Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Interprétation - Représentation - Enquête disciplinaire - Unité de négociation du groupe Médecine vétérinaire Le fonctionnaire s’estimant lésé a participé à un concours en vue d’obtenir une promotion - il a utilisé l’Internet pendant un examen sans documentation sans le dire au surveillant - l’employeur a convoqué le fonctionnaire s’estimant lésé à une rencontre dont le but était de discuter de ce qui s’était produit - le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que l’employeur lui avait nié le droit d’être représenté par son agent négociateur lors de cette rencontre, contrairement à ce que prévoit la convention collective - l’arbitre de grief a statué que la rencontre était de nature administrative et qu’elle avait été convoquée dans le but de recueillir des renseignements auprès du fonctionnaire s’estimant lésé dans le cadre de l’enquête - la convention collective ne prévoit aucun droit à une représentation au cours d’une enquête disciplinaire. Grief rejeté. Suspension (15 jours) - Mesure de dotation - Examen sans documentation - Utilisation non autorisée de l’Internet - Crédibilité Le fonctionnaire s’estimant lésé a participé a un concours en vue d’obtenir une promotion - il a utilisé l’Internet pendant un examen sans documentation sans le dire au surveillant - l’employeur lui a imposé une suspension sans rémunération de 15 jours - l’arbitre de grief a statué que l’Internet est un outil externe qui est en tout point semblable à une mallette remplie de documents - il en est arrivé à la conclusion que l’explication fournie par le fonctionnaire s’estimant lésé pour justifier son utilisation de l’Internet n’était pas plausible - il a statué que le fonctionnaire s’estimant lésé avait délibérément utilisé l’Internet sans le dire au surveillant, sachant qu’il en tirerait un avantage sur les autres candidats - la suspension de 15 jours était raisonnable dans les circonstances. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-07-05
  • Dossier:  166-32-37165 et 37166
  • Référence:  2007 CRTFP 67

Devant un arbitre de grief


ENTRE

GRAHAM EDWARD HICKLING

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS

employeur

Répertorié
Hickling c. Agence canadienne d'inspection des aliments

Affaire concernant des griefs renvoyés à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Paul Love, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Evan M. Heidinger, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour les défendeurs:
Simon Kamel, avocat

Affaire entendue à Victoria (Colombie-Britannique),
les 5 et 6 décembre 2006.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

I. Griefs renvoyés à l'arbitrage

1 Graham Edward Hickling (le « fonctionnaire s'estimant lésé ») occupe un poste d'agent vétérinaire de district, classé VM-02, au bureau de Victoria (Colombie-Britannique) de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (l'« Agence »). Il s'est vu imposer une suspension de 15 jours sans traitement pour s'être servi de l'Internet et avoir coupé et collé des renseignements dans ses réponses au cours d'un examen sans documentation qu'il a fait dans le cadre d'un concours pour le poste de vétérinaire régional. Il conteste cette suspension dans les termes suivants dans le dossier de la CRTFP 166-32-37165 :

[Traduction]

[…]

Dans une lettre datée du 18 mars 2005, V. McEachern, mon directeur régional, m'a informé de ma suspension sans traitement de 15 jours, à purger à compter du 11 avril 2005, pour inconduite alléguée. Cette sanction disciplinaire est déraisonnable et non fondée.

C'est pourquoi je dépose ce grief.

[…]

2 Dans le dossier de la CRTFP 166-32-37166, le fonctionnaire s'estimant lésé conteste le processus d'enquête que l'Agence a suivi à l'égard de la suspension et soutient qu'elle a violé les droits de représentation qui lui sont conférés à l'article D8 de la convention collective signée par l'Agence et l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada le 27 mai 2002, pour l'unité de négociation du groupe Médecine vétérinaire (la « convention collective ») :

[Traduction]

[…]

Dans une lettre datée du 18 mars 2005, V. McEachern, mon directeur régional, m'a informé de ma suspension sans traitement de 15 jours. Cette sanction disciplinaire a été imposée contrairement aux dispositions de ma convention collective en général et, plus particulièrement, contrairement à l'article D 8.02, aux termes duquel les employés peuvent se faire accompagner par un représentant de l'IPFPC lorsqu'ils sont convoqués à une réunion en vue de discuter de questions qui peuvent avoir des conséquences disciplinaires. M. McEachern m'a convoqué à une rencontre pour discuter de mon inconduite alléguée, sans m'indiquer à quelque moment que ce soit que je faisais l'objet d'une enquête pour inconduite alléguée ou que je pouvais exiger la présence d'un représentant de l'IPFPC. Je l'ai rencontré seul et j'ai pris part à la discussion, contrairement aux dispositions de ma convention collective et contrairement aux principes les plus fondamentaux de justice naturelle. C'est pourquoi je dépose ce grief.

[…]

3 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ces renvois à l'arbitrage doivent être décidés conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

4 La charge de la preuve étant différente pour chacun de ces griefs, les parties se sont entendues pour que l'Agence présente son exposé introductif, que le fonctionnaire s'estimant lésé en fasse ensuite autant, que l'Agence présente sa preuve en premier et que le fonctionnaire s'estimant lésé présente la sienne par la suite. Les parties ont déterminé d'un commun accord également que l'Agence présenterait ses arguments d'abord sur la question disciplinaire, que le fonctionnaire s'estimant lésé répondrait ensuite à ces arguments et que l'Agence pourrait ensuite formuler sa réplique. Le fonctionnaire s'estimant lésé présenterait ensuite ses arguments sur la question du manquement aux droits de représentation, l'Agence présenterait les siens et le fonctionnaire s'estimant lésé formulerait en dernier lieu sa réplique à cet égard.

II. Résumé de la preuve

5 Le fonctionnaire s'estimant lésé occupe un poste d'agent vétérinaire de district, VM-02, à Victoria (Colombie-Britannique), laquelle ville relève de la région côtière de la C.-B. de l'Agence. Il est un employé de longue date et comptera bientôt vingt-cinq années de service combinées au sein de l'Agence et du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire.

6 Le fonctionnaire s'estimant lésé a posé sa candidature à un poste d'agent vétérinaire régional (VM-03) dans le cadre d'un concours qui a pris fin le 21 octobre 2004. Il a franchi l'étape de la sélection initiale avec succès et il a obtenu la possibilité de passer un examen écrit à Burnaby le 15 novembre 2004, puis un examen oral à Edmonton le 17 novembre 2004.

7 Kae Andreas, conseillère en ressources humaines, région de l'ouest, avait pour tâche de préparer l'avis de concours. Le concours en question était mené de manière parallèle pour des postes d'agents vétérinaires régionaux dans la région côtière de la C.-B. et dans la région nord de l'Alberta. Mme Andreas travaillait en étroite collaboration avec Bob Hollowaychuk, gestionnaire de l'inspection pour la région nord de l'Alberta, aux fins d'établir les critères de sélection et les outils requis pour évaluer ces critères.

8 Mme Andreas a déclaré au cours de son témoignage que l'examen fait à Burnaby pour le poste à doter dans la région côtière de la C.-B. et à Edmonton pour le poste à doter dans la région nord de l'Alberta visait à évaluer les connaissances des candidats. Il s'agissait d'un examen sans documentation, comme c'est généralement le cas des examens de l'Agence.

9 Au cours de son interrogatoire principal, Mme Andreas a indiqué qu'un examen sans documentation (ou un examen qui n'est pas un examen avec documentation) signifie qu'un candidat ne peut se servir d'aucune source d'information extérieure ni d'aucun ouvrage de référence, de quelque nature qu'il soit. L'objet de l'examen est d'évaluer les connaissances que possède le candidat, de sorte qu'aucune autre ressource disponible n'est requise. Mme Andreas n'a vu aucune différence entre l'utilisation de l'Internet et celle d'une autre source extérieure, quelle qu'elle soit. À son avis, l'Internet se compare à un ouvrage ou un document de référence. En outre, a-t-elle déclaré, l'accès à l'Internet peut permettre à une personne de consulter des guides de procédure et davantage de renseignements que ce que peut contenir une bibliothèque personnelle. Pendant ses années de travail à titre de conseillère en ressources humaines, elle a participé à d'autres examens sans documentation. Jamais auparavant n'a-t-elle eu à faire face à une situation où un employé n'avait pas compris ce que signifiait un examen sans documentation. Elle a indiqué que tous les employés comprenaient ce que cela voulait dire.

10 Mme Andreas a reçu un courriel de Holly Fung, adjointe aux ressources humaines, le 12 novembre 2004, indiquant que le fonctionnaire s'estimant lésé s'était informé au sujet du contenu et du format de l'examen (à savoir s'il s'agissait de choix multiples ou de réponses écrites). Il ressort clairement de ce courriel que, n'ayant pu répondre aux questions du fonctionnaire s'estimant lésé, Mme Fung a demandé à Mme Andreas d'appeler ce dernier parce qu'il était incapable de joindre Vance McEachern, directeur régional, région côtière de la C.-B., dont le nom figurait sur l'avis de concours à titre de personne-ressource.

11 Mme Andreas a répondu qu'elle avait discuté avec le fonctionnaire s'estimant lésé au téléphone le vendredi 12 novembre 2004. La discussion a été brève. Le fonctionnaire s'estimant lésé lui a demandé quel devait être le contenu de l'examen et elle a répondu qu'elle ne pouvait le lui préciser et qu'il devait revoir l'avis du concours. Il a demandé s'il s'agissait d'un examen avec documentation et elle a dit que c'était plutôt un examen sans documentation. Il a demandé s'il s'agissait d'un examen à choix multiples, à réponses courtes ou d'un essai, et elle a indiqué qu'il pouvait s'agir de l'un ou l'autre ou de tous ces formats.

12 Mme Andreas a indiqué que les questions du fonctionnaire s'estimant lésé étaient directes et qu'elles n'avaient donné lieu à aucune ambiguïté. Elle a jugé les questions inhabituelles, puisque, dans tous les cas, les examens des connaissances sont faits sans documentation, ce qui signifie que les candidats ne peuvent apporter aucun ouvrage de référence dans la salle d'examen.

