Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Comme d’autres fonctionnaires, le fonctionnaire s’estimant lésé a été convoqué par l’employeur pour répondre à des questions concernant des incidents survenus au travail - l’employeur l’a par la suite suspendu pendant enquête et l’a éventuellement licencié - le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté un grief alléguant que l’employeur n’avait pas respecté ses droits à un préavis de deux jours et à la représentation à l’égard de la rencontre initiale - la convention collective applicable stipule qu’un fonctionnaire << [...] tenu d’assister à une réunion concernant une mesure disciplinaire [...] >> a droit à un préavis de deux jours et d’être représenté par son agent négociateur - l’arbitre de grief a conclu que la rencontre en question était de nature administrative, puisque le fonctionnaire s’estimant lésé n’était alors pas personnellement visé par la démarche de l’employeur et ne faisait l’objet d’aucun soupçon spécifique - les droits à un préavis et à la représentation prévus à la convention collective ne s’appliquaient pas à l’égard de cette rencontre. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-04-26
  • Dossier:  166-02-35943
  • Référence:  2007 CRTFP 40

Devant un arbitre de grief


ENTRE

CLAUDE ROBILLARD

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Finances)

employeur

Répertorié
Robillard c. Conseil du Trésor (ministère des Finances)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Jean-Pierre Tessier, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Julie Skinner, avocate, et André Lortie, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Karl Chemsi, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 7 au 9 février 2006, du 30 mai au 2 juin 2006 et les 7 et 8 juin 2006.

Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Claude Robillard (le « fonctionnaire s'estimant lésé ») travaille au ministère des Finances depuis 2000. Il y occupe un poste d’analyste des solutions en TI, classifié aux groupe et niveau CS-02. Il fait partie du Directorat de la gestion de l’information et de la technologie (le « Directorat »), Direction des services ministériels.

2 Le 7 décembre 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé a été convoqué par l’employeur à une rencontre pendant laquelle il a été questionné relativement à certains incidents survenus au cours des mois précédents. Ces incidents étaient liés à la disparition d’équipement de bureau.

3 Le 8 décembre 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé a de nouveau été convoqué par l’employeur pour une rencontre à caractère disciplinaire. On lui a indiqué qu’on le soupçonnait de vol et de menaces envers certains fonctionnaires. L’employeur l’a suspendu la journée même aux fins d’enquête.

4 Le 20 décembre 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé a été convoqué à une rencontre disciplinaire. Il est alors licencié pour motifs de vol et de menaces.

5 Le 23 décembre 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté un grief pour contester sa suspension et son licenciement.

6 Le 12 janvier 2005, le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé le présent grief, soulignant que l’employeur n’a pas respecté son droit à la représentation syndicale lors de la rencontre du 7 décembre 2004. Le grief du fonctionnaire s’estimant lésé fait référence à l’application de la stipulation 36.03 de la convention collective signée par le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada le 3 juin 2003 pour l’unité de négociation du groupe Systèmes d’ordinateurs (pièce F-1(a)). Cette stipulation se lit comme suit :

36.03 Lorsque l’employé est tenu d’assister à une réunion concernant une mesure disciplinaire, il a le droit de se faire accompagner par un représentant de l’Institut lorsque celui-ci est facilement disponible. Autant que possible, l’employé est prévenu par écrit au moins deux (2) jours ouvrables avant la tenue d’une telle réunion.

7 Le grief du fonctionnaire s’estimant lésé est libellé comme suit :

[…]

Je loge grief du fait que mon employeur a enfreint l’article 36.03 de ma convention collective (CS), en ce que le 7 décembre 2004, j’ai été tenu d’assister à une réunion qui a mené à des mesures disciplinaires, sans qu’on m’ait donné la chance d’être accompagné par un représentant syndical. De plus, mon employeur, sans justification, ne m’a pas prévenu par écrit au moins deux jours ouvrables avant la tenue de cette réunion.

[…]

Mesures correctives : Que mon employeur annule ma suspension et mon congédiement, que je soit réintégré à mon poste CS-2 et que me soient payés le salaire et les bénéfices dont m’a privé la suspension et le congédiement. Que mon employeur reconnaisse que la convention collective du groupe CS n’a pas été respectée, et qu’il s’engage à la respecter entièrement à l’avenir.

[…]

8 Le grief a été renvoyé à l’arbitrage en avril 2005. L’audience initialement prévue pour le 19 septembre 2005 a été remise à la demande conjointe des parties. Les parties n’étaient pas disponibles pour une audience avant le mois de février 2006.

