Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé travaillait de 9 h 30 à 18 h - l’employeur considérait qu’il avait un problème d’assiduité - aucun gestionnaire ne travaillait après 17 h - l’employeur a demandé au fonctionnaire s’estimant lésé de modifier son horaire pour finir à 17 h, pour pouvoir surveiller sa présence au travail - le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté la restriction imposée à son horaire de travail - la convention collective prévoit que, sous réserve des nécessités du service, un employé peut travailler un horaire mobile entre 7 h et 18 h - l’arbitre de grief a conclu que les restrictions imposées à l’horaire de travail du fonctionnaire s’estimant lésé n’étaient pas justifiées par les nécessités du service - le fonctionnaire s’estimant lésé avait droit de travailler selon un << horaire mobile >>. Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-05-09
  • Dossier:  166-02-36345
  • Référence:  2007 CRTFP 46

Devant un arbitre de grief


ENTRE

SIMON CLOUTIER

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

employeur

Répertorié
Cloutier c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Jean-Pierre Tessier, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Michel Morissette, avocat

Pour l'employeur:
Raymond Piché, avocat

Affaire entendue à Montréal (Québec),
du 23 au 26 janvier et du 10 au 13 juillet 2006.

Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Simon Cloutier (le « fonctionnaire s’estimant lésé ») travaille au ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration et occupe un poste classifié aux groupe et niveau PM‑03. Il est revenu au travail le 3 mai 2003 après une absence de plusieurs mois. Le 9 juin 2003, il a présenté un grief contestant le fait que l’employeur lui a imposé un horaire de travail qui contreviendrait à l’article 25 de la convention collection signée par le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada le 19 novembre 2001 pour l’unité de négociation du groupe Services des programmes et de l’administration (la « convention collective »).

2 Le fonctionnaire s'estimant lésé a libellé son grief comme suit :

[…]

Je conteste l’inconsistance, sur le temps de travail, de mon horaire de travail imposé qui fait une distinction à mon endroit par rapport à mes collègues, et qui constitue de l’intimidation.

[…]

Que l’employeur m’accorde le même traitement que celui accordé à mes collègues.

Que cesse cette intimidation et distinction.

Que je sois compensé pour les dommages subis.

[…]

3 Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 30 juin 2005. Les parties n’étaient pas disponibles aux fins d’audience avant janvier 2006.

4 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

Résumé de la preuve

5 Le fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué que ses conditions de travail prévoient qu’un employé peut demander à travailler selon un horaire de travail mobile allant de 7 h à 18 h.

6 Avant 2003, le fonctionnaire s'estimant lésé travaillait de 9 h 30 à 18 h. À son retour au travail en mai 2003, Julie Thibodeau, sa superviseure, lui a demandé de choisir un horaire de travail qui n’excédait pas 17 h. Compte tenu de cette exigence de terminer vers 17 h, le fonctionnaire s'estimant lésé n’avait d’autre choix que de commencer sa journée vers 8 h 30.

7 Environ 12 fonctionnaires font le même travail que le fonctionnaire s'estimant lésé. La plupart d’entre eux commencent à travailler vers 7 h 30 et terminent vers 15 h 30, mais d’autres commencent plus tard et terminent vers 18 h.

8 Le fonctionnaire s'estimant lésé a discuté des horaires de travail avec Mme Thibodeau. Elle lui a indiqué qu’elle savait qu’il avait des problèmes d’assiduité et d’absence et qu’elle préférait qu’il termine vers 17 h ou 17 h 10 alors qu’il y a encore des gestionnaires présents sur les lieux du travail. Mme Thibodeau a aussi indiqué au fonctionnaire s'estimant lésé qu’en juin 2003, il devait suivre des cours de formation, lors de certaines journées, pendant deux semaines et que ces cours débutaient à 8 h 30.

