Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a contesté son licenciement - elle ne s’est pas présentée à l’audience d’arbitrage de grief aux dates qui avaient initialement été fixées, ni aux nouvelles dates - à ces nouvelles dates, le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a demandé un report indéfini - cinq années s’étaient alors écoulées depuis que la fonctionnaire s’estimant lésée avait été licenciée - l’arbitre de grief a conclu qu’elle n’avait pas invoqué de raisons convaincantes pour ne pas s’être présentée à l’audience - il a déterminé que le préjudice qui serait causé à l’employeur en accordant un report serait plus grand que celui qui serait causé à la fonctionnaire s’estimant lésée s’il n’en accordait pas - l’arbitre de grief a également déterminé que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas contribué à l’administration efficiente du processus d’arbitrage de grief et a conclu qu’elle avait abandonné son grief. Demande de report rejetée. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-04-25
  • Dossier:  166-02-31387
  • Référence:  2007 CRTFP 39

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ERICKA R. FLETCHER

fonctionnaire s’estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

employeur

Répertorié
Fletcher c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

Affaire concernant un grief renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Dan Butler, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée:
Daniel Fisher, Alliance la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Mark Sullivan, Secrétariat du Conseil du Trésor, et Adrian Bieniasiewicz, avocat

Affaire entendue à Toronto (Ontario),
le 6 février 2007.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

I. Grief renvoyé à l’arbitrage

1 Le 25 mars 2002, Ericka R. Fletcher (« la fonctionnaire s’estimant lésée ») a déposé un grief pour contester son licenciement, qui lui a été annoncé dans une lettre datée du 8 mars 2002. Lorsqu’elle a reçu la lettre, la fonctionnaire s’estimant lésée occupait un poste du groupe et niveau CR-05 au sein de l’organisme qui portait à l’époque le nom de Développement des ressources humaines Canada, à Toronto (Ontario). À titre de mesure corrective, la fonctionnaire s’estimant lésée a demandé à être réintégrée au même groupe et niveau et à être indemnisée intégralement.

2 Le grief de la fonctionnaire s’estimant lésée ayant été rejeté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le représentant de celle­ci a renvoyé l’affaire à l’arbitrage en vertu de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (l’ancienne LRTFP), L.R.C. (1985), ch. P­35, le 18 juillet 2002. Le même jour, le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a demandé à l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (« l’ancienne CRTFP ») de suspendre le renvoi à l’arbitrage en attendant une décision de la Commission canadienne des droits de la personne (« la CCDP ») relative à une plainte déposée par la fonctionnaire s’estimant lésée en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP), L.R.C, (1985), ch. H­6. L’ancienne CRTFP a acquiescé à la demande.

3 En plusieurs occasions subséquentes, en 2003 et 2004, le personnel de l’ancienne CRTFP a écrit au représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée pour procéder à la mise à jour du dossier. Les réponses du représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée indiquaient que des pourparlers menant à un règlement étaient en cours. Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée s’est engagé à aviser l’ancienne CRTFP une fois les modalités du règlement fixées.

4 Le 25 août 2004, l’employeur a écrit à l’ancienne CRTFP et lui a fourni une copie de la décision de la CCDP, qui rejetait la plainte de la fonctionnaire s’estimant lésée au motif que [traduction] « […] rien ne prouvait les allégations de la plaignante ». L’employeur a affirmé que, les mécanismes de redressement prévus par la LCDP étant épuisés, et la CCDP n’ayant pas exigé que la fonctionnaire s’estimant lésée épuise la procédure de règlement des griefs, la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas le droit de présenter un grief en vertu de l’article 91 de l’ancienne LRTFP. L’employeur a exprimé l’avis que, par conséquent, un arbitre de grief n’avait pas compétence en l’espèce. L’employeur a demandé que l’ancienne CRTFP rejette le renvoi à l’arbitrage sans la tenue d’une audience, pour défaut de compétence.

