Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé un congé payé pour rédiger une plainte qu’il voulait déposer auprès de la Commission - l’employeur lui a refusé ce congé - l’arbitre de grief a conclu que la stipulation de la convention collective prévoyant un congé pour le dépôt d’une plainte s’appliquait aussi à la rédaction d’une telle plainte. Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-05-18
  • Dossier:  166-02-36339
  • Référence:  2007 CRTFP 54

Devant un arbitre de grief


ENTRE

SIMON CLOUTIER

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

employeur

Répertorié
Cloutier c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Jean-Pierre Tessier, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Michel Morissette, avocat

Pour l'employeur:
Raymond Piché, avocat

Affaire entendue à Montréal (Québec),
du 23 au 26 janvier et du 10 au 13 juillet 2006.

Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Simon Cloutier (le « fonctionnaire s'estimant lésé ») travaille au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration et occupe un poste classifié aux groupe et niveau PM-03. Le 9 mai 2003, il a demandé un congé payé pour présenter une plainte à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») et une confirmation qu'aucun congé payé ne lui serait accordé pour la préparation d'une audience devant la Commission le 26 mai 2003. L'employeur a refusé la demande de congé et a confirmé qu'aucun congé ne serait accordé pour la préparation de l'audience.

2 Le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté un grief le 9 juin 2003, contestant le refus de l'employeur de lui accorder un congé payé pour présenter une plainte à la Commission.

3 Le grief a été renvoyé à l'arbitrage le 30 juin 2005. Les parties n'étaient pas disponibles aux fins d'audience avant janvier 2006.

4 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

Résumé de la preuve

5 Le fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué qu'il a demandé un congé le 9 mai 2003, par courriel. Ce courriel est libellé comme suit (pièce E-21) :

[…]

En l'absence de Julie Thibodeau, je vous transmet [sic] les demandes suivantes.

Je désire bénéficier de temps dans le but de présenter une nouvelle plainte à la Commission des relations de travail dans la fonction publique.

Je voudrais de plus que vous me confirmiez qu'aucun congé payé ne me sera accordé pour la préparation de l'audition qui aura lieu le 26 mai prochain.

[…]

6 Le fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué que Julie Thibodeau, sa superviseure, lui avait refusé un congé. Le 22 mai 2003, il a reçu une confirmation de ce refus par courriel (pièce F-8). Ce courriel se lit comme suit :

[…]

J'ai vérifié avec les Ressources Humaines plus précisement à Dominique Nadeau et il me confirme que suite à une discution ou un message de Dianne Clément le 09 mai 2003 qui te disait que la convention collective et l'Administration ne prévoient pas de temps pour la préparation à une audition devant la commission des relations de travail dans la fonction publique.
Je ne peux donc pas accordé un tel congé. Par contre si tu veux me soumettre une demande de congé annuel temps compensatoire si tu possède les crédits je me ferai un plaisir de te les accordés.

[…]

[Sic pour l'ensemble de la citation]

7 En contre-interrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé a admis qu'il n'a pas indiqué la durée du congé qu'il souhaitait obtenir et a spécifié qu'il voulait présenter à la Commission une plainte contre son agent négociateur.

Résumé de l'argumentation

8 Le fonctionnaire s'estimant lésé a soutenu que l'article 14 de la convention collective signée par le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada le 19 novembre 2001 pour l'unité de négociation du groupe Services des programmes et de l'administration (la « convention collective ») lui donne droit à un congé pour déposer une plainte devant la Commission.

9 L'employeur a soutenu que la stipulation 14.01 de la convention collective ne prévoit aucun congé après que la plainte a été déposée et que le refus d'accorder un congé pour la préparation à une audience devant la Commission était conforme aux stipulations de l'article 14 de la convention collective.

Motifs

10 La preuve présentée lors de l'audience ne permet pas d'établir avec précision si le refus de l'employeur portait sur le dépôt d'une plainte à la Commission ou sur la préparation à une audience. Dans sa réponse au premier palier de la procédure applicable aux griefs, l'employeur a indiqué que la « […] convention collective […] ne prévoit pas de congé payé ou non payé pour rédiger ou transmettre une plainte à la Commission […] ». Par contre, dans sa réponse au dernier palier, l'employeur a souligné que la convention collective ne prévoit pas de congé pour présenter une plainte et pour préparer l'audience d'une plainte devant la Commission.

11 La stipulation 14.01 de la convention collective se lit comme suit :

14.01 Lorsque les nécessités du service le permettent, l'Employeur accorde un congé payé :

a)à l'employé-e qui dépose une plainte en son propre nom devant la Commission des relations    de travail dans la fonction publique,

   et

b)à l'employé-e qui intervient au nom d'un employé-e ou de l'Alliance qui dépose une plainte.

12 À mon sens, le libellé de la stipulation 14.01a) de la convention collective est clair et parle du dépôt d'une plainte.Pour qu'un fonctionnaire puisse déposer une plainte, il faut qu'elle soit rédigée.La stipulation 14.01 accorde un avantage au fonctionnaire s'estimant lésé. Elle doit, à mon avis, être interprétée de façon à ce qu'en pratique, il obtienne cet avantage.Je considère que l'employeur pouvait refuser d'accorder un congé au fonctionnaire s'estimant lésé afin que ce dernier se prépare à une audience, mais qu'il devait lui accorder un congé pour rédiger et déposer une plainte auprès de la Commission si les nécessités du service le permettaient.

13 Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas précisé la durée du congé qu'il voulait obtenir. Il n'a pas non plus établi que les nécessités du service permettaient la prise d'un congé. Je ne peux donc évaluer le préjudice qu'il a subi.

14 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

15 Je déclare que l'employeur a mal interprété la stipulation 14.01a) de la convention collective en refusant au fonctionnaire s'estimant lésé un congé payé pour rédiger et déposer une plainte auprès de la Commission.

Le 18 mai 2007.

Jean-Pierre Tessier,
arbitre de grief

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