Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a fait l’objet de nombreuses sanctions disciplinaires progressives - elle a déposé un grief alléguant le harcèlement - Santé Canada (l’employeur) a enquêté sur trois plaintes provenant d’organisations avec lesquelles la fonctionnaire s’estimant lésée faisait affaires - le Ministère a conclu que les plaintes étaient graves - lors d’une réunion, le superviseur de la fonctionnaire s’estimant lésée a pointé son doigt dans sa direction en lui disant qu’il n’avait plus confiance en elle - la fonctionnaire s’estimant lésée a déposé un grief alléguant le harcèlement - dans un courriel à l’employeur, elle a qualifié son superviseur d’<< agresseur >> et déclaré qu’elle ne souhaitait plus communiquer avec lui directement - elle a présenté une demande de participation à des cours sans en aviser son superviseur et a reçu une lettre de réprimande de la part de son employeur - deux jours plus tard, elle a été suspendue pendant deux jours pour avoir maintenu son comportement inacceptable - elle a ensuite été suspendue pendant 10 jours en raison d’incidents reliés à son attitude - quelques mois plus tard, elle a été suspendue pendant 20 jours en raison de divers incidents reliés notamment à ses heures de travail, sa présence à une réunion et son attitude - l’arbitre de grief a statué que les sanctions étaient justifiées - l’utilisation du terme << agresseur >> manquait de respect - la suspension de 10 jours était également justifiée compte tenu de son attitude - selon l’arbitre de grief, même si la sanction disciplinaire pouvait être considérée comme sévère, il n’existait aucun facteur atténuant qui lui aurait permis de la remplacer par une sanction moins sévère - en ce qui concerne la suspension de 20 jours, l’arbitre de grief a statué que l’employeur avait prouvé des éléments à l’origine de la suspension sans toutefois en prouver certains autres - l’arbitre de grief a rejeté l’argument de la fonctionnaire s’estimant lésée voulant que l’employeur ne puisse pas accumuler les incidents avant d’imposer une mesure disciplinaire - comme la question portait sur la nécessité de la part de la fonctionnaire s’estimant lésée de modifier son comportement, ce n’est qu’au fil du temps que l’employeur pouvait évaluer s’il y avait ou non amélioration - il faut tenir compte du fait que la fonctionnaire s’estimant lésée n’a jamais admis sa responsabilité dans les incidents - en ce qui concerne son grief concernant la manière dont l’employeur a traité sa plainte de harcèlement, la fonctionnaire s’estimant lésée alléguait des violations aux articles 1 et 19 de la convention collective - malgré l’existence de tensions entre la fonctionnaire s’estimant lésée et son superviseur, rien n’a démontré qu’il avait agi de manière discriminatoire à son endroit - l’employeur avait décidé de ne pas séparer la fonctionnaire s’estimant lésée de son superviseur après le dépôt de sa plainte de harcèlement contre lui, et la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas soumis en preuve de faits démontrant qu’il faudrait remettre en question cette décision - par ailleurs, comme la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas démontré que des motifs de discrimination énumérés s’appliquaient à son grief, il n’y avait pas de violation de l’article 19 - la politique de l’employeur en matière de harcèlement était compatible avec les objectifs de l’article 1, et la fonctionnaire s’estimant lésée pouvait donc s’attendre à ce que l’employeur traite sa plainte en conformité avec sa politique - même si le geste du superviseur était involontaire et ne visait pas à intimider, il a eu un effet sur la fonctionnaire s’estimant lésée et l’employeur aurait dû s’en excuser - l’employeur devrait réexaminer sa décision relativement à la plainte de la fonctionnaire s’estimant lésée. Griefs contestant les sanctions disciplinaires rejetés. Grief en matière de harcèlement accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-07-09
  • Dossier:  166-02-36587 à 166-02-36590
  • Référence:  2007 CRTFP 69

Devant un arbitre de grief


ENTRE

THU-CÙC LÂM

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Santé)

employeur

Répertorié
Lâm c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé)

Affaire concernant des griefs renvoyés à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Jean-Pierre Tessier, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésée:
Jean St-Pierre, avocat

Pour l'employeur:
Stéphane Hould, avocat

Affaire entendue à Montréal (Québec),
du 27 au 29 mars, les 18 et 19 septembre,
du 26 au 29 septembre 2006 et les 10 et 11 janvier 2007.

I. Griefs renvoyés à l'arbitrage

1 Thu-Cùc Lâm (« la fonctionnaire s'estimant lésée ») travaille pour Santé Canada (« l'employeur ») depuis 1998. À compter de 2000, elle a travaillé à titre de consultante à la Direction générale de la santé de la population et de la santé publique (DGSPSP), région du Québec.

2 La fonctionnaire s'estimant lésée s'est vu imposer une mesure disciplinaire en 2003 et deux autres en 2004. De plus, elle dénonce en 2003 une situation de harcèlement.

3 La fonctionnaire s'estimant lésée a déposé des griefs pour contester les trois mesures disciplinaires et a déposé un grief sur l'élimination de la discrimination et du harcèlement. Les griefs ont été renvoyés à l'arbitrage en 2005 et l'audience a eu lieu à différents moments entre mars 2006 et janvier 2007.

4 Les griefs ont fait l'objet d'une preuve commune lors de l'audience. Les griefs entendus à l'audience sont les suivants :

  • dossier de la CRTFP 166-02-36587 : suspension de deux jours, le 24 septembre 2003
  • dossier de la CRTFP 166-02-36588 : suspension de 10 jours, le 3 février 2004
  • dossier de la CRTFP 166-02-36589 : suspension de 20 jours, le 28 octobre 2004
  • dossier de la CRTFP 166-02-36590 : élimination de la discrimination et du harcèlement (articles 1 et 19 de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada, groupe Services des programmes et de l'administration)

5 La présente décision résume la preuve commune, l'argumentation des parties et énonce les motifs de la décision pour chacun des griefs. Chacun des griefs fait l'objet d'une ordonnance distincte.

6 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ces renvois à l'arbitrage de grief doivent être décidés conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l'« ancienne Loi »).

II. Résumé de la preuve commune

7 La preuve porte sur des événements survenus entre l'année 2000 et le 28 octobre 2004. La fonctionnaire s'estimant lésée a reçu une lettre d'avertissement le 13 août 2003 (pièce E-5), une lettre de réprimande le 22 septembre 2003 (pièce E-1a)) et une mesure disciplinaire le 24 septembre 2003 (suspension de deux jours) (pièce E-1b)).

8 Deux gestionnaires ont fourni un long témoignage sur les événements s'étant produits entre l'année 2000 et le 13 août 2003. J'ai regroupé ces témoignages pour ensuite revenir à la lettre du 13 août 2003.

9 Suzette Jeannotte a été coordonatrice (PM-05) à l'Unité enfance jeunesse à la DGSPSP, Direction de la santé, de 1987 à 2002. De septembre 2002 à avril 2003, elle a occupé la fonction de gestionnaire de programmes. Elle relevait de Sylvain Tremblay, directeur des programmes, et de Jean-Louis Caya, directeur régional, DGSPSP.

10 À titre de coordonatrice, Mme Jeannotte a géré trois programmes : le Programme d'action communautaire pour les enfants (PACE), le Programme canadien de nutrition prénatale (PCNP) et le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones. Ces programmes s'adressaient à divers organismes et étaient supervisés par une vingtaine de consultants, dont la fonctionnaire s'estimant lésée.

11 Ces programmes étaient complémentaires aux programmes provinciaux relevant des régies régionales de la santé (dans le cas du Québec).

12 Chaque consultant analysait les demandes de subvention venant des organismes, faisait des recommandations et assurait le suivi des accords de contribution (respect du projet et de l'échéance). Le consultant offrait un appui aux organismes.

13 La fonctionnaire s'estimant lésée est arrivée à la DGSPSP en octobre 2000.

14 Mme Jeannotte a indiqué que, dès novembre 2000, la fonctionnaire s'estimant lésée formulait ses demandes directement à M. Tremblay. Selon elle, ce dernier avait demandé à la fonctionnaire s'estimant lésée de s'adresser à sa coordinatrice. La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle était autonome et n'avait pas besoin d'être constamment suivie.

15 En 2001, il y a eu une longue discussion entre la direction et les responsables de projets sur la répartition des dossiers. La fonctionnaire s'estimant lésée voulait les dossiers de Montréal. Il y a eu discussion avec les deux consultants de la région de Montréal, M. Desrosiers et la fonctionnaire s'estimant lésée. Selon Mme Jeannotte, la fonctionnaire s'estimant lésée a critiqué la méthode de pointage pour la répartition des dossiers.

16 Mme Jeannotte a indiqué que le climat de travail était devenu tendu lors des discussions sur la répartition des dossiers. Deux consultantes, Dominique Parisien et Gertrude Trudel, ont indiqué à Mme Jeannotte qu'elles se sentaient sollicitées par la fonctionnaire s'estimant lésée pour qu'elles appuient son point de vue. Les dossiers ont été finalement distribués à l'automne 2001.

17 En juin, juillet et octobre 2002, trois organismes ont transmis des plaintes à l'égard de la fonctionnaire s'estimant lésée (pièces E-2, E-3 et E-4). Ces organismes sont Amitié Soleil, Les Services d'Aide à la Famille Juive et la Maison des Familles de Ville LaSalle.

18 Michel Gaussiran a été chargé de rencontrer les organismes qui avaient déposé les plaintes et de faire rapport par la suite (pièces E-11, E-12 et E-14).

19 Selon Mme Jeannotte, il y a eu beaucoup de déplacements de gestionnaires entre septembre 2002 et septembre 2003, car M. Tremblay quittait. Mme Jeannotte a agi comme directrice des programmes et un consultant supérieur (M. Gaussiran) a agi comme coordonateur.

20 À l'automne 2002, Mme Jeannotte et M. Gaussiran ont rencontré la fonctionnaire s'estimant lésée. Ils ont discuté de gestion, de télétravail et de formation. Selon Mme Jeannotte, la fonctionnaire s'estimant lésée voulait être gérée en fonction des résultats. La gestion voulait suivre son travail, vérifier la progression des dossiers et les moyens employés. Mme Jeannotte a finalement accepté que la fonctionnaire s'estimant lésée soit gérée en fonction des résultats, mais elle devait, à l'occasion, informer M. Gaussiran de son travail.

21 M. Gaussiran trouvait que la fonctionnaire s'estimant lésée demandait trop souvent de travailler à la maison (télétravail), ce qui rendait la coordination difficile. La gestion souhaitait qu'elle suive des cours sur le besoin organisationnel plutôt que des cours universitaires en bioéthique.

22 Comme je l'ai mentionné précédemment, avant d'en arriver à la lettre du 13 août 2003, j'aborde le témoignage du deuxième gestionnaire qui a relaté les événements survenus entre 2000 et 2003.

23 M. Gaussiran compte 20 ans d'expérience à Santé Canada. En 2000, il était chef d'équipe au PACE, et en juillet 2002, il est devenu coordonateur par intérim.

24 De mars à juillet 2002, les consultants devaient analyser les demandes de renouvellement de projets des organismes : 128 projets PACE et 128 projets PCNP. Chaque consultant avait de 40 à 45 projets. La gestion permettait aux consultants de travailler à la maison.

25 En septembre 2002, les consultants étaient davantage au bureau. Cependant, la fonctionnaire s'estimant lésée a continué de faire du télétravail de septembre à décembre 2002. Sa position était que, si elle avait une rencontre en après-midi, elle pouvait travailler à la maison le matin.

26 Après discussion avec Mme Jeannotte, M. Gaussiran a demandé à la fonctionnaire s'estimant lésée d'établir une entente écrite sur le télétravail. La fonctionnaire s'estimant lésée a refusé.

27 À l'été 2002 et en octobre 2002, la gestion a reçu des plaintes d'organismes relevant de la fonctionnaire s'estimant lésée. M. Gaussiran a été chargé d'enquêter et de faire rapport. Il a produit des rapports (pièces E-11, E-12 et E-14) à M. Caya. Pour faire son enquête, M. Gaussiran a rencontré les représentants des organismes et a demandé des détails sur les allégations formulées dans leurs lettres. Sans pouvoir se prononcer sur chacune des allégations, M. Gaussiran a conclu que, dans l'ensemble, les plaintes étaient sérieuses. Il a mentionné qu'il demandait aux personnes rencontrées de parapher le compte rendu qu'il avait écrit sur leurs déclarations.

28 En 2003 M. Gaussiran a autorisé la fonctionnaire s'estimant lésée à travailler à l'occasion à la maison. Cependant, à compter de mars 2003, il a limité le télétravail, mais lui a cependant autorisé 10 jours de télétravail au mois de mars 2003. Les 6 et 7 mars 2003, la fonctionnaire s'estimant lésée a dû suivre des cours. Elle a par la suite demandé à M. Gaussiran de reprendre deux jours en télétravail pour pouvoir terminer des rapports, ce qui a été refusé par M. Gaussiran.