5 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a écrit à l’ancienne CRTFP le 7 septembre 2004, affirmant que les articles 91 et 92 de l’ancienne LRTFP permettaient le dépôt d’un grief relatif à des motifs de discrimination non illicites. Il a affirmé que [traduction] « […] la portée du grief est désormais limitée à la définition de motifs de discrimination non illicites ». Il a demandé à l’ancienne CRTFP de convoquer une audience préliminaire pour examiner la question relative à la compétence soulevée par l’employeur.

6 L’ancienne CRTFP a fixé une audience du 12 au 14 janvier 2005 qui porterait principalement sur la question relative à la compétence. À la suite d’une demande subséquente du représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée qui n’a pas été contestée par l’employeur, l’ancienne CRTFP a accepté de reporter l’audience et a fixé de nouvelles dates, soit du 21 au 24 mars 2005. Plusieurs semaines avant ces dates, le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a avisé l’ancienne CRTFP que les deux parties avaient convenu qu’il devrait y avoir un autre report et que l’ancienne CRTFP ne devrait pas [traduction] « […] fixer de nouveau une date d’audience, étant donné que les parties étaient en voie de convenir d’un règlement […] ». La CRTFP a acquiescé à la demande de report.

7 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique (LMFP), L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la LMFP, ce renvoi à l’arbitrage de grief doit être décidé conformément à l’ancienne LRTFP.

8 N’ayant reçu aucun avis des parties concernant un règlement, le président de la nouvelle Commission des relations de travail dans la fonction publique (la nouvelle CRTFP) a établi que l’audience d’arbitrage aurait lieu du 27 au 30 juin 2005. À la fin de mai 2005, les parties ont conjointement demandé que les dates prévues pour l’audience d’arbitrage soient utilisées pour explorer la possibilité d’un règlement par voie de médiation. Le président a accepté de reporter l’audience et a nommé un médiateur pour aider les parties.

9 Je note que le dossier contient une lettre manuscrite envoyée directement au personnel de la nouvelle CRTFP par la fonctionnaire s’estimant lésée. La lettre est datée du 27 juin 2005 et se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

[…] Je ne me souviens pas d’avoir communiqué avec vos bureaux par téléphone ou par écrit. Je n’ai jamais déposé de plainte ni reçu d’avis écrit de la Commission canadienne des droits de la personne.

Étant donné que je n’ai reçu aucun avis écrit de la part de votre organisme, la Commission des relations de travail, je vous informe que je ne serai pas présente du 27 au 30 juin 2005 […]

[…]

10 La médiation a eu lieu le 28 juin 2005 en l’absence de la fonctionnaire s’estimant lésée. La médiatrice a signalé au président que le grief n’avait pas été réglé pendant la séance et qu’elle comprenait que les options relatives au règlement seraient présentées ultérieurement à la fonctionnaire s’estimant lésée pour qu’elle les examine.

11 Le 11 janvier 2006, le personnel de la nouvelle CRTFP a écrit au représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée pour demander une mise à jour sur l’état d’avancement du dossier, à la suite de la séance de médiation qui avait eu lieu six mois plus tôt. Le personnel de la nouvelle CRTFP a envoyé une autre lettre le 8 mars 2006 pour signaler que le président fixerait une nouvelle date d’audience si le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée ne clarifiait pas l’état de l’affaire avant le 23 mars 2006. À la suite d’une demande subséquente du représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée, le président a accepté de prolonger jusqu’au 21 avril 2006 le délai fixé pour la réponse. Le 19 avril 2006, le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a demandé que le président fixe une audience au moment qui lui [traduction] « […] conviendrait le mieux ». Un avis annonçant la tenue d’une audience du 10 au 13 juillet 2006 a dûment été envoyé aux parties par le personnel de la nouvelle CRTFP.

12 La fonctionnaire s’estimant lésée ne s’est pas présentée le 10 juillet 2006. Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a affirmé à l’arbitre de grief que la fonctionnaire s’estimant lésée ne l’avait pas avisé de son absence et qu’elle ne lui avait pas transmis de directives lui permettant de formuler des observations en son absence.

