Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s'estimant lésé a fait l’objet d’un licenciement, qu’il a contesté par voie de grief (2007 CRTFP 50) -- il a aussi déposé un grief dénonçant le fait de ne pas avoir été informé des éléments versés à son dossier personnel et qui ont justifié son licenciement, notamment un rapport d’évaluation de rendement - ce rapport ne lui avait pas été remis à la suite d’une demande d’accès à l’information - après avoir examiné la preuve portant sur les échanges de courriels entre le fonctionnaire s’estimant lésé et sa superviseure au moment des événements ayant mené au licenciement, l’arbitre de grief a constaté que le fonctionnaire s’estimant lésé a bien reçu une copie du rapport d’évaluation et a même indiqué qu’il voulait formuler des commentaires par rapport à celui-ci après l’audition de sa plainte qui devait avoir lieu à la fin du mois de mai 2003 -- il est possible que l’employeur se soit servi de ce document lors de l’audition de la plainte et qu’il ait été retiré du dossier du fonctionnaire s'estimant lésé -- il demeure cependant que le fonctionnaire s’estimant lésé en a pris connaissance bien avant l’audition de son grief -- l’arbitre de grief a conclu qu’aucune violation de la convention collective n’a été établie dans les circonstances. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-05-11
  • Dossier:  166-02-36341
  • Référence:  2007 CRTFP 49

Devant un arbitre de grief


ENTRE

SIMON CLOUTIER

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration)

employeur

Répertorié
Cloutier c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Jean-Pierre Tessier, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Michel Morissette, avocat

Pour l'employeur:
Raymond Piché, avocat

Affaire entendue à Montréal (Québec),
du 23 au 26 janvier 2006, les 30 et 31 janvier 2006, du 3 au 5 mai 2006,
du 8 au 12 mai 2006 et du 31 octobre au 3 novembre 2006,
et, spécifiquement pour ce dossier, du 10 au 13 juillet 2006.

Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Simon Cloutier (le « fonctionnaire s'estimant lésé ») travaille pour le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration (l'« employeur ») et occupe un poste aux groupe et niveau PM-03. En 1999, il a été président de la section locale 10405 du Syndicat de l'emploi et de l'immigration du Canada (SEIC), une composante de l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC).

2 Le 8 juillet 2003, le fonctionnaire s'estimant lésé a été convoqué à une rencontre disciplinaire au cours de laquelle l'employeur lui a remis une lettre de licenciement.

3 Le fonctionnaire s'estimant lésé a contesté son licenciement et il a aussi déposé un grief le 25 juillet 2003, dénonçant le fait de ne pas avoir été informé des éléments versés à son dossier personnel et qui ont justifié son licenciement. Il y alléguait contravention de l'article 17 de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada, Services des programmes et de l'administration (tous les employé-e-s).

4 Ce grief a été renvoyé à l'arbitrage le 30 juin 2005 et l'audience a eu lieu en 2006.

5 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur.  En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

Résumé de la preuve

6 Lors de l'audience, les parties ont fait référence au dossier du licenciement (2007 CRTFP 50) et aux documents déposés lors de l'audience.

7 Le fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué que dans sa lettre de licenciement, l'employeur a fait référence à divers éléments. L'employeur lui reproche notamment ce qui suit :

  1. d'être arrivé en retard le 2 juin 2003;
  2. d'avoir allongé sa pause le 13 mai 2003 et le 5 juillet 2003;
  3. d'avoir porté une tenue vestimentaire inadéquate le 25 juin 2003;
  4. d'avoir répondu en retard à un courriel le 3 juillet 2003;
  5. d'avoir tenu des propos irrespectueux envers la gestion le 3 juillet 2003.

