Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’employeur a suspendu le fonctionnaire s’estimant lésé pendant une enquête disciplinaire sur la disparition de matériel, l’utilisation non autorisée de coupons de taxi et la profération de menaces impliquant l’utilisation d’armes à feu - le fonctionnaire s’estimant lésé a déjà été tireur d’élite dans les Forces armées canadiennes - à la suite de l’enquête, l’employeur a licencié le fonctionnaire s’estimant lésé - ce dernier a présenté un grief à l’encontre de sa suspension et de son licenciement - la preuve a établi que le fonctionnaire s’estimant lésé avait eu accès à l’entrepôt sans autorisation - le fonctionnaire s’estimant lésé a aussi été incapable de justifier l’utilisation de tous ses coupons de taxi - l’arbitre de grief a conclu que ces manquements entachaient l’intégrité du fonctionnaire s’estimant lésé, mais ne justifiaient pas à eux seuls son licenciement - l’arbitre de grief a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé avait intimidé des collègues en leur faisant des menaces impliquant l’utilisation d’armes à feu - la preuve a démontré que le fonctionnaire s’estimant lésé manquait de respect pour ses collègues - la suspension du fonctionnaire s’estimant lésé pendant enquête et son licenciement étaient justifiés dans les circonstances. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-04-26
  • Dossier:  166-02-35942
  • Référence:  2007 CRTFP 41

Devant un arbitre de grief


ENTRE

CLAUDE ROBILLARD

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Finances)

employeur

Répertorié
Robillard c. Conseil du Trésor (ministère des Finances)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Jean-Pierre Tessier, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Julie Skinner, avocate, et André Lortie, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Karl Chemsi, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 7 au 9 février, du 30 mai au 2 juin et les 7 et 8 juin 2006.

Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Claude Robillard (le « fonctionnaire s'estimant lésé ») travaille au ministère des Finances depuis 2000. Il y occupe un poste d’analyste des solutions en TI, classifié aux groupe et niveau CS-02. Il fait partie du Directorat de la gestion de l’information et de la technologie (le « Directorat »), Direction des services ministériels.

2 Le 7 décembre 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé a été convoqué par l’employeur à une rencontre pendant laquelle il a été questionné relativement à certains incidents survenus au cours des mois précédents. Ces incidents étaient liés à la disparition d’équipement de bureau.

3 Le 8 décembre 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé a de nouveau été convoqué par l’employeur pour une rencontre à caractère disciplinaire. On lui a indiqué qu’on le soupçonnait de vol et de menaces envers certains fonctionnaires. L’employeur l’a suspendu la journée même aux fins d’enquête.

4 Le 20 décembre 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé a été convoqué à une rencontre disciplinaire. Il est alors licencié pour motifs de vol et de menaces.

5 Le 23 décembre 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté un grief pour contester sa suspension et son licenciement. Le grief a été renvoyé à l’arbitrage en avril 2005. L’audience initialement prévue pour le 19 septembre 2005 a été remise à la demande conjointe des parties. Les parties n’étaient pas disponibles pour une audience avant le mois de février 2006.

6 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

Résumé de la preuve

7 Parallèlement au présent grief, le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé un autre grief contestant la validité de la rencontre du 7 décembre 2004, qu’il qualifie de rencontre disciplinaire. Ce dossier a fait l’objet de la décision 2007 CRTFP 40.

8 Helen O’Kane est la directrice du Directorat. Elle s’occupe de la coordination de l’achat, de l’installation et de la réparation d’équipement informatique. Ce Directorat fournit également des services au Secrétariat du Conseil du Trésor et à la Commission de la fonction publique.

9 Mme O’Kane a sous sa responsabilité des chefs de service de groupe et niveau CS-04 ainsi que du personnel de groupe et niveaux CS-01, CS-02 et CS-03. Les fonctionnaires relevant d’elle travaillent dans les locaux du Directorat et répondent à des appels de service à l’extérieur de ces locaux.

10 Mme O’Kane a expliqué qu’au cours de l’année 2004, il existait un certain malaise parmi les fonctionnaires du Directorat. Du matériel pour une valeur totale de 24 000 $ avait disparu de l’entrepôt, notamment des disquettes, des plaquettes de mémoire, des imprimantes et des ordinateurs portatifs (pièce E-1a). Il est obligatoire de signer un registre pour obtenir la clé de l’entrepôt. Plus d’une vingtaine de personnes peuvent y avoir accès.

11 De plus, le comité social des fonctionnaires avait acheté du vin et avait ramassé des fonds en vue d’une réception. De l’argent (100 $) ainsi que des bouteilles de vin ont disparus. Cette situation a contribué à établir un climat de méfiance au Directorat.

12 À l’automne 2004, Mme O’Kane a demandé aux gestionnaires sous sa responsabilité d’informer les fonctionnaires que les directives de sécurité seraient modifiées. Notamment, l’accès à l’entrepôt serait limité aux fonctionnaires de groupe et niveau CS-03.

13 Des fonctionnaires de groupe et niveaux CS-01 et CS-02 ont été choqués par cette directive, qui semblait jeter le doute sur certains d’entre eux. Quelques fonctionnaires ont demandé de rencontrer leur gestionnaire respectif et l’ont informé de rumeurs voulant qu’un ou des CS-03 soient responsables des vols.

14 Dans une note adressée à Mme O’Kane le 4 novembre 2004, une gestionnaire du Directorat, Gertie Senuik, fait état de cette situation (pièce E-1b). Dans cette note, Mme Senuik fait état que des analystes des solutions en TI, particulièrement Paul Levecque, Joseph Boushey et Roland Sarault, auraient entendu des commentaires relativement à des propos tenus et gestes posés par le fonctionnaire s'estimant lésé et un autre fonctionnaire (que j’identifie comme M. « A »).

15 Une autre gestionnaire du Directorat, Carole Mainville, a également fait parvenir une note dans le même sens à Mme O’Kane. Mme Mainville y fait état de remarques formulées par M. Boushey.

16 Par la suite, Mme O’Kane a communiqué avec Marilyn Dingwall, directrice principale des Services des ressources humaines, Division des ressources humaines, Direction des services ministériels, au ministère des Finances. Mme Dingwall est responsable des relations de travail. Mmes O’Kane et Dingwall ont convenu de rencontrer une dizaine de fonctionnaires, certains ayant fourni des renseignements, et MM. Robillard et « A » qui avaient été identifiés comme ayant peut-être commis certaines infractions. Mme O’Kane a indiqué qu’à ce moment-là, il était question de rumeurs.

17 Compte tenu de leur disponibilité, Mmes O’Kane et Dingwall ont prévu rencontrer les 10 fonctionnaires les 7 et 8 décembre 2004 afin de recueillir le plus de renseignements sur toute question relative à la disparition d’équipement informatique. Chaque fonctionnaire était rencontré individuellement à l’extérieur des locaux du Directorat. On convoquait par téléphone chaque fonctionnaire pour une rencontre de 30 à 40 minutes et on attendait qu’il quitte avant d’en convoquer un autre. Mme O’Kane a souligné qu’on expliquait à chaque fonctionnaire rencontré qu’il s’agissait d’une rencontre pour recueillir des renseignements. Elle demandait à chacun des fonctionnaires rencontrés de ne pas discuter avec d’autres fonctionnaires de ce qui s’était dit et de ne pas répandre de rumeurs.

18 Le premier fonctionnaire rencontré, M. Levecque, a fourni les renseignements suivants relativement à MM. Robillard et « A » (pièce E-1(e)) :

  • A » a une clé pour accéder à l’entrepôt et il l’avait prêtée au fonctionnaire s'estimant lésé;
  • M. Levecque a discuté de la disparition d’équipement avec M. Boushey et ce dernier lui a dit que, lors d’une sortie pour prendre une bière après le travail, M. « A » lui aurait confié qu’il avait pu obtenir de l’équipement appartenant au ministère;
  • M. Levecque a souligné que M. « A » aurait exprimé l’opinion qu’il y avait une différence entre voler le gouvernement et voler un particulier.

19 Mme O’Kane a fait référence au compte rendu de la rencontre avec M. Boushey le 7 décembre 2004 (pièce E-1(f)). M. Boushey aurait fait certains commentaires relativement à MM. Robillard et « A ». Lors de cette rencontre, M. Boushey a confirmé que M. « A » possédait une clé de l’entrepôt. M. Boushey travaille avec M. « A » depuis 1999 et ils sont devenus des amis. En 2000, le fonctionnaire s'estimant lésé s’est joint à eux. Le fonctionnaire s'estimant lésé discutait souvent avec M. « A », car leurs conjointes travaillent au même endroit.

20 Lors de cette rencontre du 7 décembre 2004, M. Boushey a signalé qu’un jour il avait constaté que M. « A » avait un ordinateur Pentium 4 à son bureau. M. « A » lui aurait expliqué que le fonctionnaire s'estimant lésé aurait vendu un ordinateur à un ami et que la carte maîtresse était défectueuse. Pour la remplacer, M. « A » a dit qu’il en avait commandé une autre sous un autre numéro de série. À une autre occasion, M. « A » lui aurait affirmé qu’il utilisait des coupons de taxi à des fins personnelles.

21 Au moment où Mmes O’Kane et Dingwall ont rencontré le fonctionnaire s’estimant lésé le 7 décembre 2004, elle avaient les renseignements qui apparaissaient à la note de service de Mme Senuik du 4 novembre 2004 et les informations obtenues des deux premiers fonctionnaires rencontrés, soit MM. Levecque et Boushey. Lors de la rencontre avec le fonctionnaire s’estimant lésé, elles ont fait référence à la disparition d’équipement de façon générale et ont demandé à celui-ci s’il était au courant de quelque chose. Par la suite, elles lui ont posé des questions sur des sujets spécifiques. Elles ont demandé au fonctionnaire s'estimant lésé s’il savait que M. « A » possédait une clé de l’entrepôt et si lui-même avait utilisé cette clé. Le fonctionnaire s'estimant lésé aurait répondu qu’il l’avait utilisée une seule fois, pour ensuite indiquer qu’il l’avait utilisée à quelques reprises.

22 Par la suite, Mme O’Kane a souligné que le fonctionnaire s'estimant lésé avait été interrogé sur l’utilisation de coupons de taxi. Était-il au courant que des coupons de taxi étaient utilisés à des fins personnelles non autorisées et lui-même en avait-il utilisé? Il a répondu qu’il se déplaçait à bicyclette pour se rendre au travail. Il a admis cependant qu’il avait, à l’occasion, utilisé des coupons de taxi, mais à des fins autorisées. Mme O’Kane a indiqué que le fonctionnaire s'estimant lésé avait été avisé, tout comme les autres fonctionnaires interrogés précédemment, de ne pas discuter avec d’autres fonctionnaires du contenu de leur rencontre.