9 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

Résumé de la preuve

10 Le grief présenté par le fonctionnaire s’estimant lésé à l’encontre de sa suspension et de son licenciement fera l’objet d’une décision distincte.

11 Helen O’Kane est la directrice du Directorat. Elle s’occupe de la coordination de l’achat, de l’installation et de la réparation d’équipement informatique. Ce Directorat fournit également des services au Secrétariat du Conseil du Trésor et à la Commission de la fonction publique.

12 Mme O’Kane a sous sa responsabilité des chefs de service de groupe et niveau CS-04 ainsi que du personnel de groupe et niveaux CS-01, CS-02 et CS-03. Les fonctionnaires relevant d’elle travaillent dans les locaux du Directorat et répondent à des appels de service à l’extérieur de ces locaux.

13 Mme O’Kane a expliqué qu’au cours de l’année 2004, il existait un certain malaise parmi les fonctionnaires du Directorat. Du matériel pour une valeur totale de 24 000 $ avait disparu de l’entrepôt, notamment des disquettes, des plaquettes de mémoire, des imprimantes et des ordinateurs portatifs (pièce E-1a). Il est obligatoire de signer un registre pour obtenir la clé de l’entrepôt. Plus d’une vingtaine de personnes peuvent y avoir accès.

14 De plus, le comité social des fonctionnaires avait acheté du vin et avait ramassé des fonds en vue d’une réception. De l’argent (100 $) ainsi que des bouteilles de vin ont disparus. Cette situation a contribué à établir un climat de méfiance au Directorat.

15 À l’automne 2004, Mme O’Kane a demandé aux gestionnaires sous sa responsabilité d’informer les fonctionnaires que les directives de sécurité seraient modifiées. Notamment, l’accès à l’entrepôt serait limité aux fonctionnaires de groupe et niveau CS-03.

16 Des fonctionnaires de groupe et niveaux CS-01 et CS-02 ont été choqués par cette directive, qui semblait jeter le doute sur certains d’entre eux. Quelques fonctionnaires ont demandé de rencontrer leur gestionnaire respectif et l’ont informé de rumeurs voulant qu’un ou des CS-03 soient responsables des vols.

17 Dans une note adressée à Mme O’Kane le 4 novembre 2004, une gestionnaire du Directorat, Gertie Senuik, fait état de cette situation (pièce E-1b). Dans cette note, Mme Senuik fait état que des analystes des solutions en TI, particulièrement Paul Levecque, Joseph Boushey et Roland Sarault, auraient entendu des commentaires relativement à des propos tenus et gestes posés par le fonctionnaire s'estimant lésé et un autre fonctionnaire (que j’identifie comme M. « A »).

18 Une autre gestionnaire du Directorat, Carole Mainville, a également fait parvenir une note dans le même sens à Mme O’Kane. Mme Mainville y fait état de remarques formulées par M. Boushey.

19 Par la suite, Mme O’Kane a communiqué avec Marilyn Dingwall, directrice principale des Services des ressources humaines, Division des ressources humaines, Direction des services ministériels, au ministère des Finances. Mme Dingwall est responsable des relations de travail. Mme O’Kane a informé Mme Dingwall de la disparition d’équipement du Directorat. Mmes O’Kane et Dingwall ont convenu de rencontrer une dizaine de fonctionnaires, certains ayant fourni des renseignements, et MM. Robillard et « A » qui avaient été identifiés comme ayant peut-être commis certaines infractions. Mme O’Kane a indiqué qu’à ce moment-là, il était question de rumeurs.

20 Compte tenu de leur disponibilité, Mmes O’Kane et Dingwall ont prévu rencontrer les 10 fonctionnaires les 7 et 8 décembre 2004 afin de recueillir le plus de renseignements sur toute question relative à la disparition d’équipement informatique. Chaque fonctionnaire était rencontré individuellement à l’extérieur des locaux du Directorat. On convoquait par téléphone chaque fonctionnaire pour une rencontre de 30 à 40 minutes et on attendait qu’il quitte avant d’en convoquer un autre. Mme O’Kane a souligné qu’on expliquait à chaque fonctionnaire rencontré qu’il s’agissait d’une rencontre pour recueillir des renseignements. Elle demandait à chacun des fonctionnaires rencontrés de ne pas discuter avec d’autres fonctionnaires de ce qui s’était dit et de ne pas répandre de rumeurs.

