Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a travaillé au bureau de Barrie du Bureau des services fiscaux du Nord de Toronto pendant 14 ans - lorsque le bureau de Barrie est devenu le Bureau des services fiscaux de Barrie, l’employeur a demandé que la fonctionnaire s’estimant lésée travaille au Bureau des services fiscaux du Nord de Toronto - elle a déposé un grief selon lequel la demande de l’employeur constituait une mesure disciplinaire - l’arbitre de grief a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée avait été affectée à Barrie, et que la décision de l’employeur de mettre fin à cette affectation était de nature administrative - la fonctionnaire s’estimant lésée n’a fourni aucune preuve montrant que la demande de l’employeur constituait une réponse à une inconduite alléguée ou perçue - l’arbitre de grief a conclu qu’il n’avait pas compétence pour entendre le grief. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-05-01
  • Dossier:  566-34-260
  • Référence:  2007 CRTFP 43

Devant un arbitre de grief


ENTRE

SHERRY STEVENSON

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Stevenson c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Ian R. Mackenzie, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Elle-même

Pour l'employeur:
Victoria Yankou, avocate
Paula Warnhlotz, Agence du revenu du Canada

Affaire entendue à Toronto (Ontario),
du 29 au 31 janvier 2007.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Sherry Stevenson (« la fonctionnaire s'estimant lésée ») occupe un poste de vérificatrice de la taxe d'accise à l'Agence du revenu du Canada (« l'employeur »). Elle a déposé un grief pour contester une lettre de l'employeur mettant censément fin à une affectation au Bureau des services fiscaux (BSF) situé à Barrie (Ontario) et lui demandant de se présenter au BSF de Toronto Nord. Or, elle soutient qu'elle n'était pas en affectation au BSF de Barrie.

2 Le grief est libellé en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Je conteste la lettre qui m'a été envoyée le 24 février 2005 concernant mon statut d'employée et que rien ne la justifie. Je n'ai jamais été en affectation […] Le 4 octobre 1999, j'ai été titularisée dans un poste AU-03 au bureau de Barrie. Il n'existe aucun document qui prouve que j'étais en affectation à Barrie.

[…]

3 À titre de mesure corrective, la fonctionnaire s'estimant lésée demande que la lettre soit annulée. Elle demande aussi de pouvoir continuer à travailler au BSF de Barrie et à relever de ce bureau.

4 Dans son renvoi à l'arbitrage, elle allègue que l'employeur a pris une mesure disciplinaire à son endroit.

II. Questions préliminaires

5 Dans une lettre en date du 1er mai 2006, l'employeur a contesté la compétence de l'arbitre de grief pour entendre l'affaire. Il a avancé que le grief se rapporte à l'emplacement du poste d'attache de la fonctionnaire s'estimant lésée plutôt qu'à une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire. Les parties ont été informées que la question de la compétence serait tranchée dès le début de l'audience.

6 D'entrée de jeu à l'audience, l'employeur a déclaré que je devais me prononcer sur la question de ma compétence sans entendre la preuve. La fonctionnaire s'estimant lésée a prétendu que les actes de l'employeur constituaient une mesure disciplinaire déguisée. Après avoir entendu les observations des parties, j'ai conclu qu'il y avait des faits importants en litige et qu'il me fallait entendre la preuve des parties pour en arriver à une conclusion sur ces faits.

7 L'employeur a également soutenu, à l'audience, que le libellé du grief n'étayait pas la prétention de la fonctionnaire s'estimant lésée selon laquelle il s'agissait d'une mesure disciplinaire déguisée et que je n'avais donc pas compétence pour entendre le grief. À cet égard, il m'a renvoyé à Burchill c. Canada (Procureur général), [1981] 1 C.F. 109 (C.A.).

8 La fonctionnaire s'estimant lésée a affirmé que j'avais compétence pour entendre le grief et m'a renvoyé à Gingras c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada), 2002 CRTFP 46.