9 Le fonctionnaire s'estimant lésé a confirmé qu’il avait déjà eu à suivre des cours de formation alors qu’il avait un horaire qui débutait à 9 h 30. Lors des journées de formation, il débutait à 8 h 30. Il en était de même lors des journées de la rencontre des employés; il devait alors commencer à 8 h 30.

10 Le fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué que ce n’est qu’au début du mois de juillet 2003 que la restriction de ne pas excéder 17 h a été levée. Cependant, il a été licencié le 8 juillet 2003.

11 Mme Thibodeau a déclaré qu’elle avait discuté de l’horaire de travail avec le fonctionnaire s'estimant lésé en mai 2003. Elle ne l’avait jamais supervisé auparavant et elle voulait se donner une certaine période pour évaluer s’il était assidu au travail.

12 Mme Thibodeau a dit avoir discuté de cette question avec Dianne Clément, la directrice du Centre d’immigration du Canada où travaillait le fonctionnaire s'estimant lésé, et que cette dernière était d’accord pour que l’horaire de travail du fonctionnaire s'estimant lésé n’excède pas 17 h, car il avait eu des problèmes d’assiduité. Mmes Clément et Thibodeau ont conclu qu’il était important de vérifier si le fonctionnaire s'estimant lésé était à son poste de travail et respectait l’horaire de travail.

13 Mme Thibodeau a indiqué qu’à l’époque, il y avait deux superviseurs en plus de la directrice. L’autre superviseur débutait à 8 h 30 et quittait vers 15 h 30. La directrice quittait vers 17 h ou 17 h 15 et elle‑même, vers 17 h. Il n’y avait donc aucun gestionnaire après 17 h.

14 L’horaire de travail imposé au fonctionnaire s'estimant lésé n’était que temporaire. Il a cessé environ à la fin du mois de juin ou au début juillet 2003.

Résumé de l’argumentation

15 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a souligné que les stipulations de la convention collective relatives à l’horaire de travail font référence à la notion de nécessité du service. La stipulation 25.08 de la convention collective se lit comme suit :

25.08 Horaire mobile

Sous réserve des nécessités du service, l’employé-e qui travaille de jour a le droit de demander de travailler selon un horaire mobile allant de 7 h à 18 h, aux heures que l’employé-e choisit, et cette demande ne peut être refusée sans motif valable.

16 Selon le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé, l’employeur n’a pas de raison d’exiger qu’il termine à 17 h. Par le passé, le fonctionnaire s'estimant lésé terminait de travailler vers 18 h. Il y aurait d’autres moyens de vérifier si le fonctionnaire s'estimant lésé quitte à l’heure, notamment par les cartes de sécurité installées aux portes d’entrée.

17 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a fait référence à des décisions traitant de la notion de nécessité du service.

18 Dans Canada (Procureur général) c. Degaris, [1994] 1 C.F. 374 (1re inst.), la Cour fédérale a confirmé la décision d’un arbitre de grief qui avait interprété la notion de nécessité du service. L’arbitre de grief avait décidé comme suit :

[…]

[…] L’employeur ne peut invoquer les nécessités du service pour refuser à un fonctionnaire un avantage que lui garantit la convention collective que s’il se trouve, bien malgré lui, à court de personnel au point de ne pouvoir assurer à la clientèle le service qui lui revient. […]

[…]

La Cour fédérale s’est prononcée comme suit :

[…]

[…] L’interprétation que l’arbitre a donnée à l’expression « nécessités du service » pouvait non seulement être étayée par le libellé de la convention, mais c’était aussi l’interprétation juste et la meilleure interprétation, de nombreux arbitres ayant dit la même chose dans des affaires antérieures.