21 Le premier fonctionnaire rencontré, M. Levecque, a fourni les renseignements suivants relativement à MM. Robillard et « A » (pièce E-1(e)) :

  • M. « A » a une clé pour accéder à l’entrepôt et il l’avait prêtée au fonctionnaire s'estimant lésé;
  • M. Levecque a discuté de la disparition d’équipement avec M. Boushey et ce dernier lui a dit que, lors d’une sortie pour prendre une bière après le travail, M. « A » lui aurait confié qu’il avait pu obtenir de l’équipement appartenant au ministère;
  • M. Levecque a souligné que M. « A » aurait exprimé l’opinion qu’il y avait une différence entre voler le gouvernement et voler un particulier.

22 Mme O’Kane a fait référence au compte rendu de la rencontre avec M. Boushey le 7 décembre 2004 (pièce E-1(f)). M. Boushey aurait fait certains commentaires relativement à MM. Robillard et « A ». Lors de cette rencontre, M. Boushey a confirmé que M. « A » possédait une clé de l’entrepôt. M. Boushey travaille avec M. « A » depuis 1999 et ils sont devenus des amis. En 2000, le fonctionnaire s'estimant lésé s’est joint à eux. Le fonctionnaire s'estimant lésé discutait souvent avec M. « A », car leurs conjointes travaillent au même endroit.

23 Lors de cette rencontre du 7 décembre 2004, M. Boushey a signalé qu’un jour il avait constaté que M. « A » avait un ordinateur Pentium 4 à son bureau. M. « A » lui aurait expliqué que le fonctionnaire s'estimant lésé aurait vendu un ordinateur à un ami et que la carte maîtresse était défectueuse. Pour la remplacer, M. « A » a dit qu’il en avait commandé une autre sous un autre numéro de série. À une autre occasion, M. « A » lui aurait affirmé qu’il utilisait des coupons de taxi à des fins personnelles.

24 Au moment où Mmes O’Kane et Dingwall ont rencontré le fonctionnaire s’estimant lésé le 7 décembre 2004, elle avaient les renseignements qui apparaissaient à la note de service de Mme Senuik du 4 novembre 2004 et les informations obtenues des deux premiers fonctionnaires rencontrés, soit MM. Levecque et Boushey. Lors de la rencontre avec le fonctionnaire s’estimant lésé, elles ont fait référence à la disparition d’équipement de façon générale et ont demandé à celui-ci s’il était au courant de quelque chose. Par la suite, elles lui ont posé des questions sur des sujets spécifiques. Elles ont demandé au fonctionnaire s'estimant lésé s’il savait que M. « A » possédait une clé de l’entrepôt et si lui-même avait utilisé cette clé. Le fonctionnaire s'estimant lésé aurait répondu qu’il l’avait utilisée une seule fois, pour ensuite indiquer qu’il l’avait utilisée à quelques reprises.

25 Par la suite, Mme O’Kane a souligné que le fonctionnaire s'estimant lésé avait été interrogé sur l’utilisation de coupons de taxi. Était-il au courant que des coupons de taxi étaient utilisés à des fins personnelles non autorisées et lui-même en avait-il utilisé? Il a répondu qu’il se déplaçait à bicyclette pour se rendre au travail. Il a admis cependant qu’il avait, à l’occasion, utilisé des coupons de taxi, mais à des fins autorisées. Mme O’Kane a indiqué que le fonctionnaire s'estimant lésé avait été avisé, tout comme les autres fonctionnaires interrogés précédemment, de ne pas discuter avec d’autres fonctionnaires du contenu de leur rencontre.

26 Mme Dingwall a rédigé un compte rendu de la rencontre avec le fonctionnaire s’estimant lésé. Il a été déposé en tant que pièce (pièce E-1(g)).

27 Mme O’Kane a ajouté que le 8 décembre 2004, elle a été informée par un fonctionnaire qu’un incident impliquant le fonctionnaire s’estimant lésé s’était produit le 7 décembre 2004. Ce fonctionnaire a soutenu que le fonctionnaire s’estimant lésé lui aurait proféré des menaces, ainsi qu’à un autre fonctionnaire.