13 Le fonctionnaire s'estimant lésé s'est présenté à l'examen le lundi 15 novembre 2004. Il a laissé à l'extérieur de la salle d'examen sa serviette contenant des ouvrages de référence, des brochures et des textes législatifs.

14 C'est Glenda Bunyan, adjointe administrative de M. McEachern, qui était chargée de surveiller l'examen. Elle n'a pas été appelée à témoigner par l'Agence. Quatre candidats se sont présentés à l'examen. À leur arrivée dans la salle, ils ont reçu une disquette contenant les questions de l'examen ainsi qu'une copie papier de ces questions. Chaque candidat devait utiliser un ordinateur portatif et ouvrir une session au moyen de renseignements sur son propre compte. Les candidats disposaient de deux heures pour répondre à quatre questions et composer une lettre. Les réponses aux questions devaient être sauvegardées sur la disquette, tout comme la lettre. Au terme de l'examen, les candidats devaient transmettre leurs réponses par courriel à une personne qui était à Edmonton. La disquette et une copie papier des réponses devaient être insérées dans une enveloppe. Il ressort clairement des témoignages de M. McEachern et du fonctionnaire s'estimant lésé que Mme Bunyan a circulé dans la salle d'examen pendant la durée de celui-ci.

15 Mme Andreas sait qu'elle a dit aux surveillants de Burnaby et d'Edmonton que l'examen devait être un examen sans documentation. Elle n'était pas présente pendant le déroulement de l'examen. Elle n'a pu dire ce que chaque surveillant avait dit aux candidats. Elle a, en revanche, indiqué qu'informer les candidats qu'il ne s'agissait pas d'un examen sans documentation relèverait de l'exception. Le fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué dans son témoignage de vive voix que la surveillante ne lui avait pas dit si l'examen était avec ou sans documentation. Cependant, il n'avait pas besoin de renseignements supplémentaires de Mme Bunyan sur cette question, puisqu'il avait été informé par Mme Andreas le vendredi précédant l'examen que celui-ci n'était pas un examen avec documentation.

16 Pendant l'examen, le fonctionnaire s'estimant lésé a découvert qu'il pouvait accéder à l'Internet au moyen de l'ordinateur portatif. Il s'en est servi pour couper et coller de la documentation dans ses réponses à partir du site Internet interne de l'Agence contenant des guides de politiques et des textes législatifs. Au terme de l'examen, il a tenté de sauvegarder, d'imprimer et de transmettre ses réponses par courriel. Il a été en mesure d'imprimer et de transmettre par voie électronique le fichier contenant la lettre qu'il avait composée. Le fichier contenant ses réponses aux quatre questions n'a cependant pu être imprimé ou envoyé par courriel; il indiquait une taille nulle.

17 Mme Bunyan n'a pas vu le fonctionnaire s'estimant lésé accéder à l'Internet. Je prends note du fait qu'il est facile d'accéder à l'Internet et de dissimuler le tout rapidement en cliquant sur le bouton de fermeture de fichier (x) dans la partie supérieure de l'écran.

18 Le fonctionnaire s'estimant lésé a signalé le problème à Mme Bunyan, qui a alors appelé une spécialiste de l'informatique, Cherry Lee, pour tenter de récupérer l'information sur la disquette. Mme Lee a, pendant environ 20 minutes, tenté de récupérer l'information, mais en vain. Mme Andreas a discuté avec Mme Lee et, par la suite, soit le 16 novembre 2004, a envoyé un courriel (pièce E-4) à Mme Bunyan pour lui demander de communiquer avec Mme Lee et de lui faire part de toutes les instructions données. Mme Bunyan a répondu par courriel plus tard le même jour (pièce E-4) pour indiquer que tous les candidats avaient obtenu les mêmes consignes aux fins d'ouvrir une session et que personne n'avait éprouvé de difficulté. Mme Bunyan a indiqué que la difficulté était survenue au moment de sauvegarder le travail et, [traduction] « pour une raison ou une autre, celui-ci a été perdu ».

19 Le fonctionnaire s'estimant lésé a cru que le concours était terminé pour lui, mais Mme Bunyan lui a affirmé que ses chances d'être appelé à une entrevue orale à Edmonton ne reposaient pas sur les résultats de l'examen écrit.

20 Le concours se poursuivant à Edmonton, la disquette a été envoyée au Dr Hollowaychuk, à Edmonton, qui était chargé de corriger l'examen. M. McEachern a fait en sorte que la disquette soit examinée à Edmonton par un autre spécialiste de l'informatique, Dan Fournel, spécialiste de soutien informatique. Les inscriptions électroniques sur le contenu de la disquette dénotaient l'existence de liens avec des sites Internet. Les résultats de l'examen du fonctionnaire s'estimant lésé n'ont pu être récupérés sur la disquette, même avec le logiciel de reprise.

21 Le fonctionnaire s'estimant lésé s'est présenté à l'entrevue orale à Edmonton le 17 novembre 2004. Les membres du jury étaient Stuart Wilson, directeur régional, région intérieure de la C.-B., Bonnie Jensen, directrice régionale, région nord de l'Alberta, et le Dr Hollowaychuk. Au terme de l'entrevue, M. Wilson a offert au fonctionnaire s'estimant lésé la possibilité de reprendre la partie écrite de l'examen. Le fonctionnaire s'estimant lésé a accepté l'offre de M. Wilson.

22 Lee Hewitt, l'adjointe administrative de Mme Jensen, était la surveillante à Edmonton. Elle n'a pas été appelée à témoigner par l'Agence. Elle a installé le fonctionnaire s'estimant lésé dans une salle dotée d'un ordinateur pour lui permettre de faire l'examen. Le fonctionnaire s'estimant lésé lui a demandé s'il allait pouvoir accéder à l'Internet comme il en avait eu la possibilité à Burnaby. En réponse à cette question, Mme Hewitt a débranché de l'ordinateur le câble du réseau local. Les réponses du fonctionnaire s'estimant lésé ont été consignées sur une disquette.

23 Plus tard en novembre 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé a reçu une lettre l'informant que sa candidature au concours n'avait pas été retenue.

24 M. McEachern a témoigné à l'audience. Pendant la période pertinente, il était le directeur régional de la région côtière de la C.-B. Son travail consistait notamment à gérer les membres du personnel et à leur imposer des mesures disciplinaires, tâche qui lui avait été déléguée. Il supervisait 189 employés et assurait l'administration des programmes de l'Agence portant sur l'inspection des aliments, la santé animale, la santé végétale, les ressources humaines, le budget et le recrutement du personnel, et il était appelé à travailler avec l'industrie et d'autres ministères. M. McEachern a pris part au processus de recrutement du titulaire du poste d'agent vétérinaire régional. Le candidat retenu devait relever de lui.

25 M. McEachern a indiqué qu'il avait été mis au courant de la situation entourant l'accès à l'Internet peu de temps après le retour de M. Wilson d'Edmonton. Il a été informé de l'existence d'un problème concernant le premier examen écrit du fonctionnaire s'estimant lésé. M. Wilson a dit à M. McEachern que l'on disposait d'une preuve selon laquelle le fonctionnaire s'estimant lésé avait accédé à l'Internet au cours de l'examen et qu'il en avait fait l'aveu à Mme Hewitt.

26 M. McEachern s'est donc tourné vers le bureau des ressources humaines, à Calgary, qui lui a conseillé de mener une enquête en vue de recueillir les faits. M. McEachern a donc entrepris une enquête, au cours de laquelle il a discuté avec Mme Andreas, Mme Lee, Mme Hewitt, Mme Jensen, M. Wilson, M. Fournel et le fonctionnaire s'estimant lésé.

27 M. McEachern a examiné également les documents d'examen de tous les autres candidats. Il a comparé les réponses données dans les examens à des questions types figurant dans le guide de l'Agence et n'a vu aucune preuve que ces candidats avaient coupé et collé de la documentation tirée de l'Internet. Aucun autre candidat n'avait obtenu une note parfaite. M. McEachern a donc conclu qu'il n'y avait aucune preuve que les autres candidats avaient accédé à l'Internet au cours de l'examen. Il n'a pas interrogé ces derniers. S'il en était arrivé à la conclusion qu'ils avaient triché, il aurait suivi les mêmes étapes qu'il a suivies à l'égard du fonctionnaire s'estimant lésé. En contre-interrogatoire, M. McEachern a indiqué qu'il était possible que d'autres candidats aient utilisé l'Internet et reformulé les réponses dans leurs propres mots. Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu'il était occupé pendant l'examen et qu'il n'épiait pas les écrans des autres candidats, et donc qu'il ignorait si ces derniers avaient utilisé l'Internet. J'en arrive à la conclusion, selon la prépondérance des probabilités, que les autres candidats n'ont pas accédé à l'Internet, puisqu'il n'y a aucune preuve à cet égard.

28 M. McEachern a pris des notes également et a envoyé des courriels à Mme Jensen. Un rapport résumant la question a été rédigé par un employé du bureau des ressources humaines à Calgary. Certains des documents ayant servi à l'enquête n'ont pas été communiqués au fonctionnaire s'estimant lésé ni à son agent négociateur; toutefois, l'on ne peut dire avec certitude à quel moment certains de ces documents ont été produits et quels sont ceux d'entre eux qui ont été créés avant la tenue d'une rencontre en janvier 2005.

29 Dans le cadre de son enquête, M. McEachern a discuté avec M. Fournel, spécialiste de l'informatique à Edmonton, qui lui a dit que les réponses à l'examen n'avaient pu être récupérées au moyen du logiciel de reprise, mais qu'il avait découvert sur la disquette l'existence de liens à l'Internet indiquant qu'une documentation en avait été téléchargée.

