Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé s’est vu imposer une mesure disciplinaire (suspension de trois jours) notamment pour avoir utilisé l’équipement de l’employeur afin de transmettre un message à un fonctionnaire malgré une interdiction d’agir ainsi - le fonctionnaire s’estimant lésé désirait faire diffuser, par courrier électronique, une pétition appuyant le retrait de la section locale 10405 de la structure régionale du SEIC - l’employeur lui a refusé cette demande, jugeant inapproprié que son système de communication soit utilisé pour traiter de questions touchant la structure interne du syndicat - le fonctionnaire s’estimant lésé a néanmoins transmis une copie de la pétition par télécopieur à un collègue du bureau de Gatineau, qui l’a affichée dans les lieux de travail - l’arbitre de grief, après avoir reconnu la légitimité de la directive imposée par l’employeur et reproché au fonctionnaire s’estimant lésé son manque de collaboration pour éclaircir les faits, a pris en compte le caractère mineur de l’infraction d’avoir transmis la pétition par télécopieur, et ce, à une seule occasion - il a réduit la suspension à une journée. Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-04-19
  • Dossier:  166-02-31840
  • Référence:  2007 CRTFP 37

Devant un arbitre de grief


ENTRE

SIMON CLOUTIER

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

employeur

Répertorié
Cloutier c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Jean-Pierre Tessier, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même

Pour l'employeur:
Nadia Hudon, avocate

Affaire entendue à Montréal (Québec),
du 23 au 26 janvier 2006, les 30 et 31 janvier 2006, du 3 au 5 mai 2006,
du 8 au 12 mai 2006 et du 31 octobre au 3 novembre 2006.

Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Simon Cloutier (le « fonctionnaire s’estimant lésé ») travaille pour le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (l’« employeur ») et, au moment des événements relatés ci-après, occupait un poste aux groupe et niveau PM-03. En 1999, il a été président de la section locale 10 405 du Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada (SEIC), une composante de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC).

2 Le 5 novembre 1999, le fonctionnaire s’estimant lésé s’est vu imposer une mesure disciplinaire (suspension de trois jours) notamment pour avoir utilisé l’équipement de l’employeur afin de transmettre un message à un fonctionnaire malgré une interdiction d’agir comme tel.

3 Le 30 novembre 1999, le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief. Ce grief a été renvoyé à l’arbitrage en janvier 2003 et l’audience a eu lieu en 2006 dans le cadre de la présentation d’un ensemble de griefs. La période entre le renvoi à l’arbitrage et l’audience s’explique par le fait que des plaintes ont été déposées par le fonctionnaire s’estimant lésé en vertu de l’article 23 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (l’ « ancienne Loi »). Le fonctionnaire s’estimant lésé a soulevé le fait que l’employeur avait usé de représailles.

4 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi, L.R.C. (1985), ch. P-35.

Résumé de la preuve

5 En 1999, Christiane Beaupré était directrice régionale associée au ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration et relevait de Monique Leclerc, directrice générale. La direction des services intérieurs était située à Montréal et assurait la supervision des dossiers des régions du Québec. Cette direction comptait 500 fonctionnaires dont 350 à Montréal.

6 En 1999, le fonctionnaire s’estimant lésé travaillait pour la section chargée des audiences et appels et par la suite, au Service intérieur sous la responsabilité de Carole Lamarre, gestionnaire. Le fonctionnaire s’estimant lésé étudiait des demandes d’immigration à partir de dossiers présentés et rencontrait, au besoin, le demandeur afin d’obtenir des renseignements additionnels.

7 En mars 1999, le fonctionnaire s’estimant lésé occupait le poste de président local du SEIC, lequel représente les employés des services intérieurs qui travaillent à Montréal et d’autres villes du Québec.

8 Mme Beaupré a expliqué qu’elle avait demandé au fonctionnaire s’estimant lésé, à titre de président du SEIC, de s’adresser à elle pour discuter de sujets qui touchaient l’ensemble des employés représentés par le syndicat local.

