est susceptible d'être communiquée au comité d'appel.

(2) L'administrateur général en cause fournit sur demande à l'appelant une copie de tout document visé au paragraphe (1).

[…]

(6) L'information ou les documents obtenus en vertu du présent article ne peuvent être utilisés que pour les besoins de l'appel.

[…]

63 Le fonctionnaire s'estimant lésé a lui-même admis avoir révélé à Mme Barnes la note qu'il avait obtenue à l'évaluation des qualités personnelles de même que le fait que M. McConnell était contrarié durant la séance de divulgation. Il a nié qu'il avait révélé la note que M. McConnell avait obtenue à l'évaluation des qualités personnelles ou que le candidat qui s'était classé premier au concours n'avait pas obtenu la note la plus élevée à l'évaluation de ce facteur. Le témoignage contradictoire de Mme Barnes sur ce point était clair et franc et il doit être retenu. Mme Barnes a déclaré que le fonctionnaire s'estimant lésé avait révélé la note que lui-même et M. McConnell avaient obtenue à l'évaluation des qualités personnelles ainsi que le fait que le candidat qui s'était classé premier n'avait pas obtenu la plus haute note à l'évaluation de ce facteur. Il avait aussi révélé que M. McConnell était contrarié et qu'il avait éclaté en sanglots durant la séance. Si l'on compare ce témoignage à la version vague et générale du fonctionnaire s'estimant lésé, force est de constater que Mme Barnes a fourni des précisions crédibles sur la façon dont elle en est venue à échanger avec le fonctionnaire et le lieu où s'est déroulée cette rencontre et qu'elle est absolument sûre qu'elle lui a seulement demandé [traduction] « Comment ça s'est passée? » Elle a par la suite relaté dans un courriel destiné à M. Caruso et à M. Coffey (pièce E-2) exactement ce qu'ils s'étaient dits. M. Coffey a confirmé dans son témoignage que les notes dont Mme Barnes faisait mention étaient bien celles qui avaient été attribuées. Rien dans la preuve qui a été produite à l'audience ne permet de conclure qu'il existait de l'animosité entre Mme Barnes et le fonctionnaire s'estimant lésé; Mme Barnes était elle aussi membre du syndicat.

64 Quand le représentant de l'employeur a demandé au fonctionnaire s'estimant lésé s'il avait parlé à Mme Barnes des notes que M. McConnell avait obtenues, il a curieusement répondu qu'il n'avait pas de raison de parler des résultats de M. McConnell [traduction] « […] parce que cela ne [lui] procurait aucun avantage ». Le représentant de l'employeur a indiqué qu'il se serait attendu à une toute autre réponse. Ce que les propos du fonctionnaire s'estimant lésé révèlent en fait c'est qu'il a comparé les pourcentages et calculé ce qu'il était à son avantage de divulguer. On peut en déduire qu'il a probablement fait le même genre de calcul quand il a décidé quels détails de l'échange qu'il avait eu avec Mme Barnes il allait révéler à l'audience.

65 Étant donné que la preuve a clairement démontré que le fonctionnaire s'estimant lésé a communiqué des renseignements confidentiels à Mme Barnes, la charge de la preuve se trouvait dès lors inversée, si bien qu'il appartenait au fonctionnaire s'estimant lésé de faire la preuve du contraire ou de fournir une explication logique, ce qu'il n'a pas fait.

66 Le fonctionnaire s'estimant lésé a prétendu que Mme Barnes l'avait interrogé au sujet de la séance de divulgation, le 9 novembre 2004. Même si c'est vrai - et Mme Barnes a clairement dit qu'elle lui avait seulement demandé [traduction] « Comment ça s'est passé? » - le fait qu'elle lui ait posé des questions ne le justifiait pas de communiquer des renseignements à caractère confidentiel.

67 Bref, le représentant de l'employeur estimait que l'employeur s'était acquitté de la charge de la preuve qui lui incombait en établissant que, selon la prépondérance des probabilités, le fonctionnaire s'estimant lésé avait communiqué les renseignements confidentiels expressément indiqués dans la pièce E-2. Le fonctionnaire s'estimant lésé a fait preuve d'insubordination. La direction lui avait dit de ne pas divulguer d'information, or il a fait fit de la consigne moins d'une heure après être sorti de la séance de divulgation.