30 M. McEachern a appelé le fonctionnaire s'estimant lésé en décembre 2004 en vue de tenir une rencontre. Les propos tenus au cours de cette conversation téléphonique ont été confirmés dans un courriel daté du 16 décembre 2004 (pièce E-5). Le courriel décrit la rencontre dans les termes suivants :

[Traduction]

[…]

J'aimerais confirmer notre décision commune de tenir une rencontre au début de la nouvelle année aux fins d'obtenir vos commentaires et d'examiner certaines des questions qui ont été soulevées au cours de la partie écrite du concours tenu récemment pour doter le poste d'AVR. Je communiquerai avec vous en janvier pour fixer une date à cet égard.

[…]

31 En janvier 2005, M. McEachern a envoyé un courriel au fonctionnaire s'estimant lésé et a fixé la rencontre au 20 janvier 2005. Dans le cadre de son interrogatoire principal, M. McEachern a déclaré que [traduction] « l'objectif essentiel de la rencontre était de demander au fonctionnaire s'estimant lésé ce qui s'était produit le 15 novembre, date à laquelle il avait été incapable de sauvegarder ses réponses à l'examen écrit dans le cadre du concours du poste d'AVR ». M. McEachern a été contre-interrogé énergiquement au sujet de cette rencontre. Il a déclaré qu'il faisait enquête. Son témoignage a semblé véridique.

32 Pendant cette rencontre, le fonctionnaire s'estimant lésé a confirmé qu'il avait accédé à l'Internet et qu'il avait compris qu'un examen sans documentation était littéralement un examen où il y avait de la documentation (« books »). Il a indiqué qu'il n'avait apporté aucun ouvrage de référence dans la salle d'examen. Au terme de la rencontre, M. McEachern a fait part au fonctionnaire s'estimant lésé des étapes qui allaient suivre, au cours desquelles il discuterait de ces renseignements avec des employés des ressources humaines, et lui a indiqué qu'il lui reviendrait sur les étapes à venir du processus décisionnel. Au cours de l'entrevue, M. McEachern s'est dit préoccupé par le fait que le fonctionnaire s'estimant lésé devait recevoir un prix.

33 M. McEachern a indiqué que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas demandé qu'un représentant de l'agent négociateur soit présent. S'il l'avait fait, M. McEachern aurait autorisé cette présence.

34 M. McEachern a dit de la rencontre tenue en janvier 2005 qu'elle ressortissait à une enquête. Il s'agissait d'une démarche visant à recueillir des faits, axée sur ce qui s'était véritablement passé. Il souhaitait obtenir les points de vue des diverses parties en cause pour tenter de comprendre ce qui s'était produit. Il a établi une distinction entre une rencontre d'enquête et une rencontre disciplinaire. Il a déclaré qu'une rencontre disciplinaire est une rencontre qui vise à communiquer des mesures disciplinaires et à donner au particulier la possibilité de fournir des renseignements supplémentaires, le cas échéant, et si aucun renseignement n'est fourni, à l'informer de la mesure disciplinaire que l'Agence est sur le point de lui imposer.

35 M. McEachern a posé des questions à Mme Hewitt au téléphone. Il a confirmé les notes prises au cours de la conversation avec Mme Hewitt dans un courriel daté du 25 février 2005 (pièce E-6). Mme Hewitt a confirmé que le fonctionnaire s'estimant lésé lui a déclaré qu'il avait accédé à l'Internet au cours de l'examen tenu à Burnaby pour obtenir des renseignements et a ajouté ceci :

[Traduction]

[…]

Au quotidien, son travail consiste à effectuer des recherches sur l'Internet pour répondre à des questions, et il estime qu'il aurait dû avoir le droit d'en faire autant pendant l'examen. Il a dit à Lee Hewitt qu'il n'était pas d'accord avec la décision d'interdire l'utilisation de l'Internet à l'examen.

[…]

Mme Hewitt a indiqué dans son courriel que le fonctionnaire s'estimant lésé paraissait nerveux pendant la conversation. Elle n'a pas été appelée à témoigner.

36 Le 8 mars 2005, M. McEachern a envoyé le courriel suivant (pièce E-7) au fonctionnaire s'estimant lésé :

[Traduction]

La présente fait suite à notre rencontre du 20 janvier 2005, au cours de laquelle vous m'avez fait part de vos commentaires sur les questions relevées dans la partie écrite du concours relatif au poste d'AVR.

J'ai maintenant achevé mon enquête et j'aimerais vous rencontrer le vendredi 18 mars 2005, à 13 h 30, au bureau de Victoria. Comme une mesure disciplinaire pourrait être imposée, vous avez le droit d'être accompagné d'un représentant de l'Institut à la rencontre.

37 M. McEachern a indiqué que la rencontre avait pour but de discuter des conclusions auxquelles il en était arrivé et d'obtenir, le cas échéant, des renseignements supplémentaires du fonctionnaire s'estimant lésé. Avant de se présenter à la rencontre, M. McEachern avait rédigé une lettre disciplinaire, datée du 18 mars 2005 (pièce E-8).

38 M. McEachern a assisté à la rencontre du 18 mars 2005 accompagné de Susan Sundquist, une chef d'équipe des ressources humaines, tandis que le fonctionnaire s'estimant lésé a assisté à la rencontre accompagné d'un représentant de son agent négociateur. Au cours de cette rencontre, M. McEachern a demandé au fonctionnaire s'estimant lésé s'il avait des renseignements supplémentaires à lui communiquer, ce à quoi ce dernier a répondu par la négative. M. McEachern a remis une lettre disciplinaire au fonctionnaire s'estimant lésé et lui a demandé d'en signer l'accusé de réception. Le fonctionnaire s'estimant lésé a refusé, et M. McEachern a consigné ce refus sur la lettre.

39 La lettre informait le fonctionnaire s'estimant lésé de sa suspension sans traitement de 15 jours. En voici les points saillants (pièce E-8) :

[Traduction]

[…]

La présente fait suite à notre rencontre du 20 janvier 2005, au cours de laquelle vous avez fourni des renseignements sur la partie écrite du concours relatif au poste de vétérinaire régional. Au cours de l'examen qui s'est tenu le 15 novembre 2004, vous avez accédé à l'Internet pour copier et coller vos réponses, après avoir été informé qu'il ne s'agissait pas d'un examen avec documentation.

J'ai maintenant achevé mon enquête, et je suis convaincu qu'il y a suffisamment d'éléments de preuve permettant d'établir que vous avez agi avec malhonnêteté et avez manqué d'intégrité. En votre qualité de vétérinaire auprès de l'ACIA, vous devez adopter un comportement à l'abri de tout reproche et véhiculer des valeurs et des règles d'éthique qui correspondent à celles de l'ACIA. Ce comportement ne sera pas toléré. Vous avez, par vos agissements, compromis le lien de confiance qui doit exister entre vous et l'Agence canadienne d'inspection des aliments. À mon sens, il s'agit d'une inconduite très grave de votre part.

Compte tenu de ce qui précède, en vertu des pouvoirs qui me sont délégués, je vous suspends sans traitement pour une période de 15 jours de travail. Cette suspension sera purgée du 11 au 29 avril 2005 inclusivement. En temps ordinaire, ce type d'infraction entraînerait l'imposition d'une mesure disciplinaire plus sévère. Toutefois, aux fins de rendre une décision à cet égard, j'ai tenu compte des facteurs atténuants suivants :

  1. au cours de notre rencontre du 20 janvier 2005, vous n'avez pas nié avoir accédé à l'Internet pour copier la documentation.
  2. vous comptez de nombreuses années de service au sein de la fonction publique fédérale.

[…]

40 Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que sa mère était décédée en janvier 2005. Il avait dû prendre des décisions concernant les soins de santé qu'il fallait lui prodiguer et avait alors choisi un traitement conventionnel, qui [traduction] « n'a donné aucun résultat ». Il a pris un congé de deuil à la suite du décès de sa mère.

41 Avant de se présenter à la rencontre du mois de mars 2005, le fonctionnaire s'estimant lésé savait qu'il allait être suspendu pour une période de trois semaines. Un collègue ayant été appelé à le remplacer l'avait appelé pour s'informer de ses vacances. Après avoir reçu la lettre disciplinaire du 18 mars 2005, le fonctionnaire s'estimant lésé a pris un congé de maladie du 18 mars au 10 juin 2005. Il a purgé sa suspension à son retour de son congé de maladie.

42 M. McEachern a dit du vétérinaire de district qui travaille pour l'Agence que, sur le plan professionnel, il doit avoir fait des études et posséder des connaissances ainsi qu'une intelligence de niveau supérieur. Les vétérinaires de district sont analytiques et n'acceptent pas l'évidence. Ils ne prennent pas de décisions fondées sur des suppositions; ils analysent, enquêtent, puis prennent leurs décisions. En contre-interrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé a admis posséder ces caractéristiques.

43 M. McEachern a été interrogé au sujet du sens qu'il donne à un examen sans documentation. Il a expliqué que, lorsqu'il se présente à un examen sans documentation, le candidat n'apporte aucun outil ni aucun ouvrage de référence. Il puise dans ses connaissances et son expérience pour répondre aux questions. M. McEachern a jugé que l'Internet ne différait en rien d'un ouvrage. Il a déclaré qu'il s'agissait d'un outil de référence et que, dans de nombreux cas, il contient des renseignements identiques. Il a ajouté qu'il est possible d'accéder aux guides de l'Agence au moyen de l'Internet. À son avis, l'Internet n'est rien de plus qu'un autre moyen d'obtenir de l'information.

44 M. McEachern a indiqué que l'utilisation de l'Internet par le fonctionnaire s'estimant lésé était une affaire grave, et il a souligné le fait que les employés de l'Agence doivent se comporter avec honnêteté dans l'exécution de leurs fonctions. Il a qualifié la conduite du fonctionnaire s'estimant lésé d'atteinte aux valeurs véhiculées par l'Agence. Il s'est reporté à un document intitulé « Notre vision et notre mission » (pièce E-9), dont voici un extrait :

[…]

La réputation et la crédibilité de l'Agence sont essentielles à sa capacité de réaliser son mandat. Nous nous comportons de manière à préserver la relation de confiance que nous entretenons tant à l'interne qu'à l'externe.

