Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le poste du fonctionnaire s’estimant lésé ayant été aboli, l’Agence lui en a offert un autre, à la condition qu’il suive avec succès de la formation en milieu de travail - l’Agence a mis un terme prématurément à la formation du fonctionnaire s’estimant lésé - celui-ci a déposé un grief alléguant, d’une part, une violation des stipulations de sa convention collective ayant trait aux mesures de transition en matière d’emploi et, d’autre part, la prise d’une mesure disciplinaire déguisée - l’Agence a contesté la compétence de l’arbitre de grief - celui-ci a conclu qu’il pouvait trancher l’allégation de mesure disciplinaire déguisée puisque l’Agence est un employeur distinct désigné en vertu du paragraphe 92(4) de l’ancienne Loi pour l’application de l’alinéa 92(1)b) - il a aussi conclu qu’il pouvait trancher l’allégation de violation de la convention collective puisque le grief l’englobait et qu’il en avait été question dans le cadre de la procédure applicable au grief - il a déterminé que l’allégation de mesure disciplinaire déguisée constituait un aspect secondaire de l’allégation de violation de la convention collective et que, dans ces circonstances, il appartenait au fonctionnaire s’estimant lésé d’établir le bien-fondé de son grief selon la prépondérance des probabilités - l’arbitre de grief a examiné la décision de l’Agence d’abolir un poste, l’offre d’emploi qui a été faite au fonctionnaire s’estimant lésé, le caractère adéquat du plan de formation et la cessation de la formation, les motifs invoqués par l’Agence pour licencier le fonctionnaire s’estimant lésé et sa décision de ne pas le nommer à un poste de niveau inférieur; avant de conclure que, selon la prépondérance des probabilités, l’Agence n’avait pas violé la convention collective ni imposé une mesure disciplinaire de manière déguisée ou par subterfuge - en arrivant à ses conclusions, l’arbitre de grief a décidé qu’offrir un poste de durée indéterminée sous réserve de la réussite de formation en milieu de travail constituait une offre d’emploi raisonnable en vertu de la convention collective, que la formation prévue par la convention collective incluait la formation en milieu de travail et que le droit de l’Agence de nommer des employés à des postes comporte celui d’apprécier s’ils répondent aux exigences durant la période de formation qui précède leur nomination éventuelle. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-02-28
  • Dossier:  166-32-36186
  • Référence:  2007 CRTFP 24

Devant un arbitre de grief


ENTRE

WALTER O. OLSON

fonctionnaire s’estimant lésé

et

AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS

employeur

Répertorié
Olson c. Agence canadienne d’inspection des aliments

Affaire concernant un grief renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Paul Love, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
James Bart, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Stéphane Hould, avocat

Affaire entendue à Lethbridge (Alberta),
les 29 et 30 novembre et le 1er décembre 2005.
(Observations écrites déposées le 23 juin, le 7 juillet et le 4 août 2006.)
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

I. Grief renvoyé à l’arbitrage

1Walter O. Olson (le « fonctionnaire s’estimant lésé ») était un employé de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (« l’Agence ») couvert par la convention collective signée par l’Agence et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada pour l’unité de négociation du groupe Médecine vétérinaire le 27 mai 2002 (la « convention collective »). Le 13 octobre 2004, le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief alléguant que l’Agence l’avait licencié pour des motifs disciplinaires, de mauvaise foi, en violation de l’article D12 de la convention collective (« l’article D12 »), ainsi que de l’Appendice sur la transition en matière d’emploi constituant l’Appendice B de la convention collective (« l’ATE »), et en violation de l’article 13 de la Loi sur l’Agence canadienne d’inspection des aliments (« la LACIA »), L.C. 1997, ch. 6. Le fonctionnaire s’estimant lésé demandait à être rétabli dans un poste approprié et cherchait à obtenir un redressement intégral.

2Le grief est libellé comme suit :

[Traduction]

Vers le 14 septembre 2004, j’ai reçu de mon employeur une lettre m’avisant que mes services n’étaient plus requis. Je crois qu’il s’agit d’une mesure disciplinaire prise de mauvaise foi. De plus, les mesures prises par l’employeur relativement à ma situation du point de vue de l’emploi représentent un licenciement injuste. Toutes les mesures prises par l’employeur à cet égard enfreignent l’Appendice B de la convention collective, l’art. D12 de la convention collective et l’article 13 de la LACIA.

3Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l’arbitrage de grief doit être décidé conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l’« ancienne LRTFP »).

4Le dossier n’indique pas en vertu de quel alinéa du paragraphe 92(1) de l’ancienne LRTFP le grief a été renvoyé à l’arbitrage. Le paragraphe 92(1) dispose :

92. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief portant sur :

a) l’interprétation ou l’application, à son endroit, d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) dans le cas d’un fonctionnaire d’un ministère ou secteur de l’administration publique fédérale spécifié à la partie I de l’annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2) f ) ou g ) de la Loi sur la gestion des finances publiques ;

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

[…]

5L’agent négociateur du fonctionnaire s’estimant lésé a approuvé le renvoi à l’arbitrage et déclaré qu’il invoquait l’article D12, l’ATE et l’article 13 de la LACIA. Le grief a été renvoyé à l’arbitrage par voie de lettre en date du 6 juin 2005, laquelle dit :

[Traduction]

[…]

Le grief se rapporte à l’interprétation et à l’application de l’article D12 et de l’Appendice B de la convention collective du groupe Médecine vétérinaire ainsi que de l’article 13 de la LACIA. […]

[…]

II. Questions procédurales

6Par une lettre datée du 17 novembre 2005, l’Agence a fait savoir qu’elle entendait soulever deux questions de compétence :

[Traduction]

[…]

[…] Les motifs de l’objection sont les suivants : 1) les mesures prises par l’employeur ne sont pas de nature disciplinaire et n’entrent donc pas dans le champ de compétence de l’arbitre de grief en vertu de l’article 92 de l’ancienne LRTFP ; 2) la prétendue violation de la disposition antidiscriminatoire de la convention collective (article D12) ne peut être du ressort de l’arbitre de grief selon la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Boutilier , [2000] 3 C.F. 27.

[…]

7À l’audience, le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé a affirmé qu’il n’avait pas rédigé la formule de grief et qu’il abandonnait les allégations relatives à une violation de l’article D12, ainsi que de l’article 13 de la LACIA. Vu la position du représentant du fonctionnaire s’estimant lésé portant sur l’article D12 et sur l’article 13 de la LACIA, la seule question de compétence restante est de savoir si les mesures prises par l’Agence quant au licenciement du fonctionnaire s’estimant lésé sont des mesures non disciplinaires et donc hors du champ de compétence de l’arbitre de grief en vertu de l’article 92 de l’ancienne LRTFP.

8Après avoir entendu les arguments préliminaires des parties, j’ai décidé d’entendre l’ensemble de la preuve en l’espèce, sur la question de compétence et sur le fond de l’affaire. La preuve ayant trait à la question de compétence semblait étroitement liée à la preuve sur le fond de l’affaire. Cela dit, à l’audience, j’ai déclaré que j’examinerais d’abord la question de compétence et que je donnerais des motifs sur la question de compétence seulement, si je concluais que je n’avais pas compétence.

9En réfléchissant à ma décision, il y a un point que j’ai voulu communiquer aux parties. Le décret DORS/97-168 désigne l’Agence en vertu du paragraphe 92(4) de l’ancienne LRTFP aux fins de l’alinéa 92(1)b) de cette loi. J’ai demandé aux parties d’examiner l’incidence de ce décret sur les arguments, sur la preuve et sur le processus d’audience et de fournir des observations écrites.

10J’ai reçu des observations écrites de l’Agence le 23 juin 2006, et du fonctionnaire s’estimant lésé le 7 juillet 2006, ainsi qu’une communication de l’Agence à titre de réfutation le 4 août 2006. Ni l’une ni l’autre des parties n’a demandé la réouverture de l’audience ou la production d’autres éléments de preuve.

11Après avoir pris en considération la preuve, ainsi que les utiles observations et précédents qui ont été présentés par les parties, j’ai déterminé que j’ai compétence pour examiner la décision de l’Agence de licencier le fonctionnaire s’estimant lésé. J’ai également déterminé que j’ai compétence pour examiner la question de savoir si l’Agence a enfreint l’ATE.

III. Résumé de la preuve

12 J’ai entendu les témoignages des personnes suivantes : le fonctionnaire s’estimant lésé, Larry Turner, Ray Fletcher, Susan Meszaros, Judith Bossé et Michael Hwozdecki.

13Le fonctionnaire s’estimant lésé était employé par l’Agence comme VM-02, c’est-à-dire plus précisément comme vétérinaire, soin des animaux, et thériogénologue (expert en reproduction animale), au Laboratoire de recherche sur les maladies animales situé près de Lethbridge, en Alberta (le « Laboratoire »). Il travaillait auprès des animaux, dans le cadre du programme agricole du Laboratoire.

14Le fonctionnaire s’estimant lésé avait été recruté pour travailler au Laboratoire en 1985 par le Dr Stockdale, un ancien directeur du Laboratoire, après avoir terminé sa maîtrise en médecine vétérinaire. On s’attendait qu’il travaille à son doctorat tout en étant employé au Laboratoire. Il a commencé à travailler comme VM-01 et, après avoir terminé son doctorat, est devenu VM-02. Il travaillait au Laboratoire depuis 19 ans quand il a été avisé que son poste était excédentaire. Comme il l’a mentionné, cette nouvelle a été un gros choc pour lui, le Canada étant alors en pleine crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB). À son avis, c’était la pire crise dans le domaine de la salubrité des aliments et de la santé des animaux depuis l’épidémie de fièvre aphteuse de 1952. Vu la crise de l’ESB, il considérait qu’il fallait que [traduction] « plus que jamais des travaux scientifiques soient effectués ».

15La déclaration selon laquelle son poste était excédentaire a, certes, été un choc pour le fonctionnaire s’estimant lésé, mais ce ne peut avoir été complètement une surprise. À l’hiver 2002 et au printemps 2003, le Dr Turner, directeur adjoint du Laboratoire, a entrepris un examen du programme agricole ainsi qu’un examen de la réception des échantillons, des diagnostics et de la recherche pour déterminer comment l’Agence pourrait être financièrement plus responsable. Le fonctionnaire s’estimant lésé était sous les ordres directs du Dr Turner. En mai 2003, après avoir examiné les activités agricoles, le Dr Turner a conclu que le Laboratoire avait un excédent de personnel. Le poste du fonctionnaire s’estimant lésé faisait partie d’un groupe de postes que l’on envisageait de déclarer excédentaires, en plus d’un poste à la réception des échantillons et d’un autre au service des diagnostics.

16Le Dr Turner a consulté un gestionnaire des ressources humaines (RH) et Bill Yates, directeur du Laboratoire. Le Dr Turner avait [traduction] « une vue pratique » des activités agricoles pendant que le fonctionnaire s’estimant lésé était en vacances en juin 2003. Le Dr Turner est arrivé à la conclusion que le poste occupé par le fonctionnaire s’estimant lésé était excédentaire par rapport aux besoins de l’Agence.

