Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé s’est vu imposer une mesure disciplinaire de licenciement pour une séries d’infractions disciplinaires relatives à des retards, des absences sans autorisation et de l’insubordination - l’employeur a considéré ces infractions comme un incident culminant justifiant, selon lui, une mesure de licenciement compte tenu de l’ensemble du dossier disciplinaire du fonctionnaire s’estimant lésé - l’arbitre de grief a conclu que la preuve présentée par l’employeur établissait, dans son ensemble, la conduite reprochée au fonctionnaire s’estimant lésé et que le licenciement était justifié, à la lumière du lourd dossier disciplinaire antérieur du fonctionnaire s’estimant lésé. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-05-11
  • Dossier:  166-02-34652
  • Référence:  2007 CRTFP 50

Devant un arbitre de grief


ENTRE

SIMON CLOUTIER

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

employeur

Répertorié
Cloutier c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Jean-Pierre Tessier, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même

Pour l'employeur:
Nadia Hudon, avocate et Raymond Piché, avocat

Affaire entendue à Montréal (Québec),
du 23 au 26 janvier 2006, les 30 et 31 janvier 2006, du 3 au 5 mai 2006,
du 8 au 12 mai 2006 et du 31 octobre au 3 novembre 2006.

Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Simon Cloutier (le « fonctionnaire s’estimant lésé ») travaille pour le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (l’« employeur ») et, au moment des événements relatés ci-après, occupait un poste aux groupe et niveau PM-03. En 1999, il a été président de la section locale 10405 du Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada (SEIC), une composante de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC).

2 Le 8 juillet 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé s’est vu imposer une mesure disciplinaire de licenciement. Les conclusions de cette lettre se lisent comme suit :

[…]

Par ailleurs, jamais vous n’avez essayé de trouver un terrain d’entente avec votre employeur et jamais vous n’avez soumis de solutions aux problèmes que vous soulevez constamment. Votre employeur ne peut pas accepter de continuer d’être en conflit avec vous pendant encore de nombreuses années et ce, d’autant plus que ce genre de conflit risque d’affecter tant votre santé que celle de vos superviseurs en raison des tensions malsaines et du stress que cela engendre.

En conséquence, compte tenu de votre dossier disciplinaire, de votre attitude face aux directives de votre employeur, de votre refus de modifier votre comportement en dépit des nombreux avertissements et sanctions disciplinaires et des coûts excessifs que la gestion de votre comportement et de votre attitude engendre, j’ai le regret de vous informer qu’en vertu des pouvoirs qui me sont conférés, j’ai décidé de procéder à votre licenciement aux termes des alinéas 11(2)f) et 11(2)g) de la Loi sur la gestion des finances publiques. Votre licenciement deviendra effectif le 9 juillet 2003 à zéro heure.

[…]

3 La lettre fait aussi état de plusieurs incidents que l’employeur reproche au fonctionnaire s'estimant lésé, survenus entre le 5 mai et le 3 juillet 2003, de la nature d’absences sans autorisation et d’insubordination. Les détails de ces reproches ressortiront de l’exposé de la preuve.

4 Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief le 7 août 2003 pour contester la décision de l’employeur. Ce grief a été renvoyé à l’arbitrage le 20 août 2004. L’audience a eu lieu entre janvier et novembre 2006 dans le cadre de la présentation d’un ensemble de griefs.

5 La période de temps entre le renvoi à l’arbitrage et l’audience s’explique par le fait que des plaintes ont été déposées par le fonctionnaire s’estimant lésé en vertu de l’article 23 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35(l’ « ancienne Loi »), que la Commission a dû traiter et dont elle a disposé.

6 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi.

Résumé de la preuve

7 L’employeur a d’abord fait témoigner Julie Thibodeau qui, en 2002-2003, était superviseure au bureau de Montréal pour le Service intérieur du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration. Elle était la superviseure immédiate du fonctionnaire s'estimant lésé au moment des événements.

8 Mme Thibodeau a antérieurement occupé le poste d’agente d’immigration et agissait comme investigatrice. En 2001, elle a occupé le poste de superviseure dans les régions de Sherbrooke et Trois-Rivières.

9 Mme Thibodeau a expliqué qu’en avril 2002, lors de son arrivée en fonction au bureau de Montréal, le fonctionnaire s’estimant lésé était absent pour congé de maladie et par la suite, en congé sans solde jusqu’en mai 2003. Mme Thibodeau n’avait donc jamais supervisé le fonctionnaire s’estimant lésé. Avant le retour de ce dernier, elle s’est renseignée à son sujet, mais voulait se faire sa propre opinion de lui afin de pouvoir « repartir à neuf » en quelque sorte.

10 Selon les commentaires de certains fonctionnaires et à la suite de discussions avec la directrice du service, Mme Thibodeau a appris que le fonctionnaire s’estimant lésé s’était vu imposer plusieurs mesures disciplinaires au cours des années précédentes. Elle a retenu qu’on lui reprochait des problèmes de ponctualité (retard) et d’absence de son lieu de travail.

11 Mme Thibodeau a indiqué qu’à son retour au travail, en mai 2003, après une longue absence, le fonctionnaire s’estimant lésé a reçu une copie des rapports d’évaluation de 2001-2002 préparés par Louise Martin, directrice adjointe, Service intérieur, à cette époque (pièce E-2). Il fut remis au fonctionnaire s’estimant lésé des objectifs de rendement du personnel du Service intérieur (pièce E-3).

12 Mme Thibodeau a rencontré le fonctionnaire s’estimant lésé sur la question des objectifs (pièce E-3) notamment le respect de l’horaire de travail, les avis de retard et les absences. Il était aussi question de l’approbation des demandes de congés. Selon elle, le fonctionnaire s’estimant lésé avait bien compris les objectifs. Ce dernier a cependant discuté de la question de son propre horaire de travail.

13 Le fonctionnaire s’estimant lésé voulait bénéficier de l’horaire flexible, préférant débuter sa journée vers 9 h ou 9 h 30 et terminer à 18 h ou 18 h 30. Mme Thibodeau a expliqué que provisoirement, l’horaire du fonctionnaire s’estimant lésé devrait se situer entre 8 h 30 et 17 h 10, car elle voulait qu’un superviseur soit présent pendant ses heures de travail.

14 Mme Thibodeau a témoigné sur les divers incidents que l’employeur reproche au fonctionnaire s'estimant lésé et qui sont énoncés à la lettre de licenciement (pièce E-1).

15 Le 6 mai 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé a envoyé un courriel au sujet de son horaire de travail ainsi que sur la disposition de son aire de travail. Il a demandé du temps de libération afin de communiquer avec un représentant syndical (pièce E-4). Ce courriel fut expédié à Dianne Clément, superviseure de Mme Thibodeau en l’absence de cette dernière.

16 Mme Thibodeau a dit s’être absentée les 8 et 9 mai 2003. Les 13 et 14 mai 2003 (pièce E-5), elle a répondu par courriel aux demandes du fonctionnaire s’estimant lésé. Elle a confirmé sa position sur l’horaire de travail de ce dernier. Elle a mentionné verbalement au fonctionnaire s’estimant lésé que cette situation était temporaire et serait réévaluée dans quelques semaines. De plus, elle a dit avoir parlé avec lui de la durée de sa pause du 13 mai 2003, qui aurait durée plus de 30 minutes.

17 Relativement au congé pour rencontrer le syndicat, Mme Thibodeau avait accordé une heure d’absence, mais elle avait demandé au fonctionnaire s’estimant lésé de l’aviser du moment.

