Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La section où travaillaient les fonctionnaires s’estimant lésés comportait un volet science chargé d’examiner l’admissibilité aux crédits d’impôt, ainsi qu’un volet finances, qui traitaient les demandes - les délais étaient serrés et il y avait des tensions entre les deux volets - en octobre 2004, une fête a été organisée pour une employée du volet science qui prenait sa retraite - l’invitation, préparée par un autre employé, arborait une sorcière sur un balai - face au faible taux de réponse du volet finances, l’un des fonctionnaires s’estimant lésés, qui était un gestionnaire de l’examen financier, a décidé de préparer ce qu’il considérait comme une présentation humoristique sur PowerPoint à l’intention des employés dans le but de les encourager à participer à la fête et comme cadeau d’adieu pour l’employée qui prenait sa retraite - en réponse à cette présentation, le deuxième fonctionnaire s’estimant lésé a envoyé un courriel contenant un jeu de mots qui se voulait humoristique - l’employeur a jugé que les agissements des fonctionnaires s’estimant lésés avaient été déplacés, et l’un des fonctionnaires s’estimant lésés a écopé d’une suspension d’une journée, alors que l’autre a reçu une réprimande écrite - dans le cadre de la procédure de règlement des griefs, les suspensions ont été annulées et ont été remplacées par des réprimandes écrites ou verbales - les fonctionnaires s’estimant lésés ont présenté des éléments de preuve démontrant l’utilisation fréquente de graphiques et de blagues dans les documents circulant dans le bureau, ainsi que l’affichage sur un lecteur ministériel commun de photographies personnelles par d’autres personnes de l’organisation, notamment d’employés de l’administration centrale et d’un directeur - les deux fonctionnaires s’estimant lésés ont soutenu qu’on leur avait offert un nombre réduit d’affectations intérimaires, et l’un d’eux a également prétendu ne pas avoir touché une rémunération au rendement à la suite de l’incident, même s’il avait signé son évaluation de rendement et qu’il n’avait pas contesté le fait de ne pas toucher une rémunération au rendement -l’employeur a contesté la compétence de l’arbitre de grief - l’agent négociateur a répliqué que les griefs concernaient une mesure disciplinaire et une violation de la convention collective - une fois que la preuve a été terminée et que les fonctionnaires s’estimant lésés ont conclu leurs argumentations, ils ont demandé la réouverture de l’audience afin que l’un d’eux puisse témoigner relativement aux propos tenus publiquement par la direction depuis la date de l’audience initiale - l’arbitre de grief a rejeté la demande parce que la preuve portait sur des événements survenus 18 mois suivant le dépôt des griefs et parce qu’il ne voyait pas en quoi la preuve concernant la culture du lieu de travail pouvait être pertinente relativement à une violation alléguée de la convention collective par l’employeur - l’arbitre de grief a statué que, même si les griefs étaient formulés comme des violations de l’article 37 de la convention collective, leur nature véritable était la mesure disciplinaire de l’employeur - pour que la perte d’affectations intérimaires ou d’une prime au rendement constitue une sanction pécuniaire aux termes de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (l’ancienne Loi), elle doit découler directement et inévitablement d’une mesure disciplinaire et ne pas être trop éloignée - les fonctionnaires s’estimant lésés n’ont pas démontré que cela était le cas, et l’arbitre de grief a donc jugé qu’il n’avait pas compétence en l’espèce - en outre, l’arbitre de grief doit se pencher sur les faits au moment du renvoi à l’arbitrage et, à ce moment, il n’y avait ni congédiement, ni suspension, ni sanction pécuniaire, et les griefs ne pouvaient pas être renvoyés à juste titre à l’arbitrage - une violation de l’article sur le << motif valable >> ne conférerait pas la compétence aux termes de l’alinéa 92(1)a) de l’ancienne Loi - en conclusion, la preuve n’a pas démontré qu’il y avait eu violation de l’article 37 de la convention collective. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-06-19
  • Dossier:  166-34-36877 et 36878
  • Référence:  2007 CRTFP 64

Devant un arbitre de grief


ENTRE

PETER PARKOLUB ET THOMAS HU

fonctionnaires s'estimant lésés

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Parkolub et Hu c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant des griefs renvoyés à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Paul Love, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
Paul Reniers, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Neil McGraw, avocat

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique),
les 27 et 28 juin et le 28 novembre 2006.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

I. Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Peter Parkolub, gestionnaire de l'examen financier, et Thomas Hu, gestionnaire de la recherche et de la technologie, travaillent tous deux au sein de la Division de la recherche scientifique et du développement expérimental du bureau des services fiscaux de l'Agence du revenu du Canada (ARC ou « l'employeur ») à Vancouver. Ils ont déposé les griefs en cause à l'encontre de mesures disciplinaires qui leur ont été imposées par suite d'incidents, survenus le 2 décembre 2004, qui seraient contraires aux Lignes directrices stratégiques sur l'utilisation des réseaux électroniques, au Code d'éthique et de conduite et aux Lignes directrices sur la prévention et la résolution du harcèlement de l'employeur :

Dossier de la CRTFP                      Fonctionnaire s'estimant lésé

166-34-36877                                      Peter Parkolub

166-34-36878                                      Thomas Hu

2 Ces griefs ont été entendus ensemble.

3 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « nouvelle Loi »), édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ces renvois à l'arbitrage de grief doivent être décidés conformément aux dispositions de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (« l'ancienne Loi »).

4 M. Parkolub a déposé le grief suivant le 4 février 2005 :

[Traduction]

[…]

Le 4 février 2005, j'ai reçu une lettre disciplinaire de Lorna Gray, directrice adjointe, Division de la recherche scientifique et du développement expérimental, bureau coordonnateur des services fiscaux de Vancouver, m'informant de ma suspension sans paie d'un jour pour inconduite présumée.

J'ai été suspendu à tort, pour des motifs d'ordre disciplinaire. La mesure disciplinaire est injustifiée et excessive. Le processus disciplinaire a violé mes droits procéduraux ainsi que les droits qui me sont garantis par l'article 37 de la convention collective du groupe VPFS.

[…]

5 Au chapitre des mesures correctives, M. Parkolub a demandé l'annulation de la suspension, sans perte de salaire ni d'avantages sociaux, l'élimination de toute mention de la mesure disciplinaire, ainsi que son rétablissement dans sa situation antérieure. Le 28 octobre 2005, au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le grief a été accueilli en partie, et Lysanne M. Gauvin, sous-commissaire, Direction générale des ressources humaines, ARC, a remplacé la suspension par une réprimande écrite. Le grief a été renvoyé à l'arbitrage le 19 décembre 2005, en vertu de l'alinéa 92(1)a) de l'ancienne Loi.

6 M. Hu a déposé le grief suivant le 10 février 2005, lequel a lui aussi été renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'alinéa 92(1)a) de l'ancienne Loi :

[Traduction]

[…]

Le 8 février 2005, j'ai reçu une lettre disciplinaire de Lorna Gray, directrice adjointe, Division de la RS&DE. J'ai été réprimandé à tort, pour des motifs d'ordre disciplinaire. La mesure disciplinaire est injustifiée et excessive. Le processus disciplinaire a violé mes droits procéduraux ainsi que les droits qui me sont garantis par l'article 37 de la convention collective du groupe de VPFS de l'IPFPC.

C'est pourquoi je dépose ce grief.

[…]

7 Au chapitre des mesures correctives, M. Hu a demandé que [traduction] « […] la réprimande soit annulée, que toute mention de la mesure disciplinaire soit rayée de tous les dossiers tenus par l'employeur et détruite, et que l'on me rétablisse dans ma  situation antérieure […] ». Mme Gauvin a accueilli son grief en partie le 28 octobre 2005 au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, et a remplacé la réprimande écrite par une réprimande verbale. Le grief a été renvoyé à l'arbitrage le 19 décembre 2005.

8 Dans des lettres non datées que l'employeur a transmises par télécopieur à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») le 5 avril 2006, Manda Noble-Green, conseillère principale en relations de travail, a soulevé une question de compétence à l'égard des deux griefs :

[Traduction]

[…]

Le grief en question concerne une suspension d'un jour pour inconduite, subséquemment réduite à une réprimande écrite à l'issue de la procédure de recours interne de l'Agence de revenu du Canada. Conformément à l'alinéa 92(1)c) de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, un employé de l'ARC peut renvoyer une mesure disciplinaire à l'arbitrage dans les cas où cette mesure entraîne le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire.

La réprimande écrite ne relevant pas de la portée de l'alinéa 92(1)c) de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, nous faisons valoir en toute déférence que la Commission des relations de travail dans la fonction publique n'est pas compétente dans le présent dossier. Nous demandons par conséquent le rejet du renvoi à l'arbitrage.

[…]

9      Cette lettre décrit mal la mesure disciplinaire imposée à M. Hu, une réprimande écrite qui a été ramenée à une réprimande verbale au terme du processus disciplinaire. À l'encontre de l'objection relative à la compétence, l'agent négociateur a répondu, dans une lettre distincte pour chaque fonctionnaire s'estimant lésé datée du 18 avril 2006, que le grief a été renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'alinéa 92(1)a) de l'ancienne Loi, alléguant un manquement à l'article 37 de la convention collective. Des lettres distinctes ont été rédigées pour chaque fonctionnaire s'estimant lésé, mais elles sont semblables. Les fonctionnaires s'estimant lésés souhaitaient, aux fins de leurs griefs, la tenue d'une audience orale.

10 Dans un exposé introductif, ils ont déclaré que ces griefs comportaient une allégation relative à un manquement à la convention collective et à l'imposition d'une mesure disciplinaire. L'employeur a indiqué qu'il n'avait l'intention de déposer aucun élément de preuve et a fait valoir principalement que je n'ai pas la compétence pour entendre ces griefs. Après avoir entendu les exposés introductifs, j'ai entendu les témoignages des deux fonctionnaires s'estimant lésés, puis les plaidoiries orales de chaque partie. Malheureusement, l'audience n'a pu être menée à terme au mois de juin 2006, de sorte que j'ai entendu les arguments de l'employeur et les arguments en réplique à la fin du mois de novembre 2006.

II. Résumé de la preuve

11  M. Parkolub occupe un poste de gestionnaire de l'examen financier au sein de la Division de la recherche scientifique et du développement expérimental, région du Pacifique, de l'ARC. Il compte approximativement 21 années de service. M. Hu occupe quant à lui un poste de gestionnaire de la recherche et de la technologie au sein de la Division de la recherche scientifique et du développement expérimental, région du Pacifique, de l'ARC. Il compte sept années de service auprès de l'employeur. En tout, la Division de la recherche scientifique est dotée de trois gestionnaires. Les deux fonctionnaires s'estimant lésés sont chefs d'équipe.

12 La division a pour mandat notamment de verser des sommes d'argent ou d'accorder des crédits d'impôt aux entités qui exercent des activités de recherche et de développement scientifique particulières dont le gouvernement souhaite l'avancement. Avant que ces sommes d'argent ou crédits d'impôt ne soient accordés, les demandes doivent être examinées par l'équipe scientifique de la division, laquelle était menée à l'époque pertinente par M. Hu. C'est l'équipe scientifique qui détermine si l'auteur de la demande a droit à une somme d'argent ou à des crédits. M. Parkolub gère le volet financier de la division et, à ce titre, vérifie la validité des demandes.

13 Il dirige un groupe de 12 vérificateurs. Son travail l'amène à interagir fréquemment avec M. Hu et d'autres employés de l'équipe scientifique pour s'assurer du traitement le plus rapide possible des demandes de crédits d'impôt.