13 Le personnel de la nouvelle CRTFP a écrit à la fonctionnaire s’estimant lésée le 21 juillet 2006 en lui demandant de confirmer, avant le 11 septembre 2006, son intention de poursuivre son grief. La lettre indiquait que le grief pourrait être rejeté et le dossier, clos, si une réponse de la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas reçue avant la date fixée.

14 La fonctionnaire s’estimant lésée a répondu au personnel de la nouvelle CRTFP le 11 septembre 2006. Sa réponse se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

[…] Je suis étonnée par la teneur de votre lettre, dans les circonstances. Aucun changement n’a été apporté aux renseignements transmis il y a bon nombre d’années. Je n’ai pas renoncé à mes plaintes relatives aux droits de la personne ni au grief déposé par [mon agent négociateur] […]

[…]

En réponse, l’employeur a indiqué qu’il était prêt à ce que l’affaire soit traitée sur le fond (lettre du 22 septembre 2006).

15 Le 29 septembre 2006, le personnel de la nouvelle CRTFP a écrit aux parties et a proposé des dates pour une nouvelle audience. La lettre se terminait par une mention selon laquelle [traduction] « […] [l’agent du greffe signataire] avait été chargé […] d’aviser les parties que, si la fonctionnaire s’estimant lésée ne se présentait pas à la nouvelle audience, le grief serait rejeté et le dossier, clos ». Une copie de la lettre a été envoyée à la fonctionnaire s’estimant lésée par courrier recommandé. Postes Canada a par la suite transmis au personnel de la nouvelle CRTFP un reçu signé et daté du 3 octobre 2006 confirmant la livraison de l’avis à la fonctionnaire s’estimant lésée.

16 Ayant reçu les commentaires de l’employeur et du représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée quant aux dates d’audience proposées, le président a fixé la date de la nouvelle audience à la période du 6 au 9 février 2007. La correspondance du personnel de la nouvelle CRTFP à cet égard, datée du 20 octobre 2006, indique que [traduction] « […] si la fonctionnaire s’estimant lésée ne se présente pas à la nouvelle audience, le grief sera rejeté et le dossier, clos ». Une copie de l’avis a été envoyée à la fonctionnaire s’estimant lésée par courrier recommandé. Postes Canada a par la suite transmis à la nouvelle CRTFP un reçu signé et daté du 26 octobre 2006 confirmant la livraison de l’avis à la fonctionnaire s’estimant lésée.

17 Conformément à la pratique habituelle, le personnel de la nouvelle CRTFP a envoyé un avis d’audience officiel à l’employeur et au représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée le 14 décembre 2006. L’avis contenait le paragraphe suivant :

[Traduction]

[…]

[…] VEUILLEZ ÉGALEMENT NOTER qu’à défaut par vous de comparaître à l’audience ou à toute reprise d’audience éventuelle, l’arbitre de grief peut statuer sur la question au vu de la preuve et des observations qui lui seront alors présentées sans vous adresser de nouvel avis […]

[…]

18 Le 2 février 2007, quatre jours avant l’audience, le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a écrit au personnel de la nouvelle CRTFP ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] hier après­midi, le syndicat a été avisé, par une tierce partie, que Ericka Fletcher ne sera pas présente à la prochaine audience d’arbitrage, qui devrait commencer le 6 février 2007, en raison de « circonstances indépendantes de sa volonté ». Veuillez noter que le syndicat s’efforce de connaître les raisons de l’absence de la fonctionnaire s’estimant lésée.

Étant donné que la fonctionnaire s’estimant lésée sera absente, le syndicat demande un report de l’audience. Le syndicat comprend que l’employeur s’oppose à toute demande de report.

