Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés sont des vétérinaires - ils contestent la décision de l’employeur de ne pas leur rembourser les cotisations professionnelles qu’ils ont versées à l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec pour les années 2001-2002 et 2002-2003 - la convention collective stipule que l’employeur rembourse une telle cotisation à un fonctionnaire lorsqu’elle << [...] est indispensable à l’exercice continu des fonctions de son emploi [...] >> - la convention collective stipule aussi que l’employeur rembourse les cotisations professionnelles de 2003 et des années suivantes - l’arbitre de grief a conclu que l’adhésion à un ordre professionnel n’est pas indispensable à l’exercice continu des fonctions des fonctionnaires s’estimant lésés - il a décidé que, dans ces circonstances, la convention collective n’impose pas à l’employeur de rembourser les cotisations professionnelles pour les années antérieures à 2003. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-07-31
  • Dossier:  166-32-36475
  • Référence:  2007 CRTFP 80

Devant un arbitre de grief


ENTRE

VALÉRIE COUPAL ET AL.

fonctionnaires s'estimant lésés

et

AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS

employeur

Répertorié
Coupal et al. c. Agence canadienne d'inspection des aliments

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant :
 Léo-Paul Guindon, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés :
 Frédéric Durso, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur :
 Adrian Bieniasiewicz, avocat

Affaire entendue à Montréal (Québec),
le 7 décembre 2006.

I. Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Le grief du présent dossier a été déposé le 4 juin 2003, par Valérie Coupal, docteur en médecine vétérinaire (DMV), auprès de l'employeur, l'Agence canadienne d'inspection des aliments (l'« ACIA » ou l'« employeur »). Selon l'énoncé du grief, il a été déposé au nom de tous les vétérinaires de la province de Québec à l'emploi de l'ACIA. Il concerne le refus de rembourser les cotisations que les fonctionnaires s'estimant lésés (les « fonctionnaires ») ont versées à l'Ordre des médecins vétérinaires du Québec (« l'OMVQ ») pour les années 2001-2002 et 2002-2003.

2 Les fonctionnaires ont confirmé, par leurs signatures, leur consentement au dépôt, en leurs noms, du grief en la présente instance :

  • Atijas, Branislav
  • Bélanger, Yves
  • Belleau, Chantal
  • Bilodeau, Réal
  • Blanchette, Michel
  • Boussouira, Madjid
  • Bouvier, Marcel
  • Cagna, Stefano
  • Chartré, Lyne
  • Colas, Daniel
  • Cossette, Patrice
  • Couillard, Michel
  • Coupal, Valérie
  • Diaz, Patricio
  • Djillali, Bachir
  • Dolbec, Yvonne
  • Dufour, Jeanne
  • Dufour, Paquerette
  • Favreau, Claude
  • Fiset, Lorraine
  • Fortin, Louis
  • Gagnon, Lucie
  • Gauthier, Jocelyne
  • Gauvin, Michèle
  • Girard, Éric
  • Godin, Bruno
  • Gourde, Marcel
  • Guy, Jacques
  • Haddou, El Mehdi
  • Harrison, Kathy
  • Jacob, Jean-Marc
  • Jacques, Rémi
  • Jobidon, Élisabeth
  • Lapierre, Marc
  • Laurendeau, Sonja
  • Léonard, Michel
  • Lounis, Makhlouf
  • Mackay, Anna
  • Marcoux, Michel
  • Marcoux, Pierre
  • Martel, Rachel
  • O'Donnell, Peter
  • Patenaude, Gilles
  • Perras, Évelyne
  • Perreault, Karine
  • Philippon, Robert
  • Poisson, Sonia
  • Raymond, Bernard
  • Rodrigue, Martin
  • Siemaszkiewicz, Paul
  • Soucy, Hélène
  • St-Pierre, Élisabeth
  • Trempe, André
  • Trépanier, Claude
  • Turgeon, Gérald
  • Villeneuve, Simon

