Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a allégué que la direction a imposé une mesure disciplinaire comportant une rétrogradation et une sanction pécuniaire - l’employeur a formulé une objection quant à la compétence de l’arbitre de grief pour entendre le grief de la fonctionnaire, arguant qu’il n’y avait pas eu de rétrogradation ni de sanction pécuniaire - au début de l’audience, la fonctionnaire s’estimant lésée a soulevé une question préliminaire concernant la divulgation de renseignements, demandant que l’employeur lui fournisse un résumé non seulement de ce que ses témoins diront dans leur témoignage mais aussi, le cas échéant, des lettres et des notes de conversation entre le personnel de la Commission et l’employeur non partagées avec elle - la fonctionnaire s’estimant lésée a soutenu qu’elle avait fait une divulgation complète à l’employeur, au sujet des détails de son grief, et que l’employeur ne lui avait pas rendu la pareille, ce qui la désavantageait - l’arbitre de grief a statué que la divulgation volontaire de la fonctionnaire s’estimant lésée n’impliquait aucune obligation de la part de l’employeur de rendre la pareille à la fonctionnaire s’estimant lésée - la production de résumés de témoignages anticipés ne correspond pas à la pratique - la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas précisé de raison spéciale pour requérir de tels résumés, si ce n’est que l’employeur n’a pas répondu à son grief au troisième palier - concernant les conversations entre le personnel de la Commission et l’employeur, l’arbitre de grief a statué qu’il n’était au courant d’aucune communication non partagée, orale ou écrite - la fonctionnaire s’estimant lésée était une ES-05 lorsque, en novembre 2001, un poste ES-06 est devenu disponible - la fonctionnaire s’estimant lésée a été nommée par intérim au poste mais a témoigné qu’elle avait continué à remplir ses anciennes fonctions tout en s’acquittant de ses nouvelles - lorsque les charges de travail combinées sont devenues trop lourdes, la fonctionnaire s’estimant lésée a demandé à retourner aux fonctions de son poste d’attache, et la nomination intérimaire a pris fin - le concours lancé afin de combler le poste ES-06 pour une période indéterminée a été infructueux - le superviseur de la fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré que, ayant trouvé cette dernière non qualifiée, il n’avait pu maintenir son affectation intérimaire et que c’était la raison pour laquelle elle était retournée à son poste d’attache - la fonctionnaire s’estimant lésée s’est alors vu offrir un programme de perfectionnement personnalisé pour l’aider à devenir admissible à une promotion mais elle a décliné l’offre - la fonctionnaire s’estimant lésée a exprimé son mécontentement à l’égard de la classification de son poste - un consultant a été engagé par l’employeur pour examiner la description de travail de la fonctionnaire s’estimant lésée et travailler à des révisions - la description de travail révisée a été l’objet d’une classification au niveau ES-06 et, en conformité avec la Loi sur l’emploi dans la fonction publique et son règlement, la fonctionnaire s’estimant lésée a été évaluée selon l’énoncé de qualités se rapportant au poste mais a été considérée comme non qualifiée pour une nomination - la fonctionnaire s’estimant lésée a été déclarée << employée touchée >> en vertu de la Directive sur le réaménagement des effectifs et a, avec succès, présenté un grief concernant cette décision - ainsi, elle a alors été nommée à un poste ES-05 nouvellement créé - la fonctionnaire s’estimant lésée a de nouveau présenté un grief, arguant que la reclassification à la baisse était une rétrogradation disciplinaire lui imposant une sanction pécuniaire - l’employeur a présenté ses arguments oralement à l’audience, mais il a été convenu que la fonctionnaire s’estimant lésée présenterait des arguments écrits ultérieurement - la fonctionnaire s’estimant lésée a, dans ses observations écrites, essayé de produire de nouveaux éléments de preuve, et l’employeur s’y est opposé - l’arbitre de grief a réouvert l’audience pour que la fonctionnaire s’estimant lésée produise une contre-preuve, car la fonctionnaire s’estimant lésée se représentait elle-même et n’était pas familière avec le processus d’arbitrage de grief - l’arbitre de grief a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas été rétrogradée, puisqu’elle n’avait jamais été officiellement nommée au poste ES-06, et il a rejeté son argument selon lequel la nomination avait été une nomination de fait - en outre, il a rejeté l’argument voulant que la fonctionnaire s’estimant lésée ait été l’objet d’une rétrogradation déguisée - l’arbitre de grief a alors examiné la question de savoir si la preuve révélait une tendance à prendre des mesures disciplinaires déguisées entraînant une sanction pécuniaire - la fonctionnaire s’estimant lésée avait le fardeau de prouver selon la prépondérance des probabilités que tel était le cas, et l’arbitre de grief a conclu qu’elle ne s’était pas acquittée de ce fardeau - par conséquent, il a conclu qu’il n’avait pas compétence pour examiner le grief. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-01-12
  • Dossier:  166-02-36204
  • Référence:  2007 CRTFP 7

Devant un arbitre de grief


ENTRE

KAREN KATHRYN PETERS

fonctionnaire s’estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Ministère des Affaires indiennes et du Nord)

employeur

Répertorié
Peters c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires indiennes et du Nord)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Dan Butler, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Elle-même

Pour l'employeur:
Richard Fader, avocat

Affaire entendue à Vancouver (Colombie Britannique),
du 7 au 9 mars et du 17 au 20 octobre 2006.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Grief renvoyé à l’arbitrage

1 Karen Peters (« la fonctionnaire s'estimant lésée ») occupe le poste de conseillère principale (ES-05) au Bureau fédéral de négociation des traités (BFNT) du ministère des Affaires indiennes et du Nord (MAINC) à Vancouver, en Colombie-Britannique. Dans son grief, elle conteste des mesures prises par son employeur qui, d'après elle, représentent une rétrogradation et une mesure disciplinaire entraînant une sanction pécuniaire. L'employeur soutient qu'il n'y a eu ni rétrogradation ni mesure disciplinaire entraînant une sanction pécuniaire, et que, par conséquent, je n'ai pas compétence pour entendre le renvoi à l'arbitrage par la fonctionnaire s'estimant lésée.

2 Le 24 mars 2005, la fonctionnaire s'estimant lésée a présenté un grief au dernier palier. Ce grief se lisait en partie comme suit :

[Traduction]

Je reprends, par les présentes, sous une forme modifiée, le grief que j'ai présenté à la direction le 29 juin 2004….

Le grief que j'ai déposé … et que je reprends maintenant est à caractère continu et a trait à une ligne de conduite adoptée par la direction et à des mesures prises par elle à compter de janvier 2001 et qui se poursuivent jusqu'à aujourd'hui.

Je dépose un grief parce que, selon moi, la conduite adoptée par la direction et les mesures prises par elle constituent une mesure disciplinaire entraînant un licenciement ou une rétrogradation visés à l'alinéa 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques. . . . Je dépose ce grief au dernier palier du processus ministériel de règlement des griefs, en conformité avec l'article 40.18 de la Convention conclue entre le Conseil du Trésor et l'Association canadienne des employés professionnels.

Je dépose un grief parce que la direction a pris diverses mesures disciplinaires qui ont conduit à une rétrogradation ou à un licenciement…. L'effet collectif de ces mesures illicites consistant à m'imposer une mesure disciplinaire, à me rétrograder et à me congédier, qui se poursuivent jusqu'à ce jour, a été que je souffre et continue de souffrir de différentes formes de préjudice, incluant, sans s'y limiter, une perte de salaire, des problèmes de santé, de la diffamation, une atteinte à ma réputation professionnelle et la perte de futures perspectives de carrière. Le plus récent incident faisant partie de ces mesures disciplinaires prises par la direction à mon endroit et m'ayant causé un préjudice est une lettre que j'ai reçue par courrier le 21 février 2005, qui était datée du 16 février 2005 et qui venait de M. Jeff Goldie. Je fais valoir que si la direction n'avait pas pris des mesures disciplinaires allant à l'encontre des politiques, procédures, codes de déontologie et directives établis régissant la gestion des ressources humaines, j'aurais été nommée en bonne et due forme à mon poste reclassifié….

3 La fonctionnaire s'estimant lésée a demandé que les mesures correctives suivantes soient prises :

[Traduction]

  • inverser le préjudice en me renommant au titre, aux fonctions et au niveau de classification de mon poste d'attache au niveau ES6
  • inverser le préjudice en me versant mon salaire d'ES6, rétroactivement à la date où j'ai assumé les fonctions de mon poste d'ES6 (janvier 2001)
  • fixer janvier 2001 comme le mois d'entrée en vigueur de la reclassification de mon poste d'attache
  • une rétraction et des excuses, dont la formulation doit être approuvée par moi-même, de la part de M. Friedlaender, par écrit et verbalement, pour toutes les circonstances où j'ai des bons motifs de croire que j'ai été victime de diffamation verbale et écrite
  • un dédommagement pour la détresse émotive, les menaces de perte de mes moyens de subsistance, l'embarras causé, l'humiliation, l'atteinte à ma réputation professionnelle et ma caractérisation comme n'étant pas apte à occuper mon poste
  • l'octroi de dommages-intérêts généraux, alourdis, spéciaux et punitifs pour les fausses déclarations et les déclarations diffamatoires faites par M. Friedlaender à mon sujet
  • une injonction provisoire et permanente empêchant M. Friedlaender d'exercer de l'influence sur ma carrière et mes futures perspectives professionnelles
  • des dommages-intérêts alourdis pour les problèmes de santé qui m'ont été causés
  • une déclaration frappant de nullité le « rapport du jury de sélection »
  • une rétraction écrite en ce qui concerne mon dossier personnel, et la destruction (radiation) de tous les dossiers et documents au ministère ayant trait à cette question, y compris du « rapport du jury de sélection »
  • le remboursement de tous les frais juridiques que j'ai engagés
  • un ajustement de mes congés de maladie afin de me permettre de continuer à prendre des congés de maladie sans pénalité (étant donné que j'ai presque épuisé le nombre maximal de congés de maladie auxquels j'ai droit, mais que je continue de souffrir de problèmes physiques et psychologiques causés par les tactiques et stratégies de la direction pour se débarrasser de moi).

[Sic dans l'ensemble]

4 La fonctionnaire s'estimant lésée a renvoyé son grief à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (« la Commission ») pour arbitrage le 16 juin 2005, en vertu des sous-alinéas 92(1)b)(i) et (ii) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C., 1985, ch. P-35 (« la LRTFP »).

5 Le 5 août 2005, l'employeur a écrit pour demander à la Commission de rejeter le renvoi à l'arbitrage sans la tenue d'une audience, par faute de compétence. L'employeur a adopté la position que le renvoi ne pouvait pas être examiné par l'arbitre, parce que la fonctionnaire s'estimant lésée n'avait jamais transmis son grief au dernier palier du processus ministériel de règlement des griefs. L'employeur a également fait valoir qu'il n'y avait eu de mesure disciplinaire entraînant une suspension ou une sanction pécuniaire et que la fonctionnaire   s'estimant lésée n'avait pas été licenciée ni rétrogradée en vertu de l'alinéa 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques  (LGFP).

6 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique,     L. R. C. (1985), ch. P-35 (LRTFP).

II.     Questions préliminaires

7 Au début de l'audience, la fonctionnaire s'estimant lésée a confirmé que dans son grief elle allègue la prise d'une mesure disciplinaire entraînant une sanction financière en vertu du sous-alinéa 92(1)b)(i) de la LRTFP, et une rétrogradation en vertu du sous-alinéa 92(1)b)(ii) de la même Loi.

8 L'employeur a retiré la première de ses deux objections à ma compétence d'entendre cette question, et plus précisément, l'objection selon laquelle le renvoi à l'arbitrage ne pouvait être accepté parce que la fonctionnaire s'estimant lésée n'avait pas transmis son grief au dernier palier du processus ministériel de règlement des griefs. L'employeur a maintenu sa deuxième objection à la compétence, invoquée pour le motif que l'employeur n'a ni discipliné ni rétrogradé la fonctionnaire s'estimant lésée de la manière visée par la LGFP.

A.  Demande de divulgation

9 La fonctionnaire s'estimant lésée a soulevé une question préliminaire en ce qui concerne la divulgation de l'information. Elle a attiré mon attention sur la correspondance qu'elle a échangée avec des employés de la Commission et l'employeur, à compter du 27 février 2006, et dans laquelle elle précisait qu'elle souhaitait que l'employeur divulgue différents types de renseignements avant la présente audience (correspondance au dossier). La fonctionnaire s'estimant lésée a reconnu que l'employeur avait divulgué par la suite certains des renseignements qu'elle cherchait à obtenir, mais a déclaré qu'il restait deux éléments contenus dans sa demande originale en date du 27 février 2006 qui n'avaient pas encore été divulgués : 1) un résumé de l'employeur faisant état des déclarations que feraient les témoins de l'employeur durant leur déposition, et 2) la correspondance et les notes de conversations entre la Commission et l'employeur, le cas échéant, qui n'avaient pas été partagées avec la fonctionnaire s'estimant lésée.

10 À l'appui de sa demande, la fonctionnaire s'estimant lésée a fait valoir qu'elle avait entièrement divulgué les détails de son grief à l'employeur le 24 mars 2005, dans un document joint à son grief. L'employeur n'a jamais répondu à son grief. La fonctionnaire s'estimant lésée allègue que cette omission la met dans une position désavantageuse dans le cadre du processus d'arbitrage. De plus, la fonctionnaire s'estimant lésée a fourni à l'employeur un avis de sa demande de divulgation plusieurs jours avant la présente audience, mais l'employeur aurait seulement répondu, et ce, partiellement, à la veille de l'audience. En ce qui concerne la correspondance et les conversations entre la Commission et l'employeur, la fonctionnaire s'estimant lésée a soutenu que, par souci d'équité, elle devrait être informée de l'ensemble des contacts qui ont eu lieu entre la Commission et les employeurs durant la période précédant la présente audience.

11      L'employeur s'est opposé à la demande de divulgation. Il a indiqué qu'il avait été aussi ouvert et transparent que possible, comme en témoignait la communication des documents et des textes faisant autorité en la matière à la fonctionnaire s'estimant lésée le jour avant l'audience, dès que l'avocat de l'employeur avait eu l'occasion d'en discuter avec son client. L'employeur a remis en question l'utilité des résumés des témoignages prévus et s'est dit préoccupé par l'impact négatif que pourrait avoir, sur le processus d'arbitrage, l'adoption par la Commission ou les arbitres, d'une pratique consistant à exiger que des résumés des témoignages prévus soient fournis à l'avance. L'employeur a également précisé qu'il lui semblait que la Commission envoie régulièrement une copie de toute la correspondance pertinente aux deux parties. Sur ce point, l'employeur a fait valoir qu'il n'y avait aucune « question réelle » à trancher par l'arbitre.

12 Après avoir pris en considération les arguments invoqués par les parties, et après avoir examiné le dossier, j'ai rejeté verbalement la demande de la fonctionnaire s'estimant lésée, précisant que j'exposerais mes motifs de décision par écrit.

13 Voici les motifs : Bien que je comprenne que la fonctionnaire s'estimant lésée a le sentiment qu'il y a une certaine injustice dans une situation où l'employeur n'a pas divulgué ses éléments de preuve et ses arguments de façon anticipée comme elle l'avait fait, sa décision de divulguer de l'information détaillée était volontaire et n'entraînait pas, à mon avis, une exigence contraignante pour l'employeur d'imiter son geste. Tandis que la convention collective ne constitue pas une preuve en l'espèce, des dispositions contractuelles appliquées typiquement par cet employeur, ainsi que le Règlement et règles de procédure de la LRTFP (1993) (« l'ancien Règlement ») prévoient un mécanisme permettant à un employé de renvoyer un grief à l'arbitrage en l'absence d'une réponse au dernier palier de l'employeur. L'omission de l'employeur de répondre à la fonctionnaire s'estimant lésée ne créait donc pas une situation injuste en soi pour la fonctionnaire s'estimant lésée. Même si j'acceptais que l'omission de l'employeur de fournir une réponse au dernier palier soulève un problème d'injustice, cette question peut être examinée de nouveau durant une audience d'arbitrage. J'applique, à cet égard, le principe de longue date énoncé dans Tipple c. Canada, [1985] A.C.F. no 818 (C.A.).

14 La fonctionnaire s'estimant lésée reconnaît que l'employeur a divulgué partiellement les renseignements qu'elle souhaitait obtenir. La fonctionnaire s'estimant lésée demande par ailleurs que l'employeur lui fournisse des résumés des déclarations que feront les témoins de l'employeur à l'audience. La divulgation des résumés des témoignages prévus n'a pas été une pratique générale dans le cadre de la procédure d'arbitrage en vertu de la LRTFP, et ni celle-ci ni l'ancien Règlement n'exigent que les parties fournissent des résumés des témoignages prévus avant une audience ou au début de l'audience. Sur ce point, une audience d'arbitrage diffère d'un tribunal, où des règles de divulgation officielle et anticipée peuvent s'appliquer. Les audiences d'arbitrage fournissent une occasion de soumettre et de vérifier des éléments de preuve, tout en offrant une souplesse qui n'existe pas toujours devant un tribunal. Si une situation survient où une partie fait face à un élément de preuve imprévu et souhaite un certain temps pour évaluer cet élément, elle peut présenter une demande à cet effet à un arbitre à l'audience, qui peut l'approuver.

15 Par ailleurs, la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas fourni de raison spéciale justifiant son souhait d'obtenir les résumés des témoignages prévus dans les circonstances en l'espèce, autre que le fait que l'employeur n'a pas fourni de réponse au dernier palier. Elle n'a pas indiqué dans son argumentation que la nature de la preuve présentait un défi particulier, ni qu'il y a des facteurs en l'espèce qui pourraient éventuellement compliquer l'examen d'une question reliée à la preuve durant l'audience sans créer un préjudice pour l'une ou l'autre des parties.

16 Plus fondamentalement, je pense qu'il est dans l'intérêt général de toutes les parties d'éviter une formalité inutile durant les audiences d'arbitrage, sans parler des délais qui pourraient survenir si les arbitrages étaient suspendus dès le départ pour permettre la présentation de résumés des témoignages prévus.

17 En ce qui concerne la possibilité de communications non divulguées entre des employés de la Commission et l'employeur, je ne vois aucune preuve au dossier indiquant que les employés de la Commission n'auraient pas suivi leurs pratiques habituelles de partager la correspondance écrite avec les deux parties. Pour ce qui est des communications de vive voix, s'il y en a eu, entre les membres du personnel de la Commission et l'employeur, il m'est impossible d'évaluer des conversations dont je n'ai pas connaissance et on ne m'a donné aucune raison concrète de croire qu'une telle évaluation est nécessaire. Si la fonctionnaire s'estimant lésée souhaite porter à mon attention une allégation particulière selon laquelle il y a eu des communications non divulguées, je me ferai un plaisir d'examiner ladite allégation, selon le besoin. En l'absence d'une telle allégation, je ne puis définir une question que je dois ou peux trancher, ou une question servant de base à une décision.

18 Pour ces motifs, je n'accède pas aux demandes de divulgation présentées par la fonctionnaire s'estimant lésée.

B.  Contestation de ma compétence

19 La fonctionnaire s'estimant lésée allègue qu'elle s'est vu imposer une sanction financière et une rétrogradation à titre de mesure disciplinaire. Dans sa contestation de ma compétence, l'employeur affirme exactement l'opposé, c'est-à-dire qu'il n'y a eu ni sanction disciplinaire ni rétrogradation. Étant donné que les parties contestent les faits élémentaires sur lesquels le grief est basé, j'ai demandé à obtenir des éléments de preuve pour m'aider à établir, de façon préliminaire, si l'employeur a discipliné ou rétrogradé la fonctionnaire s'estimant lésée, une condition préalable à satisfaire avant que je puisse exercer ma compétence en l'espèce.

20 À la demande de la fonctionnaire s'estimant lésée, et sans que l'employeur s'y oppose, j'ai ordonné l'exclusion de témoins.

III.    Résumé de la preuve

21 À l'audience du 7 au 9 mars 2006, la fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné en son nom et l'employeur a présenté des éléments de preuve en appelant trois témoins. Toutes les pièces présentées par les parties ont été versées au dossier à la Commission et peuvent être examinées.

22 La Direction des ententes de financement et du partage des coûts (DEFPC) du Bureau fédéral de négociation des traités (BFNT) dans la région de la Colombie-Britannique du MAINC a engagé la fonctionnaire s'estimant lésée pour une période indéterminée au poste de conseillère principale, Opérations (ES-05), en janvier 2001 (pièce E-1). Michael Friedlaender, actuellement directeur des Ententes de financement, était le gestionnaire qui l'avait recrutée et qui était son superviseur. Il avait connu la fonctionnaire s'estimant lésée auparavant lorsqu'ils travaillaient tous les deux à Ottawa et était heureux de pouvoir la recruter au bureau de Vancouver. M. Friedlaender a continué d'être le superviseur de la fonctionnaire s'estimant lésée jusqu'au printemps 2004, lorsqu'il a accepté une promotion au poste de directeur.

23 Une description de travail générique datée du 10 novembre 2000 décrit les fonctions rattachées au poste de la fonctionnaire s'estimant lésée dans le groupe et au niveau ES-05 à l'époque (pièce E-5). D'après M. Friedlaender, le poste d'attache de la fonctionnaire s'estimant lésée est demeuré classifié au niveau ES-05 durant la période examinée au cours de la présente audience. Un organigramme daté du 2 septembre 2003 montre que le poste ES-05 de la fonctionnaire s'estimant lésée était l'un de trois postes de gestionnaire de niveau intermédiaire au BFNT, les deux autres étant classifiés au niveau ES-06 (pièce G-1, onglet 21). La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné qu'à son avis, il n'y avait aucune différence entre les fonctions de ces trois postes de gestion à partir de 2001.

24 Un poste de négociateur principal (ES-06) est devenu vacant au BFNT en automne 2001, lorsque son titulaire a quitté après avoir accepté une affectation en dehors de la DEFPC. M. Friedlaender trouvait que la fonctionnaire s'estimant lésée était la candidate la plus qualifiée pour le remplacer et lui a confié les fonctions du poste ES-06 à titre intérimaire. À la demande de M. Friedlaender, la rémunération d'intérim a été autorisée, initialement pour une période de quatre mois commençant le 5 novembre 2001 (pièce E-6). La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné que, durant l'affectation intérimaire, la direction lui a demandé d'accomplir les fonctions de son poste d'attache ES-05  en plus de remplir les fonctions du poste ES-06.

25 Vers la fin de la période d'intérim de quatre mois, la fonctionnaire s'estimant lésée a exprimé des préoccupations concernant la lourdeur de sa charge de travail combinée à Mme Leda Smith, une agente des ressources humaines (pièce G-16). Elle a cependant accepté de poursuivre l'affectation, pendant que M. Friedlaender faisait le nécessaire pour doter le poste de façon permanente. Dans l'examen du rendement de la fonctionnaire s'estimant lésée pour l'année se terminant le 31 mars 2002, on reconnaissait la contribution additionnelle qu'elle apportait en occupant le poste par intérim et on caractérisait cette affectation comme une occasion pour la fonctionnaire s'estimant lésée d'acquérir des qualités de direction et des compétences de gestion  (pièce G-1, onglet 2).

26 Or, sa lourde charge de travail continuait de soulever des préoccupations chez la fonctionnaire s'estimant lésée durant la nouvelle année financière. En juin 2002, elle a demandé à retourner à son poste d'attache au niveau ES-05 (pièce E-7). La rémunération d'intérim s'est terminé le 28 juin 2002. Selon la fonctionnaire s'estimant lésée, cette décision aurait été décrite comme suit : [traduction] « … nous mettons en suspens l'affectation intérimaire en attendant d'autres consultations. » Durant sa déposition, M. Friedlaender a précisé que l'affectation intérimaire a pris fin parce qu'il avait tenu un concours en mai et juin pour doter le poste de négociateur principal de façon permanente. La fonctionnaire s'estimant lésée et plusieurs autres candidats ont soumis leur candidature, mais M. Friedlaender a conclu qu'aucun des candidats n'était qualifié. Parce que la fonctionnaire s'estimant lésée n'avait pas réussi à répondre aux critères durant le concours, M. Friedlaender était d'avis qu'il ne pouvait plus faire durer son affectation intérimaire.

27 Après le concours, M. Friedlaender a discuté avec des représentants des ressources humaines au MAINC et a décidé d'offrir à la fonctionnaire s'estimant lésée la possibilité de suivre un programme de perfectionnement adapté pour l'aider à se qualifier en vue de sa promotion au niveau ES-06. Durant son absence subséquente pendant les vacances d'été, des employés du ministère ont poursuivi les discussions avec la fonctionnaire s'estimant lésée au sujet de cette possibilité. M. Friedlaender a appris avant la fin de ses vacances que la fonctionnaire s'estimant lésée avait décidé de décliner l'offre de participer à un programme de perfectionnement.

28 M. Friedlaender ne se rappelle pas d'autres discussions avec la fonctionnaire s'estimant lésée au sujet de la possibilité qu'elle suive un programme de perfectionnement. À son avis, elle avait pris sa décision et était retournée à son poste d'attache de conseillère principale, Opérations de partage des coûts, au niveau ES-05. M. Friedlaender avait le sentiment que sa relation avec la fonctionnaire s'estimant lésée a changé considérablement après qu'il avait décidé qu'elle n'était pas qualifiée pour être promue au niveau ES-06. Il a avancé l'hypothèse qu'elle s'était peut-être sentie trahie par le résultat du concours, puisqu'il l'avait fortement encouragée à présenter sa candidature, mais qu'il avait ensuite conclu qu'elle n'était pas qualifiée.

29 À l'automne 2002, la fonctionnaire s'estimant lésée a dit à M. Friedlaender qu'elle était insatisfaite de la classification de son poste d'attache au niveau ES-05, en affirmant que la description de travail en vigueur ne reflétait pas ses réelles fonctions, qui, selon elle, devraient être reconnues à un niveau plus élevé. Après plusieurs conversations, M. Friedlaender a accepté que la fonctionnaire s'estimant lésée avait une préoccupation légitime. Il a obtenu l'appui de ses supérieurs pour que la description de travail de la fonctionnaire s'estimant lésée soit examinée et a engagé une consultante pour qu'elle y apporte les révisions nécessaires, la fonctionnaire s'estimant lésée et M. Friedlaender participant directement au processus. Plus tard, en juin 2003, M. Friedlaender a été surpris de recevoir un courriel de la fonctionnaire s'estimant lésée dans lequel elle demandait une description de travail complète et à jour (pièce E-8). Il trouvait qu'il avait entièrement tenu au courant la fonctionnaire s'estimant lésée des travaux de la consultante, ainsi que des prochaines étapes du processus de reclassement. Il a envoyé une réponse à cet effet à la fonctionnaire s'estimant lésée (pièce E-8).

30 Durant cette période, M. Friedlaender a commencé à réfléchir à l'exigence énoncée dans les procédures et lignes directrices relatives à la dotation de la Commission de la fonction publique (CFP) selon laquelle il aurait à évaluer la fonctionnaire s'estimant lésée par rapport aux qualifications du poste ES-06 reclassifié, si une telle reclassification se faisait (pièces E-20 et E-21). Il avait noté récemment qu'il y avait des lacunes dans le rendement de la fonctionnaire s'estimant lésée en tant que gestionnaire, et il savait qu'il y avait d'autres employés dans le groupe et au niveau ES-05 qui remplissaient leurs fonctions de gestionnaire d'une manière relativement plus compétente. Lorsque M. Friedlaender a ensuite rencontré la fonctionnaire s'estimant lésée le 16 septembre 2003, il lui a parlé de ses préoccupations. Il avait le sentiment qu'en faisant certains efforts, elle pourrait surmonter ces lacunes. Lors de la réunion, M. Friedlaender a suggéré à la fonctionnaire s'estimant lésée qu'elle envisage de suivre une formation en gestion et la possibilité de travailler avec un mentor. La fonctionnaire s'estimant lésée a pris de longues notes et a dit qu'elle communiquerait avec M. Friedlaender pour lui dire ce qu'elle pensait de ses suggestions.

31 M. Friedlaender a résumé ses notes de la réunion du 16 septembre 2003, trois semaines plus tard (pièce E-9). Il a déclaré dans son témoignage que la fonctionnaire s'estimant lésée n'avait pas communiqué avec lui pour lui dire ce qu'elle pensait de ses suggestions concernant la formation et le mentorat. Il lui a envoyé un courriel de suivi renfermant une suggestion précise, à laquelle la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas répondu.

32 Durant le contre-interrogatoire, M. Friedlaender a admis que la réunion était la première occasion où il avait fait part à la fonctionnaire s'estimant lésée des préoccupations concernant son rendement, même s'il a déclaré que les problèmes à l'origine de ces inquiétudes étaient survenus au cours des six mois précédents. Il a admis qu'il n'avait pas soulevé de nouveau ses inquiétudes au sujet des capacités de la fonctionnaire s'estimant lésée en tant que gestionnaire avant janvier 2004, principalement parce que les relations avec elle étaient devenues difficiles peu après la réunion de septembre, et également parce que la fonctionnaire s'estimant lésée avait pris un congé de maladie plus tard cet automne-là. M. Friedlaender a reconnu qu'il n'avait pas donné suite à la réunion du 16 septembre 2003 en fournissant ses observations et préoccupations par écrit à la fonctionnaire s'estimant lésée. Il n'a pas effectué d'examen du rendement pour 2003-2004 réitérant ses préoccupations, à cause des difficultés qui sont survenues dans sa relation avec elle. Il a consulté la section des Ressources humaines du BFNT et Jeff Goldie, directeur exécutif associé (EX-02) au BFNT, de qui il relevait, au sujet de sa décision de ne pas effectuer un examen du rendement.

33 La fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré, durant son témoignage, que M. Friedlaender n'avait fait aucun effort, lors de la réunion du 16 septembre 2003, pour s'assurer qu'elle comprenait les prochaines étapes qu'elle devait suivre. Il ne l'a pas informée des conséquences futures de toute omission de respecter ce que M. Friedlaender a décrit lors de la réunion comme [traduction ] « … ma norme pour les gestionnaires, et surtout les gestionnaires au niveau ES-06 », et a usé de faux-fuyants en évitant de lui dire quelles conséquences auraient ses préoccupations concernant les capacités de la fonctionnaire s'estimant lésée en tant que gestionnaire. Elle a dit qu'elle n'avait pas été informée à la réunion que M. Friedlaender tenterait de la déclarer excédentaire.

34 M. Goldie est devenu impliqué directement dans cette affaire lorsqu'il a rencontré la fonctionnaire s'estimant lésée, à la demande de celle-ci, le 10 octobre 2003, en la compagnie de Sharon McKay, une consultante en ressources humaines, pour discuter de la reclassification de son poste. Lors de la réunion, la fonctionnaire s'estimant lésée a décrit ses préoccupations au sujet de son superviseur, M. Friedlaender, et se demandait s'il l'évaluerait objectivement par rapport aux qualifications du niveau ES-06. M. Goldie a pris note de ces préoccupations mais n'a fait aucun commentaire. La fonctionnaire s'estimant lésée a suggéré la tenue d'une discussion avec M. Friedlaender, en la présence d'un médiateur, et M Goldie s'est engagé à donner suite à cette proposition. La fonctionnaire s'estimant lésée s'est également dite en désaccord avec l'exigence d'avoir à subir une évaluation pour pouvoir occuper le poste reclassifié. M. Goldie a répondu en précisant que la direction ne pouvait pas automatiquement nommer la fonctionnaire s'estimant lésée au poste, et il lui a donné un aperçu des étapes à suivre. M.Goldie a témoigné que lui-même et Mme McKay avaient le sentiment qu'à la suite de la réunion, la fonctionnaire s'estimant lésée comprenait qu'il était nécessaire d'évaluer ses qualifications par rapport aux exigences du poste ES-06. Ils ont recommandé que la fonctionnaire s'estimant lésée se mette en rapport avec les représentants de son agent négociateur, qui pourraient discuter davantage du processus de reclassification avec la section des relations de travail du BFNT.

35 M. Goldie a parlé de la suggestion de médiation formulée par la fonctionnaire s'estimant lésée avec M. Friedlaender, qui avait des réserves mais qui était prêt à envisager l'option. Peu après, un agent des relations de travail a informé M. Goldie que la fonctionnaire s'estimant lésée était absente du travail, et que cette absence était probablement due aux préoccupations exprimées par la fonctionnaire s'estimant lésée à la réunion du 10 octobre 2003. M. Goldie a parlé à la fonctionnaire s'estimant lésée par téléphone et a résumé sa conversation dans un courriel envoyé à M. Friedlaender le 26 octobre 2003 (pièce E-17). Dans le courriel, il précisait que la fonctionnaire s'estimant lésée trouvait qu'il était injuste que M. Friedlaender s'attende à ce qu'elle accomplisse des fonctions de gestion sans que son poste ne soit reclassifié. M. Goldie a de nouveau expliqué l'exigence selon laquelle un titulaire doit être évalué par rapport aux qualifications d'un poste reclassifié. Il a suggéré que la fonctionnaire s'estimant lésée suive un cours de perfectionnement, une idée qu'elle a rejetée. M. Goldie a également demandé si la fonctionnaire s'estimant lésée était toujours intéressée à l'idée d'un dialogue avec M. Friedlaender accompagné d'un médiateur. Elle a répondu qu'elle ne pensait pas que cette option serait utile à ce moment précis, et a dit que la meilleure option pour elle serait de travailler à l'extérieur de la DEFPC.

36 M. Friedlaender a poursuivi le processus de reclassification (pièces E-10 et E-11) et a finalisé une description de travail révisée pour le poste de gestionnaire, Opérations de partage des coûts, au niveau ES-06 (pièce E-15), après avoir échangé un certain nombre d'ébauches avec la fonctionnaire s'estimant lésée et avec des conseillers en classification. Il a témoigné à l'origine qu'il s'attendait à ce que la fonctionnaire s'estimant lésée obtienne une évaluation favorable pour le rôle nouvellement décrit, parce qu'elle avait bien accompli ses fonctions dans le domaine du partage des coûts. Il avait également espéré que leur réunion tenue plus tôt, le 16 septembre 2003, afin de discuter de ses préoccupations, avait amorcé un processus en vertu duquel la fonctionnaire s'estimant lésée améliorerait ses compétences jusqu'au niveau requis en prévision de l'évaluation par rapport au poste reclassifié. De son point de vue à lui, cependant, [traduction] « … les choses ont commencé à empirer… » à ce moment-là.

37 En décembre 2003, à la suite de discussions avec M. Goldie, M. Friedlaender a essayé d'organiser une discussion en la présence d'une médiatrice avec la fonctionnaire s'estimant lésée. M. Friedlaender et celle-ci se sont rencontrés en la présence d'une médiatrice, mais le processus s'est terminé lorsque la fonctionnaire s'estimant lésée a remis en question l'impartialité de la médiatrice et a décliné de signer une entente de médiation. Une deuxième tentative de procéder à une médiation a également échoué lorsqu'une fois de plus la fonctionnaire s'estimant lésée a refusé de signer une entente de médiation, en raison de ses préoccupations concernant l'impartialité de la médiatrice.

38 Lorsque la nouvelle description de travail a finalement été finalisée, M. Friedlaender a entamé un examen de reclassification officiel (pièce E-11) et a approuvé un nouvel énoncé de qualités pour le poste ES-06, par rapport auquel la fonctionnaire s'estimant lésée serait évaluée (pièce E-12). Les deux différences clés du poste ES-06 comparé au poste ES-05, occupé par la fonctionnaire s'estimant lésée, telles que reflétées dans l'énoncé de qualités révisé, étaient qu'on mettait davantage l'accent sur la capacité de gérer des employés, et que l'exigence de négocier et de gérer des ententes de partage des coûts y était plus prononcée.

39 Un gel des reclassifications imposé par le gouvernement fédéral de décembre 2003 à mars 2004 a retardé l'exercice d'évaluation en vue de la reclassification. Une fois que le gel a pris fin, M. Friedlaender a évalué officiellement les qualifications de la fonctionnaire s'estimant lésée par rapport aux exigences du poste ES-06 reclassifié et a résumé les résultats dans un rapport du jury de sélection daté du 8 avril 2004 (pièce G-1, onglet 1). M. Friedlaender a conclu que la fonctionnaire s'estimant lésée ne possédait pas les compétences requises pour être nommée au niveau ES-06.