17Après que le fonctionnaire s’estimant lésé est revenu de vacances au début d’août 2003, le Dr Yates a organisé une réunion. À la réunion du 6 août 2003, le Dr Yates a avisé le fonctionnaire s’estimant lésé de [traduction] « la direction qu’il prenait » et lui a demandé de communiquer avec quelqu’un de la section des RH pour pouvoir examiner ses options. Le Dr Yates a assuré un suivi sous la forme d’un courriel en date du 7 août 2003 concernant la désignation du poste VM-02 au Laboratoire comme étant excédentaire.

18Le Dr Turner n’avait pas le pouvoir de signer une lettre déclarant que le poste du fonctionnaire s’estimant lésé était excédentaire par rapport aux besoins de l’Agence. Toutefois, il avait établi le libellé de la lettre devant être signée par le Dr Yates. Il avait en outre mené un examen des laboratoires de la région de l’Ouest pour déterminer si des postes étaient disponibles pour le fonctionnaire s’estimant lésé. Le Dr Turner avait déterminé qu’il n’y avait aucun poste disponible aux laboratoires de Nepean, de Lethbridge, de Saskatoon ou de Winnipeg. Après avoir communiqué avec la section de la santé animale ou de l’hygiène des viandes, le Dr Turner avait déterminé qu’il y avait un poste de VM-02 disponible dans le domaine de l’hygiène des viandes à l’usine de conditionnement des viandes de Fort MacLeod.

19Le Dr Turner a rencontré le fonctionnaire s’estimant lésé le 30 septembre 2003 et lui a remis une lettre l’informant d’une suppression de fonction et de ses droits selon l’ATE. Le Dr Turner a également présenté au fonctionnaire s’estimant lésé une offre d’emploi raisonnable sous la forme d’une lettre offrant une nomination d’une durée indéterminée comme vétérinaire responsable (VM-02) à l’usine de Fort MacLeod, sous réserve d’un recyclage. La lettre d’offre avait été rédigée par M. Hwozdecki, gestionnaire des inspections de l’Agence, programmes de la santé des animaux, région du Sud de l’Alberta.

20Le Dr Turner a conçu un plan de formation conjointement avec la Dre Meszaros, VM-02, qui avait occupé le poste en hygiène des viandes à un établissement situé à Brooks (Alberta). Dans ce processus, il a comparé la description de travail afférente au poste excédentaire du fonctionnaire s’estimant lésé avec une description de travail révisée à l’égard du poste proposé. Le Dr Turner s’est également servi de sa propre expérience, ayant commencé à travailler auprès de l’Agence dans le domaine de l’hygiène des viandes avant de travailler en santé animale. Alors que le Dr Turner rédigeait l’accord relatif au plan de formation et que l’Agence établissait ce plan, on a dans une certaine mesure consulté le fonctionnaire s’estimant lésé, qui a signé l’accord de plan de formation, tout comme le Dr Yates, le Dr Turner, la Dre Meszaros et M. Hwozdecki.

21Il y a de grandes différences entre le poste excédentaire du fonctionnaire s’estimant lésé et le poste proposé. Dans le poste excédentaire du fonctionnaire, ce dernier travaillait comme scientifique auprès de l’Agence, en santé animale. Sa seule expérience dans les abattoirs était que, occasionnellement, il allait chercher une carcasse pour inspection (post mortem) à des fins de recherche. Dans le poste proposé, il devait travailler dans l’environnement d’une usine de conditionnement des viandes, traiter de préoccupations quant à la salubrité des aliments, effectuer des inspections ante mortem et post mortem, superviser des inspecteurs et, de façon générale, jouer un rôle de superviseur concernant la salubrité des aliments à l’usine de Fort MacLeod. La principale fonction générale d’un VM-02 travaillant en hygiène des viandes à une usine de conditionnement des viandes est de déterminer si une carcasse devrait entrer dans la chaîne alimentaire ou en être supprimée. Le travail est accompli dans un cadre industriel, dans l’environnement d’un abattoir. L’usine de Fort MacLeod s’occupait d’abattre des chevaux et parfois des bisons et d’en exporter la viande.

22M. Hwozdecki a déclaré qu’il considérait que l’offre faite au fonctionnaire s’estimant lésé représentait une situation [traduction] « où tout le monde pourrait y gagner ». Il avait été contacté par le Dr Turner après que Larry Ford, titulaire du poste de vétérinaire responsable à l’usine de Fort MacLeod, l’avait avisé qu’il allait prendre sa retraite. M. Hwozdecki pouvait éviter un délai dans la dotation du poste en faisant une offre au fonctionnaire s’estimant lésé, au lieu de continuer un processus de dotation; l’offre permettrait à une personne dans un poste excédentaire de continuer à travailler auprès de l’Agence et assurerait la présence continue d’un superviseur à l’usine de Fort MacLeod.

23Le fonctionnaire s’estimant lésé avait accepté le poste à l’usine de Fort MacLeod et avait entrepris le plan de formation. Il avait complètement terminé les quatre premiers mois du programme de formation au 23 avril 2004. Ce programme consistait pour le fonctionnaire s’estimant lésé à observer le travail de la Dre Meszaros à l’usine de conditionnement de porc Maple Leaf située à Brooks. La Dre Meszaros connaissait bien les questions touchant les RH et les activités à l’usine de Fort MacLeod, car elle s’occupait des demandes de congé provenant de cette usine et y avait travaillé à titre spécial. Le fonctionnaire s’estimant lésé avait commencé à étudier tout seul des modules des programmes de formation.

24Le fonctionnaire s’estimant lésé a ensuite observé le travail du Dr Fletcher, vétérinaire responsable VM-02 chargé de supervision à l’usine de Fort MacLeod, ce qui a duré environ quatre semaines et avait débuté le 21 avril 2004. Il a ensuite dirigé lui-même l’usine comme vétérinaire responsable par intérim. Il a trouvé que le travail à l’usine de Fort MacLeod était difficile. La charge de travail était lourde, et il travaillait habituellement 50 heures par semaine. Il avait des préoccupations au sujet de la conformité de l’usine aux règlements. À certains égards l’usine était déficiente, et à d’autres égards l’exploitation était marginale. Le fonctionnaire s’estimant lésé était extrêmement anxieux quant au fait d’être livré à lui-même, car il ne connaissait pas bien les exigences en matière de vérification et d’administration à l’usine de Fort MacLeod. Le Dr Fletcher est revenu à une occasion pour l’aider dans les rapports de fin de mois.

25En outre, l’usine de Fort MacLeod semble avoir eu des problèmes de RH. L’une des difficultés était qu’il n’y avait pas eu beaucoup de continuité dans le poste de VM-02 et que le poste avait été comblé par roulement à partir de Lethbridge. Il y avait des difficultés dans les relations entre les inspecteurs, les vétérinaires superviseurs spéciaux effectuant des visites par roulement et le personnel de l’usine. À l’époque de l’arrivée du fonctionnaire s’estimant lésé, l’usine comptait cinq inspecteurs. Toutefois, l’un d’eux a pris sa retraite et n’a pas été remplacé. Le fonctionnaire s’estimant lésé trouvait que l’atmosphère était tendue et qu’il y avait un manque d’esprit d’équipe. Il y a eu des cas d’insubordination de la part d’inspecteurs. Le fonctionnaire s’estimant lésé était d’avis que l’absence d’un VM-02 permanent à l’usine avait créé une situation où les inspecteurs se supervisaient eux-mêmes. Il y avait des conflits de personnalité entre eux. Le fonctionnaire s’estimant lésé considérait qu’il n’avait guère de soutien, voire pas du tout, de la part de M. Hwozdecki, dont le bureau est situé à Calgary. Il trouvait M. Hwozdecki difficile à joindre. Il n’avait reçu aucune formation sur la manière de traiter des questions de RH pouvant se poser à l’usine.

26Le Dr Fletcher a décrit les inspecteurs comme étant très réticents à recevoir des ordres des vétérinaires en visite, notamment au sujet de l’exigence voulant qu’il y ait deux inspecteurs sur place pendant le conditionnement des viandes. Le Dr Fletcher a dit à propos de la situation à l’usine de Fort MacLeod du point de vue des RH que [traduction] « c’était un peu la pagaille, le personnel d’inspection était difficile, et il y avait un manque d’appui de la part des RH et du gestionnaire de l’inspection ». Il a décrit le poste de VM-02 à l’usine de Fort MacLeod comme comportant beaucoup d’activité, ce qu’il aimait.

27Il ressort de la preuve que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait aucune difficulté relativement aux aspects techniques du travail de vétérinaire VM-02. La Dre Meszaros avait remarqué que le fonctionnaire s’estimant lésé semblait ne pas être enthousiaste à l’égard du travail.

28La Dre Meszaros avait aussi des préoccupations quant au nombre de congés pris par le fonctionnaire s’estimant lésé et avait communiqué avec M. Hwozdecki, qui, pour sa part, avait communiqué avec le Dr Turner. Ce dernier a témoigné que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas précédemment eu de problème d’utilisation excessive de congés de maladie. Ce fait est confirmé dans un courriel du Dr Yates à M. Hwozdecki. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas de problème d’assiduité lorsqu’il travaillait au Laboratoire. Il y a eu des périodes où le fonctionnaire s’estimant lésé a été absent du travail, et il a déclaré avoir pris cinq semaines de congés de maladie entre le début de janvier et le milieu de février 2004. Ces absences semblent avoir été excusées par l’Agence. Cette dernière était toutefois préoccupée à propos des absences et de leur impact sur le programme de recyclage. Le programme de formation a été prolongé de manière à compenser les congés de maladie qui avaient été pris.

29Les lettres déposées comme pièces à l’audience semblent bien indiquer que M. Hwozdecki se préoccupait de ce que le fonctionnaire s’estimant lésé ne réussisse pas le programme de formation. Le 1er mars 2004, M. Hwozdecki a envoyé le courriel suivant au Dr Turner et à d’autres personnes au sujet des progrès du fonctionnaire s’estimant lésé :

[Traduction]

[…]

Le plan pour l’intégration du Dr Olson au cadre des activités des programmes afférents aux animaux semble flancher et vu que le Dr Olson a manqué 17 jours, outre la demande de congé en cours de traitement, je ne crois pas pouvoir m’engager davantage à l’égard de l’accord que les Opérations ont conclu avec les Laboratoires. Je suis réticent à faire cela en raison du degré élevé de coopération auquel le Dr Turner et moi sommes parvenus dans le cas d’autres tentatives semblables.

Je ne veux pas compliquer les choses avec le Dr Turner et le Dr Yates; je crée essentiellement un tout autre ensemble de questions opérationnelles relatives à l’usine de Fort MacLeod — tandis que cela a fait son temps — à l’égard desquelles la Dre Meszaros et moi devons agir rapidement pour les résoudre.

Pat, Scott et Larry, je vous demande des idées et des conseils en vue des étapes suivantes.

[…]

30Le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté à M. Hwozdecki une proposition pour avoir un congé non payé d’un an pour des raisons personnelles. Il a envoyé un courriel le 15 mars 2004 pour que cette demande soit examinée durant une réunion prévue pour le 17 mars 2004.