3 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

II.  Résumé de la preuve

4 Les parties ont déposé l'énoncé conjoint des faits (pièce F-1) se lisant comme suit :

[…]
  1. Les fonctionnaires s'estimant lésés au présent grief (« Plaignants ») sont à l'emploi avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments (« ACIA »);
  2. Au moment du dépôt du présent grief, les Plaignants occupaient respectivement les postes de VM-01, VM-02 (médecine vétérinaire) ou de OVR (officier vétérinaire régional) au sein de l'ACIA.
  3. Sous réserve des paragraphes 7, 8 et 9 ci-dessous, tous les Plaignants occupaient des postes de VM-01 et VM-02 et étaient affectés au programme de l'hygiène des viandes durant la période visée par le grief;
  4. Les Plaignants, désignés en tant qu'inspecteurs vétérinaires en vertu de la loi fédérale sur l'ACIA, art. 13, étaient appelés à travailler dans des abattoirs situés dans la province de Québec;
  5. Les Plaignants demandent un remboursement des frais de cotisation professionnelle annuelle versés à l'Ordre des Médecins Vétérinaires du Québec (« OMVQ ») pour les années 2001-2002 et 2002-2003;
  6. Conformément aux dispositions régissant l'OMVQ, une année fiscale est réputée de commencer le 1er avril de chaque année et se termine le 31 mars de l'année suivante;
  7. Les Plaignants suivants ont commencé leur emploi au sein de l'ACIA, au poste de médecine vétérinaire, aux dates suivantes :

    a) Atijas, Branislav - 2 juillet 2002;
    b) Bélanger, Yves - 27 mai 2002;
    c) Haddou, El Mehdi - 22 avril 2002
    d) Harrison, Kathy - 2 juillet 2002;
    e) Lapierre, Marc - 17 juin 2002;
    f) Lounis, Makhlouf - 3 juin 2002;
    g) Siemaszkiewicz, Paul - 27 mai 2002;
    h) St-Pierre, Elizabeth - 27 mai 2002;
    i)  Villeneuve, Simon - 27 mai 2002.
  1. Les Plaignants suivants ont été transférés au programme de la Santé des Animaux aux dates suivantes :

    a) Couillard, Michel - 23 mars 2003;
    b) Djillali, Bachir - 24 mars 2003;
    c) Gagnon, Lucie - 24 mars 2003.

  2. Les plaignants suivants ont été promus au poste de OVR aux dates suivantes :
    d) Mackay, Anna - 17 février 2003;
    e) Marcoux, Pierre - 14 février 2003
  3. Les Plaignants qui ont été transférés au programme de la Santé des Animaux, tel qu'indiqué au paragraphe 8, se sont vus rembourser, en totalité ou en partie, leurs cotisations versées à OMVQ.
  4. Tous les Plaignants ont été nommés à leurs postes respectifs en vertu d'une loi fédérale;
  5. Tous les Plaignants sont à l'emploi du Gouvernement du Canada;
[…]

[Sic pour l'ensemble de la citation]

5 La convention collective pertinente au présent dossier a été conclue le 27 mai 2002 entre l'ACIA et l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada à l'égard de l'unité de négociation du groupe de la médecine vétérinaire (la « convention collective »). Les articles suivants de la convention collective se rapportent à l'objet du présent litige :

[…]

ARTICLE E2 - DROITS D'INSCRIPTION

E2.01 L'Employeur rembourse à l'employé les cotisations ou les droits d'inscription qu'il a versés à un organisme ou à un conseil d'administration lorsqu'un tel versement est indispensable à l'exercice continu des fonctions de son emploi.

**

E2.02 Lorsqu'un tel versement n'est pas indispensable à l'exercice continu des fonctions de son emploi :

**

  1. l'Employeur rembourse à l'employé(e) les droits d'inscription qu'il (elle) a versés à un organisme de règlementation de la pratique de la médecine vétérinaire, jusqu'à concurrence de huit cent dollars (800,00$).

    **
  2. à partir du 1er novembre 2002, sur réception d'une preuve de paiement, le remboursement mentionné en a) commencera pour les droits d'inscription exigibles pour l'année 2003.
[…]

          ARTICLE G4 - DURÉE DE LA CONVENTION

**

G4.01 La durée de la présente convention collective va du jour de sa signature jusqu'au 30 septembre 2003.

G4.02 À moins d'indications contraires précises figurant dans le texte, les dispositions de la présente convention collective entrent en vigueur à la date de sa signature.