29 Le 18 mars 2003 il y a eu une rencontre avec la fonctionnaire s'estimant lésée en présence du représentant syndical, Alain Bélanger, pour discuter de cette question avec M. Gaussiran et Guy Aucoin (remplaçant M. Caya). Les gens étaient assis à une petite table. La fonctionnaire s'estimant lésée a demandé à M. Gaussiran pourquoi il ne lui accordait pas les deux journées. M. Gaussiran a répondu en la pointant du doigt « qu'il ne lui faisait plus confiance ».

30 Ce n'est qu'en juin 2003 que M. Gaussiran a appris que la fonctionnaire s'estimant lésée avait porté plainte contre lui parce qu'il l'avait intimidé en pointant son doigt près de son visage.

A. Relativement à la première mesure disciplinaire du 24 septembre 2003 (deux jours de suspension)

31 Je reviens au témoignage de Mme Jeannotte qui a expliqué les circonstances menant à l'avertissement du 13 août 2003, suivi d'une réprimande le 22 septembre 2003 et d'une mesure disciplinaire le 24 septembre 2003.

32 En mai 2003, Mme Jeannotte, accompagnée de MM. Chagnon, Tremblay et Gaussiran, a rencontré la fonctionnaire s'estimant lésée, accompagnée de son représentant syndical, pour lui faire part des conclusions de l'enquête sur les plaintes des trois organismes. La fonctionnaire s'estimant lésée a demandé une réponse par écrit.

33 La fonctionnaire s'estimant lésée a répondu par écrit le 16 mai 2003 (pièce F-28). Selon Mme Jeannotte, cette dernière a nié toutes les allégations; elle a dit que l'analyse des dossiers était superficielle. La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué ce qui suit dans ses conclusions :

[…]

V - Conclusion:

Tenant compte de la décision unilatérale que la gestion a prise pour mener une enquête en nommant Michel Gaussiran comme enquêteur, la gestion a créé une situation de non retour pour la prise en charge de ces trois dossiers par moi-même. De facto, je refuse de reprendre ces trois projets.

Quant à la recommandation de vérification, elle est inacceptable et porte préjudice à mon intégrité et ma compétence. Sans preuve ni justification, il faut se questionner sur l'essence même de la motivation à formuler de telle recommandation: pourquoi vérifier mes dossiers et non les autres consultants? Quelle situation de redressement que Michel Gaussiran vise par ses propos? Je propose à la gestion de me donner l'opportunité de vérifier quelques dossiers dont Michel Gaussiran a eu la responsabilité selon les critères d'analyse de mes dossiers pour la préparation de mes visites de projet et je reviendrai vous présenter un rapport.

[…]

34 La fonctionnaire s'estimant lésée a terminé sa lettre par les recommandations suivantes :

[…]

Recommandations:

Par mesure préventive dûe [sic] au précédent créé par la gestion dans le traitement de ces trois dossiers, voici mes recommandations:

- Mes visites de projet seront enregistrées après acceptation de l'organisme

- Je serai accompagnée dans mes visites de projet à ma demande

- Je serai consultée sur toute question relative à mes dossiers dès qu'il y a un appel du client à un autre niveau que moi-même

- Toute enquête doit être justifiée et faite par une tiers partie neutre en présence d'un représentant de l'employé

35 Mme Jeannotte a dit avoir été frappée par la réponse de la fonctionnaire s'estimant lésée. Cette dernière semblait blâmer la gestion et M. Gaussiran. Elle fut informée par Lucie Myre, directrice générale, région du Québec, que la fonctionnaire s'estimant lésée avait fait une plainte de harcèlement contre M. Gaussiran. Mme Jeannotte a décidé de faire le point avec la fonctionnaire s'estimant lésée sur les attentes de la gestion et lui a transmis une lettre le 13 août 2003 (pièce E-5). Elle lui a reproché ce qui suit :

  • de considérer le télétravail comme un droit acquis
  • d'être réfractaire à toute mesure de contrôle
  • que ses absences aux rencontres ne favorise pas à comprendre les attentes de la gestion
  • de contester l'approche de renouvellement de projets auprès du comité mixte
  • d'être entrée en conflit avec des organismes
  • de dénier ses plaintes et de blâmer les gens des organismes

36 Le 8 septembre 2003, la fonctionnaire s'estimant lésée a écrit à Mme Jeannotte (pièce E-6). Elle a dénoncé le délai qu'a pris la gestion pour faire l'enquête sur les trois plaintes. Elle a dit que les accusations sur ses problèmes interpersonnels étaient non fondées. Elle a écrit notamment ce qui suit :

[…]

Vous avez raison en constatant que la relation de travail devient très difficile entre vous et moi ces derniers temps. La raison?

- Elle est due à mes observations et commentaires justes et fondés par le biais des divers dossiers tels que mon analyse critique de l'approche partisane utilisée pour la redistribution des dossiers en octobre 2001, de la création des postes (PM-02 et autres) pour des personnes visées et non selon les besoins de l'Unité, de la structure lourde des diverses sections, des assignations de tâches floues et la présence des procédures multiples mais non pertinentes.et des décisions allant à l'encontre des politiques de SC telles que: l'accès à la traduction anglaise lors de la consultation de PACE (vous avez osé me demander de faire la traduction et intervenir auprès de l'organisme pour valider sa demande de service bilingue formulée à Anne Turmaine!). Ce ne sont que quelques exemples.

- Vous n'acceptez pas une façon de penser, de travailler et de parler qui n'est pas semblable à la vôtre. C'est là le noud de la problématique de l'Unité des Enfants. Ne pas reconnaître la réalité n'est qu'une fuite en avant. Je suis sur la liste noire de la gestion parce que j'ai osé refuser deux offres d'affectation : l'une pour cause de santé et l'autre pour raison d'intégrité envers moi-même, à SC et à la clientèle que je dessers avec fierté et engagement. Si j'ai une faiblesse, je souhaite la régler à la source. Dans le cas contraire, j'ai autant de droit que les autres pour évoluer dans un poste dont je me qualifie plus qu'il le faut par mes compétences (savoir), mes expériences (savoir-faire) et ma personnalité (savoir être).

- Votre insécurité face à mon esprit d'analyse perspicace des dossiers a failli créer plus d'une fois un conflit public si je n'avais pas la sagesse de reculer pour vous laisser la place d'avant scène. L'événement le plus récent est reflété par vos propos lors de la réunion (février 2003) convoquée pour vous alimenter en idées et arguments de la proposition de Québec pour harmoniser les demandes d'évaluation, Je vous cite: "Tu es en train de faire mon travail".

[…]

[Sic pour l'ensemble de la citation]

37 Par la suite, le 17 septembre 2003, la fonctionnaire s'estimant lésée a envoyé un courriel (pièce E-8) à Mme Jeannotte relativement à une demande de télétravail. Dans ce courriel, elle a dit ne plus souhaiter s'adresser à M. Gaussiran, « son agresseur ».

38 Dans ce courriel, la fonctionnaire s'estimant lésée a souligné que Mme Jeannotte a jugé que la plainte de harcèlement était non fondée et a dit qu'elle allait poursuivre ses démarches auprès de M. Caya relativement à cette plainte et sur la question du télétravail (pièce E-8).

39 Le 22 septembre 2003, la fonctionnaire s'estimant lésée a adressé une demande pour suivre des cours sans passer par M. Gaussiran (pièce E-9). Compte tenu de ces événements, Mme Jeannotte a acheminé une lettre de réprimande le 22 septembre 2003 (pièce E-1).

40 Je me reporte au témoignage de Jean-Louis Caya, le directeur régional, DGSPSP, pour expliquer la mesure disciplinaire du 24 septembre 2003.

41 M. Caya a indiqué qu'à l'été 2003, il était en congé de maladie. Mme Jeannotte lui a téléphoné pour lui dire qu'il y avait des problèmes avec la fonctionnaire s'estimant lésée. À son retour au travail en septembre 2003, M. Caya a dit avoir noté que la fonctionnaire s'estimant lésée formulait des demandes relatives à sa formation universitaire. De plus, M. Caya a précisé qu'elle s'adressait à lui pour tenter de faire modifier la décision sur des demandes de formation et de télétravail.

42 M. Caya a jugé que, compte tenu du rappel antérieur qui lui avait été fait, la fonctionnaire s'estimant lésée continuait à reformuler sans cesse des demandes à divers gestionnaires de la hiérarchie. Il déplorait le ton de ses commentaires et c'est pourquoi il lui a imposé une mesure disciplinaire de deux jours de suspension (pièce E-1b)).

B. Relativement à la deuxième mesure disciplinaire (10 jours de suspension)

43 Je fais référence au témoignage de Nathalie Pelletier, Aline Bernier, Judith Bujold, Michel Gaussiran et Jean-Louis Caya pour les événements survenus entre le 24 septembre 2003 et le 3 février 2004.

44 En octobre 2003, pour ce qui est du PACE, il y avait des montants résiduels à réutiliser. Le comité opérationnel (formé de représentants du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial) devait étudier les recommandations d'utilisation des sommes résiduelles. L'équipe des consultants s'est réunie le 12 novembre 2003 (pièce E-16).

45 La fonctionnaire s'estimant lésée a soumis trois projets. Cependant, la gestion recommandait qu'un seul soit soumis au comité opérationnel.

46 Le 8 décembre 2003, M. Gaussiran a été prévenu par Mme Bernier que la fonctionnaire s'estimant lésée devait rencontrer la régie régionale de la santé pour discuter des projets. Il l'avait mis en garde d'effectuer cette démarche (pièce E-17).

47 La fonctionnaire s'estimant lésée a insisté pour que les deux autres projets soient présentés. Elle a dit que ces projets étaient appuyés par la régie régionale de la santé et qu'il appartenait au comité opérationnel de décider (pièce E-17).

48 Lors de son témoignage, M. Gaussiran a indiqué que le 17 décembre 2003 il a transmis une information à la fonctionnaire s'estimant lésée (pièce E-18). M. Gaussiran a fait remarquer qu'il vouvoyait la fonctionnaire s'estimant lésée, car il voulait garder une distance compte tenu de la plainte de harcèlement qu'elle avait logée contre lui. En 2004, M. Gaussiran a décidé de ne plus la vouvoyer. En février 2004, Mme Bernier est devenue la superviseure de la fonctionnaire s'estimant lésée.

49 En contre-interrogatoire, M. Gaussiran a expliqué la façon dont il a enquêté auprès des trois organismes qui avaient porté plainte contre la fonctionnaire s'estimant lésée.

50 Mme Bernier occupait la fonction de coordonatrice à l'automne 2003. Elle s'est absentée du travail et est revenue en novembre 2003.

51 Mme Bernier a relaté un incident qui s'est produit à la fin novembre 2003. Une consultante en programmes, Nathalie Pelletier, a transmis une lettre à des organismes relativement à l'achat de suppléments alimentaires (pièce E-22). Mme Pelletier indiquait aux organismes qu'ils pouvaient faire leurs achats d'un seul coup en début d'année.

52 Mme Bernier a été prévenue par la fonctionnaire s'estimant lésée de la lettre que Mme Pelletier devait expédier. La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué que les organismes étaient autonomes et qu'on ne devait pas les guider dans leurs achats. Mme Bernier a tenté d'intercepter la lettre, mais sans succès.

53 La gestion a décidé de gérer le risque, et que, s'il y avait une réaction de la part des organismes, la gestion communiquerait avec le ou les organismes ayant formulés une remarque.

54 Mme Bernier a constaté que le 3 décembre 2003, la fonctionnaire s'estimant lésée avait expédié à des organismes une lettre sur les achats, en notant qu'il s'agissait d'une rectification à la lettre de Mme Pelletier (pièce E-21).

55 Mme Bernier a indiqué avoir été témoin d'un autre incident impliquant la fonctionnaire s'estimant lésée. Lors d'une rencontre d'équipe le 2 décembre 2003, elle a constaté que la fonctionnaire s'estimant lésée vouvoyait M. Gaussiran et que ce dernier la vouvoyait également. Habituellement lors des réunions les consultants s'interpellaient par leur prénom, par exemple, « Michel, tu as souligné que […] », plutôt que « M. Gaussiran vous avez […] ». Elle a aussi noté la longueur des interventions de la fonctionnaire s'estimant lésée. Mme Bernier a dit trouver cela dérangeant et elle en avait fait part à M. Caya par écrit (pièce E-20).

56 En contre-interrogatoire, Mme Bernier a dit ne pas avoir remarqué si M. Gaussiran et la fonctionnaire s'estimant lésée se tutoyaient avant le 2 décembre 2003.

57 Mme Pelletier travaille comme consultante de programmes à la DGSPSP. À l'automne 2003, elle occupait le poste de chef d'équipe par intérim, en l'absence de Mme Bernier.

58 Mme Pelletier a confirmé l'incident relativement à la lettre qu'elle avait envoyée aux organismes quant aux achats et à la rectification faite par la fonctionnaire s'estimant lésée.

59 Mme Bujold est consultante de programmes à la DGSPSP. Elle s'est absentée pendant une longue période en congé de maternité. À son retour, elle a assisté à la rencontre d'équipe le 2 décembre 2003.