28 Un représentant syndical avait été informé que le fonctionnaire s'estimant lésé serait rencontré en fin d’après-midi le 8 décembre 2004. Le fonctionnaire s'estimant lésé a été rencontré le 8 décembre 2004, comme convenu. On lui a indiqué qu’il pouvait être accompagné d’un représentant syndical. Ce dernier était présent dans une autre pièce. Au début, le fonctionnaire s'estimant lésé ne réclamait pas de représentant, mais, lorsqu’on l’a informé qu’il s’agissait de question de vol et de menaces, il a demandé la présence de son représentant syndical.

29 En présence du représentant syndical, on a informé le fonctionnaire s'estimant lésé de l’incident du 7 décembre 2004. Des fonctionnaires se sont sentis menacés et une enquête sera conduite sur cet événement ainsi que sur les questions de disparition d’équipement. Le fonctionnaire s'estimant lésé a offert peu de réponses, disant qu’il n’y a pas eu de menaces, qu’il s’agissait simplement d’une farce. On a informé le fonctionnaire s'estimant lésé qu’il devait quitter son travail et qu’il était suspendu sans traitement pour la durée de l’enquête. Une note en ce sens lui a été remise (pièce E-1(l)).

30 Mme Dingwall a été informée par Mme O’Kane en novembre 2004 de la disparition d’équipement au Directorat. Elle a dit avoir convenu avec Mme O’Kane d’interroger certains fonctionnaires qui avaient dénoncé des infractions ou avaient fait part des rumeurs concernant certains fonctionnaires, dont MM. Robillard et « A ». Ces derniers devaient aussi être rencontrés pour savoir s’ils avaient certains renseignements à communiquer.

31 Mme Dingwall a expliqué le déroulement des rencontres des 7 et 8 décembre 2004. Son témoignage corrobore celui de Mme O’Kane.

32 À la suite à l’enquête, l’employeur a décidé de congédier le fonctionnaire s’estimant lésé le 20 décembre 2004.

33 Le fonctionnaire s’estimant lésé a témoigné que, le 7 décembre 2004, lorsqu’il a été rencontré par Mmes O’Kane et Dingwall, il leur a indiqué qu’il n’avait pas de renseignements précis à la suite du vol de matériel et qu’il était prêt à collaborer. Par la suite, on l’a questionné sur l’utilisation de clés et de coupons de taxi.

34 Sur ce point, il a réitéré les propos qu’il avait tenus lors de la rencontre du 7 décembre 2004, tel que rapporté par Mme Dingwall dans son témoignage. Il a ajouté cependant que, relativement à la clé de M. « A », il avait l’impression que ce dernier avait une permission spéciale. Quant aux coupons de taxi, il a démontré que l’utilisation de ces derniers était en grande partie pour des fins autorisées.

Résumé de l’argumentation

35 Les représentants du fonctionnaire s’estimant lésé ont soutenu que l’employeur n’avait pas respecté la convention collective (pièce F-1(a)) en rencontrant le fonctionnaire s'estimant lésé le 7 décembre 2004 en avant-midi. Selon eux, il s’agissait d’une rencontre à caractère disciplinaire. Le non-respect de la procédure stipulée à la convention collective empêcherait de produire en preuve le compte rendu de cette rencontre. La stipulation 36.03 de la convention collective se lit comme suit :

36.03 Lorsque l’employé est tenu d’assister à une réunion concernant une mesure disciplinaire, il a le droit de se faire accompagner par un représentant de l’Institut lorsque celui-ci est facilement disponible. Autant que possible, l’employé est prévenu par écrit au moins deux (2) jours ouvrables avant la tenue d’une telle réunion.

36 De plus, les représentants du fonctionnaire s’estimant lésé ont soutenu que le non-respect de cette obligation avait des conséquences sur la suite des événements. Selon eux, si un représentant syndical avait été présent lors de la rencontre du 7 décembre 2004, ce dernier aurait pu conseiller le fonctionnaire s’estimant lésé de ne communiquer avec aucun de ses collègues, ce qui aurait évité l’incident de l’après-midi du 7 décembre.

37 Les représentants du fonctionnaire s’estimant lésé ont fait référence à différentes décisions arbitrales et jugements pour soutenir que le droit à la représentation est un droit fondamental. Ils prétendent que, lorsqu’une mesure disciplinaire est imposée à un fonctionnaire, chacune des étapes menant à cette décision fait partie d’un continuum disciplinaire. Selon eux, les décisions Riverdale Hospital v. Canadian Union of Public Employees, Local 79 (2000), 93 L.A.C. (4th) 195, Medis Health and Pharmaceutical Services v. Teamsters, Chemical and Allied Workers, Local 424 (2001), 100 L.A.C. (4th) 178, et Axis Logistics Inc. v. United Food and Commercial Workers International Union, Local 175 (2000), 87 L.A.C. (4th) 100, sont applicables au présent dossier.

