Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé travaille pour le Service correctionnel du Canada depuis 1969 et occupe un poste de préposé aux visites et à la correspondance à l’établissement Montée St-François depuis 1976 (CX-01) - une révision des postes de l’établissement a été effectuée pour permettre la réduction des effectifs nécessaire en raison des compressions budgétaires de 1994 - la description de travail du poste de préposé aux visites et à la correspondance a été modifiée par l’ajout des éléments suivants : l’entrée de données et l’utilisation de renseignements informatisés tels le Système de gestion des détenus; la participation à la formation du personnel en rotation; une implication dans les procédés de visites privées et la rédaction de rapports, ce qui a fait de ce poste un poste de groupe et niveau CX-02 - le poste de préposé (CX-01) ainsi que son titulaire ont toutefois été protégés à la suite de cette révision, mais le poste sera remplacé, lorsqu’il deviendra vacant, par le poste d’agent de correction, visites et correspondance (groupe et niveau CX-02) - le fonctionnaire s’estimant lésé a réclamé une rémunération intérimaire aux groupe et niveau CX-02, alléguant qu’il exécute dans les faits les fonctions d’un poste de classification supérieure au sien - l’arbitre de grief a constaté que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas exercé toutes les tâches du poste classifié aux groupe et niveau CX-02 - par exemple, les préposés aux visites et à la correspondance ne sont pas tenus de faire du travail par rotation dans divers secteurs de l’établissement dans d’autres postes de groupe et niveau CX-02, incluant les pavillons des détenus, ni ne participent au Comité de gestion des cas - l’employeur a déterminé que les tâches et responsabilités du poste du fonctionnaire s’estimant lésé étaient classifiées adéquatement aux groupe et niveau CX-01 - le statut du fonctionnaire s’estimant lésé dans ce poste, destiné à disparaître éventuellement, était protégé à la suite de la révision des postes de l’établissement - acquiescer à la demande du fonctionnaire s’estimant lésé ferait en sorte que l’arbitre de grief traite d’une question de classification, ce que l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ne permet pas. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-07-06
  • Dossier:  166-02-35956
  • Référence:  2007 CRTFP 68

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ANDRÉ GOSSELIN

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Gosselin c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Léo-Paul Guindon, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Céline Lalande, Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN

Pour l'employeur:
Éric De Santis, avocat

Affaire entendue à Montréal (Québec),
le 14 juin 2006.

I. Grief renvoyé à l'arbitrage

1 André Gosselin occupait un poste de préposé aux visites et à la correspondance à l'établissement Montée St-François à Laval au moment de son grief le 30 janvier 2004. Son grief précise qu'il est rémunéré aux groupe et niveau CX-01 et qu'il désire être rémunéré aux groupe et niveau CX-02 par intérim, tout en conservant les protections acquises (selon la décision arbitrale du 22 décembre 2003). Ce grief a été renvoyé à l'arbitrage par l'agent négociateur, Union of Canadian Correctionnal Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN (« UCCO-SACC-CSN ») le 31 mars 2005. Le fonctionnaire s'estimant lésé témoigne que sa demande de rémunération aux groupe et niveau CX-02 est pour une période indéterminée.

2 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l' « ancienne Loi »).

II. Résumé de la preuve

3 La convention collective applicable est intervenue le 2 avril 2001 entre le Conseil du Trésor et UCCO-SACC-CSN pour le groupe Services correctionnels (date d'expiration : le 31 mai 2002) (pièce F-2). Le renvoi à l'arbitrage est fondé sur l'article 50 de la convention collective qui traite de l'administration de la paye. Les stipulations suivantes sont pertinentes :

50.02 L'employé-e a droit, pour la prestation de ses services :

  1. à la rémunération indiquée à l'appendice « A » pour la classification du poste auquel il est nommé, si cette classification concorde avec celle qu'indique son certificat de nomination;

    ou
  2. à la rémunération indiquée à l'appendice « A » pour la classification qu'indique son certificat de nomination, si cette classification et celle du poste auquel il est nommé ne concorde pas.