60 Mme Bujold a constaté que la fonctionnaire s'estimant lésée et M. Gaussiran se vouvoyaient. Elle a dit avoir ressenti un malaise. Mme Bujold a déploré la tension qui existait entre ces deux personnes. Elle a souligné que la fonctionnaire s'estimant lésée avait un ton impératif envers M. Gaussiran. Elle a décidé d'écrire à M. Caya (pièce E-44).

61 M. Caya a indiqué avoir fait parvenir une copie des lettres de Mmes Bujold et Bernier à la fonctionnaire s'estimant lésée. Il a par la suite rencontré la fonctionnaire s'estimant lésée en présence de son représentant syndical le 22 décembre 2003. M. Caya a fait remarquer à la fonctionnaire s'estimant lésée les incidents suivants :

  • la lettre de rectification qu'elle a fait parvenir le 3 décembre 2003;
  • la rencontre du 2 décembre 2003 et les commentaires de Mmes Bernier et Bujold;
  • la rencontre de décembre 2003 avec la régie régionale de la santé et son attitude face à la gestion des montants résiduels des projets PACE.

62 M. Caya a reçu une réponse écrite de la fonctionnaire s'estimant lésée. Bien que dans cette lettre elle a fourni certains renseignements pertinents, M. Caya a noté qu'elle blâmait les gestionnaires et maintenait sa position. La fonctionnaire s'estimant lésée a parlé d'intimidation de la part des gens qui l'entouraient. M. Caya a noté que, dans sa réponse, la fonctionnaire s'estimant lésée lui avait écrit ce qui suit : « […] souhaite que cette lettre soit versée dans mon dossier personnel ainsi que le vôtre. »

63 De plus, en terminant son témoignage, M. Caya a noté que la fonctionnaire s'estimant lésée lui a souligné dans sa lettre qu'elle avait déposé une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne et qu'il était cité comme partie prenante.

64 M. Caya a jugé que la fonctionnaire s'estimant lésée n'écoutait pas les remarques qui lui étaient faites pour tenter d'améliorer le climat de travail. Considérant qu'il lui avait déjà imposé une mesure disciplinaire le 24 septembre 2003 (deux jours), il lui a imposé une mesure plus sévère le 3 février 2004 (10 jours).

65 Dans sa lettre du 3 février 2004 (pièce E-1c)), il a notamment reproché à la fonctionnaire s'estimant lésée ce qui suit :

[…]

Nous avons donc pris connaissance de votre réponse en date du 23 décembre dernier et malheureusement, nous sommes à même de constater que vous continuez à adopter la même attitude soit de nier toute erreur et/ou inconduite de votre part. De plus, vos explications des faits et gestes en causes sont soit erronées et/ou incomplètes. Vos agissements démontrent que vous persévérez à refuser d'adhérer aux modes de fonctionnement/gestion internes ce qui constitue à de l'insubordination.

Les comportements qui vous sont reprochés par la présente sont les suivants :

a)      votre attitude irrespectueuse envers votre gestionnaire (re : Rencontre d'équipe/d'unité du 2 décembre 2003);

b)     votre attitude ayant pour conséquence de laisser planer un doute sur les compétences et attaquant l'image professionnelle de votre collègue qui agissait alors à titre de gestionnaire intérimaire (re : Votre lettre au CLSC Lac St-Louis en date du 3 décembre 2003);

c)      votre attitude dans la gestion du dossier lié à l'utilisation des sommes résiduelles PACE/PCNP et ce, à l'encontre des orientations de la gestion régionale, rendant ainsi le ministère vulnérable aux critiques et pouvant aussi mettre en péril les relations avec la province (re : Votre rencontre du 9 décembre avec la Régie régionale de Montréal).

[…]

C. Relativement à la troisième mesure disciplinaire

66 Pour relater les événements qui se sont produits entre le 3 février et le 8 octobre 2004, je fais référence aux témoignages de Lise Pelletier, M. Caya et Dominique Parisien.

67 En février 2004, Mme Bernier est devenue la superviseure de la fonctionnaire s'estimant lésée. Mme Bernier a indiqué qu'au printemps 2004, elle a eu à discuter de l'horaire de travail avec la fonctionnaire s'estimant lésée. Cette dernière ne prenait pas ses pauses de 15 minutes et préférait terminer à 17 h plutôt que 17 h 30.

68 Mme Bernier a constaté que la fonctionnaire s'estimant lésée demandait du temps supplémentaire à partir de 17 h si elle avait à travailler. De même, lors d'absence, elle demandait un congé pour 6,30 heures au lieu de 7,30 heures. Mme Bernier lui a spécifié le tout par courriel le 21 juin 2004 (pièce E-24).

69 Le représentant syndical, Alain Bélanger, est intervenu sur ce point (pièce E-23).

70 Par la suite, la gestion a demandé d'invalider l'entente d'horaire de travail qui avait été convenue entre M. Gaussiran et la fonctionnaire s'estimant lésée le 2 mai 2003 (pièce E-19). Le 5 août 2004, Lise Pelletier a informé la fonctionnaire s'estimant lésée que l'entente du 2 mai 2003 ne s'appliquait plus (pièce E-25).

71 Selon Mme Bernier, M. Gaussiran aurait accepté que la fonctionnaire s'estimant lésée ne prenne pas ses pauses de 15 minutes le matin et l'après-midi et qu'elle quitte à 17 h au lieu de 17 h 30 à la fin de son horaire de travail.

72 Mme Bernier a indiqué que le 7 septembre 2004, la fonctionnaire s'estimant lésée lui a demandé de travailler de 9 h 30 à 17 h sans prendre de pause pour chaque mardi, et ce, jusqu'au 31 décembre 2004 afin de pouvoir se rendre à ses cours universitaires (pièce E-26). Mme Bernier a répondu qu'elle devait prendre ses pauses et terminer à 17 h 30 à moins qu'elle ne commence sa journée de travail à 9 h au lieu de 9 h 30. La fonctionnaire s'estimant lésée a refusé de débuter plus tôt et lui a écrit ce qui suit (pièce E-28) :

[…]

2- Merci pour le souci de mon bien-être en me forçant de prendres les pauses : ma constitution biologique est habituée à des poses [sic] de fin de journée car je dois souvent concilier mes responsabilités d'aidante naturelle et mon travail après mes heures de travail.

[…]

73 Mme Bernier a indiqué qu'il y a eu plusieurs échanges de courriel sur le sujet (pièces E-29, E-30 et E-31).

74 Un autre incident impliquant la fonctionnaire s'estimant lésée a été celui relié à la location d'une voiture le 22 septembre 2004. La fonctionnaire s'estimant lésée a réclamé du temps supplémentaire pour avoir retourné la voiture à l'entreprise de location de voitures près de chez elle et s'est ensuite rendue au bureau. Mme Bernier a refusé le temps supplémentaire (pièce E-36).

75 Mme Bernier a indiqué qu'une rencontre d'équipe a été convoquée pour le 16 juillet 2004 à 9 h 15. La fonctionnaire s'estimant lésée a demandé la raison pour laquelle on avait choisi cette heure-là. La réunion a été déplacée à 9 h 30 afin de lui permettre d'y assister puisqu'elle commençait son quart de travail à 9 h 30, mais elle ne s'est pas présentée à la rencontre le matin du 16 juillet (pièces E-39 et E-40).

76 Mme Bernier a noté un autre incident impliquant la fonctionnaire s'estimant lésée. Au printemps 2004, les consultants devaient produire des rapports sur les projets qu'ils supervisaient. Il y a eu des modifications au questionnaire. La plupart des consultants avaient remis leur formulaire en juin, mais la fonctionnaire s'estimant lésée tardait à produire le sien. Selon Mme Bernier, elle a produit son rapport, mais a refusé d'indiquer à quels objectifs correspondent les actions des organismes. Par la suite, elle a simplement annexé la copie du plan d'action des projets (pièces E-41 et E-42).

77 Mme Bernier a dit avoir constaté en septembre 2004 que c'était difficile de superviser la fonctionnaire s'estimant lésée. Elle a été confrontée à divers problèmes et a eu à écrire de nombreux courriels. Mme Bernier a décidé de parler à M. Caya. Mme Bernier s'est dite désespérée et a songé à abandonner son poste de gestion et retourner à son poste de groupe et niveau PM-04.

78 Mme Parisien était analyste à la DGSPSP. Elle a confirmé la mention de Mme Bernier relativement au remplissage du questionnaire. Selon elle, la fonctionnaire s'estimant lésée ne donnait que des renseignements de base et a produit ses rapports en dernier lieu.

79 Mme Pelletier a remplacé Mme Jeannotte comme gestionnaire de programmes en 2004. Ses deux chefs d'équipe étaient M. Gaussiran et Mme Bernier.

80 Lise Pelletier a confirmé les propos de Mme Bernier relativement aux questions de l'horaire de travail et du temps supplémentaire concernant la fonctionnaire s'estimant lésée.

81 Mme Pelletier a relaté qu'on a demandé aux consultants de s'inscrire à des comités de renouvellement des projets PACE et PCNP. La fonctionnaire s'estimant lésée s'occupait du projet PACE mais elle ne s'est inscrite au comité du PCNP pour septembre 2004.

82 Après analyse, Mme Pelletier a demandé à la fonctionnaire s'estimant lésée de participer au comité du PACE. Selon elle, la fonctionnaire s'estimant lésée a critiqué cette position de la gestion en soulignant qu'on ne favorisait pas les échanges, car elle avait une longue expérience au PCNP (pièce E-49). La fonctionnaire s'estimant lésée a été exclue du comité PCNP et on lui demande de participer au comité PACE.

83 M. Caya a discuté avec Mme Bernier et d'autres gestionnaires des incidents relatifs à la fonctionnaire s'estimant lésée. Il a noté que de février à septembre 2004, la fonctionnaire s'estimant lésée et sa gestionnaire s'étaient échangés 273 courriels.

84 M. Caya a rencontré la fonctionnaire s'estimant lésée ainsi que son représentant syndical le 19 octobre 2004 pour faire le point sur son dossier. Il lui a parlé de l'horaire de travail et de ses départs à 17 h. M. Caya a parlé de la participation au PCNP et du fait qu'elle exigeait de recevoir de la gestion les vrais motifs de la demande de changer de comité, etc. Il a déposé un compte rendu de la rencontre du 19 octobre 2004 (pièce E-50).

85 M. Caya a noté que la fonctionnaire s'estimant lésée a eu des altercations sur la production de rapports et sur les outils utilisés au PCNP. Selon lui, la fonctionnaire s'estimant lésée a quitté après 17 h le 21 septembre 2004. M. Caya a dit être passé par son bureau à 17 h et que tout son matériel était rangé. Par la suite, il l'a vu quitter l'édifice vers 17 h 20 alors qu'elle avait prétendu avoir quitté à 17 h 30.

86 Pour toutes ces raisons, et selon le rapport de ses gestionnaires, M. Caya s'est cru justifié d'imposer une mesure disciplinaire (suspension de 20 jours) à la fonctionnaire s'estimant lésée le 28 octobre 2004 (pièce E-1d)).

87 La fonctionnaire s'estimant lésée travaille à la DGSPSP de Santé Canada depuis 1998. De 1998 à 2000, elle a été agente de développement régionale et depuis 2000, elle est consultante à la DGSPSP. Antérieurement, elle a travaillé pour la Régie régionale de Montréal et dans le domaine bancaire.

88 La fonctionnaire s'estimant lésée a expliqué que, de 2000 à 2002, elle s'occupait des projets PCNP et PACE. En 2004, la directrice de programmes a réparti les projets.

89 Elle a souligné que, jusqu'en 2002, ses supérieurs n'avaient rien à lui reprocher sur le plan professionnel. Il n'y a aucun reproche mentionné dans son plan de rendement (pièce F-11). La gestion ne lui aurait fait qu'un seul commentaire sur son plan de formation axé sur des cours universitaires. Elle a dit préférer utiliser les allocations de formation en cours universitaires de la maîtrise plutôt que d'assister à des colloques.

90 À l'été 2002, il y a eu trois plaintes d'organismes. Par la suite, on a retiré à la fonctionnaire s'estimant lésée ces trois projets.

91 La fonctionnaire s'estimant lésée a expliqué que dans le cas de l'organisme Amitié Soleil, il s'est transformé en centre de la petite enfance (CPE) relevant du gouvernement de la province du Québec, donc le financement du gouvernement fédéral devait porter sur les valeurs ajoutées. Il était donc important de revoir le plan d'action et mettre l'accent sur les valeurs ajoutées, car le fédéral ne finance pas les mêmes activités que les provinces.

92 Dans le cas de Les Services d'Aide à la Famille Juive, le gouvernement fédéral finançait les besoins individuels. Les projets étaient faits en fonction du profil général de la clientèle.

93 Dans le cas de la Maison des Familles de Ville LaSalle, même la Régie régionale de la Santé et des services sociaux du Québec avait constaté qu'il y avait des problèmes de fonctionnement.

94 La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué avoir toujours travaillé de façon professionnelle avec ces trois organismes.

