Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant allègue que les événements qui ont mené au dépôt de la plainte ont débuté en 2001, lorsqu’il a été élu président de la section locale de son agent négociateur - il était perçu comme un intrus et l’insatisfaction s’est accrue lorsqu’il a révélé à la direction les méthodes de piquetage de l’agent négociateur - le plaignant a quitté son poste de président en juillet 2001 - au début de 2003, il a déposé des griefs pour contester l’évaluation de son rendement, la décision de l’employeur de lui imposer des plans d’action et les mesures prises par un comité de sélection dont il avait fait partie - le grief concernant l’évaluation de son rendement a fait l’objet du processus de règlement des griefs avec l’aide de l’agent négociateur; il a été entendu par un arbitre, puis rejeté - le grief concernant le comité de sélection a été entendu au troisième palier avec l’aide de l’agent négociateur - le plaignant a été informé que le processus de règlement des griefs ne constituait pas la tribune appropriée pour ses préoccupations - en ce qui concerne les réunions hebdomadaires requises conformément au plan d’action, l’agent négociateur a rejeté la demande du plaignant visant la présence d’un représentant à chacune des réunions - le plaignant a échangé de la correspondance avec son agent négociateur au sujet du type de représentation auquel il avait droit, et l’agent négociateur a confié le dossier à son viceprésident régional - le plaignant était insatisfait des services reçus - le plaignant a affirmé que le fait que l’agent négociateur ne l’ait pas représenté adéquatement a permis à l’employeur de le harceler - la Commission a conclu que l’agent négociateur n’était pas tenu de donner suite à chaque grief - la Commission a également conclu qu’il incombe à l’agent négociateur de sélectionner les griefs qui feront l’objet d’un suivi - la Commission a conclu que le devoir de représentation juste n’oblige pas l’agent négociateur à consacrer des ressources à des réunions mensuelles - la Commission a également conclu que l’agent négociateur n’a pas manqué à son devoir de représentation juste même si le ton d’une partie de sa correspondance révélait de l’impatience et de la frustration - la Commission n’a relevé aucune collusion entre l’agent négociateur et l’employeur - le principe du devoir de représentation juste reconnaît qu’un agent négociateur dispose de ressources limitées et d’un important pouvoir discrétionnaire lorsqu’il s’agit de prendre des décisions éclairées quant à la répartition des ressources. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-01-25
  • Dossier:  561-34-17
  • Référence:  2007 CRTFP 13

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

STANLEY BAHNIUK

plaignant

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défenderesse

Répertorié
Bahniuk c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
John Steeves, commissaire

Pour le plaignant:
Lui-même

Pour la défenderesse:
Laurin Mair, Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire entendue à Calgary (Alberta),
les 18 et 19 octobre 2006.
(Traduction de la C.R.T.F.P .)

Plainte devant la Commission

1 La présente décision a trait à une plainte de Stanley Bahniuk (le « plaignant ») selon qui son agent négociateur, soit l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), a manqué à son devoir de représentation équitable.

2 La plainte, en l’espèce, est datée du 9 juillet 2004 et a été déposée en vertu de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP ). Le 1 er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « nouvelle Loi »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. Conformément à l’article 39 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») continue d’être saisie de la présente plainte, qui doit être réglée selon la nouvelle Loi.

Résumé de l’argumentation

3 M. Bahniuk allègue que son agent négociateur l’a représenté de façon discriminatoire et arbitraire et de mauvaise foi. Il soutient en particulier que l’agent négociateur lui a délibérément rendu la tâche difficile dans sa lutte contre les actions de l’employeur et que l’agent négociateur s’est associé avec l’employeur pour le tromper. Il demande une ordonnance obligeant l’agent négociateur à payer les services d’un avocat indépendant pour tous les futurs problèmes avec l’employeur.

4 L’agent négociateur argue qu’il n’a pas manqué à son obligation de représentation équitable. Il n’a jamais omis de représenter M. Bahniuk. Certains des griefs de ce dernier ont été couronnés de succès et d’autres ont échoué, mais tous ont été traités de manière juste et appropriée. L’agent négociateur demande le rejet de la plainte.

Résumé de la preuve

5 L’employeur est l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur » ou l’ARC), qui, entre autres choses, fournit des services en matière de revenu pour le gouvernement du Canada. L’agent négociateur représente les fonctionnaires de l’employeur. L’agent négociateur inclut le Syndicat des employé-e-s de l’Impôt (SEI).

6 M. Bahniuk est un fonctionnaire de l’employeur, fait partie de l’agent négociateur et est membre du SEI, ayant commencé son emploi en 1986. Il occupe actuellement un poste de chef d’équipe dans le service de la perception, à Calgary (Alberta).

7 Deux observations préliminaires peuvent être utiles pour la lecture du résumé de la preuve en l’espèce. Premièrement, bon nombre des communications entre les diverses parties à la présente plainte étaient des courriels, et la preuve comprend un grand nombre de ces messages. Certains de ces messages sont reproduits ci-après et, sauf indication contraire, ils sont reproduits tels qu’ils ont été écrits.

8 Deuxièmement, dans sa preuve et son argumentation, M. Bahniuk avait de la difficulté à expliquer les griefs au sujet desquels il était préoccupé et à spécifier lesquels sont l’objet de sa plainte de représentation injuste. À un moment donné, en réponse à une demande de détails que je lui avais faite, le plaignant a déposé en preuve un courriel en date du 10 octobre 2006 (de Mme Krista Quinn, conseillère principale en relations de travail, à l’employeur), lequel courriel énumérait 14 griefs. Toutefois, le plaignant a témoigné qu’il s’agissait de [traduction] « nouveaux » griefs qui n’étaient pas l’objet de sa plainte de représentation injuste. En outre, il était [traduction] « arrivé à une entente » avec l’agent négociateur selon laquelle il se représenterait lui-même à l’égard de tous les griefs à partir d’une certaine date. Ce n’était pas dit expressément, mais le contexte de la preuve entourant les griefs énumérés dans le courriel du 10 octobre 2006 indiquait que ces griefs étaient visés à cette entente.

9 L’agent négociateur a déposé une liste des griefs qu’il croyait être en cause dans la présente plainte. Il y en a dix, et l’agent négociateur les décrivait comme suit :

[Traduction]

  1. 4 mars 2003   Politique sur la conversion
    Affaire classée le 19/04/05
  2. 4 mars 2003   Iniquité salariale
    Affaire classée le 15/03/04
  3. 4 mars 2003   Date anniversaire
    Affaire classée le 19/04/05
  4. 15 octobre 2003   Plan d’action en matière de rendement
    Affaire classée le 23/11/04
  5. 15 octobre 2003   Augmentation d’échelon de rémunération
    Grief accueille au dernier palier, affaire classée le 23/11/04
  6. 7 mars 2003   Rapport de gestion de l’employé
    Affaire classée le 30/01/06
  7. 30 août 2004   Congé de rendement de gestion
    Lettres de demande de renseignements envoyées au plaignant le 31 août 2006 et le 11 octobre 2006
  8. 6 janvier 2004   Exposé des fonctions
    Règlement par médiation, juin 2006
  9. 15 mars 2005   Exposé des fonctions
    Règlement par médiation, juin 2006
  10. Griefs déposés en 2004

Le dernier élément de la liste de l’agent négociateur (15 mars 2005) comporte aussi l’énoncé suivant :

[Traduction]

Informé par l’employeur qu’ils ont été transmis au dernier palier en 2005? Lettre de demande de dossiers envoyée au vice-président régional, courriel de demande de dossier envoyé à Stan Bahniuk

10 M. Bahniuk n’a reconnu que certains de ces griefs. Et il était incapable de dire lesquels étaient en cause avec sa plainte. Comme on le verra, il en résulte que la preuve n’est pas toujours claire sur la question de savoir quel grief est l’objet d’un examen à une date donnée.