68 Concernant la mesure disciplinaire, le représentant de l'employeur a fait valoir qu'il était évident que le fonctionnaire s'estimant lésé comprenait la nécessité de protéger le caractère confidentiel de l'information et qu'il savait comment traiter cette information. Il a d'ailleurs déclaré qu'il avait reçu une formation poussée en la matière et qu'il avait acquis une vaste expérience de la gestion de renseignements confidentiels à titre de représentant syndical. Ajoutons à cela que le 16 septembre 2006, moins de deux mois avant l'incident, M. Coffey lui avait expédié une lettre-conseil dans laquelle il réitérait ses attentes en matière de protection des renseignements confidentiels (pièce E-7) :

[Traduction]

[…]

2. Il est nécessaire de respecter le caractère confidentiel de l'information dans les dossiers de nature délicate. Je m'attends à ce que vous offriez, au lieu de travail, l'image d'une personne qui respecte la vie privée des autres, en vous abstenant de discuter de questions confidentielles avec des personnes qui ne sont pas directement concernées par la situation en cause.

[…]

69 L'avocat de l'employeur a souligné que la direction avait tenu compte du principe de la gradation des mesures disciplinaires progressives en imposant une suspension de cinq jours sans solde. Au cours des deux années précédentes, le fonctionnaire s'estimant lésé avait reçu une lettre de réprimande (pièce E-8) ainsi qu'une suspension d'une journée (pièce E-5), laquelle avait ultérieurement été remplacée par une deuxième lettre de réprimande (pièce E-6). L'employeur a aussi tenu compte des conséquences négatives que la divulgation de renseignements confidentiels avait eues pour les autres employés. Le manquement à l'obligation de confidentialité a clairement contrarié M. Duda, un superviseur nouvellement nommé dont les qualités personnelles pour exercer les fonctions du poste ont probablement été remises en question à la suite des révélations du fonctionnaire s'estimant lésé. Le manquement à l'obligation est également survenu à un moment où l'employeur faisait des efforts particuliers pour convaincre des employés que le processus de divulgation n'allait pas entraîner la diffusion de renseignements confidentiels en matière de dotation.

70 Pour en venir à la défense prévue de tolérance, l'avocat de l'employeur a fait valoir que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas fourni d'exemples particuliers au soutien de son argument voulant que l'employeur ait manqué à son obligation de confidentialité. Le fonctionnaire s'estimant lésé a avancé que, sans ses documents, il ne pouvait pas donner de détails sur les nombreuses fois où cela s'était produit; or il n'a rien offert d'autre pour étayer sa prétention, si ce n'est l'allégation non prouvée contenue dans la pièce G-3. Il n'a fourni aucune information complémentaire à l'audience pour expliquer comment la direction avait réagi à cette allégation ou ce qui s'était produit. Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a donc pas établi qu'il y avait lieu de tenir compte de la défense de tolérance pour apprécier le bien-fondé de la suspension de cinq jours.

71 En ce qui concerne l'existence d'un sentiment antisyndical, l'avocat de l'employeur a soutenu que le fonctionnaire s'estimant lésé avait fait des déclarations et tiré des conclusions à ce propos à l'audience, mais que sa preuve était très limitée. Le premier exemple qu'il a donné, et qui mettait en cause M. Bevilacqua, était plutôt sommaire. La remarque que M. Bevilacqua lui aurait faite en privé et selon laquelle M. Bevilacqua s'était donné beaucoup de mal pour lui venir en aide dans le passé devrait être considérée comme raisonnable vu que le fonctionnaire s'estimant lésé l'avait mis ouvertement au défi, la veille, de passer des paroles aux actes. Le fait est que l'employeur n'a pas sévi contre le fonctionnaire s'estimant lésé relativement à cet incident non plus dans le deuxième exemple mentionné par le fonctionnaire s'estimant lésé, où M. Coffey lui aurait dit que la direction allait [traduction] « lutter contre lui ». Ces propos, si tant est qu'ils ont été tenus, peuvent facilement être interprétés comme une indication que la direction était bien déterminée à se défendre contre une allégation formulée par l'agent négociateur, et rien d'autre. Le représentant de l'employeur a observé que M. Coffey avait explicitement nié qu'il nourrissait un sentiment antisyndical, indiquant au contraire qu'il avait lui-même agi comme représentant syndical. Comme dans le cas de la défense de tolérance, l'avocat de l'employeur a déclaré que la preuve n'étayait pas l'argument relatif à l'existence d'un sentiment antisyndical et m'a demandé de ne pas en tenir compte dans mon appréciation du bien-fondé de la mesure disciplinaire.

