Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a fait l’objet d’une suspension de 20 jours pour des retards, des absences de son poste et pour avoir omis de produire un certificat médical pour justifier certaines absences - l’employeur a reproché aussi au fonctionnaire s’estimant lésé d’avoir contrevenu à ses directives de ne pas s’occuper de ses griefs pendant les heures de travail et d’avoir tenu des propos irrespectueux envers les personnes d’origine arabe, dans les jours qui ont suivi les événements du 11 septembre 2001 - ces manquements constituaient aux yeux de l’employeur un incident culminant justifiant une mesure sévère, le fonctionnaire s’estimant lésé ayant auparavant été suspendu pour des périodes de trois, cinq et huit jours pour des manquements similaires - l’arbitre de grief a conclu que la preuve des retards et des absences sans autorisation avait été faite, mais n’a pas retenu pas les deux autres reproches - il a conclu que les incidents prouvés par l’employeur justifient l’imposition d’une mesure disciplinaire et permettent à l’employeur d’invoquer le dossier disciplinaire antérieur du fonctionnaire s’estimant lésé - l’arbitre de grief a réduit toutefois la mesure à une suspension de 15 jours, au motif que l’employeur n’a pas fait la preuve de tous les éléments invoqués dans la lettre disciplinaire, et du fait que certaines suspensions consignées au dossier du fonctionnaire s’estimant lésé avaient été réduites par une décision d’un arbitre de grief. Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-04-27
  • Dossier:  166-02-32541
  • Référence:  2007 CRTFP 42

Devant un arbitre de grief


ENTRE

SIMON CLOUTIER

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

employeur

Répertorié
Cloutier c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Jean-Pierre Tessier, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même

Pour l'employeur:
Raymond Piché, avocat, et Nadia Hudon, avocate

Affaire entendue à Montréal (Québec),
du 23 au 26 janvier 2006, les 30 et 31 janvier 2006, du 3 au 5 mai 2006,
du 8 au 12 mai 2006 et du 31 octobre au 3 novembre 2006.

Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Simon Cloutier (le « fonctionnaire s’estimant lésé ») travaille pour le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (l’« employeur ») et occupe un poste aux groupe et niveau PM-03. En 1999, il a été président de la section locale 10 405 du Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada (SEIC), une composante de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC).

2 Le 16 octobre 2001, le fonctionnaire s’estimant lésé s’est vu imposer une mesure disciplinaire (suspension de 20 jours) pour des incidents survenus au cours des mois de septembre à octobre 2001.

3 Le fonctionnaire s’estimant lésé a été absent pour cause de maladie du 12 octobre 2001 au 2 juin 2002. À son retour au travail, il a déposé un grief le 6 juin 2002 pour contester cette mesure disciplinaire. Ce grief a été renvoyé à l’arbitrage le 10 juillet 2003.

4 La période entre le renvoi à l’arbitrage et l’audience s’explique par le fait que des plaintes ont été déposées par le fonctionnaire s’estimant lésé en vertu de l’article 23 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (« l’ancienne Loi »). Le fonctionnaire s’estimant lésé a soulevé le fait que l’employeur avait usé de représailles à son endroit.

5 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi, L.R.C. (1985), ch. P-35.

Résumé de la preuve

6 L’employeur a soulevé une objection relative au dépôt tardif du grief. Cette objection fut rejetée par la décision 2007 CRTFP 14 et l’arbitre de grief a déclaré qu’il avait compétence pour entendre le grief sur le fond.

7 Les manquements reprochés au fonctionnaire s’estimant lésé ont été énoncés à la lettre du 16 octobre 2001 (pièce E-1) et résumés ainsi dans le rapport sur les mesures disciplinaires préparé par l’employeur (pièce E-16) :

[…]

La mesure disciplinaire touche six événements. En voici les détails.

1 et 2. Le 6 septembre 2001, M. Cloutier s’est présenté au bureau à 10 h45 accusant ainsi un retard de 2 heures et 30 minutes. Le 13 septembre, il s’est présenté au bureau à 9 h 15 soit une heure après le début de son horaire de travail. Il s’est déclaré malade pour justifier ces retards. De plus, il n’a pas soumis de certificat médical tel qu’exigé par l’employeur dans une directive émise le 28 août 2001.

3. Le lundi 10 septembre 2001, il s’est absenté sans autorisation de son poste de travail de 16 h 10 à 16 h 26. Pendant ce temps, il est allé au bureau d’une collègue, Mme Micheline Rioux, agente au suivi des cas au CIC Investigation et Renvois, pour discuter avec celle-ci et Mme Diane L’Heureux, agente des services financiers, d’une question étrangère à son travail de conseiller.

4. Le matin du mercredi 12 septembre 2001, tout juste au lendemain des événements tragiques qui se sont produits à New-York, il a, lors d’une conversation avec des collègues de travail portant sur ces événements, fait le commentaire suivant: « On a besoin de bien contrôler les Arabes ».

5. Le jeudi 27 septembre 2001, vers 16 h 30, il s’est absenté de son poste de travail sans autorisation pour se rendre au bureau de Mme Rioux afin de discuter avec elle de questions étrangères à son travail. Il a alors été prié de retourner à son poste de travail par la directrice du CIC Investigation et Renvois, Mme Lise Gignac. Ce n’est qu’au deuxième avertissement qu’il a daigné retourner à son poste de travail.

6. Le mardi le 2 octobre 2001, il m’informait qu’il avait volontairement contrevenu à mes directives en s’occupant de questions reliées à son dossier personnel pendant les heures de travail.

[…]

8 Carole Lamarre, directrice au ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, Service intérieur; Lise Gignac, directrice, Investigation et renvoi; Miriam Ettinger, directrice adjointe, Investigation et renvoi; ainsi que Samra Rabie, superviseure (par intérim) ont témoigné sur l’un ou l’autre des incidents visant le fonctionnaire s’estimant lésé.

9 Le 16 octobre 2004, Mme Lamarre, en tant que directrice, a décidé d’imposer une mesure disciplinaire au fonctionnaire s’estimant lésé sur la base des faits énoncés à la lettre et de son dossier disciplinaire antérieur (pièce E-1). Relativement au retard des 6 et 13 septembre 2001, elle a indiqué qu’elle avait demandé au fonctionnaire s’estimant lésé de produire un certificat médical (pièce E-18) s’il voulait justifier son retard par un motif de maladie.