[…]

45 En contre-interrogatoire, M. McEachern a admis qu'il souscrivait aux critères de présélection et aux critères de sélection pour le concours visant à doter le poste de vétérinaire régional. Il a confirmé qu'il avait pris quelques notes et que le bureau des ressources humaines avait rédigé un rapport d'enquête, lequel n'a pas été transmis au fonctionnaire s'estimant lésé. M. McEachern a confirmé qu'il n'était pas présent aux examens. Il a admis qu'il n'avait probablement pas utilisé les termes « collecte de faits » à la rencontre du mois de janvier 2005. Il a cependant fait savoir qu'il voulait comprendre ce qui s'était produit du point de vue du fonctionnaire s'estimant lésé. M. McEachern a admis qu'il n'était pas vétérinaire. Il a admis également que la seule consultation de documents sur l'Internet ne permettrait pas à un candidat ne possédant pas les connaissances et l'expérience requises de réussir un examen.

46 M. McEachern a admis en contre-interrogatoire que la rencontre qu'il avait eue avec le fonctionnaire s'estimant lésé en janvier 2005 avait effectivement mené à l'imposition d'une mesure disciplinaire. Il a expliqué qu'à la date de cette rencontre, il n'était pas convaincu dans un sens ou dans l'autre qu'une mesure disciplinaire s'imposait. Si le fonctionnaire s'estimant lésé avait exigé la présence d'un représentant de l'agent négociateur, il l'aurait autorisée à la rencontre du mois de janvier; il n'a cependant pas suggéré au fonctionnaire s'estimant lésé de se faire accompagner par un représentant de l'agent négociateur.

47 En contre-interrogatoire, M. McEachern a confirmé qu'il n'avait pas consulté les autres candidats qui avaient fait l'examen à Burnaby pour savoir s'ils avaient accédé à l'Internet pendant l'examen. Il a dit qu'il était possible qu'un candidat puisse voir l'information et qu'il la reproduise dans ses propres mots. M. McEachern a passé en revue les documents d'examen des autres candidats. Il a constaté qu'aucun d'entre eux n'avait obtenu une note parfaite, et déclaré que les réponses semblaient être des réponses originales qui ne semblaient pas avoir été coupées et collées à partir de l'Internet. Si M. McEachern avait découvert qu'un autre candidat avait triché à l'examen, il aurait traité celui-ci de la manière dont il avait traité le fonctionnaire s'estimant lésé.

48 Le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné dans la présente affaire. Il est docteur en médecine vétérinaire, et détient également un baccalauréat en agriculture. Il est allé à l'école dans les années 1970, avant l'avènement de l'ordinateur de bureau, à une époque où un jeu de cartes perforées était remis à un opérateur d'ordinateur central chargé d'exécuter un programme. Il a exercé la médecine vétérinaire en pratique privée avant de se joindre à Agriculture Canada et d'être muté à Victoria. Il a dans un premier temps occupé un poste classé VM-01 à la ferme avicole Lily Dale à Langford. Quelques années plus tard, il a remporté un concours aux fins d'occuper un poste classé VM-02. En 1989, la ferme avicole Lily Dale a fermé ses portes et il a été affecté au bureau de l'Agence à Victoria. Dans le cadre de son travail, il devait notamment s'occuper de santé animale et exécuter les tâches d'un vétérinaire de district et celles d'un vétérinaire responsable à l'égard des installations sous réglementation provinciale de l'île de Vancouver (les installations sous réglementation provinciale n'effectuent aucune exportation interprovinciale ou internationale de produits). En 2002, il a été confirmé dans le poste de vétérinaire de district.

49 Le fonctionnaire s'estimant lésé a reçu deux récompenses pour services rendus au sein de l'Agence. En 2002, on lui a décerné le prix du président pour souligner le travail qu'il avait accompli dans un cas possible d'encéphalopathie spongiforme bovine au sein d'un troupeau de bisons dans la région de Duncan. Il a également remporté un prix du leadership, en 2005, pour le travail accompli au cours de l'épidémie de grippe aviaire qui a sévi dans la vallée du Fraser. Il devait prendre sa retraite le 27 février 2007, [traduction] « selon la façon dont les choses se dérouleraient ». J'ai vu dans cette déclaration un renvoi indirect à l'issue du présent grief. Le fonctionnaire s'estimant lésé a précisé qu'il n'avait pas de dossier disciplinaire.

50 Le fonctionnaire s'estimant lésé utilise beaucoup les ordinateurs et l'Internet dans le cadre de son travail pour s'assurer qu'il a en main les renseignements à jour aux fins de ses contacts avec le public et de l'exécution de ses autres fonctions. L'Agence dispose d'un site Web interne dans lequel on retrouve des textes législatifs, des guides et autres renseignements utiles.

51 En 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé s'est porté candidat au poste d'agent vétérinaire régional à Abbottsford. Au moment de postuler, il travaillait principalement dans le domaine de la santé animale. Il possédait de l'expérience dans le domaine de l'hygiène des viandes, mais il s'était écoulé quelques années depuis qu'il s'était consacré pleinement à ce domaine. Il s'est donc mis à étudier sérieusement pour se préparer à l'examen, ce qui représentait, pour reprendre ses termes, [traduction] « un peu de travail supplémentaire ». Il a appelé Mme Andreas notamment parce qu'il voulait savoir quelle proportion les questions sur l'hygiène des viandes et la santé animale allaient occuper dans l'examen.

52 Il n'y a pas de désaccord profond entre le témoignage du fonctionnaire s'estimant lésé et celui de Mme Andreas concernant l'appel téléphonique du 12 novembre 2004. Le Dr Hickling a déclaré qu'il n'avait pas été question, au cours de cette conversation, de l'utilisation d'un ordinateur ou de l'Internet.

53 Le fonctionnaire s'estimant lésé a admis avoir utilisé l'Internet pendant l'examen. Il a déclaré que Mme Bunyan n'avait pas mentionné si l'examen était un examen avec ou sans documentation et qu'elle n'avait jamais fait mention d'une connexion à l'Internet. Il a indiqué que l'Agence avait fourni l'accès à l'Internet à l'examen tenu à Burnaby, sans préciser qu'il était interdit d'y recourir.

54 Après avoir parcouru le test, le fonctionnaire s'estimant lésé a-t-il indiqué dans son témoignage, il a noté que certaines des réponses se prêtaient à une consultation de l'Internet. Il a indiqué que, parce qu'il avait étudié au moyen de cet outil, il savait exactement où trouver l'information en appuyant sur quelques touches seulement.

55 Dans le cadre de son interrogatoire principal, le fonctionnaire s'estimant lésé a qualifié la documentation qu'il avait tirée de l'Internet et coupée puis collée dans la partie de sa disquette réservée aux réponses de matière à risques spécifiés puisée dans le règlement sur la santé animale et l'annexe N du Manuel des méthodes de l'hygiène des viandes.

56 Le fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué qu'il avait passé environ 10 minutes sur l'Internet et qu'il avait consacré le reste du temps aux questions de l'examen.

57 Il est clair que Mme Bunyan n'a pas vu le fonctionnaire s'estimant lésé utiliser l'Internet. Après qu'il eut éprouvé des difficultés à faire imprimer et à transmettre par courriel ses réponses aux questions de l'examen, il n'a pas révélé à Mme Bunyan qu'il avait utilisé l'Internet au cours de l'épreuve.

58 Le fonctionnaire s'estimant lésé s'est fait demander, au cours de son interrogatoire principal, quelle avait été sa réaction au fait que ses réponses aux questions de l'examen n'avaient pas été sauvegardées, qu'elles n'avaient pu être imprimées ni être transmises par courriel, et qu'un technicien avait été appelé en renfort pour tenter de récupérer ses réponses. Il a indiqué qu'il avait étudié pendant deux semaines pour se préparer à l'examen, qu'il avait été fort troublé par ce qui s'était produit et qu'il craignait ne pas être appelé à l'entrevue à Edmonton. Mme Bunyan lui a expliqué que les résultats de l'examen n'avaient aucune influence sur ses chances de prendre part à l'entrevue.

59 Le fonctionnaire s'estimant lésé s'est présenté à l'entrevue. Au terme de celle-ci, M. Wilson a soulevé la difficulté que le fonctionnaire s'estimant lésé avait éprouvée à sauvegarder ses réponses aux questions. Par souci d'équité, il l'a donc invité à refaire l'examen, offre qu'il a acceptée. Il s'est gardé de mentionner à M. Wilson qu'il avait utilisé l'Internet au cours de l'examen avant que ce dernier ne lui offre de refaire l'épreuve.

60 Mme Hewitt a installé le fonctionnaire s'estimant lésé dans une petite salle et lui a remis un ordinateur portatif et une disquette sur laquelle sauvegarder ses réponses. Pendant que Mme Hewitt procédait à l'installation de l'ordinateur portatif, il lui a demandé si celle-ci allait être la même qu'à Burnaby, où les candidats avaient eu accès à l'Internet. Elle a paru étonnée et a débranché le câble du réseau local de l'ordinateur. Il s'est informé de la transmission par courrier électronique et de l'impression du document, et elle a répondu que cela n'était pas nécessaire.

61 Le fonctionnaire s'estimant lésé a reçu, le 26 novembre 2004, une lettre l'avisant que sa candidature n'avait pas été retenue. La lettre ne faisait aucune mention des difficultés à sauvegarder les réponses ni des tentatives de l'Agence pour récupérer les informations sur sa disquette.