38 Sur ce point, l’employeur a souligné que la rencontre du 7 décembre 2004 était de nature administrative. Lors de cette rencontre, on a parlé de façon générale des vols et on a posé au fonctionnaire s’estimant lésé des questions sur l’utilisation des clés et sur l’utilisation des coupons de taxi.

39 Selon l’employeur, le fonctionnaire s'estimant lésé doit démontrer que son droit à la représentation, prévu à la stipulation 36.03 de la convention collective, n'a pas été respecté lors de la rencontre du 7 décembre 2004. Pour se faire, il doit convaincre l'arbitre de grief de la nature disciplinaire de cette rencontre, qu'il n'a pas eu l'occasion d'y être représenté et que cette violation ne peut pas être corrigée par une audience de novo devant l'arbitre de grief.

40 Le libellé de la stipulation 36.03 de la convention collective prévoit le droit à la représentation lors d'une « […] réunion concernant une mesure disciplinaire […] ». Ce droit est différent des droits précisés dans les chartes et son étendue est déterminée par les stipulations convenues par les parties. Selon l’employeur, la stipulation 36.03 de la convention collective ne prévoit le droit à la représentation que pour des rencontres de nature disciplinaire, tel qu’en fait mention Naidu c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2001 CRTFP 124.

41 L’employeur a appris peu de choses de la part du fonctionnaire s’estimant lésé lors de la rencontre du 7 décembre 2004. Le fonctionnaire s’estimant lésé a dit ne pas avoir de renseignements sur les vols. Il a déclaré ne pas avoir fait usage illégal de coupons de taxi. Sa seule admission a été qu’il avait utilisé la clé de M. « A ». En aurait-il été autrement avec la présence d’un représentant syndical?

42 La demande du fonctionnaire s’estimant lésé d’annuler la suspension et le congédiement est excessive compte tenu de la nature du dossier. La décision de congédiement repose sur plusieurs motifs : les menaces, l’utilisation de clés et l’usage non autorisé de coupons de taxi.

43 Si l’arbitre de grief conclut qu’il y a eu non-respect de la convention collective lors de la rencontre du 7 décembre 2004, cela n’annule pas le congédiement. Une des mesures correctives pourrait être d’annuler une partie des motifs disciplinaires, tel qu’en fait état Naidu, qui reprend l’argumentation de la Cour d’appel de la Saskatchewan dans Canada Safeway Ltd v. Retail, Wholesale and Department Store Union, Local 454, 2000 SKCA 119.

44 Dans Canada Safeway, la Cour d’appel de la Saskatchewan a déclaré notamment ce qui suit :

[Traduction]

[…]

37 Bien que nous ne considérions pas l’inobservation des exigences de la clause 23.05 comme une simple question de procédure (avoir observé le droit de représentation auquel cette clause donne lieu est fondamental), nous souscrivons à la majeure partie de cette analyse. Il ne faut pas toutefois y voir de notre part la suggestion qu’un conseil d’arbitrage ne peut annuler une suspension ou un congédiement et réintégrer dans son poste un employé à la suite d’une violation de la clause. Dans certains cas, il peut s’agir d’une réparation appropriée que peut accorder le conseil d’arbitrage en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés, bien que, à notre humble avis, la réintégration d’un employé dans ses fonctions ne saurait être considérée comme un redressement présumé.

[…]

40 De ces intérêts, c’est principalement le dernier qui a été compromis par les violations. Si l’employée s’estimant lésée avait été représentée au moment de sa suspension, elle aurait pu ne pas admettre le vol allégué. De fait, on peut supposer que, pour les fins de l’affaire en instance, elle ne l’aurait pas fait. Théoriquement, si elle n’avait pas fait cet aveu, soit l’entreprise se serait retenue de la suspendre et de la congédier ultérieurement, soit elle l’aurait fait en se fondant uniquement sur les éléments de preuve qu’elle aurait préalablement recueillis contre l’employée s’estimant lésée. D’un point de vue pratique, compte tenu des conclusions de fait de la majorité, l’entreprise l’aurait suspendue de toute façon, convaincue qu’elle était, avant la réunion durant laquelle l’employée a été suspendue, que celle-ci était coupable de vol et résolue qu’elle était, à l’égard de la politique en milieu de travail, de punir un vol par le congédiement.