31Du point de vue de l’Agence, la demande de congé du fonctionnaire s’estimant lésé n’avait guère de sens, étant donné que l’Agence avait gardé le poste ouvert pour lui au lieu de mener à terme un processus de dotation. Le fonctionnaire s’estimant lésé participait à un programme de formation, et l’Agence visait une continuité à l’usine de Fort MacLeod. Le fonctionnaire s’estimant lésé a résumé comme suit les préoccupations de l’Agence, dans un courriel à M. Hwozdecki en date du 26 mai 2004 :

[Traduction]

[…]

Michael a dit qu’intégrer Walter, à son retour, ce serait « renoncer à une année dans le développement crucial [à l’usine de Fort MacLeod] » . Michael a déclaré qu’il ne veut pas « mettre les choses en attente pendant une année ». L’inquiétude de Michael quant à la gestion du secteur ainsi que de Fort MacLeod, c’est qu’une année mettra en suspens le « règlement des questions ». Michael a dit qu’il y a des questions opérationnelles comme l’emménagement dans le nouvel immeuble, le traitement des épures, les questions de relations de travail, les problèmes concernant des membres particuliers du personnel et les problèmes se rapportant aux questions d’établissement de calendrier et liés au fait d’avoir deux inspecteurs sur place. Michael a également dit que nous avons des personnes qui se font concurrence et que nous avons besoin (à l’ACIA) de continuité et de cohérence pour nous aider à prendre en compte le bagage des gens.

[…]

32Le fonctionnaire s’estimant lésé a fait une demande officielle de congé le 25 mai 2004. M. Hwozdecki a, par la lettre qui suit, rejeté cette demande le 1er juin 2004 :

[Traduction]

[…]

J’avais déclaré à cette époque que je rejetterais votre demande et je vais maintenant vous expliquer qu’il y a deux raisons à ce rejet.

Premièrement, vous avez passé les sept derniers mois de votre période de priorité d’excédentaire à recevoir une formation en vue d’une nomination au poste de VM02 à Fort MacLeod. Après un certain absentéisme, c’est maintenant le 24 juillet 2004 qui est la date de nomination prévue. C’est un moment crucial, car vous pourrez utiliser les compétences que vous avez développées durant votre formation. Si vous partiez en congé pour une année dès la nomination, ce serait au détriment de la formation donnée et ce pourrait être lourd de conséquences pour votre futur rendement en cours d’emploi.

Deuxièmement, comme je vous l’ai déjà expliqué, l’usine de Fort MacLeod a terriblement besoin du leadership et de la cohérence qu’un même titulaire du poste de vétérinaire responsable assurerait au centre pour la gestion du personnel ainsi que des activités de l’usine. À cause de votre statut d’employé excédentaire et du recyclage requis, j’ai comblé ce poste par voie de rotation de VM01 dans toute l’usine, car il a été déterminé que votre placement représenterait une offre d’emploi raisonnable à vous faire. C’était vu comme une stratégie à court terme visant simplement à vous donner la possibilité de mettre à jour vos compétences. Cette rotation ne peut continuer pendant une année supplémentaire étant donné les problèmes touchant le personnel et les activités à cette usine. Le poste de vétérinaire responsable doit être comblé à titre permanent. Votre présence est requise. Jusqu’à ce qu’il ait été bien remédié aux problèmes de ce centre, je ne peux malheureusement prendre en considération votre demande de congé non payé d’un an, laquelle demande est par la présente rejetée.

Votre demande sera réexaminée dans six mois.

[…]

33M. Hwozdecki a décidé de rejeter la demande de congé en se fondant sur des considérations opérationnelles. Il a affirmé que c’était important lors d’un programme de formation de mettre la formation à profit. Il a déclaré qu’il ne voyait pas comment ce serait bon pour l’Agence ou le fonctionnaire s’estimant lésé de permettre à ce dernier de partir en congé en plein programme de formation.

34Par une note de service en date du 2 juin 2004, M. Hwozdecki a demandé que le fonctionnaire s’estimant lésé établisse un plan d’action traitant des préoccupations en matière de dotation à l’usine de Fort MacLeod. Le fonctionnaire s’estimant lésé ne l’a pas fait ou n’en a pas soumis un à M. Hwozdecki. Ce dernier s’est entretenu avec le fonctionnaire s’estimant lésé le 3 juin 2004, puis de nouveau le 25 juin 2004, cette fois par téléconférence.

35Le fonctionnaire s’estimant lésé a pris un congé de maladie du 4 au 23 juillet 2004.

36M. Hwozdecki a écrit ceci au fonctionnaire s’estimant lésé le 20 juillet 2004 :

[Traduction]

[…]

Il vous a été clairement expliqué que l’usine de Fort MacLeod a terriblement besoin du leadership et de la cohérence que seul un même titulaire du poste de vétérinaire responsable peut assurer pour veiller à ce que les relations de travail soient bonnes et à ce que l’usine fonctionne bien au jour le jour. Malheureusement, vous n’avez pas fait preuve d’un tel leadership. Nous avons traité de cette lacune lors de notre entretien de vive voix le 3 juin 2004 et, tout récemment, au cours de notre téléconférence de vendredi dernier, le 25 juin 2004. Au cours du premier entretien, je vous ai présenté un certain nombre d’objectifs à court terme ainsi qu’un format de plan d’action qui seraient utilisés pour engager le gestionnaire de l’inspection dans un dialogue utile qui aiderait à la dernière mais très importante étape de votre recyclage. Le dernier entretien a servi à discuter du fait qu’aucune mesure n’est résultée de l’entretien précédent.

Comme suite à notre téléconférence du 25 juin 2004, je vous informe que, au 30 juin 2004, votre période de formation est expirée. Pendant le dernier mois de cette période, il semble que vous n’ayez pas participé ou coopéré pleinement. Vous avez semblé être peu disposé ou réticent à jouer un rôle de superviseur. Je note qu’une question de relations de travail que vous nous aviez dit que vous aviez abordée, soit la question des bijoux, n’était pas encore réglée au 25 juin et que vous n’avez jamais pris d’autres mesures à ce sujet. Il est regrettable que vous n’ayez pas montré que vous aviez le niveau requis de compétence aux fins de la supervision.

Par conséquent, vous ne serez pas nommé au poste de vétérinaire responsable VM-2 à [l’usine de Fort MacLeod] .

Au 1er juillet 2004, la responsabilité relative à votre emploi retourne à la direction générale des sciences du laboratoire de Lethbridge.

[…]

37Par une lettre datée du 20 juillet 2004, le Dr Turner a informé le fonctionnaire s’estimant lésé qu’il demeurait un employé excédentaire de la direction générale des sciences du Laboratoire, a déclaré qu’il était au courant que le fonctionnaire s’estimant lésé était en congé de maladie et a affirmé qu’il s’attendait que le fonctionnaire s’estimant lésé fasse rapport par téléphone pour confirmer sa situation de service le 23 juillet 2004. Le Dr Turner a donné pour instruction au fonctionnaire s’estimant lésé de ne pas se présenter au Laboratoire parce qu’il n’y avait pas de travail disponible pour lui.

38Le Dr Turner a examiné les options en matière d’emploi disponible au sein de la direction générale des sciences du Laboratoire et a déterminé que la situation restait peu encourageante et qu’il n’y avait aucun poste disponible au Laboratoire pour le fonctionnaire s’estimant lésé.

39Par une lettre en date du 30 juillet 2004, le Dr Bossé, vice-président de l’Agence, direction générale des sciences, a informé le fonctionnaire s’estimant lésé qu’il devait être mis en disponibilité conformément aux modalités de la convention collective. Avant de signer la lettre de mise en disponibilité, le Dr Bossé avait déterminé qu’il n’y avait aucun autre poste disponible dans le domaine de la recherche pour le fonctionnaire s’estimant lésé. Le Dr Bossé n’était pas au courant des détails des antécédents du fonctionnaire s’estimant lésé sur le plan de la recherche. Toutefois, durant le contre-interrogatoire, le Dr Bossé a également déclaré que le secteur dans lequel le fonctionnaire s’estimant lésé avait de l’expertise en recherche devenait moins une priorité pour l’Agence.

40À l’époque de l’audience, le fonctionnaire s’estimant lésé travaillait comme chargé de cours principal au Massey College en Nouvelle-Zélande, et ce, depuis 51 semaines. Il n’a reçu aucune autre offre d’emploi de l’Agence et ne croit pas qu’on lui ait donné une chance raisonnable de terminer son programme de formation. En bref, il y avait de nombreux problèmes de dotation à l’usine de Fort MacLeod qu’il aurait été incapable de résoudre du jour au lendemain.

41Bien que le fonctionnaire s’estimant lésé n’ait reçu aucune autre offre d’emploi de l’Agence, la preuve montre clairement qu’il n’y avait pas de poste en recherche à l’Agence pendant la période pertinente. La preuve montre aussi que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas fourni à l’Agence le C.V. qu’elle avait demandé (lettre du 1er novembre 2004 du Dr Turner au fonctionnaire s’estimant lésé) pour aider aux activités de nomination. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas demandé que l’on envisage de le nommer à un poste de VM-01 (groupe et niveau) dans un autre établissement, et l’Agence n’a pas envisagé une telle nomination.

IV. Résumé de l’argumentation

A. Preuve orale

42L’Agence a argué que l’arbitre de grief n’a pas compétence pour statuer sur le présent grief. Le poste du fonctionnaire s’estimant lésé a été déclaré excédentaire. Le fonctionnaire a reçu une offre d’emploi raisonnable. Vu la nature différente des fonctions du poste proposé, l’Agence avait établi que l’offre d’emploi dépendait de la réussite du recyclage et avait prévu six mois de formation. La période de formation a été prolongée de six semaines en raison du taux élevé d’absentéisme du fonctionnaire s’estimant lésé; ce dernier n’a pas terminé le programme de formation avec succès et, en particulier, n’a pas fait preuve du leadership requis.

43L’Agence a déclaré que la mise en disponibilité ne comportait aucun élément disciplinaire et que l’arbitre de grief n’a donc pas compétence pour examiner cette mise en disponibilité du fonctionnaire s’estimant lésé. Vu que le présent grief concerne un employeur distinct, l’Agence soutenait que je dois être convaincu que le licenciement était attribuable à des raisons disciplinaires, était artificiel ou représentait une imposture, si je dois avoir quelque compétence en l’espèce : Chaudhry c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 72; Canada (Conseil du Trésor) c. Rinaldi, [1997] A.C.F. no 225 (1re inst.) (QL); Earle c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-27346 (19970630); Lundin c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2004 CRTFP 167. Le fonctionnaire s’estimant lésé a une tâche difficile, ou le critère auquel il doit être satisfait comporte une norme ou un seuil très élevé : Owens c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2003 CRTFP 33, et Fedoryk c. Conseil du Trésor (Commission canadienne des transports), dossier de la CRTFP 166-02-15695 (19860812).

44Le fonctionnaire s’estimant lésé a affirmé qu’il avait été mis en disponibilité indûment. L’Agence a violé les stipulations 1.1.1, 4.1.1, 4.1.3, 4.2.3 et 4.2.6 de l’ATE. Ces stipulations se lisent comme suit :

Étant donné que les employé-e-s nommés pour une période indéterminée qui sont touchés par une mesure de transition en matière d’emploi ne sont pas eux-mêmes ou elles-mêmes responsables de cette situation, il incombe à l’Agence de veiller à ce qu’ils ou elles soient traités équitablement et à ce qu’on leur offre toutes les possibilités raisonnables de poursuivre leur carrière à l’Agence, dans la mesure du possible.Pour faciliter la réaffectation des employé-e-s touchés, des employé-e-s excédentaires et des personnes mises en disponibilité, l’Agence doit faire tous les efforts raisonnables pour les recycler en vue d’une nomination :
  1. à un poste vacant,

    ou

  2. à des postes censés devenir vacants, d’après les prévisions de la direction.