11 Les événements ayant conduit à la plainte, d’après M. Bahniuk, ont commencé en février 2001, quand il a été élu président de la section locale de Calgary de l’agent négociateur. Le plaignant a témoigné qu’il a vaincu la personne qui était alors président titulaire, mais que les autres cadres sont demeurés les mêmes. Ainsi, il était quelqu’un de l’extérieur aux yeux des autres, selon lui. Son rôle de président est devenu très difficile, parce que, entre autres, l’ex-président lui faisait de nombreuses demandes et voulait une action immédiate. Le plaignant estimait que c’était [traduction] « du dépit ».

12 Tandis que M. Bahniuk était le président local, l’agent négociateur a participé à une négociation collective nationale avec l’employeur. La négociation n’allait pas bien, et l’agent négociateur traitait de divers moyens de pression au travail dans tout le pays. À Calgary, la section locale examinait les possibilités de piquetage au domicile d’un membre du conseil d’administration de l’employeur. D’après la preuve du plaignant, ce dernier mettait en doute l’opportunité d’une telle action, notamment un jour de semaine, car il craignait que des membres de l’agent négociateur soient l’objet d’une mesure disciplinaire. Il a témoigné qu’il craignait aussi d’être l’objet de [traduction] « fourberies », car [traduction] « […] cette espèce d’art de faire mieux que les autres crée des obstacles aux négociations ». Le plaignant est allé plus loin que de mettre en doute cette action au sein de la section locale; lors du contre-interrogatoire, il a admis qu’il avait communiqué à l’employeur les tactiques de piquetage de l’agent négociateur. Il avait été contesté à cet égard au conseil de direction de l’agent négociateur à l’époque et avait, dans un courriel au président national du SEI en date du 15 mai 2001, déclaré ceci :

[…]

[Traduction]

Au sujet du fait que j’ai discuté de certaines questions avec la direction, je n’ai aucun regret, car c’était simplement pour essayer de réunir les deux parties afin de leur permettre d’exprimer leurs préoccupations et points de vue quant à l’impact de la stagnation des négociations, sur les employés, sur l’organisation ainsi que sur la productivité de l’ARC.

[…]

13 En fin de compte, le piquetage a eu lieu à l’extérieur du domicile de l’administrateur de Calgary un samedi, hors des heures normales de travail. L’employeur a réprimandé, pour harcèlement, les fonctionnaires ayant pris part au piquetage, et les réprimandes ont été l’objet de griefs. Dans une décision en date du 19 octobre 2001, la Commission des relations de travail dans la fonction publique a ordonné à l’employeur d’annuler et de détruire les lettres de réprimande au motif que les fonctionnaires manifestaient pacifiquement dans un lieu public et pendant leur temps libre (Alliance de la Fonction publique duCanada et Barnowski c. Agence des douanes et du revenu du Canada et al., 2001 CRTFP 105).

14 Il y avait du mécontentement au conseil de direction et parmi les membres de la section locale à propos des mesures prises par M. Bahniuk comme président de la section locale. C’était devenu critique à une réunion du conseil de direction au cours de laquelle il avait accepté de démissionner s’il perdait un vote de confiance pendant une assemblée des membres. Le vote s’est déroulé en juillet 2001; il a été défavorable au plaignant, qui a résigné ses fonctions. Le plaignant a témoigné [traduction] : « […] Je croyais que, comme président, j’aurais à me battre contre l’employeur, mais il s’est révélé que je luttais contre la section locale […] ». Il a témoigné que cet événement [traduction] « […] avait établi le fondement des mesures qui ont suivi […] », car [traduction] « […] il s’est révélé que je combattais la section locale […] », ainsi que l’employeur. Puis, le plaignant a témoigné [traduction] : « […] J’ai choisi de mener ma bataille seul, sans le syndicat […] ».

15 Du 14 janvier au 17 février 2003, M. Bahniuk a été en congé, participant à une évaluation d’aptitude au travail. La conclusion de cette évaluation a été qu’il était apte au travail. Il y a eu un désaccord sur le statut du plaignant pendant que ce dernier était en congé pour cette évaluation. L’employeur a fini par accepter cette période comme une période de congé de maladie. Le plaignant a témoigné que l’agent négociateur l’avait [traduction] « aidé à cet égard ».

16 M. Bahniuk a témoigné que c’est au début de 2003 qu’il a commencé à avoir une relation [traduction] « tendue » avec la direction et que [traduction] « […] les quelques personnes à la tête de la direction n’aimaient pas que je mentionne des choses désagréables […] ». Il a ajouté [traduction] : « […] selon l’employeur, je ne devrais même pas exister […] ». Et en août 2003, d’après le plaignant, ce dernier était victime [traduction] « d’un accablement » et [traduction] « d’un harcèlement ». Il estimait qu’il avait trois à cinq griefs à cette époque. L’un se rapportait à une décision de l’employeur de le mettre à des plans d’action, un autre avait trait à une évaluation de rendement et un autre concernait un comité de sélection; ces griefs sont examinés plus loin. Il y en avait d’autres ([traduction] « […] peut-être un ou deux autres […] »), mais, dans son témoignage, il a été incapable de donner d’autres renseignements sur ces griefs. L’objectif global dans son esprit était de [traduction] « […] faire en sorte que le syndicat aide à établir que l’employeur faisait preuve de méchanceté […] ».

17 En tant que fonctionnaire, M. Bahniuk était l’objet d’évaluations de rendement périodiques et, comme gestionnaire, il pouvait avoir [traduction] « un congé de rendement » de dix jours, s’il répondait à un certain nombre d’exigences. Il devait notamment répondre aux exigences ou les dépasser dans la catégorie de l’évaluation continue du rendement. Le plaignant a eu une évaluation de rendement en date du 10 septembre 2003. Elle disait qu’il n’avait pas dépassé les exigences et n’y avait même pas répondu quant à l’évaluation continue du rendement. À cause de cette lacune (il répondait par ailleurs à toutes les autres exigences), il n’avait pas eu droit à un congé de rendement. Le plaignant a présenté un grief concernant cette évaluation; dans son témoignage, il a décrit celle-ci comme étant [traduction] « punitive ».

18 Le grief a été soumis à la procédure de règlement des griefs avec l’aide de l’agent négociateur. Il a été présenté à un arbitre de la Commission, et une audience a été tenue les 26 et 27 juillet 2005. M. Bahniuk était représenté par l’agent négociateur. Dans une décision en date du 20 décembre 2005, l’arbitre MacKenzie a rejeté le grief (Bahniuk c. Agence du revenu du Canada, 2005 CRTFP 177). Comme il l’a signalé, les motifs pour lesquels un arbitre de grief peut revoir une évaluation de rendement sont très limités; généralement, il doit être établi dans un grief que l’employeur a agi de mauvaise foi.

19 En ce qui a trait aux plans d’action, le premier portait sur la période du 18 février 2003 au 31 mars 2004 et résultait des préoccupations de l’employeur à propos de la manière dont M. Bahniuk entretenait des rapports avec ses collègues et avec la direction. Certains des critères de mesure énoncés dans un document en date du 18 février 2003 étaient les suivants :

[…]

[Traduction]

Votre conduite doit dénoter une coopération avec vos pairs et vos supérieurs. On s’attend que vous réfléchissiez à l’impact possible et/ou aux conséquences de vos actes. Votre conduite ne doit pas rabaisser, humilier personnellement ou embarrasser vos pairs ou vos supérieurs […].

Vous devez être sensible aux droits de la personne.

[…]

Lorsque vous ne serez pas d’accord sur la position de la direction, des discussions avec la direction auront lieu en privé. Une fois que la direction prend une décision, l’on s’attend que vous cessiez de contester la direction et que vous appuyiez la décision.

[…]

Le plan d’action disait aussi que [traduction] « […] si vous ne répondez pas à ces attentes, on envisagera […] des mesures administratives pouvant inclure le licenciement ».