9 Le 15 septembre 1999, le fonctionnaire s’estimant lésé lui a envoyé un courriel demandant l’autorisation de diffuser aux employés une demande de pétition pour que la section locale quitte le SEIC (pièce E-2). Le courriel se lisait comme suit :

[…]

Bien que je crois que votre politique d’autorisation de diffusion des messages constitue de l’ingérence dans les affaires syndicales, il semble que nous n’ayons d’autre choix que de vous demander l’autorisation de diffuser le présent message sur le courrier électronique ainsi que de l’afficher sur le tableau syndical.

[…]

[Le caractère gras l’est dans l’original]

10 Le 17 septembre 1999, Mme Beaupré a répondu au fonctionnaire s’estimant lésé qu’elle ne pouvait pas accéder à sa demande. Le courriel (pi èce E-2) indiquait ce qui suit :

[…]

En réponse à ton message, ci-bas, je désire t’informer que je ne peux accéder à ta demande. Notre décision est basée sur la clause 12.01 de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada qui stipule que les tableaux d’affichage servent pour y apposer des avis de l’Alliance. Le message que vous désirez véhiculer aux employés n’en est pas un.

J’aimerais que tu prennes note que notre politique d’autorisation de diffusion des messages est fondée sur ce même article de la convention collective et donc, ne constitue en aucune manière de l’ingérence dans les affaires syndicales.

De plus, j’aimerais te rappeler que selon l’article 10(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique “sans le consentement de l’employeur [ … ] un représentant d’une organisation syndicale ne peut, dans les locaux de l’employeur et pendant les heures de travail d’un fonctionnaire, tenter d’amener celui-ci à adhérer, ou à s’abstenir, continuer ou cesser d’adhérer, à une organisation syndicale.”

Tu peux me téléphoner pour des informations supplémentaires.

[…]

11 Le 1er octobre 1999, Mme Beaupré a été informée par Lorraine Frigon, gestionnaire, qu’une copie de la pétition syndicale avait été affichée sur le tableau d’affiche d’un local du bureau de Gatineau (secteur Hull). Cette copie de la pétition syndicale aurait été expédiée par le fonctionnaire s’estimant lésé à Marc Yelle le 21 septembre 1999 et Mme Frigon a obtenu copie de la feuille de transmission (pièce E-3).

12 Le 15 octobre 1999, Mme Beaupré a téléphoné au fonctionnaire s’estimant lésé lui indiquant qu’elle voulait le rencontrer à 13 h relativement à une infraction aux directives concernant la diffusion de la pétition syndicale. Entre-temps, vers 11 h, le fonctionnaire s’estimant lésé avait fait parvenir un courriel à Mme Beaupré, lui demandant des précisions par écrit, car il jugeait qu’une communication écrite était davantage appropriée (pièce E-6).

13 Le fonctionnaire s’estimant lésé ne s’est pas présenté à la rencontre de 13 h, compte tenu qu’il avait souhaité une communication écrite et que par ailleurs, il avait une rencontre avec un employé concernant un grief.

14 En constatant l’absence du fonctionnaire s’estimant lésé à 13 h, Mme Beaupré a demandé à un gestionnaire d’aller le chercher. Finalement, la rencontre a eu lieu à 13 h 30. Elle a déposé un compte rendu (pièce E-5) dans lequel elle décrivait le climat de la rencontre. Voici un extrait de ce compte rendu :

[…]

J’ai donc rencontré M. S. Cloutier en présence de Mme C. Chilakos, représentante syndicale et de M. A. Hardy, conseiller en relations de travail un peu après 13 :30 heures.

J’ai débuté la rencontre en résumant le dossier, c'est-à-dire en revenant à sa demande initiale et à ma réponse. J’ai mentionné qu’on m’avait fourni des preuves démontrant qu’il avait contrevenu à mes instructions. J’ai demandé s’il était exact qu’il avait fait parvenir un FAX à un de nos bureaux locaux, en utilisant l’équipement du Service Intérieur, ce à quoi il a refusé de répondre. Je lui ai demandé s’il avait envoyé un FAX à d’autres bureaux de la région en utilisant nos télécopieurs ou en utilisant d’autres moyens de communication de l’employeur (ex. Email) , et à qui; il a refusé de répondre.

Je lui ai aussi demandé s’il avait donné des instructions aux personnes d’afficher son message de pétition sur les babillards. Il a refusé de répondre.