40 La fonctionnaire s'estimant lésée a appris à l'avance quels seraient les résultats de l'évaluation par l'entremise d'un représentant de son agent négociateur qui avait été informé de la situation durant une conversation avec un représentant des relations de travail au MAINC. Le représentant de l'agent négociateur a immédiatement envoyé un courriel à la fonctionnaire s'estimant lésée l'informant que l'employeur avait entrepris la reclassification du poste, avait décidé qu'elle n'était pas qualifiée et que, par conséquent, elle serait déclarée excédentaire en vertu de la Directive sur le réaménagement des effectifs (DRE). Il lui a fourni un aperçu des mécanismes de recours dont elle pouvait peut-être envisager de se prévaloir en réponse à cette situation, consistant notamment à déposer une plainte ou une demande d'enquête à la CFP, à interjeter un appel ou à présenter un grief lié à la DRE (pièce G-11). La fonctionnaire s'estimant lésée et le représentant de son agent négociateur ont rencontré M. Friedlaender et un agent des ressources humaines aux alentours du 24 mars 2004, auquel moment la direction a confirmé que la fonctionnaire s'estimant lésée  n'était pas qualifiée pour occuper le poste ES-06 et qu'elle serait déclarée une « employée touchée ». Le représentant de l'agent négociateur a demandé à obtenir l'évaluation sur laquelle était basée la décision. M. Friedlaender a répondu qu'il n'avait pas terminé le rapport d'évaluation, mais qu'il en fournirait une copie à la fonctionnaire s'estimant lésée une fois qu'il serait terminé.

41 La décision de déclarer la fonctionnaire s'estimant lésée une « employée touchée » par la DRE a été prise par M. Goldie. Les conseillers en relations de travail ont dit à M. Goldie que l'employeur était obligé de notifier la fonctionnaire s'estimant lésée à cet effet une fois que M. Friedlaender avait décidé qu'elle n'était pas qualifiée pour le poste ES-06 reclassifié. M. Goldie a vu une occasion dans cette situation pour faciliter la nomination de la fonctionnaire s'estimant lésée à un autre poste au sein du ministère et correspondant à l'intérêt exprimé par elle d'occuper un autre poste, comme elle le lui avait dit plus tôt. Même si les conseillers en relations de travail ont indiqué que le statut d'employée touchée de la fonctionnaire s'estimant lésée ne créait pas une priorité juridique qu'elle soit nommée à un autre poste, il y avait toutefois une obligation perçue de l'aider à trouver un autre poste. M. Goldie a confirmé dans une lettre datée du 8 avril 2004 (pièce G-2), que la fonctionnaire s'estimant lésée était une « employée touchée ». Cette lettre l'informait également d'une affectation intérimaire de trois mois dans une autre direction.

42 Une fois qu'il a déterminé que la fonctionnaire s'estimant lésée n'était pas qualifiée pour une promotion au groupe et au niveau ES-06, mais avant de fournir son rapport officiel du jury de sélection du 8 avril 2004, M. Friedlaender a consulté ses conseillers et supérieurs sur la façon dont la direction pourrait stabiliser ou protéger la situation de la fonctionnaire s'estimant lésée dans un poste ES-05 de durée indéterminée. La décision qui en a résulté, prise par le directeur régional par intérim et enregistrée le 3 avril 2005, a rétabli le poste ES-05 de durée indéterminée (conseiller principal, Opérations de partage des coûts) avec la fonctionnaire s'estimant lésée comme titulaire et a créé un nouveau poste ES-06 portant le titre de gestionnaire, Opérations de partage des coûts (pièces E-13 et E-15). M. Friedlaender a décidé d'affecter Alan Greer à ce dernier poste (pièce E-14). M. Friedlaender a également révisé les relations hiérarchiques afin que l'ensemble des employés dans le secteur du partage des coûts, y compris la fonctionnaire s'estimant lésée, relèvent de M. Greer. Lorsque la fonctionnaire s'estimant lésée a cherché à obtenir des éclaircissements, M. Friedlaender a confirmé qu'elle continuerait d'occuper le poste ES-05 pour une période indéterminée et qu'elle rendrait maintenant compte à M. Greer, mais qu'elle était une « employée touchée », dont les fonctions pourraient changer (pièce G-5).

43 Au printemps de 2005, la direction a finalisé une nouvelle description de travail générique pour le poste de conseillère principale (pièce E-16) qu'occupait la fonctionnaire s'estimant lésée et a confirmé la classification des fonctions de ce poste dans le groupe et au niveau ES-05 (pièce G-7).

44 Le 30 avril 2004, la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé l'ouverture d'une enquête par la CFP en vertu de l'article 7.1 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP) :

[Traduction]

Je demande à la CFP d'enquêter sur l'évaluation erronée et inexacte par M. Friedlaender de mes qualifications par rapport à l'énoncé de qualités du poste ES-06, sur sa décision de ne pas me transmettre une lettre renfermant une offre de nomination au niveau ES-06 et sur sa décision d'attribuer le titre, les fonctions et la classification de mon poste à M. Alan Greer, pendant que je continue d'occuper ce poste. (Pièce E-2)

45 Lors du contre-interrogatoire, la fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré qu'un représentant de l'agent négociateur avait rédigé cette requête. Elle a confirmé qu'elle avait signé la demande, mais a indiqué également qu'elle ne savait pas à l'époque comment elle devrait réagir à la situation. Elle a témoigné que, par la suite, elle a reçu des renseignements contradictoires durant des discussions avec des représentants de la CFP quant à savoir si, pour régler son problème, elle devait faire appel au processus de recours dans le cadre de la dotation ou s'il s'agissait d'une question relevant des relations de travail. En fin de compte, elle a décidé de retirer son appel à cause des messages confus qu'elle recevait de ses contacts à la CFP et parce qu'un représentant de l'agent négociateur lui avait dit que la CFP n'était [traduction] « … pas la bonne instance ». Toutefois, elle a également témoigné qu'elle avait le sentiment que [traduction] « … le syndicat la menait en bateau ». La fonctionnaire s'estimant lésée a confirmé que c'est elle qui a retiré l'appel.

46 La fonctionnaire s'estimant lésée a déposé trois griefs le 30 avril 2004 - le premier, pour contester la date d'entrée en vigueur de la reclassification au niveau ES-06, le deuxième, pour obtenir une rémunération d'intérim rétroactive et le troisième, pour contester l'évaluation de ses qualifications par M. Friedlaender. Le libellé de ces griefs ne fait pas partie de la preuve. Au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, le directeur général exécutif régional associé a accueilli en partie le grief concernant la rémunération d'intérim et a conclu que la fonctionnaire s'estimant lésée devrait toucher une rémunération d'intérim au niveau ES-06 pour la période allant du 1er août 2002 au 22 avril 2004 (pièce G-8). En ce qui concernait l'évaluation de ses qualifications, la décision précisait que l'évaluation était bien étayée et [traduction] « … appuyait la conclusion de votre gestionnaire selon laquelle vous ne possédez pas actuellement les qualifications requises à ce niveau ».

47 La fonctionnaire s'estimant lésée à également déposé un grief au Conseil national mixte (CNM) pour contester la décision de l'employeur de la déclarer une « employée touchée » en vertu de la DRE. Le libellé de ce grief n'a pas été fourni comme preuve non plus. L'agent de liaison ministériel responsable des griefs déposés au CNM a accueilli le grief et a confirmé par écrit, le 9 décembre 2004, que M. Goldie retirerait sa lettre du 8 avril 2004 (pièce G-3). M. Goldie a écrit à la fonctionnaire s'estimant lésée le 14 janvier 2005 (pièce E-18) pour l'informer qu'elle n'était plus considérée comme une « employée touchée.

48 Dans sa réponse à la lettre de M. Goldie, la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé à obtenir une confirmation sur un certain nombre de points, y compris [traduction] « … le numéro de mon poste et un énoncé de qualités à jour et complet pour mon poste, y compris le niveau de classification et la cotation numérique attribuée par facteur à mon poste, et un organigramme … » (pièce G-19). M. Goldie a répondu par écrit le 16 février 2005 que [traduction] « … vous continuez d'occuper le poste 29740 au niveau ES-05, les fonctions étant celles attribuées le 8 avril 2004, et vous relevez d'Alan Greer ». Il a également noté que la fonctionnaire s'estimant lésée avait décliné une offre d'un poste ES-05 dans une unité en dehors de la DEFPC (pièce G-20), alors, qu'antérieurement, elle s'était dite intéressée à changer d'emploi.

49 L'échange de lettres s'est poursuivi. Le 9 mars 2005, la fonctionnaire s'estimant lésée a écrit à M. Goldie et a fait l'affirmation suivante : [traduction] « Il me semble que la direction régionale n'est pas prête à respecter la décision prise concernant le grief au dernier palier du processus ministériel au sujet du réaménagement des effectifs [sic] et continue ses efforts pour se débarrasser de moi » (pièce G-21). Elle a dit dans son témoignage qu'elle pensait que le but de la décision rendue en réponse au grief lié à la DRE aurait dû être de rétablir le statut qu'elle avait avant de recevoir la lettre de M. Goldie du 8 avril 2004, c'est-à-dire qu'elle continuerait de remplir ses fonctions au niveau ES-06. La décision prise en septembre 2004 concernant son grief et confirmant son droit à une rémunération d'intérim au niveau ES-06 (pièce G-8) a renforcé sa conviction à cet égard. Du point de vue de la fonctionnaire s'estimant lésée, la décision concernant son grief prouvait que les fonctions du poste ES-06 lui avaient été assignées et qu'elle avait montré qu'elle les accomplissait au niveau de rendement requis. Le rapport du jury de sélection de M. Friedlaender était la seule raison pour laquelle [traduction] « …. ses fonctions lui avaient été retirées … », d'après la fonctionnaire s'estimant lésée. En émettant le rapport du jury de sélection, puis en reclassifiant son poste vers le bas au niveau ES-05, l'employeur lui  a imposé une sanction pécuniaire.

50 Dans sa réponse à la lettre du 9 mars 2005 de la fonctionnaire s'estimant lésée, M. Goldie a reconfirmé son statut d'employée embauchée pour une période indéterminée au niveau ES-05, a noté qu'elle avait décliné son offre de le rencontrer et de rencontrer un représentant de son agent négociateur pour discuter de ses préoccupations et a déclaré qu'il restait à sa disposition pour tenir une telle réunion (pièce E-19).

51 La fonctionnaire s'estimant lésée a déposé le présent grief, le 24 mars 2005, six jours après que la CFP a notifié officiellement l'employeur que la fonctionnaire s'estimant lésée avait retiré son appel (pièce E-23). 

52 La fonctionnaire s'estimant lésée a présenté trois organigrammes (pièce G-6), en plus du diagramme daté du 2 septembre 2003, mentionné plus haut. Le premier organigramme additionnel porte la date du 14 juin 2004 et montre la fonctionnaire s'estimant lésée occupant le poste de gestionnaire, Opérations de partage des coûts, dans le groupe et au niveau ES-06 (pièce G-6). Le deuxième organigramme additionnel est daté du 4 novembre 2004 et montre le nom « A. Greer » sous le titre de gestionnaire, Opérations de partage des coûts, dans le groupe et au niveau ES-06, et le nom de la fonctionnaire s'estimant lésée immédiatement en dessous, suivi de ES-05, entre parenthèses (pièce G-6). Le troisième organigramme additionnel porte la date du 16 août 2005 et montre la fonctionnaire s'estimant lésée comme occupant le poste de conseillère principale, Opérations de partage des coûts, dans le groupe et au niveau  ES-05, et comme rendant compte à A. Greer, en sa qualité de gestionnaire au sein du groupe et au niveau ES-06 (pièce G-6). La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné que le dernier organigramme montre que les effets du réaménagement [sic] erroné des effectifs n'avaient pas été inversés, et qu'elle n'avait pas été rétablie dans son [traduction] « … poste d'attache ES-06 ».

53 Durant sont témoignage, la fonctionnaire s'estimant lésée a contesté un grand nombre des conclusions que contenait le rapport de jury de sélection de M. Friedlaender daté du 8 avril 2004 (pièce G-1, onglet 1). Elle a caractérisé ce rapport comme [traduction] « … l'instrument créé par M. Friedlaender pour me discipliner …. » et [traduction] « …. pour essayer de me déclarer excédentaire …. », et elle a affirmé que M. Friedlaender avait dressé le rapport [traduction] « … spécifiquement pour me retirer de mon poste ».

54 La fonctionnaire s'estimant lésée a présenté des documents, dont des exemples sont fournis ci-après, pour contredire les déclarations faites dans le rapport du jury de sélection : une série de courriels faisant état des tentatives de la fonctionnaire s'estimant lésée de profiter de la possibilité de suivre un cours de formation et de bénéficier de mentorat, contrairement à l'affirmation faite par M. Friedlaender qu'elle avait refusé de le faire (pièce G-1, onglet 8); d'autres courriels concernant la relation entre la fonctionnaire s'estimant lésée et un employé subordonné, Jiri Hornburg, qui, de l'avis de la fonctionnaire s'estimant lésée, démentent l'allégation de M. Friedlaender qu'elle n'a pas assuré une surveillance efficace d'employés, qu'elle a omis d'effectuer une évaluation du rendement de M. Hornburg et qu'elle avait été réticente à coopérer dans le cadre des efforts visant à améliorer sa relation en tant que superviseure avec M. Hornburg (pièce G-1, onglet 3); et d'autres pièces de correspondance et documents qui montrent que la fonctionnaire s'estimant lésée avait établi un plan de travail à jour dont devait se servir Paul West, la personne qui la remplaçait pendant qu'elle était en vacances, contrairement à l'assertion de M. Friedlaender qu'elle était partie soudainement sans aucun égard pour les conséquences de son absence pour les opérations à la DEFPC (pièce G-1, onglet 11).

55 Le rapport du jury de sélection, selon la fonctionnaire s'estimant lésée, contredisait également des évaluations antérieures du rendement qu'elle avait reçues et qui étaient toutes favorables (pièce G-1, onglet 2). Fait notable, aucun examen du rendement n'a été effectué pour 2003-2004. Durant son témoignage, la fonctionnaire s'estimant lésée à expliqué qu'au lieu de cela, M. Friedlaender voulait que le rapport du jury de sélection constitue un document unique décrivant son rendement. La fonctionnaire s'estimant lésée a présenté la politique d'examen du rendement du MAINC (pièce G-10), en précisant que ce document montre que M. Friedlaender a enfreint la politique et a pris une mesure disciplinaire à son égard lorsqu'il n'a pas procédé à l'examen du rendement requis en 2003-2004.

56 La fonctionnaire s'estimant lésée a parlé d'autres événements qui sont survenus avant le rapport du jury de sélection d'avril 2004 pour illustrer son assertion que depuis un certain temps et pour des raisons qui lui étaient inconnues, ses relations avec M. Friedlaender étaient acrimonieuses. Elle a présenté plusieurs échanges de courriels dans lesquels M. Friedlaender, de son point de vue à elle, a eu une réaction négative à une demande de congé annuel et, plus tard, lorsqu'il s'en est pris à elle et l'a disciplinée lorsqu'elle serait arrivée en retard au travail la veille de Noël (pièce G-1, onglet 13). La fonctionnaire s'estimant lésée a présenté des documents comme éléments de preuve pour appuyer son assertion que M. Friedlaender a enfreint la politique lorsqu'il a choisi lui-même la date d'entrée en vigueur de la reclassification de son poste dans le groupe et au niveau ES-06 (pièces G-12, G-13, G-14 et G-15). La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné que M. Friedlaender a eu des réunions à huis clos avec son subordonné, M. Hornburg, a permis à M. Hornburg d'éviter d'avoir des rapports avec elle et a directement approuvé des demandes de congé de M. Hornburg, sans qu'elle en soit mise au courant. Elle a affirmé que les allégations faites par M. Hornburg et les preuves fondées sur des ouï-dire fournis par ce dernier ont été acceptés plus tard par M. Friedlaender comme la vérité, lorsqu'il a dressé le rapport du jury de sélection. Contrairement à la politique de l'employeur, M. Friedlaender n'a pas informé la fonctionnaire s'estimant lésée des allégations qui pesaient contre elle et n'a pas mené une enquête approfondie. Cette omission est devenue particulièrement offensante lorsque, toujours d'après la fonctionnaire s'estimant lésée, les allégations sont devenues publiques et ont alimenté les discussions au travail, autour de la fontaine d'eau. La fonctionnaire s'estimant lésée a remis en question ce qu'elle considérait comme étant une opinion de M. Friedlaender, à savoir que M. Hornburg avait quitté le BFNT à cause d'elle. Elle a précisé que M. Hornburg l'avait informée au début de sa première année qu'il ne resterait pas une fois qu'il aurait terminé sa période d'emploi de deux ans, parce qu'il voulait devenir le principal responsable de son nouveau-né. M. Hornburg a dans les faits quitté tel que prévu à la fin des deux années, à un moment où la fonctionnaire s'estimant lésée n'était plus son superviseure, ce qui réfute davantage tout argument selon lequel la fonctionnaire s'estimant lésée aurait été responsable de son départ.

57 Durant le contre-interrogatoire, l'employeur a demandé à la fonctionnaire s'estimant lésée de confirmer qu'elle n'avait jamais réussi un concours en vue d'occuper un poste ES-06. La fonctionnaire s'estimant lésée a confirmé ce fait. Lorsqu'on lui a demandé si elle avait jamais reçu une lettre d'offre pour occuper un poste ES-06, semblable à la lettre de l'offre originale qu'elle avait reçue pour son poste ES-05 (pièce E-1), la fonctionnaire s'estimant lésée a répondu qu'elle n'en avait jamais reçu une. Elle a reconnu que M. Friedlaender lui avait dit en septembre 2003 que si son poste était reclassifié au niveau ES-06, il serait nécessaire d'évaluer ses qualifications. Dans un témoignage ultérieur, elle a toutefois affirmé que M. Friedlaender avait éludé la question sans décrire exactement les éventuelles conséquences négatives d'une révision de sa description de travail.

58 Shelagh Ryan-McNee est directrice des Ressources humaines pour la région de la Colombie-Britannique au MAINC. Mme Ryan-McNee a donné son interprétation du processus à suivre lorsqu'un poste est reclassifié vers le haut. Dans de telles circonstances, le titulaire d'un poste a le droit d'être évalué pour le poste reclassifié, mais n'y a pas droit automatiquement. La section des ressources humaines du MAINC s'attend à recevoir un rapport écrit dans lequel le gestionnaire responsable évalue la mesure dans laquelle le titulaire satisfait ou ne satisfait pas aux exigences contenues dans l'énoncé de qualités. Si le gestionnaire conclut que le titulaire n'est pas qualifié, la pratique habituelle est que le gestionnaire rencontre le titulaire et discute avec lui des écarts dans ses qualifications, dans le but d'établir un plan de perfectionnement visant à combler ces lacunes. Si le titulaire souhaite contester l'évaluation de ses qualifications, il peut demander l'ouverture d'une enquête en vertu de l'article 7.1 de la LEFP. Mme Ryan-McNee a fait référence à un document intitulé « Module de dotation F de la CFP » (pièce E-20) et à un rapport de la CFP intitulé « Vérification de la documentation de dotation » (pièce E-21) comme documents faisant autorité et décrivant le processus de reclassification et l'exigence d'évaluer un titulaire.

59 En ce qui concerne l'organigramme du 14 juin 2004 qui montre la fonctionnaire s'estimant lésée occupant un poste classé au niveau ES-06 (pièce G-6), Mme Ryan-McNee a fait remarquer que les références à des niveaux de classification dans les organigrammes sont rattachées aux postes et non pas aux personnes qui les occupent. La présence du nom de la fonctionnaire s'estimant lésée dans une case portant la mention ES-06 ne signifie pas qu'elle était classifiée ou payée au niveau « ES-06 », mais plutôt que le poste de gestionnaire, Opérations de partage des coûts, avait été reclassifié à la date de l'organigramme. Mme Ryan-McNee avait connaissance de neuf situations récentes où des postes avaient été reclassifiés et où quatre des neuf titulaires touchés avaient été évalués par leur employeur comme ne possédant pas les qualifications voulues. Il est probable qu'à un certain moment, ces quatre employés apparaîtraient également dans des organigrammes, à côté de postes à un niveau reclassifié et plus élevé.

60 Durant le contre-interrogatoire, la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé à Mme Ryan-McNee s'il était fréquent que des employés reçoivent des lettres les informant qu'ils sont des « employés touchés » lorsqu'on constate qu'ils ne possèdent pas les qualifications requises pour un poste reclassifié. Mme Ryan-McNee a répondu que l'employeur avait tiré la leçon de la décision rendue en réponse au grief présenté par la fonctionnaire s'estimant lésé au CNM et que, par la suite, il n'avait plus transmis de lettres de ce genre à d'autres employés qui se trouvaient dans une situation similaire.

61 L'employeur a clos la présentation de sa preuve. La fonctionnaire s'estimant lésée a décliné de présenter une contre-preuve.

IV.    Résumé des arguments

62 La fonctionnaire s'estimant lésée a demandé la permission de présenter ses arguments par écrit après l'audience. L'employeur a exprimé sa préférence pour la présentation des arguments de vive voix, mais ne s'est pas opposé à la demande de la fonctionnaire s'estimant lésée, à condition que l'employeur ait la possibilité d'examiner les arguments présentés par écrit par elle et d'y répondre, selon le besoin. J'accepte de procéder en respectant les préférences exprimées par les parties. J'ai ordonné à la fonctionnaire s'estimant lésée de fournir sa position écrite à la Commission, tout en faisant parvenir une copie à l'employeur d'ici le 6 avril 2006. J'ai ordonné à l'employeur de me fournir ses éventuels commentaires en réponse à cette position d'ici le 20 avril 2006. Les employés de la Commission, en mon nom, ont confirmé ces procédures dans une lettre transmise aux parties et datée du 13 mars 2006.

V.     Arguments de l'employeur

63 L'employeur part du principe que les employés dans la fonction publique ne sont pas propriétaires de leurs postes mais plutôt qu'ils les occupent.

64 Lorsqu'un poste dans la fonction publique est reclassifié vers le haut, certaines procédures établies en vertu de la LEFP doivent être suivies par l'employé et l'employeur. La CFP a établi le principe et l'exigence selon lesquels un employé qui occupe un poste reclassifié vers le haut doit être évalué selon le mérite (pièces E-20 et E-21). Dans ces circonstances, il y a lieu d'appliquer une méthode différente pour déterminer qui est l'employé le plus qualifié. L'employeur a l'option soit de tenir un concours ouvert aux termes du paragraphe 10(1) de la LEFP, soit d'évaluer un employé selon son mérite individuel, par rapport aux qualifications qu'il faut posséder pour occuper le poste reclassifié, en vertu du paragraphe 10(2) :

10(1) Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, et à la demande de l'administrateur général intéressé, soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction publique.

10(2) Pour l'application du paragraphe (1), la sélection au mérite peut, dans les circonstances déterminées par règlement de la Commission, être fondée sur des normes de compétence fixées par celle-ci plutôt que sur un examen comparatif des candidats.

65 Le paragraphe 5(2) du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique (2000) confirme que l'option d'une sélection visée au paragraphe 10(2) de la LEFP peut être appliquée dans le cas de la nomination d'un employé à son poste reclassifié :

5(2) La sélection au mérite visée au paragraphe 10(2) de la Loi peut se faire dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes :

b) la nomination d'un fonctionnaire à son poste après reclassification, si l'une des situations suivantes existe :

(i) la reclassification résulte d'une vérification ou d'un grief en matière de classification,

L'employeur fait valoir que ce règlement et les politiques de la CFP prévoient clairement qu'un employé sera évalué dans le cadre d'une nomination en vertu du paragraphe 10(2).

66 La nomination sur la base du mérite individuel dans le cas d'une reclassification n'est pas obligatoire, comme l'a confirmé la Cour fédérale dans l'affaire Zilberman c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 811 (QL). L'option d'un processus concurrentiel existe toujours :

10.La loi prévoit qu'une personne peut être nommée sans concours dans certaines circonstances, soit lorsque le poste est une reclassification du poste actuel de la personne. La loi ne dit pas que la nomination fondée sur le mérite individuel doit être utilisée dans ces circonstances.

12.En première instance, le juge Rothstein avait conclu que le paragraphe 10(2) était facultatif plutôt qu'obligatoire :

[25] La Loi a pour objet de faire en sorte que chaque poste disponible soit occupé par la personne la mieux qualifiée pour l'occuper. Le paragraphe 10(2) donne à l'administration la faculté de doter des postes par une procédure qui ne nécessite pas un concours dans certains cas déterminés, dont il est présumé qu'ils ne justifient pas la tenue d'un concours. Vu l'objectif d'ensemble de la Loi, je dois conclure que le législateur et le pouvoir exécutif ne visent qu'à faire en sorte que dans les cas prévus au sous-alinéa 4(2)b)(ii) du Règlement, l'administration puisse se dispenser d'un concours pour la dotation.

67 En l'espèce, le choix de l'employeur, qui constituait l'option la plus avantageuse pour l'employé, d'effectuer une évaluation du mérite individuel témoigne de la bonne foi des gestionnaires concernés vis-à-vis de la fonctionnaire s'estimant lésée. S'ils avaient souhaité rendre les choses plus difficiles pour elle, il semble logique qu'ils auraient sélectionné plutôt l'option d'un concours ouvert. Lors de son témoignage, M. Friedlaender a clairement indiqué qu'il pensait que l'évaluation de la fonctionnaire s'estimant lésée serait favorable et qu'elle serait promue au poste  ES-06.

68 M. Friedlaender a évalué la fonctionnaire s'estimant lésée par rapport à l'énoncé de qualités pour le poste reclassifié au niveau ES-06 de gestionnaire des Opérations de partage des coûts (pièce E-12). Il a conclu qu'elle ne satisfaisait pas aux qualifications exigées. La fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas aimé l'évaluation et la décision qui en a résulté, mais son désaccord à l'égard du résultat ne signifie pas qu'un arbitre possède la compétence en vertu de la LRTFP de régler la situation. Un arbitre n'est pas [traduction] « … un médecin des relations de travail chargé de tout guérir ». L'article 92 de la LRTFP limite sa compétence. En l'espèce, la compétence de l'arbitre lui est accordée par l'alinéa 92(1)b) :

[…]

92(1)  Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

69 Dans le cas de la fonctionnaire s'estimant lésée, y a-t-il eu une mesure disciplinaire entraînant une sanction pécuniaire? Y a-t-il eu rétrogradation? L'employeur affirme avec force qu'il n'y a aucune indication ni de l'un ni de l'autre. Aucun des signes traditionnels d'une mesure disciplinaire n'est présent. Il n'y a pas de lettre disciplinaire au dossier. Il n'y a pas de dossier faisant état d'une sanction pécuniaire. Les témoignages tant de M. Friedlaender que de M. Goldie révèlent que les gestionnaires ont agi de bonne foi dans le traitement de la fonctionnaire s'estimant lésée et ne lui ont imposé ni une mesure disciplinaire, ni une rétrogradation.

70 Dans l'affaire Browne c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Douanes, Accise et Impôt), dossier de la CRTFP no 166-02-27650 à 27661 (1997) (QL), l'arbitre a examiné une situation où le fonctionnaire s'estimant lésée a allégué qu'il y avait eu rétrogradation ainsi qu'une sanction pécuniaire imposées à titre de mesure disciplinaire. L'arbitre a statué dans sa décision, qu'à la lumière de l'alinéa 11(2)g) de la LGFP, il n'y a pas rétrogradation lorsque la classification et la rémunération de l'employé demeurent inchangées. La décision renfermait également une mise en garde contre l'application du concept du « congédiement déguisé » au sein de la fonction publique :

[…]

15. Même une lecture rapide de l'alinéa 11(2)g) de la Loi sur la gestion des finances publiques indique clairement que les circonstances dans lesquelles se sont retrouvés les fonctionnaires s'estimant lésés ne constituent pas une rétrogradation au sens de ce terme dans la LGFP. Ils ont reconnu que leur classification et leur taux de rémunération étaient demeurées les mêmes. On ne peut donc pas dire qu'ils ont été affectés à un « poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur » aux termes du paragraphe 11(2)g). Il est vrai que dans le secteur privé une diminution substantielle des responsabilités peut être perçue comme un congédiement déguisé, ce qui peut donner lieu à des poursuites en common law; toutefois, pour obtenir gain de cause, les fonctionnaires s'estimant lésés doivent faire valoir qu'ils ont été lésés en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, et comme il est indiqué plus haut, ils ne l'ont pas fait.

71 Dans l'affaire Browne, on a également confirmé que les questions découlant d'un processus de nomination relèvent des dispositions de redressement prévues dans la LEFP et non pas dans la LRTFP :

[…].

16. L'insatisfaction sous-jacente des fonctionnaires s'estimant lésés découle du fait qu'ils croyaient qu'ils auraient dû obtenir ce qu'ils percevaient comme étant des postes équivalents aux leurs dans la nouvelle organisation, c'est-à-dire les postes de chef d'équipe et de gestionnaire, Vérification (voir les trois derniers paragraphes des observations écrites des fonctionnaires s'estimant lésés). Ces questions, qui concernent le processus de nomination, échappent clairement à la procédure de grief et d'arbitrage; s'il existe un redressement possible dans le cas de ce genre de questions, celui-ci relève indiscutablement de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et non pas de la LRTFP. En effet, le jugement cité par les fonctionnaires s'estimant lésés (Canada (Procureur général) c. Laidlaw et autres (publié sous (1997), 127 F.T.R. 305), qui a été prononcé à l'issue de la révision judiciaire d'une décision d'un comité d'appel de la Commission de la fonction publique où il était question de faits presque identiques à la présente affaire, le démontre clairement.

[…].

72 L'alinéa 11(2)g) de la LGFP établit le pouvoir de l'employeur de rétrograder, ainsi que le lien entre une rétrogradation et une situation où l'employé est placé dans un poste dont le taux de rémunération est inférieur :

[…].

11(2) Sous réserve des seules dispositions de tout texte législatif concernant les pouvoirs et fonctions d'un employeur distinct, le Conseil du Trésor peut, dans l'exercice de ses attributions en matière de gestion du personnel, notamment de relations entre employeur et employés dans la fonction publique :

(g) prévoir, pour des raisons autres qu'un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur des personnes employées dans la fonction publique et indiquer dans quelles circonstances, de quelle manière, par qui et en vertu de quels pouvoirs ces mesures peuvent être appliquées, modifiées ou annulées, en tout ou en partie;

L'article 92 de la LRTFP contraint un arbitre à l'alinéa 11(2)g) de la LGFP lorsqu'il cherche à établir s'il y a eu rétrogradation.

73 Essentiellement, le grief de la fonctionnaire s'estimant lésée est qu'elle conteste l'évaluation qu'a faite M. Friedlaender de ses qualifications dans le rapport du jury de sélection du 8 avril 2004 (pièce G-1, onglet 1). Elle conteste le fait qu'elle n'a pas été nommée au poste ES-06, gestionnaire, Opérations de partage des coûts. Il n'y a aucune preuve que le résultat en a été une rétrogradation pour la fonctionnaire s'estimant lésée. À tous les moments pertinents, la fonctionnaire s'estimant lésée a été classifiée au niveau ES-05, et a fait l'objet d'une affectation intérimaire. Sa question est donc une question de dotation et non pas une question disciplinaire ou de rétrogradation.

74 Le pouvoir d'un arbitre d'examiner un grief est limité encore davantage lorsqu'un autre recours administratif de réparation existe et s'applique, de la manière prévue au paragraphe 91(1) de la LRTFP :

(1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé :

a) par l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

(i) soit d'une disposition législative, d'un règlement -- administratif ou autre --, d'une instruction ou d'un autre acte pris par l'employeur concernant les conditions d'emploi,

(ii) soit d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas a)(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d'emploi.

75 Dans la plupart des affaires récentes, la limite prévue au paragraphe 91(1) concernant l'existence d'un « recours administratifs de réparation » a été appliquée lorsque les questions tombaient sous le coup de la Loi canadienne sur les droits de la personne. L'affaire Canada (Procureur général) c. Boutilier, [2000] 3 C.F. 27 (CAF) (QL) est fréquemment citée à cet égard :

23. Essentiellement, c'est le principe énoncé dans l'arrêt Byers Transport qui détermine l'issue des affaires en l'espèce. Ce principe est compatible avec le libellé et l'objet de la loi, avec la décision rendue dans Cooper, de même qu'avec presque toute la jurisprudence de la Cour. Le mode de règlement des litiges en matière de relations de travail sous le régime fédéral n'est donc pas aussi simple qu'on pourrait être porté à le croire. Si le plaignant peut se prévaloir d'un autre recours administratif de réparation, ce recours doit être épuisé dans la mesure où il fournit une réparation « véritable ». Ce recours n'a pas à fournir une réparation égale ou supérieure, à condition qu'il traite la plainte « de façon raisonnable et efficace quant au fond du grief de l'employé » … Les délais qui peuvent survenir au cours du processus administratif menant à l'obtention de la réparation ne sont pas en soi significatifs, à moins d'être à ce point excessifs que la situation équivaut à priver le plaignant d'une réparation véritable. Que le recours administratif soit différent, même s'il s'agit d'une « réparation moindre », il n'en demeure pas moins un recours.

[…].

L'intention originale du paragraphe 91(1) était d'empêcher le chevauchement des mécanismes de redressement prévus dans la LRTFP et la LEFP, qui est la question soulevée en l'espèce.

76 L'article 7.1 de la LEFP prévoit un recours de réparation véritable pouvant être appliqué au grief déposé par la fonctionnaire s'estimant lésée pour contester l'évaluation de ses qualifications pour le poste ES-06 :

[…].

7.1 La Commission peut effectuer les enquêtes et vérifications qu'elle juge indiquées sur toute question relevant de sa compétence.

77 L'article 7.5 de la LEFP offre la possibilité de mesures de redressement véritables :

7.5 Sous réserve de l'article 34.5, la Commission peut, selon les résultats des enquêtes, rapports ou vérifications effectués sous le régime de la présente loi, prendre ou ordonner à un administrateur général de prendre les mesures de redressement qu'elle juge indiquées.

78 Dans l'affaire Lawson c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Impôt- Taxation), dossier de la CRTFP no 166-02-25530 (1995), l'arbitre a confirmé que l'article 7.1 de la LEFP est « … une autre procédure administrative de réparation …. » au sens du paragraphe 91(1) de la LRTFP.

79 La LEFP prévoit deux autres options de réparation : l'article 21 traite des appels pouvant être interjetés par « toute personne dont les chances d'avancement sont amoindries par une nomination …déjà effective ou en instance … » en vertu de la LEFP, et l'article 34 traite des affectations. Lorsque ni l'article 21 ni l'article 34 ne s'applique, il est toujours possible de prévoir des mesures de redressement en exerçant le vaste pouvoir à cet effet prévu à l'article 7.1.

80 Lorsque la fonctionnaire s'estimant lésée s'est mise en rapport avec l'agent négociateur pour déterminer comment contester l'évaluation faite par M. Friedlaender de ses qualifications pour le poste ES-06, l'agent négociateur lui a fourni de l'information exacte au sujet des options de réparation dont elle pouvait se prévaloir en vertu de la LEFP (pièce G-11). La fonctionnaire s'estimant lésée a présenté une demande d'enquête en vertu de l'article 7.1 de la LEFP (pièce E-2). Pour des raisons qui ne sont pas claires, elle a ensuite décidé de retirer sa demande (pièce E-23). Le fait que la fonctionnaire s'estimant lésée a annulé sa plainte n'élargit pas la compétence d'un arbitre en vertu de l'article 92 de la LRTFP. Même si les parties en cause s'entendaient pour soumettre son grief à un arbitre, celui-ci n'aurait pas la compétence voulue.