Advenant que la CRTFP ordonne aux parties de procéder et que la fonctionnaire s’estimant lésée ne se présente pas, le syndicat renouvellera de nouveau sa demande de report. De plus, le syndicat entend présenter une requête visant à ce que l’affaire soit suspendue indéfiniment en attente d’un règlement ou d’une confirmation de la présence de la fonctionnaire s’estimant lésée à l’audience […]

[…]

19 L’employeur a répondu à la demande du représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée de la manière suivante :

[Traduction]

[…]

[…] Dans une lettre datée du 20 octobre 2006, la Commission a informé les parties qu’une audience se déroulerait du 6 au 9 février 2007, à Toronto. La lettre réitérait aussi que, [traduction] « […] si la fonctionnaire s’estimant lésée ne se présente pas à la nouvelle audience, le grief sera rejeté et le dossier, clos ». L’avis d’audience officiel est daté du 14 décembre 2006. Depuis cette date, ni l’agent négociateur ni la fonctionnaire s’estimant lésée n’ont indiqué que la date prévue pour l’audience posait problème.

De plus, la lettre de M. Fisher ne contient aucune explication raisonnable justifiant la demande d’un report indéfini du règlement de cette affaire.

Il importe également de noter que des pourparlers visant un règlement ne sont ni en cours ni envisagés.

En l’absence de circonstances atténuantes majeures, l’affaire devrait être traitée comme prévu, et si la fonctionnaire s’estimant lésée ne se présente pas, l’affaire devrait être rejetée, conformément aux avis antérieurs de la Commission […]

[…]

20 Le président a rejeté la demande de report le 2 février 2007 et a signalé aux parties que [traduction] « […] l’arbitre de grief désigné peut entendre toute autre requête et statuer sur celle-ci au début de l’audience ».

II. Questions préliminaires

21 Dès le début de l’audience, le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a confirmé que la fonctionnaire s’estimant lésée était absente. En son nom, il a demandé que l’audience soit reportée indéfiniment. L’employeur a contesté la demande en soutenant que je devrais rejeter le grief parce que la fonctionnaire s’estimant lésée l’a abandonné.

22 J’ai reçu les observations des parties et j’ai mis ma décision en délibéré, reportant l’audience sur le fond du grief. J’ai laissé savoir à l’employeur et au représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée que je ne rendrais pas ma décision écrite avant le 1er avril 2007, pour favoriser tout effort visant un règlement. Le fait de donner aux parties une dernière occasion de régler la question entre elles constituait, selon moi, une mesure raisonnable, étant donné les circonstances exposées ci­dessous. Malheureusement, les parties n’ont pu convenir d’un règlement avant le 1er avril 2007.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

23 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a admis qu’il était incapable d’expliquer pourquoi la fonctionnaire s’estimant lésée ne s’était pas présentée à l’audience. Il a affirmé que, comme l’indiquait la lettre qu’il avait envoyée au personnel de la nouvelle CRTFP la semaine précédente, il avait appris par une tierce partie que la fonctionnaire s’estimant lésée ne se présenterait pas en raison de [traduction] « circonstances indépendantes de sa volonté ». Il a soutenu qu’il avait, à maintes reprises, tenté de communiquer avec la fonctionnaire s’estimant lésée en vue de s’assurer de sa présence et de sa participation à l’audience ainsi qu’aux audiences et procédures précédentes. Ses efforts ont été vains.

24 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a soutenu que l’absence de la fonctionnaire s’estimant lésée réduisait considérablement sa capacité de protéger les droits de celle­ci. Il a cependant souligné qu’il avait qualité pour comparaître à titre de représentant désigné de la fonctionnaire s’estimant lésée, dans ce renvoi à l’arbitrage, qu’elle soit présente ou non. Il a insisté sur la grande importance qu’il accorde à son obligation de protéger les droits de la fonctionnaire s’estimant lésée en toutes circonstances et par tous les moyens possibles jusqu’à la fin des procédures. Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a dit avoir été avisé de l’intention de la fonctionnaire s’estimant lésée de poursuivre son grief, mais a admis que le contenu du dossier semblait contredire cette intention déclarée. Sa demande de report indéfini visait à faire en sorte que la fonctionnaire s’estimant lésée ait l’occasion, dans l’avenir, d’exiger que l’employeur s’acquitte de la charge de prouver le bien­fondé de sa décision de la licencier.