8 Le fonctionnaire s'estimant lésé a dit avoir demandé en vertu de la Loi sur l'accès à l'information de recevoir les documents relatifs à son dossier. Selon lui, deux documents n'apparaissent pas à son dossier. Le premier concerne un courriel du 4 juin 2003 rédigé par Julie Thibodeau à la directrice Dianne Clément concernant la pause du 13 mai 2003. Ce courriel n'était pas dans les documents qu'il a reçus (pièce E-7 du dossier du licenciement). Le deuxième est un rapport d'évaluation pour l'année 2001-2002 (pièce E-2 du dossier du licenciement).

9 Selon le fonctionnaire s'estimant lésé, l'employeur ne peut se servir d'élément de preuve dont il n'a pas reçu de copies. Cela constituerait un abus de pouvoir. Le processus disciplinaire devait être invalidé.

10 Mme Thibodeau a témoigné qu'elle avait informé verbalement le fonctionnaire s'estimant lésé au sujet de ses pauses. Le fonctionnaire s'estimant lésé lui a demandé de lui confirmer par écrit les remarques qu'elle lui avait formulées.

11 Mme Thibodeau a confirmé avoir transmis cette information au fonctionnaire s'estimant lésé.

Résumé de l'argumentation

12 Selon le fonctionnaire s'estimant lésé, l'employeur ne peut faire référence à des documents qui n'ont pas été portés à sa connaissance au moment où ils ont été portés à son dossier.

13 Le fait de produire en preuve lors de l'audience de tels documents va à l'encontre des règles d'équité et entraîne le processus disciplinaire.

14 L'employeur a souligné qu'il s'agissait de deux documents qui, selon le fonctionnaire s'estimant lésé, ne lui ont pas été transmis lorsqu'il a demandé des documents, qui le concernent, par la voie de la Loi sur l'accès à l'information.

15 Tout document versé en preuve lors d'une audience ne fait pas nécessairement partie du dossier du fonctionnaire s'estimant lésé visé par une mesure disciplinaire.

16 Il a été dit que le fonctionnaire s'estimant lésé a été avisé verbalement et par écrit au moyen de nombreux courriels.

Motifs

17 Dans son grief, le fonctionnaire s'estimant lésé a fait référence aux dispositions de l'article 17 de la convention collective. La stipulation 17.04 se lit comme suit :

17.04 L'Employeur convient de ne produire comme élément de preuve, au cours d'une audience concernant une mesure disciplinaire, aucun document extrait du dossier de l'employé-e dont le contenu n'a pas été porté à la connaissance de celui-ci ou de celle-ci au moment où il a été versé à son dossier ou dans un délai ultérieur raisonnable.

18 Si le grief avait été entendu lors d'une audience antérieure à l'audience relative au licenciement du fonctionnaire s'estimant lésé, je n'aurais pu que rendre une ordonnance préventive obligeant l'employeur à s'en tenir aux dispositions de l'article 17 de la convention collective et lui ordonner de transmettre au fonctionnaire s'estimant lésé tout document contenu dans son dossier.

19 Dans le présent cas, l'audience relative au grief faisant référence à l'article 17 de la convention collective a eu lieu en même temps que l'audience relative au licenciement du fonctionnaire s'estimant lésé (2007 CRTFP 50).

20 Au cours de l'audience sur le licenciement, la superviseure du fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné qu'elle l'avait informé en mai 2003 de son évaluation de rendement. Elle a déposé la pièce E-5 qui contient le courriel transmis le 14 mai 2003 au fonctionnaire s'estimant lésé où on peut lire notamment ce qui suit au sujet du rapport d'évaluation :

[…]

  1. Rapport d'évaluation de rendement: Comme je te l'ai dit, j'ai ajouté une mention sur l'original du rapport indiquant que tu souhaitais attendre la fin de l'audition pour signer. Je t'ai fait faire une copie et ai mis l'original à ton dossier en attendant les développements de l'audition.
  2. Ton espace de travail: La cloison qui sépare ton bureau du corridor a été changée de place. Ton espace de travail est désormais sécuritaire.
  3. Ton horaire de travail: Je pense avoir été très clair hier, ton horaire de travail doit se terminer à 17h, ou 17h30 si tu le souhaites. Tu choisis de prendre une heure pour dîner, alors tu dois commencer à 8h30. 8h30 à 17h00 = 8.5 heures, moins une heure de dîner + 7.5 heures. La raison est fort simple: tu te rappeleras de notre discussion d'hier concernant tes problèmes d'assiduité passés et la pause d'hier.
  4. Congé : Dianne a répondu par écrit.