18 À compter du 2 juin 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé devait suivre des sessions de formation sur des changements apportés à la Loi sur l’immigration et à ses règlements en 2002 (pièce E-6). Le 2 juin 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé est arrivé en retard à la session de formation qui débutait à 8 h 30. Mme Clément a été informée de ce retard. Elle a demandé à Mme Thibodeau de l’informer s’il y avait d’autres incidents impliquant le fonctionnaire s’estimant lésé. Mme Thibodeau a confirmé par courriel que, le 13 mai 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé s’est absenté du bureau entre 10 h et 10 h 50 pour la pause. De plus, le 15 mai 2003, il n’a pas soumis de demande de congé avant de s’absenter pour prendre l’heure de congé qui lui avait été accordée précédemment (pièce E-7).

19 Mme Thibodeau a indiqué que vers la fin juin 2003, elle a eu plusieurs échanges de courriels avec le fonctionnaire s’estimant lésé sur ses demandes d’absence pour consulter le syndicat. Mme Thibodeau voulait savoir si le fonctionnaire s’estimant lésé rencontrait un représentant syndical et lequel. Ce dernier lui a répondu qu’il voulait consulter le représentant par écrit (pièce E-9). Le 3 juillet 2003, Mme Thibodeau a transmis un courriel au fonctionnaire s’estimant lésé relativement à ses demandes pour rencontrer un représentant syndical (pièce E-10). Ce courriel se lit comme suit :

[…]

Réponse à la demande, çi-bas, transmise à Mme Clément.

Ainsi, tu dois t’adresser à un(e) représentant(e) syndical(e) du local 10405. À ma connaissance, les personnes suivantes, sont toujours membres de l’exécutif: Jaqueline Lemoine, Eric Gagnon et Marthe Bernard. Tu peux te référer au message relatif à la levée de la tutelle du local, lequel t’a déjà été transmis et dont je t’ai offert une copie.

Par la suite, le (la) représentant(e) choisi(e) devra me contacter, et mettre Dianne en copie, pour nous faire part de son besoin de s’entretenir avec toi. Il (elle) devra nous spécifier quand et combien de temps. Je n’ai pas à te rappeler que la réunion doit avoir lieu dans nos locaux.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

20 Poursuivant son témoignage sur les divers éléments reprochés, Mme Thibodeau a relaté que le 23 juin 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé s’est présenté au bureau et portait comme pantalon un short ajusté à la mi-cuisse et plus court qu’un bermuda. Elle lui a indiqué qu’un tel vêtement était inapproprié dans un bureau où circulent des clients.

21 Le 2 juillet 2003, Mme Thibodeau a constaté que le fonctionnaire s’estimant lésé avait pris une pause de 40 minutes. Elle l’a rencontré et lui a signifié qu’il devait respecter la durée de 30 minutes de pause en avant-midi (les fonctionnaires pouvaient cumuler deux pauses de 15 minutes en avant-midi et ne pas en prendre l’après-midi). Elle lui a de plus fait remarquer qu’il sortait pour fumer et qu’elle trouvait qu’il y avait suffisamment d’absence sans prolonger la pause de l’avant-midi. Mme Thibodeau a souligné que depuis plusieurs mois, elle avait discuté avec d’autres fonctionnaires pour qu’ils contrôlent leurs sorties pour aller fumer, car ajouté à la pause de 30 minutes, cela représentait beaucoup d’absences. Les fonctionnaires avaient compris le message.

22 Mme Thibodeau a dit qu’elle voulait s’en tenir à un avertissement verbal, car elle souhaitait entretenir des rapports plus directs avec le fonctionnaire s’estimant lésé. Cependant, dès la fin de l’avant-midi du 2 juillet 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé à Mme Thibodeau de lui confirmer ses remarques par écrit. Elle lui a transmis le courriel suivant (pièce E-10) :

[…]

Bonjour Simon,

Voici un résumé de notre conversation de ce matin.

Selon moi, tu as pris 40 minutes de pause ce matin plutôt que les 30 minutes prévues à ton horaire. De plus, tu étais déjà sorti fumer avant la pause.

Je te rappelle que tu as droit à 30 minutes de pause par jour. Je te laisse le soin d’organiser la façon dont tu souhaites t’en prévaloir, mais je souhaite être informée si tu changes ton horaire de travail actuel.

[…]

23 En après-midi, le 2 juillet 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé a fait parvenir à Mme Thibodeau le courriel suivant :

[…]

Je vous ai dit ce matin que je n’étais pas d’accord avec votre calcul de mon temps de pause. En effet, j’ai quitté ce matin après dix heures car j’ai terminé ce que j’avais commencé, avant de partir en pause.

De plus, vous m’avez reproché d’avoir pris trop de temps pour fumer. Je vous ai dit que je faisais comme mes collègues fumeurs. Vous avez répondu que les gens prennent de 7 à 8 minutes pour fumer. Cela est très étonnant car quelques minutes sont nécessaires pour se rendre et revenir de l’extérieur. Les cigarettes ont pourtant toutes la même longueur. J’accompagne souvent mes collègues à la pause cigarette et prend donc le même temps qu’eux.

Je trouve que vous exagérez. Vous cherchez des problèmes et cela constitue du harcèlement. Je vous répète que je ne fais que ce que vous autorisez mes collègues de faire.

De plus, je vous ai entendu parler au téléphone de taxe de bienvenue. Il me semble que cela ne fait pas partie de la tâche. Suis-je la seule personne qui n’est pas autorisée à faire des affaires personnelles au bureau?

[…]

24 Mme Thibodeau lui a répondu ce qui suit à 15 h 53 le 2 juillet 2003 :

[…]

Je te rappelle que les règles de conduite auxquelles tu dois te conformer sont basées sur le Code de conduite du ministère, la convention collective des programmes et de l’administration et ton histoire de rendement et disciplinaire. En ce qui a trait au temps de pause dont bénéficient les autres employés, je n’ai aucune intention de discuter des conditions de travail de tes collègues avec toi car ceci ne te regarde en aucun point.

Par ailleurs, si tu crois faire l’objet de harcèlement je t’invite à communiquer avec un des représentants ministériels délégués pour traiter des dossiers de harcèlement suivants:Monsieur Daniel St-Arnaud, analyste à la direction de la planification stratégique; Madame Lauraine Gagné, Directrice régionale, Points d’entrée et opérations locales et Monsieur François Milo, spécialiste de programmes, Direction régionale des programmes. Ces derniers pourront te donner plus d’information sur le sujet et quant aux recours que tu peux exercer si tu le désires.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

25 Le lendemain matin, le 3 juillet 2003, Mme Thibodeau s’est absentée. Pendant son absence, le fonctionnaire s’estimant lésé a fait parvenir à Mme Clément, le courriel suivant :

[…]

Vous devriez expliquer à votre employée les notions rudimentaires qui se retrouvent dans la loi sur les relations de travail, et le Code canadien du travail, notamment celles qui stipulent qu’aucune distinction ne doit être effectuée envers un employé qui exerce les droits que lui confère la loi. Contrairement à ce qu’elle pense, j’ai justement bien l’intention de discuter des conditions de travail de mes collègues et les comparer avec les miennes, car c’est mon droit. Je vous ai informé qu’une nouvelle distinction a été faite à mon endroit hier et qu’elle constitue de l’intimidation.

Je me demandais d’ailleurs si je serais autorisé à communiquer par écrit sur les heures de travail avec les personnes dont parle ma superviseure.

[…]

26 Informée du courriel du 3 juillet 2003 transmis par le fonctionnaire s’estimant lésé, Mme Thibodeau a rencontré Mme Clément. Elles ont discuté du fait qu’il était nécessaire d’alléger le climat de travail avec le fonctionnaire s’estimant lésé. Il s’avérait difficile de communiquer par écrit et elles considéraient avoir fait plusieurs efforts pour tenter de discuter avec le fonctionnaire s’estimant lésé, mais il y a eu des retards, des absences et de nombreuses transmissions écrites relativement à ses absences.