[…]

19 Dans Syndicat des policiers de Chicoutimi Inc. c. Corporation municipale de la ville de Chicoutimi (19970505), AZ‑97142076 (Soquij), 960604‑003 (T.A. Qué.), l’arbitre qui interprétait la notion de nécessité du service a décidé comme suit :

[…]

En un mot comme en mille, l’employeur a démontré que l’application de l’horaire d’été est susceptible de poser à l’occasion des problèmes mineurs de gestion, des ennuis et des inconvénients pour la direction. Il peut arriver par exemple, qu’on demande parfois à un patrouilleur de remplacer le préposé à l’accueil durant le temps de repas de ce dernier. Des tâches moins urgentes peuvent être reportées parfois à plus tard. Mais fondamentalement, la ville n’a pas prouvé que l’application de l’horaire d’été à l’époque pertinente aurait empêché son service de police de fonctionner avec une efficacité raisonnable.

[…]

20 De son côté, l’employeur a soutenu que la nécessité du service devait être évaluée par la gestion. La gestion doit considérer le service à la clientèle et la production, mais cela englobe également la gestion du personnel.

21 Selon l’employeur, les décisions Tisdelle c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166‑02‑14712 (19860224), et Richer c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Impôt), dossiers de la CRTFP 166‑02‑10880 à 10883 (19830808), établissent le droit de l’employeur de s’assurer que l’horaire de travail respecte les exigences du service, sans le soustraire à son obligation de justifier par des motifs valables le refus d’accepter un horaire.

22 Selon l’employeur, les gestionnaires avaient des motifs valables de fixer l’horaire de travail du fonctionnaire s'estimant lésé. Cet horaire était temporaire.

Motifs

23 Mme Thibodeau a témoigné avoir discuté avec Mme Clément de l’horaire de travail du fonctionnaire s'estimant lésé et qu’elles en étaient venues à la conclusion qu’il fallait observer ce dernier pendant quelques semaines pour voir s’il respectait son temps de présence au travail, compte tenu de ses manquements antérieurs. Mme Thibodeau a indiqué que l’horaire de travail de Mme Clément et des deux superviseurs ne permettait pas d’assurer la présence d’un gestionnaire après 17 h.

24 Je suis d’avis, cependant, tel que l’a souligné le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé, que le manque de gestionnaire après 17 h n’est pas une raison valable pour refuser d’accorder un horaire mobile au fonctionnaire s’estimant lésé. L’employeur n’a pas démontré que les nécessités du service étaient telles qu’il ne pouvait permettre au fonctionnaire s'estimant lésé de travailler de 9 h 30 à 18 h.

25 De plus, la preuve a démontré que, dans le passé, l’horaire de travail du fonctionnaire s’estimant lésé avait été modifié de façon ponctuelle pour répondre à des besoins spécifiques. Le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné qu’il s’était présenté au travail à 8 h 30, pour des rencontres de personnel ou pour suivre de la formation, alors que son horaire normal était de 9 h 30 à 17 h.

26 Je crois que les gestionnaires ont agi de bonne foi en voulant fixer au fonctionnaire s'estimant lésé un horaire de travail n’excédant pas 17 h. La preuve ne m’a pas démontré que leur décision avait pour but d’intimider le fonctionnaire s’estimant lésé ou d’opérer une distinction à son endroit. Cependant, les restrictions imposées à son horaire de travail n’étaient pas justifiées par les nécessités du service. L’employeur aurait dû permettre au fonctionnaire s'estimant lésé de bénéficier de l’horaire mobile prévu à la convention collective.

27 Le fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué que la restriction de ne pas travailler après 17 h a été levée au début de juillet 2003. La courte période de temps pendant laquelle l’horaire mobile lui a été refusé et la nécessité pour le fonctionnaire s'estimant lésé de suivre des cours de formation qui débutaient à 8 h 30 en juin 2003 m’indiquent qu’il n’a pas souffert de cette restriction de façon importante. De plus, aucune preuve de dommages en découlant ne m’a été présentée.

28 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

29 Je déclare que l’employeur a contrevenu à la stipulation 25.08 de la convention collective.

Le 11 mai 2007.

Jean-Pierre Tessier,
arbitre de grief

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