62 Il n'y a aucune différence marquée entre le témoignage du fonctionnaire s'estimant lésé et celui de M. McEachern concernant les rencontres des mois de janvier ou mars 2005. Le fonctionnaire s'estimant lésé a confirmé qu'au cours de la rencontre tenue en janvier M. McEachern ne lui avait rien dit qui lui permette de croire que ses questions mèneraient à une mesure disciplinaire. Au terme de la rencontre, M. McEachern a mentionné que le fonctionnaire s'estimant lésé devait recevoir un prix et qu'il communiquerait avec lui pour lui faire part de ses réflexions sur l'enquête. Le fonctionnaire s'estimant lésé n'était pas inquiet, et avait l'esprit en paix après la rencontre de janvier avec M. McEachern.

63 En contre-interrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé a admis qu'il possédait une bonne instruction et qu'il était une personne curieuse ayant l'habitude d'analyser et de traiter des questions complexes. Il a admis qu'il n'avait utilisé aucun des ouvrages dont il disposait dans sa serviette, car l'examen devait être un examen sans documentation, et qu'il aurait autrement obtenu un avantage injuste. Pour les mêmes raisons, il n'aurait utilisé rien de ce qu'il aurait écrit sur une feuille de papier qu'il aurait apportée à un examen.

64 Le fonctionnaire s'estimant lésé a admis lors du contre-interrogatoire qu'il aurait pu demander à la surveillante - ou lui remettre une note pour lui demander - s'il pouvait utiliser l'Internet. Il a déclaré qu'il n'en avait rien fait parce qu'il croyait qu'une partie de l'examen visait à mettre à l'épreuve les compétences des candidats en matière de logiciels informatiques de même que leur ingéniosité, puisqu'il s'agissait de critères de présélection. Il n'a pas posé la question non plus parce qu'il ne souhaitait pas informer les autres candidats de son utilisation de l'Internet. Il a admis que l'utilisation de l'Internet représentait un avantage. Il a fait valoir qu'un livre est complètement différent de l'Internet dans le contexte d'un examen sans documentation.

65 Le fonctionnaire s'estimant lésé s'est fait poser une série de questions hypothétiques. Il a admis que le cas d'une personne reconnue coupable d'avoir triché à un examen pouvait être grave et justifier une mesure disciplinaire, en plus de constituer une atteinte à l'éthique professionnelle. Il a fait valoir que l'on ne pouvait conclure à la tricherie que [traduction] « s'il y avait malice ». Il a reproché à l'Agence d'avoir rendu l'Internet manifestement accessible sans donner aucune directive écrite ou orale en interdisant l'utilisation pour répondre aux questions de l'examen.

66 Le fonctionnaire s'estimant lésé a répondu aux questions en contre-interrogatoire, indiquant qu'il n'y avait rien de mal à utiliser une version électronique de l'information plutôt que la copie papier qui se trouvait dans sa serviette, parce que l'Agence en avait permis l'accès. Il a soutenu que ce n'était pas nécessairement la faute des autres. Toutes les autres personnes dans la salle avaient la même possibilité d'utiliser l'Internet que lui. Les candidats n'ont pas été informés de l'interdiction d'utiliser l'Internet et, dans les lois de l'Agence, ce qui n'est pas interdit est permis. Il a indiqué qu'il n'avait reçu aucune directive concernant l'utilisation de l'Internet. Lorsqu'on lui a demandé s'il s'était posé la question de savoir s'il pouvait l'utiliser ou non, il a renvoyé à la portion de l'avis de concours qui précise que les candidats doivent faire preuve d'initiative et démontrer leurs compétences dans l'utilisation de logiciels.

67 Au cours de son réinterrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué avoir l'impression que ce qu'il avait fait n'équivalait pas à tricher et qu'il avait tout au plus manqué de jugement. Il a déclaré qu'il ne s'agissait pas de tricherie, comme c'est le cas de la personne qui gonfle son compte de dépenses.

68 Au cours de son réinterrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé a exprimé un sentiment de frustration du fait qu'il éprouve tous les jours de graves difficultés au travail parce que l'Agence ne lui a pas remis les « outils » dont il a besoin pour accomplir son travail.

III. Résumé de l'argumentation

69 L'audience dans la présente affaire ayant porté sur deux griefs dans le cadre desquels la charge de la preuve est différente, j'ai repris les arguments qui se rapportent aux droits de représentation d'abord, avant de traiter de ceux qui se rapportent à la décision d'ordre disciplinaire. C'est l'ordre dans lequel il convient de trancher les questions même si, lors de l'audience, la question de l'inconduite a été plaidée en premier.

A. Droits de représentation

70 Le fonctionnaire s'estimant lésé affirme qu'en janvier 2005 il a été tenu de se présenter à une rencontre concernant une affaire disciplinaire. Si l'on applique les définitions du terme « affaire » tirées du Blacks Law Dictionary,7e éd. (1999), et du Concise Oxford English Dictionary, 11e éd., révisée (2006), la rencontre de janvier 2005 était clairement une affaire disciplinaire. Le libellé de la convention collective à la stipulation D8.02 est général et renvoie à l'obligation pour un employé « […] d'assister à une réunion concernant une mesure disciplinaire […] ». Dans le contexte de la convention collective en cause dans la présente instance, toute rencontre confirmant ou réfutant des conclusions concernant une mesure disciplinaire est une affaire disciplinaire.

71 Le droit à la représentation dépasse les limites de la rencontre au cours de laquelle une mesure disciplinaire est imposée par un employeur. L'enquête sur une inconduite s'inscrit dans un continuum disciplinaire : Riverdale Hospital v. Canadian Union of Public Employees, Local 79 (2000), 93 L.A.C. (4th) 195. La rencontre disciplinaire englobe la rencontre avec l'employé dont le but est de permettre à ce dernier de s'exprimer sur une allégation d'inconduite : Shneidman c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2004 CRTFP 133.

72 M. McEachern n'était pas un enquêteur impartial et il est celui qui a imposé la mesure disciplinaire. L'enquête était viciée sur le plan de la procédure. L'Agence n'a pas transmis au fonctionnaire s'estimant lésé tous les renseignements qu'elle possédait.

73 La nature disciplinaire de la rencontre du mois de janvier 2005 a déclenché le droit du fonctionnaire s'estimant lésé à la présence d'un représentant. Le fait qu'il n'a pas exigé celle-ci n'est pas pertinent. Il affirme que le droit d'un employé à la présence d'un représentant de l'agent négociateur au cours d'une rencontre disciplinaire est fondamental et qu'il se situe au cour des droits à une représentation : Evans c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-25641 (19941021). Le défaut de permettre la présence d'un représentant de l'agent négociateur rend la mesure disciplinaire nulle d'emblée : Evans; Shneidman. Le manquement au droit à la représentation est si fondamental qu'il ne peut y être remédié au moyen de la tenue d'une nouvelle audience ou d'une audience d'arbitrage de grief : Evans. La décision disciplinaire de l'Agence devrait être déclarée nulle.

74 L'Agence affirme qu'il incombe au fonctionnaire s'estimant lésé de démontrer qu'il a droit à un représentant et que ce droit a été violé au cours de la rencontre du mois de janvier 2005. Le fonctionnaire s'estimant lésé doit établir que cette rencontre était de nature disciplinaire. Ses droits reposent sur la disposition de la convention collective, et non sur un droit garanti par la Charte canadienne des droits et libertés.

75 L'Agence affirme que le fonctionnaire s'estimant lésé a pu se prévaloir de ses droits à la rencontre du mois de mars 2005, au cours de laquelle la mesure disciplinaire a été imposée. L'Agence demande comment la rencontre du mois de janvier 2005 peut être considérée comme étant de nature disciplinaire alors que le fonctionnaire s'estimant lésé lui-même ne la considérait pas comme telle. Il n'éprouvait aucune inquiétude au sujet de cette rencontre, au cours de laquelle il n'a jamais été question de mesure disciplinaire.

76 Il n'y a rien de compliqué au sujet de la rencontre du mois de janvier 2005. Il s'agissait d'une rencontre d'enquête. Le fonctionnaire s'estimant lésé a confirmé qu'il n'avait pas accédé à l'Internet par erreur et qu'il savait parfaitement que l'examen était un examen sans documentation. Il aurait pu fournir des renseignements supplémentaires lors des rencontres du mois de janvier ou du mois de mars, mais il a choisi de n'en rien faire.

77 L'argument concernant la nullité d'emblée a été invoqué à de nombreuses reprises par des fonctionnaires s'estimant lésé, sans succès. La décision Shneidman a été infirmée par la Cour fédérale : Canada (procureur général) c. Shneidman, 2006 CF 381. Les commentaires concernant le processus d'enquête formulés dans Shneidman, 2004 CRTFP 133, auxquels le fonctionnaire s'estimant lésé s'est reporté, n'ont pas subsisté à cette décision, qui a été infirmée et renvoyée pour une nouvelle audience.

78 Les autres décisions auxquelles le fonctionnaire s'estimant lésé m'a renvoyé portent sur d'autres conventions collectives. Il est important d'interpréter les droits du fonctionnaire s'estimant lésé à la lumière de la convention collective qui s'applique, puisque la portée des droits de négociation varie d'une convention à une autre.

79 L'argument du fonctionnaire s'estimant lésé sur le continuum a été examiné dans Naidu c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2001 CRTFP 124. Dans Naidu, on établit une distinction d'avec Evans au motif qu'au cours de la rencontre dont il était question dans cette affaire, l'employé avait eu la possibilité de choisir entre le licenciement et la démission. La rencontre était de nature disciplinaire, et l'employeur avait découragé ou rejeté la demande de l'employé de se faire accompagner par un représentant de l'agent négociateur.

80 On peut lire ceci dans Naidu :

[…]

[82] […] Que ce soit dans la convention collective ou dans les lois et règlement applicables, il n'a pas de formulation expresse accordant aux employés le droit d'être représentés lorsque l'employeur convoque un employé à une réunion afin qu'il réponde à des questions concernant son comportement dans l'exercice de ses fonctions.