20 Également en 2003, M. Bahniuk a été membre d’un comité de sélection et estimait que l’employeur avait agi de façon contraire à l’éthique et de manière illégale relativement au travail de ce comité. Il a déposé un grief à ce sujet, mais la procédure de règlement des griefs ne représentait pas le bon forum pour les préoccupations du plaignant; une question était de savoir s’il avait le statut pour contester un conseil dont il était membre. Néanmoins, le grief s’est rendu jusqu’au troisième palier, apparemment avec le soutien de l’agent négociateur. Dans son témoignage, le plaignant a affirmé « [traduction] : « […] Je ne suis pas d’accord avec l’employeur. Ils disent qu’un autre mécanisme de règlement du conflit existait mais qu’il n’était pas pour moi. La question tenait à l’intégrité du conseil, et je crois que c’est sujet à grief […] ».

21 Le plan d’action de février 2003 exigeait des réunions régulières à toutes les deux semaines pour examiner [traduction] « […] le rendement […], y compris les lacunes, ainsi que les améliorations constatées […] », et des réactions ou impressions devaient être communiquées par écrit à M. Bahniuk à tous les mois. Au début, une personne représentant l’agent négociateur, Gwen Jackson, assistait à ces réunions périodiques avec le plaignant.

22 Le 28 juillet 2003, Betty Oates, représentante de l’employeur, a envoyé un courriel à M. Bahniuk pour l’informer que l’employeur voulait avoir une réunion avec lui, au deuxième palier, à propos de l’un des griefs. Certaines dates ont été proposées. Le plaignant a répondu par courriel le même jour et a déclaré [traduction] : « […] comme vous le savez, il y a plusieurs griefs en cause et je m’attends que l’examen de ces griefs à chaque palier prenne plusieurs jours […] ». Il demandait [traduction] « des promesses », y compris l’assurance que le directeur intérimaire aurait le pouvoir [traduction] « […] d’annuler des décisions prises non seulement par le patron de la dame, mais aussi par le commissaire adjoint de la région des Prairies et le commissaire adjoint responsable des ressources humaines […] ». Il en a été ainsi car [traduction] « […] j’estime que les instructions ne pouvaient venir que du commissaire ou du ministre [mais…] Même alors, je ne suis pas sûr qu’il n’y a pas une importante situation de conflit d’intérêts qu’un tribunal ou le Bureau de l’intégrité de la fonction publique approuverait […] ».

23 Le lendemain, le 29 juillet 2003 (M. Bahniuk envoyait alors des copies de ses courriels au président local de l’agent négociateur, Bob Carpenter), Mme Oates a avisé le plaignant que, entre autres choses, elle ne pouvait lui donner les assurances qu’il voulait, [traduction] « […] parce que, sans audience, la direction n’est pas encore au courant des détails de vos griefs particuliers […] ». A suivi une longue série de courriels dans lesquels, par exemple, le plaignant demandait si Mme Oates [traduction] « […] indiquait que l’Agence ne fournirait pas une évaluation impartiale […] ». À cela, Mme Oates a répondu [traduction] : « […] Je n’affirme rien. Je souhaite simplement prévoir une consultation au deuxième palier […] ». Le dernier courriel de cette série provient de M. Carpenter, qui disait simplement que, en réponse aux demandes de renseignements du plaignant, il serait contacté par le vice-président de l’agent négociateur pour aborder la question de la [traduction] « […] consultation à chaque palier de la procédure de règlement des griefs […] ». Il a témoigné que cet échange a été important, car [traduction] « […] cela ne m’assure pas que le syndicat mènera ces griefs à terme et me représentera […] ».

24 Le 4 septembre 2003, Mme Oates a envoyé à M. Bahniuk un courriel confirmant une réunion pour le 8 septembre 2003. Le sujet était une consultation, au premier palier, sur le grief 60731. Le plaignant a témoigné que ce grief portait sur son évaluation de rendement. Par courriel, il a demandé [traduction] « l’aide » de Michael Ell, représentant de l’agent négociateur. Dans son témoignage, le plaignant a expliqué qu’il voulait [traduction] « […] que quelqu’un prenne des notes, car ce qui se passe ne m’inspire pas confiance […] ». M. Ell a répondu ceci, par voie de courriel [traduction] : […] Quel genre d’aide cherchez-vous? », et le plaignant a déclaré [traduction] : « […] Je demande que quelqu’un assiste à la consultation pour confirmer ce qui s’est dit […] ». La réponse de M. Ell a été :

[…]

[Traduction]

Si c’est ce que vous voulez, vous pouvez venir à la réunion avec quelqu’un pour prendre des notes pour vous. Si vous souhaitez que ce soit plus confidentiel que cela, je recommande que vous cherchiez à faire changer la date de la réunion, car je ne crois pas que l’un quelconque des membres de notre conseil de direction sera disponible lundi. Mardi, mercredi ou jeudi me conviendraient. Je ne serai pas là lundi.

[…]

25 Selon le témoignage de M. Bahniuk, on avait dit à ce dernier [traduction] « d’attendre », et ce fut [traduction] « […] la première fois que j’ai soupçonné que j’allais être attaqué par le syndicat ainsi que par l’employeur […] ».

26 Le 24 septembre 2003, M. Bahniuk a été avisé par Terry Dupuis, vice-président régional du SEI, que [traduction] « […] toutes les affaires syndicales se rapportant à vous seront maintenant traitées par Ian Daykin/vice-président régional suppléant du Syndicat des employé-e-s de l’Impôt […] ». De plus, [traduction] « […] vous ne devez jamais contacter les agents locaux ou délégués syndicaux de Calgary au sujet de questions syndicales. Ian se fera un plaisir de s’occuper de l’une quelconque de vos demandes ». La journée même, le plaignant a répondu ceci :

[…]

[Traduction]

Premièrement, qui m’aidera à l’égard des réunions avec la direction locale? Deuxièmement, j’ai verbalement demandé une copie de notes à la direction locale, mais je n’en ai pas encore reçu copie. Troisièmement, par le passé, Ian était censé me représenter à propos de plusieurs questions; cependant, il ne m’a jamais contacté, et ce que j’ai vu était délibérément contraire à ce que je souhaitais quant à l’octroi d’une prolongation. Je doute qu’Ian veuille m’aider.

[…]

Il en est résulté une série de courriels dans lesquels M. Dupuis a déclaré que M. Daykin était la bonne personne pour représenter M. Bahniuk, ce sur quoi le plaignant n’était pas d’accord.

27 Puis, le 26 septembre 2003, M. Daykin a envoyé le courriel suivant à M. Bahniuk :

[Traduction]

Je commencerai par répondre aux deux questions que vous avez soulevées l’après-midi du 24 septembre.

1] Je vous aiderai quand je serai disponible.

2] Je m’appliquerai à avoir des « copies de notes » quand vous me direz de quelles notes particulières il s’agit et où les trouver. Je n’ai pas l’intention d’essayer de deviner ce que vous voulez ou ce dont vous avez besoin en particulier, ni de consulter pour vous la documentation volumineuse qui a été produite.

3] Je suis indigné par les remarques que vous faites et je ne répondrai pas à cet égard.

Et maintenant, je tiens à vous aviser du processus administratif que vous devez suivre pour que je puisse vous fournir toute « aide » que vous pouvez exiger de moi.

Je suis lié par les statuts de l’AFPC et le règlement du SEI en matière de représentation. Je tiens à vous assurer que je vous aiderai lorsque des préoccupations légitimes seront soulevées par vous, toute comme j’aide les 650 membres ici à Edmonton et les 850 membres de notre région.

Ce qui signifie que vous ne devez pas vous attendre à un service personnalisé immédiat, car cela n’arrivera pas. Vous êtes invité à indiquer comment vous souhaitez que vos préoccupations soient traitées, mais, en fin de compte, c’est moi qui déterminerai ce qu’il en est à l’égard de presque toutes les questions. Je préfère traiter de toutes les questions par voie de courriel, pour que nous ayons tous les deux une trace écrite de toutes les choses.