23 Mme O’Kane a indiqué que, le 7 décembre 2004 en après-midi, il s’était produit un incident dont elle a été informée le lendemain matin. Un fonctionnaire a transmis un courriel à une vingtaine de ses collègues de travail, dont le fonctionnaire s'estimant lésé. Il s’agissait de la photo d’un ordinateur datant de 1983 avec lequel le fonctionnaire en question avait travaillé antérieurement. En réponse, une autre collègue a transmis une photo d’un ancien modèle d’appareil de communication qu’elle utilisait dans les Forces armées canadiennes. Par la suite, vers 15 h 20, le fonctionnaire s'estimant lésé a transmis par courriel des photos montrant une mitraillette et des carabines, dont une de précision utilisée par les tireurs d’élite, en précisant que ces armes fonctionnaient très bien et qu’il savait s’en servir. La chaîne de courriels s’est arrêtée à cet instant.

24 M. Boushey a raconté qu’une quinzaine de minutes plus tard, le fonctionnaire s'estimant lésé est venu le voir à son poste de travail. Le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé à M. Boushey s’il avait vu le courriel qu’il avait envoyé. M. Boushey lui a dit qu’il l’avait réduit à son écran. Le fonctionnaire s'estimant lésé lui a demandé d’agrandir le courriel qui représentait les armes à feu et le texte écrit par le fonctionnaire s'estimant lésé.

25 Une discussion a suivi au cours de laquelle M. Boushey aurait questionné le fonctionnaire s’estimant lésé sur les distances de tir. Ce dernier aurait indiqué qu’il savait très bien se servir de la carabine de précision et que, s’il avait à tirer de loin, il ne le manquerait pas. Un autre collègue, Hugues Choiniere-Bélanger, s’est approché du poste de travail de M. Boushey. Le fonctionnaire s'estimant lésé aurait indiqué à M. Choiniere-Bélanger qu’il ne le manquerait pas lui non plus. Le fonctionnaire s'estimant lésé serait retourné à son bureau par la suite.

26 C’est de cet incident que M. Boushey a parlé à Mme O’Kane le 8 décembre 2004 en avant-midi. M. Boushey semblait nerveux et a indiqué à Mme O’Kane qu’il s’était senti menacé et qu’il avait très mal dormi le soir du 7 décembre 2004.

27 Dès ce moment, Mme O’Kane a laissé un message à Mme Dingwall. Mme Dingwall a communiqué avec elle en début d’après-midi et elles ont discuté de l’incident du 7 décembre 2004. Elles ont convenu de communiquer avec Robert Brodeur, directeur exécutif du Directorat.

28 L’après-midi du 8 décembre 2004, Mme O’Kane et ses collègues ont convoqué MM. Boushey, Choiniere-Bélanger et Levecque à une rencontre. Ces derniers avaient été interrogés et avaient fourni des renseignements le jour précédent. Mmes O’Kane et Dingwall avaient prévenu la police d’Ottawa. Deux agents étaient présents pour recueillir les dépositions de MM. Boushey, Choiniere-Bélanger et Levecque. Les trois dépositions figurent aux pièces E-1(i), (j) et (k).

29 Un représentant syndical avait été informé que le fonctionnaire s'estimant lésé serait rencontré en fin d’après-midi le 8 décembre 2004. Le fonctionnaire s'estimant lésé a été rencontré le 8 décembre 2004, comme convenu. On lui a indiqué qu’il pouvait être accompagné d’un représentant syndical. Ce dernier était présent dans une autre pièce. Au début, le fonctionnaire s'estimant lésé ne réclamait pas de représentant, mais, lorsqu’on l’a informé qu’il s’agissait de question de vol et de menaces, il a demandé la présence de son représentant syndical.

30 En présence du représentant syndical, on a informé le fonctionnaire s'estimant lésé de l’incident du 7 décembre 2004. Des fonctionnaires se sont sentis menacés et une enquête sera conduite sur cet événement ainsi que sur les questions de disparition d’équipement. Le fonctionnaire s'estimant lésé a offert peu de réponses, disant qu’il n’y a pas eu de menaces, qu’il s’agissait simplement d’une farce. On a informé le fonctionnaire s'estimant lésé qu’il devait quitter son travail et qu’il était suspendu sans traitement pour la durée de l’enquête. Une note en ce sens lui a été remise (pièce E-1(l)).

31 Mme Dingwall a été informée par Mme O’Kane en novembre 2004 de la disparition d’équipement au Directorat. Elle a dit avoir convenu avec Mme O’Kane d’interroger certains fonctionnaires qui avaient dénoncé des infractions ou avaient fait part des rumeurs concernant certains fonctionnaires, dont MM. Robillard et « A ». Ces derniers devaient aussi être rencontrés pour savoir s’ils avaient certains renseignements à communiquer.

32 Mme Dingwall a expliqué le déroulement des rencontres des 7 et 8 décembre 2004. Son témoignage corrobore celui de Mme O’Kane.

33 Relativement au courriel du 7 décembre 2004 et aux allégations de menaces, Mme Dingwall a expliqué avoir rencontré le responsable de la sécurité. Ce dernier lui a montré un rapport de sécurité fait en 2000 relativement au fonctionnaire s'estimant lésé (pièce E-2). Il lui a mentionné que le fonctionnaire s'estimant lésé avait antérieurement servi dans les forces armées. Il a été en mission en Bosnie et en Somalie. Le fonctionnaire s'estimant lésé avait reçu un entraînement de tireur d’élite. Elle a noté au rapport de sécurité que le fonctionnaire s'estimant lésé avait été impliqué dans des voies de fait en 1987. Le fonctionnaire s’estimant lésé s’est opposé à l’admissibilité en preuve du rapport de sécurité. Je disposerai de cette objection dans les motifs de la présente décision.

34 Après avoir rencontré MM. Boushey, Choiniere-Bélanger et Levecque, Mme Dingwall a considéré que l’employeur devait agir. Elle a pris en considération que ces trois fonctionnaires étaient très nerveux lorsqu’ils l’ont rencontrée. Elle a également remarqué une certaine nervosité chez Mme O’Kane.

35 Mme Dingwall a pris en considération plusieurs facteurs pour évaluer quelles actions seraient appropriées dans les circonstances. Le courriel du fonctionnaire s'estimant lésé était adressé à plusieurs fonctionnaires. Après avoir envoyé le courriel vers 15 h 20 le 7 décembre 2004, le fonctionnaire s’estimant lésé est allé voir M. Boushey, qui est un des fonctionnaires rencontrés par Mmes O’Kane et Dingwall le matin même. Le fonctionnaire s'estimant lésé savait manier les armes à feu et avait suivi un entraînement de tireur d’élite. Selon Mme Dingwall, il fallait retirer le fonctionnaire s'estimant lésé des lieux de travail, car les autres fonctionnaires ne se sentaient pas en sécurité. Il y avait une inquiétude certaine, non seulement chez M. Boushey, mais chez Mme O’Kane et les autres fonctionnaires rencontrés le 8 décembre 2004. Selon Mme Dingwall, il y avait suffisamment d’éléments pour convoquer le fonctionnaire s'estimant lésé à une rencontre le jour même et entendre sa version des faits avant de lui imposer une suspension le temps de mener une enquête disciplinaire. Elle a jugé pertinent de prévenir un représentant syndical.

36 Selon Mme Dingwall, l’employeur doit protéger les fonctionnaires contre toute forme de harcèlement. Il est important que les fonctionnaires s’impliquent pour maintenir un milieu de travail exempt de harcèlement. Dans ce contexte, il lui apparaît que le fonctionnaire s'estimant lésé a brisé le lien de confiance nécessaire à la continuité de son emploi.

37 Mme Dingwall a convoqué le fonctionnaire s'estimant lésé à une rencontre disciplinaire pour le 20 décembre 2004. Elle a informé André Lortie, agent des relations du travail pour l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, que, lors de la rencontre, on ferait part au fonctionnaire s'estimant lésé de la décision de l’employeur de le congédier. Pour des raisons de sécurité et de discrétion, cette rencontre s’est tenue à l’extérieur des locaux du Directorat.

38 Lors de la rencontre du 20 décembre 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé était accompagné de son représentant syndical. On lui a fait part de la décision de le congédier. M. Brodeur a lu la lettre exposant les motifs du congédiement (pièce E-1(u)). Ni le fonctionnaire s'estimant lésé ni son représentant syndical n’ont fait de commentaires.

39 Selon Mme Dingwall, le fonctionnaire s'estimant lésé n’a fourni aucune explication valable quant au courriel du 7 décembre 2004 et sa rencontre avec M. Boushey le même jour. Il a simplement dit que les paroles prononcées avaient été dites en farce. Selon elle, le fonctionnaire s’estimant lésé devait être suspendu le temps de tenir une enquête disciplinaire. Elle croit également qu’il est important de rassurer MM. Boushey, Choiniere-Bélanger et Levecque qui se sentaient intimidés par le courriel du 7 décembre 2004. En terminant, Mme Dingwall a souligné qu’elle avait examiné un nombre de courriels envoyés par le fonctionnaire s’estimant lésé. Elle a noté qu’il faisait des commentaires déplacés sur certains employés. Notamment, il a parlé d’une de ses collègues de travail, en disant « que la grosse « X » devait se bouger le derrière pour obtenir des renseignements ».

40 En plus de faire une déclaration écrite, M. Boushey a témoigné à l’audience. Son témoignage a confirmé intégralement ses déclarations antérieures (pièces E-1(f) et (j)). Il a expliqué le contexte des événements survenus en décembre 2004. Depuis plusieurs années, il s’était lié d’amitié avec M. « A ». Par la suite, le fonctionnaire s'estimant lésé s’est joint au groupe. Au cours de l’année 2004, des rumeurs circulaient sur la disparition de matériel. M. Boushey n’aimait pas que M. « A » émette des commentaires sur les coupons de taxi, sur le fait qu’il y avait beaucoup de matériel au ministère. Il n’aimait pas que M. « A » plaisante sur la disparition de matériel, et cela en présence du fonctionnaire s'estimant lésé, qui ne disait rien, mais souriait. Depuis le printemps 2004, M. Boushey avait pris ses distances face à MM. Robillard et « A ».