27 Mme Thibodeau était au courant que d’autres discussions avaient eu lieu entre le fonctionnaire s’estimant lésé et Mme Clément après le 3 juillet 2003 et que le fonctionnaire s’estimant lésé avait été licencié le 8 juillet 2003. Elle a dit ne pas avoir fait de recommandation sur la mesure qui devait être imposée au fonctionnaire s’estimant lésé, car elle ne connaissait pas tout le dossier disciplinaire antérieur.

28 Mme Thibodeau a fait remarquer que les sept semaines de travail à superviser le fonctionnaire s’estimant lésé lui ont semblé très lourdes. Elle a déjà eu à superviser du personnel et dit avoir éprouvé plus de difficulté cette fois-ci. S’il y avait un problème, ils en parlaient et le tout se réglait dans les semaines suivantes.

29 Mme Thibodeau fut particulièrement étonnée par la remarque du fonctionnaire s’estimant lésé à son égard dans le courriel du 2 juillet 2003 où il lui reprochait de parler de choses personnelles au téléphone. Elle parlait de question de sa relocalisation au travail et des frais inhérents, telle la taxe de bienvenue. Elle a dit s’être comportée de bonne foi, mais que le fonctionnaire s’estimant lésé avait le reproche facile et exigeait des justifications et des réponses par écrit. Selon Mme Thibodeau, il avait un manque de confiance envers les gestionnaires et il mettait leurs faits et leurs gestes en question.

30 L’employeur a fait entendre Dianne Clément. Mme Clément compte plus de 27 ans de service dans la fonction publique. Elle a notamment travaillé comme agente de l’immigration (1976), comme surveillante et agente d’audience (1989) et comme gestionnaire depuis 2001. Elle a été directrice adjointe du Service intérieur, ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, pour ensuite être directrice intérimaire à compter de 2003.

31 En 2003, Mme Clément a été avisée que le fonctionnaire s’estimant lésé reviendrait au travail au début de mai 2003. Il avait été absent du travail depuis plus d’un an. Mme Clément a examiné le dossier disciplinaire du fonctionnaire s’estimant lésé et en a discuté avec Mme Thibodeau. Elle était consciente que ce dernier avait eu de nombreuses mesures disciplinaires, mais elle espérait qu’à la suite de son absence, il aurait pu améliorer sa conduite. Ni elle-même, ni Mme Thibodeau n’avaient travaillé avec le fonctionnaire s’estimant lésé; il était, selon elle, envisageable d’établir de bonnes relations de travail.

32 Compte tenu du dossier antérieur du fonctionnaire s’estimant lésé, Mme Clément a suggéré que son horaire de travail soit de 8 h 30 à 17 h, car elle voulait qu’un gestionnaire puisse vérifier les questions d’assiduité et d’absence de celui-ci. La présence d’un gestionnaire permettrait de constater s’il y avait amélioration de la part du fonctionnaire s’estimant lésé.

33 Mme Clément a dit avoir été informée le 2 juin 2003, que le fonctionnaire s’estimant lésé était arrivé en retard à une session de formation. Dès le 3 juin 2003, elle l’a convoqué à une rencontre disciplinaire pour le 4 ou 5 juin 2003 (pièce E-17). Le 4 juin 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé a informé Mme Clément qu’il voulait obtenir par écrit les questions et qu’il pouvait y répondre au lieu de tenir une rencontre. Mme Clément lui a répondu la journée même par courriel (pièce E-18) qu’elle désirait la rencontre et non un échange par écrit.

34 La rencontre fut reportée au 5 juin 2003 à 8 h 30. Le matin même, le fonctionnaire s’estimant lésé a avisé qu’il n’avait pas réussi à joindre sa représentante syndicale et a demandé ce qu’il devait faire (pièce E-14).

35 Malgré son courriel (pièce E-14), le fonctionnaire s’estimant lésé s’est présenté à la rencontre du 5 juin 2003 vers 8 h 33. Il a indiqué qu’il voulait remettre la rencontre, car il n’avait pas joint sa représentante syndicale, Janina Lebon, vice-présidente nationale. Mme Clément a dit avoir alors répondu au fonctionnaire s’estimant lésé que, selon elle, seuls les représentants du local 10405 sont autorisés à représenter les fonctionnaires et que la section locale aurait transmis une liste des représentants autorisés.

36 Mme Clément a dit qu’elle a expliqué au fonctionnaire s’estimant lésé qu’il tentait de joindre un représentant au niveau national plutôt que de se référer aux représentants du local 10405. Elle lui a indiqué qu’il y avait lieu de tenir la rencontre et elle l’a questionné sur les raisons de son retard du 2 juin 2003. Il a répondu « qu’il avait passé tout droit ».

37 Mme Clément a dit avoir rappelé au fonctionnaire s’estimant lésé que Mme Thibodeau lui avait remis des objectifs en mai 2003 et que ces objectifs comportaient un rappel sur la question d’assiduité. Elle tenait à rappeler au fonctionnaire s’estimant lésé qu’il avait antérieurement reçu des sanctions disciplinaires pour ses retards. Il a dit ne pas s’en souvenir.

38 Le fonctionnaire s’estimant lésé a mentionné qu’il se sentait harcelé et intimidé. On a discuté du fait qu’il avait répondu à un courriel après l’heure limite fixée.

39 Mme Clément a indiqué que le fonctionnaire s’estimant lésé fut impliqué dans d’autres incidents, notamment le 25 juin 2003 lorsqu’il aurait porté une tenue vestimentaire inadéquate (short) sur les lieux du travail et le 2 juillet 2003 quand il aurait allongé sa pause de 10 minutes.

40 Finalement, un autre incident est survenu les 2 et 3 juillet 2003. Le 2 juillet 2003, il y a eu un échange de courriels entre le fonctionnaire s’estimant lésé et sa superviseure relativement à la pause et au temps pris pour aller fumer (pièce E-10). Le 3 juillet 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé se serait adressé directement à Mme Clément pour se plaindre de la conduite de sa superviseure (pièce E-10).

41 Mme Clément a fait référence au courriel du 2 juillet 2002 adressé à Mme Thibodeau. Elle a rencontré cette dernière et elles ont discuté de l’ensemble de ces échanges de courriels et vers 14 h 30, elle a décidé de convoquer le fonctionnaire s’estimant lésé à une rencontre.

42 Il y a eu par la suite de nombreux échanges de courriels avec le fonctionnaire s’estimant lésé, notamment ceux qui suivent (pièce E-10) :

43 Le courriel suivant a été envoyé par le fonctionnaire s’estimant lésé à Mme Clément à 14 h 40 :

[…]

Vous venez de me demander d’aller dans votre bureau. Je vous ai demandé la présence de la représentante que vous m’avez désignée. Celle-ci est présentement au téléphone. Je lui ai laissé un message explicite et lui ai demandé de me rappeler.

[…]

44 Par la suite, à 15 h 18, le fonctionnaire s’estimant lésé lui a expédié le courriel suivant :

[…]

Jacqueline m’a fait pensé [sic] de vous demander d’abord la raison de cette convocation que je suis en droit de connaitre [sic].

[…]

Mme Clément a indiqué qu’elle lui a répondu par écrit ce qui suit à 15 h 35 :

[…]

Je veux te parler de 3 choses:

  • la ligne de communication
  • la ligne hiérarchique
  • ton courriel que tu m’as envoyé aujourd’hui à 10:57

[…]

45 Par la suite, le fonctionnaire s’estimant lésé a répondu, à 15 h 43, ce qui suit :

[…]

Ma représentante est en train de lire le message de 10:57 et va me rappeler tout de suite après.

[…]

Le fonctionnaire s’estimant lésé a ensuite transmis un autre courriel à 15 h 52 qui se lit comme suit :

[…]

Jacqueline et moi vous suggérons de me transmettre tout simplement par écrit ce dont vous vouliez me parler.

Cependant, si vous m’ordonnez de me présenter à votre bureau, je vais le faire accompagné de Jacqueline. Elle m’a [sic] être disponible jusqu’à 16:30 cet après-midi.