Je partagerai tous les détails concernant vos lettres, vos préoccupations, vos griefs, vos plaintes, etc. avec mon vice-président régional (Terry Dupuis) et notre présidente nationale (Betty Bannon). De leur côté, ils me soumettront toutes les questions que vous aurez portées à leur attention. Le but de cette façon de procéder est de veiller à ce qu’une personne, en l’occurrence moi-même, soit au courant de toutes les choses se rapportant à vous.

J’espère que cela clarifie les questions. J’ai hâte de travailler avec vous.

28 M. Bahniuk a répondu le 29 septembre 2003 qu’il ne croyait pas que M. Daykin avait répondu à toutes ses questions. Il a produit des copies de certains courriels et a déclaré [traduction] : « […] L’affirmation d’Ian selon laquelle il m’aidera quand il sera disponible ne m’assure pas tellement que de l’aide me sera fournie en temps opportun ou de bon gré […] ». Dans son témoignage, le plaignant a dit que c’était un échange important, car [traduction] : « [… j’ai] l’impression que l’on me harcèle et que personne ne s’en soucie […]. C’est le début de la relation avec le syndicat, et ils vous aideront quand ils seront disponibles […] ».

29 Une autre série de courriels a commencé, ce qui inclut un courriel du 29 septembre 2003, de M. Daykin au plaignant, qui se lit comme suit :

[…]

[Traduction]

Jusqu’à ce que je sois avisé d’une date, d’une heure et d’une raison en particulier pour quelque réunion où vous voudriez que je sois présent, je ne peux répondre à cette question [de savoir si M. Daykin assisterait à une réunion avec la direction « cette semaine »].

[…]

Je ferai tous les efforts pour avoir ces notes [prises par Gwen Jackson] pour vous. Comme elles se trouvent maintenant à notre bureau national, je leur donnerai pour instruction de répondre à votre demande dès que possible. Où voudriez-vous qu’elles soient envoyées?

[…]

En terminant, notre région (SEI Montagnes Rocheuses) a récemment décidé à l’unanimité qu’il n’y aura absolument aucun renvoi de grief au troisième palier avant qu’un nouveau commissaire adjoint soit nommé. Vous devriez le savoir, car il n’y a pas d’exception. Et, pour ce qui est du fait que vous voulez « assister à toutes les audiences en matière de consultation », à moins que vous soyez disposé à payer tous les frais liés aux déplacements à destination/en provenance d’Ottawa, je doute que votre demande soit prise en considération. Si vous le souhaitez, veuillez le faire savoir.

[…]

30 M. Bahniuk a répondu en posant quatre autres questions dans un courriel daté du même jour. Il a en outre témoigné [traduction] : « Je n’ai pas demandé d’être représenté à quelqu’un d’Edmonton ou d’Ottawa ». M. Daykin a répondu, dans un autre courriel en date du 29 septembre 2003, qu’il aviserait M. Bahniuk [traduction] « en conséquence […] » au sujet du fait d’assister à une réunion [traduction] « […] une fois informé d’une date, d’une heure et d’une raison […] ». Il disait aussi :

[…]

[Traduction]

Sachez bien que votre convention collective vous donne droit à une représentation. Elle ne vous donne pas le droit de choisir la personne ou l’endroit que vous voulez ni d’avoir un représentant qui soit constamment à votre disposition. Vous êtes l’une des nombreuses personnes que je représente, monsieur Bahniuk.

[…]

31 M. Bahniuk a répondu le 6 octobre 2003 [traduction] : « Je demande de l’aide pour toutes les réunions que j’ai avec la direction, et c’en est une ». M. Daykin a alors répété qu’il lui fallait [traduction] « des détails particuliers » de la réunion pour déterminer s’il devrait y être en personne ou par téléconférence ou s’il ne devrait pas y être [traduction] « du tout ». Il a également déclaré que tout employé doit [traduction] « […] rencontrer la direction à un moment donné » et que l’exigence selon laquelle [traduction] « un représentant syndical assiste à chaque réunion que vous avez avec la direction est quelque chose qui ne peut tout simplement pas être envisagé [….] ». Le plaignant a répondu que c’était [traduction] « […] une réunion régulière sur des questions de plan de travail. Je ne reçois pas un ordre du jour […] ». Il disait également [traduction] : « […] Par le passé, les notes de la direction n’étaient pas exactes, et j’ai besoin d’une personne pour qu’elle prenne des notes, de manière que j’aie un tiers pour confirmer ce qui s’est dit. Je crois être en droit d’avoir de l’aide du syndicat ». Puis, M. Daykin a déclaré [traduction] : « Comme vous le mentionnez, vous êtes en droit d’avoir de l’aide […] mais vous n’avez pas le droit de dicter le genre d’aide que vous recevez. Je ne sais pas à quel point je peux être plus clair à cet égard […] ».

32 M. Bahniuk persistait et a déclaré [traduction] :« Je vous ai donné ce que je sais; veuillez me dire si vous allez m’aider ou non ». M. Daykin a répondu que [traduction] « l’information limitée » qui lui avait été fournie indiquait qu’il s’agissait d’une réunion régulière sur des questions de plan de travail et que [traduction] « la seule préoccupation » du plaignant était que les notes de la direction n’avaient pas été exactes. Sur ce fondement, il était [traduction] « […] prêt à aider comme suit : vous prenez des notes, ils en prennent aussi et, à la fin de la discussion, les deux parties s’entendent sur leurs notes en les signant et en les datant. Je suis heureux d’avoir pu être utile. Voilà qui met fin à cette question […] ».

33 À propos de cet échange, M. Bahniuk a témoigné qu’il estimait ceci [traduction] : « […] les réactions ou impressions communiquées sont tordues et tardives […]. Je suis l’objet d’attaques, et le syndicat dresse des barrières […] il est contre moi et non pour moi […] ».

34 M. Bahniuk a porté ses préoccupations à l’attention de la présidente nationale de l’agent négociateur, Nycole Turmel. Cette dernière a demandé à Betty Bannon, présidente d’élément, d’examiner les préoccupations du plaignant. Dans un courriel en date du 16 octobre 2003, Mme Turmel a fourni au plaignant une copie des observations de Mme Bannon :

[…]

[Traduction]

C’est un ancien membre de conseil exécutif qui a épuisé tous les représentants locaux. Il est hostile et très autoritaire et exigeant à leur égard. Il n’y a plus de représentant local (Calgary) qui veuille traiter avec lui. À la conférence de notre président, je me suis entretenue avec le président local, Bob Carpenter, le VPR [vice-président régional] , Terry Dupuis, et le VPR suppléant, Ian Daykin, au sujet de ce membre. Nous avons décidé que le VPR suppléant s’occuperait des relations entre le Syndicat et ce membre. Le VPR suppléant est à Edmonton. Je n’y vois pas de problème en cette ère du téléphone, du télécopieur et du courrier électronique. Ian est aussi un président local et connaît très bien les questions syndicales, à l’égard desquelles il a reçu une excellente formation. Le membre en question ne pourrait avoir un meilleur représentant.

À mon avis, ce membre cherche à exiger un service personnalisé et à imposer ce qui se fait de même que la manière dont cela est fait et il n’agit pas toujours dans son meilleur intérêt. S’il n’obtient pas ce qu’il veut, je m’attends bien qu’il porte un genre d’accusation contre le syndicat. À moins que vous soyez disposée à désigner un représentant régional pour lui, son représentant est, en ce qui concerne le SEI, Ian Daykin, qui est plus que qualifié pour aider ce membre.

[…]

Le commentaire de Mme Turmel à M. Bahniuk a été [traduction] : « Je crois bel et bien que, à ce stade-ci, vos représentants font de leur mieux pour vous fournir les services dont vous avez besoin ».

35 La même journée, M. Bahniuk a répondu ceci à Mme Turmel :

[…]

[Traduction]

Je ne sais pas ce que Betty vous a dit, mais est-il approprié qu’une personne ne parle même pas au membre qu’elle représente dans un grief? Est-il approprié de remettre délibérément à plus tard l’audition d’un grief sans consulter le membre, alors que j’ai demandé expressément au représentant de ne pas accorder de prolongation. Il y a d’autres questions dont je voudrais discuter en personne ou par téléphone. Mon opinion est que vous n’êtes pas intéressés à aider les membres du syndicat mais êtes davantage intéressés à percevoir des cotisations.