[…]

6 Les parties admettent que la stipulation E2.01 apparaissait à la convention collective antérieure, selon le même libellé que celui précisé ci-dessus. La stipulation E2.02 précitée est nouvelle et n'apparaissait pas à la convention collective antérieure. Les parties admettent que le mot « année » précisé à la stipulation E2.02 réfère à l'année s'étendant du 1er avril d'une année civile au 30 mars de l'année civile suivante et correspond aux douze mois de l'exercice budgétaire de la fonction publique fédérale.

7 Les fonctionnaires occupaient des fonctions d'inspecteur-vétérinaire à l'hygiène des viandes. La Dre Coupal a présenté les descriptions de poste pour les postes de vétérinaire de niveaux I et II, lors de son témoignage (pièce F-3). Les vétérinaires des deux niveaux posent des diagnostics à la suite de l'évaluation post-mortem et ante-mortem des animaux. Les vétérinaires doivent déterminer si les animaux présentent des risques pour la santé humaine ou pour celle du troupeau, et si les normes de salubrité et d'abattage sont respectées. Le vétérinaire de service signe un certificat de condamnation lorsqu'un animal ou une partie d'animal est affecté de certaines conditions de santé le rendant impropre à la consommation humaine (pièce F-4). Selon la Dre Coupal, aucun des actes précisés aux descriptions de poste n'est interdit à une personne qui n'est pas membre d'une association professionnelle de vétérinaires.

8 Des certificats d'exportation sont signés par le vétérinaire de service lorsque des produits destinés au marché américain doivent respecter les exigences des lois américaines (pièce F-5). Selon la Dre Coupal, il est arrivé par le passé qu'un envoi ait été refusé à la frontière car le vétérinaire n'avait pas indiqué son titre professionnel avec sa signature. Ce certificat exige que le nom et le titre officiel du vétérinaire soient indiqués et que le sceau (Inspecteur-vétérinaire aux termes de la Loi sur l'inspection des viandes, L.R.C. (1985), ch. 25 (1er suppl.)) soit apposé.

9 Un certificat différent est utilisé pour les exportations destinées à d'autres pays que les États-Unis d'Amérique. Ce certificat atteste que le produit de viande est conforme aux normes prescrites par la Loi sur l'inspection des viandes (pièce F-6). Ce document est approuvé par l'inspecteur-vétérinaire ou le vétérinaire officiel.

10 L'ACIA adhère aux normes sanitaires de l'Office international des épizooties (l' « OIE ») (pièce F-7). Selon la Dre Coupal, l'OIE exige qu'un « vétérinaire officiel » soit un vétérinaire conformément au Code zoosanitaire international. L'OIE y utilise la définition suivante :

[…]

Vétérinaire officiel

[D]ésigne un vétérinaire désigné par l'Administration vétérinaire de son pays pour effectuer l'inspection des marchandises en vue de la protection de la santé publique et/ou de la santé animale, et, le cas échéant, pour effectuer la certification de ces marchandises conformément aux dispositions du chapitre 1.2.2 du présent Code.

[…]

11 Selon la Dre Coupal, pour qu'un vétérinaire puisse utiliser le titre de « docteur », il faut qu'il soit membre en règle d'un ordre professionnel de médecins vétérinaires. L'obtention d'un diplôme universitaire en médecine vétérinaire ne permet pas à son détenteur de pratiquer à titre de vétérinaire ou de porter le titre de docteur sans être membre d'un ordre professionnel. L'établissement de diagnostics et la détermination de pathologies sont réservés aux vétérinaires en règle d'un tel ordre professionnel.

12 Les énoncés de qualités des postes de vétérinaire de niveaux I et II précisent qu'il faut détenir une attestation professionnelle définie comme l'admissibilité à une association professionnelle canadienne de vétérinaires (pièces E-1 et E-2). L'énoncé de qualités pour les postes de niveau I précise que le titulaire satisfait à cette norme dans les cas suivants (pièce E-2) :

[…]
  • les membres en règle d'une association professionnelle canadienne de vétérinaires qui possèdent un permis d'exercer reconnu par l'Association canadienne des médecins vétérinaires;

    et
  • les personnes qui ne sont pas membres d'une association professionnelle canadienne de vétérinaires mais qui sont titulaires d'un Certificat de compétence du Bureau national des examinateurs (BNE) de l'ACMV.
[…]

13 Selon la Dre Coupal, l'énoncé de qualités pour les postes de vétérinaire de niveau II est incomplet (pièce E-1). Cet énoncé de qualités devrait comporter la même définition d'attestation professionnelle que celle apparaissant à l'énoncé de qualités pour les postes de vétérinaire de niveau I (pièce E-2).

