Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés, tous des conseillers régionaux de programmes (CRP), ont été reclassifiés à la suite d’un très long processus de révision du groupe et du niveau PM-4 aux groupe et niveau PM-5 à compter d’août 2001, date qui a été choisie en fonction de la politique prévoyant une année de rétroactivité à partir de la date à laquelle a commencé la révision officielle des postes de CRP - les fonctionnaires s’estimant lésés ont soutenu qu’il aurait été plus approprié de fixer la date d’entrée en vigueur à juin 2000 - ils étaient d’avis que la date choisie par la direction était arbitraire et qu’elle était due à la décision du ministère de réviser des postes autres que les postes de CRP pendant la première phase de la révision des postes menée à l’échelle du ministère - les fonctionnaires s’estimant lésés ont plaidé en faveur du mois de juin 2000 parce qu’il s’agit du mois où la direction a appuyé leur décision de reformuler leur description de travail - les fonctionnaires s’estimant lésés étaient d’avis que la date d’entrée en vigueur de tous les postes révisés devrait être la même et que celle-ci ne devrait pas dépendre du fait qu’un poste a été révisé au début ou à la fin du processus de révision - les griefs ont été déposés à titre de griefs portant sur la date d’entrée en vigueur et ne font nullement mention de l’article de rémunération provisoire contenu dans la convention collective - les réponses au grief ne font aucune référence au droit à une rémunération provisoire - l’employeur a contesté la compétence de l’arbitre de grief d’instruire les griefs, en faisant valoir qu’ils portaient sur des questions de classification et non de rémunération provisoire - l’arbitre de grief a statué qu’il n’existait aucun élément de preuve démontrant que la rémunération provisoire était une question réelle entre les parties au cours de la procédure de règlement des griefs - le principe adopté dans Burchill c. Procureur général [1980] A.C.F. no 97 (QL) s’applique aux griefs et l’arbitre de grief a statué qu’il n’avait pas compétence pour les instruire - l’arbitre de grief a exprimé des doutes quant à savoir si la disposition de la rémunération provisoire s’appliquait dans de tels cas - une situation provisoire doit être de nature temporaire tandis que dans l’affaire en l’espèce, les tâches n’ont pas été affectées de façon temporaire ou intérimaire - de plus, l’arbitre de grief a déterminé que même s’il avait compétence relativement aux griefs, il ne pourrait accorder un redressement puisque la réparation maximale autorisée dans Canada (Office national du film) c. Coallier, [1983] A.C.F. no 813 (C.A.F.) (QL) a déjà été accordée. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-05-16
  • Dossier:  166-02-36478 à 36496
  • Référence:  2007 CRTFP 51

Devant un arbitre de grief


ENTRE

KATHERINE A. BABIUK ET AL.

fonctionnaires s'estimant lésés

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration)

employeur

Répertorié
Babiuk et al. c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration)

Affaire concernant des griefs renvoyés à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Barry D. Done, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
Erna Post, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Neil McGraw, avocat

Affaire entendue à Toronto (Ontario),
les 8 et 9 février 2007.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

I. Griefs renvoyés à l'arbitrage

1 Katherine A. Babiuk fait partie d'un groupe de 19 fonctionnaires s'estimant lésés qui ont déposé un grief pour contester la date d'entrée en vigueur de la classification de leurs postes. Les fonctionnaires s'estimant lésés travaillent comme conseillers régionaux de programmes (CRP) au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration dans la région de l'Ontario. Après un très long examen des postes, on a décidé de reclassifier les fonctionnaires s'estimant lésés du groupe et niveau PM-4 au groupe et niveau PM-5, à compter du 30 août 2001. Dans leurs griefs, qu'ils ont présentés entre le 30 juin et le 5 juillet 2004, les fonctionnaires s'estimant lésés font valoir qu'il aurait été plus approprié de fixer la date d'entrée en vigueur en juin 2000.

2 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ces renvois à l'arbitrage de grief doivent être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (« l'ancienne Loi »).

3 Les parties ont chacune appelé deux témoins et ont déposé 23 pièces.

4 À l'ouverture de l'audience, j'ai entendu des observations concernant ma compétence en l'espèce. J'ai décidé de remettre à plus tard ma décision à ce sujet et d'entendre les arguments sur le bien-fondé de l'affaire.