95 La fonctionnaire s'estimant lésée a ensuite parlé du déroulement de la rencontre du 18 mars 2003 où elle allègue avoir été harcelée par M. Gaussiran. Alors qu'elle demandait à M. Gaussiran pourquoi il lui refusait deux jours de télétravail, ce dernier lui a répondu que c'était « parce qu'il n'avait plus confiance en elle ». À ce moment, il l'a pointé du doigt à quelques pouces du visage.

96 La fonctionnaire s'estimant lésée a dit avoir été marquée par cette rencontre. Elle a consulté son médecin et a dû s'absenter pour raison de maladie pendant quelques jours. Elle a parlé de cet incident à Mme Jeannotte en juin 2003 (plainte verbale) et a déposé une plainte écrite le 31 octobre 2003 (pièce F-24).

97 Au moment où on lui a remis une mesure disciplinaire le 24 septembre 2003, la fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle avait voulu parler de l'incident de mars 2003 avec M. Gaussiran, mais que M. Caya n'a pas voulu.

98 Par la suite, le 6 octobre 2003, elle a rencontré Mme Myre, la directrice générale de la région du Québec, qui lui a répondu qu'il n'y avait pas eu de harcèlement. Selon Mme Myre, M. Gaussiran faisait constamment des gestes en parlant et il n'aurait nullement voulu intimider la fonctionnaire s'estimant lésée. Mme Myre a confirmé le rejet de la plainte par écrit le 25 novembre 2003 (pièce F-25).

99 La fonctionnaire s'estimant lésée a informé M. Bélanger, qui lui a interrogé par la suite la gestion sur la décision du non harcèlement (pièce F-31).

100 Sur la question du vouvoiement entre la fonctionnaire s'estimant lésée et M. Gaussiran, la fonctionnaire s'estimant lésée a expliqué que c'est M. Gaussiran qui a commencé à la vouvoyer; il préférait cela. Elle a donc dû utiliser la méthode du vouvoiement. Lors de la réunion du 2 décembre 2003, elle a dû intervenir à plusieurs reprises car elle animait la réunion. Elle n'a jamais, selon elle, adopté un ton hautain envers M. Gaussiran.

101 Relativement aux négociations sur l'horaire de travail en août 2004, la fonctionnaire s'estimant lésée a affirmé avoir toujours compris qu'il était possible lors de situations ponctuelles qu'elle quitte à 17 h plutôt qu'à 17 h 30 en ne prenant pas de pauses durant la journée.

102 La fonctionnaire s'estimant lésée a été étonnée que l'employeur lui reproche ses absences aux rencontres d'équipe, car il ne lui avait jamais parlé de cette question. Elle a souligné qu'elle a participé à la majorité des rencontres.

103 La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'en septembre 2003, elle a informé M. Caya qu'elle ne passerait plus par M. Gaussiran pour ses demandes, car elle avait fait une plainte d'intimidation contre lui (pièce F-40).

104 Au sujet du geste de mars 2003, la fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué que M. Gaussiran a admis qu'il était désolé, mais qu'il ne s'excuserait pas. Elle s'est demandé ce qui serait arrivé si c'était elle qui avait posé ce geste.

105 Relativement à la lettre de rectification qu'elle a expédiée aux organismes de son secteur en décembre 2003, la fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'un membre d'un organisme lui avait téléphoné pour commenter la lettre de sa collègue, Nathalie Pelletier. L'organisme se considérait comme autonome et ne voulait pas être dirigé dans ses achats. La fonctionnaire s'estimant lésée a donc prévenu les organismes de son secteur. Selon elle, la gestion ne lui a jamais interdit de communiquer avec ceux-ci (pièces F-41 et F-42).

106 Relativement à l'incident concernant l'utilisation des montants résiduels du PACE, la fonctionnaire s'estimant lésée était d'avis qu'on devait composer avec la régie régionale qui fixait les priorités. Selon elle, la régie n'était pas un client du gouvernement fédéral mais un partenaire (pièces F-43 et F-44).

107 Relativement aux motifs de reproche contenu dans la mesure disciplinaire du 28 octobre 2004 (20 jours), la fonctionnaire s'estimant lésée a souligné qu'elle avait compris que la modification de l'horaire de travail, une fois par semaine, afin de lui permettre d'assister à ses cours universitaires, constituait une situation ponctuelle.

108 La fonctionnaire s'estimant lésée a expliqué avoir choisi de participer au comité du PCNP en 2004 parce qu'elle voulait garder et continuer son expertise. Elle pouvait aussi contribuer à ce comité.

109 La fonctionnaire s'estimant lésée a souligné que ce n'était pas de sa faute si elle n'avait pu assister à une rencontre d'équipe le 16 juillet 2004, car elle avait des rencontres le matin.

110 La fonctionnaire s'estimant lésée a expliqué que dans la région de Montréal, les organismes fonctionnent en partenariat et qu'il y a des cadres de référence bien établis. Elle croyait avoir rempli convenablement le formulaire d'évaluation. À la suite des demandes de la gestion, elle a ajouté la référence au plan de travail en joignant un extrait du plan d'action de chaque organisme.

111 M. Bélanger a accompagné la fonctionnaire s'estimant lésée lors de la rencontre de mars 2003. Il a noté qu'au moment où M. Gaussiran a pointé du doigt la fonctionnaire s'estimant lésée, cette dernière a eu un réflexe de recul. Selon lui, elle a eu peur et il l'a senti troublée par cette rencontre.

112 M. Bélanger a dit qu'il a tenté de régler cela verbalement, mais il a dû recommander à la fonctionnaire s'estimant lésée de déposer une plainte officielle.

113 M. Bélanger a admis avoir indiqué aux gestionnaires que, dans l'ensemble, la rencontre de mars s'était bien déroulée.

114 Les parties ont convenu de verser l'ensemble de la preuve commune dans le dossier relatif à la question de harcèlement pour laquelle un grief a été déposé. Ce grief dénonçait le non respect des articles 1 et 19 de la convention collective applicable.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour l'employeur

115 L'employeur a soutenu que les griefs doivent être examinés sous l'angle d'une accumulation de gestes et d'attitudes. La fonctionnaire s'estimant lésée a refusé d'être encadrée. Ses courriels et le ton de ses réponses ont démontré un manque de respect.

116 L'employeur a fait référence au ton de la lettre qui a été expédiée par la fonctionnaire s'estimant lésée le 8 septembre 2003 (pièce E-6) dans laquelle elle reprochait à la directrice régionale la façon de faire les choses et le délai des gestionnaires à l'informer. L'employeur a souligné qu'à cela se sont ajoutés des gestes d'insubordination et l'attitude de la fonctionnaire s'estimant lésée. Tous ces éléments ont poussé la gestion à faire le point, notamment dans la lettre du 13 août 2003 et la réprimande du 22 septembre 2003.

117 Selon l'employeur, la suspension de deux jours était justifiée par le fait que la fonctionnaire s'estimant lésée faisait preuve d'insubordination (pièce E-10) et employait un ton offensant en parlant de son superviseur comme un « agresseur » (pièce F-23).

118 Selon l'employeur, plusieurs éléments ont justifié l'imposition d'une suspension de 10 jours en février 2004.

119 Le premier élément a été la rencontre de décembre 2003. Plus que la question du vouvoiement, il faut considérer le ton des échanges et l'impression laissée aux collègues de travail de la fonctionnaire s'estimant lésée tel que le témoigne la plainte de la part d'une de ses collègues (pièce E-44). De plus, il y a les courriels dans lesquels la fonctionnaire s'estimant lésée a reproché aux gestionnaires leur gestion.

120 Le second élément a été la lettre de rectification adressée aux organismes par la fonctionnaire s'estimant lésée. Bien qu'elle connaissait la position de la gestion, car Mme Bernier lui avait dit qu'on allait gérer le risque, la fonctionnaire s'estimant lésée a justifié son geste en disant qu'un appel téléphonique aurait pris trop de temps. La fonctionnaire s'estimant lésée a conclu que c'était son devoir d'agir.

121 Le troisième élément a fait référence aux gestes posés par la fonctionnaire s'estimant lésée dans le dossier de l'affectation des sommes résiduelles. Malgré la position exprimée par la gestion, la fonctionnaire s'estimant lésée s'est dite contre ce point de vue; elle se voulait la messagère de la région.

122 M. Caya a également indiqué qu'il avait considéré que la fonctionnaire s'estimant lésée ne se sentait pas visée, mais a plutôt expliqué que les gestionnaires étaient en défaut. Selon M. Caya, la fonctionnaire s'estimant lésée a tenté de l'intimider dans la lettre qu'elle lui a adressée (pièce E-42). Dans la lettre, la fonctionnaire s'estimant lésée a dit que ses commentaires devraient être déposés dans son dossier et dans celui du directeur. Elle lui a mentionné que son nom figurait dans la plainte de harcèlement.

123 Selon l'employeur, la suspension de 20 jours était aussi justifiée par plusieurs éléments. Il faut se référer au témoignage de Mme Bernier, qui a indiqué qu'elle était désespérée de gérer la fonctionnaire s'estimant lésée et qu'elle a songé à retourner comme consultante.

124 Plusieurs faits se sont accumulés. Il y a eu des confrontations sur l'horaire de travail et finalement, la fonctionnaire s'estimant lésée a obtenu les concessions qu'elle voulait pour terminer à 17 h. Jamais la fonctionnaire s'estimant lésée n'a songé à commencer à 9 h et terminer à 17 h.

125 En ce qui concerne le dossier de la formation multiethnique (pièce E-37), la fonctionnaire s'estimant lésée a dit qu'elle déciderait si elle allait se retirer du dossier.

126 La fonctionnaire s'estimant lésée a contesté la décision de l'employeur qui lui a demandé de participer au PACE plutôt qu'au PCNP.

127 L'heure de la rencontre de l'équipe a été changée pour la fonctionnaire s'estimant lésée, mais elle s'est absentée l'avant-midi du 16 juillet 2004.

128 Il y a eu un débat sur la remise du formulaire. La fonctionnaire s'estimant lésée a contesté les exigences et a annexé une copie du plan d'action.

129 L'employeur a souligné qu'on devait considérer l'accumulation des gestes et des attitudes. L'employeur a tenté de faire comprendre à la fonctionnaire s'estimant lésée qu'elle devait modifier son attitude.

130 Il y a eu lieu d'imposer des mesures disciplinaires plus sévères puisque la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas compris la situation et n'a pas modifié son comportement.

131 L'employeur a souligné que la décision Enniss c. Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord), dossiersde la CRTFP 166-02-17728 à 17732 et 17849 (19890228), a fait référence à l'obstruction de l'employé, l'accumulation de friction et les attitudes provocatrices :

[…]

Pour ce qui est du deuxième grief concernant de présumés actes d'insubordination, j'estime que l'employée a effectivement, tel que le prétend l'employeur dans sa lettre disciplinaire (pièce E-2), omis de participer à une réunion avec les parents le 23 septembre 1987. Elle a en outre omis d'assister aux réunions mensuelles du personnel. Enfin, elle n'a pas présenté les plans à long terme demandés. Les instructions qui lui avaient été données étaient claires et elle ne peut prétendre le contraire. Elle a admis dans son témoignage que les faits qu'on lui reprochait étaient exacts.

[…]

Le quatrième grief concerne d'autres allégations d'inconduite et d'insubordination. La preuve démontre que Mme Enniss a une fois de plus fait preuve d'obstination et d'insubordination, tel que l'employeur l'affirme dans sa lettre disciplinaire (pièce E-5). L'employée a admis qu'on lui avait demandé une autre fois de remettre ses plans à long terme, demande à laquelle elle n'a pas donné suite.

[…]

132 Dans Varzeliotis c. Conseil du Trésor (Environnement Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-9721 à 9723, 166-02-10273 et 10879 (19831011), on a fait référenceàla conduite méprisante de l'employé. L'employé a ébranlé l'autorité et a mis ses superviseurs en doute :

[…]

Les arbitres ont toujours considéré les accusations d'insubordination comme étant une évaluation subjective du comportement d'un employé. Les genres de fautes de conduite qui peuvent être considérées comme des actes d'insubordination sont, par exemple, «la désobéissance aux ordres donnés par un superviseur et le fait d'avoir une attitude provocatrice ou irrespectueuse vis-à-vis d'un superviseur». L'employé s'estimant lésé a été congédié à cause d'allégués actes d'insubordination de ce genre. Il incombe à l'employeur de prouver que les faits et les circonstances invoqués comme éléments de preuve montrent que sa décision était justifiée, soit que l'imposition d'une peine s'imposait et que la peine était adaptée à la faute commise. En l'espèce, je propose d'appliquer le critère suivant :

a)      L'employeur a-t-il établi qu'il avait des motifs justes et raisonnables d'imposer des mesures disciplinaires?

b)     L'employeur a-t-il établi que la peine imposée était juste et raisonnable ou la sanction était-elle excessive?

c)      Si la sanction était excessive, quelle autre peine y aurait-il lieu d'y substituer?

[…]

133 L'employeur a soutenu qu'en raison de ses arguments, les griefs contestant les mesures disciplinaires devaient être rejetés.

134 Selon l'employeur, la preuve commune versée dans le dossier relatif à la question de harcèlement ne permettait pas d'établir que l'employeur n'avait pas respecté la convention collective. Le grief doit être rejeté.