25 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée croit qu’il existe des raisons humanitaires justifiant le report de l’audience. Il a suggéré que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait peut­être pas les « dispositions » lui permettant de comprendre entièrement le rôle qu’elle jouait dans le processus. Il a signalé que le renvoi à l’arbitrage a eu lieu après que l’employeur ait licencié la fonctionnaire s’estimant lésée pour avoir refusé de se soumettre à une évaluation de son aptitude au travail à la suite d’un certain nombre d’incidents s’étant produits sur les lieux de travail. En se fondant sur le comportement de la fonctionnaire s’estimant lésée, le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée estimait que celle­ci avait des problèmes de santé et ne comprenait probablement pas les conséquences de ses actes. Il a toutefois admis qu’il s’agissait [traduction] « […] de sa simple opinion fondée sur la conduite de la fonctionnaire s’estimant lésée à ce jour ». Il ne disposait pas de preuves concrètes concernant l’état de santé de la fonctionnaire s’estimant lésée.

26 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a soutenu qu’un arbitre de grief devrait choisir de protéger les droits de la fonctionnaire s’estimant lésée au moment d’établir des comparaisons entre le préjudice qu’un report causerait à l’employeur et une incapacité de participer hypothétiquement justifiée par des problèmes de santé. Il a suggéré que, si l’état de santé de la fonctionnaire s’estimant lésée changeait dans un ou deux ans, celle­ci souhaiterait peut­être poursuivre activement sa cause et serait peut­être en mesure de le faire. Néanmoins, lorsqu’il a été interrogé sur les possibilités d’une audience à court ou à moyen terme, il a affirmé que rien ne lui permettait de croire que la situation pourrait changer.

27 En concluant l’exposé de ses observations, le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée m’a demandé d’accorder à la fonctionnaire s’estimant lésée un délai de trois mois lui permettant d’explorer, pour une dernière fois, les options relatives à un règlement, si je décidais de conclure qu’elle avait abandonné son grief.

B. Pour l’employeur

28 L’employeur s’est fortement opposé à la demande de report indéfini. Il a soutenu que c’était la deuxième fois que la fonctionnaire s’estimant lésée ne se présentait pas à son audience d’arbitrage, et qu’à chaque fois, aucune raison convaincante n’a été donnée pour justifier son absence. Il a ensuite relaté le cheminement de l’affaire, à partir des premières tentatives de l’ancienne CRTFP visant la mise au rôle d’une audience, au début de 2005, jusqu’à la séance de médiation de juin 2005, l’audience prévue pour juillet 2006 et l’audience en instance. Il a soutenu que les parties avaient convenu, après que la fonctionnaire s’estimant lésée ne se soit pas présentée à l’audience de juillet 2006, que l’affaire serait rejetée si elle ne se présentait pas à l’audience suivante. La fonctionnaire s’estimant lésée a, par la suite, reçu deux lettres de la nouvelle CRTFP, dans lesquelles les conséquences d’une autre absence étaient clairement exposées. Elle était au courant des dates retenues pour l’audience actuelle, et n’a formulé aucune objection quant à ces dates. Selon l’employeur, le fait qu’elle ne se soit pas présentée à l’audience indique qu’elle n’est pas intéressée à poursuivre sa cause. L’arbitre de grief devrait tirer une conclusion défavorable en raison du comportement de la fonctionnaire s’estimant lésée.

29 Du point de vue de l’employeur, le fait d’acquiescer à la demande du représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée lui causerait d’importants préjudices. Il ne peut pas prévoir que ses témoins seront toujours libres à une date indéterminée. De plus, ces témoins se sont encore une fois préparés minutieusement pour l’audience, en vain. Le grief a été déposé il y a plus de cinq ans. L’employeur a affirmé qu’il avait le droit de clore le dossier, que l’affaire ne pourrait pas se prolonger indéfiniment et [traduction] « […] qu’un jour ou l’autre, elle devrait se terminer ».

30 Les commentaires du représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée concernant la santé de celle­ci et la possibilité que son état s’améliore ne sont que des hypothèses.