II. Résumé de la preuve

5 Joseph Carelli (l'un des fonctionnaires s'estimant lésés) est entré en fonctions à Main-d'ouvre et Immigration (qui était le nom du ministère à l'époque) en 1972 et a commencé à travailler au bureau régional au début des années 1980. Il a commencé à travailler en tant que spécialiste de programmes (poste qui aujourd'hui est celui de CRP) en 1982. En tant que membre d'un groupe de travail régional qui examinait à la fois une description de travail à jour pour les CRP et une reclassification possible des postes durant l'été 2000, M. Carelli était au courant du contenu de documents qui circulaient sur les questions se rapportant à la relativité entre les conseillers régionaux et nationaux de programmes et entre les postes à son ministère et ceux à l'administration des douanes.

6 Déjà le 16 mai 2000 (pièce 3, courriel de la section de classification adressé à Pierre Gaulin, directeur, Établissement et points d'entrée), le ministère a inclus les CRP dans une liste des postes à réexaminer. Forts de cette assurance, les CRP ont décidé de créer un groupe de travail pour passer en revue leur description de travail durant l'été 2000 et ont demandé à ce que des membres de leur groupe professionnel se portent volontaires pour en faire partie.

7 M. Carelli a dit que le travail des CRP avait changé en ce sens qu'au lieu de se concentrer sur l'examen des dossiers et la formulation de recommandations concernant les décisions à prendre, ils étaient appelés davantage à procéder à des vérifications de la conformité et d'assurance de la qualité des dossiers. Les fonctions étaient devenues plus complexes, et il fallait notamment s'absenter du bureau pour rendre visite à des gestionnaires et définir les besoins de formation.

8 Au 30 août 2000, le groupe de travail avait élaboré une description de travail (pièce 5, courriel envoyé par M. Gaulin à la section de classification) et avait demandé à un agent de classification d'indiquer ce qu'il pensait des fonctions et du niveau de classification du poste. Cette description de travail n'était que la première de [traduction] « très nombreuses ébauches », et le groupe s'attendait à recevoir une décision declassification en quelques mois, et non pas en quatre ans, et à ce que la rémunération des postes corresponde à toute reclassification à compter de l'été 2000.

9 À l'automne 2001, le groupe n'avait rien entendu à la suite des efforts qu'il avait faits (pièce 6) et il était préoccupé par la lenteur du processus.

10 Le 8 juin 2004, une nouvelle description de travail (pièce 7) a été signée par la direction comme étant exacte, et M. Carelli a approuvé son contenu. Ce dernier a affirmé que les fonctions décrites dans cette description de travail reflétaient les fonctions accomplies par les CRP depuis juin 2000.

11 Après que le ministère eut fixé la date d'entrée en vigueur de la reclassification des postes de CRP, le groupe de travail a préparé la pièce 8 en vue de son utilisation dans le cadre du processus de présentation de griefs, pour montrer comment des activités clés contenues dans la nouvelle description de travail étaient accomplies déjà en juin 2000. M. Carelli n'était pas en mesure de fournir beaucoup de détails au sujet d'un grand nombre des activités clés, car il n'avait pas lui-même accompli un grand nombre d'entre elles ou ne l'avait fait que dans une très faible mesure.

12 M. Carelli a expliqué que les fonctionnaires s'estimant lésés sont mécontents de la décision du ministère de fixer la date d'entrée en vigueur de la reclassification vers le haut au 30 août 2001 au motif qu'il s'agit d'une date arbitraire qui est attribuable à la décision du ministère d'inclure certains postes à la phase 1 de l'examen, tout en excluant les CRP. Il estime que la date d'entrée en vigueur devrait être la même pour tous les titulaires des postes reclassifiés vers le haut, peu importe que leur poste ait été révisé au début ou à la fin du processus.

13 Durant le contre-interrogatoire, M. Carelli a affirmé que le groupe de travail se composait strictement de CRP et était dirigé par les employés, même s'il estimait que la direction avait reconnu que leurs fonctions avaient changé. Un examen à l'échelle du ministère a été entrepris en 2000 (pièce 14, courriel en date du 21 décembre 2000), avec la création d'un comité directeur national en septembre et l'identification des groupes qui feraient l'objet d'un examen durant la phase 1. Les CRP ne faisaient pas partie de la phase 1.