72 L'avocat de l'employeur m'a exhorté à considérer le fonctionnaire s'estimant lésé comme quelqu'un qui a de la difficulté à respecter les consignes. Il a manqué de franchise ou d'honnêteté dans son récit des événements du 9 novembre 2004. Lors de la réunion d'instruction avec M. Coffey, le 15 novembre 2004, il a plutôt tenté de rejeter la faute sur M. Caruso en prétendant que c'était lui qui avait divulgué l'information. Les demandes de renseignements que M. Coffey a par la suite adressées à M. Caruso et à Mme Coffey (pièces E-3 et E-4) lui ont permis d'établir que les allégations du fonctionnaire s'estimant lésé n'étaient pas fondées. Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas accepté la responsabilité de ses actions, ni admis qu'il avait mal agi, ni présenté des excuses. Il a déclaré en contre-interrogatoire que [traduction] « […] jamais [il] ne solliciterai[t] les conseils de la direction » sur des questions de confidentialité; il a ensuite dit qu'il considérait que la décision lui appartenait de révéler ou non de parler de la réaction émotive d'un employé qui a participé à une séance de divulgation. L'employeur estime que ce sont là des remarques très révélatrices car en dépit des lettres-conseils insistant sur la nécessité de protéger l'information confidentielle, des deux interventions disciplinaires et de la suspension de cinq jours qui est en cause ici, le fonctionnaire s'estimant lésé a formulé devant l'arbitre de grief des commentaires indiquant qu'il persiste dans son refus de respecter les consignes reçues sur cette question.

73 Le représentant de l'employeur m'a renvoyé aux trois décisions d'arbitrage suivantes : Brecht c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2003 CRTFP 36; Labrie c. le Conseil du Trésor (Santé Canada), dossier de la CRTFP 166-02-26301 (19950918); et Naidu c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2001 CRTFP 124.

74 Le représentant de l'employeur a terminé en disant que la preuve avait démontré que la direction était pleinement en droit d'imposer une suspension de cinq jours, une peine qui s'inscrivait tout à fait dans la gamme des mesures jugées indiquées dans les circonstances, compte tenu du dossier disciplinaire du fonctionnaire s'estimant lésé.

B. Pour le fonctionnaire s'estimant lésé

75 D'entrée de jeu, le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que l'avocat de l'employeur avait mal caractérisé les divers éléments de preuve. Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré à l'audience, et sur ce point son témoignage n'a pas été contredit, que la bonne relation qu'il avait jadis avec l'employeur avait changé dès l'instant où il a commencé à s'impliquer dans les activités du syndicat en 2000. À partir de ce moment-là, la direction avait sévi contre lui à diverses occasions. Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a soutenu qu'il était beaucoup plus facile de considérer que cette situation témoignait de la réaction négative de la direction à l'activisme syndical accru du fonctionnaire s'estimant lésé que de croire que la personnalité de ce dernier avait soudainement changé à partir de 2000.

76 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a contesté l'argument du représentant de l'employeur voulant que le fonctionnaire n'ait pas démontré de façon convaincante que l'employeur avait réagi avec tolérance à la divulgation de renseignements confidentiels dans le passé. Il a insisté sur le fait que le fonctionnaire s'estimant lésé avait décrit en détail l'incident où il avait fait part à la direction, en août 2003, des menaces de violence physique qu'avait reçues un employé et où il avait ensuite été confronté par l'auteur même de ces menaces, lequel ne pouvait avoir été informé de l'existence de son rapport confidentiel que par la direction (pièce G-3). L'avocat de l'employeur n'a d'ailleurs pas contesté ce témoignage. Il devrait donc être accepté comme la preuve que la direction a manqué à son obligation de confidentialité dans une situation très délicate.

77 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a observé que le seul endroit où M. Caruso n'a pas appelé le 9 novembre 2004, pour communiquer son message au sujet du caractère confidentiel du contenu de la séance de divulgation qui allait se tenir ce jour-là, est le lieu de travail de Mme Barnes. Il s'ensuit que cette dernière n'a pas été informée des préoccupations qu'avait la direction concernant la confidentialité de l'information ni des garanties qu'elle avait données à cet égard. La direction savait que le moulin à rumeurs était fort bien alimenté au lieu de travail et que Mme Barnes, qui était elle-même candidate à un concours à ce moment-là, s'empresserait d'interroger le fonctionnaire s'estimant lésé sur la séance de divulgation à laquelle il venait de prendre part à son retour à Western 10. Il est étrange que la direction ait ensuite demandé à Mme Barnes de retourner au silo de Cargill alors que la preuve a démontré que l'activité y était au ralenti. Il se trouve que M. Duda travaillait aussi à cet endroit ce jour-là. La direction savait que M. Duda était prompt à s'emporter. Si Mme Barnes lui communiquait de l'information confidentielle, la direction pouvait s'attendre à ce qu'il respecte la consigne de M. Caruso et lui signale immédiatement le manquement à l'obligation de confidentialité.