[…]

50.07 Lorsque l'employé-e est tenu par l'Employeur d'exécuter à titre intérimaire une grande partie des fonctions d'un employé-e d'un niveau de classification supérieur et qu'il exécute ces fonctions pendant au moins une (1) journée de travail, il touche, pendant la période d'intérim, une rémunération d'intérim calculée à compter de la date à laquelle il commence à remplir ces fonctions, comme s'il avait été nommé à ce niveau supérieur.

4 M. Gosselin travaille pour le Service correctionnel du Canada depuis 1969 et occupe un poste de préposé aux visites et à la correspondance à l'établissement Montée St-François depuis 1976. L'organigramme de l'établissement, daté du 1er avril 1994, montre que le poste de préposé aux visites et à la correspondance est identifié aux groupe et niveau CX-01 et « fait partie des standards d'AC-II » (pièce F-1). L'expression « fait partie des standards d'AC-II » signifie que lorsque le titulaire actuel du poste quittera, le poste sera alors comblé par un agent correctionnel de groupe et niveau CX-02.

5 Une révision des postes a été effectuée pour permettre la réduction des effectifs nécessaire en raison des compressions budgétaires de 1994 (pièce F-3). La description de travail du poste de préposé aux visites et à la correspondance a été modifiée par l'ajout des éléments suivants : l'entrée de données et l'utilisation de renseignements informatisés tels le Système de gestion des détenus; la participation à la formation du personnel en rotation; une implication dans les procédés de visites privées; la rédaction de rapports. Cette nouvelle description de travail est entrée en vigueur le 1er avril 2005 (pièce F-5). Le poste de préposé (groupe et niveau CX-01) est protégé et sera remplacé, lorsqu'il deviendra vacant, par le poste d'agent de correction, visites et correspondance (groupe et niveau CX-02). Les titulaires des postes de préposé aux visites et à la correspondance ont un statut protégé aux groupe et niveau CX-01 et ne sont pas tenus de faire du travail par rotation dans divers secteurs, incluant les pavillons des détenus.

6 La description de travail pour le poste de préposé aux visites et à la correspondance indique que son titulaire applique le Programme de visites et correspondance de même que le Programme de visite familiale privée; contrôle le courrier reçu ou expédié par les détenus; assure l'entrée des données au Système informatique national de la gestion des détenus; effectue la supervision des détenus nettoyeurs de son secteur; participe au processus de gestion des cas et de stratégie correctionnelle et effectue d'autres tâches (pièce F-5). Le gérant d'unité, l'agent de gestion de cas, l'agent de libération conditionnelle et l'agent correctionnel (groupe et niveau CX-02) participent au Comité de gestion des cas qui décide, entre autres, si un détenu peut obtenir le privilège de recevoir des visiteurs ou s'il peut profiter de visites familiales privées. Le préposé aux visites et à la correspondance peut transmettre au Comité de gestion des cas son évaluation d'un détenu ou de l'un de ses visiteurs, tout comme il est loisible au comité de lui demander une telle évaluation. Le Comité de gestion des cas communique avec le préposé aux visites et à la correspondance pour obtenir les renseignements nécessaires sur le détenu et/ou les visiteurs. Les organigrammes en date du 1er avril 1994 (pièce F-1) et du 1er mai 2004 (pièce E-5) indiquent que le préposé aux visites et à la correspondance est sous la supervision du gérant d'unité. M. Gosselin informe le gérant d'unité (ou le surveillant correctionnel) des incidents survenant au service des visites et correspondance (pièce F-4).

7 La charge de travail pour les préposés au service des visites et de la correspondance de l'établissement Montée St-François est assumée par deux personnes, M. Gosselin (CX-01) et Louise Parent (CX-02). Ils assument leurs fonctions alternativement, selon une rotation aux deux semaines comme suit : une semaine travaillant tous les jours du lundi au dimanche (« semaine de travail de sept jours »), suivie d'une semaine de deux jours de travail, soit le mercredi et le jeudi (« semaine de travail de deux jours ») (pièce F-6). La semaine de travail de sept jours est exécutée au service des visites et de la correspondance et le préposé y assume les fonctions précisées dans sa description de travail (pièce F-5). Lors de la semaine de travail de deux jours, le préposé est en disponibilité pour des tâches de groupe et niveau CX-02. Lors de la semaine de deux jours, M. Gosselin effectue des entrevues avec des détenus dans les unités de l'établissement et reçoit alors une rémunération d'intérim aux groupe et niveau CX-02.