9 J'ai déterminé que le libellé du grief était suffisamment clair pour me permettre de trancher la question de ma compétence. J'estime que l'arbitre de grief doit interpréter le libellé des griefs de façon générale. Dans l'optique de relations de travail harmonieuses, il faut se garder d'adopter une attitude trop rigoriste en matière d'interprétation du libellé des griefs car on risque ainsi de laisser irrésolus les véritables différends qui perturbent les relations de travail. C'est un point de vue que la Cour suprême du Canada a d'ailleurs fait sienne dans Parry Sound (District), Conseil d'administration des services sociaux c. Syndicat des employés et employées de la fonction publique de l'Ontario, section locale 324, 2003 CSC 42 :

[…]

68      […] il importe de reconnaître le consensus général chez les arbitres que, dans la mesure du possible, un grief ne devrait pas être gagné ni perdu pour un vice de forme, mais plutôt en raison de son bien-fondé […]

[…]

69      […] Ces décisions sont fondées sur l'idée que les exigences procédurales ne devraient pas être rigoureusement appliquées dans les cas où l'employeur ne subit aucun préjudice. Il est plus important de régler le différend d'ordre factuel qui est à l'origine du grief.

[…]

10 Le grief aurait pu être rédigé de façon plus limpide, j'en conviens, mais il reste que l'objet du litige et le lien avec la mesure disciplinaire présumée sont clairement indiqués. L'employeur n'a pas démontré que la procédure lui causerait un préjudice, c'est pourquoi j'ai rejeté sa contestation de ma compétence.

III. Résumé de la preuve

11 J'ai accédé à une demande d'exclusion des témoins. La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné et trois personnes ont témoigné pour l'employeur.

12 La fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré qu'elle avait commencé à travailler à ce qui était alors le sous-bureau du BSF de Toronto Nord, à Barrie, en février 1990. Elle habite d'ailleurs tout près du bureau de Barrie, qui est situé à 94 kilomètres environ du BSF de Toronto Nord, qui se trouve dans la collectivité de North York.

13 La fonctionnaire s'estimant lésée a été nommée à un poste de vérificatrice de la taxe d'accise aux groupe et niveau AU-03 en septembre 1999. L'avis de concours (pièce G-3) n'indiquait pas qu'il y avait des postes à pourvoir au bureau de North York - seul le BSF de Toronto Nord y était mentionné - et la lettre de nomination (pièce G-4) ne fournit aucune indication sur le lieu de travail. À l'issue du concours, la fonctionnaire s'estimant lésée a d'abord obtenu un poste intérimaire au bureau de Barrie. Elle a déclaré qu'elle n'avait pas demandé d'être affectée à cet endroit et qu'aucun des documents qui lui ont été expédiés n'indiquait qu'il s'agissait uniquement d'une affectation temporaire. Elle a dit que cela ne l'a pas empêché de bénéficier de tous les droits et avantages qui se rattachaient à ses fonctions, comme si son poste d'attache était à Barrie, et qu'il n'y a pas eu d'entente d'affectation. Elle a continué d'avoir droit à une indemnité de déplacement pour ses visites au bureau de North York et de relever du même chef d'équipe. Le code de centre de coûts qu'elle consignait sur ses demandes de remboursement de frais était toujours celui du bureau de Barrie.

14 Michael Yee, qui occupait le poste de gestionnaire principal, Vérification et exécution, au BSF de Toronto Nord à l'automne de 1999, a déclaré qu'il avait eu un échange avec la fonctionnaire s'estimant lésée au sujet de la lettre d'offre. Il a dit qu'il s'est efforcé de satisfaire au désir de Mme Stevenson de continuer à travailler au bureau de Barrie en l'autorisant à achever le travail qu'elle avait déjà commencé. Il a ensuite expédié à Diane C. Emmett, directrice adjointe, Vérification et exécution, au BSF de Toronto Nord, un courriel dans lequel il décrit brièvement l'entretien qu'il a eu avec Stevenson la semaine précédente. Ce résumé est reproduit ci-après (pièce E-2) :

[Traduction]

[…]

Je lui ai demandé quel était le problème avec la lettre d'offre. Elle m'a répondu qu'elle voulait qu'une clause de réinstallation y soit insérée au cas où elle se retrouverait coincée à North York et qu'elle voudrait de rapprocher du bureau. Cependant, elle en avait assez des réponses évasives du service des HR et de la DAVE, si bien qu'elle avait signé (accepté) la lettre d'offre la veille. Je lui ai dit que, selon moi, les règles relatives à la réinstallation établies par les RH s'appliqueraient, que la lettre d'offre originale contienne ou non une clause.