78 Je suis intervenu à ce moment-là pour demander directement au représentant du fonctionnaire s'estimant lésé si ce qu'il voulait dire c'était que la direction avait manigancé, le 9 novembre 2004, pour prendre le fonctionnaire s'estimant lésé au piège. Le représentant m'a confirmé que c'était la conclusion que son client espérait me voir tirer de la preuve. Il a poursuivi en disant qu'il était un fait bien connu et largement répandu que ce lieu de travail était un véritable moulin à rumeurs, ainsi qu'en témoigne notamment le courriel de Mme Coffey en date du 17 novembre 2004 (pièce E-4). Ajoutons à cela que le message que M. Caruso a adressé aux superviseurs de l'inspection dans la matinée du 9 novembre 2004 au sujet de la confidentialité et la consigne qu'il leur a donnée de lui signaler immédiatement tout manquement à cet égard ne faisaient généralement pas partie du contenu de ses appels matinaux. Examinée dans ce contexte, la preuve montre que M. Caruso s'attendait à ce que le moulin à rumeurs s'emballe ce jour-là.

79 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a admis que le fonctionnaire s'estimant lésé avait communiqué de l'information à Mme Barnes, le 9 novembre 2004, au sujet de la séance de divulgation. Il a reconnu que la version des faits du fonctionnaire s'estimant lésé et celle de Mme Barnes étaient très différentes. Il a prétendu que cela plaçait l'arbitre de grief face à un dilemme à la « Faryna v. Chorney » - comme dans Faryna v. Chorney, [1952] 2 D.L.R. 354 -, en ce qui concernait la crédibilité des témoins, mais il n'a pas étoffé son argumentation sur ce point.

80 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a avancé que l'information que le fonctionnaire s'estimant lésé avait divulguée à Mme Barnes était si peu importante qu'elle ne justifiait pas l'imposition d'une mesure disciplinaire.

81 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé m'a renvoyé à trois textes faisant autorité soit : Diversicare Management Inc. v. National Automobile, Aerospace Transportation and General Workers Union of Canada (CAW-Canada) Local 1941, 137 L.A.C. (4th) 138; West Park Hospital v. Ontario Nurses' Association, 37 L.A.C. (4th) 160; et Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, quatrième édition (2007), au paragr. 7:4400. Dans West Park Hospital, il a notamment attiré mon attention  sur le principe de common law concernant le privilège contre la divulgation de communications, selon lequel : [traduction] « […] [l']élément de la confidentialité doit être essentiel à la préservation totale et satisfaisante des rapports entre les parties ». En s'appuyant sur Brown et Beatty, il a observé que certaines des circonstances atténuantes auxquelles les auteurs faisaient allusion dans le contexte de l'imposition de sanctions disciplinaires s'appliquaient dans ce cas-ci.

82 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a conclu son argumentation en me demandant d'annuler la suspension de cinq jours sans solde et d'ordonner à l'employeur de dédommager le fonctionnaire s'estimant lésé au titre de la perte de salaire qu'il avait subie. Subsidiairement, si j'en arrivais à la conclusion qu'il y avait matière à imposer une sanction disciplinaire, il m'a exhorté à substituer une réprimande écrite, une peine qui lui paraissait mieux indiquée au vu de la faute très minime qui est reprochée au fonctionnaire s'estimant lésé.

C. Réfutation de l'employeur

83 L'avocat de l'employeur a réitéré que la mesure disciplinaire imposée au fonctionnaire s'estimant lésé se rapportait à sa conduite à titre d'employé et non pas à titre de représentant syndical. Il a fait valoir que la direction aurait sévi pareillement contre tout employé qui aurait agi de la même façon.

84 Il est bien compréhensible que Mme Barnes n'ait pas reçu l'appel de M. Caruso, le 9 novembre 2004, au sujet de la confidentialité de la séance de divulgation puisque son message, ce matin-là, était destiné aux inspecteurs surveillants. Or, il n'y avait pas d'inspecteur surveillant ce matin au silo Western 10 où se trouvait Mme Barnes.

85 Le représentant de l'employeur a maintenu que la théorie du complot du fonctionnaire s'estimant lésé est tout simplement trop invraisemblable pour être prise en considération.

86 Concernant West Park Hospital, l'avocat de l'employeur a observé que les principes de common law qui sont énoncés dans cette décision s'appliquaient à la violation du secret professionnel, entre un médecin et son patient par exemple, ou entre un avocat et son client. Il m'a prévenu contre le danger d'appliquer l'un ou l'autre de ces principes à l'affaire qui nous occupe.

IV. Motifs

87 La charge de la preuve qui incombait à l'employeur dans ce cas-ci était d'établir que, selon la prépondérance des probabilités, la faute qui avait donné lieu à l'imposition d'une mesure disciplinaire avait bel et bien été commise, qu'elle justifiait l'imposition d'une mesure disciplinaire et que la mesure imposée était indiquée et qu'elle était proportionnelle à la nature de l'infraction commise, compte tenu des facteurs aggravants ou atténuants en cause.