[…]

Environ deux heures plus tard, le plaignant a envoyé un courriel à Mme Turmel pour ajouter qu’il aurait été approprié qu’elle parle aux deux parties, y compris à lui, avant d’arriver à une conclusion. Puis, le 4 novembre 2003, il a écrit ceci à Mme Turmel [traduction] : « Manifestement, vous ne pensez pas que me parler soit justifié ». Dans son témoignage, M. Bahniuk a dit que cet échange était une extension de ses problèmes; c’était [traduction] « […] une collusion entre les intéressés […] », et le problème était [traduction] « […] beaucoup plus vaste que le syndicat local […] ».

36 Dans un autre échange de courriels, M. Bahniuk a demandé à M. Dupuis, le 22 juin 2004, de fournir les services d’un représentant pour une [traduction] « question disciplinaire potentielle ». La même journée, M. Dupuis a répondu, dans un courriel, que le plaignant devrait prendre des notes, comme l’avait précédemment décrit M. Daykin. Le lendemain, le plaignant a écrit ceci à M. Dupuis [traduction] : « Je crois comprendre que vous me refusez de l’aide syndicale à cet égard ». M. Dupuis a répondu le même jour [traduction] : « De tels mots n’étaient pas dans mon message, que vous voudrez bien relire. Merci ».

37 Comme c’est indiqué plus haut, Mme Jackson a représenté et aidé M. Bahniuk jusqu’à ce qu’elle parte en congé, en juin 2003. Elle est retournée au travail en septembre 2003 et, quelque temps après, il y a eu un incident impliquant Mme Jackson et le plaignant. Selon des notes sans date prises par Mme Jackson, le plaignant l’a abordée tandis qu’elle était assise à son bureau, au travail. Il lui a demandé si elle avait des renseignements sur sa situation. Elle a répondu qu’elle avait été absente et qu’elle n’avait pas eu le temps d’examiner sa situation mais qu’elle pourrait le rencontrer pour discuter de ce qui était arrivé. Il y a également eu une discussion sur la représentation du plaignant aux réunions avec l’employeur, et Mme Jackson a de nouveau fait savoir que ce qu’elle savait à cet égard n’était pas à jour. Elle a aussi déclaré qu’elle pensait que les choses pouvaient avoir changé depuis son départ en congé, à cause d’un grief pour harcèlement et d’un autre grief déposé la veille. Puis, selon les notes de Mme Jackson, voici ce qui s’est produit :

[…]

[Traduction]

- Je lui ai demandé pourquoi il avait déposé un grief sans avoir discuté avec un représentant local et sans avoir demandé de représentation syndicale. Il prétend qu’aucun représentant syndical n’était disponible. Il a déclaré que Bob était toujours occupé et que j’étais absente. J’ai répondu que Michael Ell était disponible, qu’il aurait probablement signé un grief et que Mike travaille dans la section.

- À ce stade, il a affirmé qu’il traitait ce grief exactement comme j’avais traité son grief, « sans aucune discussion ou consultation ». Il disait qu’il voulait être « aidé » par un représentant local au sujet de sa situation.

- J’ai alors [supprimé dans la pièce originale], j’ai répondu que je n’étais pas une marionnette qu’il manœuvrait à son gré, une marionnette à laquelle il faisait faire ce qu’il voulait. Il s’est lancé dans une diatribe sur ses droits comme membre d’un syndicat et a dit que c’était son droit et que tel était ce pour quoi il payait ses cotisations.

- J’ai élevé la voix à ce moment et déclaré que le SEI avait déterminé la procédure de règlement des griefs, la manière dont le grief serait traité, et que, s’il n’était pas satisfait, il devrait s’adresser à Betty Bannon. Il ne cessait de parler de ce pour quoi il paie ses cotisations.

- Je lui ai dit de partir et de me laisser seule. Le déluge de paroles s’est poursuivi. J’ai insisté sur le fait que je ne voulais pas discuter de la situation avec lui, que je le trouvais [supprimé dans la pièce originale], et je lui ai demandé de me laisser seule. Il continuait. Je lui ai dit avec force que je ne voulais pas lui parler, que je désirais qu’il quitte mon aire de travail et que, s’il continuait, je l’accuserais de harcèlement.

- Il s’est un peu éloigné de mon bureau et m’a demandé si j’étais certaine d’avoir dit cela assez fort, puis il m’a remerciée.

[…]

L’employeur a conduit une enquête sur cet incident. Il y a eu au moins un témoin de cet échange, et l’employeur a parlé à M. Bahniuk de sa politique contre le harcèlement. Un courriel en date du 24 octobre 2003 dit que le plaignant [traduction] « […] avait des préoccupations importantes quant à notre discussion avec lui aujourd’hui en matière de harcèlement […] » et qu’il aviserait les Affaires internes.

38 Dans un courriel en date du 23 octobre 2004, M. Bahniuk demandait aux Affaires internes de mener [traduction] « une enquête immédiate », mais une réponse en date du 4 novembre 2003 expliquait qu’une demande d’enquête devait venir d’une personne du niveau d’un directeur ou d’un niveau supérieur. La possibilité de présenter une demande d’enquête au directeur régional des ressources humaines a été offerte. La preuve n’indique pas que les préoccupations du plaignant soient allées plus loin ou que le plaignant ait été l’objet d’une mesure disciplinaire pour cet incident. Dans son témoignage, le plaignant a décrit cette situation comme suit [traduction] : « […] Je suis plein d’initiative ici, mais rien n’a été fait […] ».

39 Dans son témoignage, M. Bahniuk maintenait que [traduction] « […] ce n’était devenu un incident qu’après avoir été soulevé lors de réunions de consultation […] », c’est-à-dire apparemment après une réunion régulière en date du 6 novembre 2003 tenue en conformité avec le plan d’action. Les notes issues de cette réunion disent que le plaignant a déclaré [traduction] : « Gwen voulait exposer la situation au grand jour […] faire une scène délibérément pour se protéger […] », et ses actions étaient [traduction] « inappropriées ».

40 Quoi qu’il en soit, selon M. Bahniuk, l’importance de cet incident est qu’il a [traduction] « […] créé un environnement où il était impossible que je me sente bien en demandant l’aide du syndicat. Ils se sont associés avec la direction pour dresser des barrières, de sorte qu’il m’était impossible de me conformer au plan d’action […] » et [traduction] « […] ils se sont associés avec la direction pour me miner ». De plus, l’incident prouve qu’il y a [traduction] « une relation très étroite » entre l’employeur et le syndicat, et [traduction] « […] je suis tout seul parce que le syndicat engendre de la frustration plus que je ne peux en vivre […] ».

41 À la fin de son témoignage, M. Bahniuk a présenté une espèce de résumé de ses préoccupations. Il a spécifié cinq situations où il y avait eu d’importantes conséquences pour lui à la suite du manque de représentation syndicale.

42 La première situation tenait à une demande de M. Bahniuk visant à pouvoir enregistrer toutes les réunions tenues avec la direction. M. Bahniuk a été autorisé à enregistrer une telle réunion, puis l’employeur a voulu lui faire payer des frais de copie et autres; M. Bahniuk a refusé. L’employeur a ensuite rejeté la demande visant l’enregistrement des réunions, le plaignant a déposé à cet égard un grief, et celui-ci a été rejeté. Dans son témoignage, le plaignant a affirmé [traduction] : « […] J’ai choisi de ne pas me rendre jusqu’au quatrième palier […] à ce stade, [c’était] inutile […] ».