Nous avons ensuite discuté du travail qui lui avait été confié à titre de AU3 et qu'elle prévoyait avoir terminé le 31 mars 2000. Je lui ai dit qu'on lui offrirait alors l'affectation temporaire au service de la taxe d'accise à Barrie, mais je lui ai rappelé que le poste et l'affectation étaient appelés à disparaître une fois que la construction du nouvel immeuble de Barrie serait achevée. J'ai répété qu'elle demeurait en affectation à Barrie, mais que son poste d'attache se trouvait à North York. J'ai ajouté que quand viendra le moment de pourvoir les postes après la construction du nouvel immeuble de Barrie, elle sera obligée de se présenter aux concours, tout comme les autres AU3 de North York qui pourraient vouloir travailler à cet endroit. Elle n'était nullement assurée d'obtenir un poste, ce dont elle a convenu.

Je lui ai dit que Peter Evans allait continuer d'être son chef d'équipe et d'évaluer son rendement et que le bureau de Barrie demeurait son bureau d'attache pour les fins du remboursement de ses frais de déplacement.

[…]

15 La fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré qu'elle n'avait conservé aucun souvenir de cet échange, mais qu'elle n'avait aucune raison de mettre en doute le témoignage de M. Yee. Mme Emmett a indiqué que son adjoint l'avait avisé que Mme Stevenson avait des réserves au sujet de sa nomination et qu'elle voulait être affectée à Barrie (pièce E-3). La fonctionnaire s'estimant lésée s'est rappelé une conversation qu'elle avait eue avec David Rice (le gestionnaire qui a remplacé M. Yee) au sujet du fait que son poste d'attache se trouvait à North York.

16 M. Yee a déclaré qu'aucune entente d'affectation n'avait été préparée pour la fonctionnaire s'estimant lésée. Il a déclaré qu'on ne préparait pas tout le temps ce genre d'entente pour les employés. Mme Emmett a indiqué qu'il n'était pas d'usage de remettre une entente d'affectation aux vérificateurs qui sont affectés à un poste de même groupe et niveau que leur poste d'attache pour accomplir le même genre de travail. On remet une entente aux employés qui en font la demande ou qui sont affectés à un poste de même groupe et niveau pour accomplir des tâches différentes.

17 Le BSF de Barrie a été créé le 5 avril 2004 (pièce G-1); on y dénombrait alors 155 employés. Il a toutefois continué de partager certains programmes et services avec le BSF de Toronto Nord.

18 Le 4 mai 2004, la fonctionnaire s'estimant lésée a présenté une demande de mutation latérale (pièce E-1, onglet 4, et pièce G-17), dans laquelle elle écrit ceci :

[Traduction]

[…]

Je travaille à l'ARC depuis février 1990 et je relève du bureau de Barrie depuis ce temps-là. J'ai été nommée au poste de vérificatrice de la taxe d'accise AU-03 en février 1999 et mon poste d'attache se trouvait à North York, mais j'ai continué à relever du bureau de Barrie.

Je n'ai jamais relevé du bureau de North York. Je demande une mutation latérale au bureau de Barrie puisque c'est mon lieu de travail depuis une quinzaine d'années et que j'habite à trois kilomètres de là.

[…]

19 La fonctionnaire s'estimant lésée indique ensuite les trois postes, tous situés au bureau de Barrie, qui lui conviendraient, soit le poste de vérificatrice de la taxe d'accise, de chargée de projet auprès du directeur adjoint et de conseillère technique-élaboration de la charge de travail. Elle a déclaré à l'audience que la demande de mutation latérale faisait suite à une invitation générale lancée par l'employeur et qu'elle savait que la direction considérait qu'elle était en affectation au BSF de Barrie.