[…]

46 Mme Clément a ajouté qu’avant la rencontre, elle avait reçu un appel téléphonique de la représentante syndicale. Elle lui a indiqué qu’elle voulait rencontrer le fonctionnaire s’estimant lésé accompagné de son représentant s’il le désirait, mais que la présence du représentant syndical n’était pas, selon elle, indispensable, car elle désirait seulement parler au fonctionnaire s’estimant lésé.

47 Mme Clément a dit avoir constaté qu’à la suite du dernier courriel envoyé par le fonctionnaire s’estimant lésé à 15 h 52, il cherchait à éviter la rencontre et s’en tenait à des échanges écrits. C’est à ce moment, vers 16 h 15, qu’elle l’a convoqué et a insisté pour qu’il la rencontre. Le fonctionnaire s’estimant lésé s’est présenté et la rencontre n’a duré que quelques minutes.

48 Mme Clément a dit qu’après la rencontre avec le fonctionnaire s’estimant lésé, elle a rédigé un courriel à une gestionnaire pour lui expliquer le déroulement. Le courriel de 15 h 39 se lit comme suit (pièce E-12) :

[…]

Evidemment ça très mal été, j’ai presque donné un ordre de venir me voir. Il ne voulait pas sans son représentant syndicale. Il est venu dans mon bureau au bout de 10 minutes, comme je m’âpretés à aller le chercher une 2ieme fois. Julie y était. Il me dit que c’était illégale, que pour toute convocation dans le bureau d’un gestionnaire il avait le droit d’être représenter car on ne savait pas comment les choses allait tourner.

Je lui ai dit que je voulais seulement discuter de notre mode de fonctionnement et donc j’ai parlé de trois choses ( toujours de façon calme)

  1. notre mode de communication que je voulais qu’il utilise le mode verbale

    Il ne veut pas, il a dit que puisse qu’il est en cour qu’il voulait tout par écrit.

  2. l’hiérarchie, que je voulais qu’il passe par Julie sa superviseur avant de communiquer avec moi. Il m’a dit c’est parce qu’il n’était pas d’accord avec elle ce pour quoi il a écrit directement avec moi.
  3. son courriel d’aujourd’hui, j’ai dit que je le trouvais irrespectueux. Il s’est fâché parce qu’il n’avait pas de témoin pour m’entendre dire que ce n’était pas respectueux.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

49 Par la suite, à 15 h 18, le fonctionnaire s’estimant lésé lui a expédié le courriel suivant :

Je désire par la présente rendre compte de notre rencontre qui vient de se terminer. Compte tenu du haut degré de stress que cela m’a occasionné, je peux m’assurer dans ce contexte avoir bien compris vos propos.

Je vous ai d’abord dit qu’il était illégal et constituait de l’intimidation de me refuser une représentante car nous ne savons jamais d’avance comment tournera la conversation. Je vous ai dit de consulter la jurisprudence à ce sujet. Lors de mon passage à l’Alliance, mon superviseur m’avait renseigné sur ce droit. Je vous ai dit que je n’étais pas d’accord avec cette rencontre sans témoin.

Vous m’avez répondu que Julie Thibodeau agissait comme témoin.

Vous m’avez dit que j’avais un problème de communication. Que vous vouliez que l’on se parle et que vous refusiez de m’écrire. Je vous ai expliqué que nous étions dans un processus légal sérieux et que cela n’est pas possible dans le contexte. Vous avez maintenu votre position.

Vous m’avez dit que je ne respectais pas la hiérarchie dans mon courriel en question. Je vous ai dit qu’au contraire, compte tenu que je n’étais pas d’accord avec la position de Julie Thibodeau, je me plaignais à vous. Vous m’avez dit que je dois plutôt faire des griefs.

Vous m’avez dit que mon courriel était irrespectueux sans me préciser en quoi, bien que je vous en aie fait la demande.

Vous m’avez finalement dit que j’étais autorisé à communiquer avec les personnes désignées pour entendre les plaintes du harcèlement. Je vous informe que je vais m’en prévaloir dans les meilleurs délais.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

50 Une situation presque identique s’était produite le mois précédent alors que Mme Clément a voulu rencontrer le fonctionnaire s’estimant lésé relativement à son retard du 2 juin 2003. Elle a estimé que la même démarche venait de se reproduire pour la rencontre du 3 juillet 2003. Mme Clément a expliqué qu’elle était exaspérée de voir l’insistance du fonctionnaire s’estimant lésé à vouloir communiquer par écrit au lieu de se présenter aux rencontres.

51 Mme Clément a expliqué qu’elle a dû faire le point sur la conduite du fonctionnaire s’estimant lésé. En l’espace de deux mois, elle a constaté plusieurs manquements de sa part. Elle était prête à travailler avec ce dernier, mais elle a constaté qu’il n’avait aucune confiance envers la gestion. À maintes reprises, il y a eu des échanges de courriels et le fonctionnaire s’estimant lésé, selon elle, exigeait que toutes les tractations se fassent par écrit. Elle a passé beaucoup de temps à essayer de le rencontrer, notamment le 3 juillet 2003.

52 Mme Clément a dit avoir tenu compte du fait que le fonctionnaire s’estimant lésé avait déjà reçu plusieurs mesures disciplinaires, notamment en 2001, dans lesquelles on l’invitait à s’amender. Mme Clément a décidé de discuter avec la directrice générale de la région du Québec du cas du fonctionnaire s’estimant lésé. Lors de leur rencontre, elles en sont venues à la conclusion qu’il devait être convoqué à une rencontre disciplinaire pour discuter de son congédiement.

53 En contre-interrogatoire, Mme Clément a expliqué que la lettre de congédiement a été signée avant la rencontre par Lorraine Frigon, directrice générale (intérimaire), région du Québec, ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, mais qu’elle aurait pu lui recommander de modifier la sanction disciplinaire s’il elle avait obtenu des explications valables de la part du fonctionnaire s’estimant lésé et si elle avait perçu, lors de leur rencontre, qu’il était possible de maintenir un lien de confiance. Ce qui ne fut pas le cas, selon elle.

54 L’employeur a ensuite fait entendre Lorraine Frigon. Mme Frigon a indiqué qu’au début du mois de juillet 2003, Mme Clément l’a rencontré pour discuter du dossier du fonctionnaire s’estimant lésé. Mme Frigon était déjà au courant que ce dernier s’était vu imposer quatre mesures disciplinaires de 1999 à 2002. Le fonctionnaire s'estimant lésé a été absent du travail pendant environ plus d’un an et est revenu en mai 2003. La discussion avec Mme Clément a porté sur le comportement du fonctionnaire s’estimant lésé pendant la période du 3 mai 2003 au début juillet 2003, soit environ deux mois de travail.

55 Mme Clément lui a mentionné que le fonctionnaire s’estimant lésé avait été informé lors de son retour (en mai 2003) qu’il devait s’appliquer à respecter son horaire de travail et à éviter les retards et les absences. Mme Clément lui a indiqué qu’il avait commis les manquements suivants :

  • s’est absenté 10 minutes de plus que son temps de pause le 13 mai 2003;
  • est arrivé en retard le 2 juin 2003;
  • s’est présenté au travail vêtu d’un short le 25 juin 2003;
  • ne s’adresse pas à sa superviseure;
  • a allongé sa pause le 2 juillet 2003;
  • a posé des difficultés à la gestion pour organiser une rencontre le 3 juillet 2003;
  • a tenu des propos irrespectueux envers sa superviseure;
  • voulait constamment transiger par écrit avec la gestion.

56 Mme Frigon a indiqué que, selon ce qu’elle sait du comportement du fonctionnaire s’estimant lésé, tous les superviseurs de ce dernier ont eu des difficultés à discuter avec lui de ses problèmes d’absence et d’assiduité. Le fonctionnaire s’estimant lésé a constamment transmis une multitude de courriels à la gestion et a voulu transiger par écrit avant de rencontrer la gestion.