10 Mme Lamarre a expliqué qu’en août et septembre 2001, le SEIC était en situation de grève et il s’exerçait, partout au pays, des moyens de pression (absences ou retards de fonctionnaires). À cette époque, l’employeur avait émis une directive qu’il exigerait un certificat médical pour toute absence. Dans cette directive, l’absence était considérée comme un congé non autorisé qui pouvait mener à des mesures disciplinaires. C’est ce que Mme Lamarre a rappelé au fonctionnaire s’estimant lésé dans son courriel daté du 29 septembre 2001 (pièce E-18).

11 Mme Lamarre avait été informée que le fonctionnaire s’estimant lésé refusait de fournir un certificat médical de façon rétroactive. Il contestait le fait de devoir déranger un médecin plusieurs jours après la date d’absence pour obtenir un certificat médical. Le fonctionnaire s’estimant lésé avait même demandé à l’employeur de rencontrer un médecin de Santé Canada afin de répondre à l’exigence de l’employeur (pièce E-19), ce qui fut refusé.

12 Relativement à l’incident du 10 septembre 2000, soit l’absence du fonctionnaire s’estimant lésé de son poste de travail entre 16 h 10 et 16 h 26 pour discuter de questions non reliées à son travail, Mme Lamarre a dit qu’elle s’était référée au rapport préparé par Mme Gignac (pièce E-11) et au courriel de Mme Ettinger (pièce E-12).

13 Selon les renseignements reçus des gestionnaires, Mme Ettinger aurait constaté que, le 10 septembre 2001, le fonctionnaire s’estimant lésé, ainsi que deux autres fonctionnaires, Micheline Rioux et Diane L’Heureux, discutaient au poste de travail de Mme Rioux. Mme Ettinger se serait renseignée auprès des trois fonctionnaires pour savoir si leur discussion était en rapport avec leur travail. Elle n’a pu obtenir de réponse précise sauf qu’ils travaillaient sur un dossier. Mme Ettinger aurait prévenu Louise Martin, superviseure du fonctionnaire s’estimant lésé, et a fait rédiger un rapport de cet incident (pièce E-12). Mme Ettinger a témoigné relativement à cet événement.

14 Toujours relativement à l’incident du 10 septembre 2001, Mme Lamarre a fait référence à un échange de courriels entre Mme Martin et le fonctionnaire s’estimant lésé (pièce E-15). Le 12 septembre 2001, Mme Martin a demandé au fonctionnaire s’estimant lésé quelle était la durée de la rencontre du 10 septembre 2001, la raison de leur rencontre, la teneur du dossier et leur implication dans le cadre de leurs fonctions.

15 Le 12 septembre 2001, en après-midi, le fonctionnaire s’estimant lésé a fourni les explications suivantes dans un courriel daté :

[…]

Compte tenu que vous m’ordonnez de répondre, je vais le faire.

Diane l’Heureux a répondu à un sondage concernant la dotation au ministère. Le Directeur de la Commission de la fonction publique est entré en contact avec elle car il semble qu’une enquête aura lieu.

Il a demandé à Diane si d’autres personnes du Ministère désiraient témoigner dans le cadre de cette enquête. Diane est venue nous consulter à savoir si nous l’autorisions à ce quelle donne nos noms et coordonnées.

Nous étions en train d’évaluer les conséquences possibles de notre participation à cet exercice compte tenu de la culture au ministère et du harcèlement dont nous avons fait l’objet par le passé pour avoir donné notre opinion de bonne foi.

Notre conversation a duré quelques minutes, je ne me souviens plus exactement combien de temps. Je ne l’ai pas chronométrée car je ne m’attendais pas à ce que vous fassiez enquête à ce sujet. Mes collègues, de toute section, se parlent fréquemment au bureau et ne font pas l’objet d’enquêtes pour cette raison.

J’aurais préféré de pas avoir à répondre à ce sujet car j’aurais idéalement voulu que ma participation à cette enquête demeure confidentielle pour les raisons précitées. Vous ne m’avez pas donné le choix et j’en appréhendes les conséquences. Cela s’ajoute au stress que vous me faites subir qui justifie mes demandes de temps syndical toujours sans réponse, à celui lié à mon travail et celui découlant des événements d’hier à New York. Au cas où vous n’en seriez pas conscientes.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

16 Mme Ettinger a déclaré à l’audience que le fonctionnaire s’estimant lésé, Mme Rioux et Mme L’Heureux étaient réunis au poste de travail de Mme Rioux pendant environ 20 minutes le 10 septembre 2001. Elle n’a pu savoir si leur discussion était reliée au travail. Elle était certaine que l’un des trois fonctionnaires lui aurait mentionné qu’ils travaillaient sur un dossier.

17 En ce qui a trait aux propos tenus par le fonctionnaire s’estimant lésé le 12 septembre 2001, à savoir : « On a besoin de bien contrôler les Arabes. », selon le rapport disciplinaire (pièce E-16) et la lettre de mesure disciplinaire (pièce E-1), plusieurs documents ont été déposés et Mme Rabie a témoigné à ce sujet.

18 Le témoignage de Mme Rabie est le suivant. Mme Rabie a indiqué qu’elle se sentait bouleversée le lendemain des événements du 11 septembre 2001 survenus à New York. Au cours de l’avant-midi du 12 septembre 2001, elle revenait à son bureau lorsqu’elle a constaté que le fonctionnaire s’estimant lésé était en discussion avec trois autres fonctionnaires. Selon elle, le fonctionnaire s’estimant lésé aurait dit : « On a besoin de bien contrôler les Arabes. » Le groupe a continué la discussion et les personnes ont ensuite quitté.

19 Mme Rabie s’est sentie offusquée que de tels propos se soient tenus le lendemain de l’incident du 11 septembre 2001. Elle a souligné que le ton de voix du fonctionnaire s’estimant lésé était assez élevé et que des clients présents sur l’étage auraient pu l’entendre. Elle a immédiatement transmis un courriel à Mme Lamarre (pièce E-13) à la suite de cet incident. Le 9 octobre 2001, Mme Rabie a produit une déclaration plus détaillée de 20 pages (pièce E-13).

20 Mme Rabie a déclaré que le 12 septembre 2001, elle a discuté avec Ahmed Attab, qui est d’origine arabe, et à qui le fonctionnaire s’estimant lésé avait adressé ces propos. M. Attab lui aurait indiqué qu’il ne se sentait pas gêné par ces propos.