8 M. Gosselin a élaboré les horaires de travail pour le service des visites et de la correspondance (pièce F-6) de même que le rapport de prime de poste (pièce F-7). Après le dépôt de son grief, la responsabilité de préparer l'horaire de travail a été assumée par le surveillant correctionnel qui le consultait à cet égard. La gestion du service des visites et de la correspondance est assurée par le gérant d'unité (ou, en son absence, du surveillant correctionnel) malgré que le préposé aux visites et à la correspondance exécute seul ses fonctions. Les problématiques relativement aux visiteurs sont de la responsabilité du gérant d'unité ou du surveillant correctionnel, mais en pratique, le gérant ou le surveillant endosse la décision du préposé.

9 Mme Parent est rémunérée au poste de groupe et niveau CX-02 et assume les responsabilités de préposée aux visites et à la correspondance selon une rotation lente sur une période de deux ans. Elle assume les fonctions de ce poste par rotation avec ses fonctions d'agent correctionnel dans les autres secteurs de l'établissement, incluant les pavillons des détenus. Elle ne bénéficie pas d'un statut protégé aux groupe et niveau CX-01. Ses fonctions au service des visites et de la correspondance ne présentent pas de responsabilité de gestion de cas pour les détenus bénéficiant de ce programme. Comme agent correctionnel de groupe et niveau CX-02, elle intervient directement auprès des détenus et elle est responsable de la gestion de cas pour un groupe de détenus. Elle participe au Comité de gestion des cas avec les autres intervenants pour le groupe de détenus sous sa responsabilité. Elle a repris, de la convention collective, la définition de « postes à rotation lente » qui suit (pièce F-8) :

[…]

Postes à rotation lente sont définis comme étant des postes pour lesquels un niveau de continuité et de cohérence des opérations est requis durant une période de temps prolongée. Ces postes à rotation lente comprennent, mais ne se limitent pas, aux postes d'admissions et libération, aux postes des visites et correspondances [sic], de l'unité de ségrégation et de la porte principale.

[…]

10 Dans la semaine de travail de sept jours, Mme Parent assume les responsabilités de préposée aux visites et à la correspondance et inscrit au registre d'intervention les changements dans le comportement des détenus bénéficiant de ce privilège. Dans la semaine de travail de deux jours, elle est en disponibilité pour des tâches régulières de postes aux groupe et niveau CX-02 (rencontrer les détenus, escorter les détenus lors des sorties, etc.).

11 Selon la note d'information au sous-commissaire principal (pièce E-10), la classification aux groupe et niveau CX-01 pour les préposés aux visites et à la correspondance a été mise en application le 10 mars 1994. Cette classification a été maintenue par une décision d'un comité de griefs de classification en juin 1996. À la suite de Lajoie c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel), 2003 CRTFP 117, une vérification sur place a été demandée afin de vérifier si la description de travail pour le poste de préposé aux visites et à la correspondance est conforme.

12 Monique Porlier, gestionnaire régionale à la classification et au design organisationnel, a effectué cette vérification sur place du poste de préposé aux visites et à la correspondance de l'établissement Montée St-François le 26 février 2004. Son objectif était de vérifier si la description de travail représentait bien le travail accompli par les employés. Dans son rapport daté du 4 mars 2004, elle conclut comme suit (pièce E-6) :

[…]

En somme, nous constatons que les responsabilités décrites dans la description de travail correspondent étroitement avec le travail accompli dans la majorité des responsabilités dévolues à l'employé. Hormis le fait que les tâches soient souvent définies de façon plus générale et que quelques précisions ou différences aient été notées, cette description semble assez représentative de la réalité actuelle du poste. A titre informatif, un document remis par M. Gosselin et précisant ses fonctions est placé en annexe III ainsi que l'organigramme en annexe IV.

[…]

13 À la demande de M. Gosselin, Mme Porlier a noté dans son rapport l'évolution du travail au cours des années en fonction de l'informatique; le fait qu'une plus grande autonomie est exigée de la part des préposés depuis l'abolition du poste de surveillant des visites et de la correspondance et le fait que les préposés sont appelés à prendre des décisions de leur propre chef et à faire davantage preuve de jugement. Ce rapport à été acheminé à l'administration centrale aux fins d'évaluation de la classification.

