Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée alléguait que l’employeur avait rejeté la recommandation de son médecin de continuer à appliquer le régime de télétravail à temps plein qui était en place depuis quelque temps, en violation de l’article 16 de sa convention collective - la fonctionnaire s’estimant lésée occupait un poste SI-02 à Statistique Canada - elle souffrait d’apnée sévère du sommeil, ce qui avait une incidence sur ses autres problèmes de santé et sur sa vie familiale - aux alentours de 2000 ou de 2001, à la suite d’une absence prolongée, et sur la recommandation de son médecin, la fonctionnaire s’estimant lésée a discuté avec son employeur de la possibilité de réintégrer progressivement ses fonctions en travaillant à distance - l’arrangement, qui se voulait initialement temporaire, s’est poursuivi jusqu’en janvier 2004 quand l’employeur lui a fait savoir qu’il n’avait plus de télétravail pour elle - l’employeur a demandé des détails sur les limites physiques de la fonctionnaire s’estimant lésée, mais son médecin n’a pas communiqué l’information requise pour établir un plan de retour au travail - l’employeur a fait valoir qu’il ne pouvait pas, vu le poste qu’occupait la fonctionnaire s’estimant lésée, maintenir le régime de télétravail à temps plein, pour des raisons de sécurité, d’une part, et parce que la fonctionnaire s’estimant lésée devait travailler en équipe, d’autre part - l’employeur a produit des éléments de preuve qui témoignaient des efforts qu’il avait déployés pour trouver du travail à la fonctionnaire s’estimant lésée au ministère et ailleurs, dans sa classification actuelle ou dans d’autres classifications - l’arbitre de grief a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée avait démontré qu’elle avait été victime de discrimination et que l’employeur avait donc l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à son endroit - l’obligation d’être présente au bureau constituait une exigence professionnelle justifiée et c’est cette obligation qui avait amené l’employeur à tenter de trouver une solution acceptable pour les deux parties - l’employeur avait démontré que les mesures de sécurité requises pour lui donner accès à la banque de données nécessaire étaient clairement prohibitives et qu’elles constituaient une contrainte excessive pour lui - l’employeur n’avait pas manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’endroit de la fonctionnaire s’estimant lésée - la situation de la fonctionnaire s’estimant lésée est de nature continue et l’obligation de trouver un arrangement ne cesse d’exister avec la présente décision. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-03-23
  • Dossier:  566-02-4, 566-02-373 et 566-02-374
  • Référence:  2007 CRTFP 31

Devant un arbitre de grief


ENTRE

LOUISE LAFRANCE

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Statistique Canada)

employeur

Répertorié
Lafrance c. Conseil du Trésor (Statistique Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Georges Nadeau, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Bertrand Myre, Association canadienne des employés professionnels

Pour l'employeur:
Simon Kamel, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 17 au 21 juillet 2006.

Griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

1 Louise Lafrance (« la fonctionnaire s’estimant lésée ») est au service de Statistique Canada, Division des opérations des enquêtes (« l’employeur »). Le 10 mai 2005, elle a déposé un grief alléguant que son employeur avait refusé d’accepter les recommandations de son médecin et de lui accorder les mesures d’adaptation requises par son état de santé, en violation de l’article 16 de sa convention collective. Ce grief a été renvoyé à l’arbitrage le 18 juillet 2005.

2 En conformité avec les dispositions de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), la fonctionnaire s’estimant lésée a aussi donné avis à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) du renvoi de ce grief à l’arbitrage, étant donné que le grief porte sur une question liée à l’interprétation ou l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP).

3 Le 16 mai 2006, j’ai rendu une décision (2006 CRTFP 56) sur une objection préliminaire de l’employeur, dans laquelle j’ai déclaré avoir la compétence d’entendre le grief en regard de la période débutant le 1 er avril 2005.

4 Le 23 mai 2006, la fonctionnaire s’estimant lésée a renvoyé à l’arbitrage deux autres griefs, tous les deux datés du 3 avril 2006 en demandant que ceux–ci soient entendus en même temps que le grief du 10 mai 2005. L’employeur s’est objecté en indiquant qu’un des témoins n’était pas disponible aux dates déjà retenues pour entendre l’affaire. Puisque ces dossiers m’ont été assignés à titre d’arbitre de grief, après discussion avec les parties, j’ai avisé que nous procéderions dans le dossier 566-02-04 et que le témoignage de la fonctionnaire s’estimant lésée serait versé au dossier des griefs 566-02-373 et 374 pour éviter qu’elle n’ait à reprendre le même témoignage ultérieurement. Lors de l’audition de ces griefs la fonctionnaire s’estimant lésée aurait l’occasion d’ajouter à son témoignage et l’employeur aurait l’occasion de la contre-interroger. Je rends donc une décision dans le dossier 566-02-04 et demeure saisi des dossiers 566-02-373 et 566-02-374 qui feront l’objet d’une décision ultérieurement.

Résumé de la preuve

5 Le 18 mai 2004, la fonctionnaire s’estimant lésée a déposé une plainte auprès de la CCDP, alléguant qu’elle était victime de discrimination, essentiellement à la suite du refus de l’employeur de lui permettre de faire du télétravail à compter de janvier 2004.

6 À la suite d’une médiation, l’employeur et la fonctionnaire s’estimant lésée concluaient, le 10 novembre 2004, un protocole d’entente en règlement de la plainte. Ce protocole d’entente comportait des mécanismes de résolution dans l’éventualité d’un désaccord concernant sa mise en œuvre. Ce protocole d’entente a été approuvé le 29 novembre 2004 par la CCDP.

7 Le protocole d’entente stipulait que le retour au travail de la fonctionnaire s’estimant lésée aurait lieu lorsque l’évaluation de son médecin traitant serait complétée. Or, la fonctionnaire s’estimant lésée a prétendu que, en dépit du fait que l’évaluation de son médecin ait été complétée, l’employeur ne l’a pas réintégrée au travail en refusant de lui donner du télétravail, contrairement à la recommandation de son médecin datée du 17 décembre 2004.

8 La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’elle est au service de Statistique Canada, à la Division des opérations régionales, depuis 25 ans. Lors des évènements qui nous préoccupent, elle occupait le poste d’agente principale de projet aux groupe et niveau SI-02.

9 Le travail de la fonctionnaire s’estimant lésée, à titre d’agente principale de projet, consistait à préparer des documents d’enquête à l’intention des intervieweurs ainsi que des guides de formation axés sur les renseignements fournis par les clients, et à veiller à ce que l’enquête se déroule bien sur le terrain. À son avis, ses gestionnaires étaient satisfaits de son travail.

10 Au cours des 15 dernières années, la fonctionnaire s’estimant lésée a eu quatre longues périodes d’absence pour cause de maladie. La dernière période d’absence remonte à décembre 2000 et a duré sept mois. Lors d’un rendez-vous chez son médecin, qu’elle situe en 2000 ou 2001, celle-ci lui a suggéré que le télétravail aiderait à son état de santé. La fonctionnaire s’estimant lésée a affirmé qu’elle a alors communiqué avec Brian Williams, directeur, Division des opérations régionales, pour lui faire part de la recommandation de son médecin. Elle a alors été priée de se soumettre à une évaluation de Santé Canada.

11 La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré que son problème de santé était un trouble du sommeil qui a une incidence négative sur ses autres troubles médicaux et sur sa vie familiale. Relativement à ses activités professionnelles, elle a indiqué qu’en plus d’être toujours fatiguée, elle éprouvait des problèmes de mémoire et de concentration.

12 L a fonctionnaire s’estimant lésée a affirmé qu’elle a rencontré les médecins désignés par Santé Canada : le Dr John Given ainsi que le Dr Richard Spees. Le Dr Given a produit un rapport pour l’employeur en date du 31 mai 2001 (pièce G-4), dans lequel il recommandait qu’elle soit absente du travail jusqu’en juillet 2001, et qu’elle puisse effectuer un retour au travail en faisant du télétravail. La lettre du Dr Given stipulait que travailler de son domicile lui permettrait d’améliorer sa performance et qu’il était peu probable qu’elle puisse reprendre le travail au bureau à plein temps avant six mois. Le retour au travail à partir de son domicile devait se faire sur une base graduelle au cours d’une période de trois mois. Pendant les deux ans et demi qui ont suivi, la fonctionnaire s’estimant lésée a principalement travaillé essentiellement à la maison tout en se présentant au bureau deux fois par semaine. La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré que le type de travail fourni au début était assez varié. On lui demandait de convertir des documents du format WordPerfect au format Word, de réviser des traductions, de préparer des devis pour les enquêtes et des guides de formation pour les intervieweurs. Elle a aussi indiqué qu’elle avait préparé un rapport en format Excel. La fonctionnaire s’estimant lésée a déposé en preuve un document faisant état des travaux effectués de mars 2002 à novembre 2003 (pièce G-5). En 2003, M. Nieman, son supérieur immédiat, lui a indiqué que certains collègues de travail étaient envieux de sa situation parce qu’elle travaillait à la maison.

13 Le 13 janvier 2004, la fonctionnaire s’estimant lésée a cessé de recevoir du travail qu’elle pouvait exécuter à la maison et, le 20 janvier, elle a reçu un courriel de sa nouvelle superviseure immédiate, Joanne Batchelor, exprimant son insatisfaction quant à la dernière affectation qui lui avait été confiée et confirmant qu’elle n’avait pas de travail susceptible d’être complété en situation de télétravail (pièce G-6).

14 La fonctionnaire s’estimant lésée a également mentionné, dans son témoignage, qu’elle avait fait l’objet d’une autre évaluation de Santé Canada et soumis le rapport du Dr Spees, daté du 12 décembre 2003 (pièce G-8) et envoyé au Dr Given. Elle a aussi présenté la recommandation soumise par le Dr Given (pièce G-9) à la suite du rapport du Dr Spees, qui stipulait que son état de santé l’empêchait de reprendre ses tâches sur les lieux de travail mais qu’elle était par contre apte à faire du télétravail à plein temps. En dépit du fait qu’on ne lui procurait aucun travail à la maison, l’employeur a continué de rémunérer la fonctionnaire s’estimant lésée.

15 La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’en janvier 2004 l’employeur a demandé au Dr Given une révision de l’évaluation médicale (pièce G-10). La fonctionnaire s’estimant lésée a rencontré le Dr Given pour la troisième fois en mai 2004, et un rendez-vous a été fixé avec André Dessaulles, Ph.D. CPsych, psychologue. L’évaluation a été complétée et envoyée au Dr Given, qui a avisé l’employeur (pièce G-12) que la fonctionnaire s’estimant lésée, en date du 14 mai 2004, n’était pas en mesure de faire quelque travail que ce soit, et que la situation devrait être réévaluée dans six mois. La fonctionnaire s’estimant lésée a ajouté que le 4 juin 2004, Nicole Gauthier, chef de section, Division des opérations des enquêtes, Statistique Canada, l’avait avisée par lettre (pièce G-13) qu’une fois ses congés de maladie épuisés, elle serait considérée comme étant en congé de maladie non payé et que sa situation serait réévaluée dans six mois. La fonctionnaire s’estimant lésée a alors déposé un grief à l’encontre de la décision de l’employeur qui, à son avis, l’empêchait d’exercer ses fonctions et l’obligeait à utiliser ses congés de maladie (pièce G-14). En mai 2004, la fonctionnaire s’estimant lésée a aussi déposé une plainte auprès de la CCDP.