L’Agence est chargée de repérer les situations où le recyclage pourrait faciliter la nomination des employé-e-s excédentaires et des personnes mises en disponibilité. Toutefois, cela n’enlève pas aux employé-e-s l’obligation de contribuer à la mise en valeur de leurs compétences et à la détermination des options en matière d’emploi, y compris les possibilités de recyclage.Sous réserve des dispositions de l’alinéa 4.1.2, le président ou la présidente approuve une période de recyclage d’une durée maximale de deux ans.Employé-e-s excédentairesUne fois le plan de recyclage mis en œuvre, il se poursuit à condition que l’employé-e maintienne un bon rendement, si la formation est donnée par un établissement d’apprentissage, ou un rendement satisfaisant s’il s’agit d’une formation en cours d’emploi.L’employé-e qui ne mène pas son recyclage à bonne fin peut être mis en disponibilité à la fin de sa période de priorité d’excédentaire si l’Employeur ne réussit pas à lui faire une offre d’emploi raisonnable.
[…]
Partie I
Rôles et responsabilités
1.1Agence
1.1.1
[…]
Partie IV
Recyclage
4.1Généralités
4.1.1
4.1.2
4.1.3
4.2
[…]
4.2.3
[…]
4.2.6
[…]

45Le fonctionnaire s’estimant lésé a souligné que l’ATE est incorporé par renvoi aux modalités de la convention collective, citant à cet égard les affaires suivantes : Carby-Samuels c. Conseil du Trésor (Énergie, Mines et Ressources Canada), dossier de la CRTFP 166-02-23181 (19930311); Saveland c. Conseil du Trésor (Santé et Bien-être social Canada), dossier de la CRTFP 166-02-16671 (19890809); Graham c. Conseil du Trésor (Magistrature fédérale), dossier de la CRTFP 166-02-24158 (19931020); Robert c. Conseil du Trésor (Approvisionnement et Services Canada), dossier de la CRTFP 166-02-22963 (19930111).

46Le fonctionnaire s’estimant lésé a argué que l’Agence n’avait pas fait un effort raisonnable pour lui trouver un poste vacant. En particulier, elle n’a pas envisagé de le nommer à un poste de VM-01 (groupe et niveau).

47Le fonctionnaire s’estimant lésé a affirmé que l’Agence n’avait pas donné six mois de formation, arguant qu’elle avait assuré une période de six mois de familiarisation ou orientation en cours d’emploi, ce qui est différent d’une formation, et il a cité Ivaco Rolling Mills Ltd v. United Steelworkers of America, Local 7940 (1997), 69 L.A.C. (4th) 1, et Labatt Breweries Ontario v. Brewery, General and Professional Workers’ Union, Local 1 (2003), 116 L.A.C. (4th) 81. Même si la préoccupation de l’Agence avait trait aux aptitudes en matière de gestion ou de RH du fonctionnaire s’estimant lésé, il est clair que l’Agence ne lui a pas donné de formation. Il a simplement été mis dans le poste, sans formation en gestion des RH. De plus, l’Agence aurait dû assurer une formation pouvant aller jusqu’à deux ans en vertu de la stipulation 4.1.3 de l’ATE.

48Le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu qu’une preuve objective fournie par le Dr Fletcher montrait qu’il avait été capable de gérer et de superviser l’effectif à l’usine de Fort MacLeod. L’Agence ne s’est pas acquittée de la charge qui lui incombait de montrer par une preuve objective que le fonctionnaire s’estimant lésé avait été incapable de gérer ou de superviser l’effectif, comme dans Saskatchewan v. Saskatchewan Government Employees’ Union (1988), 2 L.A.C. (4th) 423.

49Le fonctionnaire s’estimant lésé a dit que ce n’est pas approprié d’utiliser une norme minimaliste dans l’évaluation de la question de savoir s’il a été capable d’assumer les fonctions du poste de vétérinaire responsable, car il était non pas un stagiaire mais un employé permanent qui avait de l’ancienneté et qui serait lésé par une décision comportant un licenciement, et il était un employé ayant des droits en vertu de l’ATE. Ce n’est pas suffisant que l’Agence prouve qu’elle a été honnête et impartiale, qu’elle n’était pas poussée par de la mauvaise volonté ou de la méchanceté et que sa décision était raisonnable. Bien que ce puisse être approprié de s’en remettre à l’Agence dans une décision sur la question de savoir si un employé peut être recyclé, en l’espèce l’Agence avait déjà pris cette décision, et ce qui était en cause était la pertinence de la possibilité en matière de formation offerte au fonctionnaire s’estimant lésé.

50Le fonctionnaire s’estimant lésé a maintenu que la pertinence de la formation est une question que l’Agence doit prouver selon la norme du motif valable. L’Agence doit répondre au critère spécifié dans Edith Cavell Private Hospital v. Hospital Employees’ Union, Local 180 (1982), 6 L.A.C. (3d) 229, et appliqué dans British Columbia Hydro v. Office and Technical Employees’ Union, Local 378 (1984), 14 L.A.C. (3d) 69. L’Agence doit établir qu’elle a défini un niveau de rendement, que la norme de rendement a été communiquée au fonctionnaire s’estimant lésé, que ce dernier a reçu de la supervision et des instructions sur la façon de satisfaire à la norme et qu’il a été incapable d’y satisfaire. Si l’arbitre de grief applique la norme énoncée dans Edith Cavell, alors l’Agence n’a pas offert une possibilité de formation raisonnable, et l’arbitre de grief a donc compétence. Le fonctionnaire s’estimant lésé a argué qu’un redressement approprié serait de le rétablir dans son poste de VM-02 à l’usine de Fort MacLeod pour fins de formation et consisterait également à ce que je reste saisi de la mise en œuvre du programme de formation.

51L’Agence a répliqué que l’arbitre de grief n’a pas compétence pour examiner la pertinence d’un programme de formation. Cette question relève de l’Agence en vertu de l’article 7 de l’ancienne LRTFP, car l’Agence a le droit de déterminer l’organisation de son effectif, d’attribuer des fonctions et de classifier ses postes, comme dans Arnould c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans Canada), 2004 CRTFP 80.

52L’Agence a mentionné que, relativement à un employeur distinct, un licenciement non disciplinaire n’est pas du ressort d’un arbitre de grief et l’Agence a cité à cet égard l’affaire Rinke et Vanderwoud c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2004 CRTFP 143. Une fois qu’un employeur a prouvé un motif de congédiement lié à l’emploi, le fardeau de la preuve passe à l’employé, qui doit établir que le licenciement représente une imposture ou un camouflage. Un arbitre de grief doit déterminer non pas si la décision de l’Agence a été prise de bonne foi mais plutôt si elle comportait un élément disciplinaire. Les mesures prises par l’Agence ne peuvent être frivoles au point de constituer une imposture, mais elles n’entrent pas dans la compétence d’un arbitre de grief pour déterminer si le programme de formation était adéquat ou si les raisons de l’Agence quant à l’évaluation du rendement du fonctionnaire s’estimant lésé étaient fondées.

53L’Agence a fait valoir que les allégations concernant les violations de stipulations particulières de l’ATE n’ont pas été formulées dans le grief. D’après la décision rendue dans Burchill c. Canada (Procureur général), [1981] 1 C.F. 109 (C.A.), il ne saurait exister quelque chose comme un grief relatif à une clause omnibus. Il n’est pas maintenant loisible au fonctionnaire s’estimant lésé de soulever ces nouvelles questions, ce qui serait contraire à la justice naturelle.

54L’Agence a affirmé que, si je conclus que j’ai compétence, il ressort du fond de l’affaire qu’il n’y a pas eu de violation de la convention collective. La preuve établit clairement que l’Agence a fait une offre d’emploi raisonnable, mis un programme de formation à la disposition du fonctionnaire et prolongé ce programme, et que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a tout simplement pas eu un rendement satisfaisant. Comme aucun autre poste n’était disponible, le fonctionnaire a été mis en disponibilité. L’Agence demande que le grief soit rejeté.

B. Observations écrites

55Par voie d’observations écrites, les parties ont traité de l’effet du décret DORS/97-168 sur l’argumentation, la preuve et le processus d’audience. Ce décret désigne l’Agence en vertu du paragraphe 92(4) de l’ancienne LRTFP aux fins de l’alinéa 92(1)b) de cette loi.

56Dans ses observations écrites en date du 23 juin et du 4 août 2006, l’Agence dit que sa désignation aux fins de l’alinéa 92(1)b) de l’ancienne LRTFP n’a pas d’incidence sur le présent grief, car le fonctionnaire s’estimant lésé alléguait qu’il avait été mis en disponibilité pour des raisons disciplinaires. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas [traduction] « […] contesté un licenciement non disciplinaire […] » et n’a pas argué non plus qu’il avait été licencié pour des raisons non disciplinaires. L’Agence soutient que le fonctionnaire s’estimant lésé ne peut modifier la nature du grief et elle cite à cet égard les affaires suivantes : Burchill; Schofield c. Canada (Procureur général), 2004 CF 622; Canada (Procureur général) c. Shneidman, 2006 CF 381. Même si un arbitre de grief peut décider qu’il a compétence sur cette question de licenciement non disciplinaire, il ne devrait pas le faire, car ce serait modifier l’essence du grief, qui est un licenciement pour des raisons disciplinaires déguisées.

57L’Agence affirme que, en ce qui a trait aux renvois en cours de stage, une fois qu’un employeur a montré qu’il n’est pas satisfait des capacités de l’employé pour le poste, le fardeau de la preuve passe à l’employé, qui doit établir que l’employeur a procédé à un licenciement camouflé, et l’Agence cite à ce sujet Archambault c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CF 183, et Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.). L’Agence soutient que la norme de preuve à laquelle un employeur distinct doit répondre dans une affaire de mise en disponibilité ne peut être la norme habituelle du motif valable. L’Agence affirme que le fonctionnaire s’estimant lésé doit s’acquitter de la charge consistant à [traduction] « […] établir que la conduite de l’employeur camouflait un licenciement en une mise en disponibilité ».

58Dans sa communication écrite en date du 7 juillet 2006, le fonctionnaire s’estimant lésé dit que, en vertu du paragraphe 92(1) de l’ancienne LRTFP, l’arbitre de grief a compétence pour entendre et trancher son argument selon lequel l’Agence a violé les modalités de l’ATE et que l’arbitre a le devoir de le faire. En tant qu’employé d’un employeur distinct, le fonctionnaire s’estimant lésé n’est pas assujetti à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (l’« ancienne LEFP »), L.R.C. 1985, ch. P-33; le pouvoir officiel de licencier le fonctionnaire s’estimant lésé doit résider dans l’alinéa 12(2)g) de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP), L.R.C. 1985, ch. F-11. On peut mettre fin à l’emploi d’un employé d’un employeur distinct en vertu des alinéas 11(2)f) ou 11(2)g) de la LGFP. L’arbitre de grief est en droit d’examiner la question pour déterminer la véritable nature du cas, et le fonctionnaire s’estimant lésé cite à cet égard Penner.