14 M. Parkolub a fait remarquer que la division est astreinte à des délais serrés et qu'elle doit respecter la norme de service suivante : un chèque doit être émis dans un délai de 120 jours suivant la réception d'une demande, laquelle doit être vérifiée par l'équipe scientifique et par l'équipe financière. Le résultat de cette vérification est ensuite transmis au Centre fiscal à temps pour faire le chèque. Chaque dossier doit être examiné.

15 M. Parkolub a déclaré au cours de son témoignage que l'équipe financière est soumise à une grande tension, car les vérificateurs ne peuvent s'atteler à la tâche tant que l'équipe scientifique ne s'est pas prononcée sur l'admissibilité d'une demande. Si l'examen du volet scientifique de celle-ci se prolonge, les vérificateurs disposent alors de très peu de temps pour achever leur évaluation dans le délai prévu par la norme de service. Bref, plus l'examen par l'équipe scientifique est long, plus le délai dont dispose l'équipe financière pour effectuer son travail est court.

16 D'après M. Parkolub, à la fin du mois de septembre 2004, la tension entre l'équipe scientifique et l'équipe financière était palpable. M. Parkolub avait mis de l'avant des attentes aussi restrictives qu'exhaustives au chapitre du rendement, auxquelles les employés de l'équipe scientifique s'opposaient.

17 Lorna Gray, directrice adjointe, a apporté certains changements au sein de l'organisation. Jusqu'à son arrivée, les deux services se trouvaient physiquement éloignés l'un de l'autre et il y avait entre les employés de l'équipe scientifique et ceux de l'équipe financière très peu de communication directe.

18 En octobre 2004, Doug Cline, l'un des gestionnaires de l'équipe scientifique (aujourd'hui directeur adjoint par intérim), a pris part à l'organisation d'une fête soulignant le départ à la retraite d'une employée de l'équipe scientifique. (Pour protéger son anonymat, j'appellerai cette dernière « l'employée prenant sa retraite » tout au long de la présente décision.) Le 29 octobre 2004, M. Cline a envoyé un courriel concernant la fête, prévue le 2 décembre 2004 à 13 h 30. Le message électronique contenait un dessin illustrant une sorcière sur son balai. Sous le dessin, on pouvait lire [traduction] « Oui, c'est vrai, [l'employée prenant sa retraite] s'envolera bientôt pour entreprendre une nouvelle carrière à titre d'ancienne employée de l'ARC, après 26 ans de service! ». Ce courriel a été produit sous la cote G-2.

19 À ce moment-là, Mme Gray était absente du bureau et M. Parkolub agissait en sa qualité. Aucun des éléments de preuve qui m'ont été soumis ne montre que M. Cline a fait l'objet d'une mesure disciplinaire pour avoir envoyé ce courriel.

20 M. Parkolub a déclaré au cours de son témoignage que l'on a souvent recours à des dessins dans les courriels envoyés au sein de l'ARC. M. Parkolub savait que l'employée prenant sa retraite faisait partie de l'équipe scientifique et qu'il n'était pas facile de s'entendre avec elle, mais [traduction] « cela concernait l'équipe scientifique et, nous, du côté financier, n'en avions rien à faire ».

21 M. Parkolub a donné des exemples de dessins qui avaient été joints à des courriels envoyés à tous les employés de l'organisation à RSDE-Melville (pièces G-3 et G-9). Certains d'entre eux, dont celui que l'on retrouve sous la cote G-3, qui avait été envoyé par l'administration centrale, contenaient des dessins animés qui occupaient, sur le réseau, plus d'espace que ceux qui ne l'étaient pas, comme la sorcière. Il a déposé en preuve également des copies de courriels contenant des « plaisanteries » de bureau, comme la pièce G-4. L'un de ces courriels, envoyé par l'administration centrale, contenait un dessin (pièce G-5).

22 En février et en mars 2005, un directeur a envoyé à tout le personnel des courriels contenant des photographies qui n'avaient rien à voir avec le travail (pièce G-6), ainsi que des annonces de fête de départ à la retraite, qui contenaient du papier peint et auxquelles étaient jointes des photographies (pièce G-7).

23 On semble avoir eu couramment recours aux dessins dans les courriels dans le but d'attirer l'attention du destinataire et de semer un peu d'humour dans un environnement de travail tendu. Des symboles comme « ;+) », signifiant « si vous voyez ce que je veux dire », figuraient dans certains courriels. M. Parkolub a indiqué qu'il avait travaillé à Ottawa pendant un certain nombre d'années et que la distribution, au moyen du système de messagerie électronique de l'employeur, de courriels contenant des dessins était chose courante.

24 Il a déclaré que l'employeur dispose d'un lecteur commun auquel tous les employés ont accès. Une portion du lecteur est configurée de manière que les membres du personnel puissent communiquer des documents. Sur cette portion du lecteur, on affiche souvent des avis d'activités sociales et de fêtes. M. Parkolub a déclaré que l'on pouvait y trouver les événements des deux ou trois dernières années. Des photographies d'activités sociales du personnel sont affichées également sur ce lecteur. Au cours des récentes années, les appareils photos numériques étant de plus en plus perfectionnés, un nombre accru de photographies, dont les fichiers sont de plus grande taille, ont été affichées sur le lecteur par les employés. J'accepte le témoignage de M. Parkolub selon lequel Mme Gray avait affiché sur le lecteur commun des photographies personnelles prises au cours de l'un de ses voyages en camping.

25 M. Parkolub a déclaré dans son témoignage qu'il croyait que Mme Gray était au courant du dîner qui était prévu en l'honneur de l'employée prenant sa retraite, même si elle n'était pas au bureau. La fête devait avoir lieu pendant les heures d'ouverture, entre 13 h 30 et 15 h 30, le 2 décembre 2004. Les employés devaient confirmer leur présence à la fête au plus tard le 26 novembre 2004. Ce jour-là, M. Parkolub a noté que très peu d'employés du service de vérification financière avaient confirmé leur présence, ce qui, à son avis, ternissait l'image de celui-ci. Cela témoignait en outre de la détérioration des relations entre les employés de l'équipe financière et ceux de l'équipe scientifique.

26 En raison de la faible participation des employés affectés à l'examen financier, M. Parkolub a décidé de prendre les choses en main pour tenter de réduire la tension. Si, certes, il ne pouvait forcer son personnel à assister à la fête, il a quand même cru bon de préparer une présentation en PowerPoint et d'inviter son personnel à y assister. Cela tiendrait lieu de fête d'adieu de la part des employés de l'équipe financière et contribuerait à remonter le moral des troupes.

27 M. Parkolub ne connaissait pas bien l'employée prenant sa retraite, mais il savait qu'elle aimait bien faire des randonnées à motocyclette et qu'elle ne pouvait s'adonner à cette activité depuis le décès de son mari. Ainsi que M. Parkolub l'a indiqué, « là était l'inspiration » de sa présentation. M. Parkolub s'est entretenu avec M. Cline et avec un ami de l'employée prenant sa retraite, John Kozbial, pour « tâter le terrain » et savoir ce qu'ils pensaient du concept de sa présentation.

28 M. Parkolub a déclaré qu'il avait préparé des centaines de présentations au cours de sa carrière et que, depuis au moins 15 ans, il avait normalement recours à l'humour dans celles-ci. C'est le genre de présentation qu'il a préparée en novembre 2003, au terme du premier cycle d'examen du rendement. Certaines de ces présentations avaient été faites à l'intention des directeurs de programmes et de directions générales « plus hauts » dans la hiérarchie et à l'intention d'autres employés qui relevaient directement de la sous-commissaire.

29 Il avait souvent recours à l'humour pour dissiper la tension. L'autodérision était son arme de choix, et il l'accompagnait de petits dessins, de photographies et de textes qu'il insérait dans des bulles. M. Parkolub a indiqué que même lorsqu'il travaillait à Ottawa, son humour était « tordu », et les réactions à celui-ci étaient bonnes.

30 M. Parkolub a préparé la présentation et, le jour de la fête, il l'a revue en détail avec M. Kozbial, qui connaissait l'employée prenant sa retraite, car il ne souhaitait y inclure rien que celle-ci jugerait choquant. M. Parkolub a déclaré au cours de son témoignage que M. Kozbial lui avait dit que la présentation était remarquable.

31 M. Parkolub a décrit la présentation en PowerPoint qu'il a faite le 2 décembre 2004 et dont, malheureusement, je n'ai obtenu aucune copie. Il l'a présentée au bureau et non au restaurant The Keg, dans le but de permettre aux employés de l'équipe financière de faire leurs adieux à l'employée prenant sa retraite, cette dernière appartenant à l'équipe scientifique. Bien que les employés de l'équipe financière aient eu le choix d'y assister ou non, M. Parkolub a tenté d'en rassembler le plus grand nombre possible de manière à donner l'impression qu'eux aussi souhaitaient une bonne retraite à l'employée.

32 La présentation a duré environ 10 minutes, et approximativement 20 employés y ont assisté. Brian Boudreau, gestionnaire par intérim de l'examen financier, était lui aussi présent. La présentation était composée de diapositives. Sur certaines d'entre elles, on s'en prenait aux gestionnaires, sur d'autres, on pouvait voir des gestionnaires s'en prenant à d'autres gestionnaires, en faisant allusion aux difficultés qui existaient entre l'équipe scientifique et l'équipe financière, parfois en des termes désobligeants. Dans de nombreux cas, les photos de personnes étaient assorties d'une légende. Une quinzaine de diapositives contenaient des calembours ― « tu es poussière, et à la poussière tu retourneras »; une photo représentant le Mont Ste-Hélène et des cendres; un point rond, appelé le « ash hole » (« trou à ordure »); et une diapositive illustrant trois gestionnaires, avec la mention « three ash holes » (« trois trous à ordure »). Il y avait également une diapositive où les examinateurs financiers étaient appelés des crétins.

33 M. Parkolub a indiqué dans son témoignage que la présentation était amusante; tous ceux qui étaient présents avaient bien ri. L'employée prenant sa retraite, qui l'avait bien aimée, en a demandé une copie, comme l'ont fait d'autres employés.

34 Au terme de la présentation, certains employés ont quitté la pièce, et M. Parkolub s'est rendu au restaurant The Keg pour assister à la fête. Il s'agissait d'un bien cuit, dont Doug Cline était le maître de cérémonie. Chacun a donné des « coups » et en a reçus aussi. On a pu entendre des anecdotes amusantes qui ont fait rire tout le monde, on a offert des présents, on a dîné et puis on est retourné au bureau.

35 Vu la demande de l'employée prenant sa retraite et d'autres employés, M. Parkolub a affiché sa présentation dans la partie du lecteur commun réservée aux employés à son retour au bureau. Le 2 décembre 2004 à 16 h 04, il a envoyé un courriel informant les destinataires de l'endroit où ils pouvaient trouver la présentation. M. Kozbial se chargeait d'en faire une copie à l'intention de l'employée prenant sa retraite en la gravant sur un disque compact.

36 Le 2 décembre 2004, à 16 h 12, M. Hu a fait circuler un courriel au sein du groupe de distribution de RSDE-Melville à l'intention de M. Parkolub et des employés figurant sur la liste de distribution PAC. On y voyait notamment un dessin fait à la main illustrant un mousquetaire, et le message suivant :

[…]

Correction dans la présentation de Peter : Z[…] devrait se lire S[…]. Les trois « assketeers » (« mouscultaires ») dans la présentation devraient être trois mousquetaires.

[…]

37 M. Parkolub a cru que le courriel de M. Hu était une blague et un jeu de mots par lequel il avait remplacé « ash holes » par « musketeers » (« mousquetaires »), puis par « assketeers ».