B. Pour la fonctionnaire s'estimant lésée

135 L'avocat de la fonctionnaire s'estimant lésée a souligné que l'employeur n'a pas réagi de façon adéquate à la suite de l'incident du 18 mars 2003 lorsque le gestionnaire a pointé la fonctionnaire s'estimant lésée du doigt.

136 La fonctionnaire s'estimant lésée a verbalement indiqué avoir été harcelée. Selon la politique sur le harcèlement (pièce F-10), l'employeur pouvait séparer les parties en cause s'il le jugeait nécessaire.

137 L'employeur n'a pas agi et la fonctionnaire s'estimant lésée a dû déposer une plainte écrite.

138 L'avocat de la fonctionnaire s'estimant lésée a fait remarquer qu'elle et son représentant syndical ont fait parvenir la plainte de harcèlement au directeur régional.

139 Mme Jeannotte a été informée par Mme Myre de la plainte de harcèlement. Mme Jeannotte n'a pas respecté la demande de la fonctionnaire s'estimant lésée de séparer les parties en cause (pièce F-36).

140 Les gestionnaires ont transmis une lettre d'avertissement en août 2003 et une réprimande en septembre 2003, mais rien n'a été fait en ce qui concerne le dossier de harcèlement.

141 En juillet 2003, la plainte de harcèlement a été jugée non fondée par Mme Jeannotte sans que la fonctionnaire s'estimant lésée et le représentant syndical n'aient été interrogés et elle a été rejetée en novembre 2003 par Mme Myre.

142 Quant à la question de la plainte de harcèlement, si on examine le libellé du grief (pièce F-8), la fonctionnaire s'estimant lésée ne demandait que des excuses de la part de M. Gaussiran. Le grief a fait référence aux articles 1 et 19 de la convention collective.

143 Relativement à la plainte de harcèlement, l'avocat de la fonctionnaire s'estimant lésée a soutenu que l'audience devant l'arbitre de grief constituait un nouveau procès et l'arbitre de grief pouvait formuler ses conclusions sur la situation dénoncée de harcèlement. L'avocat de la fonctionnaire s'estimant lésée a fait référence à Samra c. Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord Canada), dossier de la CRTFP 166-02-26543 (19960911), où l'on peut lire ce qui suit :

[…]

L'avocate du fonctionnaire s'estimant lésé a fait valoir dans son argumentation que le rapport du comité d'enquête était vicié, car Sandy Thomson, qui avait présidé le comité, avait entendu la plainte initiale. Même s'il aurait peut-être été plus sage de ne pas demander à Sandy Thomson d'être membre ou présidente de ce comité, je ne crois pas que le processus ait été vicié pour ce motif. Dans un certain sens, l'audience devant moi constituait un nouveau procès, et les personnes qui ont été interviewées par le comité y ont aussi témoigné. Je suis d'avis que le fonctionnaire s'estimant lésé n'a subi aucun préjudice de quelque nature que ce soit et, de toute façon, toute irrégularité de nature procédurale dont aurait pu être entachée l'enquête a été compensée par l'audience tenue devant moi : Tipple c. Canada (Conseil du Trésor) CAF, le 26 septembre 1985, no de dossier A-66-85.

[…]

144 En ce qui a trait aux lettres de plaintes des organismes, l'employeur n'a pas tenté d'obtenir la version de la fonctionnaire s'estimant lésée.

145 La fonctionnaire s'estimant lésée, dans son témoignage, a souligné que lorsqu'un organisme devenait un CPE, la contribution du gouvernement fédéral intervenait différemment.

146 L'avocat de la fonctionnaire s'estimant lésée a fait remarquer que M. Gaussiran avait enquêté sur la lettre de plainte sans rencontrer la fonctionnaire s'estimant lésée.

147 En ce qui concerne la première mesure disciplinaire, l'avocat de la fonctionnaire s'estimant lésée a souligné que l'employeur a fait référence à peu d'éléments pour justifier sa lettre du 13 août 2003 et sa réprimande du 22 septembre 2003. Selon l'avocat de la fonctionnaire s'estimant lésée, la lettre du 13 août 2003 n'était qu'en réaction aux demandes de la fonctionnaire s'estimant lésée de s'adresser à un niveau hiérarchique supérieur à M. Caya pour sa plainte de harcèlement.

148 La suspension du 24 septembre 2003 (deux jours) ne reposait que sur deux motifs : la formation que la fonctionnaire s'estimant lésée continuait de réclamer et le fait qu'elle n'ait pas acheminé ses demandes à son superviseur immédiat, qu'elle qualifiait être « son agresseur ».

149 Les faits reprochés sont survenus le même jour que la lettre de réprimande. Le courriel de demande n'était pas adressé à M. Gaussiran. Comment l'employeur pouvait déduire que M. Gaussiran avait été offensé? Ayant eu un différend avec son supérieur, il était normal que la fonctionnaire s'estimant lésée préférait s'adresser à la directrice.

150 Relativement à la suspension de 10 jours, les faits reprochés ne sont pas en relation avec ceux indiqués dans la suspension antérieure de deux jours. Il y a exagération de la part de l'employeur dans la sanction.

151 Les éléments sur lesquels s'est fondé l'employeur étaient sans importance.

152 Quant à la question du vouvoiement, cette situation a été initiée par M. Gaussiran. Le vouvoiement existait depuis juin 2004 et M. Caya a dit qu'il n'a pas été mis au courant de cette situation avant décembre 2004. L'avocat de la fonctionnaire s'estimant lésée a souligné que relativement à la question du vouvoiement, on n'a jamais interrogé la fonctionnaire s'estimant lésée. Ce n'est qu'après que Mme Bujold ait envoyé une lettre que Mme Bernier en a transmis une autre dans le même sens.

153 Pour ce qui est de la lettre de rectification, on n'a pas tenu compte de celle de Mme Pelletier qui demandait de faire référence à chaque responsable de projet. Sur ce point, on reprochait d'avoir laissé planer un doute sur la compétence de sa collègue alors que dans leur témoignage les gestionnaires parlaient de ne pas avoir respecté la décision de ne pas écrire aux organismes.

154 Sur l'utilisation des sommes résiduelles, on a reproché à la fonctionnaire s'estimant lésée d'aller contre certaines décisions prises par la gestion. La preuve a démontré que la rencontre du 9 décembre 2003 était déjà fixée. La fonctionnaire s'estimant lésée n'avait transmis aucune information particulière à un tiers.

155 Les arguments de la fonctionnaire s'estimant lésée étaient valables lorsqu'elle a souligné que la régie régionale de la Santé et des services sociaux du Québec soumettait ses projets au comité opérationnel.

156 L'avocat de la fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué que l'employeur ne pouvait modifier sa position lors de l'audience. Il a fait référence à un extrait de la décision Mahoney c. Alliance, Compagnie mutuelle d'assurance-vie, [1991] R.J.Q. 1115 (C.S.) 1121, où on peut lire ce qui suit :

[…]

[…] En principe, il ne peut invoquer lors de la présentation de sa cause des motifs différents de ceux qui ont entraîné sa décision. S'il a fait connaître ses motifs au salarié, celui-ci est en droit de s'attendre que la preuve sera limitée à ces motifs, à défaut de quoi le traitement que l'on fait subir à ce dernier est inéquitable et arbitraire.

[…]

157 En ce qui concerne la question de l'horaire de travail et des discussions étalées sur trois semaines, l'employeur n'a pas identifié le fait précis qu'il dénonçait.

158 Sur la formation multiethnique, l'employeur a finalement reproché à la fonctionnaire s'estimant lésée le fait qu'elle défendait son projet.

159 L'employeur a parlé de l'absence aux rencontres. La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné avoir assisté à la majorité de ces rencontres.

160 En ce qui concerne les questionnaires sur les projets PCNP, la gestion n'a pas réagi pour régler la question pendant la période de remise des questionnaires.

161 L'avocat de la fonctionnaire s'estimant lésée a soutenu que l'employeur accumulait des faits pour pouvoir imposer une mesure disciplinaire plus sévère. Selon lui, c'était le devoir de l'employeur d'aviser un salarié des situations qui ne seraient plus tolérées plutôt que d'attendre et sévir par la suite. La décision suivante a confirmé ce point (Maan c. Conseil du Trésor (Transports Canada), 2003 CRTFP 100) :

[…]

[255] À mon avis, l'employeur ne peut pas être au courant d'événements qui pourraient se révéler être des actes d'inconduite et en prendre note sans mot dire (autrement dit établir une « liste noire »), puis s'en servir en tant que facteur déterminant pour justifier un licenciement […]

[…]

162 Selon l'avocat de la fonctionnaire s'estimant lésée, la suspension de 20 jours et celles qui précédaient étaient injustifiées. De plus, parmi les références aux décisions citées précédemment, l'avocat de la fonctionnaire s'estimant lésée a soumis un cahier de jurisprudence auquel l'arbitre de grief pouvait faire référence.

IV. Motifs

A. La première mesure disciplinaire

163 L'employeur a imposé la première mesure disciplinaire à la fonctionnaire s'estimant lésée le 24 septembre 2003.

164 Le 13 août 2003, soit avant cette mesure disciplinaire, la directrice régionale intérimaire a transmis une lettre à la fonctionnaire s'estimant lésée faisant le point sur la façon dont cette dernière s'acquittait de ses fonctions.

165 Cette lettre dressait un bilan de divers événements qui se sont produits entre le mois d'octobre 2000 et l'été 2003. M. Caya, Mme Jeannotte, M. Gaussiran, ainsi que la fonctionnaire s'estimant lésée ont témoigné sur les incidents qui sont survenus lors de cette période. Il n'y a eu aucune mesure disciplinaire d'imposée.

166 Je n'ai pas à décider sur les incidents qui sont survenus au cours de cette période. Ces faits ne servaient qu'à expliquer le contexte de certains événements postérieurs.

167 Dans sa lettre de suspension, l'employeur a allégué deux motifs pour imposer une suspension de deux jours :

[…]

  1. Vous continuez à soumettre les requêtes d'approbation reliées à votre formation universitaire ainsi que vos autres demandes et ce malgré la multitude de fois qu'on vous a référé à votre supérieur immédiat.
  2. De plus, vous persistez à démontrer un manque de respect répété à l'égard de celui-ci (voir courriel du 22 septembre 2003).

[…]

168 Dans son témoignage, M. Gaussiran a expliqué qu'en septembre 2002, la fonctionnaire s'estimant lésée a continué à faire du télétravail alors que les autres consultants se présentaient au bureau. Il a dit que la position de la fonctionnaire s'estimant lésée était que, si elle avait une rencontre en après-midi, elle pouvait travailler à la maison le matin. Or, il a tenté de prendre une entente avec cette dernière, mais elle a refusé de le faire.

169 Dans sa lettre du 13 août 2003, Mme Jeannotte a rappelé la position de la gestion relativement au télétravail et a indiqué que la fonctionnaire s'estimant lésée avait tenté de faire changer la décision en envoyant plusieurs messages à son superviseur et à ses supérieurs (pièce E-5) :

[…]

Malgré cela, pendant toute cette période, votre employeur a répondu à votre demande de pouvoir faire du télétravail. Plutôt que de considérer cette décision comme l'octroi d'un privilège, vous vous êtes mise à considérer le télétravail comme un droit acquis. Vous avez en conséquence mal pris la décision de votre employeur de révoquer ce privilège et vous avez tenté par tous les moyens de faire changer cette décision en envoyant message après message à votre superviseur et ses supérieurs afin d'argumenter sur le sujet.

[…]

170 Le 17 septembre 2003, la fonctionnaire s'estimant lésée a envoyé un courriel d'une page à Mme Jeannotte (pièce E-8). Elle s'est adressée à Mme Jeannotte pour lui demander du télétravail d'une demi-journée précédant ses rencontres en après-midi.

171 La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué que sa demande du 3 septembre 2003 pour du télétravail a été refusée par M. Gaussiran. De plus, la fonctionnaire s'estimant lésée a mentionné que « les dossiers d'intimidation et le télétravail ont été adressés à Jean-Louis » (M. Caya). Sur la demande de télétravail, la fonctionnaire s'estimant lésée s'est adressée à ses gestionnaires successivement.

172 Je constate qu'en septembre 2003, la fonctionnaire s'estimant lésée a repris les mêmes revendications qu'en septembre 2002. On pourrait excuser le geste de la fonctionnaire s'estimant lésée si personne ne l'avait averti qu'il était anormal de procéder ainsi en talonnant la hiérarchie de ses supérieurs pour obtenir quelque chose.

173 Dans la présente situation, ce n'était pas le cas. La lettre du 13 août 2003 a fait explicitement mention de cette situation. Le représentant de la fonctionnaire s'estimant lésée a justement insisté sur le fait qu'un salarié devait être averti des attentes de l'employeur.

174 Le 22 septembre 2003, la fonctionnaire s'estimant lésée a contourné son superviseur et s'est adressée à la direction (pièce E-9). Dans son courriel sur le télétravail du 17 septembre 2003, la fonctionnaire s'estimant lésée a parlé de son superviseur en disant qu'elle ne voulait plus être en contact avec « son agresseur » (pièce E-8). Dans son courriel du 22 septembre 2003, elle a répété que M. Gaussiran était « son agresseur » (pièce E-10).