31 L’employeur a présenté quatre décisions d’arbitrage pour appuyer la proposition selon laquelle un grief peut être rejeté lorsqu’un fonctionnaire s’estimant lésé ne se présente pas à une audience : Skerkowski c. Personnel des fonds non publics, Forces canadiennes, dossier de la CRTFP 166‑18‑14060 (19831017); Auger c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossiers de la CRTFP 166‑02‑13597 à 13599 (19831017); Stock c. Centre de la sécurité des télécommunications, ministère de la Défense nationale, dossiers de la CRTFP 166‑13‑25662 et 25663 (19950322); Gillis c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), dossier de la CRTFP 166‑02‑26594 (19960220).

32 L’employeur a conclu son exposé en me demandant de rejeter la demande de report ainsi que le grief, puisqu’il a été abandonné. Il a toutefois signalé qu’il avait lui aussi l’impression que la fonctionnaire s’estimant lésée avait peut­être de graves problèmes de santé et a admis qu’il pourrait être approprié de lui accorder une dernière occasion de convenir d’un règlement à l’amiable en reconnaissance de ses 30 années de service.

C. Réfutation de la fonctionnaire s’estimant lésée

33 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a réitéré que l’arbitre de grief avait le pouvoir d’accorder un délai pour les pourparlers nécessaires à un règlement. Il a souligné qu’il existait des motifs humanitaires justifiant le fait de chercher un moyen de protéger les intérêts de la fonctionnaire s’estimant lésée tout en faisant avancer l’affaire. L’employeur lui­même a admis que la fonctionnaire s’estimant lésée ne possède peut­être pas, à l’heure actuelle, les « dispositions » nécessaires pour participer aux procédures.

34 Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a soutenu, sans donner de détails, que toute la jurisprudence présentée par l’employeur pouvait être entièrement distinguée de la présente affaire. Il n’a pas présenté d’autres décisions en guise de réplique.

IV. Motifs

35 Dans les circonstances propres à ce renvoi à l’arbitrage, le fait d’acquiescer à la demande du représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée visant un report indéfini équivaudrait à accepter que le dossier demeure ouvert pendant une période indéfinie et, peut­être, très longue. Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée cherche manifestement, au moyen de sa demande, à protéger le droit de la fonctionnaire s’estimant lésée, qui a été licenciée, de demander à une tierce partie d’évaluer le bien­fondé de la décision de l’employeur. Les intérêts associés à la demande sont visiblement très importants, étant donné que l’emploi de la fonctionnaire s’estimant lésée est en jeu. Au demeurant, les intérêts de l’employeur sont également importants et doivent être pris en considération. Au moment où la présente décision sera publiée, il se sera écoulé 56 mois depuis que la fonctionnaire s’estimant lésée a renvoyé son cas en arbitrage, et plus de cinq ans depuis que la décision de la licencier a été prise. Il est reconnu, dans la jurisprudence d’arbitrage, qu’un employeur possède un intérêt légitime dans le règlement rapide d’un différend. Les difficultés liées à la présentation de preuves efficaces et l’ampleur des mesures correctives peuvent augmenter avec le temps. Ma tâche consiste à évaluer la manière de pondérer les éventuels préjudices que pourrait subir l’employeur en cas de report de procédures déjà prolongées et le présumé intérêt de la fonctionnaire s’estimant lésée dans l’éventuelle audience de son cas.

36 J’estime qu’il y a un troisième intérêt en jeu en l’espèce, bien qu’il soit peut­être secondaire. Il s’agit de l’intérêt du public à l’égard d’une administration efficiente de la justice qui évite les délais indus, favorise le règlement final des différends et est respectée par les parties. Cet intérêt constitue une préoccupation en l’espèce, dans la mesure où la fonctionnaire s’estimant lésée ne semble pas avoir contribué aux efforts visant à lui fournir une audience et semble avoir fait abstraction des avis et des directives du président. Jusqu’à un certain point, la décision d’accorder un délai supplémentaire, dans ce contexte, pourrait être interprétée comme une récompense accordée pour un comportement qui mine un processus de règlements des différends efficace.