38 Mme Gray a apparemment reçu le courriel de M. Hu, sans l'illustration toutefois, sur son Blackberry, pendant qu'elle était à Ottawa. Le 2 décembre 2004, elle a demandé s'il y avait eu des réactions défavorables à la présentation et a demandé à M. Parkolub de lui expliquer ce que M. Hu avait voulu dire par son commentaire sur les « assketeers ».

39 Par suite du courriel de Mme Gray, M. Parkolub a retiré sa présentation du lecteur commun.

40 Le 3 décembre 2004, l'employée prenant sa retraite a envoyé un courriel aux employés figurant sur la liste de distribution PAC et à M. Cline pour remercier M. Parkolub, notamment, pour la fête d'adieu. Le courriel contenait aussi un dessin illustrant un chat.

41 Le 13 décembre 2004, Mme Gray est retournée au bureau et l'affectation de M. Parkolub à titre de directeur adjoint par intérim a pris fin. Ce jour-là, lors d'une réunion des gestionnaires, M. Cline s'est dit d'avis que la présentation était un bon exercice de promotion du travail d'équipe et que [traduction] « l'on n'avait jamais rien fait de mieux pour renforcer le moral ». Mme Gray a voulu savoir s'il y en avait parmi les membres du personnel qui avaient été offensés par la présentation. M. Boudreau a indiqué que la présentation était bonne, mais que certains des examinateurs financiers n'avaient pas aimé la remarque suivant laquelle « tous les EF sont des crétins ». Au cours du témoignage qu'il a donné à l'audience, M. Parkolub a déclaré que M. Boudreau « a tendance à exagérer » et que personne n'était venu le voir pour se plaindre de la présentation.

42 Le 11 janvier 2005 ou vers cette date, M. Parkolub a su par l'entremise de M. Cline que Mme Gray avait entrepris une enquête.

43 De l'avis de M. Parkolub, il a ensuite été avisé, le 13 janvier 2005, que Mme Gray menait une enquête sur un cas de harcèlement et un cas de manquement aux Lignes directrices stratégiques sur l'utilisation des réseaux électroniques. M. Parkolub croit que Mme Gray a lancé l'enquête en raison de ses propres réserves et non pas en raison de quelque plainte que ce soit.

44 Mme Gray a tenu des rencontres le vendredi 14 janvier 2004, à 9 h 30 avec M. Parkolub et à 13 h 05 avec M. Hu, dans le but de faire la lumière sur les événements. Deux versions des notes de la rencontre avec M. Parkolub ont été déposées : les notes de M. Reniers, représentant de l'agent négociateur, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (pièce G-10), et celles de Mme Gray (pièce G-11). Les notes que Mme Gray a prises lors de sa rencontre avec M. Hu ont elles aussi été déposées (pièce G-18).

45 À la demande de M. Reniers, Mme Gray a remis à M. Parkolub des documents sous une note d'accompagnement datée du 28 janvier 2005, dont deux courriels anonymes. Le courriel qui a été envoyé à 14 h 03 est reproduit ci-après :

[Traduction]

[…]

Ce message anonyme décrit dans le détail les réserves formulées par certains vérificateurs de RS&DE au sujet de la présentation de diapositives et des courriels offensants qui ont été préparés par des gestionnaires de RS&DE. Il y aura prochainement, à ce sujet, une enquête disciplinaire.

Nous nous excusons du caractère anonyme de la présente communication. Étant donné la taille modeste du lieu de travail, le risque de représailles punitives existe réellement.

Lors de la fête d'adieu tenue en l'honneur de l'employée prenant sa retraite, la présentation de diapositives par des gestionnaires de l'ARC affichant en lettres géantes que tous les examinateurs et vérificateurs financiers de RS&DE sont des crétins et sont stupides n'était pas opportune.

De plus, lors de la rencontre et dans des courriels subséquents, des personnes ont été qualifiées de trous de cul et de « assketeers », ce qui à notre avis est offensant.

Nous voyons dans ces insultes, blagues, courriels et attitudes insensibles des comportements profondément offensants et très peu professionnels à l'ARC et au sein de la section RS&DE.

Nous avons communiqué avec le syndicat à cet égard.

Nous nous demandons si c'est là le genre de comportement public exemplaire que l'on s'attend à voir les gestionnaires de l'ARC adopter. Dans l'affirmative, les vérificateurs peuvent-ils eux aussi emboîter le pas et appeler les plaignants et les collègues des crétins et des trous de cul?

Nous sommes d'avis que les gestionnaires en cause ont sciemment contrevenu au Code de conduite sur le professionnalisme et le respect de l'ARC aux dépens des membres du personnel.

[…]

46 Le 14 janvier 2005 à 16 h 25, une autre plainte a été transmise au sujet du courriel de M. Hu. Le texte de cette plainte est reproduit ci-après :

[Traduction]

[…]

Nous aimerions ajouter autre chose au sujet du courriel que Thomas Hu a fait parvenir à tous les membres du personnel de RS&DE concernant les trous de cul (« assketeers »). Ce courriel était une réponse puérile en représailles à une présentation de diapositives faite au cours d'une fête de départ à la retraite où l'on s'était moqué de lui.

Le courriel susmentionné (faisant mention de trous de cul) de Thomas Hu a été retenu - c'est-à-dire que le personnel de vérification en a conservé une copie. En outre, la présentation de diapositives qui a été affichée sur le lecteur J par Peter Parkolub a elle aussi été retenue (elle a depuis été retirée).

Puisque Peter (à l'instar de Thomas) l'a transmise à tous par courriel, certains employés en ont immédiatement gardé une copie.

Nous jugeons les courriels (qui font référence à des trous de cul) et le comportement insultant de ces personnes au cours de la fête de départ à la retraite [de l'employée prenant sa retraite] offensants. Leurs blagues sur les trous de cul sont à l'endroit des vérificateurs une insulte qu'ils ont affichée au moyen d'un projecteur pour nous appeler des crétins.

À titre de gestionnaires, ils auraient dû être plus avisés.

Mais vous le savez sans doute […]

[…]

47 M. Parkolub a indiqué qu'il savait qui avait écrit les deux courriels parce qu'il avait reconnu le style de rédaction. Il y a [traduction] « des employés du service scientifique qui font parvenir des bombes régulièrement » et, a-t-il ajouté, [traduction] « certaines personnes feront tout en leur pouvoir pour nous démolir ». Il voulait dire que des employés se mettaient en quatre pour ébranler l'organisation. Il soupçonne fortement que les plaintes ont été faites « après le fait » par des employés qui n'aimaient pas les changements qu'il avait mis en place au sein de la division. Il n'a été ni interrogé ni contre-interrogé sur l'identité de ces personnes. L'employeur n'a pas appelé à témoigner les auteurs des courriels. Il croit que les deux courriels anonymes ont été « conçus à l'interne ».

48 M. Parkolub a également envoyé, par le passé, des courriels qu'il croyait humoristiques. L'un de ces courriels, daté du 17 mars 2004, a été produit en preuve (pièce G-12). Il s'agit d'un courriel adressé au personnel et dont des copies ont été transmises à certaines personnes, notamment à Mme Gray. Le courriel annonçait un changement au niveau du personnel, contenait le dessin d'une dinde et se lisait comme suit en partie.

[Traduction]

[…]

C'est avec regret que je vous annonce qu'au cours des prochaines semaines, quelques dindes quitteront la ferme […]

Malheureusement, il semblerait que JE NE SOIS PAS parmi ceux qui partiront, de sorte que l'équipe 27 n'aura d'autre choix que d'endurer la grosse dinde pour l'instant […]

Tous les autres animaux de la ferme demeurent en place.

[…]

49 M. Parkolub a déclaré avoir écrit ce courriel pour annoncer les changements intervenus au niveau du personnel. Certains membres du personnel le prenaient à partie et réprouvaient les changements mis en place. Il n'était pas populaire auprès des employés à ce moment-là; c'est la raison pour laquelle il a écrit qu'ils n'avaient d'autre choix que « d'endurer la grosse dinde ». M. Parkolub a déclaré au cours de son contre-interrogatoire qu'il avait eu une rencontre avec Mme Gray au sujet du courriel. Par suite de cette rencontre, il en était arrivé à la conclusion que le seuil de tolérance de cette dernière n'était non pas « moyen », mais plutôt bas. M. Parkolub rendait alors des comptes à Arlene White, la directrice, qui n'a rien dit au sujet de ce courriel.

50 Le 4 février 2005, Mme Gray a remis à M. Parkolub une lettre disciplinaire, et il a purgé sa suspension le 23 février 2005. M. Parkolub a tenté de négocier une journée différente, mais Mme Gray est restée ferme. La lettre disciplinaire est libellée en partie dans les termes suivants :

[Traduction]

[…]

J'ai déterminé que vous aviez conçu et fait la présentation à l'intention d'un groupe d'employés de la division RS&DE pendant que vous agissiez en ma qualité de directeur adjoint de la division. Vous avez placé une copie de la présentation sur le lecteur commun, lequel est accessible à tous les employés, et avez avisé la division entière par courriel qu'il était possible de la consulter. Ces activités constituent une contravention aux Lignes directrices stratégiques sur l'utilisation des réseaux électroniques ainsi qu'au Code d'éthique et de conduite, et font fi des responsabilités de la direction et des employés aux termes des Lignes directrices sur la prévention et la résolution du harcèlement.

Dans la présentation en question, vous appelez certains employés des crétins et inférez que d'autres sont des trous de cul; à d'autres occasions, vous utilisez un langage ou créez des situations inappropriés. Vous avez expliqué que vos gestes et votre comportement étaient appropriés étant donné que l'objet de votre présentation était un « bien cuit » soulignant un départ à la retraite. Vous avez cru que la présentation était une bonne façon de pallier l'absence du personnel des finances à la fête, et qu'elle favoriserait le travail d'équipe et la coopération au sein de la division. De plus, vous avez indiqué avoir reçu de nombreux compliments sur la présentation, et que c'est la raison pour laquelle vous l'aviez copiée sur le lecteur commun pour que tous puissent y avoir accès.

Certains pourraient juger le contenu de la présentation offensant ou déplacé. Je remarque que vous avez indiqué que vous aviez reçu des commentaires suivant lesquels quelques personnes avaient exprimé des réserves au sujet des commentaires faits dans la présentation. Personne n'aurait dû présenter une chose pareille aux employés, surtout pas vous, à titre de gestionnaire et en particulier à titre de directeur adjoint par intérim. Vous n'auriez pas dû non plus copier la présentation sur le lecteur commun. En votre qualité de gestionnaire, votre travail consiste notamment à faire en sorte que les employés fassent usage de nos systèmes de manière appropriée. J'ai auparavant discuté avec vous du caractère opportun de votre comportement, plus particulièrement à l'égard d'un incident récent au cours duquel nous avons discuté des lignes directrices sur le harcèlement. Aux termes du Code d'éthique et de conduite, vous êtes responsable de votre propre comportement. Les gestionnaires doivent donner l'exemple, privilégier un comportement respectueux et créer et maintenir un environnement de travail respectueux. À titre de gestionnaire, vous devez absolument agir en conformité avec les valeurs de notre organisation et mettre de l'avant dans vos propos et agissements les valeurs dont elle fait la promotion. Il importe également que vous appliquiez de bonnes pratiques dans la gestion des ressources humaines.