81 Dans sa déposition, la fonctionnaire s'estimant lésée s'est concentrée sur des situations où l'employeur n'aurait pas respecté la politique. Les politiques de l'employeur ont pour but de guider le comportement au sein des ministères, mais seul l'employeur est habileté à se prononcer sur ses propres politiques. Les politiques de l'employeur ne créent pas des droits juridiques contraignants en dehors de l'organisation et un arbitre n'a pas pour mandat de surveiller l'application des politiques d'un employeur. Très récemment, dans l'affaire Glowinski c. Canada (Conseil du Trésor), 2006 CF 78 (QL), l'arbitre a soutenu le point de vue que les politiques n'ont pas force exécutoire, à moins qu'il y ait une claire autorisation législative selon laquelle le Parlement a l'intention de donner force de loi à une politique :

[Traduction]

42. Le tribunal est d'avis qu'il ne devrait pas interpréter ou concilier des politiques peu uniformes et opposées du Conseil du Trésor et qu'il ne devrait pas accorder une portée juridique à une multitude de politiques de ce genre. Je conviens avec M. le Juge Rouleau dans Guirard, précitée, que si le Conseil du Trésor avait l'intention de donner une portée juridique à ces politiques, le Conseil du Trésor aurait exercé son droit de promulguer ces politiques par voie d'un règlement pris en application de l'article pertinent de la Loi sur la gestion des finances publiques. 

43.  … Un tribunal ne devrait pas donner force de loi à des politiques, à moins que le Parlement ait clairement l'intention que lesdites politiques aient force de loi et que ces politiques soient claires et ne contredisent pas d'autres politiques.

82 En résumé, il est extrêmement évident qu'il n'y a eu ni sanction pécuniaire ni rétrogradation en l'espèce. La préoccupation de la fonctionnaire s'estimant lésée a trait à une décision de dotation pour laquelle il y a une autre procédure administrative aux termes de la LEFP. En tant qu'arbitre, je n'ai donc pas la compétence d'examiner ce grief. L'arbitre devrait entièrement rejeter le grief.

VI.    Arguments de la fonctionnaire s'estimant lésée - questions après l'audience

83  Tout en respectant le délai fixé à l'audience, la fonctionnaire s'estimant lésée a présenté ses arguments écrits. Les documents qu'elle a soumis incluaient un document de 77 pages intitulé [traduction]« Conclusions finales de la fonctionnaire s'estimant lésée », un cahier à anneaux additionnel comportant 71 sous-sections décrites comme un « affidavit de Karen Peters » et un recueil de 16 documents faisant autorité.

84 L'employeur a remis en question les documents présentés par la fonctionnaire s'estimant lésée pour le motif qu'ils contenaient des faits et des documents qui n'avaient pas été présentés comme preuve à l'audience. L'employeur a demandé que je refuse d'accepter l'argumentation écrite et l'affidavit de la fonctionnaire s'estimant lésée et que je l'oblige à représenter ses arguments en y enlevant les faits et documents qui n'avaient pas été présentés comme preuve. L'employeur a demandé, au cas où je déciderais de ne pas accéder à sa requête, une prolongation de 30 jours pour soumettre sa réponse écrite.

85 La fonctionnaire s'estimant lésée a répondu le 10 avril 2006, pour contester les observations de l'employeur. La réponse de la fonctionnaire s'estimant lésée se lisait en partie comme suit :

[Traduction]

  • … Comme je l'ai souligné à la Commission à deux reprises avant l'audience, j'avais déjà présenté une description détaillée de mon témoignage prévu sous la forme de mon grief détaillé, et je trouvais qu'il était injuste que l'employeur décide de ne pas faire de même.
  • À l'audience, j'ai entendu l'arbitre informer les deux parties qu'il s'agit d'un processus informel. Étant donné que la Commission n'avait pas accédé à mes requêtes spécifiques plus tôt, la directive de l'arbitre selon laquelle il s'agissait d'un processus informel m'a rassurée dans une certaine mesure. J'ai interprété ses observations comme signifiant qu'il n'y aurait pas de surprises, et qu'une plaignante non représentée comme moi bénéficierait de toutes les occasions raisonnables pour présenter sa cause.
  • M. Friedlaender a présenté un témoignage, qui de façon générale m'a surprise. Il est fondamentalement contraire à ma perception de la réalité. Si l'on m'avait avisée du témoignage prévu ou si j'avais bénéficié d'une autre forme de divulgation raisonnable, j'aurais été mieux placée pour contester les affirmations faites par M. Friedlaender à l'audience.
  • Préoccupée par les affirmations surprenantes faites par M. Friedlaender, immédiatement après l'audience, j'ai effectué d'autres recherches et j'ai trouvé de nombreux documents qui remettent sérieusement en doute l'exactitude de la version des faits donnée par M. Friedlaender. Mes nouveaux éléments de preuve ont tous pour but de montrer la véritable situation, c'est-à-dire où l'employeur - et nommément M. Friedlaender - applique une procédure disciplinaire déguisée pour me punir financièrement et pour me rétrograder.
  • Ces nouveaux documents appartiennent tous à l'employeur. Il ne peut absolument pas y avoir de préjudice envers l'employeur si l'arbitre les examine maintenant.

86 La fonctionnaire s'estimant lésée a demandé que je l'autorise à présenter d'autres arguments écrits concernant la présentation de nouveaux éléments de preuve, parce que [traduction] « … cette lettre ne renferme pas la totalité de mes observations ». Elle a également demandé que sa lettre soit acceptée comme une demande de présentation de nouveaux éléments de preuve, a précisé qu'elle était prête à subir un contre-interrogatoire pour son affidavit et tous les documents et a accepté la demande de l'employeur d'une prolongation de 30 jours pour soumettre une réponse écrite.

87 Les membres du personnel de la Commission ont communiqué ma décision aux parties le 11 avril 2006 :

[Traduction]

Veuillez noter que l'arbitre statuera sur l'admissibilité ou le caractère approprié de parties spécifiques des documents présentés par la fonctionnaire s'estimant lésée dans sa décision finale.

Veuillez noter également que la phase de présentation de la preuve en l'espèce est terminée, les deux parties ayant clos leur preuve et l'employeur ayant présenté ses observations.

La décision reportait la date de présentation d'une réponse par l'employeur au 26 mai 2006 et donnait à la fonctionnaire s'estimant lésée l'occasion de fournir des observations finales au plus tard le 15 juin 2006.

88 L'employeur a immédiatement écrit à la Commission pour exprimer ses préoccupations concernant ma décision :

[Traduction]

L'employeur a pour position que la question de l'admissibilité de nouveaux éléments de preuve à ce stade-ci n'est pas une question qui peut, en conformité avec les principes de l'équité procédurale, être tranchée par la prise d'une décision finale. La perspective que cette information soit acceptée met l'employeur dans une situation où il ne peut participer pleinement au processus de présentation de la preuve.

Les préoccupations de l'employeur sont comme suit : (a) si ces documents sont acceptés comme éléments de preuve, cela se fera en dehors du processus d'audience et l'employeur n'aura pas la possibilité de remettre en question l'admissibilité des documents un par un,  (b) l'employeur n'aura pas la possibilité de procéder à un contre-interrogatoire de la fonctionnaire s'estimant lésée en ce qui concerne aucun de ces documents et (c) si ces éléments de preuve sont acceptés, la fonctionnaire s'estimant lésée se retrouvera dans une situation où elle enfreint le principe posé dans l'affaire Browne c. Dunn, le redressement à prévoir étant que l'employeur devrait pouvoir rappeler ses témoins pour leur donner l'occasion d'y répondre.

La position de l'employeur est que la partie de l'audience consacrée  à la présentation de la preuve est close et que l'on devrait demander à la fonctionnaire s'estimant lésée de représenter ses documents sans y inclure de nouveaux éléments de preuve. Autrement, si l'arbitre décide que la fonctionnaire s'estimant lésée est autorisée à présenter de nouveaux éléments de preuve, l'audience devrait être reprise à des dates qui conviennent à toutes les parties.

89 Par l'intermédiaire d'employés de la Commission, j'ai invité la fonctionnaire s'estimant lésée à faire des commentaires au sujet des observations de l'employeur. Elle a remis en question chaque point soulevé par l'employeur et a affirmé que ma plus récente décision procédurale donnait à l'employeur amplement l'occasion de soulever des préoccupations à propos de toutes les questions, en lui permettant de soumettre une réponse. La fonctionnaire s'estimant lésée a précisé qu'elle était heureuse de l'occasion de répondre aux arguments avancés par l'employeur, en suivant le calendrier établi, et également de répondre par la même occasion à toute demande de l'employeur concernant la reprise de l'audience.

90 Pour discuter de façon plus détaillée de la situation avec les parties, j'ai fixé une conférence téléphonique au 3 mai 2006. À plusieurs occasions avant cette conférence téléphonique, la fonctionnaire s'estimant lésée a communiqué avec des employés à la Commission pour s'informer au sujet du but de la conférence et de son ordre du jour précis et pour soumettre des demandes de divulgation des communications entre les employés de la Commission et les parties. À titre d'exemple, la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé [traduction] « … qu'[un agent du greffe nommé par la Commission] me fournisse une liste détaillée de toutes les communications verbales, écrites et électroniques avec l'employeur au sujet de cette affaire dès le début ». Suivant mes instructions, des employés de la Commission ont écrit à la fonctionnaire s'estimant lésée pour lui fournir des clarifications concernant les pratiques et procédures administratives de la Commission. Ils ont également reconfirmé que les préoccupations exprimées par l'employeur dans ses observations en réponse aux arguments écrits de la fonctionnaire s'estimant lésée serait le principal sujet de la conférence téléphonique, tout en faisant observer à la fonctionnaire s'estimant lésée qu'elle était libre de soulever toute préoccupation qu'elle avait à ce moment.

91 La fonctionnaire s'estimant lésée n'était pas entièrement satisfaite du contenu de la lettre de la Commission visant à répondre à ses demandes d'information et à ses préoccupations. Le jour de la conférence téléphonique prévue, la fonctionnaire s'estimant lésée a écrit à la Commission, communication reproduite en partie ci-dessous :

[Traduction]

  • Il n'est pas équitable de permettre à l'employeur « de discuter » de ses préoccupations après qu'il a présenté des observations écrites et que j'y ai fourni des réponses par écrit;
  • Il n'est pas équitable de fournir une tribune ouverte à l'employeur pour qu'il « discute » de ses préoccupations après qu'une décision a été rendue établissant un calendrier pour la présentation d'autres observations écrites;
  • Il n'est pas équitable de fournir à l'employeur une tribune qui n'est pas prévue dans les documents que vous m'avez envoyés et qui décrivent le processus d'arbitrage;
  • Il n'est pas équitable de m'informer de la raison pour laquelle l'employeur a droit à cette tribune et quel pourrait en être le résultat;
  • Il n'est pas équitable de donner à l'employeur la possibilité de se préparer à la conférence téléphonique et de ne me pas me fournir la même possibilité de le faire;
  • Il n'est pas équitable de traiter ces questions en me demandant de soulever mes préoccupations au début de la conférence téléphonique…

Il est de mon droit de m'attendre à ce que mon affaire soit considérée dans le cadre d'un processus qui repose sur des principes et qui est juste, convenable et transparent. Ce processus ne semble pas être fondé sur des principes et ne semble être ni juste ni convenable et ni transparent.

[…].

92 La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle avait l'intention de se brancher sur la conférence téléphonique afin d'entendre les affirmations faites par l'employeur, mais a déclaré qu'elle ne fournirait aucune réponse, car, à son avis, on ne lui avait pas donné l'occasion de s'y préparer. Elle a précisé qu'elle était disposée à aborder la question de la tenue de contre-interrogatoires futurs, ce qui correspondait à ce qu'elle avait proposé dans une lettre antérieure.

93 Je me permets d'être respectueusement en désaccord avec l'évaluation faite par la fonctionnaire s'estimant lésée au sujet de l'équité de la procédure consistant à tenir une conférence téléphonique. Il s'agissait simplement d'une mesure pratique qui me permettrait de prendre entièrement connaissance des points de vue des parties et de discuter avec elles de la façon de procéder. Elle était similaire, de par sa nature, à une rencontre privée avec les parties durant une audience pour discuter de questions liées à la gestion du processus. Les employés de la Commission, en mon nom, ont essayé de clarifier le but de la procédure auprès de la fonctionnaire s'estimant lésée. Ils ont également informé cette dernière, tel que mentionné plus haut, qu'elle était libre de soulever n'importe laquelle de ses préoccupations durant la conférence téléphonique.

94 Lors de la conférence téléphonique, l'employeur a réitéré sa position que je devrais demander à la fonctionnaire s'estimant lésée de soumettre à nouveau ses arguments, en retirant les faits et les documents qui n'avaient pas été présentés comme preuve à l'audience. La fonctionnaire s'estimant lésée a répété ses préoccupations concernant l'équité de la procédure, concernant sa capacité de répondre aux affirmations de [traduction] « la plus grosse société d'avocats au pays » sans se préparer davantage, et concernant le caractère approprié de ma décision de reconsidérer ma décision initiale du 11 avril 2006, en réponse aux observations faites par l'employeur. Après quelques efforts additionnels pour discuter des options procédurales allant du maintien de la décision du 11 avril 2006 à la reprise de l'audience, j'ai conclu la conférence téléphonique et j'ai mis la décision en délibéré.

95 La fonctionnaire s'estimant lésée a écrit à la Commission le lendemain pour lui faire part de ses objections (au dossier) ayant trait à la conduite de la conférence téléphonique.

96 Il s'agit d'une situation où je dois établir un équilibre entre, d'un côté, des considérations d'équité procédurale telles qu'enchâssées dans les règles normales de tenue d'une audience et, de l'autre, l'exigence pratique visant à répondre à un désaccord important après l'audience entre les parties concernant l'admissibilité de parties (non encore identifiées) d'un long argument écrit soumis par la fonctionnaire s'estimant lésée. L'échange de points de vue après ma décision initiale du 11 avril 2006 a révélé davantage l'ampleur du désaccord procédural entre la fonctionnaire s'estimant lésée et l'employeur. Cela m'a convaincu que je devais réexaminer ma décision, soit pour confirmer la meilleure façon de conclure ce processus, soit pour examiner d'autres options.

97 Mon objectif, en réexaminant la situation, était de trouver une approche équilibrée qui répondait aux questions d'admissibilité et d'équité procédurale soulevées par l'employeur, tout en tenant compte, dans un même temps, de la conviction apparente de la fonctionnaire s'estimant lésée que sa cause n'avait pas été bien entendue (c'est-à-dire qu'il me restait encore à recevoir d'importants renseignements pertinents en rapport avec le témoignage fourni lors de l'audience).

98 Ce que la fonctionnaire s'estimant lésée tente de faire est clair. Elle admet dans sa lettre du 10 avril 2006 qu'elle a fait d'autres recherches après l'audience et qu'elle a trouvé [traduction] « de nouveaux éléments de preuve », apparemment, pour contester davantage le témoignage de M. Friedlaender. Normalement, l'information visant à attaquer un témoin est présentée durant le contre-interrogatoire ou, dans certaines circonstances, comme « contre-preuve ». Si une partie ne dispose pas immédiatement de l'information à l'audience, ou si elle a besoin de plus de temps et d'effort pour obtenir la preuve, cette partie peut demander à l'arbitre que l'audience soit interrompue ou ajournée. En l'espèce, la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas demandé que l'audience soit ajournée, a décliné de fournir une contre-preuve et a clos sa preuve.

99 Une fois que les parties ont eu fini de présenter leur preuve à l'audience, la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé la permission de présenter ses arguments par écrit à une date ultérieure, afin qu'elle dispose du temps nécessaire pour bien présenter son cas. L'employeur ne s'y est pas opposé, mais a demandé de pouvoir présenter ses propres arguments oralement à ce moment-là. J'ai accepté cette approche, en croyant qu'il convenait d'accorder de la souplesse additionnelle à une fonctionnaire s'estimant lésée qui se représentait elle-même, tout en acceptant la préférence de l'employeur.

100 Le différend qui oppose actuellement les parties est la conséquence imprévue d'une procédure adoptée à l'audience. Manifestement, la tentative de la fonctionnaire s'estimant lésée de présenter de nouveaux éléments de preuve après les faits est irrégulière. L'employeur affirme que, si je n'interviens pas, il risque de se trouver dans une situation où il ne pourra procéder à l'examen des nouveaux éléments de preuve présentés par la fonctionnaire s'estimant lésée durant un contre-interrogatoire. L'employeur allègue également que la fonctionnaire s'estimant lésée pourrait essayer de réfuter le témoignage des témoins de l'employeur sans que ces derniers reçoivent un avertissement approprié conformément à la règle établie dans Browne c. Dunn leur accordant amplement la possibilité de répondre.

101 La fonctionnaire s'estimant lésée justifie sa présentation de nouveaux éléments de preuve en invoquant le fait que l'employeur n'a pas fourni à l'avance des déclarations concernant les témoignages prévus et en invoquant, à son avantage, des observations que j'ai formulées à l'audience au sujet du caractère relativement officieux du processus d'arbitrage comparé à la procédure judiciaire. En ce qui concerne le premier aspect, j'ai décidé de vive voix à l'audience que l'employeur n'était pas obligé de fournir des déclarations concernant les témoignages prévus. Mes motifs écrits sur ce point sont exposés dans la présente décision. L'absence de déclarations concernant les témoignages prévus suite à ma décision ne crée pas un vice de procédure pour lequel l'admission, après l'audience, de nouveaux éléments de preuve devient un recours justifié. En ce qui concerne le deuxième aspect, j'ai fait des commentaires sur la souplesse procédurale à l'audience dans le contexte de la discussion avec la fonctionnaire s'estimant lésée portant sur l'admissibilité d'éléments de preuve à l'audience. Ces commentaires ne visaient aucunement à suggérer qu'il y a un mandat non limité permettant de s'écarter des règles normales de la tenue d'une audience, à la discrétion d'une partie.

102 Tout en gardant ces observations à l'esprit, je reconnais toutefois que les documents qui font autorité dans le domaine de la procédure d'arbitrage acceptent le fait qu'il y a des situations où un décideur peut faire preuve de discrétion et permettre à une partie de soumettre de nouveaux éléments de preuve après qu'elle a clos sa preuve. (Voir, par exemple, la discussion dans Gorsky, Usprich et Brandt, Evidence and Procedure in Canadian Labour Arbitration (1994) aux pages 12-8 à 12-14). Bien que les circonstances en l'espèce correspondent difficilement aux situations habituelles décrites où de nouveaux éléments de preuve peuvent être admis, je tiens compte du fait qu'il s'agit d'un cas où la fonctionnaire s'estimant lésée se représente elle-même et a affaire à la procédure d'arbitrage pour la première fois. Dans plusieurs de ses observations écrites soumises à la Commission avant l'audience, la fonctionnaire s'estimant lésée a montré qu'elle est capable de s'exprimer, de façon organisée et avec clarté. À l'audience, elle a réussi, tout en se laissant guider, à suivre la procédure d'audience sans trop de difficulté. En dépit de cela, il me semble possible qu'à cause de son manque de familiarité avec le processus d'audience, parfois, elle a eu des attentes non justifiées quant à ce qui s'est produit ou devrait se produire. Je ne suis pas entièrement convaincu rétrospectivement que la fonctionnaire s'estimant lésée comprenait, en déclinant la possibilité de présenter des éléments de preuve contraires, que sa preuve était close, même si j'ai tenté de lui expliquer les éléments de la procédure à chaque étape.

103 J'ai décidé que j'étais prêt, à la lumière des circonstances nouvelles en l'espèce, à reprendre l'audience. Il s'agissait clairement d'une mesure exceptionnelle. Je l'ai fait pour deux raisons : pour prendre une mesure supplémentaire afin d'assurer le respect du droit de la fonctionnaire s'estimant lésée d'être entendue, et pour fournir à l'employeur l'occasion de contester toute preuve additionnelle qui pourrait être présentée. Je souhaite toutefois souligner que je n'ai pas repris l'audience pour accorder à la fonctionnaire s'estimant lésée un droit illimité de présenter de nouveaux éléments de preuve. À mon avis, cela ferait trop pencher la balance de l'équité procédurale de son côté, ce qui irait trop à l'encontre des intérêts de l'employeur. Au lieu de cela, j'ai repris l'audience dans le but de permettre à la fonctionnaire s'estimant lésée de profiter de l'occasion qu'elle avait déclinée antérieurement et de présenter une contre-preuve. À ce titre, les règles habituelles limitant les aspects pouvant être abordés dans la contre-preuve s'appliquaient. Ces règles ont été conçues pour qu'une partie ne profite pas de l'occasion de présenter des éléments de preuve additionnels pour scinder sa cause ou pour combler des écarts dans la preuve après les faits. Pour sa part, l'employeur serait en mesure d'examiner toute contre-preuve admise au moyen d'un contre-interrogatoire ou par le rappel de témoins, s'il décidait de procéder ainsi. Je recevrais alors verbalement l'argumentation de la fonctionnaire s'estimant lésée ainsi que toute argumentation supplémentaire venant de l'employeur. J'ai décidé de retourner à la présentation régulière d'une argumentation de vive voix de la part de la fonctionnaire s'estimant lésée, parce que le motif original lui permettant de soumettre ses arguments par écrit ne s'appliquait plus (c'est-à-dire qu'elle avait eu besoin de temps pour examiner les principaux arguments de l'employeur).

104 Alors que je comprends que l'employeur avait peut-être eu le sentiment que ce nouvel arrangement allait nettement au-delà de ce que l'équité procédurale exigeait dans le cas de la fonctionnaire s'estimant lésée, je crois que les occasions qui s'offrent à l'employeur en vertu de cette procédure pour examiner la preuve, rappeler des témoins et présenter d'autres arguments font qu'elle est peut être assortie des protections appropriées équilibrant le processus.

105 Pour donner suite à cette procédure révisée, j'ai notamment retourné toutes les observations écrites à la fonctionnaire s'estimant lésée sans les lire, sauf que j'ai noté la configuration et la nature générales du contenu. Selon moi, une lecture approfondie de ces documents, compte tenu de l'objection qui m'a été faite en matière d'admissibilité, n'aurait pas été approprié. Suite à ma nouvelle décision, la fonctionnaire s'estimant lésée continuait d'être libre d'utiliser ces documents dans la mesure où le permettent les règles concernant la présentation d'éléments de preuve contraires et d'arguments.

106 Des employés de la Commission ont communiqué ma décision aux parties le 4 mai 2006. Je reproduis ici en grande partie cette décision :

[Traduction]

[….]

… après avoir examiné leurs présentations écrites et verbales, l'arbitre a reconsidéré la décision procédurale communiquée aux parties par la Commission le 11 avril 2006. Cette décision est maintenant abrogée.

La décision ainsi prise par l'arbitre la remplace :

1. Les arguments écrits, l'affidavit et le recueil des documents faisant autorité soumis à la fonctionnaire s'estimant lésée lui seront retournés. L'arbitre n'a pas examiné les détails de la présentation de la fonctionnaire s'estimant lésée, hormis un examen sommaire de leur contenu général afin de comprendre le contexte dans lequel l'employeur avait soulevé son objection quant à l'admissibilité des documents.

2. L'arbitre ordonne la reprise de l'audience aux dates qui seront fixées par la Commission après avoir consulté les parties.

3. Lorsque l'audience reprendra, la fonctionnaire s'estimant lésée  aura la possibilité de présenter une contre-preuve, dans les limites associées normalement à cette forme de preuve, c'est-à-dire que les éléments de preuve contraires pourront servir uniquement à réfuter le témoignage de l'employeur à propos de nouvelles questions auxquelles la fonctionnaire s'estimant lésée n'avait pas pu répondre au moment de la présentation de sa preuve principale. Sur ce point, l'arbitre renvoie à la description de la contre-preuve dans Gorsky, Usprich et Brandt, Evidence and Procedure in Canadian Labour Arbitration (Carswell) :

« Habituellement, la contre-preuve se limite à réfuter des aspects nouvellement soulevés dans la preuve de la deuxième partie qui n'avaient pas pu être anticipés raisonnablement par la première partie… La partie qui est la première à présenter sa preuve ne peut scinder son cas en déposant sa preuve et, après cela, lorsque sa preuve est ébranlée par la preuve présentée par l'autre partie, tenter d'ajouter des éléments de preuve visant à confirmer la preuve initiale… La première partie n'a pas le droit, sous le couvert d'une réponse, de chercher à améliorer ses arguments qui auraient dû être convaincants la première fois. »

L'arbitre examinera toute objection à l'admissibilité de la contre-preuve telle que présentée à l'audience.

4. L'employeur aura la possibilité de procéder à un contre-interrogatoire pour la contre-preuve. À l'audience, l'employeur peut demander à rappeler un ou plusieurs témoins, et l'arbitre examinera une telle demande en tenant compte de la contre-preuve qui a été présentée.

5. Une fois que la preuve est close, l'arbitre entendra immédiatement les arguments oraux de la fonctionnaire s'estimant lésée, suivis de tous les arguments fournis de vive voix par l'employeur pour y répondre. Si l'employeur présente de nouveaux arguments à l'étape de la contre-preuve, la fonctionnaire s'estimant lésée aura l'occasion de formuler des observations à l'audience.

6. Les motifs de cette décision procédurale accompagneront la décision de l'arbitre concernant l'objection préliminaire soulevée par l'employeur.

[Mot souligné dans l'original.]

VII.   Contre-preuve de la fonctionnaire s'estimant lésée

107 L'audience a repris le 17 octobre 2006. À la demande de la fonctionnaire s'estimant lésée, à laquelle s'est opposé l'employeur, j'ai prolongé l'ordonnance originale prévoyant l'exclusion des témoins.

108 Une fois de plus, la fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné en son nom et a présenté 28 autres pièces, qui sont disponibles pour examen à la Commission.

109 La fonctionnaire s'estimant lésée a expliqué qu'elle avait été surprise par l'affirmation faite par M. Friedlaender durant son témoignage selon laquelle elle était visée par la description de travail générique ES-05. Elle a présenté un document décrivant le « plan de rendement » signé en avril 2000 pour son poste ES-05 de l'époque (pièce G-23). Elle a souligné le contraste entre les objectifs de rendement fixés dans ce document et les objectifs de gestion plus élevés fixés par la suite pour le poste de conseiller principal, Opérations (ES-05), pour lequel elle avait présenté sa candidature, pour lequel elle avait été sélectionnée et qu'elle avait accepté officiellement le 2 janvier 2001 (pièces G-30, G-28 et E-1). Les fonctions de gestion de ce dernier poste s'inscrivaient dans l'orientation approuvée pour la DEFPC dans un plan de changement organisationnel proposé qui incluait trois postes de gestion au niveau ES-06 (pièce G-24). La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué, dans son témoignage, que le poste de conseiller principal, Opérations, n'a jamais été considéré comme comparable aux trois postes ES-05. Ses responsabilités en tant que responsable dans le secteur des Opérations ont été confirmées par la liste de septembre 2001 de l'employeur montrant les affectations à la DEFPC (pièce G-29). Elle a également présenté un courriel remontant à avril 2002 de Mme Smith dans lequel elle était décrite comme [traduction] « … une gestionnaire relativement nouvelle…. » (pièce G-31).

110 En ce qui a trait à la déclaration de M. Friedlaender selon laquelle la fonctionnaire s'estimant lésée était toujours une ES-05, cette dernière a renvoyé à son grief daté du 30 avril 2004 (pièce G-32), par lequel elle cherchait à obtenir une date rétroactive fixée au 1er janvier 2001, pour la reclassification approuvée de son poste d'attache au niveau ES-06. Le dossier montre que l'employeur a accueilli en partie son grief et a autorisé la rémunération au niveau ES-06 rétroactivement au 1er août 2002, pour le poste de conseiller principal, Opérations (pièces G-8 et G-33). Ainsi, l'employeur avait reconnu que son poste d'attache n'était pas au niveau ES-05 à compter d'août 2002, même si la fonctionnaire s'estimant lésée avait été nommée à l'origine à ce poste en tant que ES-05. La fonctionnaire s'estimant lésée a interprété la réponse fournie par l'employeur à son grief comme signifiant qu'il l'avait nommée au niveau ES-06 rétroactivement au 1er août 2002.

111 Une liste des dossiers assignés à la DEFPC, datée du janvier 2002, montre que la fonctionnaire s'estimant lésée avait également assumé temporairement un rôle de leadership pour les revendications territoriales (pièce G-34) au moment du départ de Craig Atkinson du poste de gestionnaire ES-06 dans ce secteur. La fonctionnaire s'estimant lésée a touché une rémunération d'intérim au niveau ES-06 pour la période allant de novembre 2001 au 28 juin 2002, du fait qu'elle accomplissait les fonctions du poste aux revendications territoriales en plus de ses propres fonctions, même si les fonctions des deux postes n'étaient pas différentes.

112 M. Friedlaender a témoigné que l'employeur avait mis fin à la rémunération d'intérim versée à la fonctionnaire s'estimant lésée pour les fonctions liées aux revendications territoriales. La fonctionnaire s'estimant lésée soutient qu'elle, et non pas l'employeur, a décidé de retourner à son poste d'attache, ce qui a mis fin à la rémunération d'intérim, comme le confirme la pièce E-7. La fonctionnaire s'estimant lésée a affirmé qu'elle avait vu dans son dossier du personnel un courriel de Cathy Chalupa, la directrice par intérim remplaçant M. Friedlaender durant son absence pendant l'été de 2002, qui confirmait que la décision de son retour à son poste d'attache venait d'elle, et non de l'employeur. Or, sa plus récente vérification du dossier du personnel ne lui a pas permis de retrouver ce document.

113 Antérieurement, le 13 juin 2002, M. Friedlaender a offert à la fonctionnaire s'estimant lésée une prolongation de la nomination d'intérim jusqu'au 4 août 2002 (pièce G-37). En raison de l'hostilité croissante que la fonctionnaire s'estimant lésée sentait de la part de M. Friedlaender à son égard, elle a accepté cette prolongation le 18 juin 2002, à la condition qu'elle pourrait être écourtée à sa discrétion. Elle a exercé cette discrétion pour mettre fin à la nomination intérimaire le 26 juin 2002. La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné que M. Friedlaender l'avait abordée plus tôt pour prolonger la nomination intérimaire jusqu'à octobre 2002, une option qu'elle a rejetée. La fonctionnaire s'estimant lésée estime que les offres répétées faites par M. Friedlaender pour prolonger cette nomination intérimaire montraient qu'elle était capable d'accomplir les fonctions du poste de négociateur principal au niveau ES-06, en dépit du fait que l'employeur a ensuite déterminé qu'elle ne satisfaisait pas aux qualifications, durant un concours affiché pour ce poste (pièce G-36).

114 M. Friedlaender a dit dans son témoignage qu'il avait offert à la fonctionnaire s'estimant lésée la possibilité de suivre un programme de perfectionnement après le concours pour lui permettre de combler les lacunes cernées durant ce processus. La fonctionnaire s'estimant lésée allègue que ce témoignage est contredit par son évaluation du rendement de 2001-2002, signée le 26 juin 2002, dans laquelle M. Friedlaender affirme qu'elle venait de terminer avec succès un programme de perfectionnement (pièce G-1, onglet 2). Elle a déclaré que l'affectation intérimaire où elle devait s'occuper de revendications territoriales était la seule possibilité de perfectionnement qui lui a jamais été offerte et, qu'à aucun moment, elle n'a rejeté l'offre d'un autre programme de perfectionnement. Lorsqu'elle a appris qu'elle n'avait par réussi le concours, elle a demandé à obtenir de la rétroaction concernant les raisons de la décision et n'en a reçu aucune. Elle se souvient que Mme Chalupa, à un certain moment, lui a dit [traduction] « … qu'il n'y avait rien de particulier. Nous pensions simplement que vous n'étiez pas prête »

115 Après le concours, M. Friedlaender et Mme Chalupa ont proposé à la fonctionnaire s'estimant lésée de continuer à remplir les fonctions du poste ES-06 vacant où elle s'occuperait de revendications territoriales et, qu'en raison de sa charge de travail, l'employeur affecterait un remplaçant à son poste d'attache. Il n'a aucunement été question de problème de rendement durant cette conversation, et la fonctionnaire s'estimant lésée n'a jamais entendu les mots « possibilité de perfectionnement ». Lorsqu'elle lui a demandé quels étaient ses projets pour l'avenir, M. Friedlaender a répondu qu'à un certain moment il tiendrait un nouveau concours pour le poste ES-06 et qu'il encourageait la fonctionnaire s'estimant lésée à y participer. Cette dernière se souvient ne pas avoir réussi à en faire dire plus à M. Friedlaender au sujet de ses projets. Elle [traduction] « …. a rapidement mesuré la situation …. » et, [traduction]  « … compte tenu du comportement intimidant et étrange qu'il manifestait lorsqu'il lui a fait la proposition …. », a décidé qu'elle n'avait pas d'autre choix que [traduction] « … de voir cela comme un moyen déguisé pour l'éliminer de son organisation ». La fonctionnaire s'estimant lésée a rejeté la proposition et s'est rendue immédiatement aux RH pour demander que la nomination intérimaire prenne fin immédiatement. Elle avait le sentiment qu'elle devait s'établir dans son poste d'attache et couper tous les liens avec le poste vacant dans le secteur des revendications territoriales. Elle n'a plus rien entendu au sujet du programme de perfectionnement jusqu'à ce qu'elle lise la mention qui en était faite dans le rapport du jury de sélection d'avril 2004, selon lequel elle aurait refusé un programme de perfectionnement en juin 2002 (pièce G-1, onglet 1), et jusqu'à ce qu'elle voie un renvoi similaire dans la décision rendue en réponse à son grief, datée du 12 septembre 2004 (pièce G-8).

116 La fonctionnaire s'estimant lésée conteste le témoignage de M. Friedlaender selon lequel elle l'aurait abordé en automne 2002 pour lui faire savoir qu'elle était insatisfaite de la classification de son poste d'attache. Un courriel envoyé par M. Friedlaender à Mme Smith, daté du 6 août 2002, montre qu'il avait décidé avant cela d'entreprendre la rédaction d'une nouvelle description de travail pour le poste (pièce G-38). La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné qu'elle ne l'avait pas abordé pour discuter de la reclassification entre la fin du concours pour le poste aux revendications territoriales et la date de ce courriel. C'était plutôt M. Friedlaender qui a informé la fonctionnaire s'estimant lésée, au moyen d'un courriel envoyé avant le 6 août 2002, qu'il entamait une révision de la description de travail. La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle ne savait pas à l'époque la mauvaise utilisation qu'on peut faire du processus de reclassification. Elle avait peur, mais [traduction] « … ne savait pas ce dont elle devait avoir peur ».

117 La fonctionnaire s'estimant lésée conteste la déclaration de M. Friedlaender qu'il avait généralement une relation positive avec elle avant le concours pour le poste aux revendications territoriales. Elle a fait mention de son courriel daté du 18 juin 2002, envoyé à M. Richard Frizell, directeur exécutif associé à la DEFPC, dans lequel elle lui faisait part de son désir d'envisager une mutation à un poste différent (pièce G-42). Selon le témoignage de la fonctionnaire s'estimant lésée, quand M. Friedlaender a appris que ce courriel avait été envoyé, il aurait appelé cette dernière dans son bureau et lui aurait dit qu'il était fâché qu'elle ait agi ainsi. La fonctionnaire s'estimant lésée a interprété sa réponse comme une mesure disciplinaire.

118 La fonctionnaire s'estimant lésée a répondu au témoignage de M. Friedlaender selon lequel il aurait été surpris de recevoir un courriel, daté du 6 octobre 2003, dans lequel elle lui demandait une description de travail complète et à jour (pièce E-8), et ce, en dépit du fait que le processus de reclassification avançait. Or, la fonctionnaire s'estimant lésée a affirmé que M. Friedlaender n'a pas manifesté de surprise lorsqu'il a répondu à cette requête. Elle a indiqué qu'elle participait à l'étape technique du remaniement de sa description de travail. En novembre 2002, Brian McKenney a remplacé M. Friedlaender, qui avait pris un congé de maladie prolongé. La fonctionnaire s'estimant lésée se souvient que lors d'une réunion avec M. McKenney, elle a aperçu dans les notes de M. McKenney qu'on voulait suspendre le processus de reclassification en raison de son caractère délicat. La fonctionnaire s'estimant lésée avait l'impression que cela venait de M. Friedlaender. Elle a également remarqué qu'il y avait un courriel portant la date du 7 octobre 2003, dans lequel M. Friedlaender disait à M. Goldie qu'il craignait que le courriel du 6 octobre 2003 de la fonctionnaire s'estimant lésée était peut-être [traduction] « … un signe avant-coureur d'autres mesures qu'elle prendrait … » (pièce G-45). La fonctionnaire s'estimant lésée a reconnu un autre courriel de M. Friedlaender, envoyé cette fois à Laurie McIlvena aux Ressources humaines qui, d'après elle, montre également que M. Friedlaender n'était pas surpris par sa requête du 6 octobre 2003 (pièce E-10).