14 M. Carelli savait à l'été 2002 que le 31 août 2001 était la date d'entrée en vigueur choisie par l'employeur, mais il n'a pas présenté de grief concernant la rémunération d'intérim. Les fonctionnaires s'estimant lésés ont choisi le mois de juin 2000 comme le mois où devrait être fixée la date d'entrée en vigueur parce que c'est le mois où l'on a appuyé leur décision de reformuler la description de travail et de créer un groupe de travail. La pièce 5 montre que la direction, par l'intermédiaire de M. Gaulin, a accepté que la description de travail soit reformulée.

15 Carmine Cicci (l'un des fonctionnaires s'estimant lésés) a pris sa retraite du ministère en juin 2005; il ne faisait pas partie du groupe de travail des CRP. En mars 2002, il avait déposé trois griefs : 1) pour se plaindre du fait qu'on ne lui avait pas fourni un exposé des fonctions complet et à jour; 2) pour contester sa classification en tant que PM-4; 3) parce qu'il n'avait pas touché une rémunération d'intérim. Dans une note de service qui accompagnait les griefs, il a demandé que ses griefs concernant le non-versement d'une rémunération d'intérim et contestant sa classification ne soient pas soumis à l'arbitrage avant que l'on ait statué sur le grief dans lequel il se plaignait de ne pas avoir reçu un exposé des fonctions complet et à jour.

16 Le 11 août 2004, après la reclassification de son poste (pièce 19), M. Cicci a reçu une réponse à son grief de classification, qui a été rejeté au motif qu'il était tardif.

17 Durant le contre-interrogatoire, M. Cicci a dit qu'il a abandonné ses griefs antérieurs (pièce 18) et les a remplacés par le nouveau grief contestant la date d'entrée en vigueur de la reclassification, qui fait l'objet de la présente audience.

18 Michael Smith est conseiller principal en politiques et est responsable de la classification des postes de cadres supérieurs. Même si, traditionnellement, les postes étaient examinés tous les quatre ou cinq ans, ces examens ont été reportés en attendant la mise en ouvre de la Norme générale de classification (NGC), qui a fini par être abandonnée. Quand la NGC a été abandonnée, le ministère a dû se pencher sur les postes dont la révision se faisait attendre depuis longtemps. Il s'agissait d'un processus long et complexe compte tenu du fait que les ressources étaient très limitées et que le budget était restreint, mais [traduction] « les pressions en matière de classification augmentaient ». La pièce 20 montre les cinq premiers groupes de postes qui devaient être examinés, dont le premier à lui seul incluait 1 700 postes. Les postes de CRP figuraient sur la liste des postes qui seraient examinés plus tard, à une date indéterminée.

19 La pièce 21 est un dossier d'évaluation signé par les évaluateurs des postes de CRP montrant la date d'entrée en vigueur fixée au 30 août 2001 et la justification de la nouvelle classification. Selon M. Smith, qui partageait la responsabilité de l'examen des CRP avec un autre consultant, le choix du 30 août 2001 était basé sur une politique prévoyant une année de rétroactivité à partir de la date à laquelle commençait l'examen officiel des postes de CRP.

20 Durant le contre-interrogatoire, M. Smith a affirmé qu'on a probablement commencé par examiner les postes des gestionnaires et superviseurs. Le nombre des postes de CRP examinés était d'environ 40 à 45, par opposition aux 1 700 postes de PM-2 relevant des programmes régionaux. Il a admis que l'examen des postes d'un groupe plus restreint aurait été un projet plus facile, surtout si ce groupe disposait d'un exposé des fonctions signé et mis à jour

21 Lorsqu'on lui a demandé s'il pensait que la date du 30 août 2001 comme date d'entrée en vigueur était une date arbitraire compte tenu du fait que le poste avait évolué avec le temps, M. Smith a répondu qu' [traduction] « il était très difficile de déterminer qui accomplissait les fonctions et quand ces fonctions avaient été assignées aux employés ».