J'ai pris en considération la franchise dont vous avez fait preuve au cours de nos rencontres, ainsi que les explications que vous avez fournies, dans la mesure où elles se rapportent au contexte dans lequel la présentation a été faite. J'ai pris en considération également vos années de service au sein de l'ARC, l'absence d'un dossier disciplinaire antérieur ainsi que l'objectif visé par la présentation. Je ne peux cependant sanctionner ce type de comportement. Pour bien vous faire comprendre à quel point vos actions sont graves à mon avis, et dans le but de corriger votre comportement, j'ai décidé qu'il y avait lieu de vous imposer une mesure disciplinaire. Cette mesure prendra donc la forme d'une suspension d'une journée sans paie, que vous purgerez le 23 février 2005. Je m'attends à ce qu'en votre qualité de gestionnaire, vous respectiez les valeurs de l'ARC et adhériez aux politiques susmentionnées. Un comportement inacceptable semblable à l'avenir pourrait donner lieu à l'imposition d'autres mesures disciplinaires.

[…]

51 M. Parkolub a été contrarié par la mesure disciplinaire imposée par l'employeur. Il n'avait pas voulu agir pour le compte de Mme Gray, mais elle l'avait supplié d'assumer son rôle pendant son absence et, croyait-il savoir, personne d'autre ne voulait de l'affectation intérimaire. Il avait le sentiment d'être un « homme marqué » en raison des changements qu'il avait mis en place au lieu de travail et craignait que le personnel s'offusque de le voir agir pour le compte de Mme Gray. La mesure disciplinaire a été imposée la veille de son départ en vacances. Il a dit que d'autres personnes, dont Mme Gray, s'étaient servies du lecteur commun pour afficher des documents personnels, comme des photographies de voyages en camping, et qu'elles inséraient des dessins dans leurs messages électroniques. Des exemples ont été fournis au moyen de certaines des pièces produites en preuve. Il a indiqué qu'il avait assisté à des réunions au cours desquelles d'autres gestionnaires avaient utilisé un langage grossier, et que Mme Gray ne s'était pas indignée du langage alors utilisé. M. Parkolub a expliqué qu'il avait utilisé l'expression « ash hole » pour faire un calembour dans le contexte du personnel vieillissant, et qu'il s'agissait d'une allusion à la phrase « tu es poussière, et à la poussière tu retourneras », et non au fait que « mes employés sont des trous de cul ». Il a indiqué qu'il est difficile de savoir quelle est la norme au sein de l'ARC, car il a entendu des employés, même à Ottawa, qui « juraient comme des bûcherons ».

52 M. Parkolub estime que, par suite de l'imposition de la mesure disciplinaire, on ne lui a pas offert autant d'affectations intérimaires ni versé de rémunération au rendement pour  la période de 2005-2006, alors qu'il en avait obtenu une l'année précédente. Il s'est renseigné auprès de Mme Gray à ce sujet, et elle lui a dit qu'il n'y avait dans son évaluation du rendement rien qui lui donnait droit à une rémunération au rendement. Le Rapport de gestion du rendement de l'employé de M. Parkolub pour la période du 1er avril 2004 au 31 mars 2005 a été versé en preuve (pièce G-16). Dans l'ensemble, l'on a déterminé qu'il « satisfait » ou [traduction] « satisfaisait à la majorité des attentes en matière de rendement et qu'il avait pu en dépasser certaines ». M. Parkolub a admis qu'il avait approuvé son évaluation du rendement sans apporter quelque commentaire que ce soit et qu'il n'avait déposé aucun grief pour contester l'absence d'une rémunération au rendement.

53 Le document de l'Agence du revenu du Canada intitulé Lignes directrices sur la rémunération au rendement et le congé de rendement pour les membres du groupe Management/Gestion et des postes équivalents du groupe de la gestion du personnel a été déposé en preuve (pièce G-15). Les critères d'admissibilité à une rémunération au rendement ou à un congé de rendement sont énoncés à la clause 6.1, page 9, dans les termes suivants :

[…]

a) Le gestionnaire doit avoir exécuté les fonctions d'un poste MG, ou encore d'un poste PE équivalent, à titre de poste d'attache, intérimaire ou pour une période déterminée.

b) Le gestionnaire doit avoir exécuté les fonctions du poste MG pendant au moins six mois consécutifs au cours de la période d'examen du rendement.

c) Le gestionnaire doit avoir reçu dans son évaluation de rendement une cote « satisfait aux exigences » ou « dépasse les exigences » concernant ses responsabilités principales.

d) Le gestionnaire doit avoir reçu dans son évaluation de rendement une cote « bon », « très bon » ou « excellent » concernant ses engagements permanents.

e) Les gestionnaires occupant des postes représentés doivent être régis par une convention collective contenant une clause qui traite de la rémunération au rendement ou du congé de rendement.

[…]

54 Lors de son contre-interrogatoire, M. Parkolub a déclaré qu'il avait l'impression que Mme Gray vivait dans un monde surprotégé et qu'elle avait pris le dessin contenu dans le courriel de M. Hu ainsi que sa présentation hors contexte. Il a dit qu'en ce qui concerne la présentation, son intention était d'utiliser un mot flou comme « ash hole » pour se moquer de lui-même.

55 M. Hu a témoigné qu'il avait été chef d'équipe pendant cinq ans, qu'il avait occupé auparavant, pendant deux ans, un poste de conseiller en sciences et qu'à ce titre, il avait examiné les demandes. M. Hu a souscrit à l'évaluation de M. Parkolub selon laquelle les relations entre les équipes scientifique et financière étaient très tendues. Les membres de son équipe s'étaient plaints de la charge de travail que l'équipe financière devait assumer du fait des exigences de M. Parkolub en matière de rendement. Il a déclaré également au cours de son interrogatoire que cette tension était attribuable en partie au passage au sein de la section de trois directeurs adjoint au cours de la période de deux ans précédant l'arrivée de Mme Gray au poste de directrice adjointe en novembre 2004. À l'époque, elle a entrepris de mettre en place de nombreux changements, et M. Parkolub a alors beaucoup exigé de son personnel. Les membres de l'équipe scientifique ont alors ressenti beaucoup de pression et se sont plaints de leur charge de travail.

56 M. Hu a indiqué qu'il avait reçu des courriels parce qu'il figurait sur la « liste de diffusion PC de Melville ». Il a reçu le courriel concernant la retraite de l'employée prenant sa retraite. Le dessin de la sorcière a attiré son attention, mais « il n'y avait rien là ».

57 Il a été mis au courant de la présentation de M. Parkolub à 11 h le jour où elle a été faite. Il se rappelle que c'était un moment joyeux au bureau, et que les rires avaient fusé. Il a indiqué que la séquence des diapositives était la suivante : une illustration de l'ouverture d'un volcan avec la mention « an ash-hole », suivie d'une illustration des trois gestionnaires scientifiques avec la mention « three ash holes ». Il se souvient d'avoir vu les gens rire à ce moment-là. Tous semblaient approuver et juger qu'il s'agissait d'une très bonne présentation; l'employée prenant sa retraite en avait demandé une copie. M. Hu a assisté au dîner et au bien cuit au restaurant The Keg après la présentation et a dit que le ton humoristique de celle-ci avait été repris au dîner.

58 M. Hu a envoyé le courriel avec un dessin plus tard le même jour parce que le prénom de l'employée prenant sa retraite avait été mal orthographié, et il voulait le souligner à M. Parkolub. Son renvoi aux « assketeers » a résulté du processus de réflexion suivant : trois amis, trois mousquetaires et trois petits cochons. Il avait fait le lien entre les mousquetaires (« musketeers ») et les « ash holes », puis remplacé quelques lettres de « musketeers », inventant ainsi le terme « assketeers ». M. Hu dessine des caricatures dans ses temps libres. Il a obtenu le graphique sur l'internet. Ce n'était pas l'un de ses dessins.

59 M. Hu n'a reçu de commentaire négatif de quiconque dans sa section ou de M. Parkolub que lorsqu'il a reçu un courriel de Mme Gray, le 12 janvier 2005, l'informant de la tenue d'une rencontre, prévue provisoirement le 14 janvier 2005, en vue de faire la lumière sur les événements et de discuter de la présentation. M. Hu a été informé que cette rencontre devait servir à recueillir les faits et à déterminer si une mesure disciplinaire s'imposait.

60 Lorsqu'il s'est reporté aux notes prises pendant la rencontre (pièce G-18), M. Hu a expliqué qu'il avait cru que les trois gestionnaires scientifiques travaillaient en collaboration, ce qui l'avait amené à penser aux trois mousquetaires; dans le contexte de la présentation de M. Parkolub, cette qualification est devenue « three assketeers ». M. Hu a déclaré qu'il avait aimé la présentation de M. Parkolub, que ce dernier était ainsi parvenu à améliorer le travail d'équipe entre le volet financier et le volet scientifique, qu'il avait réussi à alléger la tension, et que sa présentation était un bon exercice de promotion du travail d'équipe. M. Hu n'avait vu rien d'offensant dans la présentation de M. Parkolub ou dans le courriel que lui-même avait envoyé et qui contenait un dessin.

61 M. Hu a reçu une lettre disciplinaire datée du 8 février 2005 (pièce G-20). L'envoi du courriel contenant le graphique lui a valu une réprimande écrite. La partie principale de la lettre est libellée dans les termes suivants :

[Traduction]

[…]

J'ai déterminé que le courriel que vous avez envoyé à la Division RS&DE faisant mention des « assketeers » était contraire aux Lignes directrices stratégiques sur l'utilisation des réseaux électroniques et au Code d'éthique et de conduite. Lors de notre rencontre, vous avez admis que vous connaissiez le Code d'éthique et de conduite, les Lignes directrices stratégiques sur l'utilisation des réseaux électroniques ainsi que les Lignes directrices sur la prévention et la résolution du harcèlement. Le courriel pourrait être considéré par certains comme étant offensant ou déplacé et, pour cette raison, il n'aurait pas dû être diffusé. Conformément au Code d'éthique et de conduite, vous êtes responsable de votre comportement. L'interaction efficace entre collègues est essentielle à l'atteinte de nos objectifs commerciaux; en votre qualité de gestionnaire, cela revêt la plus haute importance, car il vous incombe de donner l'exemple et de témoigner des valeurs d'intégrité, de respect, de professionnalisme et de coopération que privilégie notre organisation. Vous devez également créer et maintenir un environnement de travail respectueux, ainsi que le prévoient les Lignes directrices sur le harcèlement.

Le graphique que vous avez joint à votre courriel n'a aucun objectif commercial, il constitue un risque potentiel pour le réseau, et il occupe de l'espace. Il contrevient aux Lignes directrices sur l'utilisation des réseaux électroniques. Il y a plusieurs mois, je vous ai demandé de passer ces Lignes directrices en revue et d'en discuter avec votre équipe. En outre, vous avez participé aux séances de sensibilisation à l'égard du harcèlement qui ont été offertes à la division. À titre de gestionnaire, votre travail consiste notamment à veiller à ce que les employés utilisent nos systèmes convenablement. Il est de votre devoir d'adopter ce comportement.

J'ai pris en considération la franchise dont vous avez fait preuve au cours de nos rencontres; toutefois, le fait que vous n'ayez pas reconnu que vos actions étaient de quelque manière que ce soit inappropriées me laisse perplexe. J'ai pris en compte également vos sept années de service auprès de l'ARC ainsi que l'absence de tout dossier disciplinaire antérieur. Toutefois, pour bien vous faire comprendre à quel point la direction juge vos actions graves et dans le but de corriger votre comportement, j'ai décidé qu'une mesure disciplinaire s'imposait. La présente lettre constitue une réprimande écrite. Je m'attends à ce qu'en votre qualité de gestionnaire vous adoptiez les valeurs de l'ARC, ainsi qu'il est prévu dans vos attentes en matière de rendement, et à ce que vous adhériez aux politiques susmentionnées. Un comportement inacceptable semblable à l'avenir pourrait donner lieu à l'imposition d'une mesure disciplinaire plus grave.