14 Lors de l'embauche de la Dre Coupal ou lors des entrevues de sélection, il n'a pas été question de l'exigence d'être membre d'un ordre de médecins vétérinaires. Au moment de son embauche, la Dre Coupal n'a pas vérifié s'il était nécessaire d'être membre d'une association professionnelle de vétérinaires pour être engagée comme vétérinaire ou d'en rester membre pour le demeurer. Elle a constaté que certains inspecteurs-vétérinaires ne sont pas membres en règle d'une telle association. Être membre d'une association professionnelle n'a aucune incidence sur la rémunération d'un inspecteur-vétérinaire. Le remboursement des cotisations professionnelles des inspecteurs-vétérinaires est un élément imposable.

15 Les inspecteurs-vétérinaires ouvrant en santé animale sont appelés à euthanasier des animaux par administration de médicaments. En hygiène des viandes, les animaux sont euthanasiés par fusil percuteur ou en leur coupant le cou (volailles). L'employeur n'a pas publié de directive exigeant que les inspecteurs-vétérinaires inscrivent l'abréviation « Dr » avant leur signature ou de la faire suivre par les lettres « DMV ».

16 Selon la Dre Coupal, tous les certificats d'exportation pour les États-Unis d'Amérique indiquent le titre professionnel du signataire. À l'abattoir où elle travaille, un certificat d'exportation signé par un inspecteur-vétérinaire a été retourné, car le signataire n'avait pas indiqué son titre professionnel avec sa signature. Il a fallu préparer un nouveau certificat d'exportation. La Dre Coupal utilise toujours l'abréviation « Dr » ou « DMV » avec sa signature bien qu'elle n'ait pas reçu de directive, de commentaire, d'observation ou de note de service en ce sens de l'employeur. Les certificats d'exportation qui sont refusés sont retournés à l'abattoir, et la personne responsable au bureau régional en est avisée. Les refus peuvent être attribuables au fait que le produit ou le certificat ne soit pas conforme.

17 Gaétan Tessier, directeur régional de l'ACIA pour Montréal Ouest, a témoigné que l'exigence d'admissibilité à une association professionnelle canadienne de vétérinaires ne nécessite pas d'être membre d'une telle association. L'ACIA exige qu'un candidat à un poste d'inspecteur-vétérinaire soit diplômé d'une école de médecine vétérinaire accréditée ou approuvée par l'Association canadienne de médecine vétérinaire (l' « ACMV »); ou détienne un grade d'une autre école de médecine vétérinaire et un certificat de compétence délivré par le Bureau national des examinateurs de l'ACMV. Le certificat de compétence est délivré au titulaire qui réussit un test administré par le Bureau national des examinateurs de l'ACMV. Les exigences sont identiques pour les deux niveaux de postes d'inspecteur-vétérinaire.

18 Le président de l'ACIA nomme les personnes qui satisfont aux exigences à des postes d'inspecteurs-vétérinaires, en vertu de la Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments, L.C. 1997, ch.6.

19 M. Tessier a confirmé qu'un inspecteur-vétérinaire qui n'est pas membre d'une association professionnelle pouvait assumer toutes les tâches précisées à sa description de poste. Être membre d'une telle association n'a aucune incidence sur le salaire ou les promotions. Selon son estimation, de 20 à 25 p. 100 des inspecteurs-vétérinaires à l'ACIA ne sont pas membres d'une association professionnelle.

20 Il n'est pas nécessaire d'indiquer le titre professionnel lors de la signature des certificats de condamnation. L'ACIA n'exige pas que les inspecteurs-vétérinaires soient membres d'une association professionnelle. La signature apparaissant sur les certificats d'exportation vers les États-Unis d'Amérique ou vers tout autre pays atteste, au nom de l'ACIA, qu'un inspecteur-vétérinaire aux termes de la Loi sur l'inspection des viandes a procédé à l'inspection des produits et les déclare conformes aux diverses exigences légales. Selon M. Tessier, aucune exportation vers les États-Unis d'Amérique n'a été bloquée au motif que le titre professionnel n'était pas indiqué avec la signature de l'inspecteur-vétérinaire. Aucun problème particulier ne lui a été signalé relativement à des certificats d'exportation qui ne précisaient pas le titre professionnel d'un inspecteur-vétérinaire. La majorité des inspecteurs-vétérinaires qui sont membres d'une association professionnelle l'indiquent avec leurs signatures.