41 M. Boushey a indiqué qu’il n’avait pas jugé bon de porter ces incidents à l’attention à son employeur, car il ne s’agissait que de rumeurs, d’allusions sans preuve concrète. Cependant, il savait que M. « A » avait une clé de l’entrepôt (copie de la clé originale) et que le fonctionnaire s'estimant lésé s’en était servie. Lorsque l’employeur a resserré les règles de sécurité, M. Boushey a trouvé qu’un climat de méfiance s’installait au Directorat et il a décidé d’informer l’employeur de certains faits.

42 À la suite de sa rencontre avec Mmes O’Kane et Dingwall le 7 décembre 2004, M. Boushey n’en a parlé à personne. En après-midi, il était à son poste de travail lorsqu’il a vu la chaîne de courriels à son écran. Il a réduit le courriel du fonctionnaire s’estimant lésé et a poursuivi son travail. Environ 10 à 15 minutes plus tard, le fonctionnaire s'estimant lésé est venu le voir à son poste de travail. Le fonctionnaire s'estimant lésé lui a demandé s’il avait vu le courriel. M. Boushey a répondu qu’il l’avait réduit à son écran. Le fonctionnaire s'estimant lésé lui a demandé d’agrandir le courriel. En pointant du doigt les photos d’armes à feu, le fonctionnaire s'estimant lésé lui a dit qu’il savait très bien s’en servir. M. Boushey a déclaré qu’il s’est alors senti nerveux, mais qu’il ne voulait pas le montrer. Il a donc demandé au fonctionnaire s'estimant lésé ce qu’il avait reçu comme entraînement, à quelle distance il pouvait tirer, etc. Le fonctionnaire s’estimant lésé a dit que, même à une grande distance, il ne manquerait pas M. Boushey. À ce moment, M. Choiniere-Bélanger est arrivé au bureau de M. Boushey. Le fonctionnaire s'estimant lésé aurait alors quitté en disant à M. Choiniere-Bélanger qui venait de se joindre à eux : « Je ne te manquerais pas toi non plus. »

43 M. Boushey a ajouté qu’il avait été bouleversé par la visite du fonctionnaire s'estimant lésé. À cette époque, il ne parlait plus au fonctionnaire s'estimant lésé depuis longtemps. Ce dernier n’était pas venu le voir à son bureau depuis longtemps. Et là, soudainement, l’après-midi du 7 décembre 2004, après que Mmes O’Kane et Dingwall l’aient rencontré sur le vol d’équipement et qu’il ait fourni des renseignements, le fonctionnaire s'estimant lésé venait le voir pour lui parler d’armes à feu.

44 M. Boushey a témoigné que, le soir du 7 décembre 2004, il avait pensé à cet incident qui était survenu au courant de l’après-midi. Il a pensé à des cas de violence au travail, notamment à la fusillade de l’École polytechnique de Montréal, survenue un 6 décembre, et à celle d’OC Transpo, à Ottawa. C’est pourquoi il a rencontré Mme O’Kane le 8 décembre 2004 pour lui faire part du courriel de la veille et de la discussion qui a eu lieu. Lors de la rencontre de l’après-midi du 8 décembre, il était seul dans une pièce lorsqu’il a rédigé sa déclaration aux policiers.

45 En terminant, M. Boushey a indiqué qu’il avait déjà discuté de service militaire avec le fonctionnaire s'estimant lésé. Il savait que ce dernier était allé en mission à l’étranger et qu’il savait manipuler les armes à feu.

46 M. Choiniere-Bélanger est analyste des solutions en TI au Directorat. Le 7 décembre 2004, il a vu les courriels, dont celui du fonctionnaire s'estimant lésé montrant des armes à feu. Il a trouvé cela un peu bizarre. Son poste de travail est situé près de celui de M. Boushey. Un peu plus tard, il s’est dirigé vers le poste de travail de M. Boushey (il s’agit d’un espace de travail ouvert). Le fonctionnaire s'estimant lésé était à l’entrée de l’espace de travail et, en voyant que M. Choiniere-Bélanger s’approchait, il a pointé du doigt ce dernier et lui a dit : « Toi non plus, je ne te manquerais pas avec ça. » Il est ensuite parti.

47 M. Choiniere-Bélanger a témoigné qu’il ne comprenait pas ce qui se passait. Il trouvait que le fonctionnaire s'estimant lésé avait un ton agressif. Après le départ du fonctionnaire s’estimant lésé, M. Boushey a dit à M. Choiniere-Bélanger de regarder les armes à feu à l’écran. Il ne se souvenait pas si le fonctionnaire s’estimant lésé avait parlé d’autre chose.

48 M. Choiniere-Bélanger a déclaré que, le soir du 7 décembre 2004, il a repensé à l’incident de l’après-midi. Le lendemain, il a été convoqué par Mmes O’Kane et Dingwall et M. Brodeur. Pendant qu’il attendait, M. Boushey lui a parlé de l’enquête sur la disparition d’équipement et lui a dit que le fonctionnaire s'estimant lésé était visé par certaines rumeurs.

49 M. Choiniere-Bélanger a souligné qu’à l’époque, il n’était pas au courant de l’enquête menée le 7 décembre 2004. Il a alors compris que le fonctionnaire s'estimant lésé pouvait être visé par l’enquête et il a fait un lien avec les propos de l’après-midi du 7 décembre 2004, bien qu’il ne s’était pas senti menacé par les propos de la veille. Il a souligné qu’il pourrait en être autrement s’il devait y avoir des conséquences à l’enquête. Il a indiqué que c’est d’ailleurs ce qu’il a exprimé dans sa déclaration écrite du 8 décembre 2004. Il a confirmé avoir rédigé seul cette déclaration dans un bureau disponible près du lieu de rencontre.

50 Lors de l’audience, M. Lortie représentait le fonctionnaire s'estimant lésé. Il a cependant demandé de témoigner relativement aux événements survenus en 2004, puisqu’à compter du 13 décembre 2004, il a pris en charge le dossier de MM. Robillard et « A ».

51 M. Lortie a dit que Mme Dingwall l’avait prévenu de la rencontre du 20 décembre 2004 et du fait que l’employeur avait l’intention de congédier le fonctionnaire s'estimant lésé. M. Lortie a participé à la rencontre du 20 décembre 2004 et n’a pas fait de commentaires, préférant rencontrer Mme Dingwall par la suite. Ils se sont rencontrés le 22 décembre 2004 et le 21 janvier 2005 afin de revoir le dossier du fonctionnaire s’estimant lésé plus en détail.

52 M. Lortie a dit n’avoir reçu que peu de renseignements lors de la rencontre du 21 janvier 2005. Il y avait un document sur le temps supplémentaire et les coupons de taxi. Quant aux propos sur la disparition d’équipement, Mme Dingwall l’a informé qu’il s’agissait d’une déclaration verbale. M. Lortie n’a pas eu l’occasion de voir la copie des déclarations écrites faites aux policiers relativement aux menaces. Mme Dingwall lui a indiqué que ces dernières seraient montrées lorsque nécessaire. M. Lortie a dit qu’il était préoccupé par la rencontre du 7 décembre 2004 avec le fonctionnaire s’estimant lésé, que l’employeur qualifie de cueillette de renseignements. Il a fait part à Mme Dingwall qu’il considérait que cette rencontre était de nature disciplinaire et qu’on avait tendu un piège au fonctionnaire s’estimant lésé. La rencontre du 21 janvier 2007 s’est terminée dans un climat un peu tendu.

53 En contre-interrogatoire, M. Lortie a admis que, dès le début, relativement aux menaces proférées le 7 décembre 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé pouvait identifier que M. Boushey était impliqué, mais qu’il ne pouvait identifier l’autre fonctionnaire visé par cette affaire.

54 M. Lortie a convenu que le fonctionnaire s'estimant lésé avait pu obtenir l’ensemble des documents par voie de l’accès à l’information, mais que les noms et éléments d’identification sont raturés de sorte qu’il est plus difficile d’avoir un portrait complet du dossier. M. Lortie a dit ne pas avoir fait de demande spéciale pour obtenir d’autres renseignements. Selon lui, il appartient à l’employeur de fournir les renseignements qui traitent des reproches qui sont formulés contre le fonctionnaire s’estimant lésé.

55 Yves Cloutier est gestionnaire, Opérations sécuritaires, Division des services de sécurité, ministère des Finances. Lors de l’audience, il avait en main les feuilles de signature pour l’accès aux clés de l’entrepôt. Il a dit avoir examiné ces documents et a conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé avait fréquemment signé pour l’obtention des clés, et ce, à chacun des mois de l’année 2004.

56 Le fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué être entré au service du ministère des Finances en 2000, aux groupe et niveau CS-01. En 2001, il a été promu aux groupe et niveau CS-02. Sa fonction consistait à fournir du support technique et de l’information par téléphone et à se rendre chez les clients pour réparer les appareils défectueux. De plus, il a participé à plusieurs projets spéciaux, dont organiser de l’équipement de soutien lors de conférences et fournir du soutien à de hauts fonctionnaires pour couvrir le dépôt du budget, tant au niveau fédéral que pour certaines provinces. L’employeur lui a même déjà demandé de se rendre à Montréal pour réparer l’ordinateur de la ministre des Finances. La participation à de tels projets spéciaux est attribuée au mérite et, selon lui, M. Boushey n’a jamais été choisi pour de tels projets. Il a souligné avoir obtenu des rapports de rendement favorables (pièces F-3 à F-8).

57 Le fonctionnaire s'estimant lésé a dit qu’il s’entendait bien avec ses collègues de travail et qu’il participait à l’organisation d’activités sociales. De même, il s’est également engagé dans la communauté, dans des groupes de loisirs et sportifs (pièce F-9).

58 Au niveau du fonctionnement du travail, le fonctionnaire s’estimant lésé a souligné qu’à l’occasion des collègues de travail faisaient des concours entre eux au centre d’appel, à savoir qui compléterait le plus d’appels. Il a dit s’être souvent retrouvé parmi les premiers, contrairement à M. Boushey. Selon le fonctionnaire s'estimant lésé, le service à la clientèle constitue un travail exigeant et il est nécessaire de faire des blagues pour détendre l’atmosphère.

59 Il est arrivé au fonctionnaire s’estimant lésé de discuter avec ses collègues de travail des missions qu’il avait accomplies dans les forces armées. Certains midis, souvent cinq ou six collègues de travail mangeaient au bureau. Le fonctionnaire s’estimant lésé a eu l’occasion d’apporter des albums de photos montrant son travail dans les forces armées. Quelques-uns de ses collègues de travail ont aussi servi dans les forces armées, notamment, Christiane Marcoux-Conrad qui a fait son service militaire dans le Service des communications. M. Levecque a été réserviste, de même qu’Alain Chartrand qui a servi à l’étranger en tant qu’employé civil.