20 Le 24 février 2005, Deborah Dixon, directrice adjointe par intérim, Vérification et exécution, au BSF de Barrie, a écrit à la fonctionnaire s'estimant lésée pour lui dire que son affectation au BSF de Barrie prenait fin le 31 mars 2005 [traduction] « […] en raison de contraintes budgétaires […] » (pièce E-1, onglet 3) et que son poste d'attache se trouvait au BSF de Toronto Nord.

21 La fonctionnaire s'estimant lésée et l'employeur ont produit des éléments de preuve décrivant la situation budgétaire. La fonctionnaire s'estimant lésée a défendu la thèse que l'employeur disposait d'une marge de manouvre suffisante pour pourvoir un poste de vérificatrice de la taxe d'accise aux groupe et niveau AU-03 au BSF de Barrie. L'employeur a prétendu le contraire. Ayant conclu que l'employeur avait le droit de répartir ses effectifs comme il l'entend, j'estime que la preuve relative à la situation budgétaire de l'employeur n'est d'aucune utilité pour trancher un grief de mesure disciplinaire déguisée.

22 Mme Dixon a déclaré qu'elle avait offert une affectation temporaire à la fonctionnaire s'estimant lésée, par l'intermédiaire de M. Rice, pour participer à la rédaction d'un manuel sur la réglementation des jeux de hasard, mais que M. Rice lui avait fait savoir que Mme Stevenson avait décliné l'offre. Mme Dixon ne savait pas combien de temps l'affectation aurait duré, mais probablement de trois et six mois, a-t-elle déclaré.

23 Les deux parties ont produit en preuve des organigrammes portant diverses dates - certains montraient que la fonctionnaire s'estimant lésée était en affectation au BSF de Barrie, d'autres non.

24 La fonctionnaire s'estimant lésée a aussi démontré que d'autres employés s'étaient fait offrir des postes au BSF de Barrie, mais dans les deux cas en question, il ne s'agissait de postes de même niveau que le sien.

25 La fonctionnaire s'estimant lésée a déposé en preuve les principes de dotation appliqués par l'employeur (pièce G-21) ainsi que des preuves des frais de déplacement associés à sa mutation au bureau de North York (pièces G-22 et G-23).

26 Mme Dixon a déclaré que la fonctionnaire s'estimant lésée était une excellente vérificatrice et que la qualité de son travail lui donnait pleine satisfaction.

IV. Résumé de l'argumentation

A.  Pour la fonctionnaire s'estimant lésée

27 La fonctionnaire s'estimant lésée a soumis que la décision de l'employeur est déraisonnable et arbitraire et constitue une mesure disciplinaire déguisée et un abus de pouvoir et que l'employeur a agi de mauvaise foi, sans tenir compte des diverses options possibles. Elle m'a renvoyé à Tucci c. Canada (Procureur général), dossier de la Cour fédérale no T-623-96 (19970211), dans laquelle est définie la mauvaise foi. Elle s'est appuyée sur les catégories suivantes d'abus de pouvoir, résumées dans cette décision, soit se fonder sur des éléments insuffisants, notamment en l'absence de preuve ou sans tenir compte d'éléments pertinents ou adopter une politique qui entrave la capacité de l'employeur d'examiner des cas individuels avec un esprit ouvert.

28 La fonctionnaire s'estimant lésée a dit que l'employeur a laissé l'affectation à Barrie se poursuivre et lui a fait croire qu'elle allait finir par obtenir une nomination à un poste de durée indéterminée. Elle a dit qu'elle figurait en tête de liste des employés bénéficiant d'une priorité pour une telle nomination au bureau de Barrie, mais que sa candidature n'a jamais été prise en considération, au mépris des principes d'équité en matière de dotation. Elle estime avoir été traitée différemment des autres employés du BSF de Barrie.

29 La fonctionnaire s'estimant lésée a dit que l'employeur n'a produit aucun document qui prouve qu'elle était en affectation temporaire.

30 Elle a attiré l'attention sur les incohérences et les erreurs contenues dans les réponses au grief.

31 Elle a aussi dit que les contraintes budgétaires qu'invoque l'employeur pour ne pas la nommer à un poste au BSF de Barrie ne sont qu'un faux prétexte et qu'elles témoignent de sa mauvaise foi. Elle a soutenu que les fonds étaient disponibles et qu'il y avait des postes vacants au bureau de Barrie.