43 La deuxième situation se rapportait à un grief de M. Bahniuk concernant le refus de son congé de rendement (susmentionné) selon la clause 54.03 de la convention collective. Ce grief s’est rendu jusqu’au dernier palier. L’employeur a écrit au plaignant le 7 janvier 2004 pour l’aviser que l’article 91 de la LRTFP disait que le fonctionnaire ne peut déposer de grief touchant à l’interprétation ou à l’application à son égard d’une disposition d’une convention collective qu’à condition d’avoir obtenu l’approbation de l’agent négociateur et d’être représenté par cet agent. Le plaignant n’avait pas cette approbation, et l’agent négociateur ne le représentait pas. Le plaignant a témoigné que cela [traduction] « […] montre l’impact sur moi. J’avais perdu toute représentation que je pouvais avoir […] Je n’avais pas d’autre choix, et le syndicat m’accablait d’instructions pour me dire de faire ceci ou cela […] ».

44 La troisième situation avait trait au plan d’action en date du 18 février 2003 (également mentionné plus haut). Le plaignant a expliqué dans son témoignage qu’il n’avait pas eu de représentation pour les réunions régulières prévues au plan d’action après le départ de Mme Jackson en congé. Le plan inclut un énoncé selon lequel l’omission de répondre aux attentes du plan pourrait donner lieu à la prise de mesures administratives [traduction] « […] pouvant inclure le licenciement ». Le plaignant a témoigné que c’était [traduction] « une question sérieuse » et que l’agent négociateur [traduction] : « […] m’a représenté au début, puis m’a abandonné ».

45 Quatrièmement, M. Bahniuk se préoccupait des réponses de l’agent négociateur à propos de ses évaluations de rendement. L’une de ces évaluations a été déposée en preuve, et le plaignant l’a décrite comme [traduction] « […] des pages et des pages faisant état de mes lacunes de toutes les façons imaginables ». Le plaignant a ajouté que l’évaluation dit qu’il a [traduction] « peu d’entregent » et que ce document [traduction] « me décrit comme étant incompétent ». Il a témoigné que le problème était que [traduction] « […] plusieurs années avaient passé sans que la mauvaise foi et le harcèlement de la part de l’employeur aient été déterminés ».

46 La dernière situation soulevée par M. Bahniuk comme conséquence importante du manque de représentation syndicale se rapporte à un deuxième plan d’action, pour la période du 1 er juillet 2004 au 31 mars 2005. M. Bahniuk a témoigné que l’employeur [traduction] « […] a choisi de m’isoler et ne m’a donné aucun choix sur ce que j’avais à faire et quant à savoir où je devais aller […] ». C’était [traduction] « encore du harcèlement », c’était [traduction] « […] une conséquence du fait d’avoir été abandonné par le syndicat […] », et il a ajouté [traduction] : « […] Je ne pense pas que le syndicat représenterait ainsi qui que ce soit d’autre […] ». Le plaignant a également déposé en preuve un courriel en date du 12 avril 2006 d’une représentante de l’agent négociateur, Deb Seaboyer, à une autre représentante de l’agent négociateur, Jacquie de Aguayo, avec copie au plaignant. Mme Seaboyer traitait du bien-fondé de poursuivre trois griefs qui étaient tous au quatrième palier. Les sujets des griefs ne sont pas énoncés, mais la discussion porte sur les évaluations de rendement et sur l’allégation du plaignant selon laquelle l’employeur [traduction] « […] le punit en lui refusant le congé de gestion ». Mme Seaboyer comparait ce grief à trois précédents griefs, et son opinion était [traduction] : « […] J’étais presque certaine que le fait que nous ayons perdu le dernier grief était significatif, à moins qu’un schème différent puisse être prouvé ». Je crois comprendre du témoignage du plaignant que ces griefs ne se sont pas rendus en arbitrage.

47 L’agent négociateur a appelé un témoin, Mme Jackson, agente œuvrant auprès de l’agent négociateur depuis 1990. Comme je l’ai mentionné précédemment, elle a représenté M. Bahniuk jusqu’à ce qu’elle parte en congé en juin 2004. Elle a témoigné que l’agent négociateur n’est pas tenu d’envoyer un représentant à toutes les réunions que la direction tient avec un fonctionnaire. Si la réunion a trait à une question disciplinaire, ils [traduction] « essaient habituellement d’y assister » si l’on doit y rendre une décision en matière de discipline. Au sujet du plaignant, Mme Jackson a expliqué qu’elle avait signé tous les griefs qu’il lui avait présentés et elle n’était au courant d’aucun cas de refus d’une représentation demandée par le plaignant. Lors du contre-interrogatoire, on a posé à Mme Jackson la question de savoir si elle avait déjà refusé d’assister à une réunion prévue au plan d’action alors qu’on lui avait demandé de le faire et qu’elle était disponible. Elle a répondu [traduction] : « […] pas que je sache ».

Motifs

48 Le devoir de représentation équitable qui incombe à l’agent négociateur est décrit comme suit à l’article 187 de la nouvelle Loi (anciennement au paragraphe 10(2) de la LRTFP) :

187 . Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

49 L’arrêt qui a été rendu dans l’affaire Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, [1984] 1 R.C.S. 509, est couramment utilisé pour expliquer les principes qui sous-tendent le devoir de représentation équitable :

[…]

1. Le pouvoir exclusif reconnu à un syndicat d’agir à titre de porte-parole des employés faisant partie d’une unité de négociation comporte en contrepartie l’obligation de la part du syndicat d’une juste représentation de tous les salariés compris dans l’unité.

2. Lorsque, comme en l’espèce et comme c’est généralement le cas, le droit de porter un grief à l’arbitrage est réservé au syndicat, le salarié n’a pas un droit absolu à l’arbitrage et le syndicat jouit d’une discrétion appréciable.

3. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l’importance du grief et des conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part.

4. La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.

5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié [à la p. 527].

[…]

50 Un arrêt subséquent de la Cour suprême du Canada, Centre hospitalier Régina Ltée c. Québec (Tribunal du travail), [1990] 1 R.C.S. 1330 à la p. 1349, traite de ces principes plus en détail, au par. 38 :

[…]

Tel que le souligne l’arrêt Gagnon, le syndicat doit, lors même qu’il agit à titre de défenseur des droits (bien fondés selon son évaluation) d’un salarié, tenir compte des intérêts de l’ensemble de l’unité d’accréditation dans l’exercice de sa discrétion de poursuivre ou non un grief. Le syndicat jouit d’une discrétion afin de soupeser ces intérêts divergents et apporter la solution qui lui apparaît la plus juste.

[…]

51 Est également instructive la décision rendue dans l’affaire JamesW.D.Judd v. Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 2000 (2003), 91 CLRBR (2d) 33 (BCLRB), dans laquelle est citée une précédente décision, Rayonier Canada (B.C.) Ltd., [1975] 2 Can LRBR 196 (BCLRB). Un syndicat ne doit pas agir de mauvaise foi, c’est-à-dire qu’il ne doit pas être hostile à l’égard d’une personne ni être vindicatif sur le plan politique ou être malhonnête. Il ne saurait y avoir de discrimination, y compris une inégalité dans le traitement des fonctionnaires, que ce soit pour des motifs comme la race et le sexe (qui sont des motifs de distinction illicite selon la Loi canadienne sur les droits de la personne) ou le simple favoritisme personnel. Et un syndicat ne peut agir de façon arbitraire en faisant preuve d’indifférence à l’égard des intérêts des fonctionnaires. Un syndicat [traduction] « […] doit adopter un point de vue raisonnable sur le problème qui lui est soumis et arriver à une décision réfléchie sur les mesures à prendre, après avoir tenu compte des divers facteurs conflictuels et pertinents » (Rayonier, aux pages 201-202).