59Le fonctionnaire s’estimant lésé affirme que, si l’arbitre de grief conclut qu’en l’espèce il ne s’agit pas d’un licenciement légitime en vertu de l’alinéa 11(2)g) de la LGFP, alors ce doit être un licenciement en vertu de l’alinéa 11(2)f) de cette loi, et les notions de motif valable et de mesures disciplinaires progressives s’appliquent. L’Agence n’a pas respecté tous les droits que le fonctionnaire s’estimant lésé avait selon la convention collective, de sorte que le licenciement est nul ab initio, comme dans Shneidman. Contrairement à ce qu’il en était dans Shneidman, le présent grief permet à l’arbitre de grief d’examiner le licenciement du fonctionnaire s’estimant lésé ainsi que la question de l’infraction à la convention collective, car le grief soulève les deux questions.

60Le fonctionnaire s’estimant lésé réitère son précédent argument et soutient que, une fois que l’Agence a déclaré son poste excédentaire, il est devenu admissible à des droits en vertu de l’ATE, y compris le droit à un recyclage d’une durée pouvant aller jusqu’à deux ans. Lorsque l’Agence a prématurément mis un terme à la formation du fonctionnaire s’estimant lésé, ce dernier n’a pas bénéficié de tous les droits qu’il avait selon la convention collective. Ayant mis fin au programme de formation du fonctionnaire s’estimant lésé, l’Agence a la charge d’établir que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas maintenu un rendement satisfaisant, et cette décision est susceptible d’être examinée par l’arbitre de grief. Le fonctionnaire s’estimant lésé argue que les principes du motif valable et des mesures disciplinaires progressives s’appliquent dans l’examen de son licenciement et il cite Canada (Procureur général) c. Matthews, [1997] A.C.F. no 1692 (1re inst.) (QL), et Matthews c. Service canadien du renseignement de sécurité, dossier de la CRTFP 166-20-27336 (19970305).

61Dans son observation écrite en date du 4 août 2006, l’Agence affirme que le fonctionnaire s’estimant lésé a été licencié parce qu’il n’a pas terminé avec succès le programme de formation pour le poste de vétérinaire responsable. On l’a retourné à son poste excédentaire, puis il a été mis à pied parce que d’autres postes n’étaient pas disponibles. L’arbitre de grief ne peut se pencher sur le programme de formation, comme dans Arnould. Sinon, l’Agence dit qu’elle a bel et bien prouvé que le rendement du fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas satisfaisant. L’arbitre de grief doit être convaincu que le licenciement était d’ordre disciplinaire pour que le fonctionnaire s’estimant lésé soit considéré comme s’étant acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombe.

62L’Agence argue que la Cour fédérale a annulé la décision de l’arbitre de grief dans Shneidman et que le principe de la nullité ab initio ne survit pas. L’Agence répète que les allégations du fonctionnaire s’estimant lésé selon lesquelles le contrat a été enfreint ne peuvent être prises en compte, car ce serait modifier l’essence du grief, et l’Agence cite à ce propos Burchill et Shneidman.

V. Motifs

A. Compétence

63L’Agence a été constituée en tant qu’employeur distinct en vertu des articles 12 et 85 de la LACIA. Aux termes de l’article 13 de cette loi, le président de l’Agence a le pouvoir de nommer les employés de l’Agence, de fixer leurs conditions d’emploi et de leur assigner leurs fonctions.

64Bien que l’Agence soit un employeur distinct, elle est désignée par le décret DORS/97-168 en vertu du paragraphe 92(4) de l’ancienne LRTFP aux fins de l’alinéa 92(1)b) de l’ancienne LRTFP. Sans une telle désignation, la compétence de l’arbitre de grief se limiterait à ce qui est prévu aux alinéas 92(1)a) et c) de l’ancienne LRTFP. La question de savoir si l’arbitre a compétence pour entendre le présent grief dépend des alinéas 92(1)a) et b) de l’ancienne LRTFP ainsi que du libellé du grief.

65L’Agence a argué que les mesures qu’elle a prises n’étaient pas de nature disciplinaire et que l’arbitre de grief n’a donc pas compétence pour examiner le grief. À mon avis, cet argument est basé en partie sur le principe erroné selon lequel l’alinéa 92(1)c) de l’ancienne LRTFP prévoit la compétence de l’arbitre de grief à l’égard d’un grief de licenciement déposé par un employé de l’Agence. Étant donné que l’Agence est désignée en vertu du paragraphe 92(4) de l’ancienne LRTFP aux fins de l’alinéa 91(1)b) de cette loi, l’arbitre de grief peut examiner des griefs se rapportant à des mesures disciplinaires de l’Agence entraînant une suspension ou des sanctions pécuniaires selon l’alinéa 92(1)b) de l’ancienne LRTFP et peut également examiner le licenciement ou la rétrogradation d’un employé de l’Agence selon les alinéas 11(2)f) ou g) de la LGFP.

66L’objection restante de l’Agence est que l’argument du fonctionnaire s’estimant lésé sur une violation de l’ATE représente un nouveau grief qui n’a pas été examiné lors de la procédure de règlement des griefs. En vertu de l’ancienne LRTFP, le rôle de l’arbitre de grief se limite à examiner le grief qui a été présenté pendant ladite procédure, comme dans Burchill.

67Dans Shneidman, la Cour fédérale s’est penchée récemment sur la question de savoir si un arbitre de grief avait commis une erreur de compétence en interprétant la portée du grief. Dans ce cas, l’arbitre de grief considérait qu’elle avait compétence pour déterminer si la décision de l’employeur était nulle ab initio pour manquement à l’obligation d’accorder des droits de représentation dans un processus d’enquête ayant donné lieu au licenciement. L’arbitre de grief a estimé avoir compétence pour examiner le processus d’enquête préalable au licenciement, et la Cour a statué que le grief se rapportait uniquement au renvoi et non au processus antérieur au licenciement.

68Il importe de déterminer la portée du grief présenté. L’affaire Shneidman concernait un renvoi à l’arbitrage selon l’alinéa 92(1)c) de l’ancienne LRTFP, à l’encontre de ce qui s’appelait alors l’Agence des douanes et du revenu du Canada, employeur distinct non désigné aux termes du paragraphe 92(4) de l’ancienne LRTFP. La Cour fédérale a déclaré :

[…]

[19] Selon l’état du droit, exposé dans l’arrêt Burchill c. Canada , [1981] 1 C.F. 109 (C.A.), et appliqué dans la décision Schofield c. Canada (Procureur général) , [2004] A.C.F. no 784 (1re inst.), un arbitre n’a pas compétence pour instruire une plainte qui n’est pas comprise dans un grief. Dans la décision Canada (Conseil du Trésor) c. Rinaldi , [1997] A.C.F. no 225 (1re inst.), la Cour a jugé qu’un arbitre peut avoir compétence lorsque le texte du grief original est assez large pour englober la question renvoyée à l’arbitrage. Le point soulevé en l’espèce est donc de savoir si le grief, qui ne conteste expressément que la décision de licenciement, peut être interprété d’une manière qui englobe les violations de la convention collective antérieures au licenciement.

[…]

[22] […] Le texte du grief est clair, il n’invoque pas la convention collective ni ne soulève de questions antérieures au licenciement. […]

[…]

69J’ai examiné le libellé du grief que le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté en se servant de la formule de grief, libellé que je reproduis ci-dessous :

[Traduction]

Vers le 14 septembre 2004, j’ai reçu de mon employeur une lettre m’avisant que mes services n’étaient plus requis. Je crois qu’il s’agit d’une mesure disciplinaire prise de mauvaise foi. De plus, les mesures prises par l’employeur relativement à ma situation du point de vue de l’emploi représentent un licenciement injuste. Toutes les mesures prises par l’employeur à cet égard enfreignent l’Appendice B de la convention collective, l’art. D12 de la convention collective et l’article 13 de la LACIA.

[Je souligne]

70Le grief présenté en l’espèce soulève une question relative au licenciement du fonctionnaire s’estimant lésé. Ce dernier a allégué qu’il s’agit d’une mesure disciplinaire prise de mauvaise foi. Il est également allégué dans le grief que les mesures prises par l’Agence représentaient un licenciement injuste. Le libellé du grief soulève clairement des motifs de licenciement de nature disciplinaire et sans rapport avec le concept de culpabilité. Il est dit dans le grief que l’Agence a enfreint l’ATE. À l’audience, toutefois, le représentant du fonctionnaire s’estimant lésé a abandonné la partie du grief concernant l’article D12 de la convention collective et l’article 13 de la LACIA.

71Il semble y avoir eu un certain examen de l’ATE au cours de la procédure de règlement des griefs. Dans une réponse au grief en date du 15 juillet 2005, le Dr Bossé a déclaré :

[Traduction]

[…]

Vous alléguez que votre mise à pied est d’ordre disciplinaire et que les mesures en question ont été prises de mauvaise foi. On m’informe qu’aucune infraction disciplinaire n’a été notée par vos gestionnaires et qu’aucune mesure disciplinaire n’a été prise contre vous par eux. Ni vous ni votre représentant n’avez fourni d’information expliquant votre allégation. Je conclus donc que la décision de vous mettre à pied n’était pas de nature disciplinaire. La décision était basée sur le fait que vous n’avez pas maintenu un rendement satisfaisant malgré l’encadrement et l’aide fournis par vos mentors. On m’a avisé que des réactions ou impressions vous ont été communiquées de façon suivie au sujet de votre rendement mais que vous n’avez pas procédé aux améliorations nécessaires, selon votre plan de formation initial ou modifié. Je conclus que les dispositions de l’Appendice B de votre convention collective ont été respectées. Par conséquent, votre grief est rejeté, et aucune mesure corrective ne sera accordée.

[…]

[Je souligne]

72Les allégations liées à une violation de l’ATE n’ont pas été expressément énoncées dans le renvoi à l’arbitrage, et l’Agence a argué que le fonctionnaire s’estimant lésé avait présenté un nouveau grief à la présente audience. L’Agence a argué aussi qu’un arbitre de grief n’a pas compétence pour entendre le nouveau grief. Dans Burchill, la Cour d’appel fédérale a statué comme suit, à la p. 110 :

[…]

À notre avis, après le rejet de son seul grief présenté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le requérant ne pouvait présenter à l’arbitrage un nouveau grief ou un grief différent, ni transformer son grief en un grief contre une mesure disciplinaire entraînant le congédiement au sens du paragraphe 91(1) [qui est devenu le paragraphe 92(1) de l’ancienne LRTFP ] . En vertu de cette disposition, seul un grief présenté et réglé conformément à l’article 90 [article 91 de l’ancienne LRTFP ] ou visé à l’alinéa 91(1) a ) ou b ) [91(1) a ) ou b ) de l’ancienne LRTFP ] peut être renvoyé à l’arbitrage. À notre avis, puisque le requérant n’a pas énoncé dans son grief la plainte dont il aurait voulu saisir l’arbitre, à savoir que sa mise en disponibilité n’était, en vérité, qu’une mesure disciplinaire camouflée, rien ne vient donner à l’arbitre compétence pour connaître du grief en vertu du paragraphe 91(1) [paragraphe 92(1) de l’ancienne LRTFP ] . Par conséquent, l’arbitre n’a pas compétence.