14 La note d'information expédiée au sous-commissaire principal en mars 2004 par Simon Coakeley, chef de secteur et Jim Myles (personne-ressource), responsable du Programme de certification au bureau corporatif, reprend la conclusion du rapport de vérification sur place, que le poste de préposé aux visites et à la correspondance est adéquatement classifié aux groupe et niveau CX-01 (pièce E-10).

15 La décision de classification du poste de préposé aux visites et à la correspondance en date du 31 août 2004 a maintenu ce poste aux groupe et niveau CX-01 (pièce E-2). La Politique sur les griefs de classification (pièce E-8) et la Procédure du règlement des griefs de classification (pièce E-9) exposent les recours disponibles aux fonctionnaires qui désirent contester une décision de classification. M. Gosselin ne se souvient pas d'avoir vu le document déposé comme pièce E-2, bien qu'il ait contesté cette décision par un grief de classification en date du 23 septembre 2004 (pièce E-3).

16 Le rapport du Comité de grief de classification du 29 juin 2005 recommande que les postes de préposé aux visites et à la correspondance soient confirmés aux groupe et niveau CX-01 avec une date d'entrée en vigueur le 17 mars 2004 (pièce E-4). Malgré l'ajout de tâches diverses, le comité a conclu que le rôle définitif et l'objet primordial du poste ne semblent pas avoir été modifiés de façon significative depuis la classification précédente du poste pour justifier une accession aux groupe et niveau CX-02. Cette recommandation a été acceptée par le délégué du sous-ministre le 5 juillet 2005.

17 Isabelle Morin, gérante d'unité à l'établissement Montée St-François depuis 1999 confirme les versions de M. Gosselin et de Mme Parent relativement à la structure du service des visites et correspondance; aux tâches assumées par les agents correctionnels (de groupes et niveaux CX-01 et CX-02) qui y sont affectés, et aux distinctions dans leurs responsabilités et rôles respectifs. Elle affirme avoir remis l'avis de classification daté du 31 août 2004 (pièce F-2) à M. Gosselin. Elle a noté sur le document qu'il a refusé de signer le document. Aucune modification de fonction n'a été effectuée au poste de préposé aux visites et à la correspondance après cet avis.

18 Mme Morin confirme que le privilège du service des visites et correspondance accordé aux détenus relève du Comité de gestion des cas des détenus. Le directeur de l'établissement est responsable du Système de gestion de cas des détenus et il a délégué ces responsabilités aux gérants d'unités et aux surveillants correctionnels.

19 M. Myles, responsable du programme de certification au bureau corporatif, confirme que la responsabilité des agents correctionnels de groupe et niveau CX-02 d'effectuer la gestion de cas pour un groupe spécifique de détenus distingue principalement les responsabilités d'un CX-02 de celles d'un CX-01. La matrice de responsabilité pour la gestion des cas (pièce F-9) n'est pas pertinente aux responsabilités de M. Myles qui évalue si l'agent correctionnel assume la responsabilité de gestion de cas de détenus. La norme de classification pour le groupe des services correctionnels (pièce F-10) précise, au chapitre 6.1, qu'un agent de correction de niveau II est membre d'une équipe de gestion des cas et prend en charge un certain nombre de cas. Les agents assument, à tour de rôle, des postes dans les programmes d'activités récréatifs, sociaux, culturels et de loisir et dans le service des visites et de la correspondance. Au chapitre 6.2 de la norme de classification, il est précisé qu'il est de la responsabilité d'un CX-02 de donner de la formation aux agents de correction de premier niveau.

III. Résumé de l'argumentation

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé

20 La représentante de M. Gosselin soumet que la situation de travail du préposé aux visites et à la correspondance, précisée dans Lajoie,est identique à celle du présent cas et elle énonce qu'à la suite d'une restructuration du service en 1990, les responsabilités du préposé aux visites et à la correspondance ont été intégrées aux fonctions des agents correctionnels aux groupe et niveau CX-02. Depuis 1992, ces fonctions sont effectuées autant par des agents correctionnels de groupe et niveau CX-01 que des agents correctionnels aux groupe et niveau CX-02. C'est en réaction à cette décision du 22 décembre 2003 qui accorde le droit à une rémunération intérimaire aux groupe et niveau CX-02 pour un préposé aux visites et à la correspondance que l'employeur a décidé de revoir la description de travail et de réévaluer la classification de ce poste.