88 Les raisons fondamentales invoquées par l'employeur, dans sa lettre en date du 24 novembre 2004 (pièce E-9), pour sanctionner la conduite du fonctionnaire s'estimant lésé, ont servi à délimiter les paramètres de mon analyse :

[Traduction]

[…]

Après avoir pris connaissance de cette information et des réponses que vous m'avez fournies, j'en suis venu à la conclusion que vous continuez sciemment de désobéir aux ordres. En dépit de mes lettres-conseils et des mesures disciplinaires antérieures, vous avez décidé de ne pas tenir compte des directives qui vous ont été données et vous avez ouvertement affiché votre mépris pour la confidentialité de l'information de nature délicate qui vous avait été communiquée. Il s'agit d'une entorse grave aux règles qui ne peut demeurer impunie.

 […]

A. Le fonctionnaire s'estimant lésé a-t-il fait fi d'une consigne et a-t-il manqué à son obligation de confidentialité?

89 J'estime, en fait, que les représentants de l'employeur ont demandé au fonctionnaire s'estimant lésé de ne pas divulguer l'information confidentielle qu'ils lui ont communiquée au sujet du processus de dotation, le 9 novembre 2004.

90 Les témoignages de M. Coffey et de M. Caruso concordent et ne laissent planer aucun doute sur ce point. Le fonctionnaire s'estimant lésé a contesté la preuve en disant que M. Caruso n'avait pas dit un mot durant la séance et que M. Coffey n'avait jamais dit que l'information était [traduction] « cent pour cent confidentielle ». Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu'il se rappelait seulement que M. Coffey avait dit que l'information était de nature confidentielle.

91 Compte tenu du témoignage ultérieur du fonctionnaire s'estimant lésé au sujet de la formation qu'il a reçue en matière de gestion de l'information confidentielle et de l'expérience qu'il a acquise à titre de représentant des employés dans des situations délicates, je suis incapable de croire qu'il ne comprenait pas ce que supposait la notion de confidentialité ou qu'il s'est mépris sur le sens des consignes données lors de la séance de divulgation, même si M. Coffey a seulement dit que [traduction] « l'information était de nature confidentielle ». En entendant le mot « confidentielle », le fonctionnaire s'estimant lésé aurait dû en saisir l'importance et comprendre la nature de la mise en garde que la direction lui adressait dans le contexte d'une séance de divulgation. Je prends notamment acte du fait que le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas fait valoir dans sa plaidoirie finale que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas bien compris quels renseignements étaient de nature confidentielle.

92 Tout compte fait, je préfère retenir les témoignages concordants des deux représentants de l'employeur. Les déclarations qu'ils ont faites encore et encore au sujet de la confidentialité de l'information étaient sans équivoque et s'étendaient à toute l'information. Je suis convaincu que M. Coffey ou M. Caruso, ou les deux, ont bien dit que l'information était [traduction] « cent pour cent confidentielle ». Si la charge de prouver ce fait parmi tant d'autres incombe à l'employeur, je note que le fonctionnaire s'estimant lésé aurait pu appeler l'une des deux autres personnes qui étaient présentes à la séance de divulgation, c.-à-d. M. McConnell et Mme Monteith-Farrell, afin d'offrir un témoignage différent sur la question de savoir ce qui avait réellement été dit au sujet de la confidentialité et par qui, mais il ne l'a pas fait. Si d'autres témoins avaient déclaré, par exemple, que les consignes données par l'employeur étaient vagues ou erronées, j'aurais pu en arriver à une conclusion différente.

93  J'estime aussi, en fait, que le fonctionnaire s'estimant lésé a ensuite communiqué des renseignements confidentiels à Mme Barnes au silo de Cargill. Il est clair que les versions des faits du fonctionnaire s'estimant lésé et de Mme Barnes sont très différentes. Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a prétendu que je devais dès lors apprécier la crédibilité des deux témoins en appliquant les paramètres établis dans Faryna and Chorney. Étrangement, il n'a plus soulevé cette question par la suite.