175 Je suis conscient que la fonctionnaire s'estimant lésée avait déposé une plainte de harcèlement contre M. Gaussiran. Cependant, je ne vois pas l'utilité que la fonctionnaire s'estimant lésée ait à répéter le mot « agresseur » dans chacun de ses courriels.

176 Il est toujours délicat d'évaluer un dossier disciplinaire, lorsqu'en parallèle, l'employé a entrepris des procédures relatives au harcèlement.

177 Sur la question du télétravail, la preuve a démontré que la question a été débattue en septembre 2002, et que la fonctionnaire s'estimant lésée a repris les discussions en 2003. M. Gaussiran a témoigné qu'il voulait contrôler le télétravail en 2002 et il a maintenu sa position en 2003.

178 Il m'est difficile de conclure que les refus de télétravail en 2003 sont motivés par le fait qu'il y a eu un incident entre M. Gaussiran et la fonctionnaire s'estimant lésée en mai 2003, bien que celle-ci ait indiqué qu'elle ne voulait plus s'adresser à son « agresseur ».

179 Je traiterai ultérieurement de façon plus détaillée l'incident de mars 2003 où la fonctionnaire s'estimant lésée s'est sentie intimidée par le fait que M. Gaussiran l'a pointé du doigt.

180 Pour situer le contexte des événements de la mesure disciplinaire du 24 septembre, je fais référence à certains points de la plainte de harcèlement de la fonctionnaire s'estimant lésée.

181 L'avocat de la fonctionnaire s'estimant lésée a fait référence au manuel de politiques, entré en vigueur le 4 décembre 2001 à Santé Canada (pièce F-10) et a souligné que dans des cas d'intimidation, l'employeur pouvait séparer les parties en cause s'il le jugeait nécessaire. Il n'y a pas systématiquement séparation entre les parties impliquées. Il faut considérer la nature de l'infraction et les rapports qu'ont les parties entre elles et séparer les parties si cela s'avérait nécessaire.

182 Dans le présent cas la fonctionnaire s'estimant lésée souligne qu'elle a de la difficulté avec son superviseur, M. Gaussiran, pour ses demandes de télétravail et de cours de formation.

183 Dans sa lettre de suspension, l'employeur a parlé des demandes relatives à la formation et à autres demandes ce qui inclue donc la demande du télétravail datée du 12 septembre 2003, soit une semaine avant la mesure disciplinaire.

184 Je crois qu'il était opportun que l'employeur considère comme un manque de respect l'utilisation du mot « agresseur » dans deux courriels successifs que la fonctionnaire s'estimant léseé a transmis à la gestion.

185 La mesure disciplinaire de deux jours m'apparaît fondée.

B. La deuxième mesure disciplinaire

186 Le 3 février 2004, l'employeur a imposé une suspension de 10 jours à la fonctionnaire s'estimant lésée. Cette mesure disciplinaire était fondée sur trois motifs :

1)   l'attitude irrespectueuse envers son gestionnaire lors de la rencontre d'équipe le 2 décembre 2003;

2)   la lettre de rectification du 3 décembre 2003;

3)   son attitude dans la gestion du dossier lié à l'utilisation des sommes résiduelles (rencontre du 9 décembre avec la Régie régionale de la Santé et des services sociaux (région de Montréal)).

187 L'employeur a également fait état de la rencontre du 22 décembre 2003 et de la réponse écrite de la fonctionnaire s'estimant lésée le 23 décembre 2003.

188 Relativement à la rencontre d'équipe du 2 décembre 2003, la preuve a démontré que l'emploi du vouvoiement a été initié par M. Gaussiran. À ce moment, celui-ci et la fonctionnaire s'estimant lésée se vouvoyaient depuis plusieurs semaines.

189 M. Caya a indiqué dans son témoignage ne pas avoir eu connaissance que la fonctionnaire s'estimant lésée et M. Gaussiran se vouvoyaient à l'automne 2003. Dans le cas de Mme Bernier, la preuve a démontré qu'elle avait assisté à une réunion antérieure au 2 décembre 2003, et qu'alors, la fonctionnaire s'estimant lésée et M. Gaussiran se vouvoyaient.

190 Il est vrai que Mme Bernier est revenue au travail à la fin octobre 2003, mais je trouve étrange qu'elle n'a pas avisé M. Caya du fait que M. Gaussiran et la fonctionnaire s'estimant lésée se vouvoyaient avant le 2 décembre 2003.

191 Je considère que l'employeur aurait pu régler cette question bien avant ce temps. Il reste, cependant, qu'une autre consultante, Mme Bujold, a témoigné avoir noté des remarques appelant à la condescendance. Elle a envoyé une lettre au directeur (pièce E-44). Elle a mentionné que son collègue (M. Gaussiran) se faisait rappeler indûment ses fonctions et la façon de mener ses activités professionnelles.

192 La lettre de Mme Bujold a appuyé la position de l'employeur lorsqu'il reprochait à la fonctionnaire s'estimant lésée son attitude irrespectueuse du 2 décembre 2003. Même si l'emploi du vouvoiement n'était pas imputable à la fonctionnaire s'estimant lésée, l'employeur était en droit de lui reprocher d'avoir utilisé un ton condescendant.

193 Sur la question de la lettre de rectification expédiée par la fonctionnaire s'estimant lésée le 3 décembre 2003, la preuve a démontré que Mme Bernier avait indiqué à la fonctionnaire s'estimant lésée que la gestion avait décidé de gérer le risque si des organismes questionnaient la lettre expédiée par Mme Pelletier le 12 novembre 2003 (pièce E-22).

194 La preuve a démontré que la fonctionnaire s'estimant lésée et Mme Bernier ont tenté de récupérer sans succès la lettre du 12 novembre 2003.

195 La façon de corriger ou d'annuler la lettre du 12 novembre 2003 aurait été que la gestion envoie une autre lettre. La gestion a décidé de gérer le risque et de répondre ad hoc si des organismes posaient des questions.

196 Si la gestion a décidé de ne pas envoyer une deuxième lettre, je ne comprends pas pourquoi la fonctionnaire s'estimant lésée pouvait se permettre d'en envoyer une aux organismes qu'elle desservait et qu'elle employait le titre « rectification ». Je crois que la fonctionnaire s'estimant lésée peut être blâmée pour cette action.

197 Sur la question du dossier lié à l'utilisation de sommes résiduelles, la preuve a démontré que la fonctionnaire s'estimant lésée s'était rendue à la rencontre du 3 décembre 2003 avec la régie régionale parce que cette rencontre était prévue à l'avance.

198 L'ordre du jour déposé par la fonctionnaire s'estimant lésée a démontré que la discussion devait porter sur le projet autorisé. Il était difficile de savoir s'il y avait eu une discussion sur les deux autres projets soumis.

199 Je ne crois pas, comme l'a prétendu l'avocat de la fonctionnaire s'estimant lésée, que le reproche qui a été adressé par l'employeur portait seulement sur la rencontre du 2 décembre 2003.

200 En effet, dans sa lettre l'employeur a parlé de l'attitude de la fonctionnaire s'estimant lésée et il a fait référence à la réponse transmise par la fonctionnaire s'estimant lésée le 23 décembre 2003 après qu'elle a été rencontrée notamment sur les questions de l'utilisation des sommes résiduelles.

201 Dans sa réponse du 23 décembre 2003 (pièce E-46), la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas débattu le fond de la question, mais elle adressait plutôt des reproches à M. Caya et lui expliquait la façon, selon elle, dont fonctionnait le système :

[…]

Je ne parviens pas à croire ce que je lis! La RR06 est considérée par vous comme un client? .Elle est plutôt l'instance décisionnelle clé pour que le PACE et le PCNP puissent être opérationnels sur son territoire. La loi canadienne sur la santé a défini clairement le plein pouvoir de la province pour organiser, planifier et distribuer les services directs offerts à la population sur son territoire. D'où le besoin de notre part de négocier une entente avec la province afin de pouvoir cibler la clientèle à risque pour financer nos projets! Dans ce sens, la RR06 est notre homologue : je me permets de vous rappeler que le protocole d'entente pour gérer conjointement les deux programmes en question déterminent clairement les rôles et les responsabilités de Santé Canada et du MSSS (par le biais des Régies Régionales). C'est une obligation mutuelle entre collaborateurs d'échanger de l'information clé pour que la RR06 puisse formuler des recommandations pertinentes aux membres du C.O. sur des enjeux clés de son territoire! C'est la moindre des choses dans une perspective de collaboration horizontale et multisectorielle.

[…]

[Les caractères gras le sont dans l'original]

[Sic pour l'ensemble de la citation]

202 Dans son témoignage à ce sujet, la fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle se faisait la messagère de la régie régionale afin de faire connaître les attentes de la DGSPSP.

203 La fonctionnaire s'estimant lésée a mentionné qu'il existait le protocole de collaboration entre le gouvernement fédéral et les provinces (et dans ce cas ci, la régie régionale). Cependant, selon moi, il était possible que les gestionnaires du gouvernement fédéral, notamment ceux de la DGSPSP, établissent leurs propres listes de priorités.

204 Il m'apparaît normal que la DGSPSP demandait à ses fonctionnaires de respecter ses orientations. Il pouvait être louable qu'un fonctionnaire voulait se faire le messager de la régie régionale. Dans un tel cas, il devait user de réserve lors de discussions avec son employeur et ne devait pas employer un ton accusateur si ce dernier lui imposait certaines limites. La fonctionnaire s'estimant lésée, dans sa lettre du 23 décembre 2003 et dans son témoignage, n'a pas fait preuve d'une telle retenue. La fonctionnaire s'estimant lésée pouvait être blâmée pour son attitude dans ce dossier.

205 En considération de ce qui précède, je crois que l'employeur était justifié d'imposer une mesure disciplinaire le 3 février 2004. Dans le présent cas, il s'agissait d'une question reliée à l'attitude de la fonctionnaire s'estimant lésée. La mesure disciplinaire était de 10 jours et faisait suite à une mesure disciplinaire antérieure de deux jours.

206 Bien que cette mesure puisse paraître sévère, je ne vois pas de facteurs atténuants dans le comportement de la fonctionnaire s'estimant lésée qui pourraient permettre d'y substituer une mesure moins sévère, même en faisant référence à la notion de la gradation des sanctions.

C. La troisième mesure disciplinaire

207 Le 28 octobre 2004, l'employeur a imposé une mesure disciplinaire (20 jours) à la fonctionnaire s'estimant lésée. Dans sa lettre disciplinaire, l'employeur a fait référence à une rencontre avec la fonctionnaire s'estimant lésée le 19 octobre 2004. Cette dernière a transmis une réponse par courriel à la suite de cette rencontre.

208 L'employeur a adressé les reproches suivants à la fonctionnaire s'estimant lésée :

[…]

J'ai pris connaissance de l'information que vous nous avez transmise lors de cette réunion ainsi que de celle que vous nous avez fait parvenir par la suite par courriel. Hélas, je suis à même de constater que vous persistez dans votre attitude de déni.

Les comportements qui vous sont reprochées touchent plus particulièrement les deux catégories suivantes :

a) Remise en question continuelle des demandes/décisions de la gestion;

- 7 septembre 04 Courriel à votre surveillante (Horaire de travail)

- 10 septembre 04 Demande de temps supplémentaire non pré autorisé (Formulaire)

- 15 septembre 04 Courriel à votre surveillante (Formation multiethnique)

- 16 septembre 04 Courriel à votre surveillante (Horaire de travail)

- 16 septembre 04 Courriel à votre gestionnaire (Comité de renouvellement PCNP)

- 21 septembre 04 Courriel à votre gestionnaire (Départ à 17h00 sans autorisation)

b) Attitude irrespectueuse envers les membres de l'équipe/la gestion.

- 15 juin 04 Absence à la rencontre des consultants de programmes

- 16 juillet 04 Absence à la majorité de la rencontre de renouvellement PCNP

- 19 juillet 04 Courriel à votre surveillante (Outils de suivi de projets PCNP)

- 7 septembre 04 Retard à la rencontre d'Équipe.

[…]

[Sic pour l'ensemble de la citation]

209 Pour justifier sa mesure disciplinaire, l'employeur a fait référence au courriel du 15 septembre 2004 concernant la formation multiethnique (pièce E-37). Dans ce courriel, la fonctionnaire s'estimant lésée a répondu à la position prise par Mme Bernier relativement à des coupures de budget dans le projet.

210 La fonctionnaire s'estimant lésée a souligné que la décision finale revenait au comité; que la coupure budgétaire avait été prise par Mme Bernier sans la consulter. En terminant, la fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle ferait connaître sa décision de se retirer ou de continuer le mandat, tel que lui avait suggéré Mme Bernier.