16 La fonctionnaire s’estimant lésée a témoigné que la plainte avait donné lieu à une séance de médiation qui a résulté en un règlement. Elle a bénéficié d’une indemnisation pour le préjudice moral et a reçu une lettre exprimant de sincères regrets pour les difficultés, le stress et l’anxiété vécus en raison des évènements mentionnés dans sa plainte. Le règlement indiquait que l’employeur reconnaissait la compétence du médecin traitant de la fonctionnaire s’estimant lésée et que ce médecin indiquerait la date à laquelle elle pourrait effectuer un retour au travail.

17 La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré que la Dre Janet Seale, MD, CCFP, l’a déclarée apte à retourner au travail le 17 décembre 2004 et qu’une copie du certificat médical (pièce G-17) avait été remise à l’employeur. Elle a ajouté qu’une rencontre avait eu lieu au sujet de ce certificat et que l’employeur voulait obtenir des clarifications du médecin traitant. Une lettre a été préparée à cet égard (pièce G-18). La fonctionnaire s’estimant lésée a présenté la réponse de la Dre Seale en date du 14 janvier 2005 (pièce G-19). La Dre Seale avait indiqué qu’à son avis, la fonctionnaire s’estimant lésée était apte à faire du télétravail et qu’elle lui avait recommandé de ne pas retourner travailler au bureau.

18 La fonctionnaire s’estimant lésée a témoigné qu’à cette période elle n’avait pas demandé de congés et que l’employeur ne lui avait pas fourni de travail. Elle a aussi indiqué que par la suite, elle a eu une conversation téléphonique avec Jean-François Carbonneau, qui est à l’emploi de Statistique Canada depuis 25 ans et qui est le directeur adjoint de la Division des opérations d’enquêtes depuis 2004. Celui-ci lui a alors indiqué que son employeur avait communiqué avec la Sun Life et qu’elle aurait droit à de l’assurance-invalidité. La fonctionnaire s’estimant lésée a témoigné qu’elle a répondu à M. Carbonneau qu’elle ne voyait pas pourquoi elle aurait besoin de l’assurance puisqu’elle était apte à travailler. M. Carbonneau lui a fait la suggestion de demander de l’assurance-emploi. Elle a refusé de faire une telle demande pour le même motif.

19 La fonctionnaire s’estimant lésée a poursuivi en introduisant en preuve l’échange de correspondance qui a eu lieu entre son employeur et son médecin entre mars et août 2005 (pièces G-21 à 24 inclusivement). Elle n’était plus payée par l’employeur, étant considérée par celui-ci comme étant en congé de maladie non payé jusqu’en juillet 2005. En juillet 2005, on lui a fait parvenir du travail à exécuter à domicile. Cela représentait environ 75 heures de travail réparties entre trois projets précis qu’elle a exécutés durant les mois de juillet, août et septembre 2005.

20 La fonctionnaire s’estimant lésée a aussi déclaré qu’une téléconférence avait eu lieu en octobre 2005. Lors de cette discussion, l’employeur l’a informée qu’une fois ce travail terminé, il n’avait plus rien à lui offrir pour le moment et qu’on l’aviserait si quelque chose se présentait. La fonctionnaire s’estimant lésée a aussi relaté les autres points abordés, qui sont contenus dans le compte rendu de la discussion déposé en preuve (pièce G-25). Il a été question d’une affectation temporaire en traduction et des renseignements additionnels qu’on lui demandait d’obtenir de son médecin relativement à la fréquence et à la durée des réunions auxquelles elle pouvait participer, à la distance qu’elle pouvait parcourir et à la permanence de ses limitations.

21 La fonctionnaire s’estimant lésée a témoigné que, par la suite, elle a obtenu une affectation temporaire pendant laquelle elle devait faire de la révision de textes, de la traduction et de la recherche terminologique. Cette affectation a débuté le 24 octobre 2005 et devait se terminer le 21 avril 2006. Toutefois, elle a pris fin le 31 mars 2006, trois semaines avant la date prévue. On l’a informée qu’elle ne satisfaisait pas aux normes sur les langues officielles.

22 La fonctionnaire s’estimant lésée a également affirmé que l’employeur lui avait dit que l’on continuait à chercher un poste pour elle, et lui avait demandé de mettre son curriculum vitae à jour pour qu’il soit distribué aux directeurs de Statistique Canada. La fonctionnaire s’estimant lésée a ajouté qu’elle a appris, plus tard, que cela n’avait jamais été fait comme tel. On a envoyé une note aux directeurs, mais pas son curriculum vitae. Elle a déposé aussi en preuve une lettre datée du 30 juin 2006, lui étant adressée par Gary Cantin, directeur, Division des opérations des enquêtes, Statistique Canada, résumant la situation du point de vue de l’employeur (pièce G-29).

23 La fonctionnaire s’estimant lésée a témoigné des incidences de la situation sur sa vie personnelle. Pour subvenir aux besoins de sa famille, elle a dû emprunter de l’argent à des membres de sa famille et a aussi contracté une deuxième hypothèque. Elle a eu des difficultés à se faire rembourser des frais de médicaments et a dû retarder l’achat d’orthèses pour son fils. Elle a ajouté que, durant tout ce temps, elle désirait travailler, d’autant plus qu’elle était soutien de famille. Elle se sentait humiliée de se retrouver en recherche d’emploi à cinquante ans. Elle a fait confiance à son employeur qui, à son avis, l’a laissée tomber.

24 En contre-interrogatoire, la fonctionnaire s’estimant lésée a reconnu qu’elle avait pu utiliser des congés annuels du 2 au 12 août 2005 ainsi que du 26 septembre au 21 octobre 2005. Elle a, par la suite, été affectée à la section de la méthodologie jusqu’en mars 2006, et a aussi été en congé annuel du 3 au 14 avril 2006. Elle a confirmé aussi avoir utilisé ses congés de maladie pour couvrir la période du 20 avril au 22 juin 2006, et avoir reçu une avance sur ses congés annuels, ce qui lui a permis d’être rémunérée jusqu’au 27 juillet 2006.

25 Questionnée relativement à la compagnie d’assurances Sun Life, la fonctionnaire s’estimant lésée a indiqué qu’elle ne comprend pas pourquoi elle devrait se priver de trente pour cent de son salaire parce que l’employeur ne veut pas l’aider. Elle se considérait apte à travailler et ne voyait pas comment elle pouvait se présenter à son médecin pour lui demander un certificat d’inaptitude au travail.

26 L a fonctionnaire s’estimant lésée a reconnu s’être rendue sur les lieux de travail pour obtenir les documents et instructions en ce qui concerne les trois projets qui lui avaient été confiés en juillet 2005.

27 La fonctionnaire s’estimant lésée a témoigné qu’elle ne pensait pas que l’infirmière du lieu de travail lui serait utile, pas plus que l’accès à une salle de repos. Elle a indiqué qu’il était peut-être possible qu’elle se rende sur les lieux de travail quelques jours par semaine, et qu’elle serait capable d’aller chercher du travail au bureau. Elle a reconnu aussi avoir passé près de trois heures au bureau pour l’entrevue et les examens relatifs à l’affectation en traduction. Questionnée sur sa capacité de se déplacer et de se rendre au travail, la fonctionnaire s’estimant lésée a indiqué qu’elle avait suivi les recommandations de son médecin.

28 Le représentant de l’employeur a convoqué Mary Ledoux, chef intérimaire, Accès et contrôle des données, Division de l’accès et du contrôle des données, Statistique Canada, pour témoigner. Mme Ledoux occupe ce poste depuis deux ans et travaille à la division depuis 21 ans.

29 La division a la responsabilité d’élaborer les politiques relatives à la confidentialité, à la protection des renseignements personnels et à la sécurité pour soutenir le cadre législatif des opérations de Statistique Canada. À titre de chef, le rôle de Mme Ledoux consiste à donner des avis et conseils reliés à la confidentialité, à la protection des renseignements personnels et à la sécurité. Elle agit aussi comme agent responsable de l’accès à l’information.

30 Mme Ledoux a expliqué, dans son témoignage, que Statistique Canada a, en vertu des dispositions de la Loi sur la statistique, le mandat d’agir à titre d’agence nationale de la statistique. Dans le cadre de ce mandat, l’agence recueille, compile, analyse et publie des renseignements statistiques sur une grande diversité de sujets.

31 Elle poursuivi en indiquant que l’agence mène de 300 à 400 enquêtes et que certaines d’entre elles sont de nature obligatoire. Statistique Canada dispose d’un pouvoir étendu pour obtenir les renseignements à des fins statistiques. Ces pouvoirs sont contrebalancés par des dispositions garantissant le secret et la confidentialité des renseignements fournis. La confidentialité est la pierre angulaire du fonctionnement de Statistique Canada.

32 Mme Ledoux a attiré mon attention sur les dispositions de l’article 17 de la Loi sur la statistique portant sur la protection des renseignements personnels. Elle a indiqué que cet article est le fondement de la relation de confiance que le public doit avoir avec Statistique Canada.

33 Mme Ledoux a déposé en preuve le guide relatif à la Loi sur la statistique (pièce E-15). Ce guide a été élaboré à l’intention des employés pour faciliter la compréhension de cette Loi. Elle a déposé aussi la Politique sur la sécurité informatique et la Politique sur la sécurité des renseignements statistiques de nature délicate (pièces E-15 et E-16). Elle a noté qu’il existe deux réseaux électroniques distincts, les réseaux « A » et « B », créés pour assurer la confidentialité des renseignements détenus par Statistique Canada, et qu’il n’y a aucun lien externe avec le réseau « A », où sont conservés les renseignements recueillis. Les politiques de Statistique Canada ne permettent pas de conserver des renseignements confidentiels hors des lieux de travail, que ce soit sous forme écrite ou électronique.

34 En contre-interrogatoire, Mme Ledoux a reconnu, d’une part, que les employés ne travaillent pas tous avec des données confidentielles et, d’autre part, que les intervieweurs sur place travaillent occasionnellement à leur domicile. Ils utilisent des ordinateurs portatifs fournis par Statistique Canada qui sont reliés au réseau « B » pour la transmission des données.

35 L’employeur a également fait entendre George Kriger, qui est chef, Infrastructure, Services de sécurité des TI, Section de la sécurité informatique, Statistique Canada, depuis 1988 et qui est au service de Statistique Canada depuis 1980. Son rôle est de conseiller la gestion sur les mesures de protection techniques nécessaires pour répondre aux besoins en matière de sécurité de Statistique Canada.

36 M. Kriger a témoigné que Statistique Canada protège les renseignements recueillis en s’assurant que les données ne sont pas accessibles par voie externe. C’est ce qui explique l’existence de deux réseaux, le « A » et le « B ». Le réseau « A » contient les données confidentielles tandis que le réseau « B » est relié au monde extérieur. Cette approche existe depuis plus de 20 ans. La majorité des employés travaillent sur le réseau « A ».