[…]

62 M. Hu a déclaré que personne ne lui avait expliqué en quoi son courriel était offensant ou déplacé. Il avait le sentiment d'avoir apporté une modification subtile qui avait permis à M. Parkolub d'atteindre son but, à savoir améliorer les relations entre l'équipe scientifique et l'équipe financière au sein de la division. Au moment où il a envoyé le courriel en question, M. Parkolub était son superviseur.

63 M. Hu a déclaré dans son témoignage qu'il est fréquemment appelé à se pencher sur des demandes informatisées dans le cadre de son travail. Il reçoit « couramment, mais pas tous les jours », des courriels contenant des graphiques, qui attirent l'attention du lecteur. En outre, a-t-il dit, le système est doté d'un logiciel de détection de virus, de sorte que le risque de contamination est négligeable.

64 M. Hu a déclaré qu'à la suite de la rencontre disciplinaire il avait fait l'objet d'une enquête interne pour traitement de faveur à l'égard d'un contribuable et relativement à un membre de l'équipe qui avait modifié une demande de remboursement de frais de déplacement. L'on a jugé subséquemment que ces allégations étaient non fondées.

65 M. Hu a déclaré au cours de son témoignage qu'après avoir été réprimandé par Mme Gray, il avait été peu disposé à prendre sa place pendant ses absences. Il était difficile d'agir pour le compte de Mme Gray, car elle se servait du courriel pour modifier ou infirmer des décisions qu'il avait prises et, a-t-il ajouté, il [traduction] « ne voulait pas devenir une marionnette ».

66 Dans leurs griefs, les fonctionnaires s'estimant lésés en l'espèce allèguent que les mesures disciplinaires contreviennent à l'article 37 de la convention collective, dont voici le texte :

ARTICLE 37

NORMES DE DISCIPLINE

37.01    Lorsqu'il rédige ou modifie des normes de discipline, l'Employeur convient de fournir à chaque employé et à l'Institut suffisamment de renseignements à ce sujet.

37.02  L'Employeur convient de consulter l'Institut lorsqu'il faut modifier les normes de discipline existantes. De plus, l'Employeur accepte d'examiner attentivement les recommandations de l'Institut à ce sujet et, au besoin, de les faire adopter.

37.03    Lorsque l'on demande à un employé d'assister à une réunion portant sur un sujet d'ordre disciplinaire qui le concerne, l'employé a le droit de se faire accompagner à la réunion par un représentant de l'Institut lorsque ce dernier est disponible. Dans la mesure du possible, l'employé reçoit au minimum une (1) journée de préavis de cette réunion.

37.04    Lorsque l'employé est suspendu de ses fonctions, l'Employeur s'engage à lui indiquer, par écrit, la raison de cette suspension. L'Employeur s'efforce de signifier cette notification au moment de la suspension.

37.05    L'Employeur informe le représentant local de l'Institut qu'une telle suspension a été infligée.

37.06    L'Employeur consent à ne pas produire comme preuve à une audience concernant une mesure disciplinaire tout document au sujet de la conduite ou du rendement de l'employé dont celui-ci n'était pas au courant au moment de présenter un grief ou dans un délai raisonnable  après avoir présenté le grief.

37.07    Tout document de nature disciplinaire qui peut avoir été versé au dossier de l'employé doit être détruit deux (2) ans après la date à laquelle la mesure disciplinaire a été imposée, pourvu qu'aucune autre mesure disciplinaire n'ait été portée au dossier de cet employé durant ladite période.

III. Demande de réouverture de l'audience

67 Dans la présente affaire, il a été impossible de mener l'audience à terme les 27 et 28 juin 2006, les dates prévues de l'audience. Le 28 juin 2006, les parties ont mis fin à la présentation de leur preuve, puis j'ai entendu les arguments des fonctionnaires s'estimant lésés. Il a ensuite été prévu que l'audience reprendrait le 28 novembre 2006, de manière que je puisse entendre les arguments de l'employeur et ceux que les fonctionnaires s'estimant lésés pourraient souhaiter présenter en réplique. Lors de l'audience, le 28 novembre 2006, les fonctionnaires s'estimant lésés ont demandé la réouverture de l'audience en vue d'appeler M. Hu à témoigner à nouveau. Ce dernier devait témoigner sur le fait qu'il avait entendu les commentaires qu'un membre du personnel supérieur de l'équipe de direction avait formulés en public à la suite de l'audience tenue en juin. Les fonctionnaires s'estimant lésés ont fait valoir que ce témoignage serait pertinent quant à la question de la culture du milieu de travail, ce qui rendrait « la présente décision sans pertinence ».

68 L'employeur s'est opposé à ce que l'on présente toute autre preuve, invoquant l'équité procédurale et faisant valoir que cette preuve supplémentaire retarderait le déroulement de l'audience, puisque la demande n'avait été faite que le matin de l'audience en novembre.

69 En réponse, les fonctionnaires s'estimant lésés ont fait valoir que l'employeur pourrait s'exprimer sur la nouvelle preuve en produisant lui-même une preuve supplémentaire.

70 J'ai rejeté la demande de réouverture de l'audience, car les questions dont j'étais saisi se rapportaient à un comportement survenu au travail le 2 décembre 2004. Les deux parties avaient mis fin à la présentation de leur preuve, et bien que j'aie alors entendu les arguments des fonctionnaires s'estimant lésés, je ne disposais pas de suffisamment de temps pour entendre les arguments de l'employeur ou une réponse des fonctionnaires s'estimant lésés le 28 juin 2006. L'arbitre de grief dispose peut-être du pouvoir discrétionnaire de rouvrir l'audience, mais je n'étais pas disposé à exercer ce pouvoir dans le dossier en l'espèce, car il faut assurer le caractère définitif des audiences d'arbitrage, et la nouvelle preuve, si elle était admise, risquait d'entraîner un ajournement de cette audience et de retarder le moment où celle-ci pourrait être reprise.

71 J'ai indiqué à l'audience que j'étofferais ma décision dans mes motifs. À mon avis, la preuve que l'on cherchait à produire, qui se rapportait à des événements qui se sont produits plus de 18 mois après le dépôt des griefs, n'est d'aucune aide aux fins de trancher les griefs découlant d'une mesure disciplinaire imposée le 4 février 2005 à l'encontre d'un comportement qui a été adopté au travail le 2 décembre 2004. En outre, on soutient principalement dans ce cas-ci qu'il y a eu manquement à l'article 37 de la convention collective. Il ne s'agit pas d'un cas où l'employeur a choisi d'imposer ou non une mesure disciplinaire à d'autres employés pour un comportement semblable à celui qui est en cause en l'espèce. L'employeur a imposé une mesure disciplinaire tant à M. Parkolub qu'à M. Hu, et aucun autre employé n'était impliqué dans l'incident. On peut difficilement voir comment « la culture du milieu de travail » pourrait aider à déterminer s'il y a eu manquement à la convention collective.

IV. Résumé de l'argumentation

A. Pour les fonctionnaires s'estimant lésés

72 Dans un exposé introductif, les fonctionnaires s'estimant lésés ont déclaré que les pénalités qui leur ont été imposées soulèvent un certain nombre de questions quant à leur caractère raisonnable, au degré de discipline imposé et au processus suivi pour y arriver. Ils ont indiqué que les réprimandes contrevenaient à la convention collective et qu'elles se rapportaient à la discipline. Ils se sont fondés sur la politique disciplinaire de l'employeur (pièce G-13) pour faire valoir que ce dernier avait contrevenu à trois égards à l'article 37 de la convention collective.

73 D'une part, les fonctionnaires s'estimant lésés ont-ils déclaré, l'article 37 de la convention collective crée une norme d'équité ou de justice naturelle. Les clauses de l'article en question prescrivent que les fonctionnaires s'estimant lésés doivent connaître la preuve qu'ils doivent réfuter, avoir le droit d'y répondre, avoir le droit d'être représenté et recevoir un avis des actions et des renseignements sur lesquels l'employeur se fonde. Adopter une perspective restrictive à l'égard des dispositions rendrait celles-ci sans objet. L'adoption d'une perspective plus libérale est autorisée par une série de décisions, dont Procureur général du Canada c. Lillian Shneidman, 2006 CF 381 (CF 1re inst.).

74 L'employeur a violé cette obligation d'équité, plus particulièrement la stipulation 37.06 de la convention collective, en ne divulguant pas la nature des allégations pesant contre les fonctionnaires s'estimant lésés ni les documents sur lesquels il se fondait. Plus particulièrement, l'employeur n'a communiqué aucune déclaration des témoins ni n'a, en ce qui concerne l'enquête sur le grief de M. Hu, communiqué les renseignements fournis par M. Parkolub ou, en ce qui concerne l'enquête sur le comportement de ce dernier, communiqué les renseignements fournis par M. Hu. Les deux fonctionnaires s'estimant lésés ont été étonnés de la vitesse à laquelle l'employeur a rendu de longues décisions-lettres dans lesquelles il leur a imposé une mesure disciplinaire. En outre, dans le cas de M. Parkolub, l'employeur a refusé d'envisager une date différente aux fins de purger la suspension, donnant suite à une décision préconçue. M. Hu n'a obtenu aucune explication claire sur la raison pour laquelle ses gestes étaient offensants.

75 D'autre part, l'employeur doit tenir des registres de toutes les enquêtes; or, les fonctionnaires n'ont pas obtenu tous les documents pertinents. L'employeur a contrevenu à la stipulation 37.06 de la convention collective en ne remettant aux fonctionnaires s'estimant lésés aucune copie d'une déclaration faite par M. Cline, et Mme Gray a indiqué qu'elle avait parlé à M. Cline à l'ouverture de l'enquête. Les fonctionnaires s'estimant lésés ignorent si Mme Gray a parlé à M. Boudreau ou aux personnes qui s'étaient plaintes de façon anonyme. Rien ne permet de conclure qu'elle a mené une enquête exhaustive pour déterminer si le comportement en cause était offensant.

76 Les fonctionnaires s'estimant lésés craignent que Mme Gray les ait privés d'une audience équitable, car elle est celle qui a lancé l'enquête et celle également qui était choquée par une présentation à laquelle elle n'a pas assisté elle-même. Ce n'est pas Mme Gray qui aurait dû mener l'enquête sur les griefs, car elle avait déjà tiré ses conclusions et avait procédé à l'enquête sur le fondement de sa propre plainte. Elle a examiné la présentation hors contexte, et a fondé sa décision d'imposer une mesure disciplinaire sur des commentaires qui ont été pris hors contexte également. Il a donc été contrevenu aux lignes directrices de l'employeur sur la discipline, puisque l'enquêteur n'était pas neutre, n'a pas tenu des registres de toutes les entrevues, et n'a pas communiqué des renseignements potentiellement disculpatoires aux fonctionnaires s'estimant lésés, en plus de se fonder sur une preuve par ouï-dire anonyme. L'enquête a été inéquitable.

77 Enfin, l'employeur a violé la stipulation 37.01 de la convention collective, car il n'a pas fourni suffisamment de renseignements aux employés sur les normes de discipline. Les fonctionnaires s'estimant lésés ont donné des exemples de courriels contenant soit des dessins, soit des photographies ― y compris la preuve concernant Mme Gray ― qui équivalaient à un manquement aux Lignes directrices stratégiques sur l'utilisation des réseaux électroniques de l'employeur. Aucune consigne n'a été donnée et aucune mesure disciplinaire n'a été imposée, et les actions créent des attentes chez les employés. Une telle utilisation, sans méchanceté, du système de messagerie électronique est chose courante.

78 Bref, les fonctionnaires s'estimant lésés ont déclaré que la mesure disciplinaire résultait d'un processus qui était vicié sur le plan de la procédure et qui contrevenait à la convention collective. Les mesures disciplinaires ne reposent sur aucun fondement.