119 M. McKenney a entrepris le processus de reclassification (pièce G-43). Le Comité exécutif a approuvé le processus le 14 avril 2003 (pièce G-44). Le Comité exécutif régional a approuvé la proposition consistant à réviser le poste le 7 octobre 2003 (pièce G-46).

120 La fonctionnaire s'estimant lésée a conclu la présentation de sa contre-preuve en remettant en question la preuve fournie par M. Friedlaender selon laquelle elle avait rejeté de la médiation en décembre 2003. Elle a déclaré que c'était l'employeur qui n'était pas intéressé à prévoir de la médiation. La fonctionnaire s'estimant lésée avait décliné de signer l'entente de médiation [traduction] « … après en avoir examiné soigneusement les conséquences juridiques … » en raison d'une disposition qui, d'après elle, l'aurait amenée à renoncer à son droit de déposer d'autres griefs à l'avenir (pièce G-48). Le MAINC a refusé d'enlever cette disposition. La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle était prête à participer à une médiation sans signer une entente, dans un courriel envoyé à Mme Smith et à M. Friedlaender (pièce G-49).

121 Durant le contre-interrogatoire, l'employeur a demandé à la fonctionnaire s'estimant lésée si elle se souvenait avoir reçu des appels téléphoniques de Mme Smith ou de Mme Chalupa durant son absence de trois semaines du travail après qu'elle avait appris les résultats du concours pour le poste aux revendications territoriales. Elle ne se souvenait ni d'avoir été absente ni d'avoir reçu des appels de Mme Smith ou de Mme Chalupa. Elle a précisé qu'elle recevait fréquemment des appels ayant trait au travail pendant qu'elle était en congé. Durant la période où elle était en congé de maladie du 14 octobre 2003 au 30 novembre 2003, M. Friedlaender l'a appelée chez elle et, comme elle l'a déclaré, [traduction] « … m'a disciplinée pour tomber malade lorsqu'il y avait du travail à faire ».

122 L'employeur a renvoyé la fonctionnaire s'estimant lésée à un courriel daté du 6 janvier 2004, de M. Friedlaender, qui renfermait un compte rendu d'une réunion récente entre eux pour [traduction] « … faire une mise au point…. » (pièce G-17). La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué que ce courriel ne lui avait pas été envoyé, mais qu'elle en avait reçu une copie. Elle a décrit le courriel comme une note versée au dossier par M. Friedlaender pour servir ses propres intérêts.

123 La fonctionnaire s'estimant lésée ne pouvait pas se rappeler combien de postes au groupe et au niveau ES-04 on lui avait demandé de doter dans le cadre de ses responsabilités de gestion. Initialement, elle ne pouvait pas se rappeler à quel poste renvoyait le commentaire fait dans le rapport du jury de sélection d'avril 2004 suivant lequel elle avait omis de prendre une mesure de dotation en dépit de plusieurs requêtes (pièce G-1, onglet 1). Puis, elle s'est souvenu que M. Friedlaender avait eu un problème concernant le temps requis pour doter un poste ES-04. Au début, elle ne parvenait pas à se rappeler quand ce poste était devenu vacant ou si M. Friedlaender avait établi un lien entre le processus de dotation et les congés qu'elle avait pris en août. Puis, elle a précisé qu'elle se rappelait que M. Friedlaender avait tenté de refuser d'approuver son congé annuel et [traduction] « …  il invoquait une chose arbitraire qui devait être faite ». Toujours d'après la fonctionnaire s'estimant lésée, M. Friedlaender [traduction] « … agissait de cette manière chaque fois…. » et que cela lui causait du stress. Elle s'est également rappelée plus tard que le titulaire précédent du poste ES-04, Isaac Ferby, avait quitté en février ou mars 2003.

124 En ce qui concerne la pièce G-1, onglet 13, la fonctionnaire s'estimant lésée s'est rappelée que M. Friedlaender lui avait envoyé un courriel au sujet de la dotation le 5 mai 2003. Elle fait valoir que sa réponse à ce courriel montre à quel point elle prenait au sérieux les fonctions liées à son poste. Elle ne se souvient pas si elle a fini par pourvoir au poste ES-04. Elle ne se rappelait pas si une personne avait été sélectionnée d'une liste d'admissibilité pour occuper le poste. Elle ne se souvenait pas avoir mené des entrevues pour le poste.

125 L'employeur a demandé à la fonctionnaire s'estimant lésée si on lui avait refusé un congé annuel en 2003. Elle a répondu qu'elle ne s'en souvenait pas, mais a déclaré que M. Friedlaender lui menait la vie dure et lui rendait les choses très difficiles.

126 Pour ce qui est des communications de M. Goldie avec elle en novembre 2003 au sujet de la possibilité de bénéficier d'un encadrement (pièce G-1, onglet 8), la fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré qu'elle n'était pas intéressée par le type d'encadrement mentionné par M. Goldie, parce qu'elle avait découvert qu'il s'agissait d'un encadrement « en style de vie ».

127 L'employeur a renvoyé la fonctionnaire s'estimant lésée à la réponse qu'elle a reçue à son grief le 12 septembre 2004 (pièce G-8), et à la mention qu'il contenait de son admissibilité à une rémunération [traduction] « … en conformité avec les dispositions de l'article 27.08 de la convention collective du groupe Économique et services de sciences sociales ». La fonctionnaire s'estimant lésée a affirmé qu'elle ne savait pas auquel des trois griefs cette réponse se rapportait. L'employeur lui a alors montré la table des matières de la convention collective, qui montre que l'article 27 porte sur la « rémunération provisoire » (pièce E-26). La fonctionnaire s'estimant lésée a admis qu'il s'agissait de sa convention collective.

128 Lorsqu'on lui a demandé quelle était la composition du jury de sélection pour le poste ES-06 dans le secteur des revendications territoriales, la fonctionnaire s'estimant lésée s'est rappelée qu'il y avait trois ou quatre membres, et a confirmé que Mme Chalupa en faisait partie. La fonctionnaire s'estimant lésée ne parvenait pas à se rappeler si Mme Smith y siégeait et n'était pas sûre si M. Friedlaender en était, même si elle pensait qu'il en faisait partie.

129 La fonctionnaire s'estimant lésée a confirmé qu'elle a rencontré à deux reprises Mme Smith et M. Friedlaender peu après le concours. Elle a déclaré que les rencontres portaient sur le poste aux revendications territoriales et non pas sur son poste d'attache. Elle ne pouvait pas se rappeler si Mme Smith et M. Friedlaender lui avait donné l'option de bénéficier des services d'un coach de gestion et de trouver d'autres possibilités de formation qui pourraient lui être utiles. Elle se souvenait que M. Friedlaender avait mentionné [traduction] « … des tas et des tas de cours…. », mais rien de précis. La fonctionnaire s'estimant lésée n'était pas d'accord lorsqu'on lui a demandé de confirmer qu'on lui avait offert de la formation et du perfectionnement. Elle ne se souvenait pas avoir reçu un appel téléphonique de suivi à domicile de Mme Smith pour lui répéter l'offre de formation faite antérieurement.

130 La fonctionnaire s'estimant lésée n'était pas d'accord avec l'employeur que la reclassification de son poste d'attache était un enjeu avant le courriel daté du 6 août 2002 de M. Friedlaender (pièce G-38). Elle a dit que le problème antérieur était sa [traduction] « charge de travail exagérée ». Elle a déclaré qu'elle-même et M. Friedlaender savaient que ses fonctions étaient d'un niveau plus élevé et que M. Friedlaender l'avait reconnu. Elle a dit à M. Friedlaender, à un certain moment : [traduction] « si vous ne souhaitez pas me rémunérer, réduisez mes fonctions » et [traduction] « arrêtez de m'intimider ».

VIII.  Preuve finale présentée au nom de l'employeur

131 Pour répondre aux questions soulevées par la fonctionnaire s'estimant lésée dans sa contre-preuve, l'employeur a demandé l'autorisation d'appeler comme témoin Mme Smith et a précisé qu'il souhaiterait peut-être aussi rappelé M. Friedlaender, également comme témoin. La fonctionnaire s'estimant lésée a soulevé une objection selon laquelle elle n'avait pas été informée au préalable que ces témoins seraient appelés et qu'elle était surprise que l'employeur puisse ainsi présenter d'autres témoignages. Elle a déclaré qu'elle avait le sentiment de ne pas pouvoir procéder au contre-interrogatoire de ces témoins et a demandé un ajournement de 48 heures afin d'engager un avocat à cette fin.

132 Après avoir examiné les observations faites en rapport avec la requête de la fonctionnaire s'estimant lésée, j'ai ordonné un ajournement jusqu'à 13 h le lendemain afin de permettre à la fonctionnaire s'estimant lésée de retenir les services d'un avocat. J'ai indiqué que l'employeur pouvait faire témoigner Mme Smith et/ou M. Friedlaender à ce moment-là, et que la fonctionnaire s'estimant lésée pourrait contre-interroger ces témoins par l'intermédiaire d'un avocat, ou si elle n'avait pas réussi à obtenir les services d'un avocat, les contre-interroger elle-même comme elle l'avait fait plus tôt à l'audience.

133 Le but de ma décision était d'accéder en partie à la requête de la fonctionnaire s'estimant lésée tout en évitant un délai considérable dans le cadre de l'audience. J'ai noté que, dans mon ordonnance du 4 mai 2006, j'avais mentionné la possibilité d'autres témoignages au nom de l'employeur en réponse à la contre-preuve fournie par la fonctionnaire s'estimant lésée, qui n'aurait donc pas dû être surprise par la requête de l'employeur. J'ai indiqué qu'étant donné que la fonctionnaire s'estimant lésée avait décidé, dans le cadre de la procédure jusqu'à ce moment-là, de ne pas faire appel à un avocat, et puisqu'elle avait déjà montré qu'elle était en mesure de procéder au contre-interrogatoire d'un témoin, je n'avais pas le sentiment que je pouvais ordonner un ajournement plus long aussi tard dans la procédure. J'ai également tenu compte, au moment où j'ai fixé l'heure à laquelle l'audience devrait reprendre, d'information concernant l'état médical et la disponibilité de l'un des témoins prévus, Mme Smith, qui se préparait à subir une importante intervention chirurgicale dans quelques jours.

134 Lorsque l'audience a repris à l'heure fixée, la fonctionnaire s'estimant lésé a annoncé qu'un avocat ne viendrait pas.

135 Avant son absence pour raisons médicales, Mme Smith a dispensé des services dans le domaine des relations de travail et d'autres services ayant trait aux ressources humaines, dépassant la classification, au BFNE, où elle occupait le poste de conseillère en ressources humaines dans le groupe et au niveau PE-04. Mme Smith possède 30 ans d'expérience dans les domaines de l'administration et des ressources humaines dans la fonction publique et se voit assigner des responsabilités de soutien au BFNT depuis six ou sept ans.

136 En juin 2002, Mme Smith était membre du jury de sélection pour le poste de négociateur principal, Revendications territoriales (ES-06). Les autres membres du jury étaient M. Friedlaender, Mme Chalupa et M. Atkinson. Le mandat du jury de sélection était de doter le poste en question, et de créer une liste d'admissibilité pour d'autres postes ES-06 ayant des responsabilités similaires à la DEFPC. Le concours était à la fois ouvert et fermé et à étendue ministérielle et nationale.

137 Le jury de sélection a conclu qu'aucun candidat, y compris la fonctionnaire s'estimant lésée, ne satisfaisait aux qualifications définies pour le concours. Dans le cas de la fonctionnaire s'estimant lésée, Mme Smith ne se rappelle pas des résultats détaillés, mais s'est souvenue que l'écart était important, à tout le moins pour l'un des éléments des « connaissances » et des « capacités ». Tous les candidats ont été informés des résultats par écrit et ont été invités à communiquer avec un membre du jury de sélection pour en discuter davantage. Mme Smith ne se rappelait pas si la fonctionnaire s'estimant lésée avait profité de cette offre. Du fait que le concours avait été improductif, aucun droit d'appel ne pouvait être invoqué.

138 Peu après le concours, M. Friedlaender a discuté avec Mme Smith des options de perfectionnement pour la fonctionnaire s'estimant lésée. Il a déclaré qu'il continuait à apprécier les compétences et aptitudes de cette dernière. M. Friedlaender et Mme Smith ont décidé d'aborder la fonctionnaire s'estimant lésée pour examiner avec elle les possibilités. Lors de leur réunion subséquente avec elle, M. Friedlaender a exprimé son souhait qu'elle continue de travailler à la DEFPC et a indiqué qu'il souhaitait établir un plan de perfectionnement pour elle, lequel pourrait inclure le recours à un coach et d'autres possibilités de formation ou éléments suggérés éventuellement par la fonctionnaire s'estimant lésée. Il a demandé à celle-ci de réfléchir à sa proposition et de lui dire ce qu'elle en pensait après le congé de trois semaines qu'il était sur le point de prendre la semaine suivante.

139 Durant son témoignage, Mme Smith a indiqué qu'elle avait reçu un appel la semaine suivante de la directrice intérimaire, Mme Chalupa, lui disant que la fonctionnaire s'estimant lésée lui avait téléphoné et lui avait annoncé qu'elle n'était pas intéressée par la proposition de M. Friedlaender. Mme Smith était surprise de recevoir cette nouvelle et a appelé elle-même la fonctionnaire s'estimant lésée à domicile pour lui dire qu'elle craignait que cette dernière n'ait peut-être pas examiné suffisamment la proposition ou qu'elle soit toujours fâchée des résultats du concours pour le poste ES-06. La fonctionnaire s'estimant lésée a répondu qu'elle avait réfléchi à la proposition et qu'elle n'était pas intéressée. Mme Smith a également appris plus tard de Mme Chalupa que celle-ci avait appelé une autre fois la fonctionnaire s'estimant lésée pour lui demander de reconsidérer sa décision. La fonctionnaire s'estimant lésée à répondu à Mme Chalupa qu'elle avait pris sa décision et qu'elle ne souhaitait pas en discuter davantage.

140 Ensuite, Mme Smith a été de nouveau sollicitée pour une question touchant la fonctionnaire s'estimant lésée lorsque M. Friedlaender a discuté avec Mme Smith de la description de travail de la fonctionnaire s'estimant lésée et a signalé que celle-ci avait le sentiment que ce document ne reflétait pas toutes les fonctions et les responsabilités de son poste. Mme Smith n'a pas participé à l'examen de classification qui a suivi, mais elle a eu une discussion avec M. Friedlaender, après l'approbation de la reclassification, durant laquelle celui-ci a exprimé des préoccupations concernant le comportement et le rendement au travail de la fonctionnaire s'estimant lésée. Ils ont parlé de la raison pour laquelle l'employeur devrait évaluer la fonctionnaire s'estimant lésée en se fondant sur l'énoncé de qualités du poste reclassifié plutôt qu'en tenant un concours. M. Friedlaender lui a fait part de sa préoccupation que la fonctionnaire s'estimant lésée ne convenait pas personnellement au poste. Mme Smith lui a dit qu'il devait préparer un rapport du jury de sélection pour justifier son évaluation.

141 Une fois que  M. Friedlaender a effectué son évaluation et a conclu que la fonctionnaire s'estimant lésée n'était pas qualifiée pour le poste ES-06 reclassifié, M. Friedlaender a demandé à Mme Smith quelles seraient les ramifications de cet avis. Mme Smith a consulté des experts à l'administration centrale, qui lui ont dit que la fonctionnaire s'estimant lésée serait déclarée excédentaire en vertu de la DRE et, qu'à ce titre, elle aurait droit aux avantages énoncés dans cette directive. Elle a informé M. Friedlaender de ce qu'elle avait appris.

142 Durant le contre-interrogatoire, Mme Smith a confirmé que le poste ES-06 de négociateur principal, Revendications territoriales, n'avait jamais été le poste d'attache de la fonctionnaire s'estimant lésée.

143 La fonctionnaire s'estimant lésée a renvoyé Mme Smith à l'évaluation du rendement effectué pour elle et datée du 26 juin 2002, où cette première était qualifiée de [traduction] « entièrement efficace » et décrite comme ayant [traduction] « fourni un solide leadership » dans son poste d'attache et comme ayant accepté des fonctions additionnelles dans le but de se perfectionner (pièce G-1, onglet 2). Mme Smith a indiqué qu'elle n'avait pas participé à cette évaluation du rendement. Elle a expliqué que c'était M. Friedlaender qui avait communiqué avec elle après le concours [traduction] « … pour faire quelque chose pour la [fonctionnaire s'estimant lésée] ».

144 La fonctionnaire s'estimant lésée a présenté à Mme Smith un courriel de Mme Ryan-McNee envoyé au Comité exécutif et daté du 2 février 2003, dans lequel était mentionnée sa participation à un [traduction] « projet d'apprentissage dynamique ». Après avoir déterminé que le témoin ne reconnaissait pas ce document, j'ai refusé qu'il soit admis comme une pièce. J'ai permis à la fonctionnaire s'estimant lésée de demander à Mme Smith si elle savait qu'elle avait mené à bien le programme en question. Mme Smith a répondu par la négative et a dit qu'elle n'avait pas été mise au courant.

145 La fonctionnaire s'estimant lésée a demandé à Mme Smith si elle se souvenait d'une réunion du personnel convoquée par M. Friedlaender aux alentours du 17 mars 2004, durant laquelle il a annoncé devant 14 personnes qu'il avait des préoccupations concernant le rendement de la fonctionnaire s'estimant lésée en tant que gestionnaire et qu'un un poste ES-06 n'était pas au menu pour elle. Mme Smith a répondu qu'elle avait été avec la fonctionnaire s'estimant lésée à la réunion du 17 mars 2004, mais ne se souvenait pas que M. Friedlaender ait fait la déclaration qui lui était attribuée par la fonctionnaire s'estimant lésée. Mme Smith se souvient que M. Friedlaender avait convoqué la réunion après que la fonctionnaire s'estimant lésée eut envoyé un courriel à tous les employés de la DEFPC (pièce G-51). Dans son courriel, la fonctionnaire s'estimant lésée informait ses collègues que l'employeur avait décidé qu'elle ne satisfaisait pas à toutes les qualifications du niveau ES-06 et la déclarerait excédentaire. Elle a demandé à ses collègues d'être patients avec elle à un moment difficile et a écrit, notamment, qu'elle était attristée par l'idée qu'elle serait obligée de quitter contre son gré le BFNT (pièce G-51).

146 Mme Smith a assisté à une réunion subséquente avec la fonctionnaire s'estimant lésée, M. Friedlaender et les représentants syndicaux Derek Brackley et Catherine O'Brien (cette dernière y assistant par téléphone). Mme Smith ne se rappelait pas quels documents l'employeur avait remis à la fonctionnaire s'estimant lésée lors de cette réunion. Elle ne se souvenait pas que M. Friedlaender aurait dit [traduction] « qu'il était mal à l'aise de travailler avec [la fonctionnaire s'estimant lésée] » comme l'a suggéré cette dernière, ou qu'on trouverait une affectation pour elle. Elle se souvenait que l'atmosphère qui régnait à la réunion était inconfortable. Elle a précisé qu'elle se souvenait que c'était la fonctionnaire s'estimant lésée qui avait proposé l'idée d'une affectation différente à M. Goldie, à plusieurs reprises après le rapport du jury de sélection.

[147] L'employeur n'a pas demandé à M. Friedlaender de témoigner à nouveau.

IX.    Arguments de la fonctionnaire s'estimant lésée

[148] En guise de conclusions finales, la fonctionnaire s'estimant lésée a lu un résumé de deux pages de son cas, ainsi que la majorité du contenu de notes d'allocution à espace simple de 78 pages. La fonctionnaire s'estimant lésée a accepté de partager ces documents avec l'employeur et avec moi-même, en tant qu'aide-mémoire devant nous permettre de rédiger nos propres notes. À ce titre, les documents ne font pas partie du dossier officiel de l'audience proprement dite, mais les parties conviennent qu'elles peuvent partir du principe que leur contenu entier a été lu à l'audience. Dans le présent résumé des arguments de la fonctionnaire s'estimant lésée ainsi que dans mes motifs de décision, j'ai eu l'occasion de décrire la position de la fonctionnaire s'estimant lésée, basée sur les extraits des documents tels que lus ou tels que réputés avoir été lus par la fonctionnaire s'estimant lésée.

[149] La fonctionnaire s'estimant lésée a également soumis un recueil de documents faisant autorité, constitué des 16 documents suivants : Schofield c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2002 CRTFP 47; Matthews c. Service canadien du renseignement de sécurité, dossier de la CRTFP no 166-20-27336 (1996); Oriji c. Canada (Procureur général), 2002 FCT 1151; Nicholson v. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police (1978), 88 D.L.R. (3d) 671; Mallett c. Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord), dossier de la CRTFP no 166-02-15344 et 15623 (1986); Deering c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP no 166-02-26518 (1996); Lo c. Conseil du Trésor (Secrétariat du Conseil du Trésor), dossier de la CRTFP no 166-02-27825 (1998); Steen c. Northern Canada Power Commission, dossier de la CRTFP no 166-10-4186 (1978); Laird c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP no 166-02-19981 (1990); Fortin c. Canada (Procureur général), 2003 FCA 376; Fortin c. Canada (Procureur général) 2003 FCT 51; Canada (Procureur général) c. Brault, [1987] 2 S.C.R. 489; Majdan, dossier de la CFP no 00-SVC-00080 (2000); Keating, dossier de la CFP no 99-NAR-00788 (1999); Storey, dossier de la CFP no 02-ENR-01524 (2003); le document du MAINC dans le domaine des ressources humaines intitulé « Components of Discipline » (Éléments de la discipline) et un extrait du Manuel des ressources humaines du MAINC intitulé « Discipline ».

[150] De l'avis de la fonctionnaire s'estimant lésée, elle doit montrer que ses arguments ont trait à une question sous le coup de l'alinéa 92(1)b) de la LRTFP. La norme de preuve à respecter par la fonctionnaire s'estimant lésée, comme l'appuie Schofield, est de fournir une preuve prima facie que son grief concerne une mesure disciplinaire entraînant une suspension ou une sanction pécuniaire et/ou une rétrogradation. La « preuve « prima facie » est définie comme suit :

[Traduction]

(Latin) Une présomption juridique qui signifie « de prime abord » ou « à première vue ». Les législateurs utiliseront souvent ce mécanisme pour établir que, si un certain nombre de faits sont prouvés, un autre fait est établi prima facie. Par exemple, la preuve de l'envoi d'une lettre est une preuve prima facie qu'elle a été reçue par la personne à qui elle était adressée et sera acceptée comme telle par un tribunal jusqu'à preuve du contraire. D'autres situations peuvent nécessiter une preuve prima facie avant que l'on puisse passer à une autre étape du processus judiciaire, de sorte qu'il faut à tout le moins prouver qu' à première vue, il semble y avoir une cause.

-Duhaime Law Dictionary

Terme latin qui signifie « à première vue » ou « à sa face même », et qui s'applique dans le contexte d'une action en justice ou d'une poursuite au criminel où la preuve fournie avant le procès est suffisante pour prouver le bien-fondé d'une cause, à moins que d'importantes preuves contraires soient présentées au procès.

- Law.com Dictionary

Prima Facie : signifie littérairement « à première vue », une expression latine servant à décrire une proposition qui, à moins qu'elle ne soit démentie, est acceptée comme valide.

- Jurist Canada, Université de Toronto

151 La preuve présentée à l'audience, examinée ensemble et comme un tout, révèle une série d'efforts faits par l'employeur pour déguiser une mesure disciplinaire. Le concept d'examiner « toute la preuve » a été appliqué dans l'affaire Matthews pour évaluer s'il s'agissait d'un cas de mesure disciplinaire déguisée :

La jurisprudence des arbitres de la présente Commission et de ses tribunaux de révision confirme la notion selon laquelle l'employeur ne peut pas, sous prétexte d'utiliser un moyen administratif comme un rejet en période de probation ou une mise en disponibilité, licencier un employé pour des motifs disciplinaires et, ainsi, priver un arbitre de compétence.

C'est précisément ce que l'employeur a tenté de faire en l'espèce. Au début, il n'a pas imposé de mesures disciplinaires au fonctionnaire s'estimant lésé, bien qu'il semble qu'il aurait été justifié de le faire. Il a choisi de ne pas s'attaquer aux faiblesses du fonctionnaire s'estimant lésé. Lorsque, un peu plus tard, l'employeur s'est retrouvé devant la perspective de devoir réduire ses effectifs, il a procédé à ce que l'on pourrait uniquement qualifier d'un semblant d'exercice OIM, qui a abouti à ce que l'employeur a appelé une mise en disponibilité. En fait, la décision de licencier le fonctionnaire s'estimant lésé avait déjà été prise. En me fondant sur toute la preuve, je conclus que l'employeur a agi de mauvaise foi en se débarrassant de façon arbitraire du fonctionnaire s'estimant lésé, sous prétexte d'une mise en disponibilité. En fait, on a licencié le fonctionnaire s'estimant lésé pour des motifs disciplinaires.

[Je souligne]

152 Le 30 octobre 2000, le Comité exécutif du bureau régional de la Colombie-Britannique du MAINC a approuvé une nouvelle structure organisationnelle pour la DEFPC (pièce G-24). Dans la proposition, on créait trois postes de gestion relevant du directeur. Dans le document qui décrivait la nouvelle structure, on notait ce qui suit :

[Traduction]

… la création de ces postes au niveau ES-06 offrira dans la région des possibilités accrues à des cadres supérieurs au rendement élevé d'acquérir de l'expérience en gestion, ce qui les aidera à se préparer à des postes de la haute direction.

153 L'employeur a donné suite à la proposition, comme en témoignait un organigramme daté du 2 septembre 2003, sauf que l'un des trois postes de gestion était classifié au niveau ES-05 (pièce G-1, onglet 21). L'employeur avait tenu un concours pour combler ce poste à la fin de 2000 (pièce G-28) et avait informé la fonctionnaire s'estimant lésée de sa nomination à ce poste à compter du 2 janvier 2001 (pièce E-1).

154 Immédiatement après qu'elle a été nommée au poste de conseillère principale, Opérations de parage des coûts, l'employeur lui a assigné toutes les fonctions de gestion intrinsèques des postes de gestion ES-06 à la DEFPC. L'augmentation des responsabilités de la fonctionnaire s'estimant lésée dès le départ est illustrée par les différences entre son plan de rendement du 28 juin 2001 et celui du 4 avril 2000 (pièces G-30 et G-23). À tout instant, la fonctionnaire s'estimant lésée a rempli les fonctions de gestion avec efficacité, de façon appropriée et avec minutie, comme en attestent, par exemple, des évaluations du rendement consécutives (pièce G-1, tab 2). La fonctionnaire s'estimant lésée a demandé et a accepté des possibilités de perfectionnement pour améliorer ses compétences professionnelles en tant que gestionnaire.

155 La fonctionnaire s'estimant lésée affirme que l'employeur, à toutes fins pratiques, l'a nommée au poste ES-06 lorsqu'elle a été nommée à son poste d'attache le 11 janvier 2001, lorsqu'il l'a évaluée sur la base de ses fonctions d'ES-06 accomplies sur plusieurs années et lorsqu'elle a été reconnue par l'employeur comme remplissant ses fonctions efficacement, de façon appropriée et avec minutie. L'employeur maintient de façon arbitraire que le poste de la fonctionnaire s'estimant lésé était classifié au niveau ES-05.

156 Pendant une longue période précédant les événements de juin 2002, M. Friedlaender a affiché une attitude hostile vis-à-vis de la fonctionnaire s'estimant lésée, amenant cette dernière, à plusieurs reprises, à lui faire part de ses préoccupations concernant son attitude et le traitement qu'il lui réservait (pièce G-1, onglet 13).

157 En juin 2002, M. Friedlaender a informé la fonctionnaire s'estimant lésée qu'elle-même et tous les autres candidats avaient échoué à un concours ouvert national pour le poste du groupe et du niveau ES-06 de négociateur principal, Revendications territoriales. L'employeur n'a fourni aucune rétroaction, ni de vive voix, ni par écrit, pour justifier les raisons de cette décision. Durant une conversation qui y faisait suite, Mme Chalupa, qui occupait le poste de directrice intérimaire, a dit à la fonctionnaire s'estimant lésée : [traduction] « Oh, il n'y a rien de particulier. Nous pensions simplement que vous n'étiez pas prête ». Immédiatement après le concours, M. Friedlaender a proposé à la fonctionnaire s'estimant lésée qu'elle occupe le poste vacant aux revendications territoriales comme occasion de se perfectionner pendant qu'il nommait un remplaçant dans son poste d'attache. La fonctionnaire s'estimant lésée, en ses propres mots :

 [Traduction]

… a examiné cette proposition dans le contexte plus vaste de l'hostilité et de l'intimidation affichées par M. Friedlaender, de son comportement étrange lorsqu'il lui a fait la proposition, refusant notamment de la regarder dans les yeux et dirigeant son regard en biais vers ses pieds, et de son refus de préciser clairement quels étaient ses projets, et n'a pas pu en arriver à une autre conclusion qu'il s'agissait d'une façon de se débarrasser d'elle, puisqu'elle s'attendait à ce qu'il n'y eût pas de poste pour elle lorsque la musique s'arrêterait.

Après avoir entendu cette proposition, la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé immédiatement aux Ressources humaines de mettre fin à sa rémunération d'intérim afin de protéger sa carrière et son moyen de subsistance.

158 Immédiatement après que la fonctionnaire s'estimant lésée a refusé de quitter son poste d'attache et a mis fin à son affectation intérimaire, M. Friedlaender a entrepris un remaniement de la description de travail du poste ES-05 de la fonctionnaire s'estimant lésée (pièce G-38). Pendant que M. Friedlaender était en congé de maladie prolongé, M. McKenney, avec qui la fonctionnaire s'estimant lésée entretenait une excellente relation, a fait en sorte que le processus de remaniement aille de l'avant. Lorsque M. Friedlaender est revenu, il a continué à avoir une attitude empreinte d'hostilité vis-à-vis de la fonctionnaire s'estimant lésée, pour reprendre ses propos,

[Traduction]

… en poursuivant sa tendance de longue date à formuler des exigences déraisonnables, en essayant de lui refuser les congés qu'elle demandait, en alourdissant à excès la charge de travail de la fonctionnaire s'estimant lésée et en appliquant une norme de rendement absolue à elle sans l'appliquer à d'autres.

159 La fonctionnaire s'estimant lésée a passé en revue divers événements mentionnés dans son témoignage qui, selon elle, attestaient de l'hostilité dont M. Friedlaender faisait preuve à son égard. À titre d'exemple, la fonctionnaire s'estimant lésée a parlé des commentaires inclus par M. Friedlaender dans son évaluation du rendement pour 2003-2003 [sic] selon lesquels [traduction] « … Karen a été assez imprévisible dans ses réactions vis-à-vis de difficultés perçues au travail… À certains moments, ses gestes ont causé de la tension au travail… » (pièce G-1, onglet 2). La fonctionnaire s'estimant lésée, dans son argumentation, a décrit ce qui se produit ensuite :

[Traduction]

M. Friedlaender est entré dans le bureau de la fonctionnaire s'estimant lésée et, sans la référer au paragraphe qu'il avait ajouté et tout en faisant une démonstration de force physique et institutionnelle, l'a forcée à signer l'examen de rendement. Sous l'effet de l'intimidation, elle a été forcée de signer l'examen de rendement sur-le-champ et avait peur de demander à obtenir des éclaircissements concernant le dernier paragraphe.

160 La fonctionnaire s'estimant lésée a rencontré M. Friedlaender le 16 septembre 2003. Lors de cette réunion, M. Friedlaender l'a attaquée en tant que personne et professionnelle en lui lisant à voix haute, avec froideur et de façon calculée, un texte préparé qui renfermait des allégations inattendues et injustifiées au sujet de sa conduite. Lorsqu'elle lui demandé sur quelle norme il se basait pour l'évaluer, M. Friedlaender a répondu avec arrogance [traduction] « … sur ma norme pour les gestionnaires ». La fonctionnaire s'estimant lésée a décrit cette rencontre de vive voix comme un [traduction] « … discours disciplinaire tout à fait inattendu et injustifié ». M. Friedlaender a allégué de nombreuses infractions disciplinaires, sans tenir compte des faits. L'une des allégations disciplinaires était que la fonctionnaire s'estimant lésée avait approuvé une demande de semaine de travail comprimé d'un employé, comme si cela était une preuve de mauvaise gestion de la part de la fonctionnaire s'estimant lésée.

161 Le discours de M. Friedlaender était contraire à la politique d'examen du rendement des employés de l'employeur et contraire à la justice naturelle. Ses actions enfreignaient les principes du droit administratif, et particulièrement le droit d'un fonctionnaire s'estimant lésé d'être entendu, tel qu'énoncé dans Nicholson. Il a également fait preuve de mauvaise foi en ce sens qu'il avait déjà décidé de se débarrasser de la fonctionnaire s'estimant lésée dans son organisation. Le but de la réunion disciplinaire du 16 septembre 2003 était de créer un incident sur lequel M. Friedlaender pourrait s'appuyer, et sur lequel il s'est appuyé, lorsque plus tard il a tenté de déclarer excédentaire la fonctionnaire s'estimant lésée.

162 M. Friedlaender a également enfreint les politiques et les lignes directrices de l'employeur lorsqu'il a ensuite repoussé la demande d'une description complète et à jour de la fonctionnaire s'estimant lésée (pièce E-8).

163 La note versée par M. Friedlaender au sujet de la rencontre du 16 septembre 2003 cache son intention réelle d'imposer une mesure disciplinaire à la fonctionnaire s'estimant lésée et tente de faire paraître son comportement sous le meilleur jour possible.

164 Puis, l'employeur a amorcé un processus accéléré en dehors du calendrier d'examen cyclique pour déclarer excédentaire la fonctionnaire s'estimant lésée au moyen du processus de reclassification. Le 7 octobre 2003, cette dernière a demandé à M. Friedlaender une clarification des étapes futures de reclassification (pièce G-1, onglet 8), mais il n'a pas répondu.

165 En décembre 2003, l'employeur a tenté de faire participer la fonctionnaire s'estimant lésée à un processus de médiation officiel. L'employeur a essayé d'intimider la fonctionnaire s'estimant lésée et de la forcer à signer une entente de médiation qui, selon elle, l'aurait obligé à renoncer à son droit de déposer des griefs à l'avenir. La fonctionnaire s'estimant lésée a refusé de signer, mais a fait savoir à l'employeur qu'elle était disposée à avoir une discussion officieuse avec médiateur, sans une entente signée. L'employeur n'était pas prêt à fournir ce service. Le 20 décembre 2003, la fonctionnaire s'estimant lésée a reçu un courriel de la médiatrice retenue (pièce G-50). La fonctionnaire s'estimant lésée était alarmée par le fait que la médiatrice n'hésitait pas à l'intimider et à révéler clairement de quel côté elle était.

166 La proposition de reclassifier le poste de la fonctionnaire s'estimant lésée avait été approuvée par le Comité exécutif le 14 avril 2003, et la date d'entrée en vigueur de la reclassification était le 1er août 2002 (pièce G-44). Or, M. Friedlaender a annulé arbitrairement la date d'entrée en vigueur et la proposition de rémunération rétroactive et a soumis une version modifiée de la proposition au Comité exécutif régional. La proposition modifiée changeait la date d'entrée en vigueur de la reclassification à une date indéterminée. Cela montre que M. Friedlaender n'avait pas l'intention de reclassifier le poste pendant que la fonctionnaire s'estimant lésée l'occupait toujours. Essentiellement, il avait l'intention de se débarrasser de la fonctionnaire s'estimant lésée sous le couvert d'une mesure de remaniement des effectifs, avant l'entrée en vigueur de la reclassification. Le fait que la reclassification s'est faite en l'absence d'une vérification sur place est une autre indication que l'employeur avait déjà pris sa décision en novembre/décembre 2003 que la fonctionnaire s'estimant lésée ne serait pas nommée à son poste reclassifié.