21 Mme Rabie a aussi rencontré le fonctionnaire s’estimant lésé qui avait sans doute été mis au courant par l’employeur qu’il avait tenu des propos concernant les personnes d’origine arabe puisque ce dernier lui aurait indiqué qu’il parlait avec M. Attab d’un cendrier. Selon le fonctionnaire s’estimant lésé, il discutait que du « contrôle du feu ».

22 Mme Lamarre a poursuivi son témoignage en indiquant qu’il y eu un échange de courriels entre elle-même et le fonctionnaire s’estimant lésé (pièce E-17). Mme Lamarre a reçu de la part de la superviseure du fonctionnaire s’estimant lésé un rapport d’une rencontre qu’elle avait tenue avec lui le 12 septembre 2001 (pièce E-20).

23 Mme Lamarre a rencontré M. Attab le 10 octobre 2001 afin d’obtenir sa version des faits et a rédigé un rapport (ce rapport a été déposé par le fonctionnaire s’estimant lésé comme pièce F-3). Dans ce rapport, M. Attab a souligné ne pas se souvenir exactement des paroles du fonctionnaire s’estimant lésé, mais que cela concernait le feu et allait à peu près comme : « Vous avez le contrôle du feu. »

24 Mme Lamarre a également rencontré la fonctionnaire Johanne Bellerose, qui était présente lors de la discussion du 12 septembre 2001. Selon Mme Bellerose, le commentaire du fonctionnaire s’estimant lésé était, semble-t-il : « Vous êtes bon pour éteindre le feu. » Selon Mme Bellerose, ces commentaires n’étaient pas discriminatoires, il s’agissait, tout au plus, d’une phrase inutile. Selon elle, personne du groupe n’a été offusqué. Le rapport écrit préparé par Mme Lamarre a été déposé en preuve par le fonctionnaire s’estimant lésé (pièce F-2).

25 Selon Mme Lamarre, les incidents du 11 septembre 2001 ont provoqué beaucoup de stress, même pour la population canadienne. D’ailleurs, le 21 septembre 2001, l’employeur a cru bon d’émettre une note de service incitant les gens au respect des personnes et des différences culturelles (pièce E-14).

26 Le cinquième point reproché au fonctionnaire s’estimant lésé était qu’il s’était absenté de son poste de travail le 27 septembre 2001 pour discuter avec Mme Rioux d’une question non liée au travail.

27 Mme Gignac a témoigné sur cet incident et a déposé un rapport qu’elle avait rédigé la journée même du 22 septembre 2001 (pièce E-11).

28 Tel que mentionné dans son rapport, Mme Gignac a corroboré qu’elle avait constaté que le fonctionnaire s’estimant lésé était en discussion avec Mme Rioux pendant les heures de travail. Mme Gignac a dit s’être renseignée auprès de la superviseure du fonctionnaire s’estimant lésé et de Mme Rioux à savoir s’ils avaient des dossiers communs nécessitant qu’ils se rencontrent pour discuter et la réponse fut négative.

29 Mme Gignac a indiqué être ensuite retournée rencontrer le fonctionnaire s’estimant lésé. Ce dernier lui aurait alors confirmé qu’il n’avait pas discuté de dossiers reliés au travail. Elle lui a donc demandé de retourner à son poste de travail.

30 De plus, Mme Gignac a ajouté qu’elle éprouvait des difficultés à discuter avec le fonctionnaire s’estimant lésé car depuis novembre 1999, la section locale 10 405 avait été mise en tutelle. Cela compliquait les choses lorsqu’elle devait le rencontrer, car il évoquait des difficultés de représentation et échangeait souvent par écrit.

31 Mme Gignac a indiqué qu’en 1999, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) avait indiqué que Robert P. Morissette, représentant régional de l’AFPC, serait la personne avec qui l’employeur devait transiger lorsque les intérêts du fonctionnaire s’estimant lésé seraient en jeu (pièce E-9). En 2000, on a levé la tutelle et des représentants syndicaux ont été élus (pièce E-10).

32 Le sixième reproche a trait à un incident survenu le 2 octobre 2001. Mme Lamarre a reproché au fonctionnaire s’estimant lésé d’avoir utilisé du temps de travail pour préparer des documents, tels que des courriels et des commentaires écrits, qu’il transmettait à la direction. Mme Lamarre a fait référence à un courriel daté du 2 octobre 2001 (pièce E-10) dans lequel le fonctionnaire s’estimant lésé a mentionné : « Je vous signale que j’ai produit la présente pendant les heures de travail contrairement à ce que vous m’aviez demandé. Bien que vous ayez une large interprétation de vos droits de gestion, vous devriez être consciente que ceux-ci s’arrête heureusement aux heures de travail. »

33 Le courriel du fonctionnaire s’estimant lésé (pièce E-10) a fait suite au fait que Mme Lamarre avait convoqué le fonctionnaire s’estimant lésé à une rencontre disciplinaire le 2 octobre 2001 et qu’elle lui avait mentionné qu’il pouvait être accompagné d’un représentant syndical. Le fonctionnaire s’estimant lésé a répondu par courriel qu’il ne pouvait obtenir de son syndicat une représentation juste et équitable et qu’il préférait faire parvenir ses commentaires par écrits plutôt que d’assister à une rencontre disciplinaire. Mme Lamarre a répondu par courriel daté du 1er octobre 2001 (pièce E-12) que ses commentaires écrits « devaient être préparés à l’extérieur des heures du travail ».

34 Le fonctionnaire s’estimant lésé a témoigné à l’audience ainsi qu’une de ses collègues de travail Désignette Beri. Le témoignage de cette dernière avait trait à l’incident du 12 septembre 2001.

35 Quant aux reproches de l’employeur, du fait que le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas au bureau le matin du 6 septembre 2001, le fonctionnaire s’estimant lésé a témoigné qu’il souffrait d’une grippe et qu’il s’est levé en retard le matin en question, c’est pourquoi il serait arrivé au bureau en retard, soit vers 10 h 45, mais qu’il avait prévenu l’employeur en l’appelant. Il a expliqué qu’à l’époque, il considérait que cela ne justifiait pas une visite médicale et qu’en fait, il s’était présenté au travail, mais en retard.