60 Relativement à la question de la disparition d’équipement, le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu’il n’était pas au courant du problème. Cependant, à l’automne 2004, il a été informé de la disparition d’un ordinateur portatif. Par la suite, il a entendu des commentaires sur la disparition de bouteilles de vin et le vol de 100 $ dans les paris sur le hockey. Le 7 décembre 2004, lorsqu’il a été rencontré par Mmes O’Kane et Dingwall, il leur a indiqué qu’il n’avait pas de renseignements précis à la suite du vol de matériel et qu’il était prêt à collaborer. Par la suite, on l’a questionné sur l’utilisation de clés et de coupons de taxi.

61 Sur ce point, il a réitéré les propos qu’il avait tenus lors de la rencontre du 7 décembre 2004, tel que rapporté par Mme Dingwall dans son témoignage. Il a ajouté cependant que, relativement à la clé de M. « A », il avait l’impression que ce dernier avait une permission spéciale. Quant aux coupons de taxi, il a démontré que l’utilisation de ces derniers était en grande partie pour des fins autorisées.

62 En ce qui a trait à l’incident entourant son courriel de l’après-midi du 7 décembre 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé n’a pas nié que les événements avaient eu lieu, mais il a souligné que ses faits et gestes avaient mal été interprétés. Selon lui, la chaîne de courriels portait sur les instruments avec lesquels des fonctionnaires avaient travaillé antérieurement. Le premier courriel montrait un vieil ordinateur, le deuxième montrait un télégraphe utilisé dans les forces armées, le troisième (le sien) montrait des armes à feu utilisées dans les forces armées. Selon lui, il s’agissait d’une suite logique et le commentaire sur la capacité qu’il avait de bien savoir utiliser les armes à feu et de le remonter les yeux fermés répond uniquement au texte du courriel précédant le sien.

63 Le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné que sa rencontre avec M. Boushey était fortuite puisqu’il revenait d’un autre local et passait devant le poste de travail M. Boushey (espace de travail ouvert). Il a tenu à indiquer que les propos rapportés par M. Boushey étaient hors contexte puisqu’en réalité, le fonctionnaire s’estimant lésé aurait demandé à M. Boushey de regarder le courriel et les photos d’armes à feu. Alors, M. Boushey l’aurait questionné sur la portée des armes. En regardant par la fenêtre, M. Boushey aurait demandé s’il pouvait tirer de l’édifice d’en face jusque dans le bureau où ils étaient. Le fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué avoir répondu « à cette distance, je ne te manquerais pas ». C’est en blague qu’il aurait fait cette remarque.

64 Le fonctionnaire s'estimant lésé a tenu à spécifier qu’il ne se souvenait pas de sa rencontre avec M. Choiniere-Bélanger. Jusqu’au moment de l’audience, il n’avait pas été en mesure d’identifier qui était l’autre fonctionnaire impliqué dans cette affaire. Il a un moment pensé qu’il s’agissait de son voisin de bureau, M. Chartrand, car il lui avait parlé en quittant le travail vers 16 h 30 le 7 décembre 2004. Même si lors de l’audience il a entendu le témoignage de M. Choiniere-Bélanger, le fonctionnaire s’estimant lésé a dit ne pas se souvenir de l’avoir rencontré le 7 décembre 2004.

65 À la rencontre à caractère disciplinaire qui a eu lieu le 8 décembre 2004, le fonctionnaire s’estimant lésé a tenu à ajouter que, relativement à la question des vols d’équipement, il a dit d’appeler les policiers et d’aller vérifier à son domicile afin de s’assurer qu’il n’était pas en possession de matériel disparu. Quant à l’incident qui est survenu au courant de l’après-midi du 7 décembre 2004, M. Brodeur insistait davantage sur le courriel par lequel il avait envoyé les photos d’armes à feu que sur les menaces. Lorsque le fonctionnaire s'estimant lésé a répondu que les photos d’armes à feu étaient sur le site Internet des Forces armées canadiennes, M. Brodeur n’a pas pu lui fournir de réponse.

66 Lors de la rencontre du 8 décembre 2004, M. Brodeur n’aurait jamais mentionné au fonctionnaire s’estimant lésé quels propos ou quels gestes constituaient des menaces. Il lui aurait cependant mentionné que les policiers avaient été convoqués pour prendre des dépositions.

67 Après le 8 décembre 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé a communiqué avec les policiers pour voir les déclarations. Ces derniers lui ont répondu qu’aucune accusation n’avait encore été portée contre lui. Il s’agissait de dépositions et il ne pouvait y avoir accès avant que l’enquête policière soit complétée. Même à ce moment, les renseignements personnels seraient raturés.

68 Le fonctionnaire s'estimant lésé a soutenu que ses commentaires étaient une blague et qu’il n’avait jamais eu l’occasion de rencontrer M. Boushey pour s’expliquer. Il réalise maintenant que ses courriels et ses propos de 2004 pouvaient être déplacés et qu’ils ont pu embarrasser certaines personnes, mais il n’avait jamais voulu menacer quiconque.

69 En contre-interrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé a tenu à indiquer qu’il n’avait jamais participé à des sessions de formation sur le harcèlement. Il est vrai que les politiques de l’employeur sont disponibles sur Internet et qu’il y a des mentions à l’écran de son ordinateur.

70 Le fonctionnaire s'estimant lésé a tenu à réaffirmer qu’il avait toujours été sociable avec ses collègues de travail et qu’il aimait faire des blagues. Il a déclaré que, lors de la période du dîner, à l’occasion, il discutait de ses missions dans les forces armées et il montrait des photos d’événements et d’armes utilisées. Ses collègues de travail semblaient fort intéressés.

71 Questionné sur ses relations avec M. Boushey, le fonctionnaire s’estimant lésé a réaffirmé qu’il avait toujours eu une bonne communication avec ce dernier. Il lui a même rendu service en lui téléphonant pour le réveiller lorsqu’il y avait des rencontres au travail car ce dernier avait tendance à être en retard. Il a convenu que, depuis l’automne 2004, M. Boushey et lui se parlaient moins souvent. Il a souligné que M. Boushey lui avait confié avoir utilisé la clé de M. « A ».

72 Le fonctionnaire s’estimant lésé a confirmé qu’il parlait souvent à M. Choiniere-Bélanger. Il n’y aurait eu qu’un seul incident entre eux au moment où le service téléphonique aux clients était très occupé. M. Choiniere-Bélanger a téléphoné plusieurs fois pour parler à un collègue mais le fonctionnaire s’estimant lésé lui aurait répondu ce qui suit : « Je lui ai dit de ne pas nous déranger, car il y avait du travail à faire. »

73 Par la suite, le fonctionnaire s'estimant lésé a souligné qu’il y avait confusion sur l’identification des clés. Il y a des clés pour les salles de câblage. Ce sont de petits locaux sur les étages où passent les câbles. Ces salles sont bien différentes de l’entrepôt.

74 Sur la question des coupons de taxi, le fonctionnaire s’estimant lésé a apporté des précisions sur les documents déposés à l’audience. Il a fait remarquer que des adresses identifiées comme résidences personnelles étaient en fait des lieux reliés au travail. Il y a bien trois ou quatre voyages en taxi en soirée qui ne correspondent pas à des rapports de temps supplémentaire, mais le fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué qu’il ne rapportait pas tout son temps supplémentaire et que ses rapports étaient produits plus tard. Quant aux autres voyages en taxi, il a déclaré qu’il existait à l’époque une certaine confusion à l’égard des heures auxquelles les coupons de taxi pouvaient être utilisés.

Résumé de l’argumentation

75 Les représentants du fonctionnaire s’estimant lésé ont soutenu que l’employeur n’avait pas respecté la convention collective signée par le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada le 3 juin 2003 pour l’unité de négociation du groupe Systèmes d’ordinateurs (pièce F-1(a)) en rencontrant le fonctionnaire s'estimant lésé le 7 décembre 2004 en avant-midi. Selon eux, il s’agissait d’une rencontre à caractère disciplinaire. Le non-respect de la procédure stipulée à la convention collective empêcherait de produire en preuve le compte rendu de la rencontre. La stipulation 36.03 de la convention collective se lit comme suit :

36.03 Lorsque l’employé est tenu d’assister à une réunion concernant une mesure disciplinaire, il a le droit de se faire accompagner par un représentant de l’Institut lorsque celui-ci est facilement disponible. Autant que possible, l’employé est prévenu par écrit au moins deux (2) jours ouvrables avant la tenue d’une telle réunion.

De plus, les représentants du fonctionnaire s’estimant lésé ont soutenu que le non-respect de cette obligation avait des conséquences sur la suite des événements. Selon eux, si un représentant syndical avait été présent lors de la rencontre du 7 décembre 2004, ce dernier aurait pu conseiller le fonctionnaire s’estimant lésé de ne communiquer avec aucun de ses collègues, ce qui aurait évité l’incident de l’après-midi du 7 décembre avec M. Boushey.

76 Sur ce point, l’employeur a souligné que la rencontre du 7 décembre 2004 était de nature administrative. Lors de cette rencontre, on a parlé de façon générale des vols et on a posé au fonctionnaire s’estimant lésé des questions sur l’utilisation des clés et sur l’utilisation des coupons de taxi.

77 Par contre, la rencontre du 8 décembre 2004 pouvait avoir un caractère disciplinaire. L’employeur n’a pas donné préavis, car deux fonctionnaires avaient fait état de menaces. L’employeur se devait d’agir et il y a eu présence d’un représentant syndical.

78 Je ne traiterai pas dans la présente décision de l’argumentation détaillée et de la jurisprudence présentée par les parties sur la validité de la rencontre du 7 décembre 2004, puisque, comme je l’ai mentionné précédemment, cela a fait l’objet de la décision 2007 CRTFP 40.

79 Au soutien de sa décision de licencier le fonctionnaire s’estimant lésé, l’employeur a indiqué que l’envoi du courriel et les menaces proférées à deux fonctionnaires constituaient les motifs principaux du licenciement. À cela s’ajoute des manquements de la part du fonctionnaire s’estimant lésé relativement à l’usage illégal de coupons de taxi et à l’utilisation de copie de clés contrairement aux procédures de contrôle mises en place. Pour l’ensemble de ces raisons, il y aurait rupture du lien de confiance nécessaire au maintien de l’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé.