167 À cause du gel de trois mois des reclassifications, M. Friedlaender n'a pas pu donner suite pendant un certain temps à sa décision de déclarer excédentaire la fonctionnaire s'estimant lésée. Durant les mois de janvier et de février 2004, il a appelé la fonctionnaire s'estimant lésée à son bureau pour y avoir une série de rencontres avec elle, ce qui l'a intimidé davantage. Après chaque réunion, M. Friedlaender a versé au dossier une note favorable à son propre égard décrivant sa version des affirmations faites (pièces G-17 et G-18). Dès la fin du gel, M. Friedlaender était prêt à appliquer sa stratégie.

168 Le 24 mars 2004, il y a eu une réunion entre l'employeur, la fonctionnaire s'estimant lésée et ses représentants syndicaux. L'employeur a informé la fonctionnaire s'estimant lésée qu'elle ne remplissait pas ses fonctions de manière satisfaisante et que le MAINC prenait les mesures nécessaires pour la déclarer excédentaire. Les représentants syndicaux ont demandé à obtenir une évaluation justifiant cette décision et l'employeur a promis de la leur fournir dès qu'elle serait terminée. Six mois après qu'il avait décidé de ne pas nommer la fonctionnaire s'estimant lésée à son poste reclassifié, M. Friedlaender a finalement fait l'évaluation. M. Goldie a écrit à la fonctionnaire s'estimant lésée pour confirmer l'intention de l'employeur de la déclarer excédentaire (pièce G-2) et y a joint l'évaluation de M. Friedlaender, qui se présentait sous la forme du rapport du jury de sélection en date du 8 avril 2004 (pièce G-1, onglet 1).

169 Les tactiques de l'employeur étaient maintenant claires : faire de sérieuses allégations à caractère disciplinaire à l'encontre de la fonctionnaire s'estimant lésée dans un discours à la réunion de septembre 2003, ne pas réagir à la requête de la fonctionnaire s'estimant lésée demandant la possibilité de réfuter les allégations faites à cette occasion ou, à tout le moins, ne pas lui permettre de fournir son point de vue au sujet des allégations; ne pas procéder à une évaluation annuelle du rendement pour 2003-2004, puisque cela fournirait l'occasion à la fonctionnaire s'estimant lésé de répondre aux allégations; se débarrasser de la fonctionnaire s'estimant lésée en appliquant une tactique consistant à la déclarer « excédentaire », tactique déjà évidente en octobre 2002, en reclassifiant son poste du niveau ES-05 au niveau ES-06, et la déclarer excédentaire par rapport aux besoins à cause d'un rendement insuffisant; nommer M. Friedlaender comme seul membre du jury de sélection; formuler des allégations disciplinaires dans le rapport du jury de sélection; faire fi de toutes les directives et politiques ministérielles et du Conseil du Trésor offrant des recours à la fonctionnaire s'estimant lésée et ne pas respecter l'exigence consistant à effectuer un examen annuel en 2004, ni les diverses exigences à satisfaire lorsque des allégations disciplinaires sont formulées, et ni la politique régissant l'établissement des dates d'entrée en vigueur dans le cadre de la reclassification d'un poste.

170 La fonctionnaire s'estimant lésée a formulé et déposé un certain nombre de griefs, dont l'un contestait, par l'intermédiaire du processus de règlement des griefs du CNM, la décision de la direction de la déclarer excédentaire comme étant contraire à la DRE. Dans sa décision concernant ce grief, l'employeur a conclu qu'il n'y avait pas une situation visée par la DRE et a confirmé que M. Goldie annulerait la lettre qualifiant la fonctionnaire s'estimant lésée d'« employée touchée» (piège G-3), de même que les mesures prises subséquemment par M. Goldie  (pièce E-18). Toutefois, l'employeur a omis expressément d'annuler la lettre de M. Goldie du 8 avril 2004, qui a été jointe au rapport du jury de sélection dressé par M. Friedlaender.

171 Suite à la décision rendue le 9 décembre 2004 par le CNM en réponse au grief, la fonctionnaire s'estimant lésée a écrit à M. Goldie le 24 janvier 2005 pour lui demander qu'il annule la lettre du 8 avril 2004 et inverse les conséquences qui en découlaient (pièce G-19). La réponse de l'employeur, datée du 16 février 2005, précisait que la direction avait l'intention de rétablir une description de travail générique pour le poste de la fonctionnaire s'estimant lésée au sein de l'équipe de partage des coûts et de la soumettre aux fins de classification de ce poste (pièce G-20). La fonctionnaire s'estimant lésée a interprété cette lettre et des conversations qu'elles avaient eues avec la direction comme signifiant qu'on s'attendait à ce qu'elle quitte son poste d'attache maintenant de plein gré, et que la mesure qui l'aurait déclaré excédentaire avait échoué. Cette mesure, aux yeux de la fonctionnaire s'estimant lésée, lui fournissait [traduction]  « une opportunité » où il n'y avait pas de poste, de description de travail, de niveau d'établi, de financement, de droits ou d'avenir. Lorsqu'elle a refusé, l'employeur l'a avisée qu'il reclassifiait son poste et qu'il l'a rétrogradait au niveau ES-05.

172 Dans un autre grief déposé par la fonctionnaire s'estimant lésée en avril 2004, elle contestait la date d'entrée en vigueur de la reclassification du 11 mars 2004 que M. Friedlaender avait substitué à celle prévue dans la proposition antérieure, où elle était fixée au 1er août 2002. Sur ce point, la décision rendue le 12 septembre 2004 en réponse à ce grief précisait que la fonctionnaire s'estimant lésée était admissible à la rémunération du groupe et du niveau ES-06 pour la période allant du 1er août 2002 jusqu'au 22 avril 2004 (pièce G-8). Pour arriver à cette conclusion, le décideur aurait dû avoir été convaincu que les fonctions ES-06 avaient été assignées officiellement à la fonctionnaire s'estimant lésée, et que celle-ci avait satisfait à la norme de rendement exigée dans l'exécution des fonctions intrinsèques de son poste.

173 Jusqu'à présent, l'employeur a refusé de reconnaître l'essence de la décision rendue à la suite du grief présenté au CNM et de la décision accordant à la fonctionnaire s'estimant lésée la rémunération dans le groupe et au niveau ES-06. Même si dans la première décision il était précisé que la fonctionnaire s'estimant lésée n'était plus une « employée touchée », l'employeur n'a rien fait pour rétablir les conditions qui existaient avant la lettre de M. Goldie datée du 8 avril 2004. La décision concernant le deuxième grief au sujet de la rémunération au niveau ES-06 a été rendue avant la décision concernant le grief déposé au CNM, et reposait à tort sur les mesures prises par M. Friedlaender à la suite de l'établissement du rapport du jury de sélection pour mettre fin à la rémunération de la fonctionnaire s'estimant lésée au niveau ES-06 le 22 avril 2004. L'omission subséquente de l'employeur d'appliquer la décision rendue à la suite du grief et d'annuler la date erronée du 22 avril 2004 en tant que date à laquelle se terminait la rémunération au niveau ES-06 constitue une sanction pécuniaire.

174 La rémunération au niveau ES-06 aurait continué si l'employeur n'avait pas réassigné les fonctions de la fonctionnaire s'estimant lésée à M. Greer. M. Friedlaender s'est fondé sur ses allégations faites dans le rapport du jury de sélection selon lesquelles le rendement de la fonctionnaire s'estimant lésée n'était pas satisfaisant pour retirer à cette dernière les fonctions qu'elle accomplissait dans son poste. Cette action constitue une mesure disciplinaire.

175 L'employeur a avisé officiellement la fonctionnaire s'estimant lésée de sa rétrogradation dans la lettre de Mme McKay du 18 avril 2005 (pièce G-7). La reclassification de la fonctionnaire s'estimant lésée au niveau ES-05 à ce moment-là permet d'en tirer une conclusion raisonnable, à savoir que jusqu'à cette date, elle faisait partie du groupe et du niveau ES-06. Malgré cette conclusion raisonnable, la fonctionnaire s'estimant lésée ne touchait pas une rémunération qui y correspondait. Sa rémunération dans le groupe et au niveau ES-06 a pris fin un an plus tôt, soit le 22 avril 2004. Il s'agit d'une sanction pécuniaire, avant la rétrogradation. L'employeur a remplacé la description de travail ES-06 de la fonctionnaire s'estimant lésée par une description de travail générique au niveau ES-05, en se fondant sur les allégations de M. Friedlaender qui figuraient dans le rapport du jury de sélection d'avril 2004. Il s'agit d'une mesure disciplinaire déguisée entraînant une sanction pécuniaire et une rétrogradation disciplinaire.

176 La fonctionnaire s'estimant lésée affirme qu'il y a et qu'il peut y avoir des conséquences financières considérables et négatives à cause du refus de l'employeur d'annuler la lettre du 8 avril 2004, comme l'exigeait expressément la décision rendue à la suite du grief déposé au CNM. Si elle n'est pas annulée, la lettre continue d'avoir un effet juridique. Par effet juridique, elle entend que l'instrument qui a été utilisé pour la déclarer excédentaire - le rapport du jury de sélection, joint à la lettre et sur lequel celle-ci se fondait - continue d'avoir un effet juridique.

177 Les mesures de l'employeur ont eu les effets néfastes suivants, décrits comme suit par la fonctionnaire s'estimant lésée :

[Traduction]

La fonctionnaire s'estimant lésée a été rétrogradée du niveau ES-06 au niveau ES-05, principalement suite à des allégations que des fautes disciplinaires auraient été commises, mais cette rétrogradation est invalide parce qu'on n'a pas suivi les procédures adéquates.

À cause de cela, depuis le 22 avril 2004, la rémunération de la fonctionnaire s'estimant lésée a été réduite à celle du niveau ES-05, alors qu'avant elle était au niveau ES-06.

La lettre du 8 avril 2004 et la pièce jointe - le rapport du jury de sélection renfermant des allégations de fautes disciplinaires sur lesquelles la lettre se fondait - demeurent en vigueur. La fonctionnaire s'estimant lésée affirme que l'effet continu de la lettre et du rapport de jury de sélection peut nuire à ses possibilités d'emploi futures. Cela équivaut à une probabilité raisonnable [sic] qu'une sanction financière sera ou est causée.

178 L'employeur fait valoir que le MAINC n'a jamais établi un document intitulé « Offre d'emploi de Karen Peters, au niveau ES-06 » et que, par conséquent, la fonctionnaire s'estimant lésée n'a jamais été nommée au niveau ES-06. Cela signifie que l'employeur tente de se fonder sur sa propre négligence à remplir les documents administratifs standard, qui auraient assuré la rémunération appropriée de la fonctionnaire s'estimant lésée. Or, la décision rendue par la Cour fédérale dans Oriji affirme le contraire. Dans l'affaire Oriji, la Cour a infirmé une décision en vertu de l'article 22 de la LEFP d'un agente d'enquête qui avait conclu incorrectement qu'un document doit exister pour qu'une offre d'emploi soit exécutoire. Voici ce qu'affirme la décision :

14 L'article 22 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique qui est ci-dessus cité prévoit que toute nomination effectuée en vertu de cette Loi ne prend effet qu'à la date fixée dans l'acte de nomination. Il précise ensuite que la date est fixée indépendamment de la date de l'acte même. Par conséquent, une nomination peut avoir été acceptée et il peut y avoir été donné suite pendant une période illimitée avant que l'acte de nomination soit délivré. Cela étant, je suis convaincu qu'il est abusif pour l'agente d'enquête de conclure [traduction] qu'«il doit exister un document pour qu'une offre d'emploi ou une nomination soit exécutoire» [soulignement ajouté]. C'est en fait conclure que l'emploi qui a commencé à être exercé avec le consentement de l'employeur et celui de l'employé pourrait bien ne pas être un emploi valide parce que, selon l'argument qui est soumis, aucune offre d'emploi valide n'a été faite et acceptée.

15 Je conclus que la seule interprétation juridique raisonnable de l'article 22 est qu'il y est uniquement question de la «date de prise d'effet» d'un emploi plutôt que de la force exécutoire d'une entente relative à l'emploi fondée sur une offre, verbale ou écrite, qui a été acceptée et, en particulier mais non exclusivement, d'un emploi qui a commencé à être exercé lorsqu'il y a eu pareille offre et acceptation valides. Je conclus que l'agente d'enquête a commis une erreur de droit en arrivant à la décision ici en cause.

[Le passage en gras a été souligné par la fonctionnaire s'estimant lésée]

179 La logique que l'on trouve dans la décision à l'issue de l'affaire Oriji s'applique à la fonctionnaire s'estimant lésée. Il serait tout aussi malhonnête pour l'employeur de ne pas reconnaître la réalité, à savoir que la fonctionnaire s'estimant lésée a travaillé pendant plusieurs années dans un poste ES-06 et qu'elle a bien accompli toutes les fonctions qui s'y rattachent, simplement parce que l'employeur n'a pas établi de document de nomination officiel.

180 Une approche similaire a été suivie dans Storey, où l'arbitre a statué ce qui suit :

… peu importe les intentions du ministère, Mme Duquette a exercé de nouvelles fonctions importantes pendant une période qui devait durer environ quinze mois et demi, ce qui constituait une nomination. Mme Storey avait un droit d'appel correspondant, qu'elle a effectivement exercé.

La fonctionnaire s'estimant lésée a fait valoir que tout comme la fonctionnaire s'estimant lésée dans Storey, elle avait assumé des fonctions importantes (dans son cas, au 1er janvier 2001) pour une période indéterminée. Et tout comme la fonctionnaire s'estimant lésée dans Storey, elle devrait être considérée comme ayant été nommée à cette date.

181 Tout en suivant le raisonnement adopté dans Oriji, l'échange de courriels entre M. McKenney et Mme Smith et la décision du Comité exécutif du 14 avril 2003 répondent à toutes les exigences d'un instrument de nomination (pièces G-43 et G-44). Que le MAINC ait omis d'établir les écrits administratifs appropriés, ce qui aurait rémunéré la fonctionnaire s'estimant lésée au niveau approprié, est une indication de mauvaise foi et non pas une indication que la fonctionnaire s'estimant lésée n'avait pas été nommée officiellement au niveau ES-06.

182 La décision rendue le 12 septembre 2004 en réponse au grief soumis à l'employeur (pièce G-8) constitue la troisième confirmation écrite de la date d'entrée en vigueur de la nomination de la fonctionnaire s'estimant lésée au niveau ES-06 et représente un instrument de nomination à ce niveau.

183 Quand M. Friedlaender a évalué la fonctionnaire s'estimant lésée par rapport à l'énoncé de qualités pour son poste reclassifié en 2004, il a déclaré qu'elle n'était pas qualifiée. Cette évaluation va à l'encontre de toutes les autres indications selon laquelle le rendement de la fonctionnaire s'estimant lésée était satisfaisant au niveau ES-06, et contredit les documents du gouvernement qui montrent que, à tous moments, la fonctionnaire s'estimant lésée remplissait ses fonctions efficacement, de façon appropriée et minutieuse, à partir du moment où elle a été nommée à ses fonctions de gestion jusqu'au moment où elles lui ont été retirées. L'évaluation de M. Friedlaender est également contraire à la reclassification proprement dite, qui sous-entend que le rendement est satisfaisant. Comme on peut le lire dans Majdan :

… aucun gestionnaire n'allait recommander la reclassification d'un poste si le titulaire n'avait pas au moins un rendement satisfaisant à ce poste et s'il n'était pas prêt à leur accorder cette promotion si le poste était reclassifié. Dans ces cas, il n'y a aucun risque pour l'intérêt public tandis qu'il y en aurait si le gestionnaire ne pouvait pas accorder une promotion au titulaire d'un poste reclassifié….. Il n'aurait simplement pas été sensé, ou cela n'aurait servi aucun objectif légitime, d'exiger une qualité discrétionnaire que la titulaire du poste n'avait pas. Comment pouvait-elle ne pas être qualifiée pour continuer de remplir au niveau AR-6 les fonctions du poste qu'elle remplissait depuis des années au niveau AR-5?.

Il s'agissait exactement des circonstances auxquelles faisait face la fonctionnaire s'estimant lésée.

184 La décision de l'arbitre dans l'affaire Guertin c. Conseil du Trésor, dossier de la Commission no 166-02-36 (1968), définit une faute disciplinaire comme suit :

Tout manquement aux obligations professionnelles du travailleur dans l'exécution de son obligation de faire, plus généralement, tout trouble apporté par lui au bon fonctionnement de l'entreprise, peut être qualifié de faute disciplinaire, qu'il s'agisse par exemple de retards, d'absences injustifiées, de manquement aux règles de sécurité, d'hygiène, d'insubordination, d'incorrection, de négligence ou d'actes déloyaux.

[Mots soulignés par la fonctionnaire s'estimant lésée]

185 Le rapport du jury de sélection contient de nombreuses allégations qui, si elles étaient prouvées, constitueraient des « fautes disciplinaires » au sens proposé dans l'affaire Guertin.

186 Dans le rapport du jury de sélection, l'employeur accuse essentiellement la fonctionnaire s'estimant lésée de causer des troubles au bureau. On y lit ce qui suit :

[Traduction]

… Mme Peters a fini par mettre fin à toute communication avec cet employé [M. Hornburg], et a indiqué qu'elle n'était pas disposée à participer à de la médiation pour améliorer la relation. L'employé a finalement décidé de quitter le ministère en grande partie à cause de la relation intenable avec Mme Peters.

La fonctionnaire s'estimant lésée affirme qu'il s'agit d'une accusation selon laquelle elle aurait causé des troubles tellement extrêmes qu'un employé aurait trouvé la situation insupportable et aurait jugé qu'il était nécessaire de quitter.

187 La fonctionnaire s'estimant lésée est d'avis que le rapport du jury de sélection allègue qu'elle n'a fait aucune tentative pour gérer une situation liée au rendement et pour rencontrer un employé afin de parler avec lui de problèmes de rendement, en dépit d'offres d'aide venant de la direction. Ici, l'employeur tente de donner l'impression que la fonctionnaire s'estimant lésée était peu disposée à obtempérer, ce qui constitue une allégation d'insubordination.

188 La fonctionnaire s'estimant lésée fait valoir également que le rapport du jury de sélection renferme une grave critique selon laquelle elle aurait fait preuve d'inconduite négligente et qu'elle aurait refusé délibérément de suivre les processus requis lorsqu'elle aurait, selon lui, omis de se préparer à l'arrivée et à l'orientation d'un nouvel employé et d'effectuer des évaluations du rendement d'un employé.

189 La fonctionnaire s'estimant lésée affirme que le rapport du jury de sélection allègue qu'elle aurait commis un acte déloyal en refusant en 2002 de participer à l'établissement d'un plan de perfectionnement qui aurait inclus de la formation en gestion et un encadrement. L'employeur allègue essentiellement que la fonctionnaire s'estimant lésée a refusé de faire preuve de collégialité.

190 Elle fait valoir, par ailleurs, que le rapport du jury de sélection allègue une absence injustifiée de sa part lorsqu'elle s'est absentée soudainement du travail à compter d'octobre 2003 sans tenir compte, de façon responsable, des besoins opérationnels de l'employeur. Ces affirmations sont très réprobatrices et constituent de la rhétorique inflammatoire.

191 La fonctionnaire s'estimant lésée réfute toutes les allégations faites dans le rapport du jury de sélection selon lesquelles elle aurait commis des fautes disciplinaires et a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

… il n'est pas nécessaire pour la fonctionnaire s'estimant lésée de montrer que l'employeur a eu tort lorsqu'il a formulé les fautes disciplinaires particulières. Au lieu de cela, la fonctionnaire s'estimant lésée doit démontrer prima facie que l'employeur avait pris une mesure disciplinaire en réponse à une quelconque lacune alléguée. Si elle réussit à le faire, elle satisfait à la condition selon laquelle il faut établir qu'il y a eu une « mesure disciplinaire » en vertu du sous alinéa 92(1)b)(i). La fonctionnaire s'estimant lésée soutient respectueusement qu'elle a démontré prima facie (et davantage) l'existence de cette condition.

192 En l'espèce, la mesure disciplinaire déguisée imposée par l'employeur est analogue à la double stratégie de l'employeur décrite dans la décision de l'arbitre dans Mallett. Dans le cas de la fonctionnaire s'estimant lésée, l'employeur a d'abord essayé de la déclarer excédentaire, mais cette tentative a échoué après que la fonctionnaire s'estimant lésée a obtenu gain de cause à son grief déposé au CNM. Elle croyait à raison que l'annulation de la lettre du 8 avril 2004, comme l'exigeait la décision rendue à la suite du grief, mettrait fin à la question, mais l'employeur n'a pas annulé la lettre et a appliqué d'autres tactiques, en s'appuyant sur le rapport du jury de sélection qui continuait d'avoir des effets néfastes, ce qui a entraîné et pouvait entraîner une sanction pécuniaire et une rétrogradation.

193 D'après la fonctionnaire s'estimant lésée, la décision dans l'affaire Steen a mis en lumière une double stratégie similaire de l'employeur pour congédier l'employé dont il était question. Dans Steen, l'arbitre a examiné l'ensemble des tactiques de l'employeur et a décidé à la page 39 :

… l'idée de se débarrasser de M. Doug Steen venait de M. Williams. Et c'est à M. Long qu'est revenue la tâche de réaliser ce souhait, en faisant de son mieux. M. Long ne s'en est toutefois pas très bien tiré, de sorte que M. Gordon Boddez a pris sur lui de « camoufler » la chose en déclarant le poste de M. Steen excédentaire et en lui accordant trois mois de salaire à titre de compensation. La présumée mise en disponibilité de M. Steen, ouvre de M. Boddez, n'est en fait rien d'autre que cela, une présumée mise en disponibilité. Abstraction faite des considérations subjectives défavorables à M. Doug Steen, il n'y avait aucune raison valable ni véritable pour mettre en disponibilité le chef du département de la planification et du développement le 13 septembre 1976, ni même aucun membre du personnel. La présumée mise en disponibilité était en fait une mesure disciplinaire camouflée en mise en disponibilité…..L'employeur n'a fourni aucun motif juste ou valable à l'appui du congédiement.

[Je souligne]

En l'espèce, il n'y a pas eu congédiement, mais la sanction était une rétrogradation et une sanction pécuniaire. Juridiquement, un congédiement est identique à une rétrogradation et à une sanction pécuniaire en vertu de l'article 91 de la LRTFP.

194 L'affaire Lo en est une autre où la décision a fait état de nombreux cas où l'employeur avait tenté de déguiser de la mesure disciplinaire dans des circonstances qui ressemblaient beaucoup à celles en l'espèce. La fonctionnaire s'estimant lésée a décrit les circonstances qui, dans son cas, se comparent à des faits examinés dans Lo, où l'arbitre est arrivé à la conclusion suivante :

La preuve abondante a clairement démontré que la fonctionnaire n'a pas été déclarée excédentaire de la façon dont on procède habituellement dans les cas de déclaration d'excédentaire ou de mise en disponibilité et que les dispositions de la LEFP, du REFP et des politiques relatives au réaménagement des effectifs n'ont pas été respectées. Je suis d'avis qu'il s'agit d'un cas de mesure disciplinaire déguisée et certainement de mauvaise foi.

Par conséquent, je me déclare compétent en l'espèce pour instruire l'affaire aux termes de l'alinéa 92(1)b) de la LRTFP et je traiterai cette mesure comme une mesure disciplinaire équivalant à un licenciement pour un motif valable.

La fonctionnaire s'estimant lésée affirme que, étant donné les similarités entre son cas et la situation décrite dans l'affaire Lo, son cas également [traduction] « … n'a pas été géré en conformité avec la LEFP, le REFP et les politiques sur le réaménagement des effectifs …. » et que [traduction] « … cette situation est une mesure disciplinaire camouflée et on a certainement agi de mauvaise foi ».

195 La fonctionnaire s'estimant lésée a parlé du rôle que joue la mauvaise foi dans les arbitrages en vertu de la LRTFP et a décrit les différentes façons dont l'employeur avait manifesté de la mauvaise foi dans le traitement qu'il lui avait réservé. La fonctionnaire s'estimant lésée, dans ses dépositions verbales, m'a renvoyé à la définition suivante :

[Traduction]

L'expression « mauvaise foi » d'après Black's Law Dictionary (6e édition) (West, St. Paul. Minnesota, 1990), signifie, entre autres choses, « l'opposé de bonne foi », « l'intention d'induire en erreur ou de tromper une autre personne », « le refus d'accomplir un quelconque devoir ou une autre obligation contractuelle », « ne résulte pas d'une erreur honnête quant à ses droits ou obligations, mais est motivé plutôt par un quelconque motif intéressé ou sinistre », « le fait de sciemment poser un geste répréhensible dans un dessein malhonnête ou par manque de moralité » et « un état d'esprit où la personne agit consciemment en cachant ses motifs ou en faisant preuve de mauvaise volonté ».

196 La fonctionnaire s'estimant lésée fait valoir que l'employeur a témoigné de mauvaise foi dans les situations où il a agi de la manière suivante : lorsqu'il n'a pas appliqué la décision du CNM, a transféré la fonctionnaire s'estimant lésée à un poste ES-05, même après la décision rendue en réponse au grief déposé au CNM, a tenté d'établir une distinction entre les énoncés de qualités des postes ES-05 et ES-06, a contourné les exigences relatives à l'examen annuel du rendement, a choisi lui-même la date d'entrée en vigueur de la reclassification et, comme elle l'a décrit, [traduction] « a donné son discours en septembre 2003 ».

197 La fonctionnaire s'estimant lésée a également parlé de ce qui, d'après elle, constitue de graves vices de procédure et de fond dans le rapport du jury de sélection. En ce qui concerne les vices de procédure, elle soutient qu'il y a un risque raisonnable de partialité dans les circonstances en l'espèce, comme en témoignaient premièrement l'attitude hostile antérieure de M. Friedlaender vis-à-vis d'elle et, deuxièmement, le fait qu'il avait déjà pris sa décision même avant de rédiger le rapport du jury de sélection. Un autre vice de procédure est que l'employeur a omis de fournir à la fonctionnaire s'estimant lésée l'occasion de répondre au « discours » de septembre 2003 où il a fait des allégations disciplinaires, ou au rapport du jury de sélection, où des allégations disciplinaires ont servi de fondement à la décision selon laquelle la fonctionnaire s'estimant lésée n'était pas compétente lorsqu'elle a été évaluée par rapport à l'énoncé de qualités du poste ES-06.

198 En ce qui touche les vices de fond, la fonctionnaire s'estimant lésée affirme que le rapport du jury de sélection ne satisfait pas aux exigences de l'employeur relativement au traitement des questions disciplinaires ou à la conduite des examens annuels du rendement. Ce document renferme des allégations qui sont contredites par des preuves venant des sources de l'employeur. Des exemples d'allégations démenties ainsi sont que la fonctionnaire s'estimant lésée n'aurait pas effectué une évaluation de rendement pour un employé, qu'elle n'aurait pas rencontré l'employé, qu'elle n'aurait pas accepté l'offre de suivre une formation en gestion et qu'elle n'aurait pas essayé de fournir au directeur un compte rendu faisant le point sur un projet hautement prioritaire [traduction] « … avant que le médecin lui ordonne de faire le nécessaire pour ne plus être exposée à l'intimidation constante de M. Friedlaender à l'automne 2003 ».

199 Un grand nombre des affirmations faites dans le rapport du jury de sélection, par ailleurs, sont décrites comme des insinuations ambiguës et subjectives. Des exemples fournis à cet égard par la fonctionnaire s'estimant lésée incluent les suivantes : [traduction] « elle n'a fait aucune tentative de gérer la situation [concernant un employé présentant des problèmes] », Mme Peters a cessé toute communication avec cet employé », « [la fonctionnaire s'estimant lésée] a indiqué qu'elle n'était pas prête à participer à de la médiation pour améliorer la relation », « [la fonctionnaire s'estimant lésée] s'est absentée du travail … au bout du compte pour des raisons de santé », « malgré plusieurs tentatives faites pour l'encourager à reconsidérer sa décision, elle … restait ferme dans son refus  [de dresser un plan de perfectionnement], » et « [la fonctionnaire s'estimant lésée] a eu un comportement capricieux par moments ».

200 Dans la décision rendue dans l'affaire Deering, l'arbitre a décidé qu'une évaluation doit être de bonne foi et raisonnable. La preuve présentée par la fonctionnaire s'estimant lésée montre qu'en plus de constituer une mesure disciplinaire déguisée, il est manifeste que la façon dont a été dressé le rapport du jury de sélection et dont a été menée la réunion de septembre 2003 avec M. Friedlaender étaient déraisonnables.

201 La fonctionnaire s'estimant lésée a conclu ses dépositions en fournissant des réponses à plusieurs des arguments avancés par l'employeur.

202 La distinction faite par l'employeur entre l'«appartenance » ou l'« occupation » d'un poste n'est pas pertinente et n'influe aucunement sur la question au cour de l'affaire, soit la question de savoir si l'employeur a pris une mesure disciplinaire déguisée qui a eu pour effet de rétrograder la fonctionnaire s'estimant lésée ou de lui imposer une sanction pécuniaire.

203 La mention faite par l'employeur de « licenciement déguisé » n'est pas pertinente. La fonctionnaire s'estimant lésée n'allègue pas qu'il y a eu licenciement déguisé.

204 Les arguments concernant le « principe du mérite » ne sont pas pertinents, puisque le grief n'a pas trait à l'application du principe du mérite.

205 L'employeur fait valoir que la décision de se fonder sur une évaluation du mérite individuel plutôt que de tenir un concours témoignait de sa bonne foi. La fonctionnaire s'estimant lésée a répondu que cette décision ne montre pas nécessairement qu'il y a eu bonne ou mauvaise foi. Sur ce point, la décision rendue dans Zilberman et citée par l'employeur n'est pas pertinente, puisqu'elle répondait simplement à la question de savoir si un employeur peut doter un poste après la reclassification en tenant un concours, par opposition à une nomination sur la base du mérite individuel. La fonctionnaire s'estimant lésée ne conteste aucunement cet aspect du pouvoir discrétionnaire de l'employeur.

206 Les faits dans l'affaire Browne ne sont pas pertinents. La mesure disciplinaire camouflée, imposée de mauvaise foi, est contraire aux principes du droit administratif, et il n'est pas question dans Browne de l'imposition d'une rétrogradation et d'une sanction pécuniaire.

207 L'employeur semble suggérer que le concept juridique de « rétrogradation » est régi exclusivement par l'alinéa 11(2)g) de la LGFP. Cette disposition, tout au plus, permet au Conseil du Trésor de « … prévoir le licenciement ou la rétrogradation …. ». Elle n'a certainement pas préséance, d'une quelconque manière, sur la compétence de l'arbitre de déterminer si des mesures disciplinaires ont entraîné une rétrogradation ou une sanction pécuniaire. La restriction du sens de « rétrogradation », comme le propose l'employeur, rendrait insignifiant le terme « rétrogradation » à l'article 91 de la LRTFP. Il s'agirait d'un résultat pervers et contraire à l'intention du Parlement de permettre à des arbitres indépendants d'établir si des mesures disciplinaires ont causé une rétrogradation ou une sanction pécuniaire.

208 Le fait que la fonctionnaire s'estimant lésée peut se prévaloir d'autres recours n'a aucune pertinence dans le contexte du présent grief. L'employeur omet de comparer soigneusement la compétence prévue dans la LEFP et celle prévue dans la LRTFP. À la lumière du libellé explicite de l'article 91 de la LRTFP et du but explicite du grief de contester une mesure disciplinaire ayant entraîné une rétrogradation ou sanction pécuniaire, il est clair que la LEFP n'a pas préséance de quelque manière que ce soit sur la compétence de la Commission.

209 On ne peut assurément refuser l'accès à la fonctionnaire s'estimant lésée, comme l'employeur semble le suggérer, à un arbitrage en vertu de l'article 91 pour le motif qu'elle pourrait à un certain moment formuler ou déposer d'autres griefs portant sur d'autres questions.

210 L'affaire Lawson a trait strictement à une mesure de dotation et n'a rien à voir avec une mesure disciplinaire, de la mauvaise foi ou des violations de procédures du droit administratif.

211 L'affaire Endicott c. Canada (Conseil du Trésor), 2005 CF 253, incluse dans le recueil de documents faisant autorité fourni par l'employeur, ne soutient pas l'argument de ce dernier selon lequel les politiques, les règles et les exigences du gouvernement ne sont pas contraignantes pour l'employeur. Plutôt que d'appuyer la proposition générale formulée vigoureusement par l'employeur, la Cour fédérale a déclaré que la question de savoir si une directive interne crée des droits reconnus par la loi dépend de l'intention et du contexte dans lesquels la directive a été publiée. Cette affaire ne renfermait rien d'autre de pertinent pouvant être appliqué en l'espèce. Essentiellement, la fonctionnaire s'estimant lésée fait valoir qu'il y a une attente raisonnable que l'employeur, par souci d'équité et pour favoriser un milieu de travail sain, respectera ses propres politiques, règles et exigences. 

X.     Autres arguments présentés par l'employeur

212 L'employeur m'a renvoyé à ses arguments oraux à l'audience du 9 mars 2006, sur lesquels il continue de s'appuyer.

213 C'est à la fonctionnaire s'estimant lésée de prouver qu'il y a eu mesure disciplinaire déguisée et il s'agit d'un lourd fardeau. Tel que noté dans l'affaire Schofield, citée par la fonctionnaire s'estimant lésée, « Même si l'on pouvait prétendre que la fin hâtive de l'affectation du fonctionnaire s'estimant lésé peut être considérée comme une mesure disciplinaire (et le fardeau de la preuve serait lourd pour le fonctionnaire s'estimant lésé dans ce cas-là…..», ce lourd fardeau doit être basé sur les faits et répondre à la question de savoir s'il y a des indications claires et convaincantes qu'il y a eu simulacre. Les allégations de la fonctionnaire s'estimant lésée sont de très graves accusations portées contre des représentants de l'employeur. Dans les faits, elle les a accusés d'avoir menti et d'avoir comploté. En raison de cela, il n'est clairement pas suffisant pour la fonctionnaire s'estimant lésée de fournir une preuve prima facie. Il doit y avoir une preuve claire et convaincante.

214 L'employeur a présenté une chronologie résumant les faits pertinents dans cette affaire à l'appui de son affirmation selon laquelle il a réagi aux préoccupations concernant les capacités de gestion de la fonctionnaire s'estimant lésée et qu'il n'a pas agi dans le but de lui imposer une mesure disciplinaire. L'affectation par l'employeur de la fonctionnaire s'estimant lésée à un poste où elle accomplirait des fonctions de niveau Es-06 à compter du 8 novembre 2001 était une nomination intérimaire qui offrait à cette fonctionnaire une possibilité de perfectionnement. L'évaluation du rendement de la fonctionnaire s'estimant lésée pour 2001-2002 fournit des éléments de preuve montrant que l'employeur lui a offert des possibilités de perfectionnement et que ses compétences en tant que gestionnaire présentaient un problème (pièce G-1, onglet 2). Il y a une série d'indications ici qu'il y avait clairement de la bonne foi et qui montre que M. Friedlaender voulait aider la fonctionnaire s'estimant lésée à se perfectionner. Durant son témoignage, il a dit qu'il avait invité la fonctionnaire s'estimant lésée à poser sa candidature au concours pour le poste ES-06 de négociateur principal, Revendications territoriales, au printemps 2002. Lorsque la fonctionnaire s'estimant lésée a échoué au concours, M. Friedlaender a dit à Mme Smith - comme elle l'a confirmé durant sa déposition - qu'il voulait faire quelque chose pour la fonctionnaire s'estimant lésée, qu'il appréciait ses compétences et qu'il voulait la garder dans l'unité. C'est la fonctionnaire s'estimant lésée qui a refusé l'offre de l'employeur de suivre de la formation et de bénéficier d'un mentorat, et c'est elle qui a décidé de retourner aux fonctions d'ES-05 (pièce E-7).