37 M. Kriger a déposé en preuve la Norme opérationnelle sur la sécurité matérielle (pièce E-17), une liste de vérification de la conformité en matière de sécurité pour les bureaux régionaux, ainsi que d’autres documents relatifs aux questions de sécurité. Il a expliqué les modifications qui seraient nécessaires pour rendre le domicile d’un particulier suffisamment protégé pour y brancher le réseau « A ». Ces modifications, bien que possibles, seraient extrêmement complexes et coûteuses. Il a aussi ajouté que ce n’était pas très réaliste et qu’il serait difficile pour un employé de travailler sans avoir accès au réseau « A ». Le Centre de documentation n’est accessible que grâce au réseau « A », de même que le système de gestion du temps.

38 M. Kriger a indiqué que les intervieweurs n’avaient que des fonctions très limitées et que leurs ordinateurs portatifs étaient configurés de façon à rendre inopérantes plusieurs fonctions permettant la saisie d’information. La transmission des données recueillies pour Statistique Canada est encodée pour assurer la sécurité et se fait sur des lignes consacrées à cette transmission, selon un protocole précis.

39 Commentant la possibilité de travailler de la maison, M. Kriger a indiqué que même si le réseau était accessible de la maison, la possibilité que les autres membres de la famille puissent voir l’information posait un problème de sécurité. Il a ajouté que le public serait peut-être plus réticent à collaborer avec Statistique Canada s’il apprenait que les renseignements circulent dans les domiciles des employés.

40 Contre-interrogé sur le fait que des renseignements recueillis se trouvent dans les ordinateurs portatifs utilisés dans les domiciles des intervieweurs, M. Kriger a indiqué que ces ordinateurs étaient configurés pour protéger les données recueillies. Il a reconnu qu’il existait aussi un risque, étant donné que l’information est conservée dans le domicile.

41 M. Kriger a aussi été interrogé au sujet de la Politique de télétravail du Conseil du Trésor, et a reconnu que le télétravail était possible, mais que cela dépendait des tâches de l’employé et que celui-ci ne devait pas travailler avec des renseignements confidentiels.

42 Questionné au sujet du système de gestion du temps, M. Kriger a reconnu que les demandes de congés pouvaient se faire par l’intermédiaire d’un fonctionnaire qui a accès au réseau. Il a aussi reconnu qu’il serait possible de faire parvenir par courriel à un employé qui n’a pas accès au réseau « A » les avis publiés sur le réseau « B » qui ne contiennent pas de renseignements confidentiels.

43 M. Williams a été le témoin suivant; il a été convoqué par l’employeur. M. Williams, qui est maintenant retraité, occupait le poste de directeur des opérations d’enquête. Il a été directeur du début de 1997 jusqu’au début de 2005. Toute sa carrière s’est déroulée chez Statistique Canada. À l’époque où il était directeur, il supervisait environ 140 employés. Pendant ses dernières années comme directeur, M. Wiliams a dû s’absenter pour cause de maladie.

44 Il était responsable de la gestion des ressources humaines et financières de la Division des opérations d’enquête. Il s’agit d’un environnement complexe et agité où plus de 110 enquêtes sont menées chaque année. Les employés de cette section travaillent en équipe ainsi qu’avec des collègues d’autres services de l’élaboration de l’enquête jusqu’au moment où le client quitte avec ses résultats.

45 M. Williams a tracé un portrait du poste d’agente de projet aux groupe et niveau SI-02 qu’occupe la fonctionnaire s’estimant lésée. La personne qui occupe un tel poste est le principal représentant de la Division des opérations d’enquête au sein de l’équipe responsable d’une enquête. Cette personne doit travailler de façon étroite avec le client et les autres membres de l’équipe. Dès le départ, M. Williams a indiqué qu’il était nécessaire d’acquérir des connaissances sur les raisons qui amènent à la formulation des questions. Pour ce faire, l’employé se doit de participer aux discussions qui ont lieu lors des rencontres d’équipe. L’équipe doit aussi vérifier le questionnaire élaboré sur ordinateur et préparer les manuels et guides de formation nécessaires à la conduite de l’enquête. L’agent de projet doit aussi donner la formation requise aux fins de l’enquête. Il doit surveiller la mise en œuvre de l’enquête et devient en quelque sorte l’expert responsable de l’enquête, trouvant des solutions aux problèmes. Une fois les données colligées, on doit procéder à un examen rétrospectif et préparer un rapport pour être en mesure d’éviter de répéter les mêmes erreurs. Les réunions ont lieu deux à trois fois par semaine et durent environ une demi-journée, selon la complexité de l’enquête.

46 M. Williams a ajouté que c’est l’équipe responsable du projet qui élabore le questionnaire et qu’il s’agit d’un processus auquel participent tous les membres de l’équipe. Il a aussi noté que certaines parties du travail s’exécutent individuellement. La rédaction des manuels et des guides se fait individuellement. Par contre, la révision de ces documents se fait en équipe. Il a ajouté que pour assurer la confidentialité, les données sont retournées à Statistique Canada au moyen du réseau « A », qui n’est pas accessible de l’extérieur.

47 M. Williams a témoigné que la fonctionnaire s’estimant lésée était partie en congé de maladie prolongé en décembre 2000. En mars, elle lui a écrit pour demander son aide (pièce E-24). Elle demandait de travailler trois jours à partir de son domicile. La fonctionnaire s’estimant lésée faisait état de son apnée sévère du sommeil. M. Williams a indiqué qu’il avait alors tenté de trouver une affectation pour la fonctionnaire s’estimant lésée mais que malheureusement, aucune n’était accessible. Lorsqu’il a reçu la lettre, il a aussi consulté la section des ressources humaines, ce qui a amené un renvoi au Programme d’aide aux employés (PAE). M. Williams a discuté du problème avec l’infirmière. Il a appris qu’il y avait d’autres employés de Statistique Canada qui souffraient de problèmes similaires. L’infirmière disposait d’une pièce de repos où les employés pouvaient brancher leur appareil aidant à la respiration et pouvaient ainsi récupérer. Il croyait que cette option avait été présentée à la fonctionnaire s’estimant lésée par le PAE.

48 Une autre des conséquences de cette lettre est que le cas de la fonctionnaire s’estimant lésée a été renvoyé à Santé Canada pour que la capacité de travailler de cette dernière soit évaluée. M. Williams a indiqué que le résultat de l’évaluation indiquait que la fonctionnaire s’estimant lésée devait revenir au travail au mois de juillet et que ce devait être un retour graduel. Comprenant qu’il s’agissait d’une période de transition vers un retour au travail à temps plein, la demande de télétravail a été autorisée. Il a ajouté que le télétravail à temps plein n’avait jamais été une option et a fait référence à la lettre du Dr Given du 31 mai 2001 (pièce G-4).

49 Au sujet des possibilités de télétravail, M. Williams a indiqué que certaines parties du travail, comme la rédaction des manuels, pouvaient se faire en situation de télétravail mais que la participation aux réunions d’équipe était essentielle à la compréhension de l’enquête et à l’élaboration de ces manuels. L’agent de projet doit être en mesure de communiquer avec les intervieweurs au sujet de ces guides et manuels. Les tests relatifs aux questionnaires doivent se faire sur les lieux de travail. À l’exception de deux questionnaires, sur la centaine sur lesquels la division travaille, les questionnaires sont exécutés à partir de programmes informatiques. La vérification des questionnaires est une étape cruciale du travail d’un agent de projet. M. Williams estimait que, tout au plus, de vingt-cinq à trente pour cent du travail d’un agent de projet pourrait se faire hors des lieux de travail.

50 M. Williams a témoigné qu’il n’avait pas d’objection de principe au télétravail, en autant que les tâches le permettent. On ne peut être un agent de projet et travailler à temps complet à son domicile.

51 M. Williams a témoigné qu’il avait reçu, en février 2004, un courriel de la fonctionnaire s’estimant lésée (pièce E-25) qu’il a interprété comme une demande de travail dans un autre secteur. Il a indiqué qu’il n’avait jamais exercé de pression pour qu’elle quitte son emploi et a ajouté qu’il connaissait, de façon générale, les principes du devoir d’accomoder un employé. À son avis, Statistique Canada a probablement été trop loin dans le cas de la fonctionnaire s’estimant lésée en lui donnant du travail qui n’était pas de niveau SI-02 en croyant qu’il s’agissait d’une situation temporaire.

52 En contre-interrogatoire, M. Williams a confirmé que l’employeur utilisait des descriptions de tâches génériques, facilitant ainsi le déplacement des employés d’un poste à l’autre. Il a reconnu que l’utilisation de la téléconférence n’avait pas été envisagée pour faciliter le télétravail. M. Williams, en examinant la description de poste (pièce G-3), a indiqué que certaines tâches pouvaient être exécutées à domicile mais que d’autres devaient être exécutées sur les lieux de travail. M. Williams a indiqué qu’il avait examiné les postes vacants à l’intérieur de sa division avant de chercher des postes ailleurs.

53 En guise de réponse aux questions du représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée, M. Williams a confirmé qu’il avait accepté de prendre des mesures pour aider la fonctionnaire s’estimant lésée avant d’obtenir la confirmation de son état de santé. Il a indiqué que c’était la chose appropriée à faire à l’époque et qu’il s’agissait d’une mesure transitoire. Il a ajouté qu’une grande partie des tâches confiées à la fonctionnaire s’estimant lésée était de nature administrative. La situation s’est poursuivie sans qu’on y porte beaucoup d’attention, en grande partie parce que lui-même et le superviseur immédiat de la fonctionnaire s’estimant lésée ont été malades et absents pendant plusieurs mois. M. Williams a reconnu que de juin 2001 à janvier 2004, on avait permis à la fonctionnaire s’estimant lésée de travailler à son domicile à temps plein. Toutefois, ce n’était pas, à son avis, une bonne utilisation des ressources financières, et l’employeur a tenté de rectifier la situation.

54 M. Williams a confirmé qu’il y avait une autre personne qui était en situation de télétravail à temps partiel. Il a confirmé aussi qu’un bureau avec un système de ventilation distinct a dû être construit pour cette personne. Il a indiqué que dans ce cas, les tâches de l’employé et les solutions envisagées comme mesures d’adaptation étaient compatibles. Il a souligné que cet employé travaillait en partie sur les lieux de travail. M. Williams a indiqué que Statistique Canada avait l’habitude de tenter d’aider ses employés. Il a indiqué qu’il craignait qu’à l’avenir, les gestionnaires qui lui succéderont soient moins disposés à essayer de trouver des solutions dans des situations similaires.

55 Pendant le réinterrogatoire de l’avocat de l’employeur, M. Williams a confirmé que l’obstacle était le télétravail à temps plein, qui n’était pas, à son avis, une solution viable. Si la fonctionnaire s’estimant lésée s’était montrée prête à accepter une situation de télétravail à temps partiel, alors l’employeur aurait pu examiner les solutions appropriées.

56 Gary Catlin, directeur de la Division des opérations des enquêtes, Statistique Canada, a été cité à comparaître par l’avocat de l’employeur. Il est directeur depuis un peu plus d’un an et il travaille à Statistique Canada depuis 28 ans. Il supervise approximativement 90 employés qui participent à la collecte de données pour environ 70 enquêtes. Ses employés font partie d’équipes de projets multidisciplinaires qui bénéficient de leur savoir-faire dans la collecte de données pour les enquêtes. Ils préparent les manuels et la formation à l’intention des intervieweurs et participent à la formation des employés régionaux provenant de partout au pays. Ils ont aussi la responsabilité de vérifier les programmes informatiques de collecte de données. Ils surveillent la collecte des données de façon quotidienne.