[…]

[Sic pour l'ensemble de la citation]

21 Ce courriel m'apparaît faire suite au courriel transmis par le fonctionnaire s'estimant lésé le 6 mai 2003 (pièce E-4 du dossier du licenciement) qui se lit comme suit :

[…]

J'ai lu rapidement le rapport d'évaluation de Louise Martin que vous m'avez remis hier lors de notre rencontre et je désire y formuler des commentaires. Cependant, j'aimerais vous transmettre ceux-ci après l'audition de ma plainte qui aura leiu à la fin du mois.

Je voulais aussi vous indiquer que la disposition du paravant du cubicule que vous m'avez attribué ne respecte pas les mesures de sécurité bien connues, lesquelles commandent que je puisse sortir de mon bureau directement et ce, avant les personnes que je vois en entrevue. De plus, bien que l'on ne se connaisse pas, vous conviendrez qu'au-delà de cette question de sécurité précitée, il est intimidant pour moi dans le contexte actuel d'être le seul employé sur lequel vous avez une vue directe et constante à partir de votre poste de travail. J'entends mes collègue affirmer que ceci est une intimidation qui est directement reliée à ma plainte devant la Commission.

[…]

[Sic pour l'ensemble de la citation]

22 Relativement à la pause du 13 mai 2003, le fonctionnaire s'estimant lésé a dit ne pas avoir reçu la pièce qui a été déposée comme pièce E-7 lors de l'audience concernant son licenciement. Ce courriel venait de sa superviseure et était adressé à Mme Clément. Le courriel se lit comme suit :

[…]

le [sic] 13 mai, à 10h10, j'ai constaté que Simon n'était pas à son bureau, il était parti en pause. Il est revenu à son bureau à 10h50.

Le 15 mai, j'ai demandé à Simon de me soumettre sa demande de congé (pour la préparation de ses griefs avant de prendre le congé et il ne l.a [sic]  pas fait.

[…]

23 Je note que le fonctionnaire s'estimant lésé a reçu une copie du rapport d'évaluation et qu'il voulait formuler ses commentaires après l'audition de sa plainte qui devait avoir lieu à la fin du mois de mai 2003.

24 Il est possible que l'employeur se soit servi de ce document lors de l'audition de la plainte et qu'il ait été retiré du dossier du fonctionnaire s'estimant lésé. Il reste cependant qu'il en a pris connaissance selon son courriel du 6 mai 2003.

25 Le courriel concernant la pause du 13 mai 2003 est un échange interne entre la superviseure et sa directrice. Il ne prouve pas la prolongation de la pause du 13 mai 2003, mais confirme seulement que la directrice en a été informée.

26 Ce courriel (pièce E-7) n'a pas à être versé au dossier du fonctionnaire s'estimant lésé. La preuve relative au 13 mai 2003 devait être établie par la superviseure qui en a été témoin.

27 Le fonctionnaire s'estimant lésé a reçu une copie du rapport d'évaluation et la preuve a démontré qu'il en a pris connaissance. Il est possible qu'il ne fasse pas partie des documents qui lui ont été transmis à la suite de sa demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, mais le fonctionnaire s'estimant lésé n'en subit aucun préjudice puisqu'il en avait déjà pris connaissance.

28 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

29 Le grief est rejeté.

Le 11 mai 2007.

Jean-Pierre Tessier,
arbitre de grief

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