21 Les inspecteurs-vétérinaires travaillant à l'hygiène des viandes n'ont pas à procéder à des euthanasies. S'il est nécessaire d'abattre l'animal ou la volaille, l'abattoir s'en charge. Les drogues ne sont pas utilisées pour tuer un animal dans la section de l'hygiène des viandes.

22 La Dre Coupal a été autorisée à revenir témoigner sur les déclarations de M. Tessier relativement au traitement administratif des cas de refus de certificats d'exportation. Lorsqu'un chargement est considéré non conforme par les autorités américaines, le produit est retourné à l'abattoir dont il provient. À ce moment, le directeur régional de l'ACIA en est informé. Ce n'est pas le cas si la livraison est bloquée à la frontière lorsque le certificat indique un contenu différent de celui du chargement. Ceci est considéré comme un problème administratif et un nouveau certificat est alors délivré. Il est possible que l'ambassade canadienne à Washington garantisse qu'un nouveau certificat suivra. Ces cas ne sont pas soumis aux directeurs régionaux.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour les fonctionnaires

23 Tant que le champ d'intervention des employés du gouvernement fédéral demeure à l'intérieur des responsabilités exclusives fédérales, il est vrai que les employés ne sont pas soumis aux lois et aux réglementations provinciales. Le jugement Canada c. Lefebvre, [1980] 2 C.F. 199 (C.A.), énonce le principe que la fonction publique fédérale n'est pas soumise aux lois provinciales.

24 Dans le cas des vétérinaires, le Code des professions du Québec, L.R.Q., ch. C-26, protège les titres de « docteur » et de « médecin ». Pour porter ces titres, les vétérinaires doivent être membres de l'OMVQ, qui régit la profession au Québec.

25 Le secteur de l'hygiène des viandes de l'ACIA étend son champ d'intervention au-delà du milieu strictement fédéral, en s'impliquant auprès des producteurs et des abattoirs provinciaux et auprès d'autres pays. Si on laisse croire au public que l'ACIA fait affaires avec des professionnels accrédités, il devient d'intérêt public que des professionnels accrédités dispensent les services.

26 Il a été reconnu dans Bertrand et Krushelniski c. Conseil du Trésor (Solliciteur général), dossiers de la CRTFP 166-02-16666 et 16667 (19881107), que les employés ont droit au remboursement de leurs cotisations professionnelles lorsque l'employeur leur laisse entendre qu'être membre d'un ordre professionnel est indispensable à l'exercice de leurs fonctions. Dans Bertrand et Krushelniski, le public avait été informé que des infirmiers et infirmières autorisés dispensaient les services. Ce principe a aussi été reconnu dans Gajadharsingh et al. c. Conseil du Trésor (Anciens combattants du Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-16812 à 16815 et 17674 (19890410). Les décisions Barbas et al. c. Conseil du Trésor (Affaires des anciens combattants), dossiers de la CRTFP 166-02-18122 à 18176 (19890510), et Chorney et Booth c. Conseil du Trésor (ministère du Solliciteur général), dossiers de la CRTFP 166-02-14644 et 14656 (19850427), vont dans le même sens.

27 La Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments permet au président de l'ACIA de désigner des inspecteurs, vétérinaires ou non, selon le libellé du paragraphe 13(3). La loi stipulée établit une distinction entre les inspecteurs selon qu'ils sont vétérinaires ou non.

28 Le petit Larousse illustré définit ainsi le terme « vétérinaire » : « personne qui, diplômée d'une école nationale vétérinaire, exerce la médecine des animaux ». La même définition est reconnue au sens commun. Il est aussi reconnu qu'un ordre professionnel a la responsabilité de protéger le public. Les énoncés de qualités et les certificats d'exportation utilisent le mot « vétérinaire » et « inspecteur-vétérinaire ». Les certificats de condamnation sont aussi signés par des « vétérinaires de service » et ces termes réfèrent, pour les clients de l'ACIA, à des vétérinaires professionnels.