80 L’employeur a souligné qu’à l’automne 2004, il existait un climat particulier au sein du Directorat. Le 4 novembre 2004, Mme O’Kane a été informée de la disparition d’équipement pour un total de 24 000 $. Les mesures de sécurité ont été resserrées et certains fonctionnaires font part à leur chef d’équipe de rumeurs visant certains de leurs collègues.

81 En ce sens, Mmes O’Kane et Dingwall étaient justifiées de vérifier certaines allégations et de recueillir des renseignements auprès des fonctionnaires dont les noms avaient été mentionnés dans les notes administratives de novembre 2004. Une dizaine de fonctionnaires ont été rencontrés, soit parce qu’ils avaient fourni certains renseignements, soit parce qu’ils étaient visés par certaines déclarations, même à l’état des rumeurs.

82 L’incident des courriels et des menaces a précipité les choses. Le 8 décembre 2004, le fonctionnaire s’estimant lésé a été suspendu pendant qu’on mènerait une enquête. L’employeur disposait, à ce moment-là, de déclarations et d’information qui justifiaient cette suspension.

83 L’employeur a rassemblé des éléments de preuve entre le 9 et le 20 décembre 2004. Un représentant syndical a été prévenu que l’employeur avait l’intention d’imposer une sanction disciplinaire majeure le 20 décembre 2004. Le fonctionnaire s’estimant lésé et son représentant, M. Lortie, avaient l’occasion de poser des questions et faire des représentations lors de la rencontre du 20 décembre 2004.

84 Il y a eu d’autres rencontres le 22 décembre 2004 et le 21 janvier 2005 avec le représentant syndical du fonctionnaire s’estimant lésé. Là encore, le représentant syndical pouvait poser toutes les questions nécessaires.

85 Il y eut rencontre des parties en mars 2005 où elles pouvaient discuter du dossier. Le fonctionnaire s’estimant lésé a eu accès à l’ensemble des documents détenus par l’employeur (pièce E-15). Il est vrai que la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1,exige que les renseignements personnels soient raturés. Cependant, ces documents donnaient au fonctionnaire s’estimant lésé une information suffisante pour pouvoir présenter une défense pleine et entière. S’il restait des points à préciser, le fonctionnaire s’estimant lésé pouvait requérir, avant l’audience, l’information nécessaire. L’audience en elle-même, constitue une procédure de novo permettant de discuter de l’ensemble des faits, tel qu’énoncé dans McIntyre c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accise), dossier de la CRTFP 166-02-25417 (19940718).

86 Sur le fond du dossier, l’employeur soumet que la preuve établit les manquements du fonctionnaire s’estimant lésé relativement aux règles de sécurité. Il a utilisé à plusieurs reprises la clé de M. « A » et il y a des allégations qu’il aurait possédé sa propre copie de clé. Il y a également preuve d’utilisation de coupons de taxi sans autorisation.

87 Bien que Mme Dingwall ait déjà décidé, le 16 décembre 2004 de la possibilité de licenciement, l’examen des documents contenus dans l’ordinateur du fonctionnaire s’estimant lésé entre le 16 et le 20 décembre est pertinent et peut servir d’appui à la décision. Les copies de courriels (pièce E-1(w)) constituent un complément de preuve justifiant la rupture du lien de confiance.

88 En ce qui concerne le courriel du 7 décembre 2004 et les menaces, l’employeur a souligné qu’il était inapproprié de montrer des photos d’armes à feu. De plus, il faut se demander pourquoi, précisément le 7 décembre 2004, alors qu’il y a enquête sur des vols d’équipement, le fonctionnaire s’estimant lésé a rencontré M. Boushey. Ce dernier a déclaré avoir peu parlé au fonctionnaire s’estimant lésé au cours de l’automne 2004; M. Boushey prenait ses distances du fonctionnaire s’estimant lésé et de M. « A ».

89 Les faits et gestes du fonctionnaire s’estimant lésé lors de sa rencontre au poste de travail de M. Boushey le 7 décembre 2004 ont été établis. Le fonctionnaire s’estimant lésé a donné une interprétation différente et parle de blague. De plus, le fonctionnaire s’estimant lésé a prononcé des paroles menaçantes sans en expliquer le contexte à un deuxième fonctionnaire, M. Choiniere-Bélanger. L’employeur a souligné que le témoignage de MM. Boushey et Choiniere-Bélanger est crédible et que ces derniers n’ont pas intérêt à mentir.

90 Selon l’employeur, la menace était réelle et il faut tenir compte du contexte. Il y avait une enquête sur la disparition d’équipement. Le fonctionnaire s’estimant lésé a servi dans les forces armées, il sait manier les armes à feu et il a été un tireur d’élite. Il est normal que ses collègues de travail soient craintifs.

91 Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a fourni aucune explication sur les propos qu’il a adressés à M. Choiniere-Bélanger. Il a dit ne pas s’en souvenir. Dans le présent cas, on ne peut prétendre que M. Boushey soit trop sensible et qu’il ait mal interprété les paroles du fonctionnaire s’estimant lésé. MM. Boushey et Choiniere-Bélanger ont fait des déclarations aux policiers. L’employeur se devait de prendre la situation au sérieux.

92 En tenant compte du contexte de l’enquête sur le vol et de la profération de menaces, l’employeur se devait de protéger la sécurité des fonctionnaires. Ces gestes d’intimidation n’ont pas leur place dans un milieu de travail.

93 Sur ce point, l’employeur a souligné qu’on peut s’inspirer de la décision McCain Foods (Canada) v. United Food and Commercial Workers Union, Local 114P3 (2002),107 L.A.C. (4th) 193. Dans cette décision, l’employé n’a jamais admis avoir proféré des menaces.

94 L’employeur a également fait référence à Livingston Distribution v. I.W.A.-Canada, Local 700 (2001), 94 L.A.C. (4th) 129.

95 De leur coté, les représentants du fonctionnaire s’estimant lésé ont soutenu que l’employeur n’avait pas fourni tous les documents et toute l’information au fonctionnaire s’estimant lésé pour lui permettre de présenter une défense pleine et entière.

96 En ce qui a trait à l’utilisation de coupons de taxi, l’employeur a fourni peu de preuve. Lors de l’audience, le fonctionnaire s’estimant lésé a démontré qu’il y avait des erreurs sur l’identification des adresses et qu’il s’agissait de lieux de travail. À d’autres occasions, le fonctionnaire s’estimant lésé a certifié avoir travaillé le soir et qu’il pouvait utiliser les coupons de taxi.

97 Quant à l’utilisation d’une copie de clé, l’employeur a parlé de la clé des salles de câblage. À certaines occasions, il est revenu sur l’utilisation de la clé de l’entrepôt, dont M. « A » avait une copie. Le fonctionnaire s’estimant lésé a admis avoir utilisé la clé de M. « A » à quelques reprises. Cependant, la preuve a démontré qu’il signait régulièrement les feuilles de contrôle des clés.

98 Les représentants du fonctionnaire s’estimant lésé sont d’avis que l’employeur a eu tort de prétendre que le fait d’envoyer des photos d’armes à feu par courriel constituait un comportement inapproprié en milieu de travail. Selon eux, le courriel du fonctionnaire s’estimant lésé s’avérait une suite logique des courriels déjà expédiés par d’autres collègues. Le deuxième courriel parlait de l’utilisation d’un télégraphe utilisé dans les forces armées et la fonctionnaire qui l’a envoyé a ajouté qu’elle pouvait le défaire et le remonter et qu’il fonctionne. Le courriel du fonctionnaire s’estimant lésé s’inscrit dans une suite logique. Il a dit avoir utilisé des armes à feu et il a repris le commentaire du deuxième courriel quant à savoir qu’il pouvait le défaire et le remonter et qu’il fonctionnait.

99 L’employeur n’a fait aucune enquête pour voir si d’autres fonctionnaires trouvaient ce courriel inapproprié.

100 Selon les représentants du fonctionnaire s’estimant lésé, la rencontre avec M. Boushey, le 7 décembre 2004, s’explique par le fait que le fonctionnaire s’estimant lésé revenait d’une autre pièce et qu’il devait passer devant le poste de travail de M. Boushey. Il avait déjà discuté d’armes à feu et de ses missions dans les forces armées avec M. Boushey. Il était normal qu’il lui ait parlé du courriel.

101 Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas nié les propos qu’il a tenus lors de sa rencontre du 7 décembre 2004 avec M. Boushey. Il en a expliqué le contexte. C’est après que M. Boushey lui a demandé s’il pouvait tirer à une certaine distance qu’il a répondu : « De là, je ne te manquerais pas. » C’est bien différent que de dire : « Je vais te tuer. »

102 Relativement à M. Choiniere-Bélanger, le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré ne pas se souvenir de leur rencontre. Selon la déclaration écrite de M. Choiniere-Bélanger et selon son témoignage à l’audience, il ne s’est pas senti menacé par les propos du fonctionnaire s’estimant lésé.

103 En terminant, les représentants du fonctionnaire s’estimant lésé ont soutenu que, même si l’incident du 7 décembre 2004 a causé un émoi chez certains fonctionnaires, la sanction imposée par l’employeur est disproportionnée. Le fonctionnaire s’estimant lésé a admis qu’avec un certain recul, il réalise que ses propos ont pu choquer, mais qu’il n’a jamais menacé ses collègues de travail.

104 Selon les représentants du fonctionnaire s’estimant lésé, l’arbitre de grief doit tenir compte du contexte dans lequel un geste est posé et vérifier si la sécurité des autres fonctionnaires est compromise.

105 Dans Ajax Pickering Transit Authority v. Canadian Union of Public Employees, Local 129-01 (2003), 123 L.A.C. (4th) 51, l’arbitre a conclu que le congédiement était inapproprié et qu’en prenant les précautions voulues, l’employé pouvait réintégrer ses fonctions.

106 Les représentants du fonctionnaire s’estimant lésé ont fait référence à d’autres décisions où un arbitre a eu à évaluer la notion de « propos menaçants » :

  • Katchin c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2003 CRTFP 24;
  • OSF Inc. v. United Steelworkers, Loc. 5338 (2000), 89 L.A.C. (4th) 52;
  • Proulx c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2002 CRTFP 45;
  • Noël c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-26820, 26913, 26929 et 27458 à 27462 (19971022).

107 Les représentants du fonctionnaire s’estimant lésé ont conclu qu’en évaluant la preuve et en tenant compte du contexte et en se référant à la jurisprudence en semblable matière, l’arbitre de grief doit annuler la décision de l’employeur.