57 M. Catlin a déclaré être au courant du grief de la fonctionnaire s’estimant lésée. En avril 2005, lors de sa première semaine dans ses nouvelles fonctions, il a participé à l’audience du grief de cette dernière, qui était accompagnée par son représentant, Bertrand Myre. M. Catlin était aussi accompagné d’un représentant des Ressources humaines. Il a indiqué que les éléments clés de la lettre du 24 mai 2005 en réponse à son grief étaient que le télétravail à temps plein n’était pas une solution viable pour le poste qu’occupe la fonctionnaire s’estimant lésée et qu’il était à la recherche de renseignements en vue de clarifier sa situation. Plus précisément, il cherchait des renseignements sur ses limitations fonctionnelles et sur un plan de réintégration au travail. La fonctionnaire s’estimant lésée avait déjà été avisée que l’employeur se devait de connaître ses limitations fonctionnelles, sans quoi il pourrait se faire accuser de négligence.

58 M. Catlin a commenté la lettre du 30 juin 2005 (pièce E-26) qu’il a fait parvenir à la fonctionnaire s’estimant lésée et qui visait à faire le point sur la situation. Il y réitérait que le télétravail à plein temps n’était pas une solution viable et a informé la fonctionnaire s’estimant lésée que des efforts étaient déployés pour trouver des solutions dans d’autres secteurs d’activité de Statistique Canada. Il lui a suggéré également de communiquer avec les Ressources humaines pour obtenir de l’aide dans sa recherche d’emploi et l’avise que trois courts projets qui pourrait être exécutés à domicile ont été répérés. M. Catlin demande une nouvelle fois à la fonctionnaire s’estimant lésée de clarifier ses limitations fonctionnelles. M. Catlin indique qu’il avait accepté l’aide de Gérald Roy, médiateur à la CCDP, pour obtenir les renseignements requis du médecin de la fonctionnaire s’estimant lésée. Il a aussi noté que si ces démarches n’étaient pas fructueuses, il envisageait de demander une autre expertise à Santé Canada. Il proposait dans cette lettre une rencontre pour discuter des trois courts projets. M. Catlin recommandait encore à la fonctionnaire s’estimant lésée les services du PAE et soulignait que Statistique Canada examinait toutes les options pour lui trouver un travail approprié à son état de santé.

59 M. Catlin a poursuivi son témoignage en indiquant que le télétravail était un des modes de fonctionnement dont on fait la promotion dans la fonction publique. Cela permet plus de flexibilité pour atteindre un juste équilibre dans l’exercice de la conciliation travail-famille. Lorsqu’il est bien administré et bien utilisé, il comporte des avantages autant pour les employés que pour l’employeur. L’intention était qu’il soit utilisé lorsque ses incidences négatives sont les moindres, tant au niveau des coûts que de la productivité. Pour que le télétravail soit un succès, M. Catlin a ajouté qu’il fallait, du point de vue opérationnel, que la quantité et la qualité du travail soient au moins égales à ce que l’on trouve en milieu de travail normal. La mise en place d’un tel mode de fonctionnement est une décision qui relève de la gestion et qui peut être appropriée pour certains secteurs d’activité de la fonction publique. M. Catlin a présenté une liste de contrôle des détails (pièce E-27, annexe 7) d’une entente de télétravail. M. Catlin a ajouté qu’il était favorable à de telles ententes. Lorsque de telles modalités sont acceptées de part et d’autre, elles permettent à l’employé de contribuer davantage à son travail en conciliant les besoins familiaux avec ceux du travail.

60 Questionné plus précisément au sujet de sa réaction à une demande de la fonctionnaire s’estimant lésée concernant l’augmentation de la flexibilité, M. Catlin a répondu qu’il l’inviterait à discuter du degré de flexibilité requis et à tenter de trouver un arrangement convenant aux exigences du travail et à l’état de santé de cette dernière. Il a ajouté qu’il consulterait les intervenants du PAE, l’infirmière et les Ressources humaines et qu’il n’était pas fermé à l’idée que du travail soit exécuté à domicile. Le télétravail à plein temps n’est pas une solution viable dans sa situation mais le télétravail à temps partiel peut certainement être possible. Il a noté que le Ministère avait déjà des employés qui profitaient de telles modalités.

61 M. Catlin a témoigné des efforts entrepris par l’employeur pour trouver un poste adapté aux besoins de la fonctionnaire s’estimant lésée et a présenté deux courriels à cet égard datés de mai 2005 (pièces E-28 et 29). Il a aussi présenté un courriel daté du 16 juin 2005 (pièce E-30) et a indiqué qu’il s’agissait là d’un suivi relatif au même sujet auprès de Mel Jones, un directeur à Statistique Canada.

62 M. Catlin a témoigné que l’employeur avait demandé l’aide du médiateur de la CCDP pour tenter de convaincre M. Myre et la fonctionnaire s’estimant lésée d’obtenir la coopération du médecin traitant (pièce E-31). M. Catlin a ajouté que tout ce que l’employeur savait à ce moment était que seul le télétravail était possible dans le cas de la fonctionnaire s’estimant lésée. Il a aussi présenté un autre courriel relatif aux efforts de l’employeur visant à trouver un poste pour la fonctionnaire s’estimant lésée (pièce E-32).

63 Puisque la fonctionnaire s’estimant lésée avait indiqué qu’elle était intéressée à faire de la traduction, on a entrepris des démarches (pièce E-33) et une évaluation a été faite de son habileté à traduire. La conclusion de l’évaluation était qu’elle ne pourrait traduire au niveau requis par le Ministère.

64 M. Catlin a témoigné aussi des efforts déployés par la Division du ressourcement et des affectations spéciales pour trouver une affectation à la fonctionnaire s’estimant lésée lesquels lui ont été communiqués dans un courriel daté du 29 juillet 2005 (pièce E-34). M. Catlin a présenté des courriels portant sur cette même question qui ont été échangés en août 2005 (pièce E-35). Il a indiqué que sa division était prête à assumer les coûts associés au salaire de la fonctionnaire s’estimant lésée pour un certain nombre de mois afin de faciliter son affectation à un poste dans un autre secteur.

65 M. Catlin a témoigné aussi des efforts déployés en vain pour trouver du travail pouvant être exécuté à domicile à temps partiel au début septembre 2005 et a produit en preuve un courriel à cet égard (pièce E-36). Il a témoigné qu’à la mi-septembre, il avait demandé une mise à jour relativement à la situation de la fonctionnaire s’estimant lésée et a parlé de la réponse qu’il avait reçue de Susan Carry, gestionnaire de programme, Perfectionnement des recrues / affectations spéciales, Statistique Canada (pièce E-37). Il a ajouté qu’il avait relancé Mme Carry à la mi-octobre à ce même sujet (pièce E-38).

66 M. Catlin a commenté la lettre du 20 octobre 2005 (pièce G-25) qu’il a signée et qui est un compte rendu de la discussion du 7 octobre 2005. Il a souligné, dans son témoignage, qu’il réitérait dans la lettre que le télétravail à plein temps n’était pas possible et qu’une affectation de six mois débuterait en octobre. Il a souligné aussi dans sa lettre que la recherche d’autres affectations continuait et qu’il demandait à la fonctionnaire s’estimant lésée ses suggestions. Il a indiqué que la lettre faisait aussi mention de différences entre les propos de la fonctionnaire s’estimant lésée et ceux de son médecin, Dre Seale, et a mentionné la demande faite à la fonctionnaire s’estimant lésée de clarifier la situation et d’obtenir de son médecin plus de détails sur ses limitations fonctionnelles. La lettre faisait aussi état de la demande faite à la fonctionnaire s’estimant lésée de se soumettre à nouveau à un examen réalisé par Santé Canada. M. Catlin a souligné, dans son témoignage, que les renseignements provenant de la Dre Seale étaient si limités qu’ils se trouvaient à éliminer la plupart des postes au sein du Ministère, rendant la recherche d’un autre poste très difficile. M. Catlin a ajouté que la lettre suggérait encore à la fonctionnaire s’estimant lésée d’utiliser les services du PAE.

67 M. Catlin a déclaré que ce qu’il faut comprendre de la mention « le télétravail à temps plein et à temps partiel régulier n’est pas possible », dans la pièce G-25, est qu’il n’est pas possible de créer un poste à plein temps ou à temps partiel qui serait exclusivement un poste de télétravail.

68 M. Catlin a témoigné qu’il a cherché à obtenir par courriel des renseignements des services informatiques du Ministère sur ce qui est accessible à distance. Ce courriel et la réponse ont été déposés en preuve (pièce E-39). M. Catlin a indiqué que durant cette période, M. Carbonneau a été désigné comme personne responsable des communications avec la fonctionnaire s’estimant lésée. M. Catlin a ajouté que le Ministère n’a reçu aucune information du médecin traitant de la fonctionnaire s’estimant lésée depuis août 2005. M. Catlin a déposé aussi en preuve un courriel datant de mars 2006 (pièce E-40), démontrant les efforts continus du Ministère pour trouver une affectation à la fonctionnaire s’estimant lésée. Il a ajouté qu’un rappel de suivi a été fait sur cette recherche d’affectation, comme le démontre le courriel daté du 8 juin 2006 (pièce G-30).

69 M. Catlin a présenté la lettre qu’il a fait parvenir en juin 2006 à la fonctionnaire s’estimant lésée (pièce G-29). Il a indiqué que cette lettre devait contenir les renseignements les plus à jour à cette date. L’employeur désirait confirmer la demande suivant laquelle toutes les communications de l’employeur avec la fonctionnaire s’estimant lésée devaient toujours se faire par écrit et demandait aussi si cette directive s’appliquait aux employés professionnels du Programme des affectations spéciales. L’employeur était toujours à la recherche de renseignements relatifs aux limitations fonctionnels de la fonctionnaire s’estimant lésée. Une proposition de lettre que l’employeur voulait envoyer à son médecin pour obtenir ces renseignements était jointe, ainsi qu’un formulaire d’autorisation de divulgation devant être signé par la fonctionnaire s’estimant lésée. La lettre indiquait aussi que l’employeur s’engageait à continuer de communiquer avec elle par courriel pour l’informer des efforts de recherche de travail et demandait à la fonctionnaire s’estimant lésée de tenir le Ministère au courant de ses efforts de recherche d’emploi. La lettre mentionnait aussi que la fonctionnaire s’estimant lésée ne pouvait bénéficier d’un statut prioritaire octroyé par la Commission de la fonction publique parce qu’elle ne recevait pas de prestations du régime d’assurance-invalidité.

70 M. Catlin a témoigné que le Ministère n’est pas en mesure de trouver un poste (le sien ou un autre) qui permettrait le télétravail à temps plein. Il a ajouté que les renseignements relatifs à la suggestion du médecin, selon qui, seul le télétravail à plein temps est recommandé, sont insuffisants pour que le Ministère comprenne la situation et il a noté que le médecin n’a pas proposé de plan de réintégration au travail. Il n’y a, à son avis, même pas de renseignements sur la durée possible de ce problème. S’agit-il d’une situation permanente ou devrait-on la réévaluer plus tard? M. Catlin a noté qu’il est difficile de réconcilier la capacité du Ministère de se montrer flexible dans l’organisation du travail et l’information disponible sur les limitations de la fonctionnaire s’estimant lésée.