215 Dans l'évaluation du rendement effectuée par M. Friedlaender pour 2002-2003 (pièce G-1, onglet 2), il y a des préoccupations concernant les capacités de gestion de la fonctionnaire s'estimant lésée, bien avant le rapport du jury de sélection d'avril 2004. En se fondant sur ses constatations pendant plusieurs mois après cela et sur les résultats du concours pour le poste ES-06, M. Friedlaender a discuté en détail de ses préoccupations avec la  fonctionnaire s'estimant lésée lors d'une réunion le 16 septembre 2003. La nature des préoccupations décrites par M. Friedlaender a été établie grâce aux notes qu'il a prises lors de cette rencontre (pièce E-9). Deux jours après la rencontre, M. Friedlaender a envoyé à la fonctionnaire s'estimant lésée un courriel dans lequel il recommandait qu'elle suive un cours sur la gestion dans la fonction publique (pièce G-1, onglet 8). Cette mesure allait dans le sens de la description donnée par M. Friedlaender de la rencontre comme portant principalement sur ses préoccupations à propos des capacités de gestion de la fonctionnaire s'estimant lésée. M. Friedlaender a reçu un courriel au ton acerbe de la fonctionnaire s'estimant lésée le 10 octobre 2003, mais sa réponse à lui est rédigée dans un ton très professionnel et témoigne de sa bonne foi du fait qu'il acceptait d'élaborer une nouvelle description de travail (pièce E-8).

216 Plus tard en octobre, la fonctionnaire s'estimant lésée a de nouveau refusé une offre de suivre une formation de perfectionnement, cette fois-ci faite par M. Goldie, et a également refusé l'offre d'un dialogue avec médiateur (pièce E-17).

217 Des notes prises durant les rencontres en janvier 2004 entre M. Friedlaender et la fonctionnaire s'estimant lésée (pièces G-17 et G-18) font état de nouveau de préoccupations concernant les capacités de la fonctionnaire s'estimant lésée qui ont été reflétées plus tard dans le rapport de jury de sélection et qui montrent que l'accent mis dans celui-ci sur les problèmes de gestion n'avait rien de nouveau, ni était une quelconque imposture. Le rapport du jury de sélection proprement dit ne renferme aucune indication de mauvaise foi ou de simulacre. M. Friedlaender était le superviseur direct de la fonctionnaire s'estimant lésée et la personne la mieux placée pour évaluer ses capacités. Les questions qu'il a soulevées dans le rapport du jury de sélection n'étaient pas nouvelles mais conformes à une série de préoccupations déjà formulées.

218 Aucun fardeau de la preuve n'incombe à l'employeur pour ce qui est du rapport du jury de sélection. Ce fardeau incombe à la fonctionnaire s'estimant lésée, qui ne peut se contenter simplement de soulever des préoccupations au sujet de son contenu ou au sujet de la décision proprement dite, mais qui doit aller au-delà du rigoureux critère consistant à prouver que le rapport du jury de sélection est un simulacre, qu'il est entièrement sans fondement et qu'il s'agit d'un prétexte. Il n'y a pas de présomption de mesure disciplinaire déguisée qui aurait été imposée dans le cadre de mesures de dotation administratives.

219 Les affaires sur lesquels s'appuie la fonctionnaire s'estimant lésée - Matthews, Mallett, Lo, Steen et Laird - sont autant de décisions où l'arbitre a considéré comme un fait établi qu'un licenciement était une mesure qui en cachait une autre, constatation qui est requise pour déterminer qui a compétence en la matière. Or, ces affaires reflètent uniquement la proposition que, dans un scénario où il y a un manque de travail allégué et où l'on réussit à établir qu'il n'y a pas un manque de travail, la tentative de l'employeur de congédier l'employé est à caractère disciplinaire. Cette proposition ne s'applique pas en l'espèce.

220 L'affaire Deering n'est pas pertinente non plus. Dans l'affaire Deering, la question était de savoir si la décision de licencier un employé pour des raisons non disciplinaires suite à la décision de l'employeur de révoquer le permis de conduire de l'employé était justifiée. Dans la décision, les faits constatés, soit qu'il y avait eu mauvaise foi, étaient étroitement liés à l'omission de l'employeur de prendre des arrangements en réponse à l'invalidité de l'employé, et cette affaire n'appuie pas une constatation qu'il y a eu mauvaise foi en l'espèce.

221 Tous les cas concernant des mesures disciplinaires déguisées cités par la fonctionnaire s'estimant lésée ont trait à des faits précis. La conclusion qu'il y a eu mauvaise foi ou simulacre dans un cas ne peut être invoqué pour en arriver à une conclusion similaire dans un cas différent.

222 Selon l'employeur, la preuve établit ce qui suit : M. Friedlaender a recruté la fonctionnaire s'estimant lésée dans l'unité. Il lui a offert des occasions d'agir par intérim. Il l'a encouragée à présenter sa candidature au concours pour le poste ES-06 en 2002. En juin 2002, un jury de quatre personnes a décidé que la fonctionnaire s'estimant lésée ne satisfaisait pas aux exigences du poste ES-06, malgré le fait qu'elle avait occupé ce poste par intérim pendant huit mois. (Cela confirme le témoignage de Mme Ryan-McNee qu'un poste peut être occupé par intérim à des fins de perfectionnement, mais que cela ne signifie pas pour autant qu'un employé affecté ainsi accomplit toutes les fonctions du poste). M. Friedlaender appréciait la fonctionnaire s'estimant lésée, voulait l'aider à se perfectionner et voulait la garder dans l'unité. Après le concours, la fonctionnaire s'estimant lésée s'est vu offrir un plan de perfectionnement adapté personnellement à elle et elle l'a refusé. Après cela, les compétences de gestion et les capacités interpersonnelles de la fonctionnaire s'estimant lésée ne se sont pas améliorées, mais ont empiré. La fonctionnaire s'estimant lésée s'est retranchée et a commencé à être hostile vis-à-vis de la direction. Le rapport du jury de sélection soulevait des préoccupations qui étaient bien documentées et qui avaient été portées à l'attention de la fonctionnaire s'estimant lésée depuis déjà un temps considérable.

223 Comme on l'a fait valoir antérieurement en se basant sur les affaires Browne et Smith, un employé doit être muté à un poste comportant un taux de rémunération inférieur, pour qu'il puisse s'agir de rétrogradation. Il n'y a aucune preuve que la fonctionnaire s'estimant lésée ait jamais occupé un poste ES-06 à titre d'employée nommée pour une période déterminée ou indéterminée. La seule preuve dont on dispose est qu'elle a occupé par intérim un poste ES-06. L'employeur a indiqué que la seule faiblesse dans l'argument de la fonctionnaire s'estimant lésée alléguant une rétrogradation est la supposition suivante : [traduction] « J'agis par intérim, donc je suis. »

224 Pour être nommé à un poste de durée indéterminée à un niveau supérieur, il faut un instrument officiel de nomination dans le cadre duquel quelqu'un qui possède un pouvoir de dotation délégué présente une offre par écrit, qui est acceptée. Dans l'affaire Oriji, on examine la question de savoir si une offre de nomination verbale est suffisante. Cette situation ne se présente pas en l'espèce. L'affaire Oriji ne concerne pas une quelconque proposition concernant une nomination intérimaire. La décision dans cette affaire a également été infirmée par des décisions plus récentes de la Cour fédérale selon lesquelles une personne ne devient pas un employé, à moins que soit appliqué un instrument de nomination valide (voir Association professionnelles des agents du Service extérieur c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 162).

225 La décision dans Brault ne concerne pas non plus une nomination intérimaire. En réalité, l'affaire Brault est entièrement à l'opposé des arguments de la fonctionnaire s'estimant lésée en ce sens que la Cour suprême a statué qu'il doit y avoir un processus de sélection selon le mérite comme condition préalable à une nomination.

226 Dans la décision récente Estwick et Quintilio c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 14, l'arbitre a confirmé l'exigence d'un instrument de nomination officiel :

[79] L'article 22 de la LEFP, qui régit le recrutement dans la fonction publique, dit qu'une nomination prend effet à la date fixée dans l'acte de nomination. Aucune preuve n'indique que l'on ait remis aux plaignantes un acte officiel de nomination comme une lettre d'offre.

[80] Les plaignantes arguaient que l'absence d'acte officiel de nomination n'était qu'un point de détail ou une question de forme. Je ne suis pas d'accord sur cette affirmation.

227 L'argument avancé par la fonctionnaire s'estimant lésée qu'elle accomplissait des fonctions de niveau ES-06 est une question ayant trait à la rémunération d'intérim ou à la classification. Une fois que le poste d'un employé est reclassifié vers le haut, l'employé doit soit participer à un concours pour le poste, soit être évalué selon le mérite individuel (pièces E-20 et E-21, article 10 de la LEFP, et paragraphe 5(2) du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique). Zilberman, cité plus haut, confirme que la nomination selon le mérite individuel n'est pas obligatoire. Une nomination intérimaire est accompagnée de droits d'appel en vertu de l'article 21 de la LEFP, mais ne se transforme pas en une nomination pour une durée déterminée ou indéterminée.

228 La fonctionnaire s'estimant lésée, dans sa déposition, a affirmé que la décision rendue le 12 septembre 2004 en réponse au grief déposé auprès de l'employeur (pièce G-8) avait pour effet de la nommer au poste ES-06. Cela est faux. La décision lui fournissait simplement une rémunération d'intérim par l'application d'une disposition de la convention collective (pièce E-26).

229 L'affaire Storey, citée par la fonctionnaire s'estimant lésée, porte sur l'avantage éventuellement injuste dont peut bénéficier un employé à qui on confie temporairement des fonctions à un niveau supérieur. Elle confirme qu'une personne doit être nommée par le biais d'un processus de sélection selon le mérite.

230 Le cas Majdan, également cité par la fonctionnaire s'estimant lésée, montre clairement que le processus approprié à suivre pour contester une décision de dotation est énoncé dans la LEFP.

231 Le résumé de la décision du cas Keating que l'on retrouve dans le recueil des documents faisant autorité présentés par la fonctionnaire s'estimant lésée est inexact. La décision complète, déposée par l'employeur, inclut une observation cruciale faite par le décideur selon laquelle il n'avait connaissance d'aucune façon dont un ministère peut transférer un employé à un niveau supérieur sans passer par le processus de nomination.

232 L'affaire Fortin, incluse dans le recueil de documents faisant autorité de la fonctionnaire s'estimant lésée, a été infirmée par la décision rendue dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Fortin, 2003 CAF 376.

XI.    Observations finales de la fonctionnaire s'estimant lésée

233 La fonctionnaire s'estimant lésée a fourni de brèves observations au sujet des arguments finaux de l'employeur. Elle a contesté la description de l'un de ses courriels comme « acerbe » et a précisé qu'il avait été rédigé en son nom par le syndicat. Elle a également remis en question la signification de l'offre que lui avait faite M. Friedlaender qu'elle suive de la formation de perfectionnement le 18 septembre 2003 (pièce G-1, onglet 8). En réalité, elle a répondu favorablement à sa suggestion, mais a appris plus tard qu'il n'y avait plus de place dans le cours en question. Cette mesure prise par M. Friedlaender ne peut être interprétée comme un effort concerté visant à fournir à la fonctionnaire s'estimant lésée des possibilités de perfectionnement. De même, d'autres options de perfectionnement qu'on lui aurait offertes ne montrent pas que l'employeur s'occupait d'elle, puisque la formation en gestion suggérée était reliée au rôle dans le secteur des revendications territoriales auquel elle avait renoncé. Aucune des soi-disant possibilités de perfectionnement suggérées par l'employeur ne visait à améliorer ses compétences dans son poste d'attache.

234 La fonctionnaire s'estimant lésée a fait observer, en ce qui concernait le concours de juin 2002 pour le poste ES-06, que n'importe quel employé qui participe à un concours s'expose à un risque. L'employeur peut se servir des résultats à d'autres fins, comme il l'a fait dans son cas.

235 Lorsque les deux parties ont conclu leur argumentation, j'ai demandé à la fonctionnaire s'estimant lésée quel serait, à son avis, l'effet sur le restant de ses arguments si je statuais, hypothétiquement, qu'elle n'avait pas été nommée au niveau ES-06 et qu'elle n'avait donc pas été rétrogradée au niveau ES-05. La réponse qu'elle m'a fournie semblait indiquer qu'elle acceptait que le « fait » de sa nomination au niveau ES-06 était crucial pour ses arguments et que, sans cette réalité, il [traduction] « ne reste plus rien ». J'ai également demandé à la fonctionnaire s'estimant lésée si elle prévoyait présenter d'autres preuves substantielles sur le fond de l'affaire si ma décision m'accordait la compétence d'entendre son cas renvoyé à l'arbitrage. Elle a précisé que, dans ce cas-là, elle aurait probablement quelques autres éléments de preuve à présenter au sujet du rapport du jury de sélection et de la rencontre de septembre 2003 avec M. Friedlaender, mais que j'avais probablement la majorité de la preuve devant moi maintenant.

XII.   Motifs

236 Par sa preuve et ses dépositions, la fonctionnaire s'estimant lésée a décrit une stratégie continue et malveillante menée à son encontre par l'employeur. Cette stratégie consistait prétendument à essayer de se débarrasser d'elle en la déclarant excédentaire, parallèlement à la reclassification vers le haut de son poste. Au cour de la stratégie était une évaluation de ses qualifications pour le poste reclassifié, motivée par de la mauvaise foi, et qui reposait sur des mesures disciplinaires camouflées. L'employeur a décidé que la fonctionnaire s'estimant lésée n'était pas qualifiée et, d'après cette dernière, l'a assujettie à une mesure disciplinaire qui s'est traduite par une sanction pécuniaire. Lorsque la décision de la déclarer excédentaire a été annulée, l'employeur a pris d'autres mesures injustes à son égard pour maintenir sa rétrogradation et poursuivre la sanction pécuniaire. Pendant qu'elle brossait ce tableau, la fonctionnaire s'estimant lésée a formulé de nombreuses accusations à l'endroit des représentants de l'employeur qui, si elles étaient prouvées, constitueraient une véritable mise en cause de l'intégrité et de l'honnêteté de certaines des personnes impliquées.

237 En ce qui regarde l'employeur, dans ses observations finales à l'audience, l'avocat m'a demandé, en réalité, de protéger la réputation des gestionnaires impliqués dans cette affaire en réponse à des accusations qui, d'après l'employeur, constituent une fausse représentation de la nature des mesures prises à l'égard de la fonctionnaire s'estimant lésée et des motivations qui sous-tendaient ces mesures. L'employeur n'a pas rétrogradé la fonctionnaire s'estimant lésée ni ne lui a-t-il à aucun moment imposé une sanction pécuniaire. L'employeur  a conclu que la fonctionnaire s'estimant lésée n'était pas qualifiée pour occuper son poste reclassifié, mais, après cela, a pris des mesures pour essayer de l'aider et pour la rétablir dans un poste sûr à son niveau de titularisation.

238 Les deux parties, il me semble, veulent obtenir une justification personnelle au travers de cette décision, ce qui peut être compréhensible. Cependant, cette décision n'a pas pour but principal d'appuyer l'une des deux descriptions contradictoires qui m'ont été présentées d'une relation qui manifestement est devenue très difficile entre une fonctionnaire s'estimant lésée et son employeur. Au lieu de cela, la question primordiale est de savoir si j'ai la compétence législative pour considérer le bien-fondé du grief. À mon avis, pour répondre à cette question, il n'est pas nécessaire que je me penche sur tout l'éventail des questions soulevées et des allégations formulées durant le déroulement de l'audience.  

239 L'employeur s'oppose à ma compétence d'entendre le renvoi à l'arbitrage déposé par la fonctionnaire s'estimant lésée pour les motifs que les faits du cas de la fonctionnaire s'estimant lésée ne montrent pas qu'il y a eu mesure disciplinaire entraînant une sanction pécuniaire ou une rétrogradation. Selon lui, pour ces raisons, un arbitre n'a pas le pouvoir d'examiner le grief aux termes de l'alinéa 92(1)b) de la LRTFP. L'employeur soutient également que la fonctionnaire s'estimant lésée conteste essentiellement une décision de dotation, c'est-à-dire la conclusion que la fonctionnaire s'estimant lésée ne satisfaisait pas aux qualifications établies pour son poste lorsqu'il a été reclassifié au niveau ES-06. Étant donné qu'il existe d'autres recours administratifs de réparation lorsqu'un employé souhaite contester une décision de dotation (consistant à déposer une plainte ou à interjeter un appel en vertu de la LEFP), aux termes de l'article 91 de la LRTFP, la fonctionnaire s'estimant lésée ne peut recourir à la procédure de règlement des griefs. L'article 92, pour sa part, montre que l'arbitre n'a pas compétence dans cette situation.

240 La fonctionnaire s'estimant lésée, de son côté, a répondu que les mesures prises par l'employeur révèlent une série de mesures disciplinaires déguisées. Plus particulièrement, la décision de l'employeur énoncée dans le rapport du jury de sélection d'avril 2004 selon laquelle elle ne satisfaisait pas aux qualifications du poste ES-06 reclassifié et la décision subséquente de l'employeur de la rétablir au niveau ES-05 constituent une rétrogradation déguisée et une sanction pécuniaire imposées à la fonctionnaire s'estimant lésée. C'est pourquoi le renvoi à l'arbitrage par la fonctionnaire s'estimant lésée tombe sous le coup de l'alinéa 92(1)b) de la LRTFP.

241 Le mandat d'un arbitre est énoncé au paragraphe 92(1) de la LRTFP :

92(1)  Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

242 Il n'y a aucune allégation en l'espèce qui m'oblige à interpréter une disposition de la convention collective applicable à la fonctionnaire s'estimant lésée et à l'employeur. Par conséquent, le renvoi à l'arbitrage de la fonctionnaire s'estimant lésée n'est pas visé à l'alinéa 92(1)a) de la LRTFP.

243 Pour pouvoir accepter que j'aie compétence en la matière, la fonctionnaire s'estimant lésée doit pouvoir démontrer que son grief porte sur « … une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire …. » aux termes du sous-alinéa 92(1)b)(i) ou « … une rétrogradation visée aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques … » en vertu du sous-alinéa 92(1)b)(ii).

A.    Y a-t-il eu une mesure disciplinaire entraînant une sanction pécuniaire? (Partie I)

244 La fonctionnaire s'estimant lésée fait valoir que les événements relatés durant son témoignage constituent une mesure disciplinaire ou une mesure disciplinaire déguisée de la part de son employeur. Qu'elle soit directe ou camouflée, la mesure disciplinaire doit entraîner une suspension ou une sanction pécuniaire pour pouvoir être soumise à l'arbitrage aux termes du sous-alinéa 92(1)b)(i) de la LRTFP.

245 La fonctionnaire s'estimant lésée affirme que le rapport du jury de sélection daté du 8 avril 2004 (pièce G-1 onglet 1) s'est appuyé sur des allégations de fautes disciplinaires pour arriver à la conclusion qu'elle ne satisfaisait pas aux qualifications établies pour le poste ES-06 reclassifié. Le rapport, qui pour cette raison était un document disciplinaire, a entraîné une réduction de la rémunération de la fonctionnaire s'estimant lésée du niveau ES-06 au niveau ES-05, à compter du 22 avril 2004. Elle déclare également que l'omission de l'employeur d'annuler le rapport du jury de sélection risque de nuire à ses possibilités d'emploi futures, ce qui équivaut à une [traduction] « … probabilité raisonnable [sic] qu'une sanction financière sera ou est causée …. »

246 Si j'examine les documents établis, il semble y avoir un certain manque de précision en ce qui concerne le moment où le grief a été déposé en réponse à la mesure disciplinaire alléguée et, par extension, le moment de la sanction pécuniaire qui y est mentionné. Les documents montrent qu'à l'origine, la fonctionnaire s'estimant lésée a saisi la Commission de son renvoi à l'arbitrage le 16 juin 2005. Dans le renvoi original, la fonctionnaire s'estimant lésée a précisé qu'elle avait soumis son grief au premier palier de la procédure de règlement des griefs le 24 mars 2005. Elle a aussi indiqué qu'elle n'avait pas reçu de réponse à son grief au dernier palier de l'employeur.

247 Lors de l'audience, la fonctionnaire s'estimant lésée a présenté une formule de grief, qui concernait une notification datée du 24 mars 2004 (pièce G-32). Le sujet du grief, tel que décrit dans cette formule, est la date d'entrée en vigueur de la reclassification du poste de la fonctionnaire s'estimant lésée au niveau ES-06. La fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas décrit cette reclassification comme une sanction pécuniaire dans l'énoncé des détails de son grief.

248 Il y a, au dossier, un long document daté du 23 mars 2005, joint à la formule originale de renvoi à l'arbitrage. Dans ce document, la fonctionnaire s'estimant lésée fait les déclarations suivantes :

 [Traduction]

Je reprends, par les présentes, sous une forme modifiée, le grief que j'ai présenté à la direction le 29 juin 2004. J'avais suspendu ce grief le 8 juillet 2004, à la suite de la confusion exprimée par Leda Smith quant à la nécessité de « démêler les questions/ préoccupations qui sont reliées entre elles et afin de déterminer la procédure adéquate pour y donner suite » (courriel de Leda Smith du 7 juin 2004). J'ai accepté de suspendre mon grief du 29 juin 2004, en attendant que des progrès satisfaisants soient réalisés en réponse à d'autres griefs déjà déposés et en sachant que je pourrais reprendre mon grief du 29 juin 2004 lorsque je déciderais de le faire (un courriel de ma main daté du 8 janvier 2004). Étant donné que les progrès réalisés dans le cadre de mes autres griefs sont insatisfaisants, je reprends maintenant mon grief du 29 janvier 2004, sous une forme modifiée, tel que décrit ci-dessous.

Le grief que j'ai déposé le 29 juin 2005 [sic] et que je reprends maintenant est à caractère continu et a trait à la ligne de conduite adoptée par la direction et à des mesures prises par elle à compter de janvier 2001 et qui se poursuivent jusqu'à aujourd'hui.

Je dépose un grief parce que, selon moi, la conduite adoptée par la direction et les mesures prises par elle constituent une mesure disciplinaire entraînant un licenciement ou une rétrogradation visés à l'alinéa 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques. . . . Je dépose ce grief au dernier palier du processus ministériel de règlement des griefs, en conformité avec l'article 40.18 de la Convention conclue entre le Conseil du Trésor et l'Association canadienne des employés professionnels.

Je dépose un grief parce que la direction a pris diverses mesures disciplinaires qui ont conduit à une rétrogradation ou à un licenciement…. L'effet collectif de ces mesures illicites consistant à m'imposer une mesure disciplinaire, à me rétrograder et à me congédier, qui se poursuivent jusqu'à ce jour, a été que je souffre et continue de souffrir de différentes formes de préjudice, incluant, sans s'y limiter, une perte de salaire, des problèmes de santé, de la diffamation, une atteinte à ma réputation professionnelle et la perte de futures perspectives de carrière. Le plus récent incident faisant partie de ces mesures disciplinaires prises par la direction à mon endroit et m'ayant causé du préjudice est une lettre que j'ai reçue par le courrier le 21 février 2005 et qui était datée du 16 février 2005 et qui venait de M. Jeff Goldie. Je fais valoir que si la direction n'avait pas pris des mesures disciplinaires allant à l'encontre des politiques, procédures, codes de déontologie et directives établis régissant la gestion des ressources humaines, j'aurais été nommée en bonne et due forme à mon poste reclassifié….

[Je souligne]

249 La formule de grief soumise le 29 juin 2004 n'est pas au dossier et n'a pas été présentée comme preuve.

250 Le 22 juin 2005, la Commission a informé la fonctionnaire s'estimant lésée qu'elle avait utilisé à tort une formule adoptée pour la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) pour soumettre son renvoi à l'arbitrage. Étant donné qu'elle avait précisé une date de présentation de son grief à l'employeur qui était antérieure au 1er avril 2005, la date d'entrée en vigueur de la nouvelle législation, la Commission lui a demandé de soumettre à nouveau son renvoi à l'arbitrage en se servant de la formule de demande 14, qui est le document dont il faut se servir aux termes de l'ancienne LRTFP pour les griefs déposés avant le 1er avril 2005. La fonctionnaire s'estimant lésée a obtempéré et a soumis son renvoi à l'arbitrage en présentant une formule 14 datée du 15 juillet 2005. Dans cette formule, la fonctionnaire s'estimant lésée a signalé que son grief avait été présenté au dernier palier, seulement le 24 mars 2005. Dans une lettre écrite accompagnant la formule 14 (au dossier), la fonctionnaire s'estimant lésée a noté ce qui suit :

[Traduction]

Dans votre lettre en date du 22 juin 2005, vous demandiez à obtenir une copie du grief que j'ai déposée à l'origine au premier palier de la procédure dans mon ministère. Je n'ai pas présenté ce grief au premier palier. Deux copies du grief que j'ai déposé au dernier palier et qui est l'objet du présent renvoi à l'arbitrage ont été incluses dans ma correspondance que je vous ai transmise et que vous avez reçue le 16 juin 2005.

251 Si je me fie à cette correspondance de la fonctionnaire s'estimant lésée, le grief que j'ai devant moi a été présenté uniquement au dernier palier, et la date de présentation du grief était le 24 mars 2005. Le lien qu'il y a entre ce grief et celui qui aurait été déposé au premier palier le 29 juin 2005 est inconnu, puisque je n'ai pas le texte de ce dernier grief devant moi. Il n'est pas clair non plus si l'un ou l'autre de ces griefs mentionne explicitement la date du 22 avril 2004, après laquelle, selon la fonctionnaire s'estimant lésée, l'employeur a réduit sa rémunération du niveau ES-06 au niveau ES-05 - une sanction pécuniaire prétendument à caractère disciplinaire.

252 Le manque de précision sur ces points dans le dossier et dans la preuve devant moi est troublant. Je note, toutefois, que l'employeur ne m'a pas demandé à l'audience d'examiner la recevabilité du grief en raison du moment de sa présentation, d'examiner un vice de procédure ou de remettre en question d'une quelconque autre façon la date du grief dont j'ai été saisi. Il y a toutefois une lettre antérieure au dossier datée du 5 août 2005, dans laquelle l'employeur a adopté la position que la fonctionnaire s'estimant lésée n'avait jamais présenté son grief au dernier palier et qu'elle n'avait donc pas satisfait à une condition préalable de la compétence telle qu'énoncée au paragraphe 92(1) de la LRTFP.

253 Je pense que l'interprétation la plus sûre de la preuve et des dépositions faites en l'espèce est que la rémunération de la fonctionnaire s'estimant lésée est tombée du niveau ES-06 au niveau ES-05 à partir du 22 avril 2004, et que ce changement constitue la principale sanction pécuniaire à caractère disciplinaire alléguée par la fonctionnaire s'estimant lésée dans ses observations. Dans la pièce E-24, à tout le moins, il y a confirmation du fait qu'une décision émise plus tard par l'employeur en réponse à un grief (pièce G-8) avait pour effet de rémunérer la fonctionnaire s'estimant lésée au niveau ES-06 uniquement jusqu'au 22 avril 2004. Il n'y a aucun autre document officiel de la paye devant moi sur lequel je puisse me baser pour confirmer cette date ou pour tirer une conclusion différente.

254 Alors que je demeure préoccupé par le fait que je n'ai pas une formule de grief qui indique clairement le 22 avril 2004 comme la date suite à laquelle une présumée sanction pécuniaire a été imposée, ni un document clair de ce qui s'est peut-être produit au moment de la présentation d'un grief ou de griefs avant la date du 24 mars 2005, date précisée subséquemment dans la formule 14 remplie par la fonctionnaire s'estimant lésée, je me garderai de rendre une décision selon laquelle il y a un vice de procédure dans ces circonstances, plus particulièrement à la lumière du fait que l'employeur n'a pas présenté d'arguments à l'audience sur ces points.

255 En ce qui a trait à une autre question préliminaire, j'ai lu attentivement la définition de la nature de la ou des mesures disciplinaires que la fonctionnaire s'estimant lésée conteste. Selon moi, je ne peux considérer un aspect de son grief : la fonctionnaire s'estimant lésée allègue la possibilité d'un préjudice concernant ses possibilités d'emploi futures, ce qui équivaut à une « … probabilité raisonnable [sic] qu'une sanction financière sera ou est causée …. ». Le processus de règlement des griefs et l'arbitrage visent avant tout à contrer des mesures réelles prises par l'employeur et les effets de ces mesures ou le manque d'action de la part de l'employeur dans des circonstances concrètes précises, plutôt que la probabilité d'un préjudice ou d'une sanction qui pourrait ou ne pourrait pas se produire à un futur moment indéfini. La déclaration de la fonctionnaire s'estimant lésée concernant la [traduction] « … probabilité qu'une sanction pécuniaire sera … causée …. » en ce qui concerne des [traduction] « possibilités d'emploi futures » ne présente pas la spécificité requise pour en arriver à une conclusion sur ce point. Il ne s'agit pas d'une situation, à mon avis, où il y a une certitude suffisamment grande qu'un préjudice potentiel surviendra et qui permet à un arbitre de déterminer que cet élément est suffisamment solide pour pouvoir servir de fondement à une décision (voir, à cet égard,  Barr et Flannery c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2006 CRTFP 85, aux paragraphes 126 et 127).

256 Un autre élément du grief, tel que formulé par la fonctionnaire nécessite une attention particulière dans l'examen préliminaire : [traduction] « Le grief que j'ai déposé … et que je reprends maintenant est à caractère continu et a trait à la ligne de conduite adoptée par la direction et à des mesures prises par elle à compter de janvier 2001 et qui se poursuivent jusqu'à aujourd'hui. ». J'interprète cela comme voulant dire que la fonctionnaire s'estimant lésée part du principe que je ne devrais pas examiner juste un événement disciplinaire, mais que je devrais également considérer comme disciplinaire une conduite délibérée adoptée par l'employeur se composant de nombreux actes individuels, étalés sur une longe période.

257 La théorie en matière disciplinaire présentée ici ressemble à une situation où un plaignant cherche à établir une série de comportements condamnables pour bâtir une allégation de harcèlement. Dans un pareil cas, les actes individuels en soi, s'ils sont évalués séparément, peuvent constituer ou non du harcèlement de façon concluante, mais pris ensemble en tant que tendance, ils révèlent la présumée infraction. Dans son motif d'action, la fonctionnaire s'estimant lésée affirme qu'il y a une tendance générale dans le comportement de l'employeur à son égard qui dénote une mesure disciplinaire. Elle fait l'affirmation suivante : [traduction] « [l]'effet collectif de ces mesures illicites consistant à m'imposer une mesure disciplinaire, à me rétrograder et à me congédier, qui se poursuivent jusqu'à ce jour, a été que je souffre et continue de souffrir de différentes formes de préjudice, incluant, sans s'y limiter, une perte de salaire, des problèmes de santé, de la diffamation, une atteinte à ma réputation professionnelle et la perte de futures perspectives de carrière. »  Cet ensemble de mesures prises par l'employeur trouvent leur culmination dans le rapport du jury de sélection d'avril 2004, dans les décisions découlant de ce rapport, et plus tard, dans la lettre de M. Goldie datée du 16 février 2005. Si je me fonde sur la façon dont la fonctionnaire s'estimant lésée a présenté ses arguments, je pense qu'elle va plus loin, cependant, en caractérisant plusieurs des événements précédents qui font partie de cette tendance comme disciplinaires en soi et comme ayant causé divers types de préjudice mentionnés par elle, y compris un préjudice financier. Cela présente quelques difficultés.

258 J'accepte qu'une théorie en matière disciplinaire peut être basée sur l'assertion selon laquelle il y a une série d'événements qui, ensemble, forment une mesure disciplinaire ou sur une argumentation selon laquelle un acte ou plusieurs actes culminants peuvent uniquement être compris comme étant disciplinaires dans le contexte d'une série de décisions ou d'événements antérieurs. Ce genre de théorie soumet l'historique d'un cas à un examen, d'une manière ou dans une mesure qui risque de ne pas être appropriée ailleurs. Quoi qu'il en soit, un arbitre doit examiner une telle théorie dans les limites et conventions juridictionnelles habituelles. Je pense, par exemple, que je ne suis pas bien placé pour juger si les actes ou les événements individuels qui ont précédé le rapport du jury de sélection du 8 avril 2004 et le changement du 22 avril 2004 dans la rémunération de la fonctionnaire s'estimant lésée étaient eux-mêmes à caractère disciplinaire, comme la fonctionnaire s'estimant lésée l'allègue, en l'absence de preuves convaincantes que ces actes ou événements individuels ont entraîné une suspension ou une sanction pécuniaire au moment où la mesure disciplinaire alléguée est survenue, ou dans une période raisonnable après cela. Mon mandat en tant qu'arbitre ne me permet pas d'examiner toutes les situations où il y a eu mesure disciplinaire, mais uniquement celles qui ont abouti à une suspension ou à une sanction pécuniaire. Lorsque le lien entre un événement disciplinaire allégué et la sanction pécuniaire alléguée est éloignée dans le temps, ténu ou indirect d'une quelconque autre manière ou relève simplement de la spéculation, il devient difficile, voire impossible, de décider que la présumée mesure disciplinaire en soi a causé une sanction pécuniaire. D'après moi, il ne peut y avoir de présomption que l'employeur avait l'intention d'imposer une sanction pécuniaire à la suite d'un événement ou d'une infraction disciplinaire spécifique si la sanction n'est pas raisonnablement proche de l'événement, dans le temps, et n'est pas relié de façon évidente à cet événement, dans le raisonnement et les gestes de l'employeur.

259 Le respect des délais fait également partie de la question ici. Si la fonctionnaire s'estimant lésée considérait qu'une mesure ou un événement antérieur était à caractère disciplinaire, elle avait la possibilité de déposer un grief pour contester cette mesure ou cet événement à l'époque, dans les délais établis dans sa convention collective. Habituellement, le fait de ne pas présenter un tel grief représente un obstacle insurmontable qui empêche à un arbitre de conclure par la suite que la mesure ou l'événement en question était de nature disciplinaire au sens de l'alinéa 92(1)b)(i) de la Loi.

260 L'exemple de la rencontre entre la fonctionnaire s'estimant lésée et M. Friedlaender le 16 septembre 2003 illustre mes préoccupations. La fonctionnaire s'estimant lésée a, à plusieurs reprises, décrit cet événement comme disciplinaire, ou comme une occasion où des allégations disciplinaires ont été formulées par M. Friedlaender, lui causant un préjudice. Étant donné qu'il n'y a pas de preuve que l'employeur a imposé une sanction pécuniaire durant la période ayant suivi immédiatement cette rencontre ou dans un délai raisonnable après celle-ci, je ne pense pas qu'il m'est possible dans ma décision de statuer que cet événement était disciplinaire. Il est possible que la réunion fût à caractère disciplinaire, mais en l'absence d'une sanction pécuniaire, la mesure disciplinaire alléguée n'était pas du type pouvant être examiné aux termes du sous-alinéa 92(1)b)(i) de la Loi. Par ailleurs, je n'ai aucune preuve que la fonctionnaire s'estimant lésé a présenté un grief au moment approprié pour contester le fait que la réunion du 16 septembre 2003 s'était traduite par l'imposition d'une mesure disciplinaire entraînant une sanction pécuniaire. En raison de cela, il m'est encore moins possible de rendre une décision explicite à propos de cet événement. Les mêmes observations s'appliquent à d'autres événements antérieurs qui s'inscrivent dans la présumée série de mesures disciplinaires continues que la fonctionnaire s'estimant lésée tente de retracer aussi loin que janvier 2001.

261 Cela étant dit, la fonctionnaire s'estimant lésée a toutefois le droit d'utiliser les éléments de preuve concernant la réunion du 16 septembre 2003 et d'autres événements antérieurs pour étayer un argument voulant qu'il y avait une tendance perceptible et significative dans les mesures de l'employeur aboutissant au rapport du jury de sélection d'avril 2004 et au changement de la rémunération versée à la fonctionnaire s'estimant lésé à compter du 22 avril 2004. De tels éléments de preuve peuvent aider la fonctionnaire s'estimant lésée à établir que l'intention des actes commis par l'employeur en avril 2004 ou plus tard était de lui imposer une mesure disciplinaire - ou mesure disciplinaire déguisée. Il demeure cependant que la question juridictionnelle est celle de savoir si tous ces gestes, et non pas les événements antérieurs, étaient disciplinaires et ont entraîné une sanction pécuniaire. Si la fonctionnaire s'estimant lésée est incapable de montrer que les mesures y ayant concouru étaient disciplinaires et ont causé une sanction pécuniaire, dans le contexte de toute la preuve relative aux événements antérieurs, son argumentation échouera probablement. Bien qu'il soit possible d'imaginer une situation où une mesure disciplinaire sous-tend de façon générale un ensemble de gestes posés par l'employeur sans qu'on puisse prouver qu'il en ait résulté un événement ou une sanction disciplinaire, ou une situation où aucun des différents éléments qui font partie de cette série de gestes ne révèle individuellement l'existence d'une mesure disciplinaire ou d'une sanction pécuniaire, il me semble que ces scénarios soient assez improbables.