211 Lors de l'audience, la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas démontré que Mme Bernier lui avait suggéré de se retirer du projet. Dans le document que la fonctionnaire s'estimant lésée a produit comme synthèse de la rencontre du 19 août (pièce F-46), la fonctionnaire s'estimant lésée a écrit que Mme Bernier lui avait dit au sujet de la coupure de budget ce qui suit : « […] 60K sans la session de suivi des intervenants : à prendre ou à laisser. »

212 Je me dois de constater qu'il y a eu discussion sur le dossier multiethnique et que dans son courriel, la fonctionnaire s'estimant lésée a adressé des reproches à sa superviseure et a mentionné que son retrait possible de ce mandat était envisagé.

213 Il est normal que la fonctionnaire s'estimant lésée ait eu des discussions sérieuses avec sa superviseure au sujet du budget à accorder à un projet sans pour autant adresser des critiques et faire savoir qu'elle se retirerait, si le tout n'était pas à sa satisfaction. Dans le présent dossier, je constate que la fonctionnaire s'estimant lésée a fait des remarques négatives à l'endroit de sa superviseure. Bien que d'une importance relative, je crois que le ton du courriel du 15 septembre était un élément à considérer dans la mesure disciplinaire prise par l'employeur.

214 L'employeur a ensuite fait référence, comme élément de reproche, au courriel du 16 septembre que la fonctionnaire s'estimant lésée a expédié à la superviseure concernant son horaire de travail. Dans son courriel (pièce E-28), la fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle maintenait son avis sur la possibilité d'appliquer l'horaire 9 h 30 à 17 h, sans prendre ses pauses.

215 Dans son courriel, la fonctionnaire s'estimant lésée a dit qu'elle osait espérer que les deux parties avaient négocié de bonne foi. Elle a remercié sa superviseure, de façon sarcastique, pour ses soucis et avoir pensé à son bien-être en la forçant à prendre ses pauses. La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué que sa constitution biologique était habituée à des pauses en fin de journée.

216 Bien qu'il était acceptable que la fonctionnaire s'estimant lésée souhaitait débattre de ce cas avec sa superviseure, le ton qu'elle a employé et son remerciement sarcastique sont tout à fait inappropriés. De plus, la fonctionnaire s'estimant lésée a remis en question la décision de la gestion. Je crois que ce courriel devait être retenu dans les éléments justifiant la mesure disciplinaire.

217 Le courriel du 16 septembre 2004 a traité du comité de renouvellement PCNP. La preuve a démontré que la fonctionnaire s'estimant lésée préférait siéger au comité du PCNP, car elle avait souligné posséder beaucoup d'expérience, que cela l'intéressait et qu'elle pouvait partager son expertise.

218 Dans son courriel du 16 septembre 2004, la fonctionnaire s'estimant lésée a invoqué que les échanges d'expertise devaient être accessibles. Elle a rappelé à l'employeur que cette orientation était inscrite dans le code d'éthique et dans les principes opérationnels de Santé Canada du bureau de Montréal. La fonctionnaire s'estimant lésée a ajouté que le code d'éthique et les principes étaient également affichés sur le mur près de l'entrée principale.

219 Ces propos de la fonctionnaire s'estimant lésée sont déplacés et laisse sous-entendre que les gestionnaires ne respectaient pas les règles relatives aux échanges d'expertise.

220 Non seulement la fonctionnaire s'estimant lésée a fait une référence inappropriée aux principes opérationnels qui étaient affichés, mais elle s'est trompée sur le fond de son argumentation.

221 La preuve a démontré que la fonctionnaire s'estimant lésée s'occupait du projet PACE, mais qu'elle possédait également une longue expérience au sein du PCNP. Le fait de participer au comité du PACE permettrait aux autres consultants qui détenaient une certaine expertise au niveau du projet PACE de bénéficier de l'expertise de la fonctionnaire s'estimant lésée au niveau du projet PCNP. L'échange d'expertise ne fonctionne pas toujours dans l'intérêt d'une seule partie. Les gestionnaires ne pouvaient pas, dans le présent cas, se faire reprocher de violer le code d'éthique et les principes opérationnels en demandant à la fonctionnaire s'estimant lésée d'échanger son expertise avec les membres du comité du PACE.

222 Comme autre élément justifiant sa mesure disciplinaire, l'employeur a fait référence à un courriel daté du 21 septembre 2004.

223 La preuve a démontré qu'il y a eu de nombreuses discussions et échanges de courriels en août et septembre 2004 sur l'horaire de travail dont voulait se prévaloir la fonctionnaire s'estimant lésée. Le 5 août 2004, Mme Pelletier a indiqué à la fonctionnaire s'estimant lésée qu'elle ne pourrait plus se prévaloir d'un horaire de 9 h 30 à 17 h sans prendre de pause (pièce E-25). Le 7 septembre 2004, la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé à Mme Bernier de se prévaloir de l'horaire de 9 h 30 à 17 h les mardis afin de poursuivre ses cours universitaires.

224 Mme Bernier a répondu à la question de l'horaire de travail les 14 et 21 septembre 2004, en rappelant la position de Mme Pelletier (pièces E-27 et E-29). La fonctionnaire s'estimant lésée a signifié qu'elle voulait se prévaloir de l'horaire de 9 h 30 à 17 h. Mme Pelletier a répondu qu'elle refusait cette demande et que si la fonctionnaire s'estimant lésée voulait partir à 17 h, elle devait faire une demande de congé (pièce E-31). Cette dernière a répondu qu'elle allait quitter à 17 h et qu'elle allait reprendre son temps le lendemain.

225 Par la suite, il y a eu d'autres discussions sur l'horaire de travail et finalement, l'employeur a consenti à ce que l'horaire de 9 h 30 à 17 h sans pauses, s'applique à la fonctionnaire s'estimant lésée les mardis pour qu'elle suive ses cours universitaires.

226 Bien qu'en pratique on ne puisse établir à quelle heure elle a quitté le bureau le 21 septembre, la fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué dans son courriel qu'elle quitterait à 17 h et reprendrait son temps le lendemain, alors que Mme Pelletier lui avait indiqué que, pour quitter à 17 h, elle devait demander un congé à sa superviseure.

227 Même si la fonctionnaire s'estimant lésée croyait légitime de débattre à nouveau la question de l'horaire de travail de 9 h 30 à 17 h, elle ne pouvait remettre en question la directive de sa gestionnaire voulant alors qu'elle demande une autorisation de congé à Mme Bernier. Dans ce cas-ci, la théorie « d'obéir et ensuite de faire un grief » s'appliquait.

228 Je crois que l'employeur était en droit de retenir le courriel du 21 septembre 2004 dans lequel la fonctionnaire s'estimant lésée indique qu'elle quittera à 17 h comme étant un élément justifiant sa mesure disciplinaire.

229 L'autre élément de reproche a été l'absence de la fonctionnaire s'estimant lésée à la rencontre du 16 juillet 2004. La preuve à démontré que la fonctionnaire s'estimant lésée, le 15 juillet 2004, a questionné la raison de commencer la rencontre à 9 h 15. Le courriel du 15 juillet 2004 (pièce E-40) a montré que Caroline M. Boucher avait modifié l'heure de la rencontre à 9 h 30 après avoir discuté avec la fonctionnaire s'estimant lésée et lui permettre d'être présente.

230 La fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas contredit la mention qui a été faite dans ce courriel. Elle a simplement invoqué qu'elle devait s'occuper d'un dossier et qu'elle avait une rencontre à 11 h. Elle avait d'ailleurs laissé une note à cet égard.

231 La preuve a établi que la fonctionnaire s'estimant lésée avait discuté avec Mme Boucher de l'heure de la rencontre et que cette dernière l'avait reporté à 9 h 30.

232 Je conclus qu'il était irrespectueux de la part de la fonctionnaire s'estimant lésée de ne pas s'être assurée de sa disponibilité pour la rencontre du 16 juillet 2004 à 9 h 30, avant de faire des démarches pour reporter la rencontre à 9 h 30. Ce manque de respect s'est avéré néfaste puisqu'elle n'était pas présente. Bien qu'il soit d'une importance relative, l'employeur était bien fondé de retenir cet élément.

233 L'autre élément de reproche a été le courriel du 19 juillet 2004 qui a fait référence aux outils de suivis du projet PCNP. Dans son courriel, la fonctionnaire s'estimant lésée a questionné le bien-fondé de refaire les questions du formulaire. Elle a indiqué qu'il s'agissait de l'introduction de nouveaux outils et que c'était un projet-pilote.

234 La gestion a demandé à la fonctionnaire s'estimant lésée de remplir les questions du formulaire relatives au respect des objectifs.

235 La preuve a démontré que pour remplir le formulaire, la fonctionnaire s'estimant lésée n'avait qu'à faire référence au plan d'action des organismes. La fonctionnaire s'estimant lésée avait finalement fait référence à ces plans, mais les avaient simplement agrafés au formulaire plutôt que de les incorporer.

236 La fonctionnaire s'estimant lésée a souligné dans son courriel qu'il s'agissait d'un projet-pilote et que certaines questions étaient inutiles. Je considère que la fonctionnaire s'estimant lésée aurait pu utiliser d'autres arguments lors de discussions avec sa superviseure. Bien qu'il s'agissait d'un projet-pilote, ce qu'on demandait était réalisable. Je crois que l'employeur était justifié de mentionner cet élément dans sa mesure disciplinaire.

237 Concernant les autres éléments mentionnés dans la lettre disciplinaire du 28 octobre 2004, l'employeur n'a pas pu établir que les faits invoqués constituaient une remise en question des décisions ou un manque de respect.

238 Ainsi, je ne peux retenir comme motifs justifiant une sanction les éléments suivants :

a) le courriel du 7 septembre 2004;

b) la demande de temps supplémentaire du 10 septembre 2004;

c) l'absence à la rencontre du 5 juin 2004;

d) le retard à la rencontre du 7 septembre 2004;

e) l'allégation que la fonctionnaire s'estimant lésée aurait été absente à la majorité des rencontres du renouvellent du PCNP.

239 La demande du 7 septembre 2004, de vouloir bénéficier de l'horaire de 9 h 30 à 17 h sans prises de pauses les mardis pour suivre ses cours universitaires, était adressée de façon correcte et la fonctionnaire s'estimant lésée croyait qu'il s'agissait d'une demande ponctuelle; on ne peut associer ce courriel à une remise en question d'une décision. Depuis la décision de Mme Pelletier en août 2004, c'était la première demande de la fonctionnaire s'estimant lésée.

240 La demande de temps supplémentaire le 10 septembre 2004 lorsque la fonctionnaire s'estimant lésée est allé rapporter la voiture de location ne peut être associée à une remise en question des décisions de la gestion.

241 À l'exception de l'absence du matin du 16 juillet 2004, la preuve présentée ne me permet pas de conclure que l'absence à la rencontre du 5 juin 2004 et le retard à la rencontre du 7 septembre 2004 démontrent une attitude irrespectueuse envers les membres de l'équipe et la gestion.

242 Je considère cependant comme reproches valables, au soutien de la mesure disciplinaire du 28 octobre 2004, les autres éléments invoqués par l'employeur tels : le courriel sur la formation multiethnique, le courriel du 11 septembre (l'horaire), le courriel sur le comité de renouvellement du PCNP ainsi que le courriel du 21 septembre, l'absence à la rencontre du 16 juillet, et finalement, le courriel du 19 juillet relativement aux outils du suivi du projet PCNP.

243 Les incidents relatifs à la remise en question des décisions et les attitudes irrespectueuses pour lesquelles l'employeur a établi une preuve valable réfèrent à la gestion de projets, au fonctionnement du comité ou à l'encadrement des activités de la fonctionnaire s'estimant lésée. Bien que la question de la présence à certaines réunions ou le manque de respecter l'horaire de travail ont leur importance, une bonne harmonie dans le fonctionnement des projets et des activités ont dans le présent dossier une importance primordiale dans l'établissement d'un climat de travail valorisant tant pour la fonctionnaire s'estimant lésée que pour les autres consultants et les gestionnaires.

244 L'avocat de la fonctionnaire s'estimant lésée a soutenu que l'employeur ne pouvait accumuler des incidents et sévir par la suite. Ce qui est reproché à la fonctionnaire s'estimant lésée est son attitude à remettre en question des décisions et à critiquer ses supérieurs. Par contre, l'élément déterminant, à mon sens, est le fait qu'elle persistait, qu'elle ne comprenait pas les reproches et qu'elle n'admettait pas qu'elle avait certains torts.

245 Puisqu'il s'agissait d'une question de modification d'attitude et de comportement, il m'apparaît normal, dans le cas présent, qu'après une première mesure disciplinaire, on donne la chance à la fonctionnaire s'estimant lésée de s'amender. Si, au cours des quatre mois qui ont suivi, il n'y avait eu qu'un seul courriel accusateur ou qu'un seul courriel contestant les décisions, l'employeur aurait pu voir une amélioration. Ce n'est qu'après un certain temps que l'employeur a pu dresser un bilan et voir si la fonctionnaire s'estimant lésée, à cinq ou six occasions, a persisté dans son attitude.

246 Dans son témoignage et dans sa preuve documentaire présentée, la fonctionnaire s'estimant lésée n'a jamais admis avoir une certaine responsabilité des incidents qui ont été invoqués. Cet élément doit être pris en compte.