52 Enfin, l’affaire Judd résume la difficile décision que doit prendre un agent négociateur :

[…]

[Traduction]

42. Lorsqu’un syndicat décide de ne pas poursuivre un grief pour des considérations pertinentes concernant le lieu de travail – par exemple, vu son interprétation de la convention collective, vu l’effet sur d’autres fonctionnaires ou vu son évaluation selon laquelle le fondement du grief n’est pas suffisant – il accomplit son travail consistant à représenter les fonctionnaires. Le fonctionnaire en cause, dont le grief a été abandonné, peut estimer que le syndicat ne le « représente » pas. Toutefois, décider de ne pas poursuivre un grief en se basant sur ces genres de facteurs est une partie essentielle du travail syndical consistant à représenter les fonctionnaires dans leur ensemble. Quand un syndicat agit en se fondant sur des considérations se rapportant au lieu de travail ou à son travail de représentation des fonctionnaires, il est libre de déterminer la meilleure voie à suivre, et une telle décision n’équivaut pas à une violation du [devoir de représentation équitable].

[…]

53 En l’espèce, M. Bahniuk estime qu’il a été (et continue d’être) [traduction] « accablé » et [traduction] « harcelé » par l’employeur. Il va plus loin et affirme que l’employeur considère qu’il [traduction] « […] ne devrait même pas exister ». Le plan d’action et les évaluations de rendement sont des exemples de faute de l’employeur. Une préoccupation particulière du plaignant quant aux évaluations est qu’il n’a pas eu son congé de rendement de gestion au motif qu’il n’avait pas répondu aux attentes ou ne les avait pas dépassées dans la catégorie relative à l’évaluation continue du rendement.

54 Je suis incapable d’aider M. Bahniuk au sujet des problèmes qu’il a avec l’employeur. Mon rôle est de déterminer si l’agent négociateur a manqué à son devoir de représentation équitable dans la présente espèce.

55 La preuve, en ce qui a trait aux évaluations de rendement, est qu’au moins un grief a été déposé par l’agent négociateur au nom de M. Bahniuk, peut-être quatre. L’un de ces griefs s’est rendu en arbitrage devant la Commission, où l’agent négociateur représentait le plaignant. Ce grief a été rejeté par l’arbitre en 2005. Comme l’indique clairement cette décision, les motifs pour lesquels un fonctionnaire peut contester une évaluation de rendement par la procédure de règlement des griefs sont très limités; le fonctionnaire doit montrer que l’employeur a agi de mauvaise foi. Néanmoins, l’agent négociateur a poursuivi le grief du plaignant aux divers paliers de la procédure de règlement des griefs et au niveau de l’arbitrage. De plus, la preuve est que l’agent négociateur a engagé des procédures relatives à d’autres griefs sur la ou les évaluations du rendement du plaignant. Ces griefs ont été retirés à divers paliers, parfois au quatrième palier, et ne se sont pas rendus en arbitrage.

56 Je suis incapable de conclure que l’agent négociateur a manqué à son devoir de représentation équitable quant aux mesures se rapportant aux évaluations du rendement. Là encore, l’agent négociateur a poursuivi un grief jusqu’à l’étape de l’arbitrage et en a poursuivi d’autres jusqu’au quatrième palier de la procédure de règlement des griefs. La preuve indique que ces griefs n’étaient pas arbitrables et que l’agent négociateur a fait tout ce qu’il pouvait pour poursuivre ces griefs. En réalité, M. Bahniuk reconnaît que l’agent négociateur l’a aidé à l’égard de certains griefs. Le plaignant n’est pas d’accord sur la précédente décision de l’arbitre de grief ni sur la décision de l’agent négociateur de ne pas aller jusqu’en arbitrage pour tous les griefs liés aux évaluations de son rendement. Cependant, l’agent négociateur n’est pas tenu de poursuivre tous les griefs qu’un fonctionnaire veut faire avancer. Comme l’indique clairement la décision Judd, il appartient à l’agent négociateur de déterminer quels griefs seront poursuivis et lesquels ne le seront pas, selon les exigences et les ressources de l’organisation dans son ensemble. En l’espèce, le plaignant a bénéficié d’une représentation plus qu’adéquate à plus d’une occasion à propos d’une question au sujet de laquelle il était très difficile d’avoir gain de cause.

57 M. Bahniuk soulève une préoccupation dans ses divers courriels à propos de l’entente de l’agent négociateur avec l’employeur visant à prolonger les délais relatifs aux divers paliers de la procédure de règlement des griefs. À son avis, cette prolongation a retardé ses griefs et représente un manquement à l’obligation de représentation équitable. Je comprends que le plaignant se soucie de ce que ses griefs se poursuivent en temps opportun. Toutefois, selon moi, il doit être reconnu que les prolongations des délais sont un aspect normal, voire nécessaire, des détails pratiques de la gestion des griefs. Assurément, un accord visant à prolonger des délais vaut mieux que de laisser des délais arriver à expiration, ce qui menace la validité du grief lui-même. Il y a sans aucun doute des situations où un retard excessif et contestable est causé par des prolongations de délai, mais ce n’est pas ce que la preuve indique en l’espèce.

58 Le plan d’action est manifestement une préoccupation importante pour M. Bahniuk. Comme je l’ai mentionné plus haut, M. Bahniuk n’est pas d’accord sur les raisons du plan, en premier lieu, puis sur l’impact que ce plan a eu sur lui et son travail. La principale question aux fins de la présente plainte est celle de la représentation aux réunions régulières prévues au plan. Ainsi que je l’ai fait remarquer précédemment, Mme Jackson a assisté à ces réunions avec le plaignant jusqu’à ce qu’elle parte en congé en juin 2004, puis il y a eu les échanges, parfois vifs, avec MM. Dupuis et Daykin. Le plaignant affirme qu’on lui a refusé une représentation pour ces réunions.

59 Certes, le plan d’action lui-même disait que, si le plaignant ne répondait pas aux attentes du plan, on envisagerait des mesures administratives [traduction] « […] pouvant inclure le licenciement ». Cependant, M. Bahniuk reconnaissait qu’aucune mesure administrative n’avait été prise par suite du plan d’action. Il n’y a aucune preuve que l’une quelconque des réunions régulières ait porté sur la discipline ni même que l’on y ait discuté de discipline. Aucune preuve n’indique non plus que les réunions aient été critiques en ce sens que l’on y aurait recueilli de l’information ou interrogé le plaignant en vue de prendre éventuellement des mesures disciplinaires. Je reconnais que les réunions étaient pénibles pour le plaignant et que ce dernier était anxieux à l’idée d’y assister. Toutefois, je ne suis pas d’accord avec le plaignant pour dire que le devoir de représentation équitable exige que l’agent négociateur affecte des ressources pour ce genre de réunion.

60 Comme M. Bahniuk l’a signalé, Mme Jackson a représenté et aidé le plaignant aux réunions régulières sur le plan d’action jusqu’à ce qu’elle parte en congé en juin 2004. Cependant, quand elle a témoigné, il était clair qu’elle avait une rigoureuse norme personnelle quant à la représentation des membres. Le plaignant a apprécié le rôle joué par Mme Jackson dans son cas et il comptait sur la participation de cette dame. Toutefois, si le représentant d’un agent négociateur va au-delà du devoir légal de représentation équitable, c’est un choix personnel du représentant et non quelque chose que je peux imposer. Une question connexe est le témoignage de Mme Jackson selon lequel elle n’était au courant d’aucun cas où elle aurait déjà refusé d’assister à une réunion prévue à un plan d’action, alors qu’on lui avait demandé de le faire et qu’elle était disponible. Là encore, c’est une preuve de l’approche personnelle de Mme Jackson à l’égard de la représentation des membres, plutôt qu’un énoncé des exigences légales du devoir de représentation équitable.

61 Je reconnais aussi les observations formulées par M. Daykin dans ses échanges de courriels avec M. Bahniuk. Assurément, le ton et le contenu de ses messages reflétaient de l’impatience et de la frustration de la part de M. Daykin. Par exemple, il y a l’affirmation selon laquelle l’attente de [traduction] « […] service personnalisé […] n’arrivera pas ». Je reconnais qu’il pouvait y avoir une façon plus diplomate de le dire. Mais, malgré un langage dur, cette affirmation représente une description exacte du devoir de représentation équitable. De plus, M. Daykin avait avisé le plaignant de retenir les services d’une autre personne pour que celle-ci prenne des notes ou de comparer ses propres notes avec celles de l’employeur à la fin de la réunion. Ce n’était pas ce que le plaignant voulait entendre, mais c’était une manière de répondre à une situation qui exigeait une surveillance et qui ne se rapportait pas à des questions disciplinaires effectives.