79 Les fonctionnaires s'estimant lésés ont fait valoir que, si l'existence de vices procéduraux est établie, il peut être remédié à ces derniers au moyen de la tenue d'une audience d'arbitrage de novo : Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 818 (CAF) (QL), et McIntyre c. Canada (Conseil du Trésor), [1996] A.C.F. no 900 (C.F. 1re inst.) (QL).

80 Ils ont demandé qu'on les rétablisse chacun dans leur situation antérieure. Dans le cas de M. Parkolub, la mesure disciplinaire qui lui a été imposée a eu des conséquences financières, à savoir la perte d'affectations par intérim et la perte de la prime au rendement. M. Hu a lui aussi perdu la possibilité d'obtenir des affectations par intérim. Une sanction pécuniaire peut constituer une perte indirecte : Massip c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 12 (CAF) (QL), Lavigne c. Conseil du Trésor (Travaux publics Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-16452 à 16454, 166-02-16623 et 16624, et 166-02-16650 (19881014), et Guay c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Impôt), dossier de la CRTFP 166-02-24899 (19950217). La perte d'une affectation par intérim ou de la possibilité d'obtenir une telle affectation constitue une peine pécuniaire : Thibault c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-02-26613 (19960909).

81 Au chapitre du bien-fondé des griefs, les fonctionnaires s'estimant lésés ont déclaré qu'ils avaient l'impression que les événements auxquels ils ont pris part au travail avaient été bien tolérés par les autres employés, qu'ils avaient eu un impact positif sur le lieu de travail, et que rien ne permettait de penser qu'ils avaient été préjudiciables. Il y a des écarts au niveau des comportements qui sont tolérés au travail, et un dossier disciplinaire sans tache ne devrait pas être compromis par les goûts subtils des gestionnaires. Les mesures disciplinaires sont un outil complexe qui permettent de façonner la culture d'une organisation et, bien qu'il n'y ait qu'un Code d'éthique et de conduite, il existe de nombreuses cultures différentes dans les lieux de travail au sein de l'ARC. Les écarts au niveau des comportements peuvent être tolérés au sein d'une organisation. Mme Gray a examiné les actions des fonctionnaires s'estimant lésés hors contexte, elle a appliqué ses propres normes, puis a entrepris d'imposer des mesures disciplinaires aux fonctionnaires s'estimant lésés. Le comportement de ces derniers doit être considéré à la lumière d'une organisation où M. Cline, qui est aujourd'hui directeur adjoint par intérim, a qualifié de sorcière une employée prenant sa retraite, avec qui il était difficile de travailler.

82 Il s'agit d'une mesure disciplinaire discriminatoire se rapportant à des actes par ailleurs tolérés au travail. En effet, il y a eu des cas où, par le passé, l'employeur a sanctionné un comportement semblable à celui de MM. Parkolub et Hu : Laurin c. Conseil du Trésor (Revenu Canada), dossier de la CRTFP 166-02-28147 (19980806), et Valadares c. Conseil du Trésor (Santé et Bien-être social Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-19596 et 19597 (19910312). L'arbitre de grief doit examiner l'acte ou le langage, ainsi que la culture du milieu de travail et le contexte : Hiram Walker & Sons Ltd v. Distillery Workers, Local 61 (1973), 4 L.A.C. (2d) 291. Les employés qui se rendent coupables d'actes d'inconduite semblables doivent être traités de la même manière : Partek Insulations Ltd. v. Canadian Automobile Workers, Local 456 (1989), 3 L.A.C. (4th) 193, Canada Post Corp. v. Canadian Union of Postal Workers (Berdan Grievance, Arb. Brunner), [1999] C.L.A.D. No. 42 (QL), et Boeing Canada Technology Ltd. v. Canadian Auto Workers, Local 2169 (Hoeppner) (1997), 62 L.A.C. (4th) 395.

83 Si l'on tient compte du contexte dans lequel les fonctionnaires s'estimant lésés ont agi, le courriel de M. Hu n'a rien de négatif, ni rien de moqueur ou de désobligeant. Il a répondu dans un esprit humoristique et, contrairement à ce que l'on a allégué dans le courriel anonyme, il n'y a aucune preuve qu'il ait été offensé par la présentation. Le terme « ash hole » est semblable au terme « asshole », mais M. Parkolub n'a pas dit « asshole » parce que ce n'est pas ce qu'il avait en tête; il s'agissait d'un calembour. Tous ceux qui ont assisté à la présentation l'ont compris.

84 Si  l'on tient compte du contexte dans lequel ils ont été utilisés, les termes en question n'étaient pas offensants. Le terme « ass » est utilisé dans le langage courant et il n'est pas malséant. Ainsi, l'expression « jaw of an ass » (« mâchoire d'un âne ») est une référence biblique, et l'expression « the law is an ass » (« la loi est une idiote ») est couramment utilisée. Le terme « Bassackwards » (« à reculons ») n'est pas désobligeant et ressemble en ce sens à « assketeers » ou « ash hole ». Il est difficile de croire que le langage utilisé par M. Parkolub ait été offensant alors que lui et M. Hu ont déclaré au cours de leur témoignage que d'autres gestionnaires de niveau supérieur, tout comme M. Parkolub, utilisaient des termes plus forts dans des présentations destinées à des gestionnaires de niveau supérieur.

85 En bout de ligne, l'employeur a imposé des mesures disciplinaires qui ont porté préjudice aux fonctionnaires s'estimant lésés, lesquels devraient avoir recours à l'arbitrage. L'employeur a appliqué une norme à cet égard qui n'était pas justifiée compte tenu du comportement qui avait cours au travail, et les fonctionnaires s'estimant lésés ont subi des conséquences qui ont dépassé la portée d'une réprimande. L'arbitre de grief a compétence, et il devrait annuler les mesures disciplinaires.

B. Pour l'employeur

86 L'employeur a fait valoir qu'un arbitre de grief n'est saisi que des griefs qui sont renvoyés à bon droit à l'arbitrage. L'ancienne Loi prescrit un processus de recours interne qui précède le renvoi d'un grief à l'arbitrage. Ajouter aux types de griefs qui sont arbitrables dénuerait de son sens le processus de règlement des griefs. L'allégation relative à l'existence d'une sanction pécuniaire constitue un élargissement du grief.

87 Au moment des renvois à l'arbitrage, par suite de représentations faites au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, l'employeur a réduit la peine imposée à l'égard des deux fonctionnaires s'estimant lésés. La suspension d'un jour imposée à M. Parkolub été ramenée à une réprimande écrite, tandis que la réprimande écrite imposée à M. Hu a été ramenée à une réprimande verbale au terme de la procédure de règlement des griefs.

88 L'arbitre de grief n'a pas compétence pour examiner ces griefs relatifs aux réprimandes écrite et verbale, puisqu'au moment où ils ont été renvoyés à l'arbitrage, il n'y avait pas eu licenciement, suspension ni sanction pécuniaire : Reasner c. Conseil du Trésor (Transport Canada), dossier de la CRTFP 166-02-26260 (19950607), Lamarre c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans), dossier de la CRTFP 166-02-26902 (19960311), Rajakaruna c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Impôt), dossier de la CRTFP 166-02-23135 (19930414), et Procureur général du Canada c. Lachapelle et autres, [1979] 1 C.F. 377 (C.F. 1re inst.) (QL). Si l'employeur concède que les réprimandes écrites ou verbales peuvent avoir de graves conséquences sur une carrière, l'on ne peut dire de ces pénalités qu'elles peuvent faire l'objet d'une décision arbitrale au sens de l'ancienne Loi.

89 Les griefs devraient être rejetés pour des motifs de compétence. L'employeur a fait valoir que, compte tenu de la décision rendue dans Lachapelle, ces griefs étaient frivoles et les questions de compétence auraient dû être réglées au moyen d'observations écrites présentées avant l'audience, car la Commission dispose de ressources limitées.

90 En outre, l'arbitre de grief ne devrait pas tenir compte des prétentions de M. Parkolub qui se rapportent à l'absence de rémunération au rendement. Cette question ne faisait pas partie du grief. Si le fonctionnaire s'estimant lésé a effectivement été privé de cette rémunération, cela s'est produit après le dépôt des griefs. La prétention selon laquelle il aurait reçu une rémunération au rendement n'eut été la réprimande écrite tient de l'exagération. De manière générale, M. Parkolub était d'accord avec l'évaluation de son rendement et il n'en a jamais contesté la validité. Il n'y a aucun élément de preuve précis qui puisse étayer cette allégation et la relier à une sanction pécuniaire. Il n'y a rien dans les Lignes directrices sur la rémunération au rendement et les congés de rendement qui interdise à quiconque est visé par une mesure disciplinaire de toucher la prime en question. Cette allégation change la nature du grief et le fonctionnaire s'estimant lésé ne peut faire valoir un tel argument du fait de Burchill c. Canada (procureur général), [1981] 1 C.F. 109. Le grief ne devrait pas être élargi : Burchill et Shneidman. L'employeur a déclaré que cette audience d'arbitrage n'est pas l'endroit qui convient pour déterminer si M. Parkolub a droit à une rémunération au rendement.

91 L'employeur a déclaré que la compétence dont il jouit pour examiner des griefs concernant l'interprétation de la convention collective ne permet pas à un arbitre de grief d'examiner le caractère raisonnable de la mesure disciplinaire. Il n'y a aucune preuve de mauvaise foi. Si l'arbitre de grief conclut qu'il a compétence pour examiner les griefs, l'employeur fait valoir que la gestionnaire a agi de manière appropriée et a imposé aux employés une mesure disciplinaire qui se trouve au bas de l'échelle disciplinaire progressive.

92 L'employeur a indiqué que, s'il a compétence, l'arbitre de grief doit en arriver à la conclusion qu'il n'y a eu aucun manquement à la stipulation 37.06 de la convention collective, laquelle signifie que l'employeur ne peut produire de preuve relative à une « inconduite antérieure » dont le fonctionnaire s'estimant lésé n'est pas au courant au moment où une mesure disciplinaire lui est imposée pour une affaire courante : Nowoselsky c. Conseil du Trésor (Procureur général du Canada - Service correctionnel), 2001 CRTFP 18. Il n'y a rien dans la convention collective ou dans les principes qui fondent les relations industrielles qui empêche un employeur d'avoir recours à une preuve qu'il recueille au sujet de l'incident disciplinaire au cours d'une enquête, et par la suite dans une décision d'imposer une mesure disciplinaire. La décision d'imposer ou non une mesure disciplinaire à un employé est un droit de la direction; même si aucun employé ne choisit de se plaindre, l'employeur peut tout de même imposer une mesure disciplinaire à un employé s'il juge les actions de ce dernier offensantes. Mme Gray n'a pas violé la convention collective en ne donnant pas le nom des personnes qui ont envoyé les plaintes anonymes.

93 L'employeur a indiqué que les fonctionnaires s'estimant lésés avaient exagéré les faits et que rien ne permettait de conclure que Mme Gray avait fait preuve d'étroitesse d'esprit au cours de son enquête.

94 La politique disciplinaire de l'employeur n'est pas incorporée par renvoi à la convention collective. Quoi qu'il en soit, une copie des normes a été fournie à l'agent négociateur, ainsi qu'il est prescrit, de sorte qu'il n'y a aucune violation de la stipulation 37.01 de la convention collective. La stipulation 37.02 énonce l'obligation, pour l'employeur et l'agent négociateur, de se consulter. Ce droit appartient à l'agent négociateur, et il n'existe à cet égard aucun droit individuel susceptible de faire l'objet d'un grief. Si l'agent négociateur allègue qu'on ne l'a pas consulté, il peut déposer un renvoi en vertu de l'article 99.