94 Je ne crois pas qu'il me soit nécessaire d'appliquer les paramètres établis dans Faryna and Chorney pour me livrer à une analyse complète sur ce point. Le fonctionnaire s'estimant lésé a lui-même admis qu'il avait communiqué à Mme Barnes des renseignements qu'il avait obtenus à la séance de divulgation. Il a reconnu, à tout le moins, qu'il lui avait révélé une des notes qui avaient été attribuées dans le cadre du concours, c'est-à-dire celle qu'il avait lui-même obtenue à l'évaluation des qualités personnelles. Cet aveu constitue à mon sens une preuve suffisante que le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas respecté la consigne que l'employeur lui avait donnée ce matin-là. Je souscris à l'argument du représentant de l'employeur voulant qu'aucune question possible de Mme Barnes ne pouvait justifier la divulgation de cette information. Je ne crois pas non plus qu'il soit possible de faire valoir en tout état de cause que l'information  que le fonctionnaire s'estimant lésé a admis avoir divulguée débordait le cadre de ce qui pouvait être considéré comme de l'information « confidentielle » au sens de la consigne donnée par l'employeur lors de la séance de divulgation. Le fait de divulguer sa propre note n'annulait pas la validité des consignes de l'employeur.

95 Si je fais erreur en concluant que le témoignage même du fonctionnaire s'estimant lésé a démontré qu'il avait communiqué des renseignements confidentiels, je suis sûr qu'il existe d'autres éléments de preuve capables d'étayer solidement cette conclusion. Exception faite de la théorie du coup monté, sur laquelle je reviendrai plus loin dans la présente décision, le représentant du fonctionnaire n'a pas avancé d'argument convaincant susceptible de remettre en cause le témoignage de Mme Barnes. Le courriel dans lequel elle décrit, à l'intention de M. Caruso, ce que le fonctionnaire s'estimant lésé lui a dit constituait la confirmation indéniable de son témoignage oral. Les témoignages de M. Caruso et de M. Coffey au sujet des entretiens qu'ils ont eus avec Mme Barnes ont également montré qu'elle n'avait jamais dévié de sa version initiale des faits, non plus que le témoignage de M. Duda n'a contredit son récit de façon significative. La trame du témoignage de Mme Barnes concernant l'échange qu'elle avait eu avec le fonctionnaire s'estimant lésé était toujours aussi solide, intacte et convaincante à la fin de l'audience. Il a été établi à ma satisfaction que le fonctionnaire s'estimant lésé a divulgué plus d'information qu'il a admis en avoir révélé dans son témoignage.

96 Bref, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas respecté la consigne en divulguant des renseignements personnels qui lui avaient été communiqués lors de la séance de divulgation.

B. Le fonctionnaire s'estimant lésé méritait-il une sanction disciplinaire?

97 Règle générale, l'employeur a le droit de tenir pour acquis que les consignes qu'il donne seront respectées lorsqu'elles se situent dans les limites de ses pouvoirs légitimes. L'employé qui est en désaccord avec une consigne doit se conformer à la règle habituelle qui consiste à « obéir d'abord et à contester ensuite », sauf circonstances exceptionnelles. À mon sens, la preuve produite en l'espèce ne permet pas d'établir l'existence de telles circonstances.

98 Pour l'essentiel, l'argument de l'employeur était somme toute très simple. Le fonctionnaire s'estimant lésé ayant désobéi à un ordre légitime, il y avait matière à imposer une sanction disciplinaire.

99 Quel argument contradictoire le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a-t-il fait valoir pour sa défense? Je note qu'il n'a pas avancé, par exemple, que les représentants de l'employeur avaient outrepassé leurs pouvoirs en disant au fonctionnaire s'estimant lésé, à la séance de divulgation du 9 novembre 2004, de ne pas divulguer l'information qui lui avait été communiquée. Il n'a pas non plus fait valoir qu'il était soit déraisonnable, soit un tant soit peu abusif d'exiger de la part du fonctionnaire s'estimant lésé qu'il obéisse à la consigne concernant le caractère confidentiel de la totalité de l'information. L'argument principal qui m'a été présenté pour le compte du fonctionnaire s'estimant lésé était plutôt que l'information qu'il avait communiquée était si [traduction] « peu importante » qu'elle ne justifiait pas l'imposition d'une mesure disciplinaire.

100 Permettez-moi de dire que cet argument touche davantage, selon moi, à la proportionnalité de la suspension de cinq jours sans solde qu'à la question préalable de l'établissement de la cause de la mesure disciplinaire. Quoi qu'il en soit, l'employeur a établi que la faute avait été commise et qu'elle avait eu des conséquences, à tout le moins pour M. Duda, qui avait accepté les assurances de la direction que le processus de divulgation n'allait pas donner lieu à la diffusion de renseignements confidentiels. De façon plus générale, les témoignages de M. Coffey et de M. Caruso au sujet de l'intérêt qu'avait l'employeur à préserver l'intégrité des séances de divulgation dans le cadre du processus de dotation nous ont permis de comprendre pourquoi la direction considérait que la conduite du fonctionnaire s'estimant lésé n'était pas si [traduction] « peu importante ». La plupart des observateurs conviendraient avec moi, je crois, que l'intérêt de l'employeur à cet égard était justifié.