36 Afin d’expliquer l’incident du 6 septembre 2001, le fonctionnaire s’estimant lésé a fait référence à un extrait du document qu’il avait préparé dans le cadre d’une plainte présentée à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (pièce F-4). Le fonctionnaire s’estimant lésé a fait référence notamment à ce qui suit :

[…]

A mon retour au travail à la fin du mois d’août 2001, l’employeur a informé les employé(es) que dans le cadre d’un risque de grève, il allait dorénavant exiger que les congés de maladie soient justifiés par un certificat médical. De plus, il imposait un horaire fixe à tous soit de 8 :15 h à 16 :30h.

Souffrant d’une grippe depuis plusieurs jours, je suis arrivé en retard au travail le 6 septembre. J’en ai informé l’employeur au préalable et j’ai spécifié que cela ne justifiait pas une visite médicale. Dans un courriel, j’ai demandé que l’employeur m’envoie à un médecin de Santé Canada, afin qu’il assume les coûts de son exigence bureaucratique. J’ai expliqué que je trouvais scandaleux que l’employeur utilise les services de santé provinciaux déjà contigentés à des fins de négociations contractuelles. Mes députés provincial et fédéral étaient en copie de mon courriel.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

37 Le fonctionnaire s’estimant lésé a souligné qu’il trouvait inutile d’encombrer une clinique médicale, c’est pourquoi il a décidé de voir les médecins de Santé Canada (courriel du 6 septembre, 13 h 26, pièce E-19). Ce courriel se lit comme suit :

[…]

J’attends toujours mon rendez-vous avec un médecin de Santé Canada. A titre de déléguée à la Santé et sécurité au travail, vous êtes sans doute consciente que vous ne m’offrez d’autre choix que de contaminer mes collègues et la clientèle. Ne sachant si vous allez m’accorder mon congé, je n’ai pas les moyens de payer de ma poche ce congé dont j’ai besoin et en attendre le remboursement dans le cadre de la longue procédure de règlement des griefs.

[…]

38 C’est pour les mêmes raisons qu’il n’aurait pas produit de certificat médical pour le retard d’une heure le 13 septembre 2001.

39 Concernant les reproches de l’employeur, ayant trait à une absence du travail entre 16 h 10 et 16 h 26 le 10 septembre 2001, le fonctionnaire s’estimant lésé a témoigné qu’il était alors en discussion avec deux fonctionnaires, soit Mme Rioux et Mme L’Heureux, pour discuter d’une question relative à un sondage sur la dotation.

40 Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un extrait de ses notes sur cet incident dans le cadre d’une plainte qu’il a déposée (pièce F-4). Il avait notamment écrit ce qui suit :

[…]

Le ou vers le 9 septembre, Micheline Rioux m’a téléphoné pour me demander de venir à son bureau car une collègue, Diane l’Heureux, voulait nous parler.

Diane nous a expliqué que suite à sa réponse à un sondage sur la dotation au ministère un enquêteur avait été désigné pour enquêter les allégations contenues dans sa réponse. Cet enquêteur l’avait invité à s’informer auprès de collègues s’ils désiraient témoigner dans le cadre de l’enquête.

Nous étions à évaluer les conséquences de notre participation à cet exercice compte tenu de notre expérience de harcèlement de la part du ministère lorsque nous nous engageons dans ce type de processus; quand Myriam Ettinger, la superviseure de Micheline s’est présentée à son bureau en nous demandans ce dont on y discutait et s’il s’agissait d’un dossier relatif au bureau.

J’ai répondu par l’affirmative mais sans détail, nous étions évidemment mal à l’aise de renseigner l’employeur sur la nature de notre propos compte tenu des faits précités.

Plusieurs jours plus tard j’ai reçu un courriel de ma directrice, Carole Lamarre, qui me demandait de quoi j’avais discuté ce jour au bureau de Micheline. J’ai demandé qu’un délais me soit accordé pour fournir ma réponse car je désirais consulter d’abord un avocat, ce qui m’a été refusé sur le champs.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

41 Le fonctionnaire s’estimant lésé a indiqué que sa description écrite de cet incident correspondait aux faits. Selon lui, il était délicat de révéler à la direction la teneur même des discussions avec Mme Rioux et Mme L’Heureux puisqu’il s’agissait d’un sondage concernant la dotation. Même si ce n’était pas pour un dossier de travail, il s’agissait, selon lui, d’une question reliée au travail.

42 Relativement à l’incident du 12 septembre 2001, le fonctionnaire s’estimant lésé a fait référence à des extraits du texte qu’il avait préparé dans le cadre d’une plainte (pièce F-4). Les extraits suivants confirment ses allégations sur l’incident du 12 septembre 2001 :

[…]

Au lendemain des événements du World Trade Center, j’ai beaucoup échangé sur l’événement avec des collègues de travail dont un est origine arabe.

(…)

Il m’offrait d’ailleurs le 12 septembre un cadeau du Maroc d’où il revenait. Un cendrier ingénieux où un mécanisme très simple éteint la cigarette. Étant architecte de formation, il venait aussi tout juste de m’expliquer pourquoi les tours se sont effondrées par la chaleur du feu qui a consumé la structure d’acier. Dans l’émotivité de ce jour, j’ai lancé une blague à Ahmed en disant que les arabes contrôlent bien le feu, en relation avec le cendrier qu’il m’avait offert. Deux personnes étaient présentes à la conversation, Johanne Bellerose et Désynette Beri. Nous avons tous souris à la blague.

Quelques minutes plus tard, Ahmed m’a informé que Samra Rabie lui avait demandé ce que j’avais précisément dit et il lui a répondu.

Louise Martin, ma superviseure est par la suite venue me voir pour me dire que Samra Rabie s’était plaint à l’effet que j’avais dit qu” on devrait arrêter tous les arabes ou quelque chose comme cela”. J’ai immédiatement précisé à Louise que là n’avait pas été mon propos et de loin. J’ai invité Samra qui passait à venir me voir pour que je lui explique ce qui s’est dit et mes intentions. Elle a refusé en répondant qu’elle “choisit la façon dont elle se plaint.”