57 Mme Frigon a indiqué qu’antérieurement, le fonctionnaire s’estimant lésé ne s’est pas présenté aux audiences de grief à l’interne. Il était difficile de discuter avec ce dernier et de voir s’il comprenait ce qu’on lui reprochait et s’il pouvait s’améliorer. Selon elle, il n’avait pas confiance en ses supérieurs.

58 Mme Frigon a fait remarquer que sur le plan disciplinaire, le fonctionnaire s’estimant lésé a été prévenu lors de la sanction précédente qu’il devait subir des conséquences plus lourdes s’il refusait de s’amender. Le nombre d’incidents qui sont survenus entre mai et juillet 2003 justifiait que l’employeur applique une mesure plus sévère. Même une longue suspension n’amènerait pas le fonctionnaire s’estimant lésé à s’amender, car il n’est pas capable de fonctionner dans un cadre administratif qui l’oblige à respecter la hiérarchie, à respecter l’horaire de travail, à respecter les demandes d’absence et à éviter les retards et à rencontrer la gestion, tous ces éléments semblent lui échapper.

59 Mme Frigon a déjà déclaré que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a posé aucun geste positif et n’a fourni aucune explication qui ferait en sorte qu’elle puisse modifier le contenu de la lettre de congédiement du 8 juillet 2003 (pièce E-1).

60 Le fonctionnaire s’estimant lésé a témoigné lors de l’audience. Il a indiqué qu’après une absence de 18 mois, il est revenu au travail le 3 mai 2003. Selon lui, le retour s’est amorcé sur un drôle de ton, puisque la directrice lui demandait de se rapporter à Céline Grégoire (son adjointe). Pour le fonctionnaire s’estimant lésé, « se rapporter » est un terme de contrôle comme un criminel qui doit se rapporter à quelqu’un.

61 Lors de son arrivée au travail, il a constaté que son bureau était face à celui de sa superviseure, Mme Thibodeau. De plus, la disposition du paravent de son poste de travail ne respectait pas les règles de sécurité. Il a envoyé un courriel à cet égard et le tout a dû être corrigé (pièce F-2). Selon lui, avant que le paravent ne soit déplacé, sa superviseure avait une vue directe sur lui et, aux dires de ses collègues de travail, cela constituait de l’intimidation.

62 Le fonctionnaire s’estimant lésé a indiqué qu’on lui a aussi imposé un horaire de travail entre 8 h 30 et 17 h, contrairement à son horaire de travail antérieur de 9 h 30 à 18 h. Il a envoyé un courriel à cet égard (pièce E-4) et a fait un grief par la suite.

63 Le fonctionnaire s’estimant lésé a indiqué que sa superviseure l’a rencontré le 13 mai 2003, car il a prolongé sa pause de 10 minutes. Il lui a expliqué que ce retard était dû au fait qu’il y avait une manifestation et qu’il a dû, tout comme d’autres fonctionnaires, passer par une autre entrée de l’édifice, ce qui a occasionné des délais. Poursuivant son témoignage, le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré que lorsque des gens manifestent, il aime circuler près d’eux et lire leurs revendications sur leurs pancartes. Il considère que cela faisait un peu partie de son travail. Il a déposé des notes manuscrites prises par Mme Thibodeau lors de la rencontre du 13 mai 2003 (pièce F-3).

64 Relativement à son retard à la formation le 2 juin 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé a dit qu’il aurait fourni des explications par écrit les 4 et 5 juin 2003, si on lui avait permis du temps de libération. Il aurait voulu souligner qu’il avait des problèmes de sommeil, que le fait de suivre des sessions de formation modifiait son horaire de travail habituel et qu’il avait de la difficulté à dormir. C’est pourquoi il s’est réveillé en retard. Le fonctionnaire s’estimant lésé a dit qu’il avait expliqué à Mme Clément qu’il avait « passé tout droit » le matin du 2 juin 2003 et qu’il ne croyait pas que cela poserait des problèmes.

65 Le fonctionnaire s’estimant lésé a ensuite expliqué que le 25 juin 2003, il s’est présenté au travail vêtu d’un short, car il faisait une chaleur excessive. Selon lui, il s’agissait d’un incident isolé.

66 Relativement aux incidents des 2 et 3 juillet 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé a souligné qu’il s’est adressé à Mme Clément, car il n’était pas d’accord avec Mme Thibodeau. Il désirait avoir des renseignements écrits le 3 juillet 2003 avant de rencontrer la directrice. Selon lui, lors de la rencontre avec un gestionnaire, le fonctionnaire doit être prudent.

67 Le fonctionnaire s’estimant lésé a dit que lorsqu’il était représentant syndical, un de ses collègues du syndicat l’a informé que, même lors d’une rencontre informelle, il pouvait survenir des problèmes.

68 Le fonctionnaire s’estimant lésé a considéré que la directrice avait contrevenu à son droit à la représentation en le rencontrant seul le 3 juillet 2003. Il a d’ailleurs déposé un grief à cet égard. Selon lui, il a été l’objet de discrimination de la part de sa superviseure et de la directrice en mai, juin et juillet 2003.

69 Sa superviseure l’aurait surveillé étroitement et elle lui a refusé du temps de libération (pièce F-10). Elle aurait de plus voulu lui imposer des règles plus strictes qu’aux autres fonctionnaires quant aux pauses et au temps requis pour aller fumer. Quant à Mme Clément, il lui reproche de lui avoir imposé un représentant de la section locale du syndicat.

70 En terminant, le fonctionnaire s’estimant lésé a indiqué qu’il a dû déposer plusieurs griefs pour contester les décisions de sa superviseure et Mme Clément au cours des mois de mai, juin et juillet 2003 (pièce E-13). Ces griefs portaient sur l’horaire de travail, les congés pour préparer une plainte, le choix de son représentant syndical et l’absence de représentation lors des rencontres disciplinaires du 5 juin 2003 et du 3 juillet 2003.

Argumentation des parties

71 Selon l’employeur, le présent licenciement a un caractère disciplinaire ainsi qu’un caractère administratif. Le fonctionnaire s’estimant lésé s’est vu imposer plusieurs mesures disciplinaires entre 1998 et 2001. Il s’est absenté pendant près de 18 mois et après de son retour au travail, il a réussi à provoquer plusieurs incidents en moins de huit semaines de travail.

72 Le fonctionnaire s’estimant lésé aurait besoin, selon l’employeur, d’être averti de façon ponctuelle pour les mêmes choses. Par contre, dans ce cas-ci, l’employeur devait lui expliquer pourquoi il l’avertissait au sujet d’un retard, il devait lui rappeler qu’il avait déjà eu des retards et dans certains cas, il devait s’engager dans un échange de courriels avec le fonctionnaire s’estimant lésé qui demandait des explications par écrit. Il y a donc, dans la conduite du fonctionnaire s’estimant lésé, un fil conducteur qui est basé sur la méfiance envers la gestion. Dans des rapports normaux de relations de travail, les gestionnaires et les fonctionnaires doivent pouvoir s’expliquer, discuter entre eux, et au besoin, effectuer des rappels et émettre des directives, sans que cela soit perçu comme une confrontation. Il faut que le système fonctionne.

73 À son retour au travail en mai 2003, la superviseure du fonctionnaire s’estimant lésé lui a rappelé les objectifs du service et a insisté sur la question d’assiduité et du respect de l’horaire de travail.

74 Le fonctionnaire s’estimant lésé est arrivé en retard, il a allongé les pauses et il a ouvert un débat à partir d’une remarque de sa superviseure relativement aux pauses et au temps pris pour fumer.

75 Les courriels du fonctionnaire s’estimant lésé du 2 juillet 2003 constituent, selon l’employeur, une déclaration de guerre. Le fonctionnaire s'estimant lésé cherchait la confrontation.