108 En réplique, l’employeur a commenté les décisions déposées par les représentants du fonctionnaire s’estimant lésé. Selon l’employeur, ces cas diffèrent du présent dossier. Dans Proulx, l’employeur a tenu compte du stress accumulé du fonctionnaire. Dans Noël, il y a eu succession d’événements et l’employeur n’est pas intervenu.

109 L’employeur a soutenu que, dans le présent cas, la preuve est claire. Les témoignages sont crédibles et le fonctionnaire s’estimant lésé n’a fait aucune admission et prétend qu’il s’agit d’une simple farce.

Motifs

110 Dans 2007 CRTFP 40, j’ai déjà décidé de la validité de la rencontre de Mmes O’Kane et Dingwall et du fonctionnaire s’estimant lésé le 7 décembre 2004. Ce dernier dénonçait le fait de ne pas avoir été prévenu à l’avance de cette rencontre et de ne pas avoir pu être accompagné de son représentant syndical. J’ai déterminé qu’il s’agissait d’une rencontre administrative pour recueillir des renseignements et que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas le droit d’y être représenté par son agent négociateur.

111 En examinant le compte rendu des rencontres des fonctionnaires le 7 décembre 2004 (pièces E-1(e), (f) et (g)) et à la lumière des témoignages à l’audience, je constate que les trois points suivants ont été discutés avec le fonctionnaire s’estimant lésé le 7 décembre 2004 :

  • la disparition d’équipement;
  • l’utilisation des coupons de taxi;
  • la possession de doubles de clés et l’utilisation des clés sans passer par le système de contrôle.

Il ne s’agissait pas d’allégations visant précisément le fonctionnaire s’estimant lésé, bien qu’il ait pu se sentir concerné par l’un ou l’autre de ces sujets.

112 Le 8 décembre 2004, le fonctionnaire s’estimant lésé a été rencontré de nouveau. M. Brodeur l’a informé qu’on enquêtera relativement à des allégations de vol et de menaces qui pèsent contre lui. Il était accompagné d’un représentant syndical. Finalement, le 20 décembre 2004, il a été rencontré à des fins disciplinaires et M. Brodeur lui a remis une lettre de licenciement.

113 La teneur de cette lettre est la suivante :

[…]

Suite à une étude approfondie, en ce qui concerne les coupons de taxi, j’ai conclu que vous aviez utilisé des coupons de taxi à maintes reprises lorsque cela n’avait aucun lien avec le travail, plus spécifiquement le temps supplémentaire. Lorsqu’on vous a demandé des renseignements au sujet des coupons de taxi lors de l’enquête, vous avez répondu que vous n’en utilisiez pas, car vous preniez votre bicyclette pour vous rendre au travail. De plus, vous avez répondu que vous ne pouviez transporter de l’équipement à bicyclette lorsqu’on vous a demandé des questions au sujet des ordinateurs.

En plus, le 7 décembre 2004, vous avez envoyé un courriel montrant des photos de fusils avec lesquels vous aviez travaillé. Bien que vous ayez soutenu que ces photos étaient disponibles sur les sites du gouvernement, c’est votre façon de les utiliser qui est remise en question. Vous avez reçu de la formation traitant de la sensibilisation au harcèlement et aux comportements inappropriés en milieu de travail. En dépit de cela, vous avez décidé de faire parvenir le courriel en question à vos collègues. Par la suite vous vous êtes tournés vers deux de vos collègues en leur indiquant que vous ne les manqueriez pas avec les fusils. Cela est clairement considéré comme une menace et n’est pas toléré en milieu de travail. En tant qu’employeur prenant ces gestes au sérieux, nous avons référé le tout à la Police locale. Lorsqu’on vous a confronté avec ces incidents, vous avez répondu que c’était une farce. A mon avis, il n’y a pas de place pour ce genre de farce dans la fonction publique.

Un de vos collègues a dit que vous avez admis avoir fait faire un double des clés de la salle de câblage. Vous étiez au courant que vous ne deviez pas faire de double de ces clés, puisque des procédures de contrôle des entrées étaient en place. Vous avez aussi indiqué que, bien qu’étant au courant des procédures, vous aviez un ami qui était serrurier et qu’il vous a fait un double des clés. Vous avez ensuite partagé ces clés.

Votre conduite a entaché de façon irréparable votre intégrité et la confiance que l’employeur plaçait en vous. Les incidents démontrent de sérieuses erreurs de jugement de votre par. J’ai pris en considération que vous n’aviez pas fait preuve de sincérité totale durant le processus d’enquête et que vous n’avez pas reconnu la gravité de vos gestes.

Votre comportement a eu pour effet de trahir la confiance que les autres membres de la gestion et moi-même avions en vous en ce qui concerne la manipulation de l’équipement du gouvernement et votre capacité de maintenir des relations professionnelles et respectueuses avec vos collègues.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

114 L’employeur reproche au fonctionnaire s’estimant lésé d’avoir transmis par courriel de photos d’armes à feu et d’avoir menacé verbalement deux collègues de travail. Il s’agit là, selon moi, du principal motif invoqué par l’employeur au soutien du congédiement. S’ajoutent à cela deux autres motifs, soit l’utilisation non autorisée de coupons de taxi et la possession et l’usage non autorisés de copie de clés de l’employeur.

115 Pour la période du 7 octobre 2002 au 14 juillet 2004, l’employeur a produit un relevé de 11 coupons de taxi (pièce E-15). Il considère qu’un seul de ces 11 coupons de taxi a été autorisé. Le fonctionnaire s’estimant lésé a démontré que deux cas correspondent à des déplacements pour se rendre sur des lieux de travail et qu’il y avait confusion sur les directives quant au temps supplémentaire entre 16 h 30 et 18 h, ce qui justifiait l’utilisation des coupons de taxi pour six ou sept cas sur les dix contestés par l’employeur.

116 Il resterait trois ou quatre coupons de taxi qui auraient été utilisés en soirée et que le fonctionnaire s’estimant lésé prétend être justifiés par le fait qu’il travaillait en temps supplémentaire bien qu’il n’ait pas produit de rapport de temps supplémentaire.

117 Quant à l’usage de clés, la preuve n’a pas démontré que le fonctionnaire s’estimant lésé avait fait faire de double de la clé de l’entrepôt. L’employeur a cependant établi que le fonctionnaire s’estimant lésé avait utilisé la clé de M. « A » pour avoir accès à l’entrepôt. Le fonctionnaire s’estimant lésé a admis avoir utilisé la clé de M. « A » à quelques reprises. Pour l’une ou l’autre des clés, le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas signé pour obtenir la clé.

118 En ce qui a trait aux coupons de taxi, il faut retenir que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pu justifier l’utilisation de trois ou quatre coupons de taxi sur une période de trois ans. Il y a également l’utilisation du double des clés contrairement à la procédure établie. Ces manquements entachent l’intégrité du fonctionnaire s’estimant lésé relativement au respect des procédures de contrôle établies par l’employeur. Il s’agit d’une situation de fait et je ne tiens pas compte des hésitations du fonctionnaire s’estimant lésé ou remarques qu’il a pu faire lors de la rencontre administrative du 7 décembre 2004. Ces manquements ne peuvent, à eux seuls, justifier un congédiement. Ils doivent cependant être pris en considération dans l’examen de l’infraction principale reprochée au fonctionnaire s’estimant lésé.

119 La principale infraction reprochée au fonctionnaire s’estimant lésé est relative à un incident survenu dans l’après-midi du 7 décembre 2004. Dans la lettre de congédiement datée du 20 décembre 2004, l’employeur a écrit ce qui suit :

[…]

En plus, le 7 décembre 2004, vous avez envoyé un courriel montrant des photos de fusils avec lesquels vous aviez travaillé. Bien que vous ayez soutenu que ces photos étaient disponibles sur les sites du gouvernement, c’est votre façon de les utiliser qui est remise en question. Vous avez reçu de la formation traitant de la sensibilisation au harcèlement et aux comportements inappropriés en milieu de travail. En dépit de cela, vous avez décidé de faire parvenir le courriel en question à vos collègues. Par la suite vous vous êtes tournés vers deux de vos collègues en leur indiquant que vous ne les manqueriez pas avec les fusils. Cela est clairement considéré comme une menace et n’est pas toléré en milieu de travail. En tant qu’employeur prenant ces gestes au sérieux, nous avons référé le tout à la Police [sic] locale. Lorsqu’on vous a confronté avec ces incidents, vous avez répondu que c’était une farce. A mon avis, il n’y a pas de place pour ce genre de farce dans la fonction publique.

[…]

120 Même si les photos des armes à feu en question apparaissent sur un site Internet du gouvernement, l’employeur semble indiquer dans sa lettre de congédiement que le fait de les inclure dans un courriel envoyé à des collègues de travail n’est pas compatible avec la formation donnée en ce qui a trait à la sensibilisation sur le harcèlement et qu’il représente un comportement inapproprié en milieu de travail.

121 La preuve a démontré que trois collègues de travail du fonctionnaire s’estimant lésé ont travaillé dans les forces armées. À plusieurs occasions, le fonctionnaire s’estimant lésé a montré à des collègues de travail des photos prises lors de ses missions dans les Forces armées canadiennes. Le courriel se situe dans une suite de courriels dont le sujet est le type d’équipement avec lequel les analystes des solutions en TI ont travaillé au cours de leur carrière. En conséquence, il est difficile de conclure que l’envoi d’un tel courriel constitue en soi un comportement inapproprié en milieu de travail.

122 L’autre reproche formulé à l’encontre du fonctionnaire s’estimant lésé est qu’à la suite de l’envoi du courriel, il s’est adressé à deux de ses collègues de travail en leur indiquant qu’il ne les manquerait pas avec une arme à feu.

123 La preuve a démontré que 10 à 15 minutes après l’envoi de son courriel, le fonctionnaire s’estimant lésé a rencontré M. Boushey et lui a demandé de regarder les photos d’armes à feu incluses dans le courriel. Il y a eu discussion par la suite et les mots « je ne te manquerais pas » ont été prononcés. Ces faits n’ont pas été niés par le fonctionnaire s’estimant lésé. Il a cependant donné une autre version de cette discussion et estime que les mots « je ne te manquerais pas » doivent être replacés dans leur contexte. Selon lui, ils ont été prononcés en blague. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas nié avoir prononcé les mots « toi non plus, je ne te manquerais pas avec ça » à l’endroit de M. Choiniere-Bélanger. Il a cependant dit ne pas se souvenir d’avoir parlé à ce dernier.

