Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s'estimant lésé a contesté le fait qu’il n’a pas reçu un préavis de convocation à une rencontre disciplinaire et qu’il n’a pas eu le droit d’être accompagné d’un représentant syndical lors de cette rencontre - l’arbitre de grief s’est d’abord interrogé sur le but et le contexte de la rencontre pour déterminer s’il s’agissait d’une rencontre disciplinaire au sens où l’entend la convention collective - la preuve a démontré qu’il s’agissait plutôt d’une rencontre demandée par l’employeur pour faire le point avec le fonctionnaire s’esimant lésé sur leur mode de communication et pour lui mentionner l’importance de respecter la hiérarchie dans ses communications avec l’employeur -- l’arbitre de grief a conclu que la rencontre n’était pas de nature disciplinaire -- la représentation syndicale et le préavis n’étaient donc pas requis. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-05-11
  • Dossier:  166-02-36342 et 36343
  • Référence:  2007 CRTFP 48

Devant un arbitre de grief


ENTRE

SIMON CLOUTIER

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

employeur

Répertorié
Cloutier c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

Affaire concernant des griefs renvoyés à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Jean-Pierre Tessier, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Michel Morissette, avocat

Pour l'employeur:
Raymond Piché, avocat

Affaire entendue à Montréal (Québec),
du 23 au 26 janvier 2006, les 30 et 31 janvier 2006, du 3 au 5 mai 2006,
du 8 au 12 mai 2006 et du 31 octobre au 3 novembre 2006,
et spécifiquement pour ces dossiers, du 10 au 13 juillet 2006.

Griefs renvoyés à l'arbitrage

1 Simon Cloutier (le « fonctionnaire s’estimant lésé ») travaille pour le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (l’« employeur ») et occupe un poste aux groupe et niveau PM-03. En 1999, il a été président de la section locale 10405 du Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada (SEIC), une composante de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC).

2 Le 3 juillet 2003, en après-midi, le fonctionnaire s'estimant lésé a été convoqué à une rencontre par sa gestionnaire, Dianne Clément, directrice intérimaire au bureau de Montréal pour le Service intérieur du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration. Le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé que cette rencontre se fasse en présence d’un représentant syndical.

3 La rencontre eut lieu le 3 juillet 2003 sans que le fonctionnaire s'estimant lésé ne soit accompagné de son représentant syndical.

4 Le fonctionnaire s'estimant lésé a contesté le fait de ne pas avoir été représenté lors d’une rencontre disciplinaire et a déposé deux griefs. Le premier grief daté du 25 juillet 2003 reprochait à l’employeur de ne pas avoir respecté le préavis de convocation et le second grief déposé aussi le 25 juillet 2003 dénonçait le fait que l’employeur avait refusé que le fonctionnaire s'estimant lésé soit accompagné d’un représentant syndical lors de la rencontre du 3 juillet 2003.

5 Ces griefs ont été renvoyés à l’arbitrage le 30 juin 2005. Une prolongation de délai a été accordée par l’employeur. L’audience devant le soussigné a eu lieu en juillet 2006.

6 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l'« ancienne Loi »).

Résumé de la preuve

7 Ces deux griefs ont été entendus dans le cadre d’une audience regroupant plusieurs griefs concernant les mêmes parties. Les parties ont fait référence à des documents déposés dans d’autres dossiers lors de l’audience, notamment le grief contestant le licenciement du fonctionnaire s'estimant lésé.

8 Le fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué que le 3 juillet 2003, en après-midi, Mme Clément voulait le rencontrer. Il aurait demandé à être accompagné d’un représentant syndical et a confirmé cette demande par courriel à 14 h 40 qui se lit comme suit :

[…]

Vous venez de me demander d’aller dans votre bureau. Je vous ai demandé la présence de la représentation que vous m’avez désignée. Celle-ci est présentement au téléphone. Je lui ai laissé un message explicite et lui ai demandé de me rappeler.