[…]

73À mon avis, il n’est pas nécessaire que l’argumentation complète soit exposée dans la formule de grief. Il importe d’examiner la question de savoir si les allégations soulevées à l’audience sont comprises dans le grief. Si ces allégations ne sont pas incluses dans le grief, l’arbitre de grief n’a pas compétence pour les prendre en compte, comme dans Shneidman.

74En l’espèce, la formule de grief comprend une allégation selon laquelle les mesures prises par l’Agence représentaient un licenciement inéquitable et injuste ainsi qu’une violation de l’ATE. Il est clair que le Dr Bossé a considéré que la décision de déclarer excédentaire le poste du fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas une décision d’ordre disciplinaire et qu’aucune mesure disciplinaire n’était en cause. Le Dr Bossé a en outre affirmé que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas maintenu un rendement satisfaisant malgré de l’encadrement et de l’aide et ne s’était pas servi des réactions ou impressions qui lui avaient été communiquées pour modifier son rendement. Le Dr Bossé semble avoir considéré que le rendement du fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas satisfaisant et que l’Agence était en droit de mettre un terme au programme de formation et n’avait donc pas enfreint l’ATE. Cette allégation a été soulevée dans le grief et examinée lors de la procédure de règlement des griefs. Étant donné que le grief soulève une question d’infraction à l’ATE, j’ai compétence pour traiter de cette question.

B. La question de savoir si l’Agence a violé l’ATE

75D’après moi, il y a deux points litigieux en l’espèce. La principale question est de savoir si l’Agence a enfreint l’ATE. Une question secondaire est de savoir si l’Agence a pris des mesures disciplinaires dans sa décision de mettre à pied le fonctionnaire s’estimant lésé et dans toutes ses relations avec lui.

1. Fardeau de la preuve

76Le fonctionnaire s’estimant lésé a argué que, l’Agence ayant mis fin au plan de formation, il incombait à cette dernière de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle avait un motif valable pour le licencier. À mon avis, la norme appropriée pour l’examen de la décision de l’Agence n’est pas la norme du motif valable.

77L’ATE, qui a trait à la transition en matière d’emploi, est incorporée à la convention collective et prévoit des droits pour les employés dont les services ne sont plus requis. En vertu de l’ATE, une fois le plan de recyclage mis en œuvre, il se poursuit à condition que le fonctionnaire maintienne un rendement satisfaisant s’il s’agit d’une formation en cours d’emploi, selon la stipulation 4.2.3. L’évaluation du rendement est un droit de la direction, circonscrit par l’article D9 de la convention collective (l’examen du rendement de l’employé, ainsi que les dossiers de l’employé). L’Agence est juge d’un bon rendement, et traditionnellement l’arbitre de grief a une compétence très limitée concernant les griefs sur l’évaluation du rendement. Une partie du thème sous-jacent est qu’un employeur a le droit de gérer son effectif et est mieux placé que les arbitres de griefs pour prendre des décisions éclairées sur la question de savoir si un employé a les qualités requises pour occuper un poste ou sur la question du rendement au travail. Les arbitres de griefs adoptent une approche réservée, comme c’est illustré dans Earle au paragr. 144 :

[…]

Au cours de la période de stage, l’instructeur doit à un moment donné décider si le stagiaire va réussir ou non. Cette décision peut être prise durant la phase un du stage ou durant la phase cinq, mais c’est une décision qu’il ne m’appartient pas de modifier à moins qu’elle soit jugée comme étant entièrement sans fondement. Ce n’est pas le cas en l’espèce. Et la décision n’a pas été prise de façon artificielle. En fait, une période de formation est prévue dans le but précisément de permettre à l’employeur de déterminer si un stagiaire a les qualités requises pour occuper le poste pour lequel on lui donne de la formation.

[…]

78La nomination, par l’Agence, au poste proposé dépendait de la question de savoir si le fonctionnaire s’estimant lésé avait suivi la formation à la satisfaction de l’Agence. Bien que le fonctionnaire s’estimant lésé n’ait pas été un stagiaire, puisqu’il était titulaire d’un autre poste à l’Agence, cette dernière devait faire preuve de jugement pour déterminer si l’employé avait les qualités requises pour la nomination. La norme à utiliser dans l’examen de la décision de l’Agence voulant que la formation du fonctionnaire s’estimant lésé ait été infructueuse ne peut être la norme du motif valable. Comme la décision de l’Agence de mettre fin au plan de formation du fonctionnaire s’estimant lésé a été prise en vertu de l’ATE et que l’ATE est incorporé à la convention collective, c’est au fonctionnaire s’estimant lésé qu’incombe la charge de la preuve selon la prépondérance des probabilités.

79Les parties ont présenté des arguments basés sur le concept des mesures disciplinaires déguisées. Par exemple, l’Agence a argué que la norme appropriée consiste pour le fonctionnaire s’estimant lésé à [traduction] « […] établir que la conduite de l’employeur camouflait un licenciement en une fausse mise en disponibilité ».

80Les décisions d’arbitrage selon l’ancienne LRTFP au sujet de griefs concernant des mesures disciplinaires déguisées ont été rendues dans un contexte où l’ancienne LEFP s’appliquait au fonctionnaire s’estimant lésé et où l’arbitre de grief aurait été tenu de décliner sa compétence parce qu’il y avait une autre procédure administrative de redressement prévue aux termes de l’ancienne LEFP : le paragraphe 91(1) de l’ancienne LRTFP. Ces décisions se rapportent à des allégations voulant que la décision de l’employeur ait été en fait une imposture pour empêcher l’arbitre de grief d’examiner les véritables motifs disciplinaires du licenciement. L’article 8 de l’ancienne LEFP et l’article 13 de la LACIA indiquent toutefois clairement que l’ancienne LEFP ne s’applique pas à l’Agence.

81Quoique le contexte dans lequel de précédentes décisions d’arbitrage traitaient de questions de mesures disciplinaires déguisées ait été différent de ce qu’il en est dans le cas du présent grief, je suis convaincu que les principes que ces décisions ont élaborés à l’égard du fardeau de la preuve sont appropriés pour déterminer si un employé a réussi ou non dans une formation tandis qu’il était en transition en matière d’emploi, lorsque l’employé allègue que l’évaluation de son rendement était entachée de motifs disciplinaires et de mauvaise foi. Une mise en disponibilité selon l’ATE est un mode de cessation d’emploi n’ayant pas de rapport avec le droit de l’Agence de licencier l’employé pour incompétence ou pour des raisons disciplinaires. Il ressort des textes faisant autorité que la transition en matière d’emploi ne peut être utilisée pour remplacer l’employé qui a des problèmes de rendement ou qui doit être licencié pour des motifs disciplinaires.

82Dans le cas d’un grief alléguant une mesure disciplinaire déguisée, les textes faisant autorité indiquent que l’arbitre de grief doit être convaincu que, pour l’essentiel, les faits ayant donné lieu au grief équivalent à une mesure disciplinaire. Dans des circonstances particulières, une mise à pied peut bien être un licenciement représentant une mesure disciplinaire déguisée. La Cour fédérale a, dans Rinaldi, commenté comme suit les difficultés d’une preuve d’hypothèse de renvoi déguisé :

[…]

[…] Or l’hypothèse sur laquelle l’arbitre a fondé sa décision rejoint carrément la situation où l’employeur camoufle un congédiement illégal sous l’égide de l’abolition d’un poste en invoquant de façon factice [l’ancienne LEFP].[…]

Je dois dire cependant que l’hypothèse retenue par l’arbitre n’annonce pas une preuve facile. L’affirmation selon laquelle l’intimé se dit en mesure de démontrer qu’il ne fut pas licencié en vertu de [l’ancienne LEFP] alors même que l’article 29 de cette Loi est invoqué par l’employeur est loin d’être évidente. Une réorganisation aux termes de l’article 29(1) s’effectue dans un contexte où des mesures de compression (dont la preuve est facilement étalée) donnent lieu à des suppressions de postes (dont la preuve est encore une fois facile à étaler). Or, dans la mesure où la réorganisation qui donne lieu à la suppression n’est pas mise en cause et où des postes sont de fait abolis, il est difficile de concevoir comment les mises à pied qui en résultent puissent ne pas avoir été effectuées suite à la suppression de fonctions selon les termes de l’article 29.

Ceci demeure tout aussi vrai si l’intimé pouvait établir l’existence d’une relation de travail tourmentée. Il faudrait qu’il démontre au delà de ceci que l’invocation par l’employeur de l’article 29 est factice. [Voir Note 15 ci-dessous] Alors que sur le plan conceptuel une telle preuve ne peut être exclue, il est difficile de concevoir comment l’intimé serait en mesure de la faire. […]


Note 15 : […] La seule façon de démontrer que le licenciement n’a pas eu lieu en vertu de [l’ancienne LEFP], face à son invocation par l’employeur serait de démontrer que de fait les conditions requises pour sa mise en œuvre n’existaient pas au moment pertinent et que donc le licenciement ne peut avoir eu lieu sous le régime prévu par cette Loi.


[…]

[Je souligne]

83Le concept de réaménagement des effectifs est inclus dans la convention collective. La page 129 de l’ATE est explicite :

[…]

Transition en matière d’emploi (employment transition) – Situation qui se produit lorsque le président ou la présidente décide que les services d’un ou de plusieurs employé-e-s nommés pour une période indéterminée ne seront plus requis au-delà d’une certaine date en raison d’un manque de travail ou de la cessation d’une fonction à l’Agence. Les raisons pour lesquelles de telles situations se produisent comprennent, sans s’y limiter, les raisons indiquées ci-dessus, sous la rubrique « Politique ».

[…]

84En l’espèce, le fonctionnaire s’estimant lésé conteste une décision de réaménagement des effectifs, alléguant de la mauvaise foi ainsi que des motifs disciplinaires déguisés. Je suis convaincu que, malgré certaines différences dans le régime de relations de travail, des décisions comme Rinaldi, quoique n’étant pas contraignantes, sont convaincantes dans l’établissement du fardeau de la preuve quant à l’examen de la décision de l’Agence sur la question de savoir si le fonctionnaire s’estimant lésé a réussi la formation. Autrement dit, le fonctionnaire s’estimant lésé doit établir son allégation selon laquelle l’Agence a simplement allégué une mise à pied pour camoufler ce qui est en réalité un licenciement d’ordre disciplinaire.