Presque tous les jours depuis lors, ma directrice m’a fait parvenir des courriels me demandant d’expliquer dans un court délais ma version sur cet incident et les autres cités précédemment en précisant que si je voulais y répondre par écrit, cela devait être fait à l’extérieur des heures de travail. J’ai d’abord demandé de quoi on m’accusait et par la suite précisé que l’allégation à mon endroit n’était pas fondée en ce que je n’avais jamais dit qu’il “fallait contrôler les arabes”. Ahmed Attab m’avait d’ailleurs informé qu’il avait à nouveau précisé à ma directrice la nature de mes propos lors d’une rencontre qu’elle avait eue avec lui.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

43 Le fonctionnaire s’estimant lésé a fait référence au compte rendu de l’entrevue d’une fonctionnaire qui était présente le 12 septembre 2001, Mme Bellerose (pièce F-26). Il a noté que cette dernière aurait entendu : « Vous êtes bons pour éteindre les feux. »

44 Le fonctionnaire s’estimant lésé a également fait référence au compte rendu d’une déclaration de M. Attab (pièce F-3) dans laquelle ce dernier parlait du contrôle du feu, soit : « Vous avez le contrôle du feu. »

45 Le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu qu’il n’avait jamais voulu offenser qui que ce soit. Il s’agissait d’une phrase lancée dans un contexte particulier alors que M. Attab, qui est un ami du fonctionnaire s’estimant lésé, lui avait offert un cendrier muni d’un couvercle qui servait à éteindre le feu des cigarettes. Il y avait eu par la suite une conversation sur le feu des tours à New York. Le fonctionnaire s’estimant lésé aurait dit : « Vous avez, les Arabes, le contrôle du feu. » ou quelque chose de semblable.

46 Le 12 septembre 2001, le fonctionnaire s’estimant lésé a également rappelé le témoignage de Mme Beri.

47 Mme Beri a déclaré qu’elle avait assisté à la discussion du 12 septembre 2001, mais que l’employeur ne l’avait jamais rencontré pour obtenir sa version des faits. Selon elle, le groupe discutait de la catastrophe du 11 septembre 2001. M. Attab, qui était d’origine arabe, revenait d’un voyage dans son pays d’origine. Il avait rapporté au fonctionnaire s’estimant lésé un cendrier qui avait la particularité d’éteindre le feu des cigarettes. Le groupe parlait des tours de New York et du feu qui les avait détruites. En faisant allusion au cendrier, le fonctionnaire s’estimant lésé aurait dit à M. Attab : « C’est drôle qu’un Arabe nous apporte quelque chose pour éteindre le feu. » Ce ne sont peut-être pas les mots exacts, mais cela portait sur « éteindre le feu ».

48 Mme Beri a souligné qu’à la suite de cette phrase, la discussion s’était poursuivie quelques instants et qu’aucune des quatre personnes qui étaient présentes ne s’étaient senties offusquées.

49 En terminant, Mme Beri a ajouté qu’elle connaissait le fonctionnaire s’estimant lésé depuis 1988 et qu’elle ne l’avait jamais entendu tenir des propos racistes.

50 Le fonctionnaire s’estimant lésé a fait remarquer que les quatre témoignages des personnes présentes lors de la discussion du 12 septembre 2002 ont parlé de feu ou de contrôle de feu. Lors de son témoignage, le fonctionnaire s’estimant lésé a ajouté que M. Attab avait une formation en architecture et qu’il expliquait, lors de la discussion du 12 septembre 2001, que c’était la chaleur du feu qui avait ébranlé la structure des tours de New York.

51 Quant au cinquième reproche de l’employeur, soit l’absence du fonctionnaire s’estimant lésé de son poste de travail le 27 septembre 2001, le fonctionnaire s’estimant lésé a expliqué que Mme Rioux avait reçu une convocation de l’employeur pour une rencontre disciplinaire. Mme Rioux aurait téléphoné au fonctionnaire s’estimant lésé pour lui demander de la rencontrer. Ce dernier s’était rendu au bureau de Mme Rioux pour discuter de cette question de convocation pour une mesure disciplinaire.

52 Selon le fonctionnaire s’estimant lésé, il était normal qu’il puisse rencontrer sa collègue de travail pour discuter de question disciplinaire.

53 Finalement, par rapport aux reproches, quant à la teneur de son courriel du 2 octobre 2001, le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas nié avoir écrit sa version des faits pendant les heures du travail plutôt que de présenter sa position lors d’une rencontre disciplinaire. Il a souligné qu’il s’agissait là d’une communication avec l’employeur.

Résumé de l’argumentation

54 L’employeur a souligné qu’à l’été et l’automne 2001, les fonctionnaires étaient en situation de grève et exerçaient des moyens de pression à divers endroits causant ainsi des retards ou des absences parmi des groupes de fonctionnaires.

55 Selon l’employeur, il était normal qu’un contrôle plus rigoureux soit exercé lorsqu’un fonctionnaire indiquait qu’il avait été absent pour une raison de maladie.

56 Les fonctionnaires qui n’expliquaient pas leur retard ou absence étaient considérés comme en absence non autorisée et l’employeur décidait des mesures à prendre. D’autre part, si parmi les fonctionnaires absents ou en retard, l’un d’entre eux avait déclaré être malade, il était normal que l’employeur exige une preuve de son absence pour raison de maladie.

57 Les 6 et 13 septembre 2001, le fonctionnaire s’estimant lésé est arrivé en retard. S’il voulait justifier son absence du travail par le fait qu’il était malade, il devait, dans les circonstances, se conformer aux exigences de l’employeur.

58 Relativement à la rencontre du 10 septembre 2001 entre le fonctionnaire s’estimant lésé, Mme Rioux et Mme L’Heureux, l’employeur a souligné que, si les fonctionnaires voulaient interrompre leur travail pour se rencontrer et discuter d’un sujet, ils devaient obtenir une permission de cesser leur travail régulier.

59 En ce qui a trait aux propos tenus le 15 septembre 2001 quant au « contrôle des Arabes », l’employeur a fait référence au climat de désolation qui régnait à la suite des incidents de la destruction des tours de New York. La direction où il travaille étudie des dossiers de personnes qui viennent de divers pays ayant diverses cultures.

60 Des clients de diverses nationalités ont à circuler dans les bureaux du Service intérieur. Il était donc important que le fonctionnaire s’estimant lésé soit conscient de sa fonction et qu’il fasse attention aux propos qu’il tenait sur les lieux du travail.

61 En ce qui concerne la rencontre du 22 septembre 2001 entre le fonctionnaire s’estimant lésé et Mme Rioux, l’employeur a fait remarquer qu’au moment des événements, ni l’un ni l’autre n’était un représentant syndical. Si Mme Rioux voulait discuter d’une convocation pour une rencontre disciplinaire, elle devait demander l’autorisation à l’employeur pour se libérer afin de rencontrer son représentant syndical.