76 Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas démontré qu’il pouvait corriger sa conduite et éviter les retards et les absences. De plus, il cherchait la confrontation avec sa superviseure et la directrice du service. Le fonctionnaire s’estimant lésé voulait constamment des explications de la part de la gestion. Selon l’employeur, la règle de la gradation des sanctions s’applique au présent cas. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a manifesté aucune volonté de s’amender.

77 Le 3 juillet 2003, la directrice a dû consacrer plusieurs heures à téléphoner et à échanger des courriels pour rencontrer le fonctionnaire s’estimant lésé.

78 L’employeur a fait référence aux décisions suivantes : Syndicat québécois des employés de service, section locale 298 (F.T.Q.) c. Centre d’hébergement et de soins de longue durée Cœur-du-Québec (Accueil Bon-Conseil),(25 mars 2002), 1020-2587 (T.A.); Champagne et le Personnel des fonds non publics, Forces canadiennes, dossier de la CRTFP 166-18-15650 (24031987); et Le Syndicat professionnel des ingénieurs d’Hydro-Québec c. Hydro-Québec, (4 avril 2006), 2005-2845 (T.A.).

79 Dans son argumentation, le fonctionnaire s’estimant lésé a fait référence à son témoignage pour situer le contexte de son retour au travail en mai 2003.

80 Relativement au retard du 2 juin 2003, ainsi qu’aux pauses du 13 mai 2003 et du 2 juillet 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé a fait référence aux notes écrites qu’il a préparées aux fins d’une plainte logée en vertu de l’article 23 de l’ancienne Loi (pièce F-5). Le fonctionnaire s’estimant lésé a fait référence notamment aux paragraphes suivants :

[…]

On me reproche d’avoir dit ne pas vouloir être associé à la gestion. Je ne comprends pas. On me reproche aussi de demander à mon superviseur de m’envoyer ses questions par écrit. Il me semble que c’est un droit, compte tenu des accusations non fondées qu’on me fait verbalement régulièrement. Le rapport vise en fait à me provoquer et me donner du travail (ma défense) dans le but de faire diversion avec la préparation de mon audition devant la Commission.

Le 9 mai j’ai demandé du temps à l’employeur pour présenter une nouvelle plainte à la Commission et préparer mon audition, ce qui m’a été refusé. On m’a invité à soumettre un congé annuel si je le désirais. On m’a refusé toute demande de congé sans solde. On a cherché ainsi à épuiser ma banque de congés annuels, dans un contexte où je n’ai plus de congé de maladie, dans le but de m’épuiser. J’ai dû présenter plusieurs griefs.

Le 12 mai ma superviseure m’a rencontré soit disant parce que j’aurais dépassé mon temps de pause café. J’ai dû lui expliquer qu’une manifestation avait eu lieu à la porte d’entrée et avait fait en sorte que nous devions faire le tour de l’immeuble pour en sortir et y rentrer. Deux personnes m’avaient accompagné à ma pause et n’ont eu aucun reproche. Elle a soulevé que je ne pouvais prendre de pause pour aller fumer. J’ai dû lui expliquer que je ne faisais que comme mes collègues.

Ayant passé tout droit lors de mon premier jour de formation, j’en ai informé l’employeur dès que j’ai pu. Deux jours plus tard ma superviseure m’attendait à l’entrée de la salle de formation avec une convocation disciplinaire prévue le lendemain ou le sur-lendemain. On y a précisé que je devais donner mes disponibilités avant le lendemain à 10 h ce qui est impossible comte tenu que j’étais en salle de formation. J’ai dû téléphoner à la gestionnaire sur mon temps de pause. J’ai demandé à avoir ses questions par écrit, ce qui m’a été refusé. On m’a de plus menacé par écrit de sanctions si je ne me présentais pas à l’audition prévue.

Le lendemain l’employeur m’a refusé du temps pour communiquer avec ma représentante syndicale ce qui a fait en sorte que je n’aie pu la rejoindre la veille de l’audition. Le matin de l’audition, j’en ai informé l’employeur, celui-ci m’a indiqué que je devais prendre un représentant local. Alors que, pour une consultation précédente au sujet de griefs, on m’a permis de consulter Janina Lebon, la Vice-présidente nationale pour immigration. On a cherché ainsi à ce que je sois accompagné par une personne qui ne connaît pas les détails de ma situation et qui est en conflit d’intérêt. On ne respecte pas mon droit au choix du représentant. On ne m’en a informé que le matin même de l’audition, ce qui m’a privé de tout représentant. J’ai été obligé de me présenter seul à l’audition.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

81 Finalement, le fonctionnaire s’estimant lésé a souligné que la sanction du licenciement prise à son égard était disproportionnée. Selon lui, dans Syndicat québécois des employés de service, l’arbitre Foisy a souligné que l’employeur a fait des efforts d’accommodement. De fait, le fonctionnaire s’estimant lésé a dit qu’il ne demandait qu’à être traité sans discrimination. L’employeur devait cesser de le surveiller constamment. Un travail à domicile pourrait être souhaitable. Il croit qu’en communiquant par écrit plutôt que d’insister pour des rencontres, il serait plus facile d’éviter des affrontements.

82 En réplique, l’employeur a soumis qu’après plusieurs sanctions disciplinaires et dans le présent dossier de licenciement, on en était revenu au même point. Le fonctionnaire s’estimant lésé a prétendu que ce n’était pas sa faute. Il a soutenu que l’employeur ne devait pas le surveiller plus que les autres fonctionnaires. Globalement, le fonctionnaire s’estimant lésé n’admet aucun de ces torts. Le lien de confiance devrait être réciproque entre l’employeur et le fonctionnaire. Le fonctionnaire s'estimant lésé n’accorde aucune crédibilité aux remarques des gestionnaires. Comment ces derniers peuvent-ils maintenir leur confiance en le fonctionnaire s’estimant lésé et croire qu’il va s’amender? Selon l’employeur, le licenciement était justifié.

Motifs

83 Avant d’aborder les motifs de ma décision concernant le présent grief portant sur le licenciement, il est utile de préciser que le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé plusieurs griefs relativement à des événements survenus au cours de la période débutant le 3 mai 2003 et se terminant avec son licenciement, le 8 juillet 2003 et qui ont un lien avec les circonstances ayant mené à son licenciement.

84 Le grief 166-02-36340 dénonce le refus à la représentation pour la rencontre du 5 juin 2003.

85 Le grief 166-02-36342 dénonce l’absence de préavis pour la rencontre du 3 juillet 2003.

86 Le grief 166-02-36343 dénonce le refus à la représentation pour la rencontre du 3 juillet 2003.

87 Le grief 166-02-36341 dénonçe le fait de ne pas avoir été informé des documents versés à son dossier personnel et qui ont justifié son licenciement.

88 D’autres griefs ont également été déposés : le grief 166-02-36345 concernant son horaire de travail et les griefs 166-02-36339 et 166-02-36344 concernant des refus de congés.

89 Étant saisi de l’ensemble de ces griefs et les ayant entendus dans le cours des audiences échelonnées entre janvier et novembre 2006, il est utile de préciser ce qui suit : dans les dossiers 166-02-36342 et 36343, relativement à la rencontre du 3 juillet 2003, j’ai rendu une décision rejetant les griefs (2007 CRTFP 48). Dans le dossier 166-02-36341, quant aux documents dont le fonctionnaire s’estimant lésé n’aurait pas été renseigné, j’ai rendu une ordonnance rejetant les griefs (2007 CRTFP 49).

90 Dans le dossier 166-02-36340 concernant la non-représentation à la rencontre du 5 juin 2003, j’ai rendu une ordonnance accueillant le grief en partie (2007 CRTFP 47). J’ai conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé avait le droit d’être accompagné d’un représentant syndical le 5 juin 2003, mais ce manquement n’a pas pour effet d’invalider l’ensemble du processus disciplinaire. Cependant, aucune déclaration faite par le fonctionnaire s’estimant lésé lors de cette rencontre ne pourra être invoquée contre lui lors d’une procédure ultérieure.