124 M. Choiniere-Bélanger a témoigné avoir rencontré le fonctionnaire s’estimant lésé le 7 décembre 2004 et a certifié que ce dernier lui a dit, en pointant les armes à l’écran : « Toi non plus, je ne te manquerais pas avec ça. » M. Choiniere-Bélanger avait donné une déclaration écrite dans le même sens le 8 décembre 2004 devant les policiers (pièce E-1(i)). Il a de plus ajouté que le ton de voix du fonctionnaire s’estimant lésé était agressif.

125 La question à se poser est de savoir si cet incident constitue des menaces.

126 Dans son témoignage, le fonctionnaire s’estimant lésé a indiqué que M. Boushey lui avait confié avoir utilisé la clé de M. « A ». Au courant de l’avant-midi du 7 décembre 2004, le fonctionnaire s’estimant lésé a été questionné sur l’utilisation de la clé de M. « A ». Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas nié que M. Boushey avait pris ses distances par rapport à lui et qu’ils se parlaient peu depuis quelques mois. Il y a lieu de se questionner sur la pertinence de la rencontre avec M. Boushey. Le fonctionnaire s’estimant lésé a-t-il voulu simplement converser? Pouvait-il soupçonner que la déclaration voulant que M. « A » possédait une clé venait de M. Boushey?

127 J’ai indiqué précédemment que, en soi, un courriel montrant des armes à feu ne constitue pas un geste inapproprié en milieu de travail. Cependant, le fait de tenir une conversation sur la précision de ces armes à feu, la capacité de s’en servir et d’indiquer qu’on ne manquerait pas sa cible, et ce, devant les photos d’armes à feu apparaissant à l’écran, constitue des propos inappropriés. Le fait que la phrase « toi non plus, je ne te manquerais pas avec ça » ait été prononcée devant l’écran d’ordinateur montrant les photos des armes à feu constitue à mon sens une intimidation et des propos menaçants.

128 Tel que souligné par les représentants du fonctionnaire s’estimant lésé, les propos sont au mode conditionnel « I would not miss you either with this » (pièce E-1(i)) et répétés en français à M. Choiniere-Bélanger. Cependant, ces propos sont dits devant l’écran d’ordinateur montrant des armes à feu. Il y a là une situation intimidante pour celui qui est visé par de tels propos. Dans le cas de M. Boushey, les photos d’armes à feu, l’indication que le fonctionnaire s’estimant lésé savait s’en servir et le fait que le fonctionnaire s’estimant lésé ne manquerait pas sa cible ont pu prendre un caractère d’intimidation et de propos menaçants ou inquiétants puisque M. Boushey savait que le fonctionnaire s’estimant lésé avait été en mission dans les forces armées et qu’il y était un tireur d’élite. M. Boushey a d’ailleurs témoigné qu’il a eu de la difficulté à dormir le 7 décembre 2004 et qu’il a rencontré Mme O’Kane le 8 décembre 2004 pour lui parler de cet incident.

129 Même si je retenais la version du fonctionnaire s’estimant lésé voulant que sa rencontre avec M. Boushey soit fortuite et que leur conversation sur la précision avec laquelle le fonctionnaire s’estimant lésé pouvait manier les armes à feu était sans intention de menacer, le fait que le fonctionnaire s’estimant lésé ait répété ces propos à M. Choiniere-Bélanger, et ce, sur un ton agressif (selon le témoignage de M. Choiniere-Bélanger) vient contredire l’explication du fonctionnaire s’estimant lésé à l’effet que la rencontre avec M. Boushey était fortuite et qu’il s’agissait d’une blague.

130 Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a fourni aucune explication valable pour justifier sa présence au bureau de M. Boushey le 7 décembre 2004 et il n’a pu expliquer les propos qu’il a adressés à M. Choiniere-Bélanger.

131 Après examen de l’ensemble des documents et de la preuve présentée, j’en viens à la conclusion que le fonctionnaire s’estimant lésé se doutait que M. Boushey aurait pu faire des déclarations sur la clé de M. « A » et donner des renseignements concernant le fonctionnaire s’estimant lésé. Il n’a pu se retenir de le rencontrer le 7 décembre 2004 en après-midi. Il a cherché à savoir comment ce dernier se comporterait s’il lui montrait les photos d’armes à feu. Il lui a tenu des propos de nature intimidante. Je ne crois pas qu’il s’agissait d’une menace directe comme « je vais te tirer », mais l’emploi du mode conditionnel constitue, à mon sens, une mesure d’intimidation visant à créer un malaise chez M. Boushey. Je conclus qu’il en est de même en ce qui concerne les propos adressés à M. Choiniere-Bélanger.

132 J’en viens à la conclusion qu’il y a eu intimidation et propos menaçants de la part du fonctionnaire s’estimant lésé. Il me reste à examiner si la sanction du congédiement constitue une mesure valable dans les circonstances.

133 Auparavant, il faudrait trancher l’argument des représentants du fonctionnaire s’estimant lésé voulant que ce dernier n’ait pas obtenu tous les renseignements pour pouvoir présenter une défense pleine et entière. Les représentants du fonctionnaire s’estimant lésé ont présenté des décisions relativement à l’équité procédurale et la transmission de tout renseignement au fonctionnaire. Je ne crois pas que ces décisions soient applicables au présent cas pour les raisons qui suivent. Dans le présent cas, les faits sont simples. On reproche au fonctionnaire s’estimant lésé d’avoir expédié un courriel le 7 décembre 2004 et d’avoir par la suite menacé deux fonctionnaires. Dans son témoignage, le fonctionnaire s’estimant lésé n’a jamais indiqué avoir parlé du courriel à des collègues de travail à une date autre que le 7 décembre 2004. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé, il est donc clair que l’incident reproché se situe le 7 décembre 2004 en après-midi. Son courriel a été expédié à 15 h 20 et il a quitté le bureau vers 16 h 30. Tous les éléments relatifs à la menace se situent entre 15 h 20 et 16 h 30 le 7 décembre 2004.

134 Sur la question de menace, l’employeur a indiqué que le fonctionnaire s’estimant lésé aurait dit à deux fonctionnaires qu’il ne les manquerait pas. Nous ne sommes pas ici dans une situation où on reproche à quelqu’un d’avoir intimidé des fonctionnaires sur une période prolongée. Dans un tel cas, les faits, les dates, les noms et les circonstances seraient extrêmement importants. Dans le présent cas, le principal reproche porte sur un courriel et une rencontre entre 15 h 20 et 16 h 30 le 7 décembre 2004.

135 Lors de la rencontre du 20 décembre 2004, et dans la lettre de congédiement qui a été remise, il est fait mention de menaces proférées contre deux fonctionnaires, sans mentionner leurs noms. À cette époque, le fonctionnaire s’estimant lésé et son représentant syndical n’ont pas cherché à connaître l’identité des deux fonctionnaires en question. Cependant, le représentant syndical a rencontré Mme Dingwall le 22 décembre 2004 ainsi que le 21 janvier 2005. Il y a eu une autre rencontre par la suite, en mars. En aucun temps le représentant syndical ou le fonctionnaire s’estimant lésé n’ont demandé à connaître les noms des fonctionnaires visés ou, du moins, le nom du deuxième fonctionnaire, qu’ils avaient de la difficulté à identifier. Le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré qu’il avait déjà pensé que le deuxième fonctionnaire « menacé » pouvait être M. Chartrand.

136 Le fonctionnaire s’estimant lésé a obtenu, par voie d’accès à l’information, l’ensemble des documents mentionnés dans la présente décision. Il est vrai que les renseignements personnels contenus dans ces procès-verbaux ont été raturés. Le nom de M. Choiniere-Bélanger apparaît cependant à la liste des fonctionnaires rencontrés par Mmes O’Kane et Dingwall, tandis que celui de M. Chartrand n’y apparaît pas (pièce E-15, page 00195 des documents obtenus par l’accès à l’information). Je considère que le fonctionnaire s’estimant lésé a eu tous les renseignements nécessaires à la préparation pleine et entière de sa défense et, s’il restait certaines imprécisions, il aurait pu faire une demande de clarification.

137 Dans l’évaluation de la sanction, je ne tiens pas compte des déclarations de l’employeur relativement au fait que le fonctionnaire s’estimant lésé ait été impliqué dans un cas de voies de fait en 1987. Il s’agit d’un incident remontant à 20 ans, sur lequel l’employeur n’a aucun renseignement détaillé et pour lequel il serait difficile d’évaluer tout le contexte.

138 Relativement à la copie des courriels retirés de l’ordinateur du fonctionnaire s’estimant lésé et qui ont été portés à la connaissance de Mme Dingwall entre le 16 et le 20 décembre 2004, je crois qu’ils permettent de compléter la preuve principale relativement au comportement du fonctionnaire s’estimant lésé à l’égard de ses collègues sans toutefois ajouter de motifs supplémentaires à la lettre de congédiement du 20 décembre 2004.

139 La sanction imposée par l’employeur est-elle adéquate? J’ai considéré certains précédents présentés par les parties.

140 Dans Ajax Pickering, l’arbitre a conclu comme suit :

[Traduction]

[…]

À mon avis, le comportement du fonctionnaire s’estimant lésé pendant plus d’un an à la suite de la fusion, notamment le fait qu’il a répété sa plainte de façon obsessionnelle, ses manifestations physiques et verbales de stress, et ses rapports selon lesquels une faction voulait sa peau, aurait dû amener les superviseurs, les gestionnaires ainsi que les représentants syndicaux avec qui il avait des rapports à le considérer comme étant un employé à risque. Il était irresponsable de ne pas prendre les mesures nécessaires pour atténuer ce risque. Ainsi, il aurait convenu notamment d’imposer des mesures disciplinaires progressives pour faire suite à la note de Moskalyk, de mener rapidement une enquête sur les doléances fondamentales du fonctionnaire s’estimant lésé et de veiller à en communiquer clairement les résultats. Selon la réponse du fonctionnaire s’estimant lésé à ces démarches, on aurait pu également le faire participer à des séances de counseling ou le soumettre à une intervention médicale.

[…]

141 Dans Katchin, l’arbitre de grief est arrivé aux conclusions suivantes :

[…]

[109] Est-il possible que le Dr Katchin se soit laissé emporter et ait tenu des propos violents et fait des menaces voilées? Oui, c’est possible, mais le Dr Katchin soutient depuis le début qu’il n’en est rien.