62 À la suite de l’incident du 2 octobre 2001, l’employeur a souligné que le fonctionnaire s’estimant lésé avait souvent l’habitude d’échanger plusieurs courriels avec l’employeur lorsqu’il était convoqué pour une rencontre. Il a fait référence aux courriels déposés en liasse (pièce E-17).

63 Selon l’employeur, des échanges répétitifs de correspondance alourdissaient la relation normale entre l’employeur et le fonctionnaire s’estimant lésé. De plus, les mots utilisés par le fonctionnaire s’estimant lésé dans de ses courriels ont, à certaines occasions, eu l’effet d’entraîner une confrontation inutile avec les gestionnaires auxquels il s’adressait.

64 Ce n’était pas la première fois que le fonctionnaire s’estimant lésé s’absentait de son travail sans permission. Ce n’était pas la première fois qu’il rencontrait Mme Rioux ou d’autres fonctionnaires pendant les heures du travail. Le fonctionnaire s’estimant lésé a reçu une lettre disciplinaire en 1998 pour une absence non autorisée. Il a reçu une mesure disciplinaire de trois jours de suspension sans rémunération le 5 novembre 1999, une autre de cinq jours de suspension en 2000 et une de huit jours de suspension pour s’être absenté de son travail afin de rencontrer des enquêteurs pour discuter du dossier d’un employé.

65 Compte tenu que le fonctionnaire s’estimant lésé ne respectait pas les directives de l’employeur et qu’il continuait à s’absenter du travail sans autorisation, bien qu’il ait été réprimandé antérieurement, l’employeur était en droit de lui imposer une sanction sévère pour l’inciter à s’amender et lui faire comprendre sans changement, il devra subir des conséquences plus sévères. Dans les circonstances, la suspension de 20 jours sans rémunération était appropriée.

66 Le fonctionnaire s’estimant lésé a souligné qu’en septembre 2001, l’employeur avait établi un nouvel horaire de travail, soit de 8 h 15 à 16 h 30. Habituellement, le fonctionnaire s’estimant lésé bénéficiait d’un horaire flexible et débutait sa journée vers 9 h.

67 Les motifs des retards sont la maladie et les changements de l’horaire de travail. L’employeur n’a pas démontré que les 6 et 13 septembre 2001 les fonctionnaires exerçaient des moyens de pression. L’insistance des gestionnaires à obtenir la production d’un certificat médical pour une absence d’une ou deux heures était injustifiée dans les circonstances.

68 Le fonctionnaire s’estimant lésé a plaidé que c’était pour une raison valable qu’il avait rencontré Mme Rioux et Mme L’Heureux le 10 septembre 2001. Ils discutaient d’un document relatif à un sondage sur la dotation et qui provenait d’un organisme gouvernemental. Faudrait-il que les fonctionnaires répondent à des demandes portant sur des questions de l’organisation du travail (la dotation des postes) la fin de semaine ou en soirée? Selon lui, l’employeur manquait de cohérence.

69 Le fonctionnaire s’estimant lésé a souligné qu’en aucun temps au cours de ses années de travail l’employeur n’a eu à lui reprocher d’avoir tenu des propos offusquant envers les personnes de nationalité étrangère.

70 Selon le fonctionnaire s’estimant lésé, les gestionnaires n’ont pas tenu compte des explications qu’il avait fournies. Aucun collègue de travail avec lequel il discutait le 12 septembre 2001 n’a été offusqué par ses propos.

71 Sa rencontre du 27 septembre 2001 avec Mme Rioux s’explique par le fait que Mme Rioux était convoquée pour rencontrer l’employeur et qu’il se sentait concerné par cette rencontre.

72 En ce qui concerne sa réponse du 2 octobre 2001 pendant ses heures de travail, le fonctionnaire s’estimant lésé a fait remarquer qu’il répondait à une des questions de l’employeur.

73 Selon le fonctionnaire s’estimant lésé, il ne méritait pas qu’on lui impose une sanction représentant un mois de salaire.

Motifs

74 Les deux premiers reproches formulés contre le fonctionnaire s’estimant lésé portent sur deux retards et sur le fait que ce dernier n’a pas produit de certificat médical.

75 L’employeur a souligné que le ministère était en droit d’établir des exigences plus sévères quant à la remise d’un certificat médical pour justifier une absence en cas de maladie, car il y avait en 2001 un contexte de moyens de pression exercé par les fonctionnaires.

76 Les stipulations 35.02 et 35.03 de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, Service des programmes et de l’administration, date d’expiration : le 20 juin 2003, prévoient ce qui suit :

35.02 L’employé-e bénéficie d’un congé de maladie payé lorsqu’il ou elle est incapable d’exercer ses fonctions en raison d’une maladie ou d’une blessure, à la condition :

  1. qu’il ou elle puisse convaincre l’Employeur de son état de la façon et au moment que ce dernier détermine,

    et

  2. qu’il ou elle ait les crédits de congé de maladie nécessaires.

35.03 À moins d’indication contraire de la part de l’Employeur, une déclaration signée par l’employé-e indiquant que, par suite de maladie ou de blessure, il ou elle a été incapable d’exercer ses fonctions, est considérée, une fois remise à l’Employeur, comme satisfaisant aux exigences de l’alinéa 35.02a).

77 La stipulation 35.03 prévoit que généralement, une simple déclaration signée par l’employé satisfait aux exigences à moins d’indication contraire de la part de l’employeur. Compte tenu des circonstances, je conviens que, selon les arguments présentés par l’employeur, il pouvait exiger un certificat médical.

78 L’employeur n’a pas démontré qu’il y avait eu d’autres collègues de travail du fonctionnaire s’estimant lésé en retard et qu’ils avaient exercé des moyens de pression.

79 Le cas du fonctionnaire s’estimant lésé est un cas particulier. Il m’apparaît difficile que l’on puisse associer son retard à des moyens de pression. Il reste cependant que l’employeur était justifié d’appliquer la règle de l’exigence de la production d’un certificat médical.

80 Il faut cependant voir quelles sont les conséquences de la production d’un certificat médical. À la stipulation 35 de la convention collective, on y parle de bénéfices de congé de maladie. Si on ne satisfait pas aux exigences, on perd le bénéfice de congé de maladie ce qui a comme conséquence que l’employé n’a pas été rémunéré en utilisant le bénéfice de congé de maladie pour ses heures de retard.