Je lui ai demandé ensuite à qui il avait fait parvenir mon message, qui bien sur, lui donnait l’occasion de faire circuler la pétition; il a refusé de répondre.

M. Cloutier croit que nous démontrons une réaction exagérée. Il a tenté de minimiser l’importance de cette situation, il ne semble pas en reconnaître le caractère sérieux.

M. Cloutier m’a demandé de lui faire parvenir par écrit mes questions. Ce que j’ai fait la même journée et lui ai demandé une réponse pour le lundi, 18 octobre 1999. […]

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

15 À la suite de la rencontre avec le fonctionnaire s’estimant lésé, Mme Beaupré lui a fait parvenir quatre questions par écrit (pièce E-6); elle se lisent comme suit :

[…]

1- à quel bureau as-tu fait parvenir un FAX concernant la pétition en utilisant l’équipement de l’employeur ? et à quelle personne ?

2- as-tu utilisé d’autres moyens de communication de l’employeur pour communiquer avec des employés concernant ce même sujet ?

3- s’il y a lieu, quelles ont été les instructions données à ces personnes concernant le matériel ?

4- à qui as-tu fait parvenir un courrier électronique qui contenait mon message du 17 septembre et bien entendu le tien qui n’avait pas été autorisé pour diffusion, étant en contravention de la convention collective et de la Loi sur les Relations de travail ? comment expliquer ces actions qui sont toutes contraires aux instructions que tu avais reçues ?

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

16 Le fonctionnaire s’estimant lésé a répondu ce qui suit à Mme Beaupré par courriel (pièce E-4) le 18 octobre 1999 :

[…]

Voici les réponses aux questions que vous m’avez adressées le 15 octobre dernier.

  1. Votre question, telle quelle, constitue de l’ingérence dans les affaires syndicales et d’y répondre me rendrait complice de votre infraction.
  2. À quels autres moyens de communication faites-vous ici référence?
  3. Votre question, telle quelle, constitue de l’ingérence dans les affaires syndicales et d’y répondre me rendrait complice de votre infraction.
  4. Votre question, telle quelle, constitue de l’ingérence dans les affaires syndicales et d’y répondre me rendrait complice de votre infraction.

Vos questions constituent de l’ingérence dans les affaires syndicales car l’organisation syndicale auquelle fait référence la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique est dans ce cas-ci l’Alliance de la fonction publique du Canada.

Nos membres sont d’abord membres de l’Alliance de la fonction publique car les Statuts de cette organisation prévalent sur tout autre Statut et règlement de ses différentes composantes.

Les directives que vous nous avez données ainsi que les questions auxquelles vous avez tenté de me forcer de répondre le 15 octobre dernier constituent de l’ingérence dans les affaires de l’Alliance de la fonction publique. Je me demandais par ailleurs si vous vous étiez assurée que vos directives étaient appliquées dans toutes les régions du Canada.

Je vous informe également que j’ai fait parvenir à la Directrice générale CIC région du Québec, une plainte formelle. À cet égard, mais également et entre autres sur la façon dont vous avez traité ce dossier depuis le début; notamment le ton et la teneur de vos propos et les circonstances entourant votre convocation du 15 octobre dernier.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

17 Mme Beaupré a expliqué qu’en ce qui a trait aux directives, elle ne voulait pas que l’employeur s’immisce dans les activités syndicales entourant la pétition syndicale en permettant l’utilisation de l’équipement de l’employeur, dont le télécopieur ou les ordinateurs pour la transmission de courriels. Comme elle avait donné des directives claires, elle considérait que le fonctionnaire s’estimant lésé aurait dû lui indiquer s’il avait utilisé de l’équipement de l’employeur.

18 Mme Beaupré a discuté de la situation avec les gestionnaires des relations de travail de l’employeur. Avec eux, elle a examiné diverses directives transmises aux employés notamment celle relative à utilisation de l’équipement (courriel, télécopieur) (pièce E-7) et le Code de conduite publié par l’employeur (pièce E-8), et les gestes posés par le fonctionnaire s’estimant lésé. Elle a conclu qu’une mesure disciplinaire devait être imposée.