[110] Par ailleurs, le Dr Powell ne s’est pas empressée de consigner les propos qu’elle avait entendus. Elle n’a pas signalé l’incident à son superviseur dans un délai raisonnable, mais elle en a discuté avec des amis et des membres de sa famille. Se peut-il que ces dernières conversations aient déformé sa perception initiale des propos réellement entendus? La réponse est oui, c’est possible. Nous savons désormais que le Dr Powell a des troubles de mémoires, ce qu’elle a elle-même admis durant son témoignage. Il est dès lors possible que les faits qu’elle a rapportés au Dr Rathlou étaient le produit d’une mémoire chancelante et de conversations avec des amis et des membres de la famille.

[…]

[212] Je n’arrive pas à comprendre pourquoi le Dr Powell a attendu si longtemps pour rapporter l’incident. Elle a affirmé à plusieurs reprises qu’elle n’avait pas peur. Or, elle trouvait que le Dr Katchin n’était « pas normal ». Le Dr Rathlou soutient qu’elle ne connaissait pas très bien le Dr Powell avant que celle-ci lui fasse des révélations. Compte tenu de la prépondérance des probabilités, je dois conclure que les propos du Dr Katchin se rapprochent probablement davantage de la description qu’il en a lui-même donnée que du fantasme plus alarmant de tirer sur le personnel du bureau régional rapporté par le Dr Powell.

[…]

142 Dans Proulx, l’arbitre de grief s’exprime comme suit :

[…]

[72] […] Je considère que M. Proulx a poussé sa résistance jusqu’à la limite, croyant à tord « qu’il était capable d’en prendre ». Les extraits des évaluations et expertises médicales précitées indiquent clairement que M. Proulx souffrait de dépression lors des incidents du 11 août 2000. Les médecins ne précisent pas si la dépression a fait en sorte que M. Proulx précise que c’est le remord qu’il ressentait suite aux incidents qui l’a incité à revenir à l’Établissement Sainte-Anne-des-Plaines pour s’excuser auprès de ses confrères le 11 août 2000. Il a aussi reconnu ses torts devant M. Beaudry lors des rencontres disciplinaires et devant M. Chaumont lors d’une rencontre avec ce dernier peu après les incidents. Ainsi, en ces différentes occasions, M. Proulx a reconnu qu’il était conscient des gestes qu’il a posés ainsi que de leur gravité. De plus, il était conscient que les gestes posés pouvaient entraîner des mesures disciplinaires, car, selon son témoignage, il aurait alors verbalisé « qu’il était fini » et qu’il ne pourrait plus se présenter au travail après de tels incidents.

[73] Selon les témoignages rendus à l’audition, il appert que l’employeur a tenu compte de l’état de santé de M. Proulx, au moment de déterminer la mesure disciplinaire. Bien que le directeur de l’établissement n’ait pas été informé de l’état dépressif de M. Proulx, soit par le fonctionnaire s’estimant lésé lui-même ou ses représentants, et qu’il n’ait pas eu connaissance des évaluations, expertises et rapports médicaux soumis à Santé Canada, il était bien conscient que M. Proulx était fatigué et stressé. Cet élément de stress et de fatigue a constitué un élément atténuant considéré par l’employeur au moment de la détermination de l’ampleur de la sanction qu’il a imposée. Cet élément a aussi été considéré aux divers paliers de la procédure des griefs, comme le souligne le Sous-commissaire Watkins, sous les termes « état de faiblesse humaine » utilisés dans sa réponse du 3 novembre 2000.

[…]

143 Dans les décisions citées précédemment, les arbitres ont tenu compte des points suivants :

  • la situation de stress du fonctionnaire qui a menacé quelqu’un d’autre;
  • le fait que l’employeur aurait pu intervenir;
  • le fait que les propos des menaces sont rapportés de façon vague;
  • le fait que les personnes menacées n’ont pas dénoncé les faits rapidement.

Je ne crois pas que ces décisions soient applicables au présent dossier.

144 Dans McCain Foods, l’arbitre est arrivé à la conclusion suivante :

[Traduction]

[…]

Les menaces de violence, plus particulièrement les menaces de mort proférées dans un lieu de travail, sont les menaces les plus graves que l’on puisse imaginer. L’employeur doit les prendre au sérieux et adopter des mesures en vue de protéger ses travailleurs. Appeler la police est une réaction naturelle à cet égard. Retirer l’employé du lieu de travail en est une autre.

[…]

Dans la présente situation, le fonctionnaire s’estimant lésé a toujours nié avoir à quelque moment que ce soit proféré des menaces ou avoir intimidé MM. Domingo et Anton. Or, les faits le contredisent.

Les témoignages de MM. Domingo et Anton selon lesquels le fonctionnaire s’estimant lésé a proféré des menaces de mort contre eux ayant été acceptés, il est raisonnable que quiconque ayant entendu la déclaration du fonctionnaire s’estimant lésé prenne celle-ci au sérieux. Si sa déclaration avait été faite sur le ton de la plaisanterie, la preuve ne permet pas de conclure que c’est le cas. Cette déclaration, ainsi que la déclaration faite à MM. Domingo et Anton de ne pas travailler si fort, ressortissaient à l’intimidation. Elles n’avaient rien d’une plaisanterie. La réaction de l’employeur était raisonnable. Il a pris la chose au sérieux et a craint pour la sécurité et la protection de ses employés.

À mon avis, le congédiement ne constitue pas une réaction excessive. Le grief est rejeté.

145 Dans Livingston Distribution, l’arbitre a exposé ses motifs comme suit :

[Traduction]

[…]

[…] Le fait que le fonctionnaire s’estimant lésé a répété les commentaires et le fait qu’il a renvoyé à des victimes multiples ainsi qu’à un plan d’évasion sont des facteurs qui, à mon avis, donnent tous au dossier un caractère extrêmement sérieux. Si, ainsi que M. Fishbein l’a souligné, la preuve n’a pas établi que M. Manilall possédait une arme à feu ou qu’il avait véritablement l’intention de mettre sa menace à exécution, l’omission de M. Manilall de reconnaître avoir proféré une menace de quelque nature que ce soit est un facteur qui doit peser contre lui dans la pondération de ces facteurs et d’autres facteurs qui peuvent être considérés comme jouant en sa faveur. La reconnaissance d’une faute fournit l’assurance que la gravité du geste en cause a été reconnue et permet donc de croire dans une certaine mesure que la relation d’emploi, qui repose sur la confiance, peut être rétablie […]

[…]

146 Les décisions McCain et Livingston Distribution font référence aux points suivants :

  • la crédibilité des explications fournies par le fonctionnaire soupçonné d’avoir proféré des menaces;
  • le fait que les menaces ont été faites devant plusieurs personnes;
  • le contexte du milieu de travail.

À mon avis, ces décisions s’apparentent davantage au présent dossier. En effet, dans le présent cas, le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas fourni d’explication raisonnable en ce qui concerne sa présence au poste de travail de M. Boushey. Il n’a pas précisé pourquoi il a demandé à ce dernier de regarder le courriel contenant des photos d’armes à feu. Il a tenu des propos sur sa capacité de manier de telles armes à feu et a précisé qu’il ne manquerait pas sa cible en discutant avec M. Boushey. Cependant, il n’a jamais expliqué pourquoi il a répété ces propos à M. Choiniere-Bélanger.

147 De plus, la rencontre de l’après-midi du 7 décembre 2004 se situe dans un contexte où est menée une enquête sur des vols totalisant 24 000 $ et à la suite d’une rencontre administrative survenue le matin du 7 décembre 2004, au cours de laquelle l’employeur a posé des questions précises au sujet des clés et des coupons de taxi, laissant entendre que des faits ont été portés à la connaissance de la direction par d’autres fonctionnaires.

148 Le témoignage des deux fonctionnaires menacés, MM. Boushey et Choiniere-Bélanger, est crédible et l’intimidation et les menaces du fonctionnaire s’estimant lésé ont marqué ces fonctionnaires et ont créé un climat de crainte parmi les gestionnaires ayant procédé à l’enquête.

149 Il est important que l’employeur protège la santé et la sécurité de ses fonctionnaires. La preuve m’a démontré que plusieurs fonctionnaires étaient désireux de maintenir un climat sain et qu’ils n’ont pas craint de dénoncer certains de leurs confrères qui auraient posé des gestes à l’encontre des règles de sécurité.

150 Réintégrer le fonctionnaire s’estimant lésé pourrait provoquer une réaction de méfiance pour le personnel du Directorat puisque le fonctionnaire s’estimant lésé a intimidé et menacé deux fonctionnaires, dont un qui avait fourni des renseignements à l’employeur.

151 Dans son témoignage, le fonctionnaire s’estimant lésé a démontré qu’il avait peu de respect pour ses collègues de travail. Il a parlé des retards de M. Boushey, du fait que ce dernier effectuait moins d’appels que lui et qu’il n’était pas affecté à des projets spéciaux. De plus, le fonctionnaire s’estimant lésé a indiqué qu’il avait fait remarquer à M. Choiniere-Bélanger qu’il le dérangeait au travail. Dans ses courriels, il a parlé d’une de ses collègues de travail, en disant « que la grosse « X » devait se bouger le derrière pour obtenir des renseignements ». Comment le fonctionnaire s’estimant lésé agirait-il avec ses collègues de travail si, à l’avenir, il se sentait critiqué par ces derniers?

152 Je ne crois pas que le fonctionnaire s’estimant lésé ait voulu indiquer qu’il ferait usage d’armes à feu. J’ai cependant la conviction qu’il a voulu intimider ses collègues de travail. Malheureusement, lorsque l’intimidation est faite devant un écran d’ordinateur montrant des armes à feu, il s’ensuit un climat de crainte. La décision de séparer le fonctionnaire s’estimant lésé de ses collègues de travail est appropriée dans les circonstances. Je partage l’opinion de l’employeur que, dans les circonstances, le lien de confiance nécessaire au maintien de l’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé a été irrémédiablement rompu.

153 Dans son grief, le fonctionnaire s’estimant lésé contestait la suspension pendant la durée de l’enquête. Les parties n’ont fourni aucune argumentation spécifique en ce sens lors de l’audience. Les parties ont considéré cette question comme complémentaire et liée à la décision de l’arbitre de grief sur le licenciement. En ce qui a trait au licenciement, je conclus qu’il y a eu de l’intimidation et des propos de menace. En conséquence, je considère que la suspension pendant enquête, du 9 au 20 décembre 2004, était justifiée.

154 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

155 Le grief est rejeté.

Le 1er mai 2007.

Jean-Pierre Tessier,
arbitre de grief

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