21 La représentante de M. Gosselin reconnaît que les responsabilités de gestion des cas, pour un groupe spécifique de détenus, est de la responsabilité exclusive des agents correctionnels de groupe et niveau CX-02. Les agents correctionnels de groupe et niveau CX-01 n'assument pas de telles responsabilités. Le préposé aux visites et à la correspondance de groupe et niveau CX-01 effectue toutefois une gestion particulière des cas pour les détenus profitant de ce privilège car il rédige un registre d'intervention pour chacun d'eux. Ce registre d'intervention complète le dossier de gestion des cas. Selon la représentante de M. Gosselin, ces responsabilités sont du niveau de classification CX-02, selon la matrice des responsabilités (pièce F-9) et la norme de classification applicable au groupe Services correctionnels (pièce F-10).

22 Dans le présent cas, les fonctions du poste de préposé aux visites et à la correspondance, sont assumées à tour de rôle par des agents correctionnels aux groupes et niveaux CX-01 et CX-02.

23 La rémunération intérimaire est prévue à la stipulation 50.07 de la convention collective applicable qui précise le droit à la rémunération intérimaire pour chaque jour où les fonctions d'un niveau de classification supérieur sont assumées par un fonctionnaire. Lajoie confirme le droit à la rémunération intérimaire pour les fonctionnaires de groupe et niveau CX-01 qui assument les fonctions du poste de préposé aux visites et à la correspondance. Pour respecter le principe d'équité, tous les employés assumant les mêmes fonctions doivent recevoir une même rémunération.

24 Dans Bégin et al. c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Impôt), dossiers de la CRTFP 166-02-18911 à 18917 (19900207), le droit à la rémunération au niveau supérieur a été reconnu lorsque les employés exercent une grande partie des fonctions d'un niveau de classification supérieur. En l'occurence, le grief devrait être accueilli sur la même base.

Pour l'employeur

25 Bien que le libellé du grief précise une réclamation de rémunération intérimaire, le véritable objet du grief est le niveau de classification du poste de préposé aux visites et à la correspondance. L'arbitre de grief n'a pas compétence pour entendre un tel grief selon l'article 7 de l'ancienne Loi et aucune stipulation de la convention collective ne confère à l'arbitre de grief une telle compétence. La classification relève des responsabilités confiées au Conseil du Trésor et aux ministères délégués selon la Loi sur la gestion des finances publiques. Un désaccord relatif à la classification doit être traité selon la Politique sur les griefs de classification (pièce E-8) et non pas selon la convention collective. La décision de la Cour d'appel fédérale Brochu c. Canada (Conseil du Trésor), [1992] A.C.F. no 1057, confirme ces points.

26 Sur le fond du grief, Lajoie ne peut recevoir application au présent dossier, car cette décision traite d'un cas d'espèce dont les faits diffèrent du présent dossier. La preuve démontre qu'une reformulation de la description de travail du poste de préposé aux visites et à la correspondance a été effectuée à la suite de la publication de Lajoie. Une vérification du niveau de classification de ce poste a maintenu le groupe et niveau CX-01, malgré les modifications apportées à la description de travail. M. Gosselin a participé à ce processus et il a exercé son droit de grief à l'encontre de cette décision. Le délégué du sous-ministre a accepté la recommandation du comité de classification de maintenir la classification du poste de préposé aux visites et à la correspondance, aux groupe et niveau CX-01. Cet élément ne se trouve pas dans Lajoie. Dans cette décision, la preuve avait établi qu'un agent correctionnel affecté pour un remplacement au poste des visites et de la correspondance était rémunéré de façon intérimaire aux groupe et niveau CX-02. Aucune preuve à cet égard n'a été montrée en l'espèce.