22 Wilma Jenkins est directrice régionale, Établissement et affaires intergouvernementales, dans la région de l'Ontario. Elle était membre du Comité national de classification qui a recommandé les postes à examiner de même que l'ordre dans lequel ils devaient être examinés. La pièce 22 illustre ces choix : les priorités 1 à 8 étaient des postes de gestionnaire, et les CRP suivaient en tant que priorité 9. La pratique consistant à examiner d'abord les postes de gestionnaire (approche « descendante ») était sage, puisqu'il était difficile de réviser la classification d'un gestionnaire une fois que les postes qui relèvent de ce gestionnaire avaient été examinés. D'après la pièce 23, un document faisant le point sur l'examen national de classification, c'est seulement le 16 août 2002 que la phase 2 du processus a commencé, et cette phase incluait les postes de CRP.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour les fonctionnaires s'estimant lésés

23 Les fonctionnaires s'estimant lésés ont prouvé qu'ils accomplissaient des fonctions à un niveau plus élevé depuis juin 2000. La preuve montre que les fonctions à accomplir étaient nettement plus complexes. Ce sont ces changements, que la direction accepte, qui avaient nécessité une nouvelle description de travail et qui étaient à l'origine de la reclassification au groupe et niveau PM-5.

24 Les deux témoins de l'agent négociateur ont déclaré, durant leur témoignage, que la pièce 7 est une description de travail exacte et qu'elle décrit bien les fonctions accomplies par les fonctionnaires s'estimant lésés depuis juin 2000.

25 L'inclusion du « Programme de cautionnements à Toronto », qui était un nouveau programme lancé en 1999 (pièce 9), et du programme « Passeport pour la réussite en affaires au Canada » (pièce 11), un autre programme nouveau, montre que les fonctionnaires s'estimant lésés se livraient davantage à des activités faisant intervenir d'autres paliers gouvernementaux, au niveau provincial et municipal. Cela prouve que les CRP accomplissaient un nombre considérable de fonctions à un niveau supérieur.

26 Le temps que le ministère a mis pour examiner les fonctions des CRP a pénalisé les fonctionnaires s'estimant lésés et a été suivi d'une décision, basée sur la politique de rétroactivité d'un an, de ne pas accorder la rétroactivité demandée.

27 Rien dans la pièce 21 ne prouve que les fonctions additionnelles n'étaient pas accomplies avant le 30 août 2001.

28 La représentante des fonctionnaires s'estimant lésés a présenté les cas suivants à l'appui de ses arguments : Cairns et al. c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CRTFP 130; Stagg c. Canada (Conseil du Trésor), [1993] A.C.F. no 1393 (C.F. 1re inst.); Woodward c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans Canada), 2000 CRTFP 44; et Charpentier et Trudeau. c. Conseil du Trésor (Environnement Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-26197 et 26198 (19970131).

29 En conclusion, la représentante des fonctionnaires s'estimant lésés a déclaré que j'avais compétence en l'espèce. L'employeur n'a pas prouvé que les fonctionnaires s'estimant lésés n'accomplissent pas les nouvelles fonctions depuis juin 2000. L'essence des griefs soumis n'a pas été modifiée. Par conséquent, les fonctionnaires s'estimant lésés demandent à toucher une rémunération d'intérim en conformité avec le redressement accordé dans Canada (Office national du film) c. Coallier, [1983] A.C.F. no 813 (C.A.F.), au minimum, ou à compter de juin 2000.

B. Au nom de l'employeur

30 Étant donné que ce cas est similaire à celui décrit dans Cairns et al., je devrais me fonder sur les conclusions auxquelles on en est arrivé dans ce cas, à moins qu'il n'y ait de bonnes raisons de ne pas le faire.

31 En ce qui concerne les griefs que j'ai devant moi, la question de rémunération est secondaire à la véritable question de la classification. On ne peut donner aux griefs une interprétation à ce point large qu'ils incluent la question de la rémunération d'intérim. À aucun moment durant la procédure de règlement des griefs n'a-t-il été question de rémunération d'intérim.

32 En 2002, M. Cicci a déposé un grief demandant une rémunération d'intérim, grief qu'il a abandonné par la suite. Ce grief antérieur renfermait le libellé traditionnel concernant la rémunération d'intérim - ce libellé est absent des griefs ici.

33 L'avocat de l'employeur a déclaré que je n'ai pas compétence en la matière pour établir quelle aurait été la classification appropriée de juin 2000 au 30 août 2001.