81 Dans son courriel daté du 26 septembre 2001 (pièce E-18), l’employeur a rappelé au fonctionnaire s’estimant lésé qu’un congé non autorisé pouvait mener à des mesures disciplinaires.

82 Le fonctionnaire s’estimant lésé a indiqué qu’il refusait à produire plusieurs jours plus tard un certificat médical rétroactif; c’était son choix. Il devait cependant expliquer à l’employeur la raison pour laquelle il ne pouvait être puni pour ses deux retards.

83 Le fonctionnaire s’estimant lésé a indiqué qu’il s’était levé en retard; il souffrait d’une grippe à cette époque. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas établi qu’il était dans une situation invalidante au point de ne pouvoir se présenter au travail à l’heure.

84 En septembre 2001, les fonctionnaires exerçaient des moyens de pression. Le fonctionnaire s’estimant lésé aurait dû savoir que l’employeur exercerait plus de vigilance sur le respect de l’horaire de travail et il aurait dû faire tous les efforts pour être ponctuel et respecter l’horaire de travail. C’est donc davantage sur le fait d’avoir été en retard que le fonctionnaire s’estimant lésé méritait d’être puni.

85 Dans le cas de retards occasionnels, l’employeur doit déterminer s’il doit imposer ou non une sanction. Dans le présent cas, il y a deux retards en moins de deux semaines. Je crois que l’employeur était en droit d’imposer une mesure disciplinaire pour ces retards.

86 Relativement au troisième motif indiquant que le fonctionnaire s’estimant lésé s’était absenté de son poste de travail, le 10 septembre 2001, pour discuter d’un sondage sur la dotation avec Mme Rioux et Mme L’Heureux.

87 Le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas sans savoir qu’on lui avait déjà reproché de s’absenter de son travail pour discuter de questions non liées aux dossiers qu’il devait traiter.

88 Je comprends qu’il s’agissait d’un sondage sur la dotation, mais cela ne demandait pas une nécessité d’agir rapidement, et ce dès le 10 septembre 2001. Lorsque Mme Rioux l’a prévenu par téléphone, il aurait pu indiquer qu’il jugeait intéressant de discuter de cette question. Par la suite, il aurait pu chercher à obtenir la permission de l’employeur de se réunir pour discuter de cette affaire.

89 Le fonctionnaire s’estimant lésé aurait également pu aviser le SEIC pour que ce dernier établisse avec l’employeur un cadre de participation des employés.

90 Bien qu’il soit souhaitable que les employés participent à des enquêtes, cela doit s’effectuer dans un cadre spécifique et le fonctionnaire s’estimant lésé ne pouvait s’arroger le droit de façon spontanée de cesser son travail pendant près de 20 minutes sans autorisation préalable. Je retiens donc de la preuve que le fonctionnaire s’estimant lésé a commis la faute que l’employeur lui reproche à cet égard et que cette absence non autorisée de son poste de travail méritait une sanction disciplinaire.

91 Le même raisonnement s’applique au cinquième motif invoqué par l’employeur, soit le fait que le 27 septembre 2001 le fonctionnaire s’estimant lésé a quitté son poste de travail pour aller discuter avec Mme Rioux de la convocation que cette dernière avait reçue. Le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas un représentant syndical et ne pouvait s’arroger le droit de quitter son poste de travail pour consulter tel ou tel employé.

92 Même s’il avait été un représentant syndical, le fonctionnaire s’estimant lésé aurait dû s’assurer d’obtenir l’autorisation de son employeur avant de quitter son poste de travail, tel que le prévoit la stipulation 13.04a) de la convention collective qui se lit comme suit :

13.04

  1. Le représentant obtient l’autorisation de son surveillant immédiat avant de quitter son poste de travail soit pour faire enquête au sujet des plaintes de caractère urgent déposées par les employés-e-s, soit pour rencontrer la direction locale afin de régler des griefs et d’assister à des réunions convoquées par la direction. Une telle autorisation ne doit pas être refusée sans motif raisonnable. Lorsque c’est possible, le représentant signale son retour à son surveillant avant de reprendre l’exercice de ses fonctions normales.

93 Je conclu donc que cette absence non autorisée de son poste de travail le 27 septembre 2001 peut faire l’objet d’une mesure disciplinaire.

94 Relativement aux reproches d’avoir tenu des propos inappropriés sur les lieux de travail le 12 septembre 2001, j’ai examiné l’ensemble de la documentation et j’ai tenu compte de l’ensemble des témoignages relativement à l’incident du 12 septembre 2001. L’employeur, dans sa mesure disciplinaire, s’exprime ainsi (pièce E-1) :

[…]

Ces propos, tenus sur les lieux du travail alors que vous étiez au travail et prononcés de façon suffisamment claire et forte pour être entendus par d’autres personnes n’étant pas parties à la conversation, font preuve d’un manque de respect à l’égard des personnes d’origine arabe, de vos collègues de travail et de notre clientèle en générale.

En aucun temps de tels propos ne sauraient être tolérés au sein du CIC. Ces propos sont d’autant plus inacceptables qu’ils ont été prononcés au lendemain des attaques terroristes aux États-Unis. Par vos propos, vous avez offensé des collègues de travail et vous avez contrevenu au Code de déontologie de CIC, Région du Québec, au Code de conduite du Ministère, à sa politique de respect en milieu de travail, à la politique du Conseil du Trésor concernant le harcèlement en milieu de travail ainsi qu’à la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[…]

95 S’il considère les propos du fonctionnaire s’estimant lésé comme extrêmement répréhensible et contraire au Code de déontologie, au Code de conduite du Ministère, à la Politique de respect en milieu de travail et à la Loi canadienne sur les droits de la personne, l’employeur aurait dû tenir une enquête menée par des personnes spécialisées en cette matière.

96 À la suite de « l’enquête-maison » menée par les gestionnaires en place, l’employeur a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé avait fait le commentaire : « On a besoin de bien contrôler les Arabes. »

97 Il appert des déclarations faites par les témoins de l’incident :

  1. Qu’il y a eu discussion sur la catastrophe du 11 septembre 2001.
  2. Que M. Attab avait remis un cendrier au fonctionnaire s’estimant lésé qui servait à éteindre le feu des cigarettes.
  3. Que cette question du cendrier a été soulevée par le fonctionnaire s’estimant lésé lui-même dès le 12 septembre 2001.
  4. Que le fonctionnaire s’estimant lésé a parlé à Mme Rabie le 12 septembre 2001 et lui a indiqué qu’il avait parlé du contrôle du feu.
  5. Que trois personnes entourant le fonctionnaire s’estimant lésé ont déclaré que ce dernier avait parlé de feu et de la capacité de le contrôler.