32 Elle a ajouté que si elle avait su que l'employeur était sur le point de mettre fin à son affectation, elle aurait accepté, ou à tout le moins pris en considération, toute offre qui lui aurait permis de prolonger son affectation au bureau de Barrie.

33 La fonctionnaire s'estimant lésée estimait avoir été pénalisée financièrement du fait qu'elle n'a plus le droit de se faire rembourser ses frais de déplacement.

34 Elle m'a demandé d'ordonner que la lettre mettant fin à son affectation soit annulée et qu'elle continue à travailler au BSF de Barrie.

B. Pour l'employeur

35 L'employeur a soumis que je n'avais pas compétence pour trancher le grief puisqu'il n'y a pas de mesure disciplinaire en l'occurrence. La fonctionnaire s'estimant lésée savait que son poste d'attache se trouvait au bureau de North York quand elle a accepté la nomination; elle n'a jamais reçu l'assurance que son affectation au bureau de Barrie était de durée indéterminée. La fonctionnaire s'estimant lésée a dit accepter le témoignage de M. Yee et de Mme Emmett quant aux discussions qui se sont tenues au moment de sa nomination initiale au poste AU-03. C'est la preuve qu'elle savait, à ce moment-là, que l'affectation n'était que temporaire.

36 L'employeur a poursuivi en disant que le but d'une mesure disciplinaire est de corriger un comportement répréhensible. Or, dans ce-ci, aucun écart de conduite, agissement coupable ou délit d'action n'est reproché à la fonctionnaire s'estimant lésée. L'employeur m'a renvoyé à l'ouvrage de Brown et Beatty intitulé Canadian Labour Arbitration, 4e édition (au paragraphe 7:4210), et aux décisions Synowski c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2007 CRTFP 6, et Smith c. Conseil du Trésor (Procureur général - Service correctionnel du Canada), dossier de la CRTFP 166-02-27445 (19970922). Il ressort en fait de la preuve que la fonctionnaire s'estimant lésée était une excellente vérificatrice.

37 L'employeur a affirmé qu'il n'y a pas eu de défaut de transparence envers la fonctionnaire s'estimant lésée et que je dois retenir les déclarations des témoins de l'employeur, qui sont plus vraisemblables.

38 Il a observé que la direction a le droit de répartir ses effectifs comme elle l'entend (alinéa 51(1)a) de la Loi sur l'Agence du revenu du Canada et article 7 de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique). L'employé ne peut exiger d'être affecté au poste ou au lieu de travail de son choix.

39 L'employeur a ajouté que la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas été pénalisée financièrement. Le fait de ne plus avoir droit à une indemnité de déplacement n'est pas considéré comme une sanction pécuniaire au sens de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. La fonctionnaire s'estimant lésée a accepté la nomination tout en sachant l'endroit; c'est donc à dire qu'elle a accepté d'assumer les frais associés à ses déplacements aller-retour à North York. L'employeur m'a renvoyé à Schofield c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2002 CRTFP 47 (confirmée par Schofield c. Canada (Procureur général), 2004 CF 622).

40 L'employeur a fait valoir que l'abus de pouvoir et la discipline sont deux choses différentes. Pour obtenir réparation relativement à l'abus de pouvoir présumé, la fonctionnaire s'estimant lésée pouvait se prévaloir des recours prévus par les politiques internes de l'employeur tels qu'une plainte de harcèlement. Le processus d'arbitrage de grief n'est pas la tribune appropriée pour mettre de l'avant des allégations d'abus de pouvoir.

41 L'employeur a poursuivi en disant que rien ne prouve qu'il a agi de mauvaise foi et m'a renvoyé à la définition de mauvaise foi dans Black's Law Dictionary, 6e édition, qui dit que cette notion comporte un élément intentionnel. Il y avait des motifs légitimes de mettre fin à l'affectation, au vu de ses contraintes budgétaires. On ne doit pas porter des accusations de mauvaise foi à la légère. Pour qu'il y ait mauvaise foi, il faut aussi que des actes répréhensibles aient été commis délibérément, ce qui n'est pas le cas ici.