71 En contre-interrogatoire, M. Catlin a confirmé qu’il n’est pas possible pour la fonctionnaire s’estimant lésée de travailler en situation de télétravail à cent pour cent, que cela soit à temps plein ou à temps partiel. Son poste d’attache requiert qu’elle soit présente dans les locaux de l’employeur une partie du temps.

72 M. Catlin a affirmé qu’il n’y avait pas de contradiction dans l’affirmation précédente et le fait qu’on ait trouvé trois projets que la fonctionnaire s’estimant lésée a pu exécuter à la maison. Il a expliqué que ces projets ne représentent qu’une petite partie des responsabilités d’une personne détenant un poste aux groupe et niveau SI-02. Il a affirmé que ce travail est justement le genre de travail qui peut se faire de la maison. La fonctionnaire s’estimant lésé devait résumer des comptes rendus de débreffage des intervieweurs.

73 Questionné sur le fait que seulement trois petits projets ont été identifiés dans une période de huit mois, soit de décembre 2004 à juillet 2005, M. Catlin a expliqué que le rôle d’une personne qui occupe le poste SI-02 est de participer à des équipes de travail chargées des enquêtes coordonnées par Statistique Canada. Plus particulièrement, c’est en participant aux réunions d’équipe pendant lesquelles les questions relatives à la conception des enquêtes sont discutées que le titulaire acquiert les renseignements nécessaires à l’élaboration du matériel didactique. Sans avoir pris part aux réunions de l’équipe, le titulaire ne peut élaborer les documents appropriés.

74 M. Catlin a reconnu qu’il est possible qu’une partie du travail puisse se faire par vidéoconférence. Il n’a toutefois pu dire exactement dans quelle mesure étant donné que chaque enquête est différente. Il a estimé globalement que de vingt à cinquante pour cent du travail environ pourraient se faire par télétravail. Toutefois, il a noté qu’il n’y a pas beaucoup d’installations de vidéoconférence disponibles et qu’elles sont très en demande. M. Catlin a noté que, selon l’information disponible, la fonctionnaire s’estimant lésée insistait pour que sa situation ne consiste qu’en télétravail.

75 Questionné sur le refus de réintégrer la fonctionnaire s’estimant lésée sans une description de ses limitations fonctionnelles, M. Catlin a indiqué que les tentatives de l’employeur pour obtenir ces renseignements en vue d’établir un plan de réintégration au travail s’étaient avérées infructueuses. Tout employé qui s’est absenté du travail pendant une longue période devrait bénéficier d’un plan de réintégration au travail. M. Catlin a témoigné qu’il se sent justifié d’exiger ces renseignements et qu’à son avis, il aurait été irresponsable de tenter de traiter la situation de la fonctionnaire s’estimant lésée sans ces renseignements. Il y a contradiction entre ce que la fonctionnaire s’estimant lésée leur disait et ce que le médecin leur disait quant à sa participation à des réunions. Il a confirmé avoir demandé à la fonctionnaire s’estimant lésée de clarifier cette question avec son médecin.

76 M. Catlin a ajouté que l’employeur espérait que la fonctionnaire s’estimant lésée obtienne elle-même les renseignements de son médecin traitant. L’employeur avait essayé à plusieurs reprises et avait même demandé l’aide de M. Roy, sans succès. Toutefois, M. Catlin a noté que l’employeur n’avait jamais cessé de chercher un travail adapté à la situation de la fonctionnaire s’estimant lésée. Il a mentionné que selon lui, la politique de l’employeur n’oblige pas celui-ci à créer de toutes pièces un emploi qui serait adapté à la situation d’un employé. Il a affirmé qu’en se fondant sur les capacités, la formation et les compétences de la fonctionnaire s’estimant lésée, il n’y a pas de poste SI-02 pouvant être exécuté en ne faisant que du télétravail à cent pour cent. Il a ajouté que l’employeur a cherché un tel poste de façon continue et répétitive dans tout l’organisme en offrant d’assumer les coûts de son salaire. Le seul poste identifié qui aurait permis de ne faire que du télétravail était celui en traduction. Même si elle a échoué à l’examen, elle a eu l’occasion de faire le travail pendant six mois. Malheureusement, il s’est avéré que la qualité de son travail était insuffisante.

77 M. Catlin a reconnu qu’un autre employé qui s’était vu refuser le télétravail avait finalement pu en bénéficier après un réexamen de la situation. Dans ce cas, il a été possible de lui faire parvenir l’information non-confidentielle nécessaire à l’exécution de son travail. Il confirme que dans ce cas, l’employeur lui a fourni les outils nécessaires à l’exécution de ses tâches à partir de la Saskatchewan, nommément un ordinateur, une imprimante et une ligne téléphonique. Dans le cas de Mme Lafrance, M. Catlin indique que l’employeur lui a fourni un ordinateur pour le travail qu’elle a exécuté de la maison. Toutefois, le problème est de trouver un travail approprié qu’elle peut faire de la maison.

78 Le dernier témoin convoqué par l’employeur a été M. Carbonneau. Son rôle consiste à assurer le développement des applications d’enquête qui sont utilisées par les bureaux régionaux pour recueillir les données auprès des répondants. Son supérieur immédiat est M. Catlin.

79 M. Carbonneau a mentionné que son rôle dans le dossier de la fonctionnaire s’estimant lésée a débuté lors des audiences à la CCDP en 2004. Il représentait alors Statistique Canada en compagnie de Connie Graziadei, gestionnaire, Services de gestion, Statistique Canada. À la suite de ces audiences, il espérait pouvoir trouver un arrangement adéquat dans le dossier de la fonctionnaire s’estimant lésée.

80 M. Carbonneau a indiqué que la Division des opérations d’enquête est responsable du développement des applications d’enquête pour environ une centaine d’enquêtes au cours d’une année. Certaines enquêtes sont répétées mensuellement alors que d’autres sont nouvelles et doivent être entièrement élaborées à partir de zéro. Cela implique la préparation des guides et manuels à être utilisés par les gestionnaires et les intervieweurs ainsi que la formation à être donnée. Les résultats des enquêtes sont soumis et analysés quotidiennement tant pour les résultats eux-mêmes que du point de vue de la performance des outils mis à la disposition des intervieweurs, de la pertinence des budgets et des ressources en personnel. En outre, après la période de collecte, un examen rétrospectif est effectué pour apprendre de l’expérience passée.

81 M. Carbonneau a indiqué qu’à la suite de la rencontre de médiation, les parties ont convenu de mettre en place des voies de communication entre elles. Elles se sont aussi entendues, lors d’une rencontre où il était présent en compagnie de Mme Graziadei, M. Myre et la fonctionnaire s’estimant lésée, sur l’information à communiquer au médecin de la fonctionnaire s’estimant lésée, la Dre Seale. S’en est suivie la lettre du 23 décembre 2004 (pièce G-18), qui résume la situation et explique les demandes de renseignements de l’employeur.

82 M. Carbonneau a indiqué que la réponse du médecin à cette lettre (pièce G-19) ne répondait pas aux questions de l’employeur. Alors que l’employeur cherchait à connaître les limites fonctionnelles de la fonctionnaire s’estimant lésée, le médecin proposait le télétravail à temps plein sans retour sur les lieux du travail. Or, M. Carbonneau a souligné que le médecin avait été avisé, dans la lettre du 23 décembre, que cet arrangement n’était pas envisageable.

83 M. Carbonneau a mentionné que l’employeur avait fait parvenir une seconde lettre à la Dre Seale (pièce G-20) en février 2005, qui reprenait les points mentionnés dans la lettre du mois de décembre et précisait les questions pour mieux comprendre les conséquences de l’état de santé de la fonctionnaire s’estimant lésée, toujours dans le but d’en arriver à un arrangement satisfaisant pour assurer la reprise du travail par celle-ci.

84 M. Carbonneau a indiqué que la réponse du médecin (pièce G-21), émise au début du mois de mars 2005, n’était pas satisfaisante. Le médecin ne semblait pas avoir bien compris l’information qui lui avait été transmise dans les lettres précédentes. De l’avis de M. Carbonneau, le médecin revenait toujours sur sa recommandation de télétravail à plein temps sans donner de précisions suffisantes sur les limites fonctionnelles qui permettraient de mettre en place un arrangement de travail adéquat.

85 M. Carbonneau a poursuivi en indiquant que l’employeur avait continué sa recherche de renseignements en écrivant à nouveau au médecin, le 15 mars 2005, pour lui demander de communiquer avec Annie Grenier, conseillère principale en relations de travail, Division des opérations en ressources humaines, Statistique Canada (pièce G-22). Des copies de toutes ces lettres ont été transmises à la fonctionnaire s’estimant lésée et à M. Myre. Encore une fois, on mettait l’accent sur la nécessité d’obtenir des renseignements sur les limites fonctionnelles de la fonctionnaire s’estimant lésée. Dans sa réponse datée du 16 mars (pièce E-42), le médecin a indiqué qu’il n’était pas disposé à communiquer directement avec Mme Grenier, car celle-ci préférait que les communications se fassent par écrit. M. Carbonneau a présenté la lettre reçue du médecin de la fonctionnaire s’estimant lésée en date du 7 avril 2005 (pièce E-43). Cette lettre ne répond pas aux questions de l’employeur.

86 M. Carbonneau a indiqué, puisque la situation piétinait, que l’employeur avait pris des mesures afin d’évaluer les possibilités de travail en dehors de la Division des opérations d’enquête; le but était d’être proactif. Même si les renseignements n’étaient pas disponibles sur les limites fonctionnelles de la fonctionnaire s’estimant lésée, il était opportun, selon M. Carbonneau, de chercher à savoir quelles possibilités d’emploi offraient les autres divisions . Il a déposé en preuve l’échange de courriels à ce sujet (pièce E-44).

87 M. Carbonneau a témoigné également des efforts de l’employeur pour décortiquer le travail de SI-02 afin d’identifier le travail qui pourrait se faire en situation de télétravail. Il a déposé en preuve les courriels portant sur ces efforts (pièce E-45). Il a noté en particulier qu’il est nécessaire de bien savoir en quoi consiste une enquête pour être en mesure de franchir les étapes du développement d’une enquête. Le but de cet exercice était d’avoir une image claire des possibilités, en tenant compte du contexte des limites personnelles de la fonctionnaire s’estimant lésée.

88 M. Carbonneau a indiqué qu’en juin 2005, l’employeur est entré en communication avec le représentant de la CCDP (pièce E-46), M. Roy, pour l’informer de la difficulté d’obtenir l’information nécessaire dans ce dossier. M. Roy a fait parvenir à la Dre Seale (pièce E-47) une lettre datée du 11 juillet 2005, accompagnant la lettre de l’employeur de la même date (pièce G-24), qui sollicitait encore une fois la collaboration du médecin pour déterminer les limites fonctionnelles de la fonctionnaire s’estimant lésée. M. Roy a aussi envoyé une lettre subséquente (pièce E-48), réitérant l’importance, dans l’intérêt de la fonctionnaire s’estimant lésée, d’aviser l’employeur quant aux limites fonctionnelles de celle-ci. M. Charbonneau a souligné que la lettre de l’employeur au médecin (pièce G-24) expliquait les raisons de la demande de renseignements et qu’elle mentionnait précisément les renseignements demandés.