98 Il est possible que Mme Rabie ait entendu des éléments de la conversation hors contexte. Elle ne faisait pas partie de la discussion et ne peut douter de sa bonne foi lorsqu’elle a rapporté des paroles qu’elle dit avoir entendues.

99 L’employeur, s’il avait mené une enquête indépendante, aurait pu retenir l’ensemble des témoignages des personnes qui étaient présentes lors de la discussion.

100 L’employeur aurait pu prendre sa décision en fonction du fait qu’il y avait une autre version de la discussion qui parlait du contrôle du feu et que la phrase prononcée avait été dite dans un contexte particulier.

101 Compte tenu de la preuve et des documents déposés, je ne peux arriver à la conclusion que le fonctionnaire s’estimant lésé a manqué de respect à l’égard des personnes d’origine arabe. Je ne peux non plus en venir à la conclusion que le fonctionnaire s’estimant lésé ait offensé ses collègues de travail. Je ne retiens donc aucun des éléments reprochés par l’employeur à cet égard, la preuve n’en ayant pas été probante.

102 Pour ce qui est de l’incident du 2 octobre 2001, l’employeur reproche au fonctionnaire s’estimant lésé d’avoir contrevenu à ses directives de ne pas s’occuper des questions reliées à son dossier personnel pendant les heures de travail. Le 2 octobre 2001 le fonctionnaire s’estimant lésé a fourni une réponse par courriel à la directrice pendant ses heures de travail alors que cette dernière avait demandé de lui répondre après 17 h 30.

103 Dans son témoignage, Mme Gignac a mentionné qu’il était souvent difficile de rencontrer le fonctionnaire s’estimant lésé car la section locale était en tutelle et que le fonctionnaire s’estimant lésé disait avoir un problème de représentation syndicale.

104 Dans son courriel du 1er octobre 2001 (pièce E-17), le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré : « Comme vous le savez, je suis dans l’impossibilité d’obtenir de mon syndicat une représentation juste et équitable. Dans ces circonstances, je vous demande de me faire parvenir par écrit vos questions afin que j’y réponde sans ambiguïté. »

105 Les échanges de correspondance alourdissaient, à mon sens, les relations entre les gestionnaires et le fonctionnaire s’estimant lésé.

106 Si le fonctionnaire s’estimant lésé avait des problèmes de représentation syndicale, il avait intérêt à régler cette question avec son syndicat régional ou auprès des autres instances de l’AFPC. La preuve sur l’incident du 2 octobre 2001 ne me permet pas de juger si le fonctionnaire s’estimant lésé aurait pu ou non obtenir du temps pour répondre à sa gestionnaire. Je ne retiens donc pas cet élément de reproche à l’égard du fonctionnaire s’estimant lésé.

107 Dans l’ensemble de la preuve sur les faits reprochés (pièce E-1), je retiens que l’employeur a fait la preuve des reproches reliés aux retards des 6 et 12 septembre 2001. Il en est de même relativement aux reproches reliés aux absences de son poste de travail les 10 et 27 septembre 2001. Les faits reprochés précédemment justifie l’employeur d’imposer une sanction disciplinaire.

108 Compte tenu de l’ensemble de la preuve, le reproche relativement aux paroles prononcées le 12 septembre 2001 et le reproche relativement à l’écrit fait le 2 octobre 2001 ne peuvent être retenus comme éléments justifiant la sanction disciplinaire imposée par l’employeur.

109 Le fonctionnaire s’estimant lésé s’est vu imposer antérieurement à septembre 2001 trois sanctions disciplinaires :

  1. une sanction disciplinaire de trois jours le 5 novembre 1999; cette sanction fut réduite à un jour (décision 2007 CRTFP 37);
  2. une sanction disciplinaire de cinq jours le 2 juin 2000. Le grief du fonctionnaire s’estimant lésé a été présenté hors délai et l’arbitre de grief a jugé qu’il n’avait pas juridiction (décision 2007 CRTFP 15);
  3. une sanction disciplinaire de huit jours le 1e juin 2001; cette sanction fut réduite à six jours (décision 2007 CRTFP 38).

110 Dans le présent cas, dans un mois de travail le fonctionnaire s’estimant lésé est arrivé en retard deux fois et s’est absenté de son poste de travail sans autorisation deux fois.

111 Je suis préoccupé par la persistance du fonctionnaire s’estimant lésé à s’arroger le droit de s’absenter du bureau pour tout problème dont il est témoin ou pour toute aide pour laquelle il est sollicité. L’employeur a fait référence au fait que le fonctionnaire s’estimant lésé s’était antérieurement absenté sans justification.

112 Je crois que le fonctionnaire s’estimant lésé devra s’amender et qu’il devra comprendre qu’il ne peut de son chef décider de s’absenter de son travail.

113 Même si les sanctions disciplinaires antérieures ont été réduites par des décisions arbitrales, je crois que dans le présent cas une sanction sévère devrait être imposée par l’employeur.

114 Pour l’ensemble des faits reprochés au fonctionnaire s’estimant lésé, l’employeur lui a imposé le 16 octobre 2001 une mesure disciplinaire de 20 jours. Il est difficile de déterminer quelle partie de la sanction correspond à chacun des reproches formulés par l’employeur.

115 J’ai indiqué précédemment que les incidents du 12 septembre 2001 et du 2 octobre 2001 ne peuvent être retenus comme éléments justifiant une sanction disciplinaire.

116 Pour l’ensemble des considérations mentionnées précédemment, je modifie la sanction disciplinaire de l’employeur en y substituant une sanction de 15 jours.

117 Même si j’ai réduit la sanction imposée par l’employeur, le fonctionnaire s’estimant lésé doit comprendre qu’il ne peut s’absenter sans obtenir d’autorisation et qu’il doit respecter les directives de l’employeur; sinon, il devra en subir les conséquences.

118 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

119 Le grief est accueilli en partie. La sanction imposée par l’employeur est modifiée et je la réduis à une suspension équivalant à 15 jours sans traitement. L’employeur doit rembourser au fonctionnaire s’estimant lésé les montants équivalant à cinq jours de traitement et les avantages appropriés.

Le 27 avril 2007

Jean-Pierre Tessier,
arbitre de grief

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