[…]

9 Par la suite, le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé les raisons de la convocation et Mme Clément lui a répondu ce qui suit par courriel à 15 h 35 :

[…]

Je veux te parler de trois choses

  • la ligne de communication
  • la ligne hiérarchique
  • le courriel que tu as envoyé aujourd’hui à 10 h 57

[…]

10 par la suite, le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé à Mme Clément de lui transmettre par écrit ce dont elle voulait lui parler. Voici le courriel de 15 h 52 :

[…]

Jacqueline et moi vous suggérons de me transmettre tout simplement par écrit ce dont vous vouliez me parler. Cependant, si vous m’ordonnez de me présenter à votre bureau, je le ferai accompagné de Jacqueline (Lemoine) elle m’a dit être disponible jusqu’à 16 h 30 cet après [sic] midi.

[…]

11 Peu après ce courriel, Mme Clément a demandé au fonctionnaire s'estimant lésé de venir la rencontrer. Elle lui a indiqué qu’il ne s’agissait pas d’une mesure disciplinaire mais qu’elle voulait lui parler.

12 Le fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué qu’il a finalement dû rencontrer Mme Clément. Il lui a signifié qu’il n’était pas prêt à être là sans témoin. Elle lui a indiqué qu’il y avait un problème de communication, car il désirait transiger par écrit plutôt que d’assister à une rencontre. Le fonctionnaire s'estimant lésé a répondu qu’il préférait les écrits, car il avait déposé une plainte contre l’employeur.

13 Le fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué que Mme Clément lui a ensuite parlé de la ligne hiérarchique. Elle lui a demandé de s’adresser directement à elle plutôt que de communiquer avec Julie Thibodeau, la superviseure du fonctionnaire s'estimant lésé.

14 Finalement, le fonctionnaire s'estimant lésé a souligné que Mme Clément lui a reproché le ton irrespectueux du courriel qu’il lui avait envoyé au courant de l'avant-midi. Il lui a alors indiqué qu’elle lui reprochait des choses et qu’il n’avait pas de témoin et c’est à ce moment que la rencontre a pris fin.

15 En contre-interrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé a mentionné que sa représentante syndicale était disponible jusqu’à 16 h 30. Questionné à savoir pourquoi il n’a pas demandé à sa représentante syndicale de l’accompagner à la rencontre de 16 h avec Mme Clément, il a répondu ne pas avoir communiqué alors avec sa représentante, car l’employeur lui avait dit qu’il ne s’agissait pas d’une rencontre disciplinaire.

16 L’employeur a fait témoigner Mme Clément. Celle-ci a relaté les faits survenus le 3 juillet 2003. Elle a corroboré la chronologie des événements donnée par le fonctionnaire s'estimant lésé lors de son témoignage.

17 Mme Clément a cependant précisé qu’elle avait fait savoir au fonctionnaire s'estimant lésé le 3 juillet 2003, vers 14 h 30, qu’elle voulait le rencontrer. Il y a eu divers échanges de courriels et vers 15 h 48, elle ne l’avait toujours pas rencontré. Finalement, vers 15 h 50, le fonctionnaire s'estimant lésé demandait de procéder par écrit.

18 Mme Clément a indiqué que c’est justement de cette question des écrits qu’elle voulait parler au fonctionnaire s'estimant lésé. Elle souhaitait que le mode de communication soit verbal.

19 Un peu avant 16 h, Jacqueline Lemoine, présidente de la section locale 10405, lui a téléphoné pour discuter de la rencontre avec le fonctionnaire s'estimant lésé. Elle a demandé s’il avait nécessairement besoin de représentant et Mme Clément lui a répondu qu’elle ne croyait pas que c’était nécessaire, car elle voulait seulement lui parler de leur mode de fonctionnement.

20 C’est finalement vers 16 h 15 que Mme Clément a demandé au fonctionnaire s'estimant lésé de la rencontrer, car elle voulait clarifier le mode de communication entre eux.

21 Selon Mme Clément, la rencontre a été très brève (environ trois à cinq minutes), car le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé à quitter au moment où elle a parlé du courriel qu’il avait envoyé en avant-midi.