101 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a bien présenté une autre défense, à savoir que la direction avait manigancé pour prendre le fonctionnaire s'estimant lésé au piège en créant de toutes pièces une situation où Mme Barnes avait de bonnes chances de se trouver sur sa route après la séance de divulgation du 9 novembre 2004 et de lui poser des questions qui mettraient en évidence son refus apparent d'obéir à la consigne qu'il avait reçue plus tôt de ne pas divulguer d'information. À la lumière de la preuve dont je dispose, je considère que cette théorie est totalement invraisemblable. Pour étayer cette défense, il aurait fallu, selon moi, que le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé produise, à tout le moins, quelques éléments de preuve irréfutables pour établir qu'au moins un des gestionnaires avait l'intention de faire ainsi son jeu des circonstances, le 9 novembre 2004, ou une preuve plus concrète que les événements survenus ce jour-là constituaient nécessairement les maillons d'une chaîne qui témoignait du plan ourdi par la direction. Or, aucune preuve crédible ne m'a été présentée dans un sens comme dans l'autre.

102 Je conclus donc que, selon la prépondérance des probabilités, le fonctionnaire s'estimant lésé a désobéi à une consigne, ce qui constitue une faute de conduite. L'employeur était dès lors justifié de lui imposer une mesure disciplinaire.

103 Je tiens à dire que ma conclusion selon laquelle l'employeur était fondé d'imposer une mesure disciplinaire ne doit pas être interprétée comme une conclusion voulant que le fonctionnaire s'estimant lésé ait contrevenu au paragraphe 26(6) du Règlement, auquel fait allusion le représentant de l'employeur. Ce dernier ne m'a pas exhorté à tirer une telle conclusion et je ne vois pas la nécessité de me prononcer sur l'application du Règlement dans la présente décision.

C. La mesure disciplinaire imposée par l'employeur était-elle indiquée et était-elle proportionnelle à la faute?

104 Parmi les divers facteurs atténuants dont je pourrais tenir compte ici, il y en a deux en particulier que je considère suffisamment importants pour envisager de remplacer la suspension de cinq jours sans solde par une peine moins sévère. Le premier a trait aux longs états de service du fonctionnaire s'estimant lésé, qui, si j'en juge par la preuve dont je dispose, a presque toujours eu un rendement satisfaisant et un dossier disciplinaire sans taches. Le deuxième, et celui qui me paraît le plus important, est la gravité de la faute. À cet égard, l'employeur n'a pas établi à ma satisfaction que la faute était assez grave pour justifier que l'on passe directement, dans la gradation des mesures, de deux réprimandes écrites à la peine moyennement sévère que représente une suspension de cinq jours sans solde.

105 J'ai fait état dans la section précédente des conséquences personnelles immédiates de la conduite du fonctionnaire s'estimant lésé sur M. Duda, de même que de la mise en péril de l'intérêt légitime de l'employeur de préserver l'intégrité des séances de divulgation dans le cadre du processus de dotation. Cela dit, l'employeur n'a pas produit d'autre élément de preuve ni avancé d'autre argument qui me permettrait de conclure que la conduite du fonctionnaire s'estimant lésé a causé un préjudice durable à M. Duda ou que l'incident a eu un impact général indéniable sur les autres collègues de travail. Rien ne nous interdit de penser que la conduite du fonctionnaire s'estimant lésé aurait pu avoir une incidence sur la conduite d'autres employés lors de futures séances de divulgation ou miner la confiance de l'effectif dans la capacité de la direction de protéger la confidentialité des renseignements de nature délicate ayant trait au processus de dotation. Faute de preuve concrète de telles conséquences ou de témoignages irréfutables en attestant la possibilité ou la probabilité, je dois conclure que l'impact réel de la faute de conduite du fonctionnaire s'estimant lésée était limité et assez isolé. Dans la mesure où la mesure disciplinaire imposée doit être proportionnelle au préjudice réel ou potentiel résultant de la faute de conduite, j'ai tout lieu ici de m'interroger sur la pertinence d'une suspension de cinq jours.

106 Bien qu'il n'ait avancé aucune de ces deux défenses dans son plaidoyer final, le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a tout de même produit des éléments de preuve qui visaient à démontrer que l'employeur avait fait montre de tolérance, dans le passé, face à la divulgation de renseignements confidentiels et que son attitude à l'endroit du fonctionnaire s'estimant lésé était motivée par un sentiment antisyndical ou une animosité personnelle.