34 Même s'il s'agissait de griefs exigeant une rémunération d'intérim, ils ont été déposés en 2004, et les fonctionnaires s'estimant lésés peuvent uniquement demander un redressement de 25 jours. Ils ont déjà bénéficié d'une rétroactivité complète d'un an.

35 Tout ce que le ministère avait convenu de faire était d'effectuer un examen de classification et non pas, comme les fonctionnaires s'estimant lésés aimeraient le penser, un exercice de reclassification.

36 La date fixée en juin 2000 est une date arbitraire. Les CRP n'avaient pas été inclus dans la phase 1 de l'examen, mais ils n'ont pas déposé de griefs à ce moment-là. C'est seulement en août 2002 que la direction a décidé d'examiner les postes de CRP.

37 Les fonctionnaires s'estimant lésés ne peuvent affirmer qu'ils ne comprenaient pas la procédure de règlement des griefs et que l'on ne devrait pas invoquer le libellé de leurs griefs à leur encontre. Ils étaient représentés par un agent négociateur expérimenté tout au long du processus.

38 Il n'y a pas de preuve selon laquelle l'ordre dans lequel les groupes ont été examinés était soit déraisonnable, soit injuste.

39 L'on ne connaît pas le nombre d'activités clés qui étaient déjà contenues dans l'exposé des fonctions antérieur. Ni n'y a-t-il de preuve que la description de travail créée par le groupe de travail en août 2000 était celle adoptée à des fins de discussion par la direction en 2003 et signée en 2004.

40 Ces faits sont différents de ceux dans Cairns et al. Les fonctions ont changé avec le temps, plutôt que d'être imposées à un point fixe par une nouvelle loi, comme ce fut le cas dans Cairns et al. Les faits dans Charpentier et al. sont également différents, puisqu'il s'agissait de griefs exigeant une rémunération d'intérim, contrairement au libellé utilisé dans les griefs en l'espèce portant strictement sur la rétroactivité de la classification.

41 Le seul élément significatif quant à la décision de fixer en juin 2000 la date appropriée pour la rétroactivité est que juin est le mois où l'employeur a appuyé l'idée d'un groupe de travail qui se chargerait d'examiner des changements à apporter à la description de travail. Même la première ébauche du groupe de travail n'a pas été approuvée par l'employeur.

42 À l'appui de ses arguments, l'avocat a présenté les cas suivants : Gvildys c. Conseil du Trésor (Santé Canada), 2002 CRTFP 86; Nagle c. Conseil du Trésor (Consommation et Corporations), dossier de la CRTFP 166-02-21445 (19911202); et Coallier.

C. Réplique des fonctionnaires s'estimant lésés

43 L'arbitre de grief D.R. Quigley a déterminé qu'il avait compétence dans Cairns et al.

44 Le délai de présentation en l'espèce s'explique par le fait que l'examen effectué dans la région de l'Ontario s'est inscrit dans le cadre d'un examen national de plus grande envergure. Les fonctionnaires s'estimant lésés voulaient régler leurs préoccupations en collaborant avec la direction, plutôt qu'en présentant des griefs.

IV. Motifs

45 L'employeur a élevé une objection en affirmant que je n'ai pas compétence pour entendre ces griefs. Or, l'alinéa 92(1)a) de l'ancienne Loi prévoit le renvoi à l'arbitrage d'un grief au sujet de l'application d'une disposition d'une convention collective :

92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur

  1. l'interprétation ou l'application, à son endroit,d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale

46 L'employeur fait valoir que ces griefs concernent essentiellement une question de classification et non pas une question de rémunération d'intérim. De plus, étant donné que la question faisant l'objet du grief se limite strictement à la date de classification, pour pouvoir accorder le redressement demandé, je serais obligé de me pencher sur ce qui aurait été la classification appropriée en juin 2000. Je n'ai pas le pouvoir de faire cela.

47 D'un autre côté, la représentante des fonctionnaires s'estimant lésés affirme que ces griefs concernent l'application de la stipulation 64.07a) de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada pour le groupe Services des programmes et de l'administration (date d'expiration : 20 juin 2003) (pièce 1) :

64.07

a)  Lorsque l'employé-e est tenu par l'Employeur d'exécuter à titre intérimaire une grande partie des fonctions d'un niveau de classification supérieur et qu'il ou elle exécute ces fonctions pendant au moins trois (3) jours de travail ou postes consécutifs, il ou elle touche, pendant la période d'intérim, une rémunération d'intérim calculée à compter de la date à laquelle il ou elle commence à remplir ces fonctions, comme s'il ou elle avait été nommé à ce niveau supérieur.