22 Mme Clément a ajouté que, peu de temps après la rencontre, elle a envoyé un compte rendu de la rencontre aux ressources humaines qui se lit comme suit :

[…]

Evidemment ça très mal été, j’ai presque donné un ordre de venir me voir. Il ne voulait pas sans son représentant syndicale. Il est venu dans mon bureau au bout de 10 minutes, comme je m’âpretés à aller le chercher une 2ieme fois. Julie y était. Il me dit que c’était illégale, que pour toute convocation dans le bureau d’un gestionnaire il avait le droit d’être représenter car on ne savait pas comment les choses allait tourner.

Je lui ai dit que je voulait seulement discuter de notre mode de fonctionnement et donc j’ai parlé de trois choses ( toujours de façon calme)

1) notre mode de communication que je voulait qu’il utilise le mode verbale.

Il ne veut pas, il a dit que puisse qu’il est en cour qu’il voulait tout par écrit.

2) l’hiérarchie, que je voulait qu’il passe par Julie sa superviseure avant de communiquer avec moi. Il m’a dit c’est parce qu’il n’était pas d’accord avec elle ce pour quoi il a écrit directement avec moi.

3) son courriel d’aujourd’hui, j’ai dit que je le trouvais irrespectueux. Il s’est fâché parce qu’il n’avait pas de témoin pour m’entendre dire que ce n’était pas respectueux.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

23 Par la suite, le fonctionnaire s'estimant lésé lui a envoyé un courriel au sujet de la rencontre qui se lit comme suit :

[…]

Je désire par la présente rendre compte de notre rencontre qui vient de se terminer. Compte tenu du haut degré de stress que cela m’a occasionné, je veux m’assurer dans ce contexte avoir bien compris vos propos.

Je vous ai d’abord dit qu’il était illégal et constituait de l’intimidation de me refuser un-e représentant-e car nous ne savons jamais d’avance comment tournera la conversation. Je vous ai dit de consulter la jurisprudence à ce sujet. Lors de mon passage à l’Alliance, mon superviseur m’avait renseigné sur ce droit. Je vous ai dit que je n’était pas d’accord avec cette rencontre sans témoin.

Vous m’avez répondu que Julie Thibodeau agissait comme témoin.

Vous m’avez dit que j’avais un problème de communication. Que vous vouliez que l’on se parle et que vous refusiez de m’écrire. Je vous ai expliqué que nous étions dans un processus légal sérieux et que cela n’est pas possible dans le contexte. Vous avez maintenu votre position.

Vous m’avez dit que je ne respectais pas la hiérarchie dans mon courriel en question. Je vous ai dit qu’au contraire, compte tenu que je n’étais pas d’accord avec la position de Julie Thibodeau, je me plaignais à vous. Vous m’avez dit que je dois plutôt faire des griefs.

Vous m’avez dit que mon courriel était irrespectueux sans me préciser en quoi, bien que je vous en aie fait la demande.

Vous m’avez finalement dit que j’étais autorisé à communiquer avec les personnes désignées pour entendre les plaintes de harcèlement. Je vous informe que je vais m’en prévaloir dans les meilleurs délais.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

Résumé de l’argumentation

24 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a souligné que lorsqu’il y a rencontre disciplinaire, le fonctionnaire a le droit d’être accompagné d’un représentant syndical, selon l’article 17 de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, Services des programmes et de l’administration (tous les employé-e-s). La stipulation 17.02 se lit comme suit :

17.02 Lorsque l’employé-e est tenu d’assister à une audition disciplinaire le concernant ou à une réunion à laquelle doit être rendue une décision concernant une mesure disciplinaire le touchant, l’employé-e a le droit, sur demande, d’être accompagné d’un représentant de l’Alliance à cette réunion. Dans la mesure du possible, l’employé-e reçoit au minimum une (1) journée de préavis de cette réunion.

25 Le 3 juillet 2003, le fonctionnaire s'estimant lésé a manifesté à l’employeur son intention d’être accompagné d’un représentant syndical. L’infraction commise par l’employeur a pour effet de rendre invalide le processus disciplinaire. De plus, pour la rencontre disciplinaire, un préavis de 24 heures était requis.