27 Au paragraphe 59 de Bungay et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2005 CRTFP 40, l'arbitre de grief précise ce qui suit :

En résumé, certains des éléments indiquant qu'un grief porte sur la classification et non sur la rémunération d'intérim (et qu'un arbitre de grief n'a donc pas compétence) sont les suivants :

  • la demande de rémunération d'intérim porte sur une période indéterminée et non pas sur une période précise;
  • le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé une reclassification, de manière informelle ou en déposant un grief portant sur la classification;
  • le fonctionnaire s'estimant lésé continue d'exécuter les tâches qu'il exécutait auparavant et seuls les niveaux de classification appliqués dans le lieu de travail ont changé;
  • le grief portant sur la rémunération d'intérim est fondé, en partie, sur une comparaison avec des postes similaires existant dans d'autres lieux de travail.

28 Chacun de ces éléments est présent en l'occurence, confirmant que l'objet du grief est la classification.

29 Selon la preuve fournie dans le présent dossier, le fonctionnaire s'estimant lésé s'acquitte des fonctions et responsabilités décrites dans sa description de poste de travail. On doit appliquer au présent dossier le principe énoncé aux paragraphes 29 et 31 de Gvildys et al. c. Conseil du Trésor (Santé Canada), 2002 CRTFP 86, dans les termes suivants :

Néanmoins, la jurisprudence reconnaît qu'un arbitre n'a pas compétence en matière de classification lorsque les fonctionnaires s'estimant lésés s'acquittent des fonctions de leur poste, mais présentent un grief en déclarant que les mêmes fonctions sont classifiées à un niveau supérieur dans d'autres postes, puisque la décision de classification de l'employeur ne peut être modifiée que par la Cour fédérale. (Voir Dougherty et autres (dossiers de la Commission 166-2-25137 à 25142 et 166-2-25162) et Charpentier, supra.)

[…]

Comme le président Tarte l'a écrit dans Charpentier, supra, « Bien que le libellé des griefs concerne la rémunération d'intérim et ne fait aucune mention de 'classification', d'octroyer le redressement demandé équivaudrait à une reclassification».

30 Sur le fond du grief, l'avocat de l'employeur soumet que la réclamation de rémunération intérimaire ne peut pas être accueillie car le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas prouvé qu'il avait exécuté les tâches d'un poste d'un niveau de classification supérieur. La preuve démontre que M. Gosselin a assumé les tâches qui sont précisées dans sa description de travail et dont la classification a été confirmée aux groupe et niveau CX-01. Dans St-Jean c. Conseil du Trésor (ministère du Travail), dossier de la CRTFP 166-02-13827 (19831213), l'arbitre de grief précise que le fonctionnaire s'estimant lésé doit démontrer que l'employeur a exigé qu'il exerce les fonctions d'un poste de niveau de classification supérieur pour avoir gain de cause, ce qui n'est pas le cas du présent dossier. Les décisions Few c. Conseil du Trésor (Agriculture Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-17441 à 17443) (19880926) et Shearer c. Agence canadienne d'inspection des aliments, 2002 CRTFP 82, concluent aussi que le fonctionnaire s'estimant lésé doit démontrer qu'il a exercé les fonctions d'un poste de niveau de classification supérieur pour obtenir une rémunération d'intérim.

31 En l'occurence, la preuve démontre que M. Gosselin a exécuté des tâches pouvant être accomplies par le titulaire d'un poste aux groupe et niveau CX-02. Ceci n'a pas pour effet de transformer les fonctions en des fonctions d'un niveau de classification supérieur. La décision Moritz c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2004 CRTFP 147, a rejeté un grief dans une telle situation.

32 Il appert de la preuve que les titulaires d'un poste CX-02 exerçant leurs fonctions au service des visites et de la correspondance assument, en plus des tâches spécifiques à ce service, le suivi de la gestion des cas pour un groupe de détenus. Bien que le fonctionnaire s'estimant lésé exécute les mêmes tâches qu'un agent correctionnel aux groupe et niveau CX-02 dans le service des visites et de la correspondance, il n'a pas à assumer la gestion des cas pour un groupe de détenus.

IV. Réplique du fonctionnaire s'estimant lésé

33 Dans Bunguay, le fonctionnaire s'estimant lésé avait demandé une reclassification. En l'occurence, c'est l'employeur qui a pris cette initiative à la suite de la décision Lajoie ; on doit appliquer le principe que les employés assumant les mêmes fonctions doivent recevoir la même rémunération.