48 Ces griefs ne mentionnent aucunement une rémunération d'intérim. Ni ne lit-on dans les réponses aux griefs versées au dossier que les employés ont droit à une rémunération d'intérim.

49 Il n'y a aucune preuve que la rémunération d'intérim constituait une question réelle entre les parties lorsque ces griefs ont été entendus. En vertu de l'ancienne Loi, ce sont les griefs ayant trait à l'interprétation ou l'application, à l'endroit d'un employé, d'une disposition d'une convention collective qui peuvent être renvoyés à l'arbitrage (alinéa 92(1)a)). Après avoir entendu la preuve, je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que la disposition particulière (rémunération d'intérim) sur laquelle se fonde maintenant l'agent négociateur ait été soulevée durant la procédure de règlement des griefs.

50 Je dis « sur laquelle se fonde maintenant l'agent négociateur » puisque, selon la preuve, il ne semble pas que l'on se soit fondé sur cette disposition durant les discussions entre les parties aux divers paliers de règlement des griefs. C'est précisément sur une telle situation qu'a statué la Cour d'appel fédérale dans Burchill c. Procureur général, [1980] A.C.F. no 97 (QL) :

[…]

¶5      À notre avis, après le rejet de son seul grief présenté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le requérant ne pouvait présenter à l'arbitrage un nouveau grief ou un grief différent, ni transformer son grief en un grief contre une mesure disciplinaire entraînant le congédiement au sens du paragraphe 91(1). En vertu de cette disposition, seul un grief présenté et réglé conformément à l'article 90 ou visé à l'alinéa 91(1)a) ou b) peut être renvoyé à l'arbitrage. À notre avis, puisque le requérant n'a pas énoncé dans son grief la plainte dont il aurait voulu saisir l'arbitre, à savoir que sa mise en disponibilité n'était, en vérité, qu'une mesure disciplinaire camouflée, rien ne vient donner à l'arbitre compétence pour connaître du grief en vertu du paragraphe 91(1). Par conséquent, l'arbitre n'a pas compétence.

[…]

51 Tandis que le changement de position dans Burchill était un changement plus radical que le changement de position dans les griefs en l'espèce, le principe général suivant lequel on ne peut changer d'avis à mi-chemin continue de s'appliquer. Pour que les procédures de règlement des griefs fonctionnent et permettent de résoudre rapidement et sans formalités les plaintes en milieu de travail et pour favoriser de solides relations de travail, il est fondamental que la question à l'origine du grief soit exprimée en des termes on ne peut plus clairs. Comment les parties peuvent-elles aller de l'avant si elles présentent un cas à l'employeur et un autre cas, auquel on n'a pas encore répondu, à un arbitre de grief?

52 Pour ces motifs et ceux exprimés dans Burchill, je conclus que je n'ai pas la compétence voulue pour entendre ces griefs.

53 Cependant, il y a un autre aspect de ces griefs que je trouve troublant et sur lequel je me sens obligé de m'exprimer : Qu'est-ce qui donne droit et qu'est-ce qui ne donne pas droit à la rémunération d'intérim?

54 Peut-être l'obstacle le plus difficile qui se présente lorsqu'on cherche à définir le droit à la rémunération d'intérim à la lumière des faits ici est la disposition proprement dite sur la rémunération d'intérim, et plus particulièrement, sans pour autant s'y limiter, l'expression « à titre intérimaire ».

55 Cette expression n'est pas définie comme une expression nouvelle dans la convention collective. Elle a survécu à un certain nombre de renouvellements dans le contexte d'une série de séances de négociation collective, et on peut supposer qu'elle a une certaine signification et une certaine importance aux fins d'interpréter et d'appliquer la disposition sur la rémunération d'intérim. Pour cette raison, je suis obligé d'examiner si ces mots ont une quelconque incidence sur ce droit.