85L’affaire Lundin concernait un employé de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (« l’ADRC »). Contrairement à l’Agence, l’ADRC n’est pas désignée aux fins du paragraphe 92(1) de l’ancienne LRTFP. L’arbitre de grief a expressément pris en compte les différences par rapport à des cas relatifs à la partie de la fonction publique couverte par l’ancienne LEFP et a conclu que le critère était celui des mesures disciplinaires déguisées. Dans Lundin, il a été conclu de ce qui suit au paragraphe 105 :

[…]

[105] Je n’ai pas besoin de me prononcer sur la bonne foi de l’employeur dans sa décision de renvoyer M. Lundin en cours de stage (ou, en d’autres termes, de déterminer si cette décision a été prise de mauvaise foi) […] une fois qu’on a prouvé que le renvoi en cours de stage est justifié par un motif lié à l’emploi, le fardeau de la preuve retombe sur le fonctionnaire s’estimant lésé, qui doit démontrer, comme l’arbitre l’a déclaré dans Dhaliwal, supra, « que les actions de l’employeur sont effectivement une imposture ou du camouflage ou ont été faites de mauvaise foi et qu’elles sont par conséquent contraires à l’article 28 de [l’ancienne LEFP] ». Même si la « mauvaise foi » n’est pas mentionnée dans les critères d’une analyse comme celle qui s’impose pour déterminer si un licenciement est disciplinaire ou non, la démarche n’en est pas moins similaire : je dois déterminer si le renvoi en cours de stage était effectivement non disciplinaire, ou au contraire si l’employeur a simplement allégué qu’il s’agissait d’un renvoi non disciplinaire pour camoufler ce qui est en réalité un renvoi pour motif disciplinaire. En d’autres termes, je dois décider si le motif non disciplinaire que l’employeur a invoqué pour justifier le renvoi était une « imposture » ou le « camouflage » d’une mesure disciplinaire. […]

[…]

[Je souligne]

86Les droits des employés de l’Agence concernant le réaménagement des effectifs sont énoncés dans l’ATE. Des arbitres de griefs ont statué dans de précédentes affaires qu’il n’appartient pas à l’arbitre de grief de déterminer si le droit ou le pouvoir de l’employeur de gérer son effectif a été exercé correctement et que la seule question est de savoir s’il y avait un élément disciplinaire dans le licenciement d’un employé. En l’espèce, la question de la mauvaise foi devrait aussi être prise en considération. Par extension, il est également argué que l’arbitre de grief n’a pas compétence pour examiner le plan de formation ou la formation du fonctionnaire s’estimant lésé. À mon avis, il importe d’entendre la preuve et de trancher l’affaire sur le fondement de l’ensemble des faits prouvés. Dans toutes les affaires de relations de travail, il est important de prendre en compte la véritable substance des faits sous-jacents au grief. Cela dit, le fonctionnaire s’estimant lésé doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa mise en disponibilité était une violation de l’ATE ou que, comme dans Rinaldi et Lundin, l’Agence a simplement allégué une mise à pied pour camoufler ce qui était en réalité un licenciement de nature disciplinaire.

2. Décision de déclarer une suppression d’une fonction

87En examinant les faits de l’espèce, je considère qu’il est manifeste que l’Agence n’a pas traité le fonctionnaire s’estimant lésé différemment des autres en décidant que sa fonction était supprimée et que son poste était excédentaire. Le Dr Turner a pris une décision de gestion en décidant de supprimer au moins trois postes pour des raisons économiques. Telle a été la preuve, non contestée, que le Dr Turner a présentée. Cette preuve est étayée par la lettre en date du 30 septembre 2003 du Dr Turner au fonctionnaire s’estimant lésé, lettre qui mentionnait une suppression d’une fonction concernant un vétérinaire, soin des animaux, chargé de surveiller le troupeau. Cette lettre faisait référence à l’ATE. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a présenté aucune preuve me permettant de conclure que la suppression de son poste équivalait à une violation de l’ATE ou me permettant de considérer une hypothèse de mesure disciplinaire déguisée.

3. Offre d’emploi

88La lettre du Dr Turner en date du 30 septembre 2003 contenait aussi une offre d’emploi. Cette lettre était accompagnée d’une lettre de M. Hwozdecki offrant une nomination pour une durée indéterminée à condition que l’employé réussisse un recyclage.

89Une offre d’emploi raisonnable peut ne pas nécessairement correspondre à un poste où les conditions de travail sont semblables à celles du poste supprimé. Il est évident que les conditions de travail en hygiène des viandes sont objectivement moins satisfaisantes que dans le domaine de la recherche. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas déjà travaillé en hygiène des viandes. Il a commencé à travailler à l’Agence dans le domaine de la recherche. Il est titulaire d’un doctorat et est un chercheur qualifié. Passer d’un environnement de recherche à l’environnement de l’hygiène des viandes constituerait selon moi une adaptation difficile sur le plan de l’attitude et des conditions de travail. Il semblait également que c’était un environnement plus stressant et plus conflictuel que ce que le fonctionnaire s’estimant lésé avait vécu à la direction générale des sciences. La preuve objective et non contestée de la Dre Meszaros indique que le fonctionnaire s’estimant lésé ne semblait pas intéressé par le poste en hygiène des viandes.

90Il se peut qu’un employeur présente une « offre raisonnable » difficile représentant en fait une mesure disciplinaire déguisée. Aucun exemple de cette possibilité ne m’a été donné dans la jurisprudence citée, mais, théoriquement, c’est une possibilité. Je ne suis pas convaincu en l’espèce que l’Agence ait offert au fonctionnaire s’estimant lésé un poste difficile dans le but de le licencier ou aux fins d’une cessation d’emploi représentant une imposture ou un camouflage pour des motifs disciplinaires.

91D’après les autorités citées, une lettre de nomination pour une période indéterminée, sous réserve que l’employé réussisse un recyclage, est une offre d’emploi raisonnable, comme c’est mentionné dans Carby-Samuels. Quoique ce texte faisant autorité se rapporte aux relations de travail dans la fonction publique centrale, je suis convaincu que le principe est applicable aux cas de transition en matière d’emploi qui se posent à l’Agence. La preuve, non contredite, du Dr Turner et du Dr Bossé était qu’aucun poste de recherche n’était disponible dans quelque laboratoire au Canada. Le fonctionnaire s’estimant lésé a eu une offre d’emploi raisonnable, vu qu’aucun poste de recherche n’était disponible à l’Agence. Cette dernière a donné au fonctionnaire s’estimant lésé une occasion de travailler en lui faisant une offre d’emploi raisonnable.

92On ne m’a présenté aucune preuve permettant de conclure que l’Agence a enfreint l’ATE ou pris une mesure disciplinaire déguisée en offrant au fonctionnaire s’estimant lésé d’occuper le poste de vétérinaire responsable à l’usine de Fort MacLeod quand il aurait réussi la formation.

4. Pertinence du plan de formation

93Le fonctionnaire s’estimant lésé a également eu un plan de formation. Un effort considérable semble avoir été mis à concevoir un plan qui permettrait à l’employé de recevoir une formation. Le plan de formation a, certes, été établi par l’Agence, mais il y a eu une certaine consultation avec le fonctionnaire s’estimant lésé, qui a signé l’accord de plan de formation. On n’a présenté aucune preuve indiquant que cet accord était inadéquat, constituait une imposture ou était une machination visant à faire en sorte que le fonctionnaire s’estimant lésé n’arrive pas à devenir le candidat qui serait retenu pour le poste. Je note en particulier que, à l’époque où l’offre d’emploi a été faite, le représentant de l’Agence, M. Hwozdecki, considérait que c’était une solution [traduction] « où tout le monde pourrait y gagner » et qui permettait à l’Agence de doter le poste proposé dans le domaine de l’hygiène des viandes sans devoir dépenser ou attendre relativement à un processus de dotation, tout en lui permettant de retenir les services d’un vétérinaire expérimenté, bien que n’ayant pas d’antécédents dans le domaine de l’hygiène des viandes. M. Hwozdecki avait en outre gardé ouvert le poste proposé, par une rotation des vétérinaires dans le poste, jusqu’à ce que le fonctionnaire s’estimant lésé devienne disponible.

94Le principal point du fonctionnaire s’estimant lésé est que l’Agence n’a pas assuré une formation adéquate; elle lui a seulement permis de se familiariser. En vertu de la stipulation 1.1.30 de l’ATE, l’Agence a l’obligation d’établir un plan de recyclage, qui doit être accepté par écrit par le gestionnaire compétent. Le représentant de l’Agence, c’est-à-dire le Dr Turner, et le fonctionnaire s’estimant lésé ont approuvé le plan de formation. L’ATE définit comme suit le mot « recyclage » :

Recyclage (retraining) – Formation sur le tas ou toute autre formation ayant pour objet de donner aux employé-e-s touchés, aux employé-e-s excédentaires et aux personnes mises en disponibilité les qualifications nécessaires pour combler des vacances prévues ou connues à l’Agence.

95L’Agence a nettement assuré une formation sur le tas ayant pour objet de donner au fonctionnaire s’estimant lésé les qualifications nécessaires pour être nommé vétérinaire responsable à l’usine de Fort MacLeod. Le fonctionnaire s’estimant lésé a invoqué Ivaco et Labatt en arguant que la formation sur le tas est une orientation et non une formation proprement dite. Ces deux décisions faisant jurisprudence proviennent d’arbitrages du secteur privé. La formation sur le tas est une forme de recyclage expressément prévue dans l’ATE. Les textes faisant autorité qui ont été cités s’insèrent dans un autre contexte de relations de travail et contredisent la définition figurant dans l’ATE, de sorte que je n’accorde pas de poids à cette jurisprudence. Je rejette l’argument du fonctionnaire s’estimant lésé selon lequel la formation sur le tas est une orientation plutôt qu’une formation proprement dite.

96La seule lacune du programme de formation, qui ressort de la preuve, est l’absence de formation se rapportant à des personnalités difficiles ou à un conflit au travail. Rien n’indique que le fonctionnaire s’estimant lésé ait déjà demandé cette forme spécialisée de formation. De plus, la pertinence du programme de formation n’est pas une question qui a été soulevée par le fonctionnaire s’estimant lésé au cours de la période de formation. Il n’a pas demandé de formation supplémentaire ni déterminé de défaut dans le plan de formation auquel il a souscrit ou dans la formation assurée. Il semble que l’Agence ait cherché à tenir compte de cette question en exposant le fonctionnaire s’estimant lésé aux difficultés du travail, dans l’espoir qu’il acquerrait de l’expérience en exerçant les responsabilités de gestion. C’était clair, du moins pour le Dr Fletcher, que le fonctionnaire s’estimant lésé était capable de superviser.

97D’après moi, la pertinence d’un programme de formation est une question qui est purement du ressort de l’Agence. L’ancienne LRTFP n’enlève pas à l’Agence le droit ou le pouvoir de déterminer son organisation, d’attribuer des fonctions ou de classifier des postes. Le Dr Turner, à mon avis, semble s’être consciencieusement efforcé de déterminer de quelle formation le fonctionnaire s’estimant lésé avait besoin pour réussir à passer d’un poste de chercheur à un poste de vétérinaire responsable d’une usine de conditionnement des viandes. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas prouvé une infraction à la convention collective.

98Le caractère inadéquat d’un programme de formation a été invoqué comme fondement d’une conclusion à l’existence d’un élément disciplinaire et a été rejeté dans Earle. Cet argument est toutefois difficile à avancer vu la jurisprudence. À la lumière de la note 15 de la décision rendue dans Rinaldi, lorsqu’un employé n’établit pas que les conditions requises pour mettre un terme à un poste n’étaient pas présentes, et que la décision de l’employeur n’est pas contestée, il peut être difficile de prouver l’existence d’une mesure disciplinaire déguisée en invoquant une formation inadéquate. Earle était une affaire de renvoi en cours de stage d’un ministère de l’administration gouvernementale centrale où l’ancienne LEFP s’appliquait et cette décision n’a qu’une valeur de persuasion. Je signale que Rinaldi était une affaire concernant l’ancienne LEFP et les dispositions de cette loi en matière de mise à pied (article 29) et que cette décision n’a également qu’une force persuasive.