29 Le Code zoosanitaire international précise une procédure de certification effectuée par des vétérinaires. Il n'utilise pas des termes génériques comme « inspecteur-vétérinaire » mais définit « vétérinaire officiel » comme suit :

[…]

[D]ésigne un vétérinaire désigné par l'Administration vétérinaire de son pays pour effectuer l'inspection des marchandises en vue de la protection de la santé publique et/ou de la santé animale, et, le cas échéant, pour effectuer la certification de ces marchandises conformément aux dispositions du chapitre 1.2.2 du présent Code.

[…]

Le chapitre 1.2.2 du Code, intitulé « Principes de la Certification », précise, au paragraphe 2, qu'une concertation est nécessaire entre les « Administrations vétérinaires » des pays importateurs et exportateurs afin d'établir les exigences d'importation. Une note d'instructions précisant les conditions de l'accord peut être envoyée au vétérinaire signataire du certificat pour l'informer, et elle est « […] [d]estinée à sauvegarder son intégrité professionnelle […] », selon le paragraphe 3. Les certificats délivrés doivent respecter des principes relevant de la compétence législative des provinces (article 1.2.2.2 du Code). Les « Services vétérinaires » doivent se conformer à des principes fondamentaux à caractère éthique qui sont des responsabilités dévolues aux ordres professionnels de compétence provinciale. L'ACIA doit respecter l'ensemble des normes établies par l'OIE.

30 La preuve démontre, selon le témoignage de la Dre Coupal, que les certificats d'exportation vers les États-Unis d'Amérique ne sont pas acceptés si aucun titre professionnel n'y est indiqué. D'autre part, le témoin de l'employeur admet que les inspecteurs-vétérinaires utilisent l'abréviation de leur titre professionnel. Même si l'employeur ne les oblige pas à agir ainsi, l'utilisation de leur titre donne plus de crédibilité à l'ACIA.

B. Pour l'employeur

31 Le grief est fondé sur la stipulation E2.01 de la convention collective qui prévoit le remboursement des cotisations professionnelles seulement si un tel versement est indispensable à l'exercice continu des fonctions des inspecteurs-vétérinaires. C'est aux fonctionnaires qu'incombe le fardeau de la preuve (Muller et Williams c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2002 CRTFP 19; Rosendaal et al. c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Impôt), dossiers de la CRTFP 166-02-22291, 23143 et 23144 (19930506)).

32 L'article 13 de la Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments autorise le président de l'ACIA à désigner les inspecteurs, vétérinaires ou non. La version anglaise de cette loi utilise les termes « inspectors » et « veterinary inspectors ». Il est donc permis d'utiliser « inspecteur-vétérinaire » pour nommer certains employés. Les fonctions des inspecteurs-vétérinaires sont assignées par le président de l'ACIA de sorte que l'ACIA soit en mesure d'exécuter les mandats précisés à l'article 11 de la Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Les fonctions des inspecteurs-vétérinaires sont de compétence fédérale. Suivant la décision Lefebvre, la Couronne fédérale a le pouvoir de réglementer l'embauche de ses fonctionnaires ainsi que leurs conditions de travail. En conséquence, les actes accomplis par les fonctionnaires fédéraux dans l'exécution de leurs fonctions sont de compétence exclusivement fédérale.

33 Selon la preuve présentée, l'employeur n'exige pas que les inspecteurs-vétérinaires soient membres de l'OMVQ pour accéder à leurs postes ou les conserver. Dans un cas semblable, Dagenais c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires des anciens combattants), dossier de la CRTFP 166-02-16517 (19870602), un arbitre de grief a conclu qu'en cette circonstance il n'était pas indispensable d'être membre d'un ordre professionnel pour l'exercice continu des fonctions de l'emploi. La décision Kalancha c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada),dossier de la CRTFP 166-02-14738 (19841220), arrive à la même conclusion lorsqu'un employeur n'exige pas de ses employés d'être membre d'un ordre professionnel.

34 Les fonctionnaires allèguent que certaines fonctions (poser des diagnostics, utiliser des drogues pour euthanasier des animaux) exigent d'être membre de l'OMVQ. Ces exigences, qui relèvent de la législation provinciale, ne peuvent pas être appliquées à des fonctionnaires fédéraux. La décision Harper c. Agence canadienne d'inspection des aliments, 2002 CRTFP 87, précise que la preuve doit démontrer que le fonctionnaire doit être autorisé à exercer sa profession pour s'acquitter des fonctions de son poste et qu'une telle exigence est imposée par une loi fédérale. Ce n'est pas le cas au présent grief car les inspecteurs-vétérinaires peuvent exécuter toutes les fonctions précisées à leurs descriptions de poste sans être membres d'un ordre professionnel de vétérinaires.