89 M. Carbonneau a mentionné que la réponse de la Dre Seale (pièce G-23) à cette dernière demande contenait certains renseignements sur les limitations fonctionnelles de la fonctionnaire s’estimant lésée. Toutefois, ces renseignements semblaient être en contradiction avec des renseignements obtenus dans le passé et, encore une fois, le médecin ne répondait pas de façon assez détaillée pour permettre la mise en place d’un plan détaillé.

90 M. Carbonneau a ajouté qu’à la suite de cette dernière lettre, l’employeur a demandé à la fonctionnaire s’estimant lésée d’obtenir l’information de son médecin. La recherche d’un poste approprié s’est aussi poursuivie. En date du 20 octobre 2005, une lettre a été envoyée à la fonctionnaire s’estimant lésée résumant la situation (pièce G-25) et proposant, entre autres choses, de demander, avec son consentement, une évaluation par Santé Canada.

91 M. Carbonneau a mentionné que les trois projets (pièce E-49) qui ont été assignés à la fonctionnaire s’estimant lésée à l’été 2005 ont été trouvés après avoir décortiqué la description de travail de cette dernière. M. Carbonneau a témoigné aussi des efforts faits par l’entremise de la Division des affectations spéciales. Il a déposé les courriels échangés (pièces E-50 à E-53 inclusivement) qui mènent à l’affectation en traduction et révision des textes, à la Direction de la méthodologie, d’octobre 2005 à avril 2006.

92 M. Carbonneau a indiqué que M. Myre avait fait savoir que la fonctionnaire s’estimant lésée s’opposait à l’évaluation par Santé Canada dont il a été question plus haut, et il a déposé un courriel daté de novembre 2006 confirmant cette opposition (pièce E-54). Il a présenté l’ordre du jour de la réunion qui a eu lieu en février 2006 relativement à la situation de la fonctionnaire s’estimant lésée (pièce E-55) ainsi qu’une copie des courriels (pièce E-56) envoyés par la Division des affectations spéciales à d’autres ministères pour trouver un emploi à la fonctionnaire s’estimant lésée.

93 En contre-interrogatoire, M. Carbonneau a confirmé que l’employeur avait dédommagé la fonctionnaire s’estimant lésée d’un montant de 8 000 $ pour palier à la gestion de son cas de 2001 à 2004 et au fait que tous ses congés de maladie ont été utilisés durant la même période. Il a ajouté que depuis la conclusion de l’entente, on a consacré beaucoup de temps à déterminer les limites fonctionnelles de la fonctionnaire s’estimant lésée, la forçant à utiliser ses congés. Il a ajouté que l’entente constituait un nouveau départ basé sur une communication constante, des demandes précises et une gestion proactive visant à trouver des solutions.

94 M. Carbonneau a indiqué qu’à son avis l’employeur avait respecté l’engagement pris de recourir au médecin de la fonctionnaire s’estimant lésée. La difficulté tenait au fait que le médecin n’avait pu donner les renseignements de base qui auraient permis de mettre en place l’arrangement approprié de reprise du travail.

95 Questionné pour savoir s’il remettait en cause la compétence de la Dre Seale, M. Carbonneau a répondu que toutes les parties s’étaient entendues sur les questions à poser au médecin et avaient été consultées. Il a ajouté que le médecin traitant se devait de faire parvenir l’information sous une forme comprise de tous pour favoriser la reprise du travail. Il s’agit d’une pratique courante d’analyser la description de tâches pour arriver à identifier les mesures d’adaptation nécessaires. Il a aussi souligné que c’est la fonctionnaire s’estimant lésée qui avait choisi d’utiliser son médecin de famille. M. Carbonneau a indiqué qu’il apparaît clairement à la lecture des lettres du médecin que celui-ci avait une compréhension incorrecte du télétravail.

96 Questionné pour savoir s’il revient au médecin d’identifier les tâches que la fonctionnaire s’estimant lésée doit effectuer, M. Carbonneau a répondu que la pratique courante avec Santé Canada consiste à faire parvenir une description de tâches pour mettre en exergue les tâches qu’un fonctionnaire doit accomplir compte tenu de son état de santé. Il a réitéré qu’il cherchait l’opinion professionnelle du médecin en vue d’identifier clairement l’état de santé de la fonctionnaire s’estimant lésée . Il a ajouté essentiellement que l’employeur jouit d’une grande flexibilité pour ce qui est de trouver une solution adaptée à la situation de la fonctionnaire s’estimant lésée , mais que le télétravail à temps plein n’est pas une option. Il a souligné que l’employeur agit de façon proactive relativement à ce dossier depuis la fin d’avril 2005, et ce, malgré le manque d’information. Il a ajouté que ces efforts avaient porté fruit puisque le ministère a pu identifier des contrats et une assignation. Questionné sur le fait que les contrats ne représentent que 75 heures de travail, M. Carbonneau a répliqué en disant que c’était le seul travail de niveau SI-02 qui avait pu être identifié à la suite de la décortication de la description de travail de la fonctionnaire s’estimant lésée.

Résumé de l’argumentation

97 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée estime qu’en vertu des pouvoirs que lui confère la LRTFP, un arbitre de grief a maintenant la compétence pour trancher des questions d’actes discriminatoires et d’imposer des mesures correctrices appropriées, y compris les indemnités ou dommages pour préjudices moraux.

98 Il a mentionné que l’arbitre de grief doit, à partir de la preuve, décider si l’employeur a pris les mesures d’adaptation préconisées par les différents médecins jusqu’à contrainte excessive.

99 À son avis, le dossier de la fonctionnaire s’estimant lésée est simple. Selon lui, l’employeur refuse de prendre les mesures d’adaptation appropriées afin de respecter les recommandations émises par les médecins de Santé Canada et par le médecin traitant de la fonctionnaire s’estimant lésée.

100 Il a noté qu’en 1998, la LCDP a été modifiée et que depuis ce temps, les employeurs ont l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour tenir compte des besoins spéciaux des employés, sauf si cela cause une contrainte excessive. Dans le présent cas, l’arbitre de grief doit déterminer si les raisons invoquées par l’employeur pour refuser de prendre des mesures d’adaptation représentent une contrainte excessive. Dans un premier temps, le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée reconnaît que cette dernière a également des obligations et se doit de suivre le processus pour aider à arriver à un compromis acceptable. Le représentant estime que, sans l’ombre d’un doute, la preuve démontre que la fonctionnaire s’estimant lésée a pleinement respecté ses obligations. Il maintient qu’elle a pleinement et volontairement accepté de se soumettre à toutes les évaluations médicales demandées par l’employeur. Elle a également pleinement coopéré au processus de médiation devant la CCDP. Elle n’a jamais contesté aucune des demandes de clarification de la part de l’employeur auprès du médecin traitant. Il a souligné que le témoignage de M. Williams nous a permis de constater qu’elle a demandé à deux reprises d’être mutée dans une autre division, étant donné que l’employeur refusait de lui fournir du travail. Elle a également accepté d’accomplir les tâches des projets que l’employeur lui proposait. Elle a accepté une affectation spéciale en octobre 2005, en dépit du fait qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences et qu’elle ne se sentait pas à l’aise à l’égard des tâches demandées.

101 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée estime que plusieurs raisons ont été invoquées par l’employeur pour expliquer pourquoi elle ne peut accomplir de télétravail. En ce qui a trait aux tâches à accomplir, l’employeur a allégué que le travail doit se faire en équipe et que la fonctionnaire s’estimant lésée doit participer à des réunions. À cet égard, le représentant a souligné que le témoignage de M. Williams s’était avéré intéressant. Il estime que ce témoigage révèle que le simple fait d’installer un système de téléconférence ou de vidéo-conférence permettrait à la fonctionnaire s’estimant lésée d’accomplir toutes les tâches de sa description de travail, sauf celle concernant le travail d’essai. Il serait par conséquent absurde de prétendre que le simple fait d’installer un système tel que la téléconférence constitue une contrainte excessive.

102 En ce qui a trait à l’aspect de la confidentialité du travail de la fonctionnaire s’estimant lésée, le représentant a allégué que, même si l’employeur a accordé une grande importance au fait de présenter le système de protection informatique et le système de sécurité des édifices de Statistique Canada, il n’a jamais été en mesure de préciser les données confidentielles auxquelles aurait eu accès la fonctionnaire s’estimant lésée ou même la nature confidentielle de son travail. Le représentant a ajouté que M. Catlin avait déjà utilisé dans le passé le prétexte de la confidentialité pour refuser une demande de télétravail, mais que son supérieur avait renversé sa décision. Il s’agissait d’un employé qui avait été muté en Saskatchewan et qui faisait du télétravail à temps plein avec tout l’équipement nécessaire et les dépenses payées. De l’avis du représentant, la preuve a été faite que la nature confidentielle du travail de la fonctionnaire s’estimant lésée ne constitue pas une contrainte excessive.

103 Le représentant a poursuivi son argumentation en indiquant que l’employeur invoque que le télétravail à temps plein ne constitue pas une option viable et que seul le travail à temps partiel périodique constitue une possibilité. La preuve a montré à plusieurs reprises qu’il y avait contradiction dans la position adoptée par l’employeur. En effet, dans les pièces E-26 et G-25, l’employeur indiquait clairement que le télétravail était impossible, que ce soit à temps plein ou à temps partiel.

104 Le représentant a argué que la preuve avait clairement montré que le télétravail à temps plein était possible. Il note que la fonctionnaire s’estimant lésée avait accepté une affectation spéciale du 25 octobre 2005 au 31 mars 2006 et qu’elle aurait accepté tout travail qu’il lui aurait été proposé. La preuve montre, selon lui, que le télétravail à temps plein était possible et qu’il ne constituait pas une contrainte excessive.

105 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a indiqué que l’employeur invoque qu’il était impossible de permettre à la fonctionnaire s’estimant lésée de faire du télétravail étant donné qu’il avait besoin de clarifications relatives aux limites fonctionnelles. Il a souligné qu’à partir du témoignage de M. Carbonneau, il avait conclu que l’employeur invoquait que le médecin traitant était la personne responsable de la situation car elle n’avait pas répondu aux questions demandées. Le représentant a allégué que la preuve montre clairement qu’aucune clarification n’était nécessaire et qu’il s’agissait d’une stratégie de l’employeur visant à faire modifier la recommandation du médecin traitant. Il a ajouté que l’objectif de l’employeur n’était pas d’obtenir des clarifications médicales, mais bien de faire en sorte que la fonctionnaire s’estimant lésée reprenne le travail. Il estime que l’employeur a utilisé cette même stratégie auprès des médecins de Santé Canada. En novembre 2003, alors que la fonctionnaire s’estimant lésée venait de se soumettre à une évaluation médicale et qu’on avait recommandé qu’elle puisse effectuer du télétravail, l’employeur a réécrit à Santé Canada, un mois plus tard, pour demander une révision de leur recommandation. Il a noté qu’à l’issue de cette nouvelle évaluation, la fonctionnaire s’estimant lésée a été déclarée inapte à reprendre le travail. Ce qui est problématique c’est que le médecin traitant n’a pas modifié sa recommandation.