34 M. Gosselin participe au processus de gestion des cas en communiquant ses observations au Comité de gestion des cas et est membre du Comité des visites comme l'a précisé le rapport de vérification sur place (pièce E-6, annexe A).

V. Motifs

35 M. Gosselin a déposé son grief le 30 janvier 2004. Il réclame une rémunération d'intérim aux groupe et niveau CX-02, tout en spécifiant qu'il veut conserver ses protections acquises. La preuve démontre que l'employeur a laissé à M. Gosselin, à la suite de la réorganisation des postes et fonctions des agents correctionnels effectuée en 1992, la possibilité d'exercer ses fonctions d'agent correctionnel aux groupe et niveau CX-01 comme préposé aux visites et à la correspondance, sans avoir à s'acquitter des responsabilités d'autres postes aux groupe et niveau CX-02 selon une rotation lente.

36 La nouvelle organisation du travail en vigueur le 1er avril 1995 a intégré les responsabilités du service des visites et de la correspondance aux fonctions des agents correctionnels aux groupe et niveau CX-02 qui les effectueront selon une rotation lente avec les autres postes de ce niveau, sur une période de deux ans. Par ailleurs, l'employeur a permis aux agents correctionnels qui étaient assignés aux postes de préposés aux visites et à la correspondance de conserver leurs groupe et niveau CX-01 et de ne pas avoir à participer à la rotation lente par des postes aux groupe et niveau CX-02 (pièce E-4). Les agents correctionnels aux groupe et niveau CX-02 assument la responsabilité de la gestion des cas pour un groupe spécifique de détenus, ce qui ne relève pas de la responsabilité d'un agent correctionnel aux groupe et niveau CX-01. La preuve démontre que M. Gosselin a assumé l'ensemble des fonctions et responsabilités décrites dans la description de travail entrée en vigueur le 1er avril 1995, pour le poste de préposé aux visites et à la correspondance (pièce F-5).

37 La description de travail du poste a été modifiée à la suite d'une vérification sur place, avec l'ajout de certaines fonctions et responsabilités. Malgré ces ajouts, la révision de classification du 31 août 2004 a maintenu le poste de préposé aux visites et à la correspondance aux groupe et niveau CX-01.

38 M. Gosselin n'assume pas, dans son poste de préposé aux visites et à la correspondance, de responsabilités de gestion des cas pour un groupe spécifique de détenus bien qu'il fournisse un rapport d'évaluation du comportement des détenus profitant de ce privilège. Il n'exerce pas de responsabilités, selon une rotation lente, pour d'autres postes aux groupe et niveau CX-02.

39 Je constate que M. Gosselin a exercé les fonctions et responsabilités énoncées dans sa description de travail pour le poste de préposé aux visites et à la correspondance dont le niveau de classification a été maintenu aux groupe et niveau CX-01. Il n'a pas exercé, dans le cadre du poste de préposé aux visites et à la correspondance, de responsabilités d'un niveau de classification supérieur. En l'absence de preuve démontrant qu'il aurait assumé des responsabilités d'un niveau de classification supérieur, comme l'exige la stipulation 50.07 de la convention collective, je ne peux accueillir le grief.

40 Bien que les fonctions et responsabilités du poste de préposé aux visites et à la correspondance aient été ajoutées à celles apparaissant dans la description de travail des agents correctionnels aux groupe et niveau CX-02, le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas démontré qu'il a assumé d'autres responsabilités qui sont spécifiques à ce niveau de classification supérieur. Une demande de révision judiciaire de la décision maintenant le niveau de classification du poste de préposé aux visites et à la correspondance était possible pour le fonctionnaire s'estimant lésé. Cette question de classification ne peut pas être tranchée par un arbitre de grief nommé pour traiter d'un grief présenté en vertu de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

41 Bien que le grief Lajoie semble découler d'une situation de faits similaire à celle du présent dossier, mon raisonnement à partir des faits du présent dossier repose sur une base différente de celle utilisée par l'arbitre assigné au dossier Lajoie. Avec respect pour cet autre raisonnement, je ne le partage pas et j'arrive à une conclusion différente, pour les motifs précités.

42 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

43 Le grief est rejeté.

Le 6 juillet 2007.

Léo-Paul Guindon,
arbitre de grief

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