26 De son côté, l’employeur a soutenu que la rencontre du 3 juillet 2003 n’était pas disciplinaire. Mme Clément était exaspérée de toujours écrire par courriel pour communiquer avec le fonctionnaire s'estimant lésé. Elle souhaitait simplement lui indiquer qu’il serait préférable de communiquer verbalement. De plus, elle souhaitait qu’il s’adresse à sa superviseure plutôt qu’à elle-même.

27 L’employeur a fait remarquer que si le fonctionnaire s'estimant lésé désirait tellement être représenté, il n’avait qu’à communiquer avec sa représentante syndicale, qui de l’aveu même du fonctionnaire s'estimant lésé, était disponible jusqu’à 16 h 30.

Motifs

28 Les griefs font référence à l’article 17 de la convention collective. La stipulation 17.02 prévoit le droit d’être représenté lorsque l’employé : « est tenu d’assister à une audition disciplinaire […] ou une réunion à laquelle doit être rendue une décision concernant une mesure disciplinaire le touchant ».

29 La preuve et la teneur des courriels démontrent que la rencontre du 3 juillet 2003 a été de courte durée.

30 La discussion a porté sur le mode de communication et la hiérarchie et au moment où on abordait la question relative à l’envoi d’un courriel, la rencontre a pris fin. De prime abord, cette rencontre ne semble pas porter sur des questions disciplinaires.

31 À mon sens, l’arbitre de grief doit tenir compte des faits et du contexte pour évaluer la nature de la rencontre du 3 juillet 2003.

32 Relativement au contexte de la rencontre en fin d’après-midi, je retiens que le fonctionnaire s'estimant lésé a été prévenu des motifs de la rencontre. Il a communiqué avec sa représentante syndicale pour finalement indiquer à la dernière minute qu’il préférait communiquer par écrit. Il ne m’a pas convaincu qu’il voulait assister à cette rencontre en étant accompagné de sa représentante syndicale. D’ailleurs, dans son courriel de 14 h 46, il parle de la représentation que la directrice lui a désigné.

33 La chronologie des faits et le contenu des discussions ne sont pas contestés.

34 Mme Clément, lors de son témoignage, a expliqué qu’elle voulait établir un mode de communication « en personne » avec le fonctionnaire s'estimant lésé. Elle trouvait difficile de communiquer par courriels.

35 En fait, le premier sujet abordé le 3 juillet 2003 traitait de la ligne de communication et des nombreux échanges de courriels.

36 Le deuxième sujet touchait la ligne hiérarchique. Mme Clément voulait que le fonctionnaire s'estimant lésé s’adresse davantage à sa superviseure plutôt qu’à elle-même. Il ne m’apparaît pas qu’il y a là une question disciplinaire.

37 Le troisième sujet concerne le courriel qu’avait envoyé le fonctionnaire s'estimant lésé l’avant-midi du 3 juillet 2003. Mme Clément a mentionné qu’elle trouvait les propos irrespectueux. Sur ce point, la discussion aurait pu déboucher sur une confrontation avec le fonctionnaire s'estimant lésé. Or, il semble que ce soit à ce moment qu’il a exprimé qu’il s’agissait de reproches et la rencontre a pris fin. Dans le courriel que Mme Clément a rédigé peu après, elle a mentionné que le fonctionnaire s'estimant lésé s’est fâché et que la rencontre s’est terminée.

38 Les témoignages concordent au fait que la rencontre a pris fin lorsque ce sujet a été abordé. Mme Clément n’a pas insisté pour poursuivre la rencontre.

39 Je considère que dans l’ensemble, la rencontre du 3 juillet 2003 n’était pas de nature disciplinaire. Par ailleurs, même si le troisième sujet de discussion a pris le ton de reproches, il n’y a pas eu de discussion; la rencontre s’est terminée.

40 La rencontre n’était pas de nature disciplinaire; la représentation syndicale et le préavis n’étaient pas requis.

41 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

42 Les griefs sont rejetés.

Le 11 mai 2007.

Jean-Pierre Tessier,
arbitre de grief

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