35 L'exigence d'être admissible à une association professionnelle canadienne de vétérinaires précisée dans les énoncés de qualités n'implique pas la nécessité d'être membre d'une telle association. L'employeur n'a jamais exigé que les titulaires soient membres d'une association professionnelle de vétérinaires pour obtenir ou pour conserver un poste d'inspecteur-vétérinaire. Être membre d'un tel ordre ne procure pas d'avantage salarial ou de promotion.

36 La stipulation E2.02 ajoutée à la convention collective en mai 2002 précise que l'employeur remboursera les droits d'inscription exigibles pour l'année 2003 lorsque le versement de cotisations ou de droits d'inscription n'est pas indispensable à l'exercice continu des fonctions. Les fonctionnaires réclament le remboursement pour les deux années précédentes, mais cette stipulation ne peut être applicable rétroactivement.

37 Selon les arguments préalablement soumis, les griefs ne peuvent pas donner lieu à une décision favorable en vertu de la stipulation E2.01 de la convention collective. La décision Katchin c. l'Agence canadienne d'inspection des aliments, 2004 CRTFP 26, a rejeté un grief en des circonstances identiques au présent grief pour les vétérinaires occupant des postes d'inspecteurs affectés au programme d'hygiène des viandes. Cette décision devrait être suivie au présent dossier.

C. Réplique des fonctionnaires

38 En réplique, le représentant des fonctionnaires a fait valoir que les circonstances des décisions citées par l'employeur sont différentes de celles au présent dossier. Selon lui, le témoignage de la Dre Coupal relativement à l'incident du certificat d'exportation vers les États-Unis d'Amérique doit être retenu, car il présente une force probante plus grande que celui rendu par M. Tessier, qui n'est pas vétérinaire.

IV. Motifs

39 La stipulation E2.02 de la convention collective concerne le remboursement des droits d'inscription à un organisme de règlementation de la pratique de la médecine vétérinaire lorsqu'un tel versement n'est pas indispensable à l'exercice continu des fonctions. La stipulation E2.02b) indique que ces remboursements commenceront pour les droits d'inscription exigibles pour l'année 2003.

40 Le grief des fonctionnaires concerne le remboursement des cotisations professionnelles versées pour les années 2001-2002 et 2002-2003. Selon la preuve présentée, l'année de cotisation 2003 prévue à la convention collective couvre la même période que l'année budgétaire de la fonction publique fédérale qui débute le 1er avril 2003 et se termine le 31 mars 2004.En conséquence, la stipulation E2.02 de la convention collective ne peut pas s'appliquer en l'instance, car l'employeur ne s'est engagé à rembourser les cotisations professionnelles non indispensables qu'à compter de l'année 2003 et non pas pour les années 2001 et 2002.

41 D'autre part, les cotisations professionnelles sont remboursables à l'employé en vertu de la stipulation E2.01 de la convention collective seulement si leur paiement est indispensable à l'exercice continu des fonctions de son emploi. À cet égard, j'ai précisé ce qui suit dans Katchin :

[…]

[52]   La question soulevée dans le grief consiste à décider si le Dr Katchin a le droit de se faire rembourser ses droits d'inscription au CVO pour les années 2001 et 2002. Son grief était basé sur l'article E2.01 de la convention collective.

[53]    Les parties conviennent que l'article E2.01 stipule que les droits d'inscription versés par le Dr Katchin doivent être remboursés si être détenteur d'un permis du CVO est indispensable à l'exercice continu des fonctions de son poste. En somme, les parties conviennent que, si les fonctions du Dr Katchin l'obligeaient à euthanasier des animaux par injection létale ou à se procurer des drogues réglementées et à s'en servir à cette fin, il devrait être détenteur d'un permis du CVO pour être autorisé à le faire conformément aux lois fédérales, la Loi réglementant certaines drogues et substances et la Loi sur la santé des animaux (qui a remplacé la Loi sur les maladies et la protection des animaux), ainsi qu'aux règlements connexes. Je conclus par conséquent que l'arrêt Lefebvre, supra, qui portait sur l'applicabilité des lois provinciales, ne peut pas s'appliquer en l'espèce.