106 Le représentant a poursuivi en mentionnant que ce n’est qu’après avoir réalisé que le médecin traitant ne changerait pas d’idée que l’employeur a mentionné que même si des clarifications étaient nécessaires, l’intention est maintenant de réintégrer la fonctionnaire s’estimant lésée. Il a également ajouté qu’en octobre 2005, alors que l’employeur cherchait toujours à obtenir des clarifications du médecin traitant, la fonctionnaire s’estimant lésée a été nommée à une affectation spéciale à temps plein. S’il était absolument nécessaire d’obtenir des clarifications médicales pour permettre à la fonctionnaire s’estimant lésée de faire du télétravail, comment a-t-elle pu obtenir cette affectation spéciale alors que l’employeur était toujours en quête de clarifications? S’il était nécessaire d’obtenir des clarifications médicales pour prendre des mesures d’adaptation appropriées, pourquoi, a demandé le représentant, a-t-il fallu attendre neuf mois avant que l’employeur fournisse une ébauche de la lettre proposée au médecin traitant? De l’avis du représentant, la preuve montre clairement que la clarification des limites fonctionnelles ne constitue pas une contrainte excessive.

107 À l’appui de ses arguments, le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a souligné que la Cour suprême du Canada a établi dans Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970, les paramètres de ce que représente une contrainte excessive. Il y a contrainte excessive si la solution proposée créera un problème de moral des employés, aura un impact sur la convention collective ou constituera un danger pour la santé et la sécurité. On doit aussi tenir compte des coûts, de la taille de l’organisme et de l’interchangeabilité de la main d’œuvre. Dans cette décision, la Cour suprême du Canada invoque la crainte de l’effet sur les autres employés. Il faut établir l’existence de plus qu’un inconvénient négligeable pour pouvoir refuser à un employé le droit d’obtenir des mesures d’adaptation. L’employeur doit montrer que la mise en place de mesures d’accommodement entrainera une atteinte aux droits des autres employés. Les mesures demandées dans le cas de la fonctionnaire s’estimant lésée ne nuiront pas réellement aux droits des autres employés. Il n’y aura aucune incidence sur la convention collective. Le fait que la fonctionnaire s’estimant lésée soit en situation de télétravail n’entraîne aucun risque pour la santé ou la sécurité des employés et du public. Ces mesures ne s’accompagnent pas de coûts qui risquent de mettre en péril la fonction publique fédérale. Le représentant a souligné qu’à Statistique Canada, il y a plus de 471 postes de niveau SI-02, et que la majorité d’entre eux ont des descriptions de tâches génériques et sont situés dans la région de la capitale nationale. Il y a plus de 1 255 titulaires de poste SI-02 dans la région de la capitale nationale.

108 Le représentant a ajouté qu’en termes de dimension, Statistique Canada est de loin l’employeur de choix pour un titulaire d’un poste de SI-02. À Statistique Canada, les postes de groupe et niveau SI-02 sont pratiquement tous des postes génériques et ont tous des fonctions similaires. De l’avis du représentant, les mesures d’adaptation ne présentent aucun problème puisque tous les titulaires des postes SI-02 sont interchangeables. Au bout du compte, le fait d’aider la fonctionnaire s’estimant lésée ne représente pas une contrainte excessive, et il revient à l’employeur de démontrer cette contrainte excessive à partir des critères établis dans Central Okanagan School District. À défaut d’avoir établi une contrainte excessive, l’employeur a l’obligation de mettre en application les recommandations du médecin de la fonctionnaire s’estimant lésée et de lui fournir un travail qu’elle peut exécuter en situation de télétravail.

109 Le représentant a terminé en indiquant qu’à son avis, je n’ai d’autre choix que de recevoir le grief de la fonctionnaire s’estimant lésée et de lui accorder les mesures correctrices qui s’imposent aux termes de l’article 53 de la LCDP. Il me laisse la décision quant au choix des mesures correctrices qui doivent être prises dans les circonstances.

110 Le représentant de l’employeur a entamé son plaidoyer en commentant les arguments présentés par le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée. Il a souligné que même s’il n’y avait qu’une tâche que la fonctionnaire s’estimant lésée ne pourrait exécuter en télétravail, ce serait suffisant pour conclure que le télétravail à cent pour cent ne serait pas possible. Quant à l’utilisation de la téléconférence, cela suppose que tout le monde y a accès. Il a ajouté que M. Catlin et M. Carbonneau ont expliqué ce que voulait dire télétravail à temps plein et à temps partiel. Pour ce qui est de l’affectation spéciale, le représentant de l’employeur a souligné qu’à son avis, l’employeur n’a pas ménagé ses efforts en allant jusqu’à créer de toutes pièces ce poste pour tenter d’aider la fonctionnaire s’estimant lésée. En ce qui a trait à l’entente conclue à l’issue de la médiation de la CCDP, il a argué qu’elle est venue régler une situation passée alors que le gestionnaire responsable était en congé de maladie et que, peut-être, le cas de la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas reçu toute l’attention qu’il méritait.

111 Le représentant de l’employeur a plaidé que la présente affaire offre à la Commission des relations de travail dans la fonction publique une occasion unique d’établir une jurisprudence concernant les obligations des parties quant au devoir d’adaptation de l’employeur. Toutefois, à son avis, avant même de parler de mesures d’adaptation, la jurisprudence indique clairement qu’il y a des points à régler.

112 Il a poursuivi en indiquant que la présente affaire n’est pas complexe et qu’elle résulte du manque d’information sur les limites fonctionnelles de la fonctionnaire s’estimant lésée. Il a allégué que le syndicat m’invite à trancher une question de discrimination, mais que cela s’avère prématuré parce qu’il est impossible de déterminer si les mesures d’adaptation sont adéquates lorsque l’information sur les limites fonctionnelles sont, au mieux, parcellaires.

113 Le représentant a souligné que la jurisprudence nous permet de voir que la suggestion du médecin traitant, à savoir le télétravail à temps plein pour une période indéterminée, n’est qu’une recommandation. Il revient à l’employeur de déterminer les arrangements de travail. La fonctionnaire s’estimant lésée a l’obligation de fournir l’information suffisante pour que l’employeur soit en mesure de mettre en place les mesures d’adaptation appropriées. Rien n’empêche l’employeur d’obtenir des clarifications pour pouvoir prendre une décision éclairée. Il a ajouté que, même si la fonctionnaire s’estimant lésée fournit une information claire et suffisante, elle a aussi l’obligation de prouver qu’il y a discrimination. S’il y a bel et bien discrimination, le représentant de l’employeur m’a suggéré qu’il existe des exigences professionnelles justifiées pour refuser le télétravail à temps plein.

114 Le représentant de l’employeur m’a invité à consulter l’entente conclue en novembre 2004 (pièce E-4). Il a indiqué qu’il a été convenu dans cette entente que l’employeur pouvait demander des clarifications auprès du médecin traitant et qu’il était clairement stipulé que le retour au travail de la fonctionnaire s’estimant lésée n’aurait lieu que lorsque l’évaluation de celle-ci serait complétée et cela, à son avis, incluait les limites fonctionnelles. L’employeur n’a fait qu’appliquer cette clause dans les mois qui ont suivi. La signature de la fonctionnaire s’estimant lésée et de M. Myre témoigne de l’acceptation de cette disposition de l’entente.

115 Le représentant de l’employeur a indiqué que le présent dossier lui donne l’impression que c’est une continuation des problèmes qui découlent de l’entente. Il a mentionné que la fonctionnaire s’estimant lésée s’était plainte en cours de contre-interrogatoire du fait qu’il n’y avait pas de limite de temps imposée à l’employeur pour obtenir des clarifications. À ce sujet, le représentant me renvoie à la décision de la Cour suprême du Canada Alexis Nihon Cie Ltd. v. Dupuis, [1960] R.C.S. 53. Il a affirmé que l’employeur aurait pu s’en tenir à une interprétation stricte de l’entente et refuser de lui fournir tout type de travail. Ce n’est pas ce que l’employeur a fait. Il a offert à la fonctionnaire s’estimant lésée trois projets à l’été 2005 ainsi qu’une affectation spéciale d’octobre 2005 à mars 2006. Cette affectation spéciale à la Division de la méthodologie était en fait la seule affectation de télétravail à temps plein.

116 Revenant sur les demandes de clarifications faites au médecin traitant, le représentant de l’employeur a indiqué que la première lettre envoyée au médecin avait été, selon le témoignage de M. Carbonneau, rédigée de concert avec le représentant syndical de la fonctionnaire s’estimant lésée, et qu’elle indiquait clairement les reseignements requis de la part du médecin. Cette lettre marque le début d’un long parcours pour tenter d’obtenir des clarifications. Malheureusement, les échanges avec ce médecin se sont avérés infructueux.

117 Le représentant a indiqué que M. Catlin avait également témoigné de l’insuffisance de l’information sur les limites fonctionnelles de la fonctionnaire s’estimant lésée et a souligné la difficulté de mettre en place des mesures d’adaptation lorsque le seul critère est le télétravail à temps plein pour une période indéterminée. Tant M. Williams que M. Catlin ont mentionné qu’ils seraient ou étaient prêts à apporter les changements nécessaires sur les lieux du travail afin de l’adapter en fonction de l’état de santé de la fonctionnaire s’estimant lésée. Le représentant a souligné que Statistique Canada sait ce qu’est la condition d’apné du sommeil et que d’autres employés qui souffrent de ce problème ont pu profiter d’arrangements sur les lieux du travail.

118 Le représentant de l’employeur a souligné que la fonctionnaire s’estimant lésée a aussi l’obligation d’aider à l’atteinte d’un compromis convenable et a cité Central Okanagan School District. Il note que la fonctionnaire s’estimant lésée s’en tenait à la recommandation de son médecin, soit le télétravail à temps plein. En s’en tenant au télétravail à temps plein, il devenait difficile d’amorcer une discussion pour trouver un compromis convenable. Or, ce que le médecin a fait, c’est une recommandation d’arrangement. Cette recommandation ne permet pas à l’employeur de trouver la façon dont il est possible de composer avec la situation de la fonctionnaire s’estimant lésée.

119 Le représentant de l’employeur a attiré mon attention sur Bruce Tweten c. Commission canadienne des droits de la personne et RTL Robinson Enterprises LTD., 2005 TCDP 8, décision dans laquelle on mentionne que les fonctionnaires ont l’obligation de faciliter la recherche des mesures d’accommodement. Il a également mentionné Butler c. Nenqayni Treatment Centre Society, 2002 IIJCan 12274 (T.C.D.P.), où il est fait mention que, lorsqu’un fonctionnaire omet de fournir à l’employeur les renseignements médicaux demandés à l’égard de ses limites physiques, cela constitue un manquement à son obligation de faciliter la recherche d’une mesure d’adaptation. Il s’appuie aussi sur un article publié par William Pentney sur la discrimination et la loi, où il est mentionné que, s’il ne sait pas de façon précise ce qu’un employé est en mesure de faire comme travail, l’employeur ne peut que spéculer quant à ses capacités.