56 Le terme « à titre intérimaire » n'est pas défini dans la convention collective, mais je l'interprète comme voulant dire que l'exécution des fonctions est de nature temporaire par opposition à une exécution continue des fonctions. L'expression « une rémunération d'intérim » [je souligne] décrit bien la situation. Par ailleurs, je me fie à deux définitions que l'on trouve dans deux règlements de la fonction publique qui montrent bien la nature temporaire d'une situation d'intérim :

  1. Règlement sur les conditions d'emploi dans la fonction publique, DORS/2005-334 :

    Désigne le fait, pour un fonctionnaire, d'exercer temporairement les fonctions d'un autre poste;

  2. Règlement sur les conditions d'emploi dans la fonction publique, Annexe A de la Politique sur les conditions d'emploi du Conseil du Trésor :

    Une affectation intérimaire désigne la situation du fonctionnaire qui doit remplir temporairement les fonctions d'un niveau de classification supérieur.

57 Si je regarde les faits que l'on m'a présentés, selon la preuve, les fonctions et responsabilités ont évolué au fil du temps. Il est clair également que lorsque ces fonctions ont évolué, elles n'ont été attribuées ni temporairement, ni provisoirement. En réalité, les fonctionnaires s'estimant lésés affirment qu'ils accomplissent ces fonctions depuis juin 2000 et qu'ils continuent de les exécuter sans qu'il n'y ait une date prévue à laquelle ils arrêteront de le faire. Si les fonctionnaires s'estimant lésés ont raison de dire que ce sont ces fonctions qui justifiaient une classification plus élevée - en les faisant passer de PM-4 à PM-5 - l'on ne peut avoir souhaité que celles-ci soient de nature temporaire ni même avoir considéré qu'elles l'étaient.

58 Cela soulève une question qui est au cour de mes délibérations : Peut-on dire que quelqu'un « assure l'intérim » dans son propre poste? Plus particulièrement, lorsqu'un employé se voit confier de nouvelles fonctions de façon permanente - des fonctions qui sont incluses dans la description de travail de son poste d'attache, peut-on réellement caractériser l'exécution de ces fonctions comme étant « à titre intérimaire »?

59 Je ne pense pas.

60 Toute question de rémunération qui découle d'une telle situation doit être liée à la classification et non pas à la rémunération d'intérim.

61 La stipulation 64.07 de la convention collective est censée prévoir une rémunération, dans des circonstances limitées, au profit de ceux qui agissent par intérim : « il touche, pendant la période d'intérim, une rémunération d'intérim calculée à compter de la date à laquelle il commence à remplir ces fonctions, comme s'il avait été nommé à ce niveau supérieur » [je souligne].

62 Pour tous ces motifs, si j'avais décidé que j'avais compétence, j'aurais statué que les fonctionnaires s'estimant lésés dans la présente affaire n'ont pas droit à une rémunération en vertu de la stipulation 64.07 de la convention collective étant donné qu'ils n'ont pas agi de façon intérimaire. Cependant, si j'avais établi qu'ils avaient prouvé qu'ils avaient droit à une rémunération d'intérim, je n'aurais pas pu accorder un redressement étant donné que le redressement maximal autorisé dans Coallier avait déjà été dépassé par la rétroactivité d'un an.

63 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

64 Les présents griefs sont rejetés.

Le 16 mai 2007.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Barry D. Done,
arbitre de grief


Dossier de la CRTFP                               Fonctionnaire s'estimant lésé

166-02-36478                                          Katherine A. Babiuk

166-02-36479                                          Elisete Bettencourt

166-02-36480                                          Joseph Carelli

166-02-36481                                          Josephine Chung

166-02-36482                                          Carmine Cicci

166-02-36483                                          Fiona Corbin

166-02-36484                                          Diana Dwyer

166-02-36485                                          Grace Hsu-Holmes

166-02-36486                                          Walter Klein

166-02-36487                                          Cara Lee Laberge

166-02-36488                                          Christine Mamcarz

166-02-36489                                          Lynn Murrell

166-02-36490                                          Peter Ng-Yuen

166-02-36491                                          Betty Louise Robinson

166-02-36492                                          Colette Snyder

166-02-36493                                          Virginia M. Trevurza

166-02-36494                                          Gerhard W.T. Volkening

166-02-36495                                          Julie J. Wassif-Suleiman

166-02-36496                                          Marilyn Ziedenberg

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