[83] Cette conclusion coïncide avec le devoir d'un employé envers son employeur. À moins d'indication contraire expresse, l'employeur a le droit de diriger son effectif. Ce droit doit nécessairement comprendre le droit d'examiner le rendement et le comportement de ses employés. Si un tel examen révèle un comportement inadéquat ou inacceptable, la convention collective et la législation prévoient une procédure pour corriger ce comportement, laquelle comprend l'imposition de mesures disciplinaires.

[84] Le principe selon lequel un employé n'est pas tenu de fournir une explication à son employeur ou de reconnaître une faute professionnelle n'est pas un principe qui fait partie intégrante du régime de négociation collective. Ce principe est enchâssé dans notre droit pénal. Le régime de négociation collective trouve sa source dans les lois sur l'emploi, qui ont toujours maintenu, et continuent de maintenir, le droit de l'employeur à ce que ses employés soient de bonne foi envers lui. Par conséquent, l'approche est très différente. Savoir si un employé a été franc avec son employeur, s'il a reconnu le caractère inapproprié de la conduite reprochée, et a présenté des excuses et a éprouvé du remords et s'il est disposé à corriger le comportement ou à ne plus le reproduire à l'avenir, voilà autant de considérations premières dont il faut tenir compte au moment d'aborder la question des circonstances atténuantes au regard de la mesure disciplinaire imposée.

[…]

81 Les entrevues ne sont pas toutes disciplinaires du seul fait que l'on y discute d'une chose et que cette discussion mène en bout de ligne à l'imposition par l'employeur d'une mesure disciplinaire : Arctander c. Conseil du Trésor (Postes Canada), dossier de la CRTFP 166-02-10565 (19820223). On peut lire ceci dans Arctander :

[…]

21.     Bien que je partage l'opinion de l'arbitre Smith, exprimée dans l'affaire Bronson, Cassidy et Legère (supra), selon laquelle même si un interrogatoire effectué dans le cadre d'une enquête peut également selon les circonstances, être de nature disciplinaire, cela ne signifie pas que toute entrevue soit de nature disciplinaire ou le devienne rétroactivement simplement parce qu'un acte dont on a discuté au cours de celle-ci fait par la suite l'objet d'une mesure disciplinaire.

22.     De plus, je ne juge pas que les dispositions de la convention collective empêchent l'employeur de faire enquête sur une irrégularité ou un comportement tant qu'il n'a pas donné le préavis de 24 heures à l'employé. Je crois qu'il pourrait être néfaste, du point de vue des relations de travail, qu'un employeur agisse toujours en fonction d'une éventuelle mesure disciplinaire, même lorsqu'il n'a aucune idée de l'importance ou même de la réalité d'un acte.

[…]

82 L'Agence s'appuie largement sur Arena c. Conseil du Trésor (ministère des Finances), 2006 CRTFP 105. Dans cette affaire, on a interprété une stipulation des droits à une représentation pour ainsi dire identique à la stipulation en litige dans le présent cas, si ce n'est que, dans ce cas, les droits en question englobaient également un droit à un avis d'au moins deux jours ouvrables, dans la mesure du possible.

83 En réplique, le fonctionnaire s'estimant lésé affirme que les cas cités par l'Agence se distinguent du présent cas. À son avis, le raisonnement de l'arbitre de grief concernant la rencontre dans Shneidman, 2004 CRTFP 133, n'a pas été modifié par la décision de la Cour fédérale, puisque le juge a infirmé cette décision au motif que l'arbitre de grief avait décidé à tort qu'elle avait compétence pour se pencher sur le processus disciplinaire alors que le grief déposé se rapportait à la décision disciplinaire. Le fonctionnaire s'estimant lésé se fonde sur la décision 2006 CF 381, 23, où la Cour en arrive à la conclusion que l'arbitre de grief a agi sans compétence, et soutient qu'il n'est pas nécessaire de traiter d'autres aspects de cette décision.

84 Dans Naidu, l'enquêteur n'était pas habilité à imposer des mesures disciplinaires, contrairement au présent cas, où M. McEachern était « le plaignant, le juge, le jury et le bourreau ». L'affaire Arctander est une vieille décision et personne ne conteste le fait que les rencontres ne sont pas toutes des rencontres disciplinaires; cependant, en l'espèce, la rencontre était de nature disciplinaire. L'affaire Arena se distingue du présent cas, où M. McEachern avait en sa possession une preuve d'inconduite avant qu'il n'entreprenne l'enquête.

85 De plus, le fonctionnaire s'estimant lésé soutient que c'est la conduite de l'Agence au cours de l'enquête qui est en cause. Il n'est pas nécessairement un spécialiste des relations de travail, et le fait qu'il n'a pas exigé la présence d'un représentant à la rencontre du mois de janvier 2005 ne peut trancher la question de savoir si l'Agence a contrevenu à ses droits à une représentation.

86 Il aurait peut-être été utile au fonctionnaire s'estimant lésé d'être accompagné à la rencontre du mois de janvier 2005 d'un représentant de l'agent négociateur, qui aurait pu apporter son aide à l'enquête menée par l'Agence en s'assurant que M. McEachern dispose de tous les faits. Lorsque la rencontre du mois de mars 2005 a été tenue, l'enquête avait été achevée, l'employeur avait pris une décision et il ne servait à rien de fournir des renseignements supplémentaires.

B. Décision disciplinaire

87 L'Agence propose que l'arbitre de grief détermine si le fonctionnaire s'estimant lésé s'est rendu coupable d'inconduite, si la pénalité imposée était appropriée et s'inscrivait dans une fourchette acceptable, et si des circonstances atténuantes justifient une réduction de la pénalité imposée.

88 Le fonctionnaire s'estimant lésé s'est rendu coupable d'une inconduite grave, et la suspension de 15 jours sans traitement constitue une mesure disciplinaire appropriée dans les circonstances du présent cas. L'Agence affirme que le concept d'examen sans documentation (un examen qui n'est pas avec documentation) n'a rien d'ambigu et signifie que les candidats ne peuvent utiliser aucun outil extérieur. Le fonctionnaire s'estimant lésé a décidé délibérément d'utiliser l'Internet, sachant qu'il s'agissait d'un examen sans documentation. Ce n'était pas une erreur d'interprétation de sa part, et il n'y a pas lieu d'atténuer la suspension imposée : Emery c. Conseil du Trésor (Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-14440 et 14441 (19841016).

89 Le fonctionnaire s'estimant lésé a fait fi d'une directive claire donnée par l'Agence concernant la nature de l'examen - un examen sans documentation. L'Agence affirme que l'utilisation de l'Internet au cours d'un examen sans documentation équivaut à tricher. Cela viole également les normes de comportement éthiques auxquelles sont assujettis les vétérinaires de profession et les employés de l'Agence.

90 L'Agence fait valoir que la suspension de 15 jours sans traitement est une pénalité justifiée compte tenu de l'inconduite grave dont le fonctionnaire s'estimant lésé s'est rendu coupable. Par le passé, les arbitres de griefs ont sanctionné le licenciement ou, subsidiairement, de longues suspensions d'employés qui avaient triché au cours d'examens : Thomas c. Chambre des communes, dossier de la CRTFP 466-HC-155 (19910415); Hampton c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Impôt), dossier de la CRTFP 166-02-28445 (19981123); Rivard c. Conseil du Trésor (Procureur général du Canada - Service correctionnel), 2002 CRTFP 75.

91 L'Agence soutient que la suspension de 15 jours visait à bien faire comprendre au fonctionnaire s'estimant lésé que l'inconduite ne pouvait être tolérée. Le grief doit être rejeté.

92 Le fonctionnaire s'estimant lésé a fait valoir qu'il n'y avait eu aucune inconduite dans le présent cas; au pire, l'on pouvait dire de son comportement qu'il était le fruit d'une erreur de jugement ou d'une négligence, et qu'il ne justifiait pas l'imposition d'une mesure disciplinaire. À titre subsidiaire, le fonctionnaire s'estimant lésé fait valoir que la mesure disciplinaire est trop sévère et qu'une lettre de réprimande devrait y être substituée. Le fonctionnaire s'estimant lésé demande qu'on le rétablisse dans sa situation antérieure et que tout document se rapportant à la mesure disciplinaire soit retiré de son dossier.

93 À l'époque où le fonctionnaire s'estimant lésé fréquentait l'université, il n'y avait pas d'ordinateur. L'examen sans documentation signifiait justement qu'[traduction] « aucun ouvrage de référence imprimé n'était autorisé dans la salle d'examen ». En sa qualité de vétérinaire compétent, le fonctionnaire s'estimant lésé est appelé à utiliser des ordinateurs et l'Internet dans le cadre de son travail. Toutefois, sans sa formation et son expérience, il serait incapable de n'utiliser que les documents tirés de l'Internet pour répondre aux questions de l'examen. L'outil qu'est l'Internet était disponible, et personne n'a interdit aux candidats de s'en servir. Le fonctionnaire s'estimant lésé a supposé qu'il faisait partie du processus de l'examen, puisque certains des critères de sélection se rapportaient à l'utilisation de logiciel et à l'esprit d'initiative, et le fonctionnaire s'estimant lésé ignorait quelle partie de l'énoncé de qualités était mise à l'épreuve.

94 L'Agence n'a pas établi que les autres candidats n'avaient pas utilisé l'Internet; ils auraient pu l'utiliser pour répondre aux questions, sans couper et coller leurs réponses. Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a passé que 10 des 120 minutes qu'a duré l'examen sur l'Internet. La surveillante a dû le voir en train d'utiliser l'Internet pendant qu'elle circulait dans la salle. C'est lui qui le premier a indiqué à l'Agence qu'il avait utilisé l'Internet au cours de l'examen.

95 Il n'y a eu aucune inconduite, puisque le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait aucune intention de tricher. Son comportement a pu être naïf. Le pire que l'on puisse dire est qu'il a commis une erreur. L'arbitre de grief ne devrait faire aucun cas du fait que le fonctionnaire s'estimant lésé n'a posé aucune question à la surveillante. Cela est tout à fait compréhensible si l'on tient compte du fait que l'un des aspects de l'examen était d'évaluer la capacité des candidats d'utiliser le logiciel. Poser la question aurait mis la puce à l'oreille des autres candidats.