91 Pour ce qui est du présent grief, la lettre de licenciement du 8 juillet 2003 a fait référence au retard du 2 juin 2003 et à une série d’autres incidents survenus à divers moments au cours des mois de mai, juin et juillet 2003. Il s’agit là de questions de faits à être appréciées comme telles.

92 La lettre de licenciement a également fait référence aux propos du fonctionnaire s’estimant lésé lors de la rencontre du 5 juin 2003. Je donne effet à mon ordonnance (2007 CRTFP 47) et ces propos ne seront pas pris en considération dans mon appréciation des motifs du licenciement.

93 Je retiens des témoignages de Mme Thibodeau et de Mme Clément qu’elles voulaient donner au fonctionnaire s’estimant lésé la chance de repartir à zéro et démontrer qu’il pouvait rencontrer les objectifs relatifs au respect de l’horaire de travail en évitant les retards et les absences du travail sans permission et sans raison valable.

94 Bien qu’elle donnait la chance au fonctionnaire s’estimant lésé de démontrer sa bonne foi, Mme Thibodeau a indiqué qu’elle voulait se faire une opinion personnelle sur le comportement de ce dernier en exerçant une surveillance au cours des journées de travail. C’est pourquoi, en accord avec sa directrice, elle a demandé au fonctionnaire s’estimant lésé d’ajuster son horaire de travail entre 8 h et 17 h pour qu’il puisse y avoir un gestionnaire présent.

95 Mme Thibodeau a noté que le 13 mai 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé avait prolongé sa pause de 10 minutes. Elle ne l’a pas averti par écrit, mais elle lui a rappelé dans un courriel le lendemain, soit le 14 mai 2003, ce qui suit :

[…]

Tu te rappelleras de notre discussion d’hier concernant tes problèmes d’assiduité passé et la pause d’hier.

La directrice n’est pas en copie de ce courriel.

[…]

96 Ce n’est qu’à la demande de la directrice le 4 juin 2003 que Mme Thibodeau l’informe par courriel que le fonctionnaire s’estimant lésé a prolongé la pause du 13 mai 2003, qui aurait durée 40 minutes au lieu de 30 minutes (pièce E-7).

97 Malgré le fait qu’elle ait déjà mentionné le 13 mai 2003 au fonctionnaire s’estimant lésé de surveiller la durée de ses pauses, lorsqu’il a prolongé sa pause du 2 juillet 2003, elle l’a avisé de nouveau verbalement. Ce n’est qu’à la suite de la demande du fonctionnaire s’estimant lésé qu’elle lui a confirmé par écrit qu’il avait prolongé sa pause du 2 juillet. Elle a ajouté (pièce E-10) : « De plus, tu étais déjà sorti fumer avant. » Là encore, le fonctionnaire s’estimant lésé voulait plus de précision. Il a entrepris des discussions sur la pause-cigarette et a indiqué à Mme Thibodeau qu’elle exagérait, qu’elle cherchait des problèmes et que cela constituait du harcèlement (pièce E-10).

98 Je considère le témoignage de Mme Thibodeau comme étant tout à fait crédible. De mai à juillet, elle a eu comme premier réflexe d’aviser verbalement le fonctionnaire s’estimant lésé de ses manquements relativement au respect de l’horaire de travail. Cette approche aurait pu permettre, selon moi, d’établir entre elle et le fonctionnaire s’estimant lésé une situation propice à la discussion et aux échanges avec sa superviseure plutôt que de vouloir tout consigner par écrit.

99 Dans le cas de Mme Clément, elle a exercé son rôle de direction. Elle est intervenue auprès du fonctionnaire s’estimant lésé le 3 juin 2003 et l’a convoqué à une rencontre disciplinaire pour le 4 ou le 5 juin 2003. Aucune mesure disciplinaire n’a été prise par la directrice en juin 2003.

100 Je considère qu’il n’y a pas d’acharnement envers le fonctionnaire s’estimant lésé au cours des cinq premières semaines de travail après son retour (3 mai au 5 juin 2003).

101 Il y a eu des discussions entre le fonctionnaire s’estimant lésé et Mme Clément au sujet de la représentation syndicale. Cette dernière lui demandait de se référer au représentant de la section locale plutôt que de vouloir communiquer avec un agent syndical travaillant dans une autre ville. J’ai donné raison à la gestionnaire sur cette question dans la décision 2007 CRTFP 47. Le fonctionnaire s’estimant lésé est revenu sur la question de représentation syndicale le 3 juillet 2003. Il est revenu sur cette question lorsqu’il a écrit qu’il voulait consulter la représentante syndicale qu’on lui a imposée.

102 Avant d’aborder les incidents des 2 et 3 juillet 2003 que je considère comme un élément déterminant qui a incité la directrice à faire le point sur le comportement du fonctionnaire s’estimant lésé pour la période de mai à juillet 2003, je me dois de souligner que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a jamais indiqué qu’il avait entrepris des démarches auprès du syndicat entre le 5 juin 2003 et le 3 juillet 2003 afin de clarifier la question de sa représentation, bien que lors de la rencontre du 5 juin 2003, la directrice lui a parlé de cette question.

103 Les incidents des 2 et 3 juillet 2003 constituent un élément important des motifs du licenciement. En examinant les courriels échangés entre le fonctionnaire s’estimant lésé et la gestion, j’en viens à la conclusion que le fonctionnaire s'estimant lésé a largement contribué à faire d’une simple remarque verbale de la part de sa superviseure le 2 juillet 2003, un incident qui s’est étalé sur deux journées au cours desquelles il y a eu un échange d’une dizaine de courriels.

104 La chronologie est la suivante : après l’avis verbal sur la pause, le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé une confirmation par écrit. L’écrit de Mme Thibodeau a confirmé que la pause s’était prolongée et Mme Thibodeau a ajouté que le fonctionnaire s’estimant lésé était sorti pour fumer. Ce courriel ne parlait pas de la durée de la pause-cigarette.

105 Le fonctionnaire s’estimant lésé voulait débattre de la durée des pauses-cigarettes et a répondu à la gestionnaire qu’elle lui aurait reproché d’avoir pris trop de temps pour fumer et qu’il prenait le même temps que les autres. Il a écrit également que sa supérieure a exagéré et que cela constituait du harcèlement.

106 Le 2 juillet 2003, aucun reproche écrit n’est formulé par Mme Thibodeau relativement à la durée des pauses-cigarettes du fonctionnaire s’estimant lésé. Qu’à cela ne tienne, ce dernier considérait qu’on le traitait différemment. Il a dit avoir l’intention de discuter des conditions de travail de ses collègues de travail et de les comparer avec les siennes, car c’était son droit.

107 Des échanges précédents, je comprends qu’il s’agissait de comparer la durée des pauses-cigarettes.

108 Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a fourni aucune explication au cours de l’audience quant au droit à la pause-cigarette qui constituerait une condition de travail. Il n’a fait référence à aucune disposition de la convention collective sur ce sujet.

109 Si le fonctionnaire s’estimant lésé a pensé qu’il y avait lieu de discuter du sujet des pauses-cigarettes et de faire une étude comparative auprès des fonctionnaires s’en prévalant, il aurait dû s’adresser à son syndicat ou faire un grief plutôt que de mentionner dans son courriel du 3 juillet 2003 : « Je me demande d’ailleurs si je serais autorisé à communiquer par écrit sur les heures de travail avec la personne (ses collègues) dont parle ma superviseure. »

110 Mme Thibodeau a indiqué dans son témoignage qu’à la suite des courriels du 2 juillet 2003, elle a rencontré Mme Clément pour discuter de la nécessité d’alléger le climat de travail. Mme Thibodeau a alors constaté qu’il lui était impossible de discuter avec le fonctionnaire s’estimant lésé comme elle le souhaitait.