37 Le cheminement de ce dossier fait en sorte qu’il est extrêmement difficile de favoriser les intérêts de la fonctionnaire s’estimant lésée. Les éléments prouvant que celle­ci cherche activement à obtenir une audience pour son cas sont peu nombreux – c’est le moins qu’on puisse dire. Mis à part sa lettre du 11 septembre 2006, dans laquelle elle affirme qu’elle n’a pas abandonné ses plaintes relatives aux droits de la personne ni au grief déposé par son agent négociateur, aucun élément concret ne prouve sa détermination d’aller de l’avant. Lors de l’audience, son représentant a soutenu qu’il avait été informé de l’intention de la fonctionnaire s’estimant lésée de poursuivre son grief. En cette même occasion, il a été contraint, par honnêteté, d’admettre que la teneur du dossier contredit cette affirmation.

38 Voici mon interprétation de l’affaire. Lorsque l’ancienne CRTFP a été informée, en août 2004, que la CCDP avait rejeté la plainte relative aux droits de la personne de la fonctionnaire s’estimant lésée, le personnel a déployé une série d’efforts pour fixer une date d’audience du grief qui avait été mis en suspens. À plusieurs reprises, l’ancienne CRTFP a acquiescé aux demandes de report en tenant particulièrement compte du fait que les parties affirmaient que des discussions étaient en cours en vue de convenir d’un règlement. Dans l’absence d’éléments prouvant le succès de ces discussions, le président a pris l’initiative de fixer des dates pour l’audience, soit du 27 au 30 juin 2005. À la suite d’une demande mixte, cette période a été utilisée pour une séance de médiation. La fonctionnaire s’estimant lésée a choisi de ne pas participer. Après un autre délai, et après de nouveaux efforts du personnel de l’ancienne CRTFP visant à déterminer l’état d’avancement du dossier, le président a fixé de nouvelles dates pour l’audience, soit du 10 au 13 juillet 2006. La fonctionnaire s’estimant lésée ne s’est pas présentée. De plus, elle n’a pas avisé son représentant de son absence, ne lui a pas donné de directives sur la marche à suivre et ne lui a pas donné les raisons de son absence. Devant cette situation inhabituelle, le personnel de la nouvelle CRTFP a demandé à la fonctionnaire s’estimant lésée de confirmer, avant une date précise, son intention de poursuivre son grief. La correspondance du personnel de la nouvelle CRTFP indiquait que si la fonctionnaire s’estimant lésée ne répondait pas avant la date fixée, son grief pourrait être rejeté et son dossier, clos. La fonctionnaire s’estimant lésée a répondu, le dernier jour de la période déterminée à cette fin, en des termes peu précis. Elle n’a pas donné la raison de son absence de l’audience de juillet. Néanmoins, le président a de nouveau pris l’initiative de fixer de nouvelles dates pour l’audience de la fonctionnaire s’estimant lésée, soit la période de 6 au 9 février 2007. Le personnel de la nouvelle CRTFP a fait en sorte que la fonctionnaire s’estimant lésée soit avisée, en bonne et due forme, des nouvelles dates, par courrier recommandé. Les avis envoyés indiquaient clairement les conséquences de l’absence de la fonctionnaire s’estimant lésée, particulièrement la lettre du 20 octobre 2006, qui énonçait explicitement que si la fonctionnaire s’estimant lésée ne se présentait pas à la nouvelle audience, son grief serait rejeté et son dossier, clos. Lors de l’audience du 6 février 2007, la fonctionnaire s’estimant lésée était encore une fois absente. Il semble qu’elle n’ait pas donné de directives à son représentant, qui a affirmé qu’il avait fait des efforts raisonnables pour communiquer avec elle. Encore une fois, la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas donné de raisons convaincantes justifiant son absence, ni par l’intermédiaire de son représentant ni directement au personnel de la nouvelle CRTFP. Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pu rapporter que de vagues renseignements obtenus par ouï­dire, selon lesquels la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pu se présenter à l’audience en raison de circonstances indépendantes de sa volonté.