19 Le 5 novembre 1999, lors d’une rencontre disciplinaire, on a remis au fonctionnaire s’estimant lésé une lettre relatant les événements et qui concluait qu’une suspension de trois jours lui serait imposée. Cette lettre a été signée par Mme Lamarre, directrice des Services intérieurs. Selon Mme Beaupré, la mesure disciplinaire tenait compte du dossier disciplinaire du fonctionnaire s’estimant lésé (pièce E-1).

20 En contre-interrogation, Mme Beaupré a expliqué que le syndicat représente des employés non seulement à Montréal mais dans d’autres villes. Elle voulait savoir si la pétition syndicale avait seulement été transmise et affichée aux bureaux de Gatineau (secteur Hull).

21 Quant à la convocation pour la rencontre du 15 octobre 1999 à 13 h, Mme Beaupré a indiqué que le fonctionnaire s’estimant lésé ne lui avait pas mentionné par téléphone qu’il ne se présenterait pas à la rencontre. Elle a compris du courriel de 11 h du fonctionnaire s’estimant lésé qu’il voulait des questions par écrit, mais elle pensait qu’il serait présent à la rencontre.

22 En 1999, Mme Frigon était directrice du Bureau de la citoyenneté et de l’immigration à l’aéroport de Montréal et à Gatineau (secteur Hull). C’est lors d’une visite à l’établissement de Gatineau (secteur Hull) qu’elle a vu la pétition syndicale affichée sur le tableau d’affiche de la cafeteria. Elle a obtenu de M. Yelle une copie du document de transmission par télécopieur (pièce E-5). Elle en a informé les gestionnaires du bureau de Montréal.

23 Mme Lamarre était directrice des Services intérieurs au bureau de Montréal depuis 1991. Le fonctionnaire s’estimant lésé était un de ses employés. Pour les questions relatives aux affaires syndicales, il était établi que lorsqu’il s’agissait de questions régionales, le syndicat s’adressait à Mme Beaupré.

24 Mme Lamarre a indiqué qu’il était difficile de gérer les absences du fonctionnaire s’estimant lésé. Elle avait de la difficulté à discuter avec lui de ses absences pour des activités syndicales. En 1998, elle lui a imposé une mesure disciplinaire (réprimande écrite), car il se serait absenté du travail pour une période d’environ deux heures.

25 Selon Mme Lamarre, le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas demandé l’autorisation et aurait refusé d’indiquer la nature de son absence. Il fut établi qu’il s’agissait d’une absence pour des affaires syndicales, tel que mentionné dans la mesure disciplinaire du 21 décembre 1998 (pièce E-11).

26 Mme Lamarre a souligné qu’il était difficile de communiquer avec le fonctionnaire s’estimant lésé. Quant à la mesure disciplinaire du 5 novembre 1999, la rencontre devait avoir lieu le 2 novembre 1999 mais n’avait pu se tenir que le 5 novembre 1999 (pièce E-12).

27 Mme Lamarre a noté que par la suite, il y a eu des modifications relativement à la représentation syndicale des intérêts du fonctionnaire s’estimant lésé. Il était représenté par Robert P. Morissette, selon une lettre de l’AFPC datée du 18 novembre 1999 (pièce E-9).

28 Le syndicat local, section 10 405 a été l’objet d’une mise en tutelle à compter du 3 novembre 1999 et les employés ont été avisés le 25 novembre 1999 (pièce E-10).

29 Mme Lamarre a ensuite témoigné sur des incidents postérieurs qui seront repris dans un autre dossier.

30 De son coté, le fonctionnaire s’estimant lésé a expliqué qu’il a été président du syndicat local depuis 1997 et qu’en 1997-1998, il avait des problèmes à se libérer pour préparer des griefs ou pour rencontrer les employés. Il a souligné qu’on accorde plus de temps de libération aux représentants du syndicat, au niveau régional (pièce F-25).

31 Quant à la pétition syndicale qu’il voulait distribuer en septembre 1999, le fonctionnaire s’estimant lésé a fait remarquer qu’il agissait à l’intérieur des structures syndicales de l’AFPC. Tout au long du processus, il a communiqué avec l’AFPC et a reçu une réponse de la vice-présidente exécutive régionale de l’AFPC pour le Québec (pièce F-2).