[…]

Motifs

45 Le fonctionnaire s'estimant lésé allègue que l'employeur n'a pas respecté son droit d’être prévenu à l’avance de la rencontre du 7 décembre 2004 et d’être accompagné de son représentant syndical. Il demande, comme mesure corrective, que sa suspension et son congédiement soient annulés. Le fonctionnaire s’estimant lésé se réfère à l’équité procédurale en matière disciplinaire.

46 Le grief fait référence à la stipulation suivante de la convention collective applicable :

36.03 Lorsque l’employé est tenu d’assister à une réunion concernant une mesure disciplinaire, il a le droit de se faire accompagner par un représentant de l’Institut lorsque celui-ci est facilement disponible. Autant que possible, l’employé est prévenu par écrit au moins deux (2) jours ouvrables avant la tenue d’une telle réunion.

47 Les termes utilisés dans la stipulation 36.03 de la convention collective sont précis. Cette stipulation veut que la rencontre concerne une mesure disciplinaire. L’arbitre de grief doit tenir compte des faits et du contexte présenté pour pouvoir évaluer la nature de la rencontre à laquelle on fait référence.

48 La preuve établit que plusieurs rumeurs circulaient au Directorat et que des fonctionnaires avaient indiqué à des gestionnaires qu’ils avaient certains renseignements. Mmes O’Kane et Dingwall ont indiqué qu’elles voulaient rencontrer des fonctionnaires pour obtenir des renseignements plus précis.

49 Lors de la rencontre du 7 décembre 2004, le fonctionnaire s’estimant lésé a été questionné sur trois éléments. Savait-il quelque chose sur les vols? A-t-il utilisé des coupons de taxi? A-t-il utilisé des copies de clés, notamment celle de M. « A »? À mon avis, il ne s’agit alors que de questions et il n’y a pas de mention que le fonctionnaire s’estimant lésé était personnellement visé ou que l’employeur le soupçonnait spécifiquement.

50 Il est vrai que le fonctionnaire s’estimant lésé a été suspendu le 8 décembre 2004. Par contre, un fait majeur est survenu le 7 décembre 2004 en après-midi, soit un geste qui aurait pu constituer des menaces. L’employeur a signifié qu’il enquêterait sur cette allégation de menaces et sur des éléments relatifs aux vols.

51 C’est le 8 décembre 2004 que l’employeur a laissé entendre au fonctionnaire s’estimant lésé que l’enquête qui serait menée pendant sa suspension pourrait avoir des conséquences. Le texte de la lettre de suspension (pièce E-1(l)) se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

La présente a pour but de vous informer que vous êtes suspendu sans traitement pour une période indéterminée, à compter du 9 décembre 2004, en attendant de connaître les résultats de l’enquête visant à faire la lumière sur des allégations de vol et de menaces.

Il vous est interdit de pénétrer dans les locaux, sauf à la demande de la direction. Durant votre suspension, vous devez demander l’autorisation de Robert Brodeur pour pénétrer dans les locaux […]

La décision définitive concernant cette affaire ne sera prise qu’à l’issue d’une enquête complète, dont les résultats vous seront communiqués dès que le rapport nous aura été remis.

[…]

52 Dans le présent dossier, il est clair que le droit à la représentation est restreint aux rencontres concernant une mesure disciplinaire et le libellé de la stipulation 36.03 de la convention collective n’inclut pas les rencontres de recherche de faits qui sont de nature administrative. Conclure autrement irait à l’encontre du principe bien établi qu’un arbitre n’a pas le pouvoir de modifier le libellé de la convention collective ou d’ajouter du texte (Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, paragraphe 2:1202).

53 J’ai conclu que la rencontre du 7 décembre 2004 était une rencontre administrative. Il est possible que dans le cadre d’une enquête de portée générale un fonctionnaire réagisse différemment que lors d’une rencontre disciplinaire. Dans le présent dossier, le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas à fournir de réponse précise ou à apporter de justification.

54 Compte tenu de ce qui précède, je considère que la stipulation 36.03 de la convention collective ne trouve pas application dans le présent cas.

55 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

56 Le grief est rejeté.

Le 1er mai 2007.

Jean-Pierre Tessier,
arbitre de grief

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.