262 La réduction de la rémunération de la fonctionnaire s'estimant lésée du niveau ES-06 au niveau ES-o5 à compter du 22 avril 2004, faisant suite au rapport du jury de sélection du 8 avril 2004, constituait-elle une mesure disciplinaire, directe ou déguisée, entraînant une sanction pécuniaire? Pour répondre à cette question, je crois qu'il faut d'abord examiner l'allégation parallèle formulée par la fonctionnaire s'estimant lésée que les mesures prises par l'employeur devraient être interprétées comme une rétrogradation ou une rétrogradation déguisée. Il est crucial de savoir s'il y a eu rétrogradation immédiatement après le 22 avril 2004 ou plus tard pour déterminer la nature des mesures liées à la paye prises par l'employeur. Comme la fonctionnaire s'estimant lésée a semblé l'admettre en réponse à la question que je lui ai posée au début de l'audience, si le poste d'attache qu'elle occupait jusqu'au 22 avril 2004 n'était pas classifié au niveau ES-06, elle n'a pas pu être rétrogradée lorsque sa rémunération est revenue au niveau ES-05. Autrement dit, la solidité de l'allégation selon laquelle la fin de la rémunération au niveau ES-06 après le 22 avril 2004 incluait une sanction pécuniaire dépend, à tout le moins en grande partie, de l'assertion que l'employée continuait à avoir droit à la rémunération au niveau ES-06 du fait qu'elle avait été nommée à ce niveau. Si elle n'avait pas été titularisée au niveau ES-06, il n'y a pas eu de rétrogradation, et le changement subséquent de sa rémunération au niveau ES-05 prend un tout autre sens.

B.     Y a-t-il eu rétrogradation?

263 L'alinéa 92(1)b)(ii) de la LRTFP définit une rétrogradation comme une mesure prise par l'employeur aux termes de l'alinéa 11(2)g) de la LGFP :

11(2) Sous réserve des seules dispositions de tout texte législatif concernant les pouvoirs et fonctions d'un employeur distinct, le Conseil du Trésor peut, dans l'exercice de ses attributions en matière de gestion du personnel, notamment de relations entre employeur et employés dans la fonction publique :

(g) prévoir, pour des raisons autres qu'un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur des personnes employées dans la fonction publique et indiquer dans quelles circonstances, de quelle manière, par qui et en vertu de quels pouvoirs ces mesures peuvent être appliquées, modifiées ou annulées, en tout ou en partie;

264 Je note que, dans ses dépositions, la fonctionnaire s'estimant lésée remet en question le fait que le concept juridique de rétrogradation est régi exclusivement par ce paragraphe de la LGFP. Elle fait valoir, au contraire, qu'en limitant le sens du concept de rétrogradation aux paramètres de la LGFP, on va à l'encontre de l'intention du Parlement qui est de permettre à un arbitre indépendant de déterminer si des actions disciplinaires ont entraîné une rétrogradation ou une sanction pécuniaire. Je m'oppose respectueusement à ce point de vue. Un arbitre doit interpréter le fait que l'alinéa 92(1)b) renvoie à l'alinéa 11(2)g) de la LGFP comme une indication contraignante que l'intention du Parlement était que le concept de la rétrogradation soit lié, aux fins d'établissement de la compétence d'un arbitre, à l'exercice du pouvoir en vertu de l'alinéa 11(2)g) de la LGFP. Dans la mesure où la jurisprudence interprétant l'exercice du pouvoir accordé en vertu de l'alinéa11(2)g) de la LGFP a défini ce que constitue une rétrogradation, un arbitre doit appliquer la loi en conséquence.

265 Comme l'a confirmé l'arbitre dans l'affaire Browne, citée plus haut par l'employeur, une rétrogradation au sens de la LRTFP et de la LGFP à laquelle elle renvoie survient lorsqu'à la fois la classification et la rémunération d'un employé changent. Un employé est rétrogradé lorsqu'il est muté ou affecté à « … un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur …. ». Par conséquent, pour qu'il y ait rétrogradation, il doit y avoir eu une nomination antérieure à un niveau de classification supérieur, où le titulaire a droit à une rémunération de niveau plus élevé. 

266 L'employeur soutient en l'espèce qu'il n'a jamais titularisé la fonctionnaire s'estimant lésée au niveau ES-06. Il affirme que sa classification effective est toujours demeurée au niveau ES-05. L'employeur a nommé la fonctionnaire s'estimant lésée par intérim au niveau ES-06, et elle a touché une rémunération d'intérim à ce niveau. L'employeur soutient que ces deux faits ne peuvent toutefois pas être interprétés comme indiquant que la fonctionnaire s'estimant lésée aurait été titularisée à un certain moment au niveau ES-06. Lorsque l'employeur a reclassifié le poste d'attache ES-05 de la fonctionnaire s'estimant lésée au niveau ES-06, la LEFP et le Règlement pris en application de celle-ci exigeaient que l'employeur effectue une évaluation du mérite comme condition préalable à la nomination de la fonctionnaire s'estimant lésée au niveau ES-06. Cette évaluation a révélé que la fonctionnaire s'estimant lésée ne satisfaisait pas aux qualifications nouvellement établies pour le poste ES-06. Par conséquent, elle n'a pas été nommée au niveau ES-06. Lorsque la fonctionnaire s'estimant lésée a cessé de remplir les fonctions d'ES-06 à titre intérimaire, la rémunération d'intérim a pris fin.

267 La fonctionnaire s'estimant lésée fait plusieurs affirmations selon lesquelles elle a été nommée au niveau ES-06 « à toutes fins utiles » lorsqu'elle a été nommé à son poste d'attache à compter du 2 janvier 2001, lorsqu'elle a rempli continuellement des fonctions qui correspondaient à celles au niveau ES-06 et, par la suite, lorsque son rendement satisfaisant à l'égard de ces fonctions a été reconnu par l'employeur dans des évaluations annuelles, et lorsque son poste a fini par être reclassifié au niveau ES-06 en 2004. Elle rejette comme arbitraire et injustifiée la position de l'employeur que son poste d'attache est demeuré au niveau ES-05 tout  ce temps. L'employeur, toujours d'après la fonctionnaire s'estimant lésée, a comploté pour la retirer du niveau ES-06 lorsqu'il a profité de l'occasion qui se présentait de remanier sa description de travail, lorsqu'il a reclassifié son poste et lorsqu'il a ensuite effectué une évaluation de mauvaise foi et subjective de ses qualifications pour décider qu'elle ne satisfaisait pas aux exigences de l'énoncé de qualités du poste ES-06. Puis, elle a été rétrogradée quand l'employeur lui [traduction] « a retiré » les fonctions rattachées au poste ES-06 et a fini par lui confier un rôle différent au niveau ES-05.

268 J'ai devant moi un nombre considérable d'éléments de preuve décrivant de façon détaillée ces témoignages contradictoires. À mon avis, il y a toutefois quelques points fondamentaux qui définissent la question à trancher.

269 Le poste de conseiller principal, Opérations, auquel l'employée a été nommée à compter du 2 janvier 2001, était classifié au niveau ES-05, comme l'indiquait la lettre de nomination officielle acceptée par la fonctionnaire s'estimant lésée (pièce E-1). Il n'y a pas de lettre de nomination subséquente qui montre que la fonctionnaire s'estimant lésée aurait été promue au niveau ES-06. Durant le contre-interrogatoire, la fonctionnaire s'estimant lésée a confirmé elle-même qu'elle n'avait jamais réussi un concours pour un poste ES-06, ou aurait reçu, à n'importe quel moment après cela, une lettre de nomination au niveau ES-06 similaire à la lettre de nomination au niveau ES-05 de 2001.

270 Lorsque la fonctionnaire s'estimant lésée a rempli les fonctions du niveau ES-06 pour la première fois, l'affectation s'est présentée sous la forme d'une nomination intérimaire au poste de négociateur principal, Revendications territoriales. La nomination a commencé le 5 novembre 2001 (pièce E-6). Le témoignage de la fonctionnaire s'estimant lésée confirme qu'il s'agissait d'une situation intérimaire. Dans son évaluation du rendement datée du 4 juin 2002, on lit ce qui suit : [traduction] « en novembre 2001, Karen a assumé les responsabilités du poste de négociateur principal, Revendications territoriales, ES-06, à titre intérimaire, en plus de ses responsabilités habituelles …. » (pièce G-1, onglet 2). L'employeur a écrit à la fonctionnaire s'estimant lésée le 13 juin 2002 pour lui offrir [traduction] « … une prolongation de votre nomination intérimaire du 4 juillet 2002 au 4 août 2002 … » (pièce G-37). La fonctionnaire s'estimant lésée, après y avoir ajouté une condition, a accepté la prolongation. La fonctionnaire s'estimant lésée, lors de son témoignage, a indiqué que, peu après, elle a décidé de mettre fin à la situation intérimaire, telle que confirmée, d'après elle, par la pièce E-7. Les documents montrent donc clairement que la première fois que la fonctionnaire s'estimant lésée a rempli des fonctions au niveau ES-06, elle n'a été à aucun moment titularisée au niveau ES-06.

271 L'examen de la deuxième période durant laquelle la fonctionnaire s'estimant lésée a accompli des fonctions de niveau ES-06 doit se faire dans le contexte de la décision de reclassification de l'employeur. L'employeur a reclassifié le poste d'attache de la fonctionnaire s'estimant lésée dans le secteur du partage des coûts au niveau ES-06 à compter du 11 mars 2004 (pièce G-14). Cette décision de reclassification a déclenché l'exigence en vertu de la LEFP et du Règlement pris en application de celle-ci que soit effectué une évaluation du mérite, dont le résultat a été l'échec de la fonctionnaire s'estimant lésée. Il fallait également décider si la classification s'appliquait de façon rétroactive et, le cas échéant, si cette détermination se traduirait par une rémunération d'intérim rétroactive pour la fonctionnaire s'estimant lésée.

272 La fonctionnaire s'estimant lésée a présenté un grief au premier palier du système de règlement des griefs le 30 avril 2004 en précisant que la date d'entrée en vigueur de la reclassification devrait être le 1er janvier 2001 (pièce G-32), date de sa nomination au niveau ES-05. La preuve montre que la fonctionnaire s'estimant lésée a également présenté deux autres griefs à ce moment-là, un pour exiger une rémunération d'intérim et l'autre pour contester le résultat de l'évaluation de ses qualifications (pièce G-8), bien que les textes de ces griefs n'aient pas été soumis. La réponse fournie au grief au deuxième palier par l'employeur, datée du 12 septembre 2004, accordait à la fonctionnaire s'estimant lésée une rémunération d'intérim [traduction] « … au niveau ES-06 pour avoir rempli les fonctions et les responsabilités du poste de gestionnaire, Opérations de partage des coûts, pour la période allant du 1er août 2002 au 22 avril 2004 …. » (toujours la pièce G-8).

273 De nouveau, les documents soumis n'établissent pas que la fonctionnaire s'estimant lésée a été titularisée au niveau ES-06, mais uniquement qu'elle y était payée parce qu'elle accomplissait les fonctions du niveau ES-06 à titre intérimaire. Le document faisant autorité invoqué par l'employeur pour justifier cette rémunération était la disposition concernant la rémunération d'intérim à l'article 27 de la convention collective de la fonctionnaire s'estimant lésée (pièce E-26).

274 L'employeur a informé la fonctionnaire s'estimant lésée le 8 avril 2004 qu'elle était une« employée touchée ». Il a ensuite confirmé par écrit le 21 avril 2004 que la fonctionnaire s'estimant lésée [traduction] « … continu[ait] à être une employée engagée pour une période indéterminée au niveau ES-05 et que vous continuerez à occuper le poste 29740 au niveau ES-05 (en dépit du fait que le poste ait été reclassifié au niveau ES-06) …. » (pièce G-5). L'employeur a par la suite annulé la notification selon laquelle elle était une « employée touchée » suite à un grief présenté au CNM (pièce G-3).

275 Cette décision rendue en réponse à un grief n'a pas changé le fait que la classification effective de la fonctionnaire s'estimant lésée demeurait au niveau ES-05. La décision a eu un effet limité en confirmant que les circonstances auxquelles faisaient face la fonctionnaire s'estimant lésée en avril 2004 ne constituaient pas une situation valide de remaniement de l'effectif au sens de la DRE. Cette détermination n'a pas et ne pouvait pas modifier la classification effective de la fonctionnaire s'estimant lésée ni avoir pour effet de la nommer au niveau ES-06.

276 En l'absence d'une preuve sans équivoque d'une nomination officielle et effective au niveau ES-06 dans aucun des documents susmentionnés, il me reste à examiner le contre-argument de la fonctionnaire s'estimant lésée que l'employeur, de par ses actions, aurait procédé à sa nomination dans les faits. La fonctionnaire s'estimant lésée a fait une variété de propositions à cet effet. À un moment donné dans son argumentation, elle affirme que sa nomination originale, qui est entrée en vigueur le 2 janvier 2001, l'obligeait à assumer d'importantes nouvelles fonctions de gestion pour une période indéterminée. Ces fonctions, toujours d'après la fonctionnaire s'estimant lésée, étaient parallèles à celles assignées à deux autres postes de gestion à la DEFPC, qui étaient classifiés au niveau ES-06, et à ce titre, les responsabilités ou la valeur de ses fonctions n'étaient pas inférieures à celles de ces deux postes. Invoquant la décision rendue dans le cas Storey, la fonctionnaire s'estimant lésée fait valoir qu'elle doit être considérée comme ayant été nommée au niveau ES-06 à cette date.

277 Outre le fait qu'il contredit la lettre de nomination indiquant la nomination au niveau ES-05 à compter du 2 janvier 2001, (pièce E-1), cet argument en réalité a pour but de m'inciter à constater que les fonctions accomplies par la fonctionnaire s'estimant lésée à partir de cette date étaient réellement des fonctions d'ES-06. Évidemment, la décision d'un arbitre ne peut pas avoir pour effet la détermination d'un niveau de classification, à la lumière de l'application de l'article 7 de la LRTFP :

7. La présente Loi n'a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l'autorité de l'employeur quant à l'organisation de la fonction publique, à l'attribution des fonctions aux postes et à la classification de ces derniers.

Je note également que l'affaire Storey, une décision d'un comité d'appel rendue en vertu de la LEFP, est d'une utilité douteuse pour la fonctionnaire s'estimant lésée. À mon avis, dans cette affaire, la décision ultime est qu'il doit y avoir un processus de sélection selon le mérite en vue de la nomination à un niveau supérieur pour qu'une nomination valide ait pu avoir lieu. Or, il n'y a pas eu, dans le contexte de la nomination en janvier 2001 de la fonctionnaire s'estimant lésée, de processus de sélection en rapport avec le niveau ES-06.

278 La fonctionnaire s'estimant lésée présente comme preuve une évaluation satisfaisante effectuée par l'employeur de son rendement lorsqu'elle occupait le poste au niveau plus élevée d'ES-06 (pièce G-1, onglet 2). Tandis que je pourrais peut-être décider que cet élément de preuve est curieux, voire troublant, lorsque comparé à la détermination subséquente de l'employeur que la fonctionnaire s'estimant lésée n'était pas qualifiée pour occuper le poste reclassifié au niveau ES-06, il est abondamment clair qu'une cote de rendement attribuée pour l'exercice de fonctions par intérim ne peut pas prouver que l'employeur a procédé à une nomination effective.

279 La fonctionnaire s'estimant lésée revient alors à sa théorie selon laquelle la décision de reclassification de l'employeur, qui reconnaissait son exécution de longue date de fonctions dûment classifiées au niveau ES-06, établit un fondement valide et contraignant pour la prise d'une décision selon laquelle elle a été nommée au niveau ES-06. À un certain moment, elle a formulé cette affirmation en termes précis :

 [Traduction]

… la fonctionnaire s'estimant lésée soutient qu'elle a été nommée au niveau ES-06, et que ce fait a été reconnu lorsque le ministère a émis trois documents faisant état d'une date de rétroactivité effective [de la reclassification] …. L'instrument de nomination a été émis, et la date d'entrée en vigueur a été établie en août 2002. La fonctionnaire s'estimant lésée touchait un salaire de niveau ES-06 immédiatement avant le 21 avril 2004, lorsque son titre et ses fonctions lui ont été retirés et qu'elle a été rétrogradée au niveau ES-05.

La fonctionnaire s'estimant lésée, citant la décision rendue dans l'affaire Oriji à l'appui de son argumentation, s'est reportée tout particulièrement à un échange de courriels entre M. McKenney et Mme Smith, à la décision du Comité exécutif du 14 avril 2003 (pièce G-44) et à la décision rendue le 12 septembre 2004 en réponse à un grief (pièce G-8), en tant que documents qui satisfont tous aux exigences d'un instrument de nomination au niveau ES-06.

280 Ces documents constituaient-ils chacun un « instrument de nomination » valide au niveau ES-06, comme l'affirme la fonctionnaire s'estimant lésée? La LEFP renferme une exigence selon laquelle la nomination doit se faire sur la base d'une « … sélection fondée sur le mérite, …. soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats …. » :

10(1) Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, et à la demande de l'administrateur général intéressé, soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction.

281 Il y a eu, en l'espèce, un processus de sélection fondé sur le mérite pour le niveau ES-06. L'employeur a conclu, en appliquant un processus d'évaluation fondé sur le mérite individuel en vertu du paragraphe 10(2) de la LEFP, que la fonctionnaire s'estimant lésée ne satisfaisait pas aux qualifications requises pour occuper le poste de gestionnaire, Opérations de partage des coûts, au niveau ES-06 :

10(2) Pour l'application du paragraphe (1), la sélection au mérite peut, dans les circonstances déterminées par règlement de la Commission, être fondée sur des normes de compétence fixées par celle-ci plutôt que sur un examen comparatif des candidats.

282 Une décision de reclassifier un poste n'est pas un processus de sélection. Le processus de sélection est un deuxième processus distinct de détermination qui survient après la reclassification. La décision de reclassifier ne consiste pas à mesurer les mérites d'un ou de plusieurs candidats. Il ne s'agit ni n'un concours ni d'une évaluation des compétences. Il s'agit d'une décision prise par l'employeur sous le régime de la LGFP selon laquelle les fonctions rattachées à un poste, telles que définies par l'employeur, devraient être classifiées à un niveau plus élevé lorsque mesurées par rapport aux exigences de la norme de classification appropriée. Il s'agit ici aussi d'une décision sur laquelle l'arbitre n'a aucun pouvoir d'examen en vertu de l'article 7 de la LRTFP.

283 J'estime qu'aucun des trois documents auxquels renvoie la fonctionnaire s'estimant lésée ne peut être considéré comme un instrument de nomination. L'échange de courriels que M. McKenney a eu - je pense avec Cindy Cooke plutôt qu'avec Mme Smith, même si celle-ci en a reçu une copie conforme (pièce G-43) - porte simplement sur une éventuelle date rétroactive pour la reclassification au niveau ES-06, et sur ses conséquences salariales. La décision du Comité exécutif (pièce G-44) ne fait rien de plus qu'approuver une date de rétroactivité pour la reclassification si la reclassification est approuvée. La décision rendue à la suite du grief (pièce G-8) accorde une rémunération d'intérim, rien de plus. À vrai dire, dans la mesure où elle concerne une nomination, elle peut uniquement être interprétée comme confirmant qu'il n'y en a jamais eu une :

[Traduction]

J'ai par conséquent conclu que l'évaluation de vos qualifications au niveau ES-06 est bien étayée et j'appuie la conclusion de votre gestionnaire selon laquelle vous ne satisfaites pas aux qualifications à ce niveau, à ce moment précis.

284 En ce qui concerne le présumé soutien dans l'affaire Oriji pour la position de la fonctionnaire s'estimant lésée, je suggère respectueusement que cette dernière a mal interprété la signification d'Oriji. Je ne vois rien dans cette décision qui pourrait être perçu comme permettant l'interprétation d'une décision de reclassification ou de rémunération suite à une reclassification comme constituant un instrument de nomination. Dans Oriji, la Cour fédérale a statué à l'époque qu'une offre d'emploi verbale faite à un candidat qui a réussi un concours peut être exécutoire. En l'espèce, il n'y a aucune preuve que la fonctionnaire s'estimant lésée aurait remporté le concours ou que sa candidature aurait été retenue, ou qu'il y ait eu une offre verbale d'emploi au niveau ES-06. De plus, comme l'a fait valoir l'employeur, le raisonnement suivi dans Oriji a probablement été remplacé par des décisions plus récentes de la Cour fédérale, comme la décision rendue dans l'affaire Association professionnelle des agents du service extérieur.

285 Je conclus de cette analyse et de façon plus générale à partir de l'information qui m'a été soumise que l'employeur n'a jamais nommé effectivement la fonctionnaire s'estimant lésée au niveau ES-06. Il s'ensuit, par conséquent, que la fonctionnaire s'estimant lésée n'a jamais été rétrogradée du niveau ES-06 au sens de l'alinéa 11(2)g) de la LGFP.

286 Si, selon la lettre de la loi, il n'y a pas eu rétrogradation en l'espèce, suis-je libre de statuer qu'il y a eu « rétrogradation déguisée »?

287 Fréquemment, les arbitres évaluent des arguments selon lesquels des gestes posés par l'employeur constituent une « mesure disciplinaire déguisée ». Au fil des ans, une jurisprudence considérable s'est accumulée et nous guide lorsque nous cherchons à savoir les types d'actes ou la nature des éléments de preuve qui peuvent être pertinents pour prouver qu'il y a eu mesure disciplinaire « déguisée ». Le concept d'une « rétrogradation déguisée » est beaucoup plus inhabituel. La façon dont j'interprète ce concept est qu'il peut s'appliquer, par exemple, lorsqu'on soutient qu'un changement de fonctions ou de poste, même s'il ne s'agit pas d'une rétrogradation en bonne et due forme, a cependant pour effet de nier ou de dévaluer le rôle ou le statut d'un employé dans une organisation d'une façon identique ou similaire à une rétrogradation officielle. En ce sens, le concept d'une « rétrogradation déguisée » ressemble au concept du « licenciement déguisé », mais appliqué dans une situation où l'impact négatif de la décision d'un employeur sur un employé ne se traduit pas la résiliation effective du contrat d'emploi.

288 Appliquer le concept de « rétrogradation déguisée » ou quelque chose de semblable à une « rétrogradation détournée » en cette instance est à tout le moins aussi risqué que d'appliquer la notion de « licenciement déguisé », pour les mêmes raisons que celles exposées dans l'affaire Browne citée plus haut. Je ne crois pas que la fonctionnaire s'estimant lésée ait fourni un fondement suffisamment solide pour me permettre de m'aventurer sur ce terrain difficile. C'est à la fonctionnaire s'estimant lésée qu'incombe le fardeau d'exposer les critères auxquels il faudrait satisfaire pour prouver qu'il y a eu rétrogradation déguisée, et puis de satisfaire à ces critères. Je statue respectueusement que la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas satisfait aux exigences de ce fardeau.

289 Avant de poursuivre, je note que la fonctionnaire s'estimant lésée, à un moment ultérieur durant son argumentation, a suggéré que la lettre du 16 février 2005 de M. Goldie (pièce G-20) s'inscrivait également dans la stratégie - un second front d'attaque, de rechange - visant à la rétrograder. Dans la lettre, M. Goldie a précisé que l'intention de la gestion était [traduction] « … de créer une description de travail générique au niveau ES-5 pour votre poste au sein de l'équipe des Opérations de partage des coûts …. ». Il m'apparaît que ce document deviendrait la description de travail pour le poste auquel la fonctionnaire s'estimant lésée devait être affectée si elle ne profitait pas de l'occasion d'être mutée à un poste différent dans une autre partie de l'organisation, une option décrite également dans la lettre. Elle n'a pas profité de cette dernière option, et ensuite, l'employeur, selon l'expression utilisée par la fonctionnaire s'estimant lésée [traduction]« l'a larguée » elle et ses fonctions ES-05 dans un poste vacant, ce qui a eu pour effet de maintenir [traduction] « … la rétrogradation et la sanction pécuniaire imposées » à la fonctionnaire s'estimant lésée.

290 Pour des raisons parallèles à celles que j'ai exposées en ce qui concernait la décision de reclassification de l'employeur, je ne vois dans les éléments de preuve concernant la réaffectation de la fonctionnaire s'estimant lésée à son poste, suite à la lettre de M. Goldie, aucune indication convaincante d'une rétrogradation ou rétrogradation déguisée. À ce moment-là, la fonctionnaire s'estimant lésée est apparemment passée d'un poste à un autre sans que son statut effectif d'ES-05 ne change. Par définition, le transfert d'un poste de niveau ES-05 à un autre poste de niveau ES-05 ne constitue pas une rétrogradation. Avant qu'on puisse constater qu'il y a eu rétrogradation déguisée, il serait nécessaire de fournir une preuve montrant qu'il y a eu une dévaluation ou un manque de reconnaissance de fonctions ou de statut organisationnel, à tout le  moins. Je ne crois pas que la fonctionnaire s'estimant lésée ait présenté des preuves convaincantes dans ce sens.

C.    Y a-t-il eu une mesure disciplinaire entraînant une sanction pécuniaire? (Partie II)

291 J'ai déterminé que l'employeur n'avait pas rétrogradé la fonctionnaire s'estimant lésée. Lorsque celle-ci est retournée à son poste d'attache de niveau ES-05 en avril 2004, elle a cessé d'être rémunérée au niveau ES-06. Elle est retournée au taux de rémunération du niveau ES-05, qui était le taux de rémunération normal pour son poste au niveau ES-05 et pour sa classification effective au niveau ES-05. Le fait d'être rémunéré au niveau habituel établi pour le poste et la classification d'un employé ne peut pas, par définition, constituer une sanction pécuniaire. Strictement à cause de cette réalité, la fonctionnaire s'estimant lésée ne peut établir qu'il y a eu une mesure disciplinaire entraînant une sanction pécuniaire.

292 Y a-t-il d'autres éléments sur lesquels la fonctionnaire s'estimant lésée peut s'appuyer pour réussir à montrer que la preuve révèle une série de mesures disciplinaires déguisées entraînant une sanction pécuniaire?

293 J'ai indiqué au début de mes motifs que c'est à la fonctionnaire s'estimant lésée qu'il incombe de prouver ses arguments. La Cour fédérale, dans Valadares c. Canada (Conseil du Trésor), [1994] A.C.F. no 1296 (CFPI) (QL) a statué que l'omission d'une fonctionnaire s'estimant lésée de présenter une preuve appuyant une allégation de mesure disciplinaire était suffisante pour nier à l'arbitre sa compétence en vertu de l'alinéa 92(1)b) de la LRTFP :

3. Je suis d'avis que la présidente suppléante n'a pas commis d'erreur de droit dans sa décision. Il lui était raisonnablement loisible de tirer la conclusion de fait que le requérant avait omis de présenter des éléments de preuve de l'existence de mesures disciplinaires; cette conclusion ne devrait donc pas être modifiée par notre cour. Par ailleurs, vu l'omission du requérant de déposer des éléments de preuve à l'appui de son allégation de mesures disciplinaires, la présidente suppléante n'était pas compétente pour connaître du grief [voir l'al. 92(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique].

294 Dans le cadre des décisions d'arbitrage en vertu de la LRTFP où la question concerne une mesure disciplinaire déguisée plutôt qu'une sanction pécuniaire évidente ou admise, la norme de preuve à laquelle doit satisfaire le plaignant pour prouver une allégation qu'il y a eu mesure disciplinaire déguisée n'est pas toujours claire. La fonctionnaire s'estimant lésée a fait valoir qu'elle doit uniquement fournir une preuve prima facie pour appuyer son affirmation. L'employeur, par contre, fait valoir qu'un « lourd » fardeau incombe à la fonctionnaire s'estimant lésée qu'il y a eu mesure disciplinaire déguisée.

295 Dans les affaires d'arbitrage dans le secteur privé où les parties sont en désaccord sur la question de savoir s'il y a eu mesure disciplinaire et où une objection en matière de compétence est soulevée en tant que question préliminaire, la pratique habituelle est d'exiger que le plaignant établisse qu'il y a eu un acte disciplinaire ou une rétrogradation prima facie. Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 3e éd., page 3:2411, décrivent la norme comme suit :

[Traduction]

En ce qui a trait aux questions de licenciement et disciplinaires, le fardeau initial qui incombe à la fonctionnaire s'estimant lésée est de fournir une preuve prima facie consistant à prouver l'existence d'une convention collective et sa couverture du plaignant à tous les moments pertinents, à prouver le fait que le plaignant est employé et à prouver l'acte disciplinaire ou de licenciement. Une fois que le plaignant a ainsi fourni une preuve prima facie ou que l'employeur la reconnaît, le fardeau consistant à prouver que la mesure prise était justifiée est transféré à l'employeur, même en l'absence d'une disposition expresse selon laquelle il doit s'agir d'un licenciement motivé.

[…].

296 Sous cet angle, si l'allégation de la fonctionnaire s'estimant lésée est que certains actes incluaient de la « mesure disciplinaire déguisée », le fardeau qui incombe à la fonctionnaire s'estimant lésée est de définir ce déguisement et de fournir un argument crédible prima facie quant à la façon dont les actes cachaient une mesure disciplinaire. Il n'est pas nécessaire que la preuve prima facie à cet égard soit entièrement convaincante ou probante. En effet, il peut rester un doute raisonnable que l'acte ou les actes allégués sont survenus, mais il doit également y avoir à tout le moins des éléments de preuve crédibles qui donnent à croire que l'employeur a pris une mesure ou a adopté un comportement qui pourrait être considéré comme une mesure disciplinaire ou comme ayant le même effet qu'une mesure disciplinaire.

297 Dans l'affaire Grottoli c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2001 CRTFP 87 (QL), l'arbitre devait rendre une décision préliminaire et déterminer si la révocation d'une nomination par l'employeur était, comme l'alléguait la fonctionnaire s'estimant lésée, une mesure disciplinaire déguisée. L'arbitre a décidé qu'il ne pouvait rendre une décision concernant la question de la compétence sans instruire toute l'affaire pour établir le fond de l'affaire, mais était convaincu qu'il fallait procéder ainsi à une évaluation du bien-fondé une fois que la fonctionnaire s'estimant lésée avait démontré, à sa satisfaction, la « possibilité » que la décision de l'employeur était à caractère disciplinaire :

[…]

Je crois que la fonctionnaire s'estimant lésée a au moins avancé la possibilité que l'affaire pourrait revêtir un caractère disciplinaire. Je ne dis pas qu'il est certain qu'il y ait eu mesure disciplinaire, mais, n'ayant pas instruit toute l'affaire, je ne saurais affirmer qu'il y a eu sanction disciplinaire.

[…]

298 Dans Grottoli, on entrevoit une norme de preuve ressemblant à l'exigence de présentation d'une preuve prima facie décrite par Brown et Beatty et invoquée par la fonctionnaire s'estimant lésée, mais plutôt dans le contexte de la nécessité de déterminer si une preuve plus complète doit être présentée durant une phase subséquente de l'audience pour établir s'il y a eu mesure disciplinaire déguisée.

299 Dans Weiten c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Douanes et Accise), dossier de la CRTFP no 24748 (1995) (QL), une affaire concernant un licenciement suite à un abandon de poste, l'employeur a adopté la position que « … étant donné que le fonctionnaire s'estimant lésé invoquait une mesure disciplinaire camouflée, il lui incombait de démontrer qu'il a fait l'objet d'une mesure disciplinaire… ». Dans les motifs de l'arbitre, le concept d'une telle exigence consistant à fournir une preuve prima facie n'est pas mentionné. L'arbitre a rejeté le grief « … [e]n l'absence de preuves suffisantes …. » [je souligne] qu'il y avait eu une mesure disciplinaire.

300 Dans les autres décisions d'arbitrage concernant des allégations de mesure disciplinaire déguisée formulées en vertu de la LRTFP, je trouve très peu de soutien explicite pour la proposition que la norme de preuve à laquelle doit satisfaire la fonctionnaire s'estimant lésée est qu'elle doit fournir une preuve prima facie. Fréquemment, comme le suggère le passage ci-dessus, ces décisions ne sont pas explicites quant à la question de la norme de preuve, et précise uniquement que le fardeau qui incombe au plaignant est de « prouver » qu'il y a eu une « mesure » disciplinaire. Par exemple, dans Bratrud c. Bureau du surintendant des institutions financières Canada, 2004 CRTFP 10, l'arbitre, au par. 93, a affirmé simplement que « … [i]l incombe au fonctionnaire s'estimant lésé qui allègue l'existence d'une mesure disciplinaire déguisée d'en faire la preuve ». Dans Gingras c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada), 2004 CRTFP 7, l'arbitre a fait l'observation suivante :

[…]

42. Pour établir la compétence d'un arbitre de griefs, le fonctionnaire s'estimant lésé avait la charge de prouver qu'il avait été l'objet d'une « mesure disciplinaire entraînant une sanction pécuniaire », comme le prévoit le sous-alinéa 92(1)b)(i) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP).

[…].

Dans Lundin c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2004 CRTFP 167, l'arbitre note que « … [e]n définitive, il reste que le fonctionnaire s'estimant lésé doit démontrer que son renvoi en cours de stage était une mesure disciplinaire déguisée …. ». Dans Owens c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2003 CRTFP 33, le représentant de l'agent négociateur affirmait que « … la Commission a bel et bien compétence quand le fonctionnaire s'estimant lésé peut prouver qu'il s'agit dans son cas d'un congédiement pour motifs disciplinaires déguisés …. ».

301 La fonctionnaire s'estimant lésée a présenté l'affaire Schofield comme appuyant l'application de la norme prima facie. Mon interprétation de l'affaire Schofield diffère quelque peu de la sienne. Je ne vois pas dans cette décision une claire approbation de la norme prima facie par l'arbitre, mais plutôt une réponse à l'argument initial de l'employeur concernant la compétence de l'arbitre, puisque le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait par réussi à tout le moins à prouver prima facie qu'il avait été victime d'une sanction pécuniaire. Je note aussi que dans Schofield, la décision est rendue à la suite des observations et des déclarations préliminaires des parties, qui n'ont présenté aucune preuve détaillée en faisant appel à des témoins. À ce titre, il est plus plausible d'interpréter cette décision comme une constatation préliminaire concernant la question de savoir s'il y a lieu de passer à la phase de présentation d'éléments de preuve détaillés, plutôt que comme une conclusion sur la manière d'évaluer la preuve proprement dite.

302 La fonctionnaire s'estimant lésée me demande de prendre en considération la décision dans l'affaire Matthews. Or, cette décision n'a pas trait à une norme prima facie. L'arbitre affirme uniquement qu'il en est arrivé à sa conclusion en se fondant sur « toute la preuve ». Il ne mentionne pas une norme de preuve explicite.

303 Plus tard, la fonctionnaire s'estimant lésée m'a référé aux décisions dans les affaires  Mallett, Steen et Lo pour m'aider à évaluer l'existence d'une mesure disciplinaire déguisée. Dans Mallett, l'arbitrerenvoie à des décisions antérieures selon lesquelles le fonctionnaire s'estimant lésé doit présenter des « preuves claires et tangibles » établissant qu'il y a eu mesure disciplinaire déguisée. Dans Steen, l'arbitre, pour en arriver à sa conclusion qu'il y avait eu mesure disciplinaire déguisée en mise en disponibilité, s'est fondé « … sur la preuve documentaire incontestée… ». Il n'a pas appliqué une norme prima facie. Finalement, dans l'affaire Lo, l'arbitre a déclaré que la seule décision qu'il devait rendre concernait la question de savoir s'il y avait eu « en fait» [souligné dans l'original] un congédiement. Il a fondé sa constatation qu'il y avait eu une mesure disciplinaire déguisée sur une preuve « abondante ».