95 De plus, si l'agent négociateur était d'avis que Mme Gray n'aurait pas dû faire enquête sur l'affaire et qu'elle n'aurait pas dû être celle qui a imposé la mesure disciplinaire, il avait l'obligation de soulever l'argument au moment de l'enquête.

96 L'article 37 de la convention collective n'impose à l'employeur aucune obligation de fournir un rapport d'enquête aux fonctionnaires s'estimant lésés, et l'arbitre de grief n'est pas autorisé à ajouter quoi que ce soit au libellé de la convention collective; cela contreviendrait à l'ancienne Loi. Il n'y a simplement aucune preuve d'une violation de l'une ou l'autre des dispositions de l'article 37 de la convention collective.

97 Si l'arbitre de grief conclut qu'il a compétence, il doit alors déclarer qu'il a été contrevenu à la convention collective. Il ne doit pas annuler la mesure disciplinaire, car il ne peut le faire directement sous le régime de l'alinéa 92(1)c) de l'ancienne Loi, et rien ne laisse à penser qu'il y a eu mauvaise foi.

98 En ce qui concerne le bien-fondé des griefs, l'employeur a fait valoir qu'il ne sert à rien de comparer les différents types de communications électroniques. Les deux employés ont fait l'objet d'une mesure disciplinaire parce que l'employeur a jugé que la présentation et le courriel étaient offensants. L'employeur n'a pas à faire fi de la nature offensante des documents pour le seul motif que ceux-ci étaient humoristiques.

99 L'employeur a imposé une mesure disciplinaire appropriée et il a pris en considération tous les facteurs atténuants qui étaient pertinents. Il a imposé une mesure disciplinaire qui se trouve dans la partie inférieure de l'éventail prévu à cet égard.

C. Réplique des fonctionnaires s'estimant lésés

100 En réplique, le représentant de M. Parkolub a fait valoir qu'un arbitre de grief a compétence pour déterminer s'il a satisfait aux conditions préalables à l'admissibilité à une rémunération au rendement et, s'il a satisfait à ces conditions, mais qu'il n'a pas obtenu la rémunération au rendement, pour déterminer s'il y a eu sanction pécuniaire : Bahniuk c. Agence du revenu du Canada, 2005 CRTFP 177, et Bratrud c. Bureau du surintendant des institutions financières du Canada, 2004 CRTFP 10.

101 Les fonctionnaires s'estimant lésés se sont fondés sur Shneidman, au par. 21, pour faire valoir que, si un grief était censé englober une plainte procédurale concernant la violation d'une convention collective, il devait être renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'alinéa 92(1)a) de l'ancienne Loi, comme ce fut fait dans la présente affaire. Ils se sont fondés également sur Canada (Conseil du Trésor) c. Rinaldi, [1997] A.C.F. no 225 (CF 1re inst.) (QL). Le texte du grief est important aux fins de déterminer si un arbitre de grief a compétence pour le trancher.

D. Réplique de l'employeur sur la compétence

102 En réplique sur la question de la compétence, l'employeur a affirmé que, bien qu'un « grief sur la procédure » puisse être renvoyé à l'arbitrage, la décision rendue dans Lachapelle permet clairement de soutenir que les questions d'application régulière de la loi, d'équité et de charge de la preuve ne créent pas un grief arbitrable sur le sujet même du grief. Le principe suivant lequel le grief disciplinaire qui n'entraîne pas un licenciement, une suspension ou une sanction financière n'est pas arbitrable est clairement compris et depuis longtemps établi.  L'arbitre de grief ne peut se servir de la question de l'application de la loi pour élargir sa compétence alors que le législateur ne souhaitait pas permettre l'arbitrage des réprimandes écrites ou verbales. Si la perte d'affectations par intérim et d'une rémunération au rendement était une pénalité, elle n'a pas été incluse dans les griefs tels qu'ils ont été initialement rédigés et, pour les motifs exprimés dans Burchill et Shneidman, ceux-ci ne peuvent aujourd'hui être modifiés. Compte tenu de la décision rendue dans Lachapelle, l'arbitre de grief n'a pas compétence.

V. Motifs

103 Une large part de la preuve dans la présente affaire a porté sur l'opinion des fonctionnaires s'estimant lésés selon laquelle leur comportement n'était pas motivé par la méchanceté et qu'il n'était ni déplacé ni offensant dans le contexte de la culture organisationnelle. Les fonctionnaires s'estimant lésés contestent l'évaluation faite par Mme Gray et la mesure disciplinaire qu'elle leur a imposée. De plus, ils estiment que le processus qu'elle a suivi pour en arriver à sa décision était inéquitable et contrevenait à l'article 37 de la convention collective.

104 L'employeur a choisi de faire valoir à l'encontre de ces griefs un argument relatif à la compétence et a choisi de n'appeler ni Mme Gray ni aucun autre témoin à s'exprimer sur le bien-fondé des griefs.

105 Ma compétence à titre d'arbitre de grief pour entendre le grief des employés d'un organisme distinct comme l'ARC est tirée de l'article 92 de l'ancienne Loi :

92.(1)  Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un employé peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale

b) dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4),

(i) soit une mesure disciplinaire - entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire,

(ii) soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques, or

cdans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

106 À mon sens, il faut d'abord déterminer la nature véritable des griefs en l'instance. Leur caractère arbitrable doit être analysé relativement à l'article 92 de l'ancienne Loi. Les fonctionnaires s'estimant lésés ont fait valoir que le processus disciplinaire avait contrevenu aux droits procéduraux qui leur sont garantis à l'article 37 de la convention collective, ce qui soulève une question visée à l'alinéa 92(1)a). Tous deux ont allégué que la mesure disciplinaire qui leur avait été imposée était injustifiée ou qu'ils avaient été suspendus ou réprimandés à tort. Il s'agit là d'une contestation de la mesure disciplinaire ― au motif qu'elle n'était pas justifiée ― et de la gravité de celle-ci. Cela soulève une question visée à l'alinéa 92(1)c) de l'ancienne Loi. Après avoir examiné les faits, les arguments et le droit applicable, j'en arrive à la conclusion que ces griefs se rapportent à la mesure disciplinaire imposée par l'employeur; or, tels qu'ils ont été rédigés, ils concernent un manquement à l'article 37 de la convention collective.

107 Il faut se reporter aux faits tels qu'ils existent au moment du renvoi à l'arbitrage pour déterminer si la Commission a compétence pour entendre et trancher un grief fondé sur l'article 92 de l'ancienne Loi. De nombreux griefs sont réglés dans le cadre de la procédure de règlement des griefs. Il est dans l'intérêt des deux parties de régler le plus grand nombre possible de griefs dans une relation de négociation collective, sans recourir à l'arbitrage, car cette dernière option peut se révéler à la fois longue et coûteuse. Les termes « sans avoir obtenu satisfaction » qui figurent au paragraphe 92(1) de l'ancienne Loi renvoient au fait que les griefs peuvent ou non être réglés au cours d'une procédure de règlement des griefs. Il arrive parfois que l'employeur maintienne sa position à l'issue de cette procédure. L'employé renvoie alors le dossier à l'arbitrage, dans l'espoir de faire modifier une décision prise par l'employeur. Dans ce cas-ci, à la date des renvois à l'arbitrage, l'employeur avait déjà décidé de réduire la pénalité imposée à M. Parkolub et de la ramener à une réprimande écrite, et de ramener celle qui avait été imposée à M. Hu à une réprimande verbale.

108 Dans un certain nombre de décisions, la Commission a indiqué qu'un avertissement verbal ou écrit ne constitue pas une « mesure disciplinaire entraînant un licenciement, une suspension ou une sanction pécuniaire » : Reasner, Lamarre et Rajakaruna. Cette question a été abordée également par la Cour fédérale dans Lachapelle. Dans  le contexte d'un régime disciplinaire progressif, l'avertissement verbal ou écrit peut un jour mener à une punition plus grave si un employé se rend coupable à nouveau d'un comportement qui justifie l'imposition d'une mesure disciplinaire. Dans Lachapelle, la Cour s'est prononcée dans les termes suivants au paragraphe 11 :

[…]

En s'exprimant comme il l'a fait, le Parlement me semble avoir voulu envisager globalement tous les griefs ayant trait à des mesures disciplinaires imposées à des individus pour ne retenir que ceux relatifs à des mesures ayant entraîné le congédiement, la suspension ou une peine pécuniaire.

[…]

109 Chacun des fonctionnaires s'estimant lésés a allégué à l'audience qu'il avait fait l'objet d'une sanction pécuniaire. L'employeur a fait valoir que ces nouvelles allégations ne peuvent être prises en considération compte tenu des principes énoncés dans Burchill et Shneidman. Pour qu'elles puissent constituer une sanction pécuniaire au sens de l'alinéa 92(1)c), la perte d'affectations intérimaires ou la perte d'une prime au rendement doivent, d'une part, ne pas être « trop lointaines » ou, d'autre part, découler directement et inévitablement de la mesure disciplinaire en cause : Massip. Je ferai remarquer que la question de la sanction pécuniaire ne faisait pas partie des allégations dans les griefs de l'un ou l'autre fonctionnaire s'estimant lésé. Dans le cas de M. Parkolub, on fait valoir qu'il a perdu des affectations intérimaires et une prime au rendement. Dans le cas de M. Hu, on soutient qu'il a perdu des affectations intérimaires. Or, il incombe aux fonctionnaires s'estimant lésés de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'ils ont subi une sanction pécuniaire. Tous deux s'étaient montrés réticents à agir pour le compte de Mme Gray avant qu'une mesure disciplinaire ne leur soit imposée, et ni l'un ni l'autre n'a voulu agir pour le compte de cette dernière après que la mesure disciplinaire leur a été imposée. En ce qui concerne les affectations intérimaires, je ne suis pas convaincu que les fonctionnaires s'estimant lésés ont démontré qu'ils avaient subi une perte découlant directement et inévitablement de la mesure disciplinaire. En ce qui concerne la prime au rendement, la preuve ne permet pas de conclure à mon sens qu'il s'agit d'une perte qui découle directement et inévitablement de la mesure disciplinaire.

110 À mon avis, je n'ai pas la compétence pour examiner le bien-fondé des griefs en l'instance. L'arbitre de grief doit examiner les faits tels qu'ils existent à la date du renvoi des griefs à l'arbitrage : Reasner, Lamarre et Rajakaruna. Il peut se pencher sur un grief dans le cadre duquel la peine est réduite par l'employeur après le renvoi à l'arbitrage; toutefois, avant que les griefs n'aient été renvoyés à l'arbitrage en l'espèce, l'employeur a réduit la suspension de M. Parkolub à une réprimande écrite et il a réduit la réprimande écrite imposée à M. Hu à une réprimande verbale. Il n'y avait eu aucun licenciement, suspension ou sanction pécuniaire au moment des renvois, de sorte que les deux griefs ne pouvaient à bon droit être renvoyés à l'arbitrage en vertu de l'alinéa 92(1)c) de l'ancienne Loi.