[54]    La description de poste des vétérinaires affectés au Programme d'hygiène des viandes ne précise pas qu'ils doivent faire des euthanasies, acheter ou se procurer des drogues réglementées, ni s'en servir. Le Dr Katchin a fait valoir que la description de poste impliquait ces fonctions sous la rubrique générale des « autres fonctions ». Le fardeau de la preuve lui incombe : il doit me convaincre que l'employeur exigeait de lui qu'il s'acquitte de fonctions pour lesquelles il avait besoin d'un permis afin d'avoir le droit de se faire rembourser ses cotisations en vertu de l'article E2.01.

[…]

42 Les parties ont admis que le libellé de la stipulation E2.01 de la convention collective applicable au présent dossier est identique à celui de la convention collective antérieure. Le Dr Katchin demandait le remboursement des cotisations qu'il avait versées à l'association de médecins vétérinaires de la province où il exerce sa profession (l'Ontario) pour les années 2001 et 2002, les mêmes années qu'au présent dossier.

43 La Dre Coupal fait valoir des motifs différents que ceux invoqués par le Dr Katchin pour démontrer que le versement de cotisations à l'OMVQ est indispensable à l'exercice continu de ses fonctions d'inspectrice-vétérinaire affecté au programme d'hygiène des viandes. Sur ce point, elle a admis qu'aucune tâche précisée dans les descriptions de poste de niveaux I et II ne requiert d'être membre d'une association professionnelle de médecins vétérinaires. Ainsi, selon les descriptions de poste, il n'est pas indispensable d'être membre de l'OMVQ pour exercer les fonctions de vétérinaire à l'ACIA et la stipulation E2.01 de la convention collective ne peut être appliquée en cette circonstance.

44 La preuve qu'un certificat d'exportation vers les États-Unis d'Amérique a été refusé au motif que l'inspecteur-vétérinaire n'aurait pas indiqué son titre professionnel lors de son endossement démontre, selon la Dre Coupal, qu'un tel titre professionnel est indispensable à l'exercice continu de ses fonctions. Cet élément est contesté par M. Tessier, qui n'a pas eu connaissance de cet incident en particulier. M. Tessier a précisé qu'aucun incident de cette nature n'a été porté à son attention à titre de directeur régional de l'ACIA pour Montréal Ouest. Selon la Dre Coupal, la direction régionale de Montréal Ouest n'a pas à être informée d'un tel incident, qui est de nature purement administrative et qui est réglé au niveau de l'abattoir. Il n'est pas utile, au présent dossier, de privilégier la version de la Dre Coupal ou celle de M. Tessier, car, même en admettant que cet incident invoqué par la Dre Coupal se soit réellement produit, il n'ouvre pas droit au remboursement des cotisations professionnelles.

45 Les parties admettent que l'employeur n'a pas exigé ou recommandé aux inspecteurs-vétérinaires d'indiquer leur titre professionnel sur les certificats d'exportation ou sur les certificats de condamnation. Je ne vois pas comment la tolérance de l'employeur envers les employés qui indiquent leur titre professionnel sur ces documents pourrait être considérée comme une indication qu'il est « indispensable à l'exercice continu des fonctions » d'être membre de l'OMVQ.

46 Même si les autorités administratives des pays importateurs ou des organismes comme l'OIE exigent, en fonction de leurs propres lois ou de leurs propres critères de protection de la santé humaine ou animale, que les inspecteurs soient membres en règle d'une association professionnelle de médecins vétérinaires, ceci ne saurait influencer l'interprétation de la convention collective. Malgré la grande importance que l'on doit accorder aux questions d'intérêt public et de protection de la santé humaine ou animale, je ne vois pas comment elles peuvent être pertinentes à l'interprétation et à l'application de la convention collective en la présente cause. Les règles d'interprétation des conventions collectives ne permettent le recours à une preuve extrinsèque comme aide à l'interprétation que dans les cas où le libellé d'une stipulation porte à confusion (voir Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, paragraphe. 3:4400). Ce n'est pas le cas en ce qui a trait au présent grief.

47 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

V.  Ordonnance

48 Le grief est rejeté.

Le 31 juillet 2007.

Léo-Paul Guindon,
arbitre de grief

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