120 Le représentant de l’employeur a noté que dans la lettre datée du 18 août 2005 (pièce G-23), le médecin a indiqué que la fonctionnaire s’estimant lésée ne pouvait participer à des rencontres ou conduire sur de longue distance, mais qu’elle pouvait, à l’occasion, lorsque cela s’avérait absolument nécessaire, se rendre au travail pour y prendre des documents. Il a souligné que le 12 septembre 2005, la fonctionnaire s’estimant lésée avait indiqué, lors d’une rencontre avec l’employeur, qu’elle était en mesure de participer à des réunions et préférait que celles-ci aient lieu l’avant-midi (pièce G-25). Le représentant de l’employeur a noté aussi que dans sa lettre du mois d’août 2005 (pièce G-23), le médecin ne répondait toujours pas aux questions qui lui avaient été communiquées dans la lettre du 23 décembre 2004 (pièce G-18). Il a noté aussi que la fonctionnaire s’estimant lésée ne semblait pas avoir eu de difficulté à se présenter à l’audience de son grief à l’arbitrage.

121 Le représentant de l’employeur a présenté un article de Michael Lynk intitulé « Disability and the Duty to Accommodate An Arbitrator’s Perspective » de « Labour Arbitration Yearbook », 2001-2002, Volume I, dans lequel il est fait mention de Guibord c. Canada (1996), 123 F.T.R. 212 où l’on stipule que l’employeur a le droit de rejeter une suggestion d’adaptation présentée par le fonctionnaire et son médecin si cette adaptation n’est pas compatible avec les besoins opérationnels de l’employeur.

122 Citant des extraits de Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, Canada (Commission des droits de la personne) c. M.R.N., 2003 CF 1280, Ottawa (Ville) c. Canada (Commission des droits de la personne), 2004 CF 1778 et Guibord, le représentant de l’employeur a argué qu’il incombe à la fonctionnaire s’estimant lésée de montrer qu’elle a été victime de discrimination et qu’à tout le moins, elle a fait l’objet de mesures injustes fondées sur son incapacité physique. S’appuyant sur le paragraphe 69 de Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3, (C.S.C.), il a souligné que la fonctionnaire s’estimant lésée, contrairement à la situation décrite, n’avait pas présenté de preuve qui permettrait d’établir qu’elle a été traitée par l’employeur de façon différente par rapport à d’autres employés.

123 Il a poursuivi en alléguant qu’une fois la situation de discrimination établie, l’employeur peut être en droit d’invoquer une exigence professionnelle justifiée. Il a noté l’analyse proposée par la Cour suprême du Canada dans Colombie-Britannique et conclu que dans le présent dossier, l’exigence professionnelle selon laquelle le travail ne peut s’exécuter en situation de télétravail est liée aux tâches. À son avis, la preuve a montré que l’employeur avait agi de bonne foi. Il a ajouté que le fait d’imposer le télétravail reviendrait à imposer à l’employeur des contraintes excessives. L’employeur a montré à quel point la confidentialité est importante et a fait valoir que même le Service canadien du renseignement de sécurité n’avait pas accès aux données de Statistique Canada.

124 Le représentant de l’employeur a terminé en soulignant que l’employeur avait fait preuve d’ouverture et de flexibilité pour trouver une solution satisfaisante.

125 En réplique, le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée s’est objecté au fait que le représentant de l’employeur utilise la présence de la fonctionnaire s’estimant lésée à l’arbitrage de son grief pour suggérer qu’elle serait peut-être en mesure de se présenter au travail. Il a ajouté que jamais l’intégrité de cette dernière n’avait été mise en doute dans le cadre de la présente procédure.

Motifs

126 Alors qu’on conçoit et adapte l’environnement de travail en fonction des capacités des travailleurs en bonne santé, il va de soi qu’on a aussi l’obligation d’adapter l’environnement de travail en fonction des personnes qui ont des limites fonctionnelles occasionnées notamment par des problèmes de santé. Faire autrement serait inéquitable, discriminatoire et contraire à la LCDP. Évidemment, les tribunaux ont convenu que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation n’est pas sans limites et qu’un employeur n’est pas tenu de se voir imposer des contraintes excessives.

127 Il est important de souligner que la fonctionnaire s’estimant lésée, qui souffre de limites fonctionnelles, a démontré, contrairement à ce qu’a suggéré le représentant de l’employeur, qu’elle a fait l’objet de traitement discriminatoire. Elle l’a fait en établissant que l’employeur, en lui imposant l’obligation de rentrer au bureau, la prive de sa capacité à gagner sa vie à cause de son problème de santé. Elle subit donc un effet discriminatoire occasionné par l’exigence de l’employeur compte tenu de ses limites fonctionnelles. L’obligation de trouver des mesures d’adaptation raisonnables prend alors forme.

128 Évidemment, la fonctionnaire ne pourra invoquer le devoir de l’employeur sans y mettre du sien et se montrer coopératif à l’égard des démarches entreprises par son employeur pour trouver une solution au problème.

129 De même, l’employeur ne pourra refuser d’aider un fonctionnaire à moins de montrer, en s’appuyant sur une exigence professionnelle justifiée, que l’adaptation demandée lui imposerait une contrainte excessive.

130 Il s’agit là l’essentiel de la jurisprudence en la matière qui est reflétée dans les décisions qui ont été portées à mon attention par les parties. Il faut garder en tête ces principes lors de l’analyse de la situation de la fonctionnaire s’estimant lésée. La preuve a clairement montré que la fonctionnaire s’estimant lésée souffre de limites fonctionnelles découlant d’un problème de santé qui l’empêchent d’être présente à son lieu de travail. De l’avis du médecin de la fonctionnaire s’estimant lésée, elle peut travailler 37,5 heures par semaine, à condition que l’horaire soit flexible et qu’elle puisse exécuter son travail à son domicile. Dans sa correspondance à l’employeur, le médecin stipulait que la fonctionnaire s’estimant lésée n’est pas en mesure de participer à des rencontres, de se déplacer sur de longues distances ou dans une circulation dense et d’utiliser le transport en commun. Toutefois, le médecin a noté que la fonctionnaire s’estimant lésée pourra se déplacer pour prendre du travail à son bureau lorsque cela s’avèrera absolument nécessaire. Il s’ensuit qu’il faudrait que la fonctionnaire s’estimant lésée puisse continuer à faire du télétravail à temps plein pour être en mesure d’exécuter des tâches pour lesquelles elle serait rémunérée.

131 L’employeur invoque essentiellement qu’il est impossible de faire en sorte que la fonctionnaire s’estimant lésée exécute du télétravail à temps plein dans le cadre de son poste d’agent principal de projet. La preuve a montré sans équivoque que les tâches de son poste de niveau SI-02 requièrent sa présence à des réunions qui se déroulent sur les lieux de travail et qu’il n’est pas possible d’accéder aux données essentielles à l’exécution des tâches hors des lieux de travail.

132 Cette obligation, pour un employé occupant un poste d’agente principale de projets, d’être présent sur les lieux de travail constitue, à mon avis, une exigence professionnelle justifiée. C’est cette obligation qui a amené l’employeur à chercher à faire préciser par le médecin traitant les limites fonctionnelles de la fonctionnaire s’estimant lésée, dans l’espoir de trouver une solution acceptable pour les deux parties. La réponse du médecin a toutefois été sans équivoque : que du télétravail à temps plein.

133 L a fonctionnaire s’estimant lésée semble être d’avis que demander de l’assurance-invalidité serait admettre qu’elle n’est pas en mesure de travailler, chose qui lui semble contraire à sa réclamation d’obtenir du travail à domicile et contraire à l’affirmation de son médecin qu’elle est apte au travail. De plus, elle serait alors obligée d’accepter d’être rémunérée à 60 % de son salaire. À mon avis, l’acceptation de paiements de bénéfices payables en vertu de l’assurance-invalidité ne réduit en rien l’obligation d’aider un employé ayant des problèmes de santé. Si son incapacité ne lui permet pas d’exercer les fonctions de son poste, elle devrait avoir droit aux prestations prévues dans ces circonstances par le régime d’assurance.

134 L a fonctionnaire s’estimant lésée a allégué que l’employeur n’avait pas montré que le télétravail était impossible. Son représentant a souligné que l’installation d’un système de vidéoconférence serait suffissant pour lui permettre de participer aux réunions de travail. Il a ajouté que l’employeur n’avait pas fait la preuve qu’elle a accès à des données confidentielles et n’a pas précisé la nature confidentielle de son travail. Je suis en désaccord avec son appréciation de la preuve. La Loi sur la statistique a garanti au citoyen la confidentialité des renseignements qu’il confiait à Statistique Canada, et ce faisant, elle a imposé à l’organisme des contraintes extrêmement sévères concernant la gestion de cette information. L’employeur a établi que l’élaboration des enquêtes par les équipes chargées de ce travail à Statistique Canada requiert l’analyse des données des sondages antérieurs, et la conduite des enquêtes requiert l’analyse des problèmes rencontrés dans l’application des questionnaires en cours de route. La preuve a démontré que les mesures de sécurité nécessaires à la liaison à domicile du réseau « A » où sont accessibles les données essentielles à son travail sont clairement prohibitives. Dans ce contexte, la mise en place d’un système permettant à la fonctionnaire s’estimant lésée de travailler à son domicile constituerait une contrainte excessive. Un système de videodonférence ne serait pas suffisant.

135 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a également allégué qu’il est faux de prétendre que l’employeur ne peut prendre les mesures d’adaptation voulues puisqu’il l’a fait dans le passé, et plus particulièrement d’octobre 2005 à mars 2006. Je suis aussi en désaccord avec cet argument. La preuve a montré que la fonctionnaire s’estimant lésée avait pu effectuer du télétravail de juillet 2001 à janvier 2004 et d’octobre 2005 à mars 2006. Or, dans le premier cas, la preuve a révélé que durant cette période, la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas réellement effectué des tâches de niveau SI-02. Quant à la deuxième période, il s’agissait d’une affectation spéciale en vue d’établir si elle était en mesure de faire de la traduction pour un autre service. Cet essai s’est soldé par un échec. J’ajouterai que la preuve a aussi montré que l’employeur, en dépit du peu de précisions données par le médecin de la fonctionnaire s’estimant lésée, a tenté sans relâche de trouver un poste satisfaisant pouvant s’exécuter en situation de télétravail à temps plein. Ces recherches se sont étendues, tel que démontré dans les courriels déposés en preuve (pièces E-28 à E-30) à non seulement des postes de niveau SI-02, mais aussi à des postes et du travail de niveau inférieur et ont été infructueuses. Ce n’est pas parce que du travail a été disponible dans le passé qu’obligatoirement il doit être disponible dans le présent.

136 Je me vois donc dans l’obligation de conclure que l’employeur n’a pas manqué à son devoir de chercher un arrangement raisonnable pour permettre à la fonctionnaire s’estimant lésée de continuer à travailler. Je note toutefois, comme je l’ai fait dans la décision préliminaire portant sur ce dossier, que la situation de la fonctionnaire s’estimant lésée est de nature continue. Le devoir de trouver un arrangement raisionnable ne cesse d’exister avec cette décision.

137 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

138 Le grief est rejeté.

Le 23 mars 2007.

Georges Nadeau,
arbitre de grief

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