111 Mme Clément a voulu rencontrer le fonctionnaire s’estimant lésé le 3 juillet 2003. La preuve a démontré que la tâche ne fut pas facile. Le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé les raisons de la rencontre. Après avoir exigé les raisons par écrit, il a suggéré qu’elle lui transmettre par écrit ce qu’elle voulait lui dire plutôt que de la rencontrer. Il a indiqué cependant que sa représentante syndicale, Jacqueline Lemoine, était disponible jusqu’à 16 h 30.

112 La directrice a convoqué le fonctionnaire s’estimant lésé à 16 h 15; il s’est présenté seul. Il n’a fourni aucune explication sur le fait qu’à 16 h 15, il n’était pas accompagné par sa représentante syndicale puisque cette dernière était disponible jusqu’à 16 h 30. Il faut noter que dans le premier courriel envoyé à la directrice le 3 juillet 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé parlait de la représentante qui lui avait été imposée.

113 Je crois que tant Mme Thibodeau que Mme Clément ont fait les efforts nécessaires pour tenter d’établir un mode de communication valable entre elles et le fonctionnaire s’estimant lésé.

114 Tel que l’a mentionné Mme Frigon, il y a absence d’un lien de confiance entre le fonctionnaire s’estimant lésé et les gestionnaires. Il n’a pas démontré qu’il désirait fonctionner à l’intérieur des cadres établis et respecter l’horaire de travail en évitant les retards et les absences.

115 Je suis d’accord avec la conclusion formulée par l’employeur. La teneur de ses courriels et le témoignage présenté par le fonctionnaire s’estimant lésé lors de l’audience confirment qu’il était dans un état de méfiance envers la gestion.

116 Un paragraphe du courriel expédié par le fonctionnaire s’estimant lésé le 3 juillet 2003 à 15 h traduit bien l’état d’esprit dans lequel il était au cours de la période de mai à juillet 2003. Il a répondu à Mme Clément ce qui suit :

[…]

Vous m’avez dit que j’avais un problème de communication. Que vous vouliez que l’on se parle et que vous refusiez de m’écrire. Je vous ai expliqué que nous étions dans un processus légal sérieux et que cela n’est pas possible dans le contexte […]

[…]

117 Relativement à l’incident du 12 mai 2003 où sa superviseure lui a mentionné qu’il a allongé sa pause de 10 minutes, le fonctionnaire s’estimant lésé a expliqué à sa superviseure qu’il y avait une manifestation et qu’il a dû allonger son trajet pour entrer par une autre porte. Cependant, dans son témoignage, lors de l’audience, le fonctionnaire s’estimant lésé a expliqué que lorsqu’il y avait des manifestations, il aimait circuler près des manifestants et observer les inscriptions sur les pancartes afin de connaître leurs revendications. Ce temps d’observation peut-il expliquer son retard?

118 Quant à la question de son retard du 2 juin 2003, il s’est présenté à 9 h 45 au lieu de 8 h 30 et il a téléphoné à 9 h 05. Il a expliqué qu’il s’est levé en retard. Sur ce point, dans son courriel, le fonctionnaire s’estimant lésé a critiqué les propos de la gestion qui lui a rappelé qu’il devait prévenir 15 minutes avant le début de son horaire. Il a répondu que s’il passait tout droit, il ne pouvait pas prévenir 15 minutes avant le début de son horaire de travail.

119 Finalement, quant à l’incident survenu le 2 juillet 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait, à mon sens, aucune raison d’entreprendre un débat par voie de courriel avec sa superviseure à la suite d’un avis verbal. Tel que je l’ai expliqué précédemment, le fonctionnaire s’estimant lésé n’a fourni aucune explication valable pour justifier son refus de rencontrer sa directrice le 3 juillet 2003. Sa représentante syndicale était disponible jusqu’à 16 h 30 cette journée-là.

120 Bien qu’il s’agisse de gestes ou de courriels d’une importance relative pris un à un, l’ensemble des échanges par courriel entre le fonctionnaire s’estimant lésé et entre le 3 mai 2003 et le 5 juillet 2003, le nombre d’incidents dans lesquels il fut impliqué (pauses allongées, retards, en moins de huit semaines de travail) me permet de conclure que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas compris qu’il devait être assidu à son travail et respecter les règles de ponctualité et d’autorisation d’absences. Il n’a pas tiré de leçon des quatres mesures disciplinaires qu’il a reçues entre 1999 et 2001. Bien qu’il ait contesté ces mesures disciplinaires, le fonctionnaire s'estimant lésé aurait dû être attentif aux reproches qui lui étaient adressés par l’employeur et faire preuve de collaboration au lieu d’adopter une attitude de défiance.

121 Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas démontré qu’il était capable de fonctionner dans un cadre établi et de respecter son horaire de travail malgré ses objectifs et les rappels transmis par ses gestionnaires. En conséquence, la décision de l’employeur se justifie à mon avis tant sur le plan de son caractère administratif que disciplinaire.

122 Je crois que le constat fait par l’arbitre Foisy dans Hydro-Québec s’applique au présent cas. En voici quelques extraits :

[…]

Je ne peux non plus conclure, comme me le demande le syndicat, que l’expulsion de l’unité était illégale parce que l’employeur y a procédé pour s’arroger un rapport de force dans les négociations qui ont suivi et dans le but d’intimider le plaignant, et voir ce dernier comme un bouc émissaire. Rien dans la preuve ne sustente ces affirmations. Au contraire, la preuve est à l’effet que la direction a été plus que patiente avec le plaignant, et qu’elle n’a pas eu le choix compte tenu du comportement chronique du plaignant de ne pas être capable de travailler dans un environnement hiérarchisé et de groupe. La preuve ne me permet pas de conclure que le retrait était relié de quelque façon que se soit à une stratégie de négociation. Le retrait était plutôt rendu nécessaire parce que le plaignant n’avait plus sa place dans l’équipe.

D’autre part, on ne peut parler ici de double sanction comme le prétend le syndicat, parce que d’une part on est en matière administrative par opposition à disciplinaire. De plus, le retrait de l’unité n’avait pas pour but de punir le plaignant, mais d’y retirer un élément qui contribuait à créer un climat de travail malsain et intimidant pour les membres. Il appartient d’ailleurs à l’employeur de s’assurer que les membres de l’unité pouvaient y travailler dans un climat de travail qui soit convivial et serein.

[…]

123 L’employeur était bien fondé de sanctionner les comportements du fonctionnaire s'estimant lésé énoncés à la lettre de licenciement (pièce E-1). En matière disciplinaire, les arbitres de griefs appliquent le principe de la gradation des sanctions. L’application de mesures disciplinaires successives vise à faire comprendre au fonctionnaire s'estimant lésé qu’il fera face à des mesures disciplinaires progressivement plus sévères s’il ne modifie pas sa conduite. L’employeur le lui avait déjà précisé dans les lettres disciplinaires antérieures.

124 Le fonctionnaire s'estimant lésé s’est vu imposer quatre mesures disciplinaires antérieures :

  1. suspension de trois jours, réduite à une journée (2007 CRTFP 37)
  2. suspension de cinq jours
  3. suspension de huit jours, réduite à six jours (2007 CRTFP 38)
  4. suspension de vingt jours, réduite à quinze jours (2007 CRTFP 42)

125 Dans le présent cas, l’employeur s’est acquitté de son fardeau de me démontrer qu’il était pleinement justifié, pour les raisons énoncées ci-haut, d’imposer une mesure disciplinaire des plus sévères, y compris le licenciement, sur la base des faits reprochés et du dossier antérieur du fonctionnaire s'estimant lésé. Le licenciement ne m’apparaît pas déraisonnable dans les circonstances.

126 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

127 Le grief est rejeté.

Le 11 mai 2007.

Jean-Pierre Tessier,
arbitre de grief

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