111 MM. Parkolub et Hu ont fait valoir qu'il y avait eu manquement à la convention collective et que les griefs avaient été renvoyés à l'arbitrage en vertu de l'alinéa 92(1)a) de l'ancienne Loi. À mon avis, Lachapelle tranche de manière convaincante les questions qui ont été soulevées par les fonctionnaires s'estimant lésés. Dans cette affaire, le fonctionnaire s'estimant lésé a fait valoir que l'arbitre de grief avait compétence à l'égard d'un grief concernant un avertissement écrit visé à l'alinéa 91(1)a) (par la suite l'alinéa 92(1)a)) de l'ancienne Loi, en raison de la stipulation 10.01 de la convention collective, qui prévoyait que la norme du motif valable s'appliquait. Les fonctionnaires s'estimant lésés ont fait valoir que la stipulation avait été violée et que, par conséquent, un grief avait été à bon droit renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'alinéa 91(1)a) (par la suite l'alinéa 92(1)a)) et non de l'alinéa 91(2)c) (par la suite l'alinéa 92(1)c)) de l'ancienne Loi. La Cour a dit ceci aux paragraphes 11 à 13 :

[…]

¶11    Premièrement. Je ne crois pas que l'on puisse interpréter isolément l'un de l'autre les deux alinéas a) et b) de l'article 91(1) de cette Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique. En édictant ce texte, le Parlement entendait manifestement limiter et préciser les cas où un employé, syndiqué ou non, aurait droit de soumettre son grief à ce mode d'arbitrage qu'il établissait d'autorité et dont il confiait la surveillance à cette commission qu'il venait de créer. Il est clair que pour lui tous les cas de griefs n'exigeaient pas l'intervention d'un arbitre officiel par-delà les paliers de la procédure ordinaire. Il considéra d'abord, à l'alinéa a), les cas où un certain intérêt collectif peut être rejoint (d'où d'ailleurs l'exigence du paragraphe (2) de l'article 91); puis à l'alinéa b), il en vint aux cas des mesures disciplinaires où l'intérêt privé évidemment domine. En s'exprimant comme il l'a fait, le Parlement me semble avoir voulu envisager globalement tous les griefs ayant trait à des mesures disciplinaires imposées à des individus pour ne retenir que ceux relatifs à des mesures ayant entraîné le congédiement, la suspension ou une peine pécuniaire. À mon sens, cette disposition de l'alinéa b) en est une précise, complète par elle-même, qui s'applique à tout employé régi ou non par une convention collective, et c'est la seule applicable lorsque le grief porte sur l'imposition d'une mesure disciplinaire. À l'objection qu'interpréter ainsi l'alinéa b) risque de conduire à limiter la portée de l'alinéa a), je réponds qu'il est fréquent qu'une disposition précise limite la portée d'une disposition plus générale, surtout lorsque les deux sont édictés successivement et que la compréhension du texte dans sa totalité exige qu'il en soit ainsi.

¶12    Deuxièmement. Je doute que l'on puisse considérer que le grief du mis-en-cause en l'instance a véritablement "[trait à] l'interprétation ou [à] l'application, en ce qui le concerne, d'une disposition [de la] convention collective", au sens où ces termes sont utilisés dans l'alinéa a) de l'article 91(1) [devenu l'alinéa b) de l'article 92(1)]. Qu'une mesure disciplinaire ne puisse être imposée sans juste cause est une exigence générale et de pur bon sens. En formulant la clause 10.01, les parties à la convention n'avaient certes pas l'idée de faire de cette exigence, une règle spécifique et précise devant particulariser leur entente, règle dont le sens et la portée étaient susceptibles de soulever en elle-même des problèmes d'interprétation et d'application au niveau des cas pratiques. Au reste, il ne faut pas donner à l'article une portée et un objectif qu'on n'a pas prétendu lui donner: c'est du fardeau de la preuve dont il est question à cette clause 10.01 de la convention, et même du fardeau de la preuve entendu au sens procédural. Attribuer à une telle clause (et à d'autres de même espèce, comme par exemple "l'employeur doit être juste" ou "l'employeur ne doit pas punir un employé sans raison", qui ne précisent pas une condition d'emploi et à laquelle d'ailleurs pas un employeur ne songerait un moment ne pas souscrire), l'effet de faire tomber, dans le champ de l'arbitrage requis par la Loi et confié à la surveillance de la Commission-intimée sous l'égide de l'alinéa a) de l'article 91(1), tout grief portant sur une mesure disciplinaire -- quelle qu'en soit l'importance et bien qu'aucun intérêt collectif ne soit atteint -- m'apparaît inacceptable, parce que non conforme à la Loi telle que je la comprends. D'ailleurs, s'il en était autrement, il faudrait en déduire que le Parlement a laissé à la convention des parties le soin d'étendre à volonté le droit à arbitrage et partant la compétence de l'arbitre  […]

¶13    Bref, je crois que seul l'alinéa b) de l'article 91 [devenu l'alinéa b) de l'article 92(1)] peut s'appliquer pour déterminer le droit du mis-en-cause de soumettre son grief à l'arbitrage et partant le pouvoir de l'arbitre de s'en saisir. La présence de la clause 10.01 dans la convention collective régissant les relations de travail des parties ne permet pas aux intimés d'invoquer les dispositions de l'alinéa a) de l'article 91(1) pour prétendre à une juridiction que cet alinéa b) leur dénie manifestement.

112 La compétence de l'arbitre de grief pour entendre un grief est déterminée par l'article 92 de l'ancienne Loi, et elle ne peut être élargie par l'effet du libellé général d'une convention collective. Les employeurs doivent, lorsqu'ils imposent des mesures disciplinaires, justifier celles-ci. La violation d'un article d'une convention collective qui porte sur l'existence d'un motif valable n'autorise pas l'arbitre de grief à examiner un grief disciplinaire sous le régime de l'alinéa 92(1)a) de l'ancienne Loi lorsque ce grief est essentiellement une contestation de la mesure disciplinaire imposée par un employeur, et que l'arbitre de grief n'a pas compétence aux termes de l'alinéa 92(1)c) de l'ancienne Loi. De même, l'on peut espérer qu'un employeur traite les fonctionnaires s'estimant lésés avec équité ou conformément à la justice naturelle dans un dossier disciplinaire, mais une allégation selon laquelle la loi n'a pas été appliquée régulièrement constitue quand même une contestation d'une décision disciplinaire. Le dossier demeure un dossier de grief disciplinaire et non pas un grief concernant l'interprétation d'une convention collective.

113 Les alinéas de l'article 92 de l'ancienne Loi doivent être interprétés dans leur ensemble. L'argument particulier soulevé par les fonctionnaires s'estimant lésés a été traité dans Lachapelle. Le manquement allégué à une convention collective au cours d'une enquête disciplinaire ne me permet pas d'examiner le grief disciplinaire d'un employé et de me prononcer sur le bien-fondé de la mesure disciplinaire imposée, dans les cas où par ailleurs le grief ne se rapporte pas à un licenciement, à une suspension ou à une sanction pécuniaire.

114 J'ai pris en considération l'impact que la décision rendue dans Shneidman pourrait avoir sur le principe énoncé dans Lachapelle, car les fonctionnaires s'estimant lésés ont fait valoir qu'en dépit de l'absence de compétence sous le régime de l'alinéa 92(1)c) de l'ancienne Loi, l'arbitre de grief aurait la compétence pour examiner les griefs, car ils ont été déposés en vertu de l'alinéa 92(1)a) de l'ancienne Loi pour violation de la convention collective. Les fonctionnaires s'estimant lésés se fondent à cet égard sur Shneidman.

115 Je considère que la décision rendue dans Shneidman n'est d'aucune aide aux fonctionnaires s'estimant lésés. Dans cette affaire, la Cour était appelée à se pencher sur une décision de licencier, et le grief avait été renvoyé à bon droit à l'arbitrage en vertu de l'alinéa 92(1)c) de l'ancienne Loi. La Cour a infirmé la décision de l'arbitre de grief selon laquelle la décision de l'employeur de licencier était nulle ab initio en raison d'une violation des droits procéduraux survenue au cours de l'enquête, au motif que le grief initialement déposé ne soulevait pas la question d'un manquement aux droits procéduraux. Il s'agissait d'une nouvelle question dont il aurait fallu discuter dans le cadre de la procédure de règlement des griefs, puis qu'il aurait fallu renvoyer à l'arbitrage en vertu de l'alinéa 92(1)a) de l'ancienne Loi. La Cour a statué que la question procédurale ne faisait pas partie du renvoi à l'arbitrage en vertu de l'alinéa 92(1)c) de l'ancienne Loi. Elle a appliqué le principe énoncé dans Burchill et statué que l'arbitre de grief avait commis une erreur en déterminant que la mesure disciplinaire était nulle ab initio. Dans Shneidman, la Cour n'était pas tenue de se pencher sur l'argument avancé dans Lachapelle parce que le fonctionnaire s'estimant lésé avait été licencié, et la question du licenciement relevait clairement de la compétence de l'arbitre de grief en vertu de ce qui est maintenant l'alinéa 92(1)c) de l'ancienne Loi.

116 Si ma décision sur la question de la compétence en ce qui concerne l'alinéa 92(1)c) de l'ancienne Loi est erronée, je ne vois aucune preuve d'une violation de l'article 37 de la convention collective. L'article 37 prévoit un régime disciplinaire progressif en des termes généraux. Certains des droits qui y sont énoncés (stipulations 37.02, 37.04 et 37.05) sont des droits de l'agent négociateur et non des fonctionnaires s'estimant lésés eux-mêmes. Les deux fonctionnaires s'estimant lésés en l'espèce ont reçu notification de la date de la rencontre relative à l'enquête et ils étaient accompagnés par un agent négociateur chevronné. Dans chaque cas, le fonctionnaire s'estimant lésé a été informé de la tenue d'une enquête par l'employeur et a eu la possibilité de fournir une explication et des documents écrits. Mme Gray a mené l'enquête, et elle n'avait pas assisté à la présentation. Il semble qu'à l'époque pertinente elle ait reçu des plaintes concernant la présentation de la part de personnes qui y avaient assisté. Elle n'était pas pour autant incapable de mener l'enquête. Le fait qu'elle ait eu ses propres réserves au sujet du comportement des fonctionnaires s'estimant lésés ne l'oblige pas à affecter un enquêteur indépendant à l'enquête. L'article 37 ne requiert pas la tenue d'une enquête indépendante d'un grief. En outre, chaque fonctionnaire s'estimant lésé savait parfaitement ce que l'autre avait dit ou fait pour se mériter la mesure disciplinaire, car M. Hu avait assisté à la présentation de M. Parkolub, et ce dernier avait reçu le courriel de M. Hu. Chacun était représenté par le même représentant de l'agent négociateur, M. Reniers. Ce dernier n'était assujetti à aucune restriction et pouvait interroger chaque fonctionnaire s'estimant lésé en dehors du cadre de la procédure de règlement des griefs et échanger les renseignements nécessaires pour étoffer sa défense. La stipulation 37.06 se rapporte à un consentement à ne pas produire comme preuve un document portant sur des incidents disciplinaires antérieurs. Il n'y a aucune preuve d'un manquement à l'une ou l'autre des dispositions de l'article 37 de la convention collective.

117 Puisque je n'ai pas la compétence, je ne me suis pas penché sur la nature de la présentation de M. Parkolub, ni sur le fait qu'il a affiché le document sur le lecteur commun, ni non plus sur la nature du courriel que M. Hu a envoyé ou sur le bien-fondé des arguments qui ont été présentés. Je ne ferai aucun commentaire sur la manière dont chaque partie a qualifié la présentation et le courriel.

118 Si j'avais été habilité à me prononcer sur le fond de la présente affaire, j'aurais eu beaucoup de difficulté à déterminer le poids, le cas échéant, qu'il aurait fallu accorder aux courriels anonymes ou aux opinions de Mme Gray, car cette preuve a été présentée sous forme de ouï-dire, et les fonctionnaires s'estimant lésés n'ont eu aucune possibilité de contester la question de savoir si les commentaires qu'ils avaient faits étaient susceptibles d'être offensants ou déplacés.

119 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

120 Les griefs sont rejetés.

Le 19 juin 2007.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Paul Love,
arbitre de grief

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