32 À la suite du refus de Mme Beaupré pour que le fonctionnaire s’estimant lésé puisse afficher ou transmettre par voie électronique la pétition syndicale, ce dernier a fait remarquer qu’il avait signé cette pétition syndicale à l’extérieur du bureau et en dehors des heures de travail. Même dans de telles circonstances, il a invoqué qu’il a été l’objet de remarques de la part des gestionnaires (pièce F-13).

33 Pour le fonctionnaire s’estimant lésé, il n’était pas question de communiquer avec l’ensemble des employés en utilisant l’équipement de l’employeur. C’est par hasard que quelqu’un lui a fait remarquer qu’il y avait un certain nombre d’employés à Gatineau (secteur Hull) qui n’avaient pas été informés. Il a donc expédié la pétition syndicale par télécopieur à un représentant syndical à Gatineau (secteur Hull). Il a ajouté la copie de la directive de l’employeur (pièce E-3).

34 Afin d’expliquer le contexte des événements reliés à l’incident de la pétition syndicale, le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé une copie des notes produites dans sa plainte de pratique déloyale (pièce F-16). Il a souligné que le 15 octobre 1999, il devait représenter une employée à 13 h 30. Selon lui, il avait indiqué qu’il ne pourrait être présent à cette rencontre. C’est pourquoi il a demandé à la gestionnaire qu’elle lui envoie ses questions par écrit. Il y eu plusieurs échanges de courriels jusqu’à ce qu’il ait été convoqué pour la remise de la mesure disciplinaire du 5 novembre 1999 (pièces F-19 et F-20).

35 Le fonctionnaire s’estimant lésé a considéré qu’il lui avait été difficile de répondre aux questions de l’employeur sur l’envoi de la pétition syndicale, car il s’agissait là d’affaires syndicales dans lesquelles, selon lui, l’employeur ne devait pas s’ingérer.

Résumé de l’argumentation

36 L’employeur a fait remarquer que la gestionnaire a pesé le pour et le contre avant de refuser la transmission par voie électronique ou la distribution sur les lieux de travail de la pétition syndicale. Il s’agissait du retrait d’une structure syndicale. L’employeur aurait pu être sollicité par d’autres représentants syndicaux pour diffuser des documents recommandant le maintien des liens structuraux. L’employeur se serait senti engagé dans une lutte syndicale.

37 Une fois la directive communiquée au fonctionnaire s’estimant lésé, il se devait de la suivre. S’il croyait qu’une telle directive était illégale, il se devait d’en débattre par la voie d’un grief.

38 Il existe une politique sur l’utilisation du courrier électronique et les employés doivent s’y conformer (pièce E-7).

39 Il a été établi que le fonctionnaire s’estimant lésé s’était servi d’équipement de l’employeur pour transmettre une pétition syndicale à Gatineau (secteur Hull). Lorsqu’il a été questionné à ce sujet, il a refusé de répondre et n’a pas collaboré à clarifier la situation.

40 Ce n’était pas la première fois que le fonctionnaire s’estimant lésé agissait sans informer l’employeur de ses périodes d’absences (réprimande en 1998) et qu’il refusait de collaborer afin de clarifier l’utilisation de son temps ou sur ses faits et gestes. L’employeur était donc justifié d’imposer une sanction disciplinaire, soit une suspension de trois jours.

41 De son coté, le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu que dans les faits, il avait respecté la directive de l’employeur. La pétition syndicale a été distribuée à l’extérieur du bureau. La transmission d’une copie de la pétition syndicale à Gatineau (secteur Hull) était un incident particulier. Il ne s’agissait là que d’un seul envoi et il avait pensé joindre la directive de la gestionnaire.

Motifs

42 Il n’y a pas lieu de débattre ici la légalité ou non de la directive donnée par la gestionnaire quant à la non diffusion de la pétition syndicale en utilisant l’équipement de l’employeur. Il est vrai que le sens de la pétition syndicale se réfère au retrait de la section locale 10 405 de la structure régionale du SEIC tout en demeurant reliée à la structure nationale de l’AFPC.

43 Cependant, la légalité ou non du refus n’est pas remise en question dans le présent grief. Le fonctionnaire s’estimant lésé, en tant que président local, avait demandé l’autorisation de diffuser la pétition syndicale et l’employeur avait refusé.