107 Concernant la possibilité d'accorder valeur de facteur atténuant à la défense de tolérance, la preuve dont je dispose ne me permet pas de dégager une constante dans le comportement de l'employeur qui m'inciterait à retenir cet argument. La situation que le fonctionnaire s'estimant lésé a décrite, c'est-à-dire les menaces qui avaient été proférées au travail et qu'il avait contribué à porter à l'attention de la direction, est certes troublante à première vue, mais elle n'est pas concluante. C'est d'ailleurs le seul exemple concret que le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a donné pour étayer son argument.

108 En ce qui concerne l'existence d'un sentiment antisyndical, j'admets que le fonctionnaire s'estimant lésé croyait sincèrement que les mesures que la direction a prises à son endroit depuis 2000 étaient dictées par son activisme syndical. Je n'écarte pas totalement la possibilité que le fonctionnaire s'estimant lésé pourrait être fondé d'entretenir des doutes à cet égard; il n'en reste pas moins que la preuve qui m'a été présentée à l'audience est très loin de m'avoir démontré de manière crédible et irréfutable que la direction avait un parti pris antisyndical à l'endroit du fonctionnaire s'estimant lésé. Il aurait fallu que les deux exemples mentionnés, qui mettaient en cause M. Bevilacqua et M. Coffey, soient plus complets et fassent l'objet d'un examen beaucoup plus détaillé pour en tirer une conclusion valable. Dans l'état actuel des choses, je considère que la preuve n'est pas suffisamment convaincante pour conclure que la direction nourrissait un sentiment antisyndical qui expliquait la situation au premier chef ou qu'il existait un lien incontestable entre l'existence d'un tel sentiment antisyndical, le cas échéant, et la décision particulière de sévir contre le fonctionnaire s'estimant lésé, le 24 novembre 2004.

109 En contrepoids à cette analyse des divers facteurs atténuants possibles, je me dois de mentionner l'existence d'un facteur aggravant particulier qui m'incite à rejeter l'argument subsidiaire du fonctionnaire s'estimant lésé visant à ce que la mesure disciplinaire soit circonscrite à une réprimande écrite. L'effet cumulatif du témoignage du fonctionnaire s'estimant lésé m'a laissé la nette impression qu'il avait du mépris pour la direction. Son attitude à l'égard de la direction est ressortie très clairement en contre-interrogatoire quand il a d'abord affirmé avec véhémence que jamais [traduction] « […] [il] ne solliciterai[t] les conseils de la direction sur des questions de confidentialité compte tenu de [son] expérience passée », en ajoutant par la suite que [traduction] « […] la décision [lui appartenait] d'accepter ou non les consignes de la direction, mais que jamais [il] ne solliciterai[t] ses conseils ». Cette dernière remarque, même après qu'il eut nuancé ses propos en contre-interrogatoire, m'incite à croire que les perceptions négatives du fonctionnaire s'estimant lésé à l'endroit de la direction le prédisposent très probablement à faire fi des directives qui lui sont données. Ses commentaires m'ont à tout le moins convaincu qu'il était susceptible de résister aux efforts mis en ouvre par la direction pour corriger son comportement au travail. Il m'apparaît qu'en décidant d'imposer une mesure disciplinaire plus sévère afin de bien lui faire comprendre le message cette fois-ci, la direction en était probablement arrivée à une évaluation réaliste de la réaction que susciterait une peine moins sévère. Je soupçonne fortement pour ma part que même une mesure disciplinaire plus sévère n'aurait pas eu l'effet escompté sur le fonctionnaire s'estimant lésé.

110 Cela dit, je continue de croire que la mesure disciplinaire que la direction a décidé d'imposer dans ce cas-ci nétait pas véritablement proportionnelle à la gravité de la faute. Suivant le principe habituel de la gradation des mesures disciplinaires, la direction aurait été fondée de passer directement d'une réprimande écrite à une suspension de cinq jours si le fonctionnaire s'estimant lésé avait commis une infraction à tout le moins moyennement grave. Or, lorsqu'on évalue les conséquences réelles de sa conduite pour M. Duda ou pour l'employeur, le constat qui s'impose est que la faute d'insubordination n'était pas aussi grave que cela. J'ai donc décidé de remplacer la suspension de cinq jours sans solde par une suspension de deux jours sans solde. Si le fonctionnaire s'estimant lésé avait démontré à l'audience qu'il comprenait que la situation n'était ni tout noir ni tout blanc ou s'il n'avait pas laissé transparaître dans certaines de ses remarques un manque de respect évident à l'endroit de l'autorité de la direction, j'aurais peut-être réduit encore davantage la peine imposée.

111 Le grief est donc accueilli en partie.

112 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

113 La suspension de cinq jours sans solde est remplacée par une suspension de deux jours sans solde. L'employeur doit dédommager le fonctionnaire s'estimant lésé au titre de la perte de salaire qu'il a subie. 

Le 15 octobre 2007.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Dan Butler,
arbitre de grief

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