42 L'employeur a terminé en disant que le grief doit être rejeté pour défaut de compétence.

C. Réfutation de la fonctionnaire s'estimant lésée

43 La fonctionnaire s'estimant lésée a convenu que l'employeur a le droit de gérer ses ressources budgétaires comme il l'entend; cela dit, il ne bénéficie tout de même pas d'une marge de manouvre illimitée, surtout quand cela entraîne des conséquences inadmissibles.

V. Motifs

44 La fonctionnaire s'estimant lésée est une excellente employée; elle fait face à une situation difficile qui a eu des conséquences évidentes sur sa vie quotidienne. Il reste qu'elle n'a pas démontré qu'elle avait été l'objet d'une mesure disciplinaire déguisée, et ce, pour les motifs exposés ci-dessous. Je n'ai donc pas compétence.

45 Comme la Cour fédérale l'a indiqué récemment dans Canada (Attorney General) v. Grover, 2007 FC 28, les arbitres de griefs doivent se préoccuper de la substance et non de la forme des mesures disciplinaires présumées afin de déterminer s'ils ont compétence. Dans ce cas-ci, la mesure prise par l'employeur est de nature administrative. La fonctionnaire s'estimant lésée prétend que c'est une mesure disciplinaire déguisée. Quand il examine un acte de l'employeur qui lui paraît à première vue être de nature administrative, l'arbitre de grief doit prendre en considération tous les faits et circonstances accessoires pour déterminer s'il ne s'agit pas en fait d'une mesure disciplinaire déguisée.

46 La fonctionnaire s'estimant lésée ne se souvenait pas d'un échange qu'elle a eu avec M. Yee peu de temps après sa nomination au poste AU-03, mais elle n'a pas nié qu'il ait eu lieu. Il ressort nettement du témoignage et du courriel de M. Yee que la fonctionnaire s'estimant lésée a été informée de l'endroit où se trouvait son poste d'attache. Sa demande de mutation latérale en mai 2004 montre clairement qu'elle savait que son poste d'attache se trouvait au bureau de North York (pièce E-1, onglet 4, et pièce G-17).

47 Une mesure disciplinaire est une mesure que prend l'employeur pour remédier à un écart de conduite présumé ou, en d'autres termes, « […] pour pallier à tout ce que l'employeur considère comme agissement coupable, quel que soit le terme inscrit dans les dossiers à cet effet […] [souligné dans l'original] » (Robertson c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-02-454 (19710628)). La fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas démontré que les actes de l'employeur visaient à remédier à un écart de conduite présumé ou apparent. Il ressort au contraire de la preuve que l'employeur était satisfait de son travail et de la manière dont elle s'acquittait de ses tâches.

48 Puisqu'il n'y a pas eu d'écart de conduite en l'espèce, l'allégation voulant que l'employeur ait agi de mauvaise foi n'est pas pertinente. Il existe d'autres recours pour arguer de la mauvaise foi de l'employeur dans le processus de dotation ou d'attribution des postes. Je pense moi aussi qu'on ne doit pas porter d'accusations de mauvaise foi à la légère. J'ajouterai également qu'on ne doit pas non plus laisser ce genre d'accusations pendre au-dessus de la tête de quiconque. C'est pour cette unique raison que j'ai apprécié la preuve qui m'a été soumise afin d'en arriver à une décision sur ce point. Au vu de la preuve dont je dispose, je ne peux conclure que l'employeur a agi de mauvaise foi.

49 Il ne m'est pas nécessaire de déterminer si la perte de l'indemnité de déplacement attribuable au changement de lieu de travail constitue une sanction pécuniaire puisque la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas démontré qu'elle avait été l'objet d'une mesure disciplinaire au sens de l'alinéa 209(1)b) de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Par conséquent, je ne tire pas de conclusion sur ce point.

50 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

51 Le grief est rejeté.

Le 1er mai 2007.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Ian R. Mackenzie,
arbitre de grief

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