96 Le fonctionnaire s'estimant lésé affirme que, si une mesure disciplinaire est justifiée, alors la pénalité imposée est trop sévère et elle [traduction] « n'est pas proportionnelle à l'infraction ». S'il y a eu inconduite, celle-ci doit être inscrite dans les annales des crimes stupides, et l'avertissement écrit est la sanction de réhabilitation qui convient. La peine imposée a accru le niveau de stress du fonctionnaire s'estimant lésé et, combinée au décès de sa mère, l'a mené à prendre un long congé, que l'arbitre de grief doit prendre en considération aux fins de se prononcer sur le caractère opportun de la mesure disciplinaire imposée. Le fonctionnaire s'estimant lésé a été, au fil des ans, un employé exemplaire, et il a obtenu des récompenses, ce qui devrait atténuer la gravité de la pénalité imposée.

97 En réplique, l'Agence a déclaré que les témoins n'avaient pas pu s'entendre sur le sens à donner à l'examen sans documentation, mais que le sens de l'expression devait être clair : l'on ne peut avoir accès à aucun document supplémentaire. Il ne devrait pas être difficile de comprendre ce concept. C'est une chose de suivre les instructions et d'utiliser un document de traitement de texte en blanc pour préparer une réponse, d'imprimer les réponses à partir de l'imprimante du réseau, et d'utiliser la capacité de messagerie électronique pour transférer les réponses à la personne qui corrige l'examen à Edmonton. C'en est une autre d'utiliser l'Internet pour couper et coller des réponses dans un examen. Si une personne sait ce qu'elle fait, comme c'était le cas du fonctionnaire s'estimant lésé, elle peut en 10 minutes prélever une quantité considérable de documentation et l'insérer dans une réponse d'examen, le tout à l'insu de la surveillante.

98 L'inconduite désigne le comportement inapproprié; elle ne doit pas nécessairement être intentionnelle ou animée par la malice, contrairement à ce que le fonctionnaire s'estimant lésé donne à entendre. Ses gestes étaient intentionnels, car il avait été informé qu'il s'agissait d'un examen sans documentation. Il faut se rappeler que le fonctionnaire s'estimant lésé avait intérêt à tricher, car il postulait en vue d'obtenir une promotion à un poste classé VM-03. Il semble avoir pris un congé de maladie en partie par suite du décès de sa mère; par conséquent, ce facteur ne doit pas être pris en compte aux fins d'atténuer la gravité de la suspension.

IV. Motifs

A. Droits de représentation

99 La première question sur laquelle je souhaite me pencher est celle de savoir si le fonctionnaire s'estimant lésé avait le droit d'être représenté par un agent négociateur à la rencontre du 20 janvier 2005. Il a fait valoir que cette rencontre était de nature disciplinaire et que le défaut de l'informer de ses droits à une représentation à cette étape rend la mesure disciplinaire imposée à la rencontre du 18 mars 2005 nulle d'emblée : Shneidman, 2004 CRTFP 133.

100 La stipulation D8.02 de la convention collective prescrit ce qui suit :

[…]

ARTICLE D8 - NORMES DE DISCIPLINE

[…]

D8.02 Lorsque l'employé est tenu d'assister à une réunion concernant une mesure disciplinaire, il a le droit de se faire accompagner par un représentant de [l'agent négociateur] lorsque celui-ci est facilement disponible.

[…]

101 L'affaire Arena concernait une clause au libellé semblable et un argument analogue. Dans ce cas, la stipulation était libellée dans les termes suivants :

[…]

36.03 Lorsque l'employé est tenu d'assister à une réunion concernant une mesure disciplinaire, il a le droit de se faire accompagner par un représentant de l'Institut lorsque celui-ci est facilement disponible. Autant que possible, l'employé est prévenu par écrit au moins deux (2) jours ouvrables avant la tenue d'une telle réunion.

[…]

102 On y est arrivé à la conclusion suivante :

[…]

[91] Les termes utilisés dans cette clause doivent être compris dans leurs [sic] sens commun. Aucune définition de la convention collective ne détermine la signification des termes « concernant une mesure disciplinaire ». Le mot « concernant » signifie « à propos de » ou « au sujet de » en son sens commun. Il faut donc comprendre que la réunion pendant laquelle le droit à la représentation a été convenu est « à propos d'une mesure disciplinaire » ou « au sujet d'une mesure disciplinaire ».

[92] Cet énoncé est plus large que le libellé de certaines conventions collectives qui ont été portées à mon attention et qui concernent une réunion où une décision disciplinaire sera rendue. La clause 36.03 fait en sorte toutefois qu'il faut que le sujet d'une mesure disciplinaire soit abordée lors de la réunion. Aborder la question d'une mesure disciplinaire implique nécessairement qu'une faute est reprochée au fonctionnaire et qu'une sanction contre lui peut en découler.

[93] Suivant ce raisonnement, une rencontre pendant laquelle l'employeur recherche les faits entourant des événements, normalement considérée comme une « enquête administrative » ne concerne pas une mesure disciplinaire. Lors de cette démarche d'enquête, l'objectif visé par l'employeur est de cumuler l'ensemble des faits et d'en vérifier l'exactitude. Par la suite, cette démarche administrative peut être suivie d'une procédure disciplinaire lorsque les faits démontrent, selon l'évaluation de l'employeur, qu'un fonctionnaire a posé un acte fautif et que cet acte mérite une sanction.

[94] Je peux concevoir que dans certaines circonstances il puisse être difficile de déterminer à quel moment la démarche administrative se termine et celui où débute la procédure disciplinaire. Cette question doit être évaluée à la lumière des faits particuliers de chaque dossier. On ne doit pas conclure a priori que l'imposition d'une pénalité à un employé confère rétroactivement une nature disciplinaire à chacune des étapes suivies par l'employeur pour lui permettre de finaliser sa décision.

[95] La théorie d'un continuum disciplinaire qui découlerait nécessairement de l'imposition a posteriori d'une mesure disciplinaire irait à l'encontre du principe qu'un arbitre de grief ne peut pas modifier ou ajouter au libellé d'une convention collective. Selon l'argumentation soumise par le fonctionnaire s'estimant lésé, je devrais conclure au continuum disciplinaire en la présente cause et ainsi attribuer à la rencontre du 7 décembre 2004, une nature disciplinaire donnant ainsi effet au droit à la représentation. Je ne crois pas que les arbitres ayant rendu les décisions Riverdale Hospital; Brink's Canada; et Evans c. le Conseil du Trésor aient voulu étendre le droit à la représentation aux rencontres administratives à l'encontre du libellé des conventions collectives.

[96] Au présent dossier, il est clair que le droit à la représentation est retreint [sic] aux rencontres concernant une mesure disciplinaire et le libellé de la clause 36.03 de la convention collective n'inclut pas les rencontres de recherche de faits qui sont de nature administrative. Conclure autrement irait à l'encontre du principe bien établi qu'un arbitre n'a pas le pouvoir de modifier ou d'ajouter au libellé de la convention collective (Brown and Beatty, Canadian Labour Arbitration, Third Edition, 2:1202).

[…]

[109] Je tiens à souligner qu'étendre le droit à la représentation à toutes les enquêtes « administratives » auxquelles l'employeur doit procéder aurait un impact négatif important sur le climat des relations de travail en provoquant une paranoïa qui empêcherait une communication ouverte et sincère entre les parties.

[…]

103 Je ne suis pas lié par Arena; toutefois, le raisonnement sur lequel elle repose est convaincant, et je souscris à l'approche qui y est formulée. La rencontre du mois de janvier 2005 était une rencontre administrative visant à obtenir des renseignements auprès du fonctionnaire s'estimant lésé. M. McEachern a été à tout le moins en mesure de confirmer à cette rencontre que l'accès à l'Internet au cours de l'examen était délibéré et qu'il n'avait pas été le fruit d'une erreur ou d'une faute d'inattention, que le fonctionnaire s'estimant lésé avait utilisé de l'information tirée de l'Internet pour répondre aux questions, et qu'il l'avait coupée et collée pour l'intégrer à ses réponses. Il était également loisible au fonctionnaire s'estimant lésé de fournir à M. McEachern des renseignements qui auraient pu permettre de faire la lumière sur cette situation. M. McEachern a fait preuve d'ouverture d'esprit lorsqu'il a tenté d'obtenir la version des faits du fonctionnaire s'estimant lésé, et il a continué d'enquêter en discutant avec d'autres personnes, dont Mme Hewitt, à la fin du mois de février.

104 Si l'Agence n'avait posé aucune question au fonctionnaire s'estimant lésé et qu'elle avait tenu une rencontre disciplinaire sans chercher à obtenir quelque commentaire que ce soit de sa part, elle aurait pu avoir agi de manière injuste sur le plan procédural, et aurait pu avoir imposé une mesure disciplinaire sur un fondement erroné ou inutile. Toute mesure disciplinaire est susceptible de causer à un employé une perte grave d'estime de soi et de confiance en soi et de le troubler sur le plan émotionnel. C'est pour cette raison que l'employeur doit agir avec soin, comme l'Agence l'a fait dans le présent cas, avant d'imposer une mesure disciplinaire. La mesure disciplinaire inutile ou erronée peut rompre ou compromettre gravement une relation de travail. Dans ce cas-ci, la mesure disciplinaire, même soigneusement considérée, a eu un certain impact sur le fonctionnaire s'estimant lésé, puisqu'il a pris un long congé pour stress.