99Théoriquement, un programme de formation inadéquat peut être une certaine preuve d’une mesure disciplinaire déguisée. Il peut faire partie d’une machination conçue pour veiller à ce que l’employé échoue et soit ensuite licencié. Je ne peux dire, en examinant le plan de formation auquel avaient souscrit toutes les parties, que ce plan était inadéquat au point de représenter une imposture ou un camouflage pour des raisons disciplinaires. Je ne vois aucun fondement me permettant de conclure qu’en l’espèce le plan faisait partie d’un coup monté pour que le fonctionnaire s’estimant lésé échoue. Ce serait plutôt le contraire; M. Hwozdecki aurait aimé que le fonctionnaire s’estimant lésé réussisse le plan de formation, ce qui aurait réglé le problème à l’usine de Fort MacLeod.

5. Cessation du plan de formation

100Le fonctionnaire s’estimant lésé a argué également qu’il avait droit jusqu’à deux années de formation et que l’omission de lui assurer une formation de deux ans violait la convention collective.

101La stipulation 4.2.1 de l’ATE dit que l’employé excédentaire a droit au recyclage, pourvu :

[…]

  1. que cela facilite sa nomination à un poste vacant donné ou lui permette de se qualifier pour des vacances prévues dans des emplois ou endroits où il y a pénurie de compétences;

[…]

De son côté, la stipulation 4.2.3 indique que la formation se poursuit à condition que l’employé maintienne un rendement satisfaisant s’il s’agit d’une formation « en cours d’emploi ». La stipulation 4.2.6 dit que l’employé qui ne mène pas son recyclage à bonne fin peut être mis en disponibilité si l’Agence ne réussit pas à lui faire une offre d’emploi raisonnable.

102L’Agence a déterminé que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas mené à bonne fin son plan de formation. Déterminer si un employé excédentaire a réussi ou non une formation est une question de jugement quant aux qualités requises de l’employé pour le nouveau travail. Conformément à l’article 13 de la LACIA, la stipulation 1.1.12 de l’ATE prévoit que c’est le président ou la présidente de l’Agence qui décide de la question de savoir si un employé est apte à être nommé à un poste :

[…]
Partie I
Rôles et responsabilités
1.1Agence
[…]
1.1.12Le président ou la présidente décide si les employé-e-s sont aptes à être nommés à un poste. S’il est décidé que l’employé-e n’est pas apte, le président ou la présidente détermine ensuite si celui-ci ou celle-ci est admissible à la priorité d’employé-e excédentaire et de personne mise en disponibilité et en informe l’employé-e et son représentant. Le président ou la présidente informe également l’agent négociateur de cette décision.
[…]

103Le fonctionnaire s’estimant lésé a argué que l’arbitre de grief doit appliquer la norme énoncée dans Edith Cavell en déterminant si le fonctionnaire s’estimant lésé a mené à bonne fin sa formation et s’il a fait preuve de la capacité d’accomplir le travail inhérent au poste proposé. La norme énoncée dans Edith Cavell est couramment appliquée à des licenciements non disciplinaires et a trait à un employé qui occupe un poste existant et qui ne répond pas aux exigences de ce poste. Les faits dans Edith Cavell ne se rapportaient pas à un employé recevant une formation en vue d’un nouveau poste et n’ayant pas eu un rendement satisfaisant pendant la formation. En évaluant la poursuite de la formation et une nomination selon l’ATE, l’Agence se préoccupe de ce que l’employé ait les qualités requises pour un nouveau poste. Si l’employé n’est pas apte à être nommé au nouveau poste, l’ATE prévoit d’autres droits. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas établi selon la prépondérance des probabilités que l’Agence a enfreint l’ATE en mettant un terme à son plan de formation.

104Nul doute que l’usine de Fort MacLeod était difficile à gérer. Une partie de ce problème doit être attribuée aux mesures de l’Agence quant au roulement de VM-01 dans cette usine comme mesures de supervision provisoires. Ces mesures de dotation temporaires ont été mises en œuvre avec l’intention d’essayer de garder le poste ouvert pour le fonctionnaire s’estimant lésé, car le besoin de doter le poste à cause de la retraite du Dr Ford coïncidait avec le besoin de l’Agence de trouver un poste raisonnable à offrir au fonctionnaire s’estimant lésé.

105Un aspect troublant de cette affaire est de savoir pourquoi l’Agence n’a pas assuré au fonctionnaire s’estimant lésé une formation en gestion de personnes difficiles et de lieux de travail difficiles. Je ne suis toutefois pas convaincu que je puisse conclure à une mesure disciplinaire déguisée du fait de l’omission de donner une formation à cet égard. Rétrospectivement, c’était peut-être une lacune du plan de formation. Ce n’est pas une lacune qui avait été relevée par les parties durant la période de formation.

106Il n’y a pas de preuve que la décision de mettre un terme au programme de formation ait été motivée par des considérations disciplinaires. Un examen de la preuve documentaire et de la preuve orale indique que l’Agence a exposé un certain nombre de raisons pour lesquelles elle avait conclu que le rendement du fonctionnaire s’estimant lésé était inadéquat. Les raisons exprimées par l’Agence et étayées dans la preuve documentaire et la preuve orale étaient que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas eu un rendement satisfaisant concernant la supervision d’autres employés. Ces raisons, telles qu’elles ont été formulées, indiquent que l’on a mis fin à la formation pour des motifs de non-culpabilité plutôt que pour des motifs disciplinaires. Rien d’autre n’explique pourquoi le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas réussi pendant sa période de formation. Il n’y avait aucune raison cachée.

107De plus, l’Agence a prolongé la période de formation. Elle a montré, sur la foi d’une preuve objective, qu’il y avait une base rationnelle lui permettant de conclure que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas réussi à mener à bonne fin le programme de formation, malgré une prolongation. La crédibilité des témoins de l’Agence n’a pas été ébranlée en contre-interrogatoire.

108Je ne suis pas convaincu qu’il y ait une preuve quelconque de mesure disciplinaire déguisée. Il n’y a aucune preuve permettant de conclure à l’existence de mesures disciplinaires déguisées ou permettant en fait de conclure que la discipline a joué un rôle dans le licenciement du fonctionnaire s’estimant lésé. Le plus probable est que le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas intéressé par le poste proposé en hygiène des viandes. C’est ce que montre sa demande de congé d’un an en plein programme de formation. Il avait demandé une longue période de congé à une époque où c’était objectivement insensé du point de vue de l’une ou l’autre partie de prendre un congé et il n’a pas produit de plan d’action pour le traitement des problèmes de ressources humaines au travail.

6. Motifs du licenciement

109Les raisons exprimées par l’Agence pour mettre fin à la relation de travail tenaient à l’absence d’un autre travail pour le fonctionnaire s’estimant lésé pendant la période de mise en disponibilité, après qu’il a été muté de nouveau au Laboratoire. La preuve montre qu’aucun travail n’était disponible pour lui au Laboratoire ou ailleurs dans l’organisation. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas prouvé selon la prépondérance des probabilités une violation de la convention collective. Aucune raison disciplinaire cachée ne sous-tend la conclusion en cause. Je trouve qu’il n’y a aucun élément disciplinaire dans la décision de l’Agence de licencier le fonctionnaire s’estimant lésé.

7. Défaut de nomination à un niveau inférieur

110Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas fourni de C.V. à l’Agence et n’a pas manifesté d’intérêt pour une nomination à un poste de VM-01 dans un autre établissement. En vertu de la stipulation 1.1.16 de l’ATE, la nomination d’employés excédentaires est habituellement faite à un niveau équivalant au poste précédemment détenu. L’ATE oblige en outre l’Agence à ne pas faire de nomination à un niveau inférieur, sauf si toutes les autres possibilités ont été épuisées.

111Selon la prépondérance des probabilités, je ne peux conclure que l’Agence a enfreint l’ATE en ne nommant pas le fonctionnaire s’estimant lésé à un poste de niveau inférieur et je ne peux conclure non plus à des motifs disciplinaires de la part de l’Agence à cet égard.

8. Conclusion

112J’ai examiné la preuve concernant la décision de l’Agence de déclarer excédentaire le poste du fonctionnaire s’estimant lésé au Laboratoire, ainsi que le processus décisionnel de l’Agence en matière d’offre d’emploi, la proposition de formation de l’Agence et la formation entreprise par le fonctionnaire s’estimant lésé. Sur le fondement de la preuve qui m’a été présentée, il semble que l’on ait de bonne foi supprimé la fonction de recherche afférente au troupeau. J’arrive à cette conclusion après avoir pris en compte toute la configuration factuelle et après m’être demandé s’il y avait une preuve permettant de conclure à des mesures disciplinaires déguisées.

113La raison de la mise en disponibilité selon l’ATE était que le poste du fonctionnaire s’estimant lésé avait été déclaré excédentaire, que l’Agence avait fait une offre d’emploi raisonnable et que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas montré qu’il répondait aux exigences du poste proposé de vétérinaire responsable après avoir reçu une formation. Comme il a échoué, son statut est resté celui du titulaire d’un poste déclaré excédentaire. Il n’a pas été mis en disponibilité parce qu’il ne s’était pas acquitté correctement des fonctions de son poste excédentaire. Il a été mis en disponibilité parce que les fonctions de son poste excédentaire ont été supprimées et qu’il n’y avait pour lui aucune autre possibilité d’emploi raisonnable après qu’il a montré son incapacité à avoir un rendement satisfaisant dans la supervision du personnel, ce qui était une fonction essentielle pour être nommé au poste proposé de vétérinaire responsable. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas prouvé une violation de l’ATE.

114Je suis d’avis qu’il n’y avait aucune mesure disciplinaire déguisée dans la décision de l’Agence de supprimer le poste du fonctionnaire s’estimant lésé ou dans sa décision de ne pas nommer le fonctionnaire s’estimant lésé au poste proposé de vétérinaire responsable à l’usine de Fort MacLeod. L’Agence a fait une offre d’emploi raisonnable sous réserve d’une formation et, le fonctionnaire s’estimant lésé ayant été incapable de maintenir un rendement satisfaisant pendant la formation, l’Agence a mis fin à sa formation pour le poste proposé de vétérinaire responsable à l’usine de Fort MacLeod. Il a été réintégré dans son poste excédentaire, puis a été mis en disponibilité. L’Agence n’a pas utilisé l’ATE pour mettre en disponibilité, sous couvert de transitions en matière d’emploi, un employé que l’Agence ne pouvait par ailleurs licencier pour un motif valable, comme dans Matthews (C.F., 1re inst.). D’après l’opinion générale, le fonctionnaire s’estimant lésé était un bon employé dans son poste excédentaire au Laboratoire mais n’avait pas les qualités requises pour le poste proposé à l’usine de conditionnement des viandes.

115Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

116Le grief est rejeté.

Le 28 février 2007.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Paul Love,
arbitre de grief

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