247 Tenant compte aussi du fait que la fonctionnaire s'estimant lésée avait déjà reçu une sanction disciplinaire le 24 septembre 2003 et une autre le 3 février 2004, elle aurait dû s'appliquer à corriger son comportement.

248 Pour toutes ces raisons, je crois que l'employeur était justifié d'imposer une mesure disciplinaire sévère le 28 octobre 2004. En ce sens, la suspension de 20 jours imposée par l'employeur m'apparaît valable.

D. Le grief relatif à la violation des articles 1 et 19 de la convention collective

249 En ce qui concerne ce grief, les parties ont fait référence à la preuve commune présentée précédemment. La fonctionnaire s'estimant lésée a déposé une copie de la plainte qu'elle avait adressée à la Commission canadienne des droits de la personne. Il n'y a pas eu de preuve à l'audience sur les allégations contenues dans cette plainte. C'est pourquoi je m'en remets à la preuve commune pour décider du présent grief.

250 Le grief de la fonctionnaire s'estimant lésée comporte l'énoncé suivant :

Je conteste la décision de Santé Canada (annexe 3) dans le traitement de ma plainte pour harcèlement.

Que ce soit par la décision du 26 novembre 2003, ou de la façon dont l'enquête a été menée, les représentants de l'employeur n'ont pas respectés l'esprit et la lettre de la politique de Santé Canada et du Conseil du Trésor concernant le harcèlement.

Par ces faits et ceux exprimés dans la plainte de harcèlement, (annexe 4) l'employeur contrevient à :

La Politique de Santé Canada sur le harcèlement

La Politique du Conseil du Trésor sur le harcèlement

La convention collective article 1

La convention collective article 19

Tout autres articles de la convention ou politiques pertinentes.

Les mesures correctrices demandées sont les suivantes :

1- Que l'enquête soit traitée selon la politique de Santé Canada sur le harcèlement

2- Que le rapport d'enquête me soit remis avec les conclusions des enquêteurs

3- Que M. Gaussiran me fasse ses excuses écrites pour son geste inaproprié

4- Etre représentée par l'AFPC et être présente à chaque étapes de ce grief et ce, au frais de l'employeur.

[Sic pour l'ensemble de la citation]

251 L'ensemble des documents déposés à l'audience dans le cadre d'une preuve commune ainsi que les témoignages de MM. Gaussiran et Bélanger et de la fonctionnaire s'estimant lésée permettent de dresser un bilan des événements relatif à la question de harcèlement soulevée par la fonctionnaire s'estimant lésée.

252 Le 18 mars 2003, le directeur régional et M. Gaussiran ont rencontré la fonctionnaire s'estimant lésée accompagnée de M. Bélanger pour discuter de la reprise de deux jours de télétravail. Lors des discussions, M. Gaussiran a pointé du doigt, près du visage, la fonctionnaire s'estimant lésée alors qu'il a dit : « Désormais, je ne te fais plus confiance. » Selon M. Bélanger, la fonctionnaire s'estimant lésée a alors eu un geste de recul.

253 Dans les jours qui suivirent, M. Bélanger a remercié le directeur général pour la rencontre. La fonctionnaire s'estimant lésée s'est sentie intimidée par le geste de M. Gaussiran lors de la rencontre et a été bouleversée par la suite, au point de retourner à la maison afin d'aller rencontrer son médecin.

254 Par la suite, la chronologie des événements a été la suivante :

  • le 3 juin 2003 : plainte verbale de la fonctionnaire s'estimant lésée à Mme Jeannotte;
  • le 3 juillet 2003 : plainte écrite à Mme Jeannotte et demande de ne plus relever de M. Gaussiran comme superviseur hiérarchique;
  • le 25 août 2003 : réponse de Mme Jeannotte indiquant qu'à la suite d'une enquête, elle considère que la plainte est non fondée;
  • le 3 octobre 2003 : rencontre convoquée par Lucie Myre, directrice générale de la région du Québec.

255 Lors de la rencontre du 3 octobre 2003, M. Gaussiran a indiqué qu'il était profondément désolé de son geste. La fonctionnaire s'estimant lésée voulait des excuses. M. Gaussiran a indiqué qu'il ne s'excuserait pas, car il parle souvent en faisant des gestes avec ses mains.

256 Lors de l'audience, la fonctionnaire s'estimant lésée a fait la réflexion suivante : « Si c'était moi qui avait fait ce geste, m'auriez-vous demandé de m'excuser? »

257 La fonctionnaire s'estimant lésée et son représentant syndical ont indiqué que tout ce qu'ils demandaient, c'était des excuses.

258 La fonctionnaire s'estimant lésée, dans le cadre de la plainte de harcèlement qu'elle a déposé auprès de son employeur et ensuite le grief déposé à la Commission, a réclamé d'être séparée de son superviseur hiérarchique et a fait référence à la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail préparée par le Secrétariat du Conseil du Trésor (pièce F-57).

259 La Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travailprévoit en ce qui a trait aux attentes quant aux gestionnaires délégués ce qui suit :

g) Ils doivent séparer le plaignant et le mis en cause, au point de vue hiérarchique ou physiquement, ou les deux, pour la durée du processus de plainte, s'ils le jugent nécessaire.

260 Les demandes d'être séparée de son superviseur hiérarchique et le rappel de sa plainte ont été invoqués par la fonctionnaire s'estimant lésée notamment lorsqu'elle n'était pas d'accord avec les décisions de ce dernier. Ce fut le cas en septembre 2003 (pièce E-8) lorsqu'il lui a refusé du télétravail. Sur ce point, la preuve a démontré que son superviseur avait adopté la même position qu'en septembre 2002.

261 Bien qu'il existait une certaine tension entre la fonctionnaire s'estimant lésée et son superviseur, la preuve n'a pas démontré que ce dernier a agi de façon partiale ou discriminatoire relativement à la supervision du travail, aux autorisations et aux autres décisions concernant la fonctionnaire s'estimant lésée.

262 L'employeur n'a pas jugé nécessaire de séparer la fonctionnaire s'estimant lésée et le mis en cause et je conclus que la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas mis en preuve des faits démontrant que cette décision devrait être remise en question.

263 Dans son grief, la fonctionnaire s'estimant lésée a fait référence à l'article 19 de la convention collective. Les stipulations 19.01 et 19.02 se lisent comme suit :

19.01  Il n'y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l'égard d'un employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion à l'Alliance ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle l'employé-e a été gracié.

19.02
a) Tout palier de la procédure de règlement des griefs sera supprimé si la personne qui entend le grief est celle qui fait l'objet de la plainte.
b) Si en raison de l'alinéa a) l'un des paliers de la procédure de règlement des griefs est supprimé, aucun autre palier ne sera supprimé sauf d'un commun accord.

264 Cet article parle entre autres d'intimidation et de harcèlement exercés contre un employé du fait de son âge, de sa race, etc. La preuve n'a pas démontré que cet article est applicable au cas de la fonctionnaire s'estimant lésée.

265 Le grief a fait référence à l'article 1 de la convention collective. Les stipulations 1.01 et 1.02 se lisent comme suit :

1.01 La présente convention a pour objet d'assurer le maintien de rapports harmonieux et mutuellement avantageux entre l'Employeur, l'Alliance et les employé-e-s et d'énoncer certaines conditions d'emploi pour tous les employé-e-s décrits dans le certificat émis le 7 juin 1999 par la Commission des relations de travail dans la fonction publique, à l'égard des employé-e-s du groupe Services des programmes et de l'administration.

1.02 Les parties à la présente convention ont un désir commun d'améliorer la qualité de la fonction publique du Canada et de favoriser le bien-être de ses employé-e-s ainsi que l'accroissement de leur efficacité afin que les Canadiens soient servis convenablement et efficacement. Par conséquent, elles sont déterminées à établir, dans le cadre des lois existantes, des rapports de travail efficaces à tous les niveaux de la fonction publique auxquels appartiennent les membres des unités de négociation.

266 Cet article indique que la convention collective a pour objet de maintenir des rapports harmonieux entre l'employeur et les employés. À la stipulation 1.02, le texte indique : « […] le désir de favoriser le bien-être de ses employés […] et que par conséquent, elles sont déterminées à établir dans le cadre des lois existantes des rapports de travail efficaces […] »

267 À mon sens, la politique relative au harcèlement en milieu de travail édictée par le Conseil du Trésor (pièce F-57) s'inscrit dans le cadre des objectifs de l'article 1 de la convention collective.

268 Conséquemment, la fonctionnaire s'estimant lésée était en droit de s'attendre à ce que l'employeur traite sa plainte contre le mis en cause de façon conforme à cette politique.

269 La directrice générale par intérim, Mme Jeannotte, n'a pas rencontré la fonctionnaire s'estimant lésée ni son représentant syndical lors de son enquête. C'est finalement le 3 octobre 2003 que la directrice générale de la région du Québec, Mme Myre, a convoqué une rencontre entre la fonctionnaire s'estimant lésée et le mis en cause, qui s'est dit désolé du geste qu'il a posé.

270 Mme Myre a conclu qu'il s'agissait là d'un geste involontaire de la part du mis en cause (il parle avec ses mains) et qu'il s'est dit désolé. En conséquence, elle a rejeté la plainte.

271 Je suis en accord avec l'opinion soutenu par l'avocat de la fonctionnaire s'estimant lésée sur le fait que l'audience du grief constitue un nouveau procès et que l'arbitre de grief peut lors de l'audience du grief remédier au manquement survenu dans le traitement de la plainte de la fonctionnaire s'estimant lésée.

272 Compte tenu de la preuve soumise à l'audience, je ne partage pas la conclusion de l'employeur relativement à la plainte et à la façon dont il l'a traitée.

273 La preuve a démontré que la fonctionnaire s'estimant lésée a eu un geste de recul au moment où le mis en cause l'a pointé du doigt. Le représentant syndical l'a confirmé et a indiqué que la fonctionnaire s'estimant lésée s'est sentie intimidée. Cette dernière a ressenti certains malaises à la suite de cet incident et a consulté son médecin.

274 En matière d'intimidation, il ne s'agissait pas, à mon sens, de trouver un coupable. Il s'agissait d'éviter des situations où une personne subit une intimidation.

275 Je considère que le geste du mis en cause a été fait sans intention d'intimidation ou de harcèlement. Les personnes présentes étaient assises à une table et lorsque le mis en cause a pointé du doigt la fonctionnaire s'estimant lésée, sa main était à quelques pouces de son visage et la fonctionnaire s'estimant lésée a été intimidée.

276 Le mis en cause s'est dit désolé que la fonctionnaire s'estimant lésée se soit sentie intimidée ou harcelée.

277 Bien que le geste du gestionnaire mis en cause soit involontaire, je crois que l'employeur doit prendre acte du fait que la fonctionnaire s'estimant lésée se soit sentie intimidée.

278 À mon avis, l'employeur aurait dû dire à la fonctionnaire s'estimant lésée qu'il était désolé qu'elle se soit sentie intimidée.

279 L'employeur aurait dû indiquer qu'il ne souhaitait pas que de telles situations se reproduisent. Je ne crois pas que l'on puisse tolérer que lors de rencontres les employés et les gestionnaires se pointent du doigt, plus particulièrement comme dans le cas présent où les parties sont assises l'une près de l'autre.

280 Pour les raisons évoquées précédemment, je considère qu'il n'y a eu aucune violation de l'article 19 de la convention collective relativement à des mesures de discrimination.

281 Je considère cependant que l'employeur n'a pas respecté la lettre et l'esprit de l'article 1 de la convention collective et a mal appliqué la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail préparée par le Secrétariat du Conseil du Trésor. L'audience du grief a remédié à la procédure, mais l'employeur devrait reconsidérer sa décision sur le bien-fondé de la plainte. L'article 19 de la convention collective ne s'applique pas au cas de la fonctionnaire s'estimant lésée.

282 En fonction de l'esprit et la lettre de l'article 1 de la convention collective et selon la politique relative au harcèlement préparée par le Secrétariat du Conseil du Trésor, l'employeur doit reconsidérer sa décision du 3 octobre 2003. Il serait souhaitable que l'employeur fasse savoir à la fonctionnaire s'estimant lésée qu'il est désolé de l'incident survenu le 18 mars 2003 et qu'il souhaite que de tels incidents ne se reproduisent pas à l'avenir.

283 Pour chacun des griefs, je rends l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

284 I.   Ordonnance relative au grief 166-02-36587 :

Le grief est rejeté.

         II.    Ordonnance relative au grief 166-02-36588 :

Le grief est rejeté.

         III.    Ordonnance relative au grief 166-02-36589 :

Le grief est rejeté.

         IV.   Ordonnance relative au grief 166-02-36590 :

  1. Le grief est accueilli partiellement.
  2. L'employeur doit reconsidérer sa décision du 3 octobre 2003. Il serait souhaitable que l'employeur fasse savoir à la fonctionnaire s'estimant lésée qu'il est désolé de l'incident survenu le 18 mars 2003 et qu'il souhaite que de tels incidents ne se reproduisent pas à l'avenir.

Le 9 juillet 2007.

Jean-Pierre Tessier,
arbitre de grief

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