39 Faute d’explications convaincantes, le dossier n’indique pas que la fonctionnaire s’estimant lésée assume l’obligation de poursuivre son grief avec diligence et aide son représentant à franchir les étapes requises pour que sa cause soit entendue. De plus, je n’ai reçu aucun renseignement suggérant que la situation changerait bientôt. Lors de l’audience, le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a émis l’hypothèse que les circonstances pourraient être différentes dans un ou deux ans. Cela pourrait être le cas, mais une telle hypothèse ne constitue pas une base assez solide pour la comparaison d’une conclusion aux préoccupations contradictoires de l’employeur.

40 Ce qui est regrettable, dans cette affaire, est que l’hypothèse selon laquelle des raisons médicales expliqueraient, du moins en grande partie, le comportement de la fonctionnaire s’estimant lésée n’a jamais été confirmée. Les deux parties ont reconnu, pendant leurs exposés, que les circonstances propres à la cause suggèrent que la fonctionnaire s’estimant lésée n’est peut­être pas toujours en mesure de comprendre parfaitement les conséquences de ses actes ou de son inaction, ou qu’elle fait peut­être face à d’autres obstacles de nature psychologique qui l’empêchent de participer au processus de règlement des différends. Malheureusement, il s’agit, encore une fois, d’hypothèses — des déductions fondées sur un compte rendu indirect de la conduite de la fonctionnaire s’estimant lésée. Le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée a admis qu’il ne disposait pas de preuves concrètes lui permettant d’établir une explication de nature médicale convaincante du comportement de la fonctionnaire s’estimant lésée. Encore une fois, je ne crois pas qu’il me soit possible de fonder une décision sur des hypothèses, même si elles procèdent de bonnes intentions, et même si elles sont formulées par les deux parties. Si le représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée avait pu me fournir une preuve satisfaisante qu’elle est atteinte d’un problème médical qui restreint sa capacité de participer au règlement de sa cause, une question relative à l’obligation de tenir compte de ce problème médical se serait posée. II incombait à la fonctionnaire s’estimant lésée de fournir les renseignements nécessaires elle­même, par l’intermédiaire de son représentant ou de toute autre personne concernée. Sans une telle preuve, la pondération des intérêts des parties doit, ultimement, favoriser la volonté de l’employeur de clore un dossier ouvert depuis bientôt six ans.

41 En conséquence, je rejette la demande du représentant de la fonctionnaire s’estimant lésée visant le report indéfini de l’audience. Je conclus également que la fonctionnaire s’estimant lésée a abandonné son grief, étant donné qu’en maintes occasions elle a omis de prendre les mesures nécessaires et de participer au processus de règlement d’un grief qu’elle a déposé. La fonctionnaire s’estimant lésée ne s’est pas présentée à l’audience qui nous occupe ni aux audiences et séances précédentes. Elle a omis, à maintes reprises, de transmettre des directives à son représentant. Elle n’a pas fait preuve de diligence dans la poursuite de son grief. Il n’y a aucune chance raisonnable que la situation change.

42 Je tiens à souligner que je suis arrivé à ma conclusion en me fondant sur ma propre évaluation du cas et des arguments qui m’ont été présentés à l’audience. Cela dit, j’accorde une certaine importance aux considérations relatives à l’intérêt public susmentionnées, et j’estime qu’il est très important que les avis envoyés pour favoriser une administration efficiente de la justice soient respectés. Par conséquent, j’estime être en droit de tirer une conclusion tout­à­fait négative de l’inaction de la fonctionnaire s’estimant lésée, particulièrement en ce qui concerne la lettre envoyée par le personnel de la nouvelle CRTFP le 20 octobre 2006. Cette lettre indiquait, sans équivoque, que la présence de la fonctionnaire s’estimant lésée à l’audience devant se dérouler du 6 au 9 février 2007 était requise, et qu’elle en était dûment avisée.

43 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

44 La demande de report de l’audience est rejetée.

45 Le grief est aussi rejeté.

Le 25 avril 2007.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Dan Butler,
arbitre de grief

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