105 À mon avis, si la convention collective voulait conférer à un employé un droit à la présence d'un représentant de l'agent négociateur au cours d'une enquête, cela constituerait une dérogation substantielle au droit de l'Agence de gérer et de diriger son personnel, qui englobe le droit de faire enquête ou de remettre en question le rendement d'un employé. Un tel droit devrait être énoncé en des termes clairs dans la convention collective, puisqu'il s'agit d'une anomalie et d'une dérogation au droit d'un employeur de gérer son personnel. Il pourrait faire l'objet de négociations collectives et être inséré dans une convention collective. J'en arrive à la conclusion qu'il n'est pas prévu dans la convention collective en cause.

106 Le fait que la mesure disciplinaire a été imposée en mars 2005 ne revêt pas la rencontre du mois de janvier 2005 d'un caractère disciplinaire. Je rejette le grief se rapportant au manquement au droit à la représentation aux termes de la stipulation D8.02 de la convention collective.

B. Décision disciplinaire

107 De nombreux faits dans ce cas ne sont pas controversés. Le fonctionnaire s'estimant lésé a été informé avant le début de l'examen que celui-ci était sans documentation et non avec documentation. Le concept n'est pas complexe, et il signifie que les candidats doivent puiser dans leurs seules connaissances ou dans leur expérience pour répondre aux questions de l'examen et qu'ils ne peuvent s'en remettre à des outils extérieurs.

108 L'Internet constitue manifestement un outil extérieur et s'apparente à une serviette remplie d'ouvrages ou à l'aide-mémoire qu'un candidat apporte dans une salle d'examen. L'Internet offre beaucoup plus de sources que les candidats seraient en mesure d'apporter et de dissimuler dans une serviette ou sur leur personne aux fins d'un examen sans documentation.

109 La première question que je dois me poser est celle de savoir s'il y a eu inconduite. Pour répondre à cette question, je me suis demandé si l'accès à l'Internet par le fonctionnaire s'estimant lésé pouvait être considéré comme étant une erreur de bonne foi. Je me suis demandé également si le fonctionnaire s'estimant lésé était naïf de conclure qu'il pouvait utiliser l'Internet.

110 J'en suis arrivé à contrecour à la conclusion que le témoignage du fonctionnaire s'estimant lésé ne peut être retenu. Dans mon examen de son témoignage, j'ai tenu compte du critère énoncé dans Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (B.C.C.A.), à 357 :

[Traduction]

[…]

La crédibilité de témoins intéressés, particulièrement dans des affaires où il y a conflit de preuves, ne peut être jugée uniquement d'après la question de savoir si le comportement personnel du témoin particulier peut garantir la véracité de son témoignage. Il faut examiner objectivement son témoignage pour déterminer s'il concorde avec les probabilités qui sous-tendent les conditions courantes réelles. En bref, pour pouvoir réellement conclure que l'histoire d'un témoin est vraie en pareil cas, celle-ci doit être en harmonie avec la prépondérance des probabilités qu'une personne pratique et informée reconnaîtrait d'emblée comme étant raisonnables en ce lieu et dans ces circonstances. Ce n'est qu'ainsi qu'un tribunal peut évaluer de manière satisfaisante les dépositions de témoins expérimentés, confiants et vifs d'esprit, de même que celles qui se complaisent dans le demi-mensonge et qui ont le don de combiner des exagérations habiles avec des dissimulations partielles de la vérité. Ou encore, un témoin peut présenter honnêtement une déposition sans savoir qu'il se trompe. Un juge qui dirait : " Je le crois parce que j'estime qu'il dit la vérité " tirerait des conclusions à partir de données insuffisantes. En réalité, il agirait à partir d'une impression personnelle, ce qui serait des plus dangereux.

Le juge de première instance doit aller plus loin et affirmer que les preuves présentées par le témoin qu'il juge digne de foi sont conformes à la prépondérance des probabilités et, s'il veut que l'on ait confiance en lui, il doit indiquer pourquoi il en est arrivé à cette conclusion. Un juge n'a pas le pouvoir de lire dans les pensées des gens. De plus, la Cour d'appel doit être convaincue que le juge de première instance a fondé ses constatations concernant la crédibilité non pas sur un seul élément à l'exclusion des autres, mais sur tous les éléments qui servent de critères dans l'affaire à trancher.

[…]

111 Le fonctionnaire s'estimant lésé savait qu'il prenait part à un examen sans documentation. Une personne raisonnable saurait qu'un examen sans documentation signifie que les candidats ne peuvent s'en remettre à aucun autre outil extérieur que leur propre mémoire ou expérience. Sa prétention selon laquelle il a interprété ces mots littéralement semble peu plausible, puisqu'il est un homme intelligent qui s'exprime clairement et qui compte à son actif au moins deux diplômes universitaires et une vaste expérience professionnelle. Dans son travail, il n'accepte pas les choses telles qu'elles paraissent ou sur le fondement de suppositions; il enquête. Il est peu vraisemblable à mon avis qu'il n'ait pas songé sérieusement à ce que signifiait un examen sans documentation. La question revêtait une certaine importance à ses yeux, puisqu'il souhaitait se mesurer aux autres candidats et bien paraître dans le cadre du concours visant le poste VM-03.

112 Le fonctionnaire s'estimant lésé savait que l'utilisation de l'Internet lui procurerait un avantage à l'examen. Il a déclaré au cours de son témoignage qu'il avait le sentiment d'être désavantagé - parce que son expérience portait surtout sur la santé animale - dans le cadre d'un concours aux fins de doter un poste dont les tâches se rapportaient également à l'inspection de l'hygiène des viandes, tâches qu'il n'avait pas exécutées depuis un certain temps. Il n'a fait part à la surveillante d'aucune des questions qu'il se posait au sujet de l'utilisation de l'Internet, en partie de crainte que les autres candidats soient alors mis au courant de cet avantage.

113 La prétention du fonctionnaire s'estimant lésé selon laquelle il pouvait utiliser l'Internet parce qu'il n'avait reçu de la surveillante aucune directive verbale ou écrite précise le jour de l'examen va à l'encontre des objectifs de l'examen, lesquels consistaient à mettre à l'épreuve les connaissances des candidats sur le fondement de règles du jeu équitables. Il ne s'agissait pas de tester les capacités des candidats de retrouver puis de reproduire des renseignements recueillis en ligne, aussi utiles ces renseignements puissent-ils être dans le cadre de l'exécution des tâches au quotidien. Le fonctionnaire s'estimant lésé ne postulait pas un poste de spécialiste de l'informatique.

114 À mon avis, les explications que le fonctionnaire s'estimant lésé a fournies quant à la raison pour laquelle il a utilisé l'Internet étaient fabriquées; il a bénéficié d'un délai de plusieurs mois à cette fin. Il s'est révélé un témoin combatif et intraitable. Son témoignage n'a pas paru véridique. À mon avis, l'utilisation de l'Internet à l'examen était une inconduite.

115 La deuxième question qui se pose est celle de savoir si la décision de l'Agence de suspendre le fonctionnaire s'estimant lésé pendant 15 jours sans traitement est excessive dans les circonstances du cas. Dans un certain nombre de précédents que l'Agence a fournis et dans lesquels un employé avait triché dans un examen de manière préméditée, le congédiement a été maintenu à l'étape de l'arbitrage de grief comme étant une mesure disciplinaire appropriée. La distinction dans le présent cas tient au fait que l'inconduite du fonctionnaire s'estimant lésé était opportuniste plutôt que préméditée. Elle révèle cependant un manque de jugement grave et constitue un manquement grave à l'éthique et aux valeurs véhiculées par l'Agence.

116 En l'espèce, l'Agence a opté pour une approche de réhabilitation en vue de dissuader le fonctionnaire s'estimant lésé d'adopter un tel comportement à l'avenir. Elle a pris en considération les faits atténuants, y compris le nombre d'années de service du fonctionnaire s'estimant lésé, et le fait qu'il n'a pas menti au sujet de l'utilisation de l'Internet.

117 L'Agence paraît ne pas avoir pris en considération deux autres facteurs atténuants. Le comportement n'était pas prémédité, en ce sens que le fonctionnaire s'estimant lésé a non pas apporté des outils externes dans la salle d'examen, mais plutôt utilisé l'Internet de manière opportuniste. En outre, le fonctionnaire s'estimant lésé semble avoir eu par le passé un rendement supérieur au travail, ainsi qu'en font foi les prix qui lui ont été décernés.

118 De manière générale, les facteurs qu'il convient de prendre en considération pour déterminer si la mesure disciplinaire devrait être moins grave ont été décrits dans Naidu. Je ne suis pas convaincu que le fonctionnaire s'estimant lésé comprend qu'il a commis une faute ni combien cette faute est grave. Il n'a certainement fait preuve d'aucun remords à l'égard de la faute commise au cours de ses rencontres avec M. McEachern ou au cours de l'audience d'arbitrage de grief tenue en l'espèce. Je ne suis pas convaincu qu'il n'adopterait pas un comportement semblable dans des circonstances identiques. Il est cependant peu probable qu'il ait l'occasion de participer à d'autres concours, puisqu'il a déclaré qu'il songeait à prendre sa retraite en février 2007. Au cours de son témoignage, il s'est dit frustré de devoir faire face à des difficultés importantes dans son travail de tous les jours parce que l'Agence ne lui fournit pas les « outils » dont il a besoin pour faire son travail. À mon sens, son comportement a [traduction] « clairement dépassé les limites » dans ce cas-ci. Il semble ne voir rien de mal à tricher dans un examen, ce qui est troublant, et il cherche à justifier son comportement en en faisant porter le blâme à l'Agence. Ainsi qu'il a été souligné dans Naidu, les employeurs ont droit à la bonne foi des employés.

119 À mon avis, la décision de l'Agence était raisonnable et aurait pu donner lieu à une suspension plus longue que celle qui a été imposée, étant donné la série de précédents qui m'ont été présentés. La sanction disciplinaire imposée n'était pas excessive dans les circonstances, il y avait peu de facteurs atténuants et, en conséquence, je ne suis pas disposé à en réduire la durée.

120 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

121 Les griefs sont rejetés.

Le 5 juillet 2007.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Paul Love,
arbitre de grief

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