62 La preuve montre en outre que M. Bahniuk était alors dans une espèce de campagne contre l’agent négociateur. Il était contrarié de ne pas pouvoir obtenir le même niveau de service qu’il avait reçu de Mme Jackson. À l’automne 2003, aucun représentant local ne voulait travailler avec le plaignant, y compris Mme Jackson. Le plaignant passait beaucoup de temps à envoyer des courriels et à soulever diverses questions. Certaines de ces questions étaient bonnes. Là encore, il est compréhensible que le plaignant ait voulu que de l’aide lui soit offerte s’il y en avait (comme dans le cas de Mme Jackson). Cependant, on lui a donné une réponse au début des échanges, il n’a pas accepté ce qu’il en était et il a persisté jusqu’au-delà du stade où il y avait quelque raison de croire que le résultat changerait. Puis, à peu près en même temps, il y a eu le regrettable échange avec Mme Jackson, juste après qu’elle revienne de son congé au cours de l’automne 2003. Au début de la conversation, elle était disposée à aider le plaignant et même à le rencontrer de nouveau. À la fin, toutefois, il a fallu qu’elle lui dise de la laisser seule parce qu’il s’était lancé dans une [traduction] « diatribe ».

63 La réponse de M. Bahniuk a été de répliquer à l’allégation de l’employeur en matière de harcèlement par sa propre accusation de harcèlement. Je ne peux considérer qu’un aspect de cet incident soulève une question de représentation injuste et, en particulier, je ne peux être d’accord sur le point de vue extrême du plaignant selon lequel cela reflète [traduction] « une collusion » entre l’employeur et l’agent négociateur pour [traduction] « miner » le plaignant. Je ne peux non plus reconnaître qu’il y a eu une collusion lorsque l’employeur a interrogé le plaignant sur l’allégation d’un harcèlement de la part de Mme Jackson au travail pendant l’automne 2003. Le plaignant ne conteste pas les événements consignés dans les notes de Mme Jackson, et l’employeur avait un témoin de l’incident (ou d’une partie de celui-ci).

64 Le plaignant semble vraiment convaincu qu’il y a eu une collusion, mais la preuve n’étaye pas cette conviction. L’hostilité personnelle d’un agent négociateur contre un membre est un élément important à prendre en compte dans une plainte de représentation injuste, mais je ne peux conclure que c’est un facteur en l’espèce.

65 Il y a aussi l’histoire de M. Bahniuk en tant que président de la section locale de Calgary de l’agent négociateur. Manifestement, les choses ne se sont pas bien passées durant son mandat : en particulier, il a communiqué à l’employeur les tactiques de piquetage de l’agent négociateur, et il a fini par démissionner. Il allègue qu’il y avait [traduction] « du dépit » de la part de la personne qu’il avait vaincue lors de l’élection à la présidence. Le plaignant soutient que cette histoire a été le début de ses problèmes avec l’agent négociateur et qu’elle a motivé le refus de ce dernier de le représenter; comme il l’a dit [traduction] : « […] il s’est révélé que je combattais la section locale » ainsi que l’employeur. Je peux déduire qu’il y avait du mécontentement parmi les membres à l’égard du plaignant pendant que celui-ci était président. C’est évident. Toutefois, la preuve montre aussi que le plaignant a mis en cause presque tous les niveaux de l’agent négociateur : le président local, le vice-président régional suppléant, le vice-président régional et la présidente nationale. Je ne peux conclure que toutes ces personnes entendaient manquer au devoir de représentation équitable, comme le plaignant le soutenait. Je ne peux conclure non plus qu’elles ont par inadvertance manqué à leur devoir. Parfois, un représentant de l’agent négociateur a été direct avec le plaignant, par exemple M. Daykin. Cependant, les nombreuses communications entre le plaignant et les représentants de l’agent négociateur se caractérisent par des conseils ou avis appropriés et, il faut le dire, par énormément de patience.

66 Je remarque la mention, dans le rapport de Mme Bannon à Mme Turmel (dans le courriel de cette dernière en date du 16 octobre 2003), relative au fait que M. Bahniuk était [traduction] « […] un ancien membre de conseil exécutif qui a épuisé tous les représentants locaux […] ». Le plaignant soutient que c’est une preuve que son histoire antérieure comme président a influencé l’agent négociateur en sa défaveur. Je ne peux parvenir à cette conclusion. La déclaration de Mme Bannon est une déclaration de fait quant à l’ancien poste du plaignant auprès du syndicat et quant à la relation du plaignant avec la section locale de Calgary. Le rapport de Mme Bannon dénote une certaine exaspération, mais cela ne va pas jusqu’à la partialité ou à l’hostilité. Dans l’ensemble, les propos sont mesurés et exacts.

67 Je conviens avec l’agent négociateur que M. Bahniuk voulait que l’agent lui assure un représentant chaque fois qu’il estimait en avoir besoin. Je conviens aussi avec l’agent négociateur que le devoir de représentation équitable n’exige pas que l’agent accède aux demandes du plaignant. Le devoir de représentation équitable reconnaît qu’un agent négociateur a des ressources limitées et énormément de latitude pour prendre des décisions réfléchies sur la manière de distribuer ces ressources. Dans le contexte du devoir de représentation équitable, je ne peux conclure à un manque de jugement dans les décisions prises par l’agent négociateur en l’espèce.

68 En dernier lieu, il est à noter que M. Bahniuk a simplement mal interprété certains des échanges qui ont eu lieu avec l’agent négociateur. Par exemple, dans un échange avec M. Ell, le plaignant a demandé qu’une personne assiste à une réunion pour confirmer ce qui s’était dit. M. Ell a répondu que le plaignant pourrait demander que quelqu’un prenne des notes. De plus, si le plaignant voulait [traduction] « […] que ce soit plus confidentiel […] », M. Ell avait indiqué des dates où un membre du conseil de direction serait disponible. À mon avis, c’était une réponse tout à fait appropriée de la part de l’agent négociateur. Toutefois, le plaignant a témoigné que ce fut [traduction] « […] la première fois que j’ai soupçonné que j’allais être attaqué par le syndicat ainsi que par l’employeur ». Ce n’est tout simplement pas une interprétation raisonnable de cet incident.

69 En résumé, M. Bahniuk fait un certain nombre d’allégations extrêmes contre l’agent négociateur, y compris quant à une collusion avec l’employeur visant à le miner, soit des allégations qui ne sont pas étayées par la preuve. De plus, le devoir de représentation équitable n’exige pas que l’agent négociateur agisse sous la direction de membres individuels quand il détermine quels griefs poursuivre, quand négocier des prolongations de délai et quels griefs régler. Enfin, un membre individuel d’un agent négociateur a le droit à une représentation, mais ce n’est pas un droit absolu ou illimité. Cela ne signifie pas, par exemple, que le membre peut insister que l’agent négociateur lui assure un représentant chaque fois qu’il le veut. Pourvu que l’agent négociateur n’agisse pas de façon arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi quand il exerce son jugement à cet égard, il est en droit de distribuer les ressources limitées de l’organisation d’une manière raisonnée.

70 Comme dans le cas de nombreuses plaintes de représentation injuste, M. Bahniuk croit que l’agent négociateur a délibérément manqué à son devoir de représentation équitable en ne le représentant pas. Toutefois, c’est une partie essentielle du travail de l’agent négociateur que de prendre le genre de décisions qu’il a prises en l’espèce, et je ne peux conclure qu’il a manqué à son devoir de représentation équitable.

71 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

72 La plainte est rejetée.

Le 25 janvier 2007.

Traduction de la C.R.T.F.P.

John Steeves,
commissaire

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