44 Le fonctionnaire s’estimant lésé, dans l’ensemble, a respecté la décision de l’employeur. La pétition syndicale a été présentée aux employés à l’extérieur du bureau et hors des heures de travail.

45 L’incident survenu dans les bureaux de Gatineau (secteur Hull) doit être considéré comme un fait isolé.

46 L’employeur se questionne sur le fait que la pétition syndicale a été affichée dans la cafétéria des bureaux de Gatineau (secteur Hull) et qu’elle a été transmise par télécopieur. Le fonctionnaire s’estimant lésé a pensé joindre la directive de l’employeur (pièces E-2 et E-3) interdisant la diffusion par voie de courrier électronique à l’ensemble des fonctionnaires.

47 En aucun temps la preuve n’a démontré que le fonctionnaire s’estimant lésé avait incité un employé de Gatineau (secteur Hull) à ne pas respecter la directive de l’employeur. L’employeur juge que l’envoi de la pétition syndicale par télécopieur a incité cet employé de Gatineau (secteur Hull) à l’afficher. On ne peut accuser le fonctionnaire s’estimant lésé d’être l’instigateur d’un tel affichage simplement par association. Il était possible pour l’employeur d’assigner l’employé de Gatineau (secteur Hull), M. Yelle, pour qu’il donne sa version des faits. L’arbitre de grief aurait apprécié le témoignage de cet employé et, lors de l’audience, aurait vérifié s’il avait été incité à ne pas respecter les directives de l’employeur.

48 En définitive, relativement à la transmission de la pétition syndicale, ce qu’on peut reprocher au fonctionnaire s’estimant lésé c’est d’avoir expédié une copie de la pétition syndicale par télécopieur. Sur ce point, l’employeur a fait référence à la note de service du 12 décembre 1996 (pièce E-7) relativement à l’utilisation des moyens de communications de l’employeur. Cette note indique notamment ce qui suit :

[…]

En outre, les employ és qui utilisent le système à d’autres fins que celles prévues pourraient faire l’objet de mesures disciplinaires ou autres. La direction a fait enquête sur les récents cas d’abus du système et a pris des mesures disciplinaires contre les employés qui n’avaient pas tenu compte de la politique de CIC sur l’utilisation du courrier électronique.

[…]

49 Il appert que ce qu’on veut sanctionner c’est l’usage abusif ou répétitif. Dans le présent cas, cet élément m’incite à atténuer la gravité ou le geste posé par le fonctionnaire s’estimant lésé.

50 Cependant, dans le contexte où le fonctionnaire s’estimant lésé s’était vu refuser d’utiliser l’équipement de l’employeur, il aurait dû agir avec prudence avant d’utiliser le télécopieur même s’il s’agit de la transmission d’un document à un seul employé travaillant à Gatineau (secteur Hull).

51 Je note aussi que le fonctionnaire s’estimant lésé, lorsqu’il fut convoqué pour expliquer son geste, a soulevé les questions d’ingérence dans les affaires syndicales et a fourni peu d’explications.

52 En définitive, les questions de l’employeur portaient sur des faits qui ont été portés à son attention par le fonctionnaire s’estimant lésé lui-même, soit la transmission d’une pétition syndicale.

53 L’employeur a invoqué qu’en 1998, il avait déjà réprimandé le fonctionnaire s’estimant lésé parce qu’il s’absentait sans prévenir. L’employeur a souligné que le fonctionnaire s’estimant lésé était réticent à préciser la nature de ses absences.

54 Tenant compte des facteurs atténuants et des récidives pour ce qui est du comportement du fonctionnaire s’estimant lésé, je crois qu’une sanction disciplinaire de trois jours de suspension est disproportionnée et je ramène cette sanction à une journée de suspension.

55 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

56 Le grief est accueilli en partie et la sanction disciplinaire imposée au fonctionnaire s’estimant lésé est réduite à une journée. L’employeur doit rembourser au fonctionnaire s’estimant lésé les montants équivalents à deux jours de traitement et les avantages appropriés.

Le 19 avril 2007.

Jean-Pierre Tessier,
arbitre de grief

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.