304 Quelle est la signification de tout cela? Si l'on se base sur la jurisprudence, manifestement, on peut débattre dans une certaine mesure de ce qui constitue une norme de preuve appropriée pour établir une allégation selon laquelle il y a eu une mesure disciplinaire déguisée. Si j'examine l'analyse qui a été faite de la preuve dans un grand nombre des affaires citées plus haut, et dans d'autres, je suis convaincu que les arbitres, sous le régime de la LRTFP, ont généralement appliqué un critère de « prépondérance des probabilités » pour déterminer s'il y avait eu mesure disciplinaire, sans nécessairement l'affirmer aussi explicitement. Il s'agit de la même norme qu'ils ont appliquée à la plupart des autres situations étayées par des preuves. En bref, ils ont posé la question suivante : « Est-il plus probable ou moins probable que les mesures contestées prises par l'employeur constituent une mesure disciplinaire déguisée? » En l'espèce, j'ai le sentiment que j'ai une preuve suffisante devant moi pour statuer sur la question de compétence en vue de déterminer si l'employeur a imposé une sanction pécuniaire disciplinaire, directement ou de façon déguisée. Par conséquent, je crois que la norme de « prépondérance des probabilités » qui sous-tend l'approche suivie pour rendre de nombreuses autres décisions convient dans les circonstances.

305 De toute évidence, la mesure disciplinaire et la mesure disciplinaire déguisée sont des concepts reliés entre eux. Ce que d'autres ont dit au sujet de la nature de la mesure disciplinaire peut aider à explorer l'existence alléguée de mesures disciplinaires déguisées. Je trouve deux sources d'information particulièrement utiles à cette fin. Dans la première, l'arbitre Pamela Picher fournit un résumé des facteurs considérés par les arbitres dans d'autres instances pour évaluer si une mesure prise par un employé est à caractère disciplinaire plutôt qu'administratif. Dans l'affaire St. Clair Catholic District School Board v. Ontario English Catholic Teachers Association (1999), 86 L.A.C. (4th) 251, elle suggère la prise en compte des facteurs suivants : (1) la question de savoir si l'employeur avait l'intention d'imposer une mesure disciplinaire; (2) l'impact sur la carrière de l'employé;  (3) si la mesure donnerait lieu à d'autres mesures disciplinaires à l'avenir; (4) si l'incident déclencheur pouvait être considéré comme un comportement fautif de la part de l'employé; (5) s'il y avait une intention de punir ou de corriger un comportement indésirable; (6) si la mesure équivalait à une expression de la désapprobation de l'employeur (non disciplinaire) ou à une mesure punitive visant à corriger (disciplinaire); et (7) si la mesure a établi des normes à satisfaire à l'avenir et visait donc à éviter des problèmes potentiels futurs (non disciplinaire) ou si elle avait des conséquences immédiates pour le plaignant (disciplinaire).

306 Dans la deuxième source d'information, plus proche de chez nous, l'arbitre dans l'affaire Lundin a parlé de la distinction essentielle qu'il faut faire entre les questions disciplinaires et non disciplinaires, comme on l'a soutenu dans des affaires antérieures :

103. Les considérations sur lesquelles on se fonde pour distinguer une « mesure disciplinaire » d'une qui ne l'est pas tournent autour de la distinction entre les actes délibérés et involontaires du fonctionnaire (voir Robertson c. Conseil du Trésor (Ministère du Revenu national), dossier de la CRTFP 166-2-454 (1971), cité dans Smith c. Conseil du Trésor (Affaires extérieures Canada), dossier de la CRTFP 166-2-19902 (1991) (QL)). Dans Smith, supra, l'arbitre a déclaré que des mesures disciplinaires ne peuvent découler que d'actes malfaisants commis volontairement à dessein :

Aucune mesure disciplinaire ne peut découler d'actes commis innocemment ou involontairement, ou de l'incapacité du fonctionnaire de satisfaire à des normes données. Cela ne veut pas dire que l'employeur ne peut pas prendre d'autres mesures qu'il juge [sic] indiquées, mais seulement qu'il peut recourir à des sanctions disciplinaires en pareilles circonstances. S'il n'est pas permis à l'employeur d'imposer des mesures disciplinaires à la suite d'un simple manque de compétence, il n'est pas plus permis à un fonctionnaire de qualifier de mesure disciplinaire déguisée une décision administrative, sans d'abord établir le bien-fondé des motifs que l'employeur aurait pu avoir pour lui imposer une sanction.

[…]

307 L'observation faite dans Smith, citée par l'arbitre Lundin, semble assez pertinente en l'espèce. Des gestes clés posés par l'employeur et contestés par la fonctionnaire s'estimant lésée, et particulièrement dans le contexte du jury de sélection d'avril 2004, consistait à évaluer ses capacités. Dans Smith, on trouve un avertissement selon lequel la conclusion de l'employeur que l'employé ne possède pas les capacités requises ne peut être interprétée comme une mesure disciplinaire, à moins qu'un solide fondement soit établi pour une telle mesure, c'est-à-dire que l'employé a commis des actes malfaisants volontairement et à dessein. Dans l'affaire Lundin, l'arbitre a développé un point qui, d'après moi, représente une observation cruciale. Il a fait une mise en garde précisant qu'il fallait éviter « … de qualifier de mesure disciplinaire déguisée une décision administrative, sans d'abord établir le bien-fondé des motifs que l'employeur aurait pu avoir pour lui imposer une sanction ». 

308 Dans ses dépositions, la fonctionnaire s'estimant lésée a attiré mon attention sur une définition différente de « mesure disciplinaire » fournie par l'arbitre dans l'affaire Guertin:

[…].

Tout manquement aux obligations professionnelles du travailleur dans l'exécution de son obligation de faire, plus généralement, tout trouble apporté par lui au bon fonctionnement de l'entreprise, peut être qualifié de faute disciplinaire, qu'il s'agisse par exemple de retards, d'absences injustifiées, de manquement aux règles de sécurité, d'hygiène, d'insubordination, d'incorrection, de négligence ou d'actes déloyaux.

[Mots  soulignés par la fonctionnaire s'estimant lésée]

La fonctionnaire s'estimant lésée a nié être coupable d'aucune des infractions énumérées ci-dessus. Elle a affirmé que l'employeur a cependant fait des allégations à son endroit et a pris des mesures en réponse à celles-ci à l'automne, à l'égard d'un grand nombre de ces questions. Elle a affirmé ensuite

[Traduction]

… il n'est pas nécessaire pour la fonctionnaire s'estimant lésée de montrer que l'employeur a eu tort lorsqu'il a formulé les fautes disciplinaires particulières. Au lieu de cela, la fonctionnaire s'estimant lésée doit démontrer prima facie que l'employeur avait pris une mesure disciplinaire en réponse à une quelconque lacune alléguée. Si elle réussit à le faire, elle satisfait à la condition selon laquelle il faut établir qu'il y a eu une « mesure disciplinaire » en vertu du sous-alinéa 92(1)b)(i). La fonctionnaire s'estimant lésée soutient respectueusement qu'elle a démontré prima facie (et davantage) l'existence de cette condition.

309 Des sources comme les affaires St. Clair Catholic District School Board, Smith, Lundin et Guertin - ou la fonctionnaire s'estimant lésée elle-même - utilisent différents termes et font ressortir différents aspects, mais il semble y avoir un fil conducteur. Je déduis de ces sources qu'un fonctionnaire s'estimant lésé qui allègue qu'il y a eu mesure disciplinaire déguisée a pour obligation de montrer que l'employeur a constaté une lacune ou un acte malfaisant à dessein de la part du fonctionnaire s'estimant lésé et qu'il a ensuite pris une mesure disciplinaire déguisée en réponse à cette lacune ou à cet acte. Formulée un peu différemment, la solidité de la preuve qu'il y a eu mesure disciplinaire déguisée dépend de la capacité du fonctionnaire s'estimant lésé de démontrer que l'employeur avait l'intention de lui imposer une mesure disciplinaire pour une ou plusieurs raisons précises, mais a déguisé la mesure disciplinaire, c'est-à-dire en lui donnant une forme différente, mesure qui a cependant eu l'effet équivalent de corriger ou de punir le fonctionnaire s'estimant lésé. 

310 Pour répondre à toutes les affirmations ou inférences faites par la fonctionnaire s'estimant lésée au sujet d'une mesure disciplinaire déguisée dans son témoignage et ses arguments, il faudrait une très longue analyse. Comme c'était le cas plus tôt quand j'ai statué sur la rétrogradation alléguée par la fonctionnaire s'estimant lésée, j'estime toutefois que je peux arriver à une conclusion concernant la mesure disciplinaire déguisée en me fondant sur quelques éléments centraux. Pour que la preuve concernant la mesure disciplinaire puisse servir à déterminer la compétence aux termes du sous-alinéa 92(1)b)(i) de la LRTFP, il doit y avoir en l'espèce un lien évident avec l'imposition de quelque chose qui peut être définie comme une sanction pécuniaire. Si la fonctionnaire s'estimant lésée soutient qu'un événement ou un acte était à caractère disciplinaire, qu'il ait été direct ou déguisé, mais qu'elle ne peut pas associer cette mesure disciplinaire alléguée à une sanction pécuniaire, la preuve n'appuiera pas son affirmation selon laquelle l'arbitre a compétence.

311 Dans la description de cette affaire, il y a trois situations où il pourrait en théorie y avoir une sanction pécuniaire : la fin de la première affectation intérimaire de la fonctionnaire s'estimant lésée au niveau ES-06 en juin 2002 et le fait pour elle de ne pas s'être qualifiée au poste de négociateur principal au niveau ES-06, son retour au niveau de rémunération ES-05 du fait qu'elle ne possédait pas les qualifications nécessaires pour occuper son poste reclassifié en mars/avril 2004, et son rétablissement par M. Goldie en 2005 dans un poste de niveau ES-05. Est-ce que l'une ou l'autre de ces situations révèlent qu'il y a eu mesure disciplinaire déguisée?

312 En ce qui concerne la situation en juin 2002, la preuve est qu'un jury de quatre personnes a décidé que la fonctionnaire s'estimant lésée ne possédait pas les qualifications nécessaires pour occuper le poste de négociateur principal de niveau ES-06, dans le cadre d'un concours qui s'est tenu à l'époque. L'un des quatre membres du jury était M. Friedlaender, qui, d'après la déposition de la fonctionnaire s'estimant lésée, était le principal responsable de la stratégie de l'employeur qu'elle a subie continuellement. Les trois autres membres du jury étaient Mme Chalupa, M. Atkinson et Mme Smith. Je n'ai pas de preuve convaincante devant moi que la décision de dotation à laquelle sont arrivés les membres de ce jury a mis en lumière une lacune ou un acte malfaisant de la part de la fonctionnaire s'estimant lésée autre le fait qu'elle ne satisfaisait pas aux qualifications mesurées durant le concours et que [traduction] « l'écart était important », pour reprendre les mots de Mme Smith. Durant son témoignage, celle-ci a déclaré que la fonctionnaire s'estimant lésée ne répondait pas aux exigences à tout le moins pour l'un des éléments des « connaissances » et des « capacités ». Une connaissance ou une capacité insuffisante ne représentent normalement pas des lacunes en soi qui sont intentionnelles ou voulues et qui peuvent donner lieu à une mesure disciplinaire.

313 S'il y avait une quelconque intention disciplinaire dans la décision du jury de sélection, elle aurait résulté d'une décision de la majorité des membres du jury ou peut-être parce qu'un ou plusieurs des membres de celui-ci, motivés par une intention d'obtenir un résultat disciplinaire, seraient parvenus à convaincre ou à manipuler leurs collègues, de sorte à les amener à rendre une décision défavorable à l'endroit de la fonctionnaire s'estimant lésée. La preuve disponible ne confirme aucun de ces scénarios. Je n'ai aucune information détaillée sur la manière dont le jury a mené le concours ni sur la façon dont il a évalué les réponses de la fonctionnaire s'estimant lésée aux questions cotées utilisées. Même si j'avais cette information devant moi, de toute évidence, le mandat d'un arbitre n'est pas d'établir l'exactitude de l'évaluation des qualifications de la fonctionnaire s'estimant lésée par le jury de sélection. L'examen doit se limiter à trouver des éléments de preuve de mesure disciplinaire déguisée. Sans disposer d'éléments prouvés qui m'inciteraient à soupçonner que les activités du jury de sélection visaient à imposer une mesure disciplinaire déguisée, je ne peux pas approfondir cette question et je n'ai pas besoin de le faire. 

314 Je suis convaincu, par ailleurs, en raison de la similarité des témoignages de Mme Smith et de M. Friedlaender, que l'employeur a fait des efforts en réponse aux résultats du concours de juin 2002 pour explorer la possibilité de fournir un soutien à la fonctionnaire s'estimant lésée afin de l'aider, en prévision de possibilités futures, à combler les lacunes cernées durant le concours. La preuve montre que l'employeur a communiqué à plusieurs reprises avec la fonctionnaire s'estimant lésée au bureau et au domicile de celle-ci, durant ses vacances, pour l'inciter à considérer différentes options. Elle a refusé. Les efforts faits par l'employeur ne correspondent pas à une stratégie disciplinaire déguisée, à moins qu'il y eût un plan réellement machiavélique d'établi. La fonctionnaire s'estimant lésée avait peut-être de graves doutes au sujet du bien-fondé de ces efforts déployés après le concours ou que le mentorat et la formation suggérés lui auraient fourni un perfectionnement approprié ou adéquat, mais les convictions de la fonctionnaire s'estimant lésée sur ces points ne prouvent pas que les gestes posés par l'employeur cachaient une mesure disciplinaire.

315 En ce qui concerne la cessation de la rémunération d'intérim au niveau ES-06 durant cette période, dans son propre témoignage, la fonctionnaire s'estimant lésée a insisté sur le fait qu'elle a pris l'initiative de mettre fin à l'affectation intérimaire. En ses propres termes, elle [traduction] « s'est rendue immédiatement » aux ressources humaines et a invoqué le droit qu'à peine quelques jours auparavant, elle avait revendiqué pour mettre fin à l'affectation intérimaire [traduction] « … à la discrétion de l'une ou de l'autre des parties » (pièces G-37 et E-7). La position de la direction au 13 juin 2002 avait été d'offrir à la fonctionnaire s'estimant lésée une prolongation des fonctions qu'elle accomplissait par intérim jusqu'au 4 août 2002. La fin de cet arrangement à une date antérieure est due entièrement à l'intervention de la fonctionnaire s'estimant lésée. Son attitude à cet égard n'appuie pas une inférence selon laquelle les gestes de l'employeur concernant ses fonctions intérimaires et sa rémunération d'intérim auraient caché une mesure disciplinaire, du moins pas à ce moment-là.

316 La deuxième situation à examiner est celle où la rémunération de la fonctionnaire s'estimant lésée est revenue au niveau ES-05 après qu'elle ne s'était pas qualifiée en avril 2004 pour son poste reclassifié.

317 Sur ce point, la fonctionnaire s'estimant lésée a concentré la majorité de ses critiques sur le rapport du jury de sélection daté du 8 avril 2004 (pièce G-1, onglet 1). Elle a fait différentes affirmations, à savoir que le rapport du jury de sélection renfermait de l'information erronée, qu'il était basé à certains endroits sur des ouï-dire et qu'il jouait un rôle central dans une série de décisions qui [traduction] « empestaient la mauvaise foi ». Affirmation importante dans le contexte de la présente analyse, elle a fait valoir qu'un grand nombre des allégations contenues dans le rapport du jury de sélection équivalaient à des infractions disciplinaires du type dont il est question dans Guertin. Elle a constaté dans le rapport des allégations selon lesquelles elle causait des « troubles », était insubordonnée, négligente et déloyale, et s'était absentée sans justification. Plutôt que de réagir à ces lacunes ou actes malfaisants allégués comme des questions disciplinaires lorsqu'elles sont survenues, l'employeur a décidé d'éviter de prendre des mesures disciplinaires officielles afin d'éviter que la fonctionnaire s'estimant lésée ait accès à des mesures correctives par l'intermédiaire de la procédure de règlement des griefs. Au lieu de cela, l'employeur a comploté en manipulant la reclassification de son poste et l'évaluation subséquente de ses qualifications contenue dans le rapport du jury de sélection afin d'obtenir les effets disciplinaires qu'il souhaitait.

318 Si je me fonde sur la preuve devant moi, je ne trouve pas que cette description du rapport du jury de sélection et de son contenu disciplinaire allégué offre une meilleure explication de ce qui s'est produit et pourquoi cela s'est produit, que la perspective sensiblement différente que m'a fournie la déposition des témoins de l'employeur. Il se peut que nous ayons affaire ici à un écart ténu entre certaines des observations de l'employeur dans le rapport du jury de sélection au sujet de faiblesses ou problèmes dans le rendement antérieur de la fonctionnaire s'estimant lésée et ce qui pourraient, dans d'autres circonstances, constituer des actes malfaisants ou des lacunes à dessein. Il incombe toutefois à la fonctionnaire s'estimant lésée de prouver ce dernier point selon le principe de la prépondérance des probabilités. Je ne pense pas qu'elle l'ait fait.

319 La fonctionnaire s'estimant lésée affirme, par exemple, que l'employeur l'a accusé dans le rapport de [traduction] « causer des troubles tellement extrêmes qu'un employé aurait trouvé la situation insupportable et aurait jugé qu'il était nécessaire de quitter». Je n'ai pas de preuve objective qu'il y ait eu des « troubles extrêmes » et, en particulier, rien dans le témoignage de l'employeur qui indique qu'il y a eu des « troubles extrêmes ». Le rapport du jury de sélection mentionne une « relation intenable » entre la fonctionnaire s'estimant lésée et l'employé en question (sans doute M. Hornburg), et établit un lien entre ce problème et l'omission de la fonctionnaire s'estimant lésée d'effectuer une évaluation du rendement pour l'employé, l'interruption des communications entre elle et lui, et le refus de cette première de participer à de la médiation pour améliorer la relation. Ces lacunes pourraient être interprétées comme dénotant une certaine culpabilité chez la fonctionnaire s'estimant lésée qui pouvait entraîner une mesure disciplinaire, mais elles pourraient aussi être le signe de mauvaises compétences de gestion et d'un manque de jugement qui auraient pu faire partie d'une évaluation des qualifications de la fonctionnaire s'estimant lésée basée sur son rendement antérieur - ce qui correspondrait au portrait qui semble se dégager de la preuve et des documents soumis par l'employeur.

320 La preuve semble assez bien appuyer l'hypothèse contraire d'un employeur concerné par les compétences de gestion d'une employée plutôt que désireux de lui infliger une mesure disciplinaire. M. Friedlaender, lors de son témoignage, a indiqué qu'il avait des inquiétudes grandissantes au sujet des compétences et aptitudes de gestion de la fonctionnaire s'estimant lésée, à compter de 2003. Ces nouveaux problèmes sont évidents, dans une certaine mesure, dans l'évaluation que M. Friedlaender a faite du rendement de la fonctionnaire s'estimant lésée datée du 22 mai 2003 (pièce G-1, onglet 2). M. Friedlaender a affirmé qu'il a communiqué à la fonctionnaire s'estimant lésée ses préoccupations à propos de ses capacités de gestion lors de leur réunion du 16 septembre 2003. Sa note au dossier, qui résume cette réunion, fournit des exemples des questions qu'il a soulevées [traduction] « … concernant la façon dont [la fonctionnaire s'estimant lésée] remplit ses responsabilités de gestion…. » et a réparti ses préoccupations dans deux catégories : [traduction] « gestion de sa propre équipe » et « relations avec ses supérieurs » (pièce E-9). L'omission de la fonctionnaire s'estimant lésée d'effectuer une évaluation complète du rendement d'un employé qu'elle supervisait - mentionné par la fonctionnaire s'estimant lésée dans le contexte de ses commentaires sur les « troubles extrêmes » - est l'un des points qui figure sous la rubrique « gestion de sa propre équipe ». Nulle part, M. Friedlaender mentionne une faute disciplinaire ni qu'il devra peut-être prendre des mesures correctives ou punitives à un moment donné à l'avenir.

321 La fonctionnaire s'estimant lésée suggère que la note au dossier de M. Friedlaender constitue simplement un exemple des situations où il a camouflé sa véritable intention de lui imposer une mesure disciplinaire et où il a présenté ses gestes sous le meilleur jour possible. Il s'agit d'une accusation très difficile à prouver, et je ne pense pas que la fonctionnaire s'estimant lésée ait réussi à le faire. Cette dernière a indiqué elle-même durant son témoignage qu'elle avait compris que, lors de cette rencontre, M. Friedlaender lui disait qu'elle ne satisfaisait pas à [traduction] « … [sa] norme pour les gestionnaires et, particulièrement, les gestionnaires au niveau ES-06 ». Le fait de ne pas satisfaire à une norme établie pour les gestionnaires suggère davantage, à mon avis, un problème de rendement qu'une question disciplinaire. Je note qu'à l'époque la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas contesté sa rencontre avec M. Friedlaender parce qu'elle aurait été à caractère disciplinaire. Elle a ensuite rencontré M. Goldie pour lui exposer ses préoccupations au sujet de M. Friedlaender, mais ni son témoignage ni celui de M. Goldie semblent indiquer qu'elle ait qualifié de disciplinaires les commentaires ou gestes antérieures de M. Friedlaender. La fonctionnaire s'estimant lésée a suggéré à M. Goldie que l'on organise une discussion avec un médiateur entre elle et M. Friedlaender pour parler des préoccupations. M. Goldie a suivi la suggestion. Peu importe les raisons pour lesquelles les efforts faits par la suite pour organiser une telle médiation ont échoué, il demeure qu'il n'y a pas de preuve claire montrant qu'une mesure disciplinaire, directe ou déguisée, était au programme dans le contexte du recours à un médiateur.

322 Plusieurs autres notes de cette période écrites par M. Friedlaender et présentées comme pièces par la fonctionnaire s'estimant lésée confirment certainement qu'il y avait des problèmes et des tensions entre elle et M. Friedlaender, mais, une fois de plus, elles ne révèlent pas, d'après moi, un contenu qui peut être relié, de façon convaincante, à une stratégie disciplinaire déguisée. La note M. Friedlaender du 16 janvier 2004, inclut une liste des préoccupations exprimées par la fonctionnaire s'estimant lésée au sujet des actions de M. Friedlaender en tant que superviseur, ainsi que la compréhension de celui-ci des [traduction] « … souhaits/aspirations pour l'avenir…. » de la fonctionnaire s'estimant lésée (pièce G-17). Sa note du 27 janvier 2004 met de nouveau l'accent sur la nécessité d'améliorer leurs relations et sur des [traduction] « … options de structuration d'un nouveau rôle pour Karen…. » (pièce G-18). Ni le ton ni le contenu de ces notes ne révèlent la présence de mesures disciplinaires.

323 Sur la question de l'« insubordination », la fonctionnaire s'estimant lésée fait valoir que le rapport du jury de sélection [traduction] « … tente de donner l'impression que la fonctionnaire s'estimant lésée n'était pas disposée à se plier aux volontés de l'employeur…. » lorsqu'elle a omis de rencontrer un employé pour discuter de son rendement, en dépit d'offres d'aide venant du gestionnaire dont elle relevait. S'agissait-il d'une omission volontaire de la part de la fonctionnaire s'estimant lésée qui pouvait mériter l'imposition d'une mesure disciplinaire, ou cette omission s'inscrivait-elle plutôt dans une tendance chez la fonctionnaire s'estimant lésée de faire preuve de mauvais jugement et d'avoir un faible rendement? Je ne rejette pas entièrement la première possibilité, mais comme je l'ai précisé plus haut, une preuve plus solide à cet effet serait nécessaire pour avoir préséance sur d'autres témoignages et documents qui m'ont été présentés et qui me donnent plutôt à penser que l'employeur était concerné par le rendement de la fonctionnaire s'estimant lésée en tant que gestionnaire.

324 La fonctionnaire s'estimant lésée affirme que le rapport du jury de sélection incluait [traduction] « … de graves critiques d'inconduite négligente …. » à cause de son omission alléguée de se préparer à l'arrivée et à l'orientation d'un nouvel employé, ainsi que des commentaires concernant son [traduction] « refus délibéré » d'effectuer une évaluation du rendement. Ce rapport mentionne ces lacunes, mais je ne vois rien dans le rapport qui donne l'impression d'une inconduite négligente ou d'un refus délibéré de suivre les instructions de l'employeur, comme la fonctionnaire s'estimant lésée aimerait que je le fasse. Je suis incapable par ailleurs de trouver dans le rapport des déclarations qui pourraient être interprétées comme alléguant un acte déloyal. Dans son argumentation, la fonctionnaire s'estimant lésée a suggéré que l'employeur avait effectivement considéré sa décision de décliner l'offre d'une formation et d'un encadrement en gestion comme faisant partie de [traduction] « actes déloyaux». Cependant, elle-même a affirmé par la suite que l'employeur avait allégué qu'elle avait [traduction] «… refusé de faire preuve de collégialité ». Un manque de collégialité n'est pas en soi un indicateur valide d'un manque de loyauté.

325 Finalement, la fonctionnaire s'estimant lésée a affirmé que les commentaires dans le rapport du jury de sélection concernant son départ soudain du travail pour prendre un congé de maladie prolongée constituaient de la [traduction] « rhétorique inflammatoire » et suggéraient que son absence du travail était injustifiée aux yeux de l'employeur. Si c'était vrai que l'employeur considérait que son absence était injustifiée et méritait peut-être l'imposition d'une mesure disciplinaire, il semble raisonnable pour moi de m'attendre à obtenir une quelconque preuve que l'employeur a contesté la demande de congé de maladie présentée par la fonctionnaire s'estimant lésée pour cette période. Il n'y a aucune preuve à cet effet.

326 Je suis arrivé à la conclusion que la preuve appuie davantage l'interprétation de l'évaluation par l'employeur de la fonctionnaire s'estimant lésée dans le rapport du jury de sélection et de ses allégations au sujet du comportement de la fonctionnaire s'estimant lésée comme étant non disciplinaires plutôt que disciplinaires. Étant donné qu'il incombe à la fonctionnaire s'estimant lésée de prouver le contraire - que les gestes de l'employeur entourant la reclassification et le rapport du jury de sélection constituaient effectivement une mesure disciplinaire déguisée, selon la prépondérance des probabilités - je statue que la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas réussi à fournir une preuve suffisante. 

327 Je tiens à noter que j'ai abordé les questions ayant trait au rapport du jury de sélection en faisant preuve d'une prudence considérable. L'employeur décrit le rapport du jury de sélection comme une décision de dotation. La preuve fournie par les témoins de l'employeur montre que le rapport fait partie intégrante d'un processus de dotation lié à la reclassification d'un poste. Même si, en dernière analyse, je ne trouve pas qu'il est nécessaire de statuer, en l'espèce, sur la deuxième objection de l'employeur selon laquelle l'objet du cas de la fonctionnaire s'estimant lésée et du rapport du jury de sélection, de par son essence, est une question de dotation qui échappe à ma compétence, je pense cependant qu'il est approprié pour un arbitre d'examiner avec prudence un document comme un rapport d'un jury de sélection. Clairement, le rôle de l'arbitre n'est pas de réévaluer l'employé ni de déterminer s'il y a une indication d'un vice de procédure dans le contenu du rapport d'évaluation. L'exploration du document et de la façon dont l'employeur s'en est servi doit se limiter à un effort visant à mettre au jour d'éventuelles indications d'une intention ou d'un effet disciplinaire allégué. Si des éléments disciplinaires ne sont pas établis et s'il n'y a pas de preuve que, selon toute évidence, le document pris dans sa totalité renferme des affirmations inexactes, l'examen du document par l'arbitre prend fin.

328 La troisième situation à soumettre à une analyse dans cette partie de la décision était le rétablissement par M. Goldie de la fonctionnaire s'estimant lésée dans un poste ES-05 en 2005.

329 Je trouve difficile à comprendre les arguments de la fonctionnaire s'estimant lésée quant à la signification de ce qui lui est arrivé une fois que l'employeur a annulé son avis concernant son statut d'employée touchée. Elle affirme que, malgré l'accueil de son grief à cet égard (pièce G-8) et la confirmation subséquente de l'employeur qu'il avait annulé la [traduction] « lettre concernant sont statut d'employée touchée » (pièce E-18), l'employeur a enfreint la décision du grief déposé au CNM ou ne l'a pas appliquée en n'annulant pas également le rapport du jury de sélection d'avril 2004 et n'inversant pas la perte de ses fonctions au niveau ES-06 qui en avait résulté. Lorsque M. Goldie a pris des mesures pour ensuite la rétablir dans un autre poste de niveau ES-05, il aurait perpétué la mesure disciplinaire déguisée et la sanction pécuniaire. À en croire la déposition de la fonctionnaire s'estimant lésée, le rapport du jury de sélection continuait d'exister.

330 Il n'y a aucun doute que le rapport du jury de sélection continuait d'exister en ce sens que l'employeur n'a jamais modifié ou annulé sa décision de mars/avril 2004 que la fonctionnaire s'estimant lésée ne possédait pas les qualifications requises pour accomplir les fonctions de niveau ES-06 rattachées au poste reclassifié dont il était question à l'époque. Je suggère que l'erreur fondamentale dans l'argument de la fonctionnaire s'estimant lésée est son affirmation apparente que la décision rendue à la suite du grief à la CNM obligeait l'employeur d'annuler le rapport du jury de sélection et non pas uniquement l'avis contesté de l'employeur concernant son [traduction] « statut d'employée touchée ». J'ai décrit plus tôt mon point de vue que la décision rendue en réponse au grief au CNM n'a pas et ne pouvait pas modifier la classification effective de la fonctionnaire s'estimant lésée ou la nommer au niveau ES-06. Cela signifie également que cette décision ne pouvait et qu'elle n'a pas éliminé le rapport du jury de sélection.

331 Ce qui s'est produit ensuite c'est que l'employeur a essayé de trouver un poste pour la fonctionnaire s'estimant lésée à son niveau de classification effectif ES-05. Lorsque M. Goldie a fini par rétablir la fonctionnaire s'estimant lésée dans un autre poste ES-05, il satisfaisait à l'obligation de l'employeur de protéger l'emploi, le niveau de classification et le taux de rémunération de la fonctionnaire s'estimant lésée. Il n'avait pas réellement l'option de maintenir la situation telle quelle. La décision de reclassification du poste au niveau ES-06 dans le secteur du partage des coûts avait été appliquée. L'employeur avait nommé M. Greer au poste. La fonctionnaire s'estimant lésée avait occupé un poste qui, en réalité, avait cessé d'exister. L'employeur a pris des mesures pour régulariser son statut en créant un autre poste ES-05 et en y nommant la fonctionnaire s'estimant lésée.

332 La fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas fourni de preuve qui me convainc que cette série d'événements cachaient une mesure disciplinaire. Étant donné que je n'ai pas accepté que la fonctionnaire s'estimant lésée a démontré que la décision prise par l'employeur de la retourner à ses fonctions et à son taux de rémunération au niveau ES-05 en avril 2004 constituait une mesure disciplinaire déguisée, la fonctionnaire s'estimant lésée devrait fournir − contrairement à ce qu'elle a fait − une preuve distincte et convaincante que les mesures prises ensuite par l'employeur en 2005 pour placer la fonctionnaire s'estimant lésée dans un poste différent au même niveau de classification que son niveau effectif d'ES-05 constituait une mesure disciplinaire déguisée entraînant une sanction pécuniaire. Même si je découvrais quelque élément de preuve mettant en lumière une nouvelle lacune ou un nouvel acte malfaisant ayant incité l'employeur à imposer une nouvelle mesure disciplinaire camouflée en rétablissant la fonctionnaire s'estimant lésée dans un autre poste ES-05, il n'y aurait pas ici de nouvelle sanction pécuniaire sur laquelle je pourrais me pencher. Le changement du taux de rémunération de la fonctionnaire s'estimant lésée du niveau ES-06 au niveau ES-05 découlait de décisions prises par l'employeur en mars/avril 2004. Aucune nouvelle sanction pécuniaire n'a été infligée à la fonctionnaire s'estimant lésée.

333 En ce qui concerne les autres allégations de la fonctionnaire s'estimant lésée à propos d'incidents où l'employeur l'aurait disciplinée, je statue que la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas démontré de façon suffisante qu'il y avait un lien entre ces incidents et une sanction pécuniaire qui les placeraient sous le coup du sous-alinéa 92(1)b)(i) de la LRTFP, en supposant que leur caractère disciplinaire eût été établi de façon satisfaisante.

334 Pour tous ces motifs, je conclus que la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas satisfait au fardeau lui incombant de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'elle a été victime d'une mesure disciplinaire déguisée entraînant une sanction pécuniaire. Étant donné que je suis déjà arrivé à une constatation similaire en ce qui concerne son allégation qu'il y aurait eu rétrogradation ou rétrogradation déguisée, je n'ai plus aucune raison d'accepter que ce grief relève de ma compétence en vertu de 92(1)b) de la LRTFP.

335 À la lumière de cette constatation et tel qu'indiqué plus haut, il n'est pas nécessaire pour moi de statuer sur la deuxième objection de l'employeur concernant ma compétence, c'est-à-dire que la fonctionnaire s'estimant lésée peut se prévaloir d'un autre recours administratif de réparation en vertu de la LEFP pour changer la décision de dotation de l'employeur et dont l'existence empêche la fonctionnaire s'estimant lésée de recourir à la procédure de règlement des griefs prévue dans la LRTFP, ce qui, par voie de conséquence, empêche un arbitre d'exercer sa compétence en vertu de l'article 92 de la LRTFP.

336 Dans les dépositions de la fonctionnaire s'estimant lésée, elle a fait valoir que l'employeur avait omis de respecter ses propres politiques concernant la mesure disciplinaire et le déroulement des évaluations du rendement. L'employeur a cité l'affaire Glowinski et a fourni le texte de l'affaire Endicott comme document faisant autorité pour sa contre-proposition selon laquelle l'arbitre ne peut statuer sur le caractère exécutoire des politiques d'un employeur en l'absence de motifs juridiques dans les limites de la compétence de l'arbitre à cet égard. Je ne crois pas que je doive statuer sur cette divergence d'opinion. On ne m'a pas soumis d'allégation selon laquelle l'employeur aurait enfreint les dispositions ayant trait à la mesure disciplinaire de la convention collective sur laquelle j'aurais pu m'appuyer pour exercer ma compétence. La question de compétence qu'il faut trancher ici, dans mon esprit, ne dépend pas de la question de savoir si l'employeur a appliqué une politique particulière régissant les processus disciplinaires ou les procédures à suivre pour effectuer des évaluations du rendement. La question en l'espèce consiste à établir s'il y a eu mesure disciplinaire. L'omission par l'employeur d'appliquer l'une de ses politiques, règles ou exigences dans les limites de son pouvoir discrétionnaire peut être pertinente lorsqu'il s'agit d'établir le contexte dans lequel l'employeur a agi ou a omis d'agir, ou pour statuer sur le caractère raisonnable de ce qui s'est produit, mais en soi ne constitue pas une preuve qu'une mesure disciplinaire a été imposée.

337 Je n'ai pas non plus considéré comme une argumentation distincte les dépositions de la fonctionnaire s'estimant lésée selon laquelle l'employeur aurait agi de mauvaise foi. On part du principe qu'il a agi de bonne foi. C'est à la fonctionnaire s'estimant lésée de prouver le contraire. Lorsque j'ai examiné les détails de sa déposition sur ce point, j'ai trouvé que les aspects soulevés par la fonctionnaire s'estimant lésée pour alléguer de la mauvaise foi répètent, en très grande partie, les arguments qu'elle a soumis à l'appui de ses allégations concernant la rétrogradation et la mesure disciplinaire. Je ne trouve pas que cette preuve de « mauvaise foi » me fournit des faits ou des aspects sensiblement différents sur lesquels je devrais me fonder pour arriver à d'autres conclusions. Cela n'est probablement pas surprenant. Il y a une forte impression que, lorsqu'elle est prouvée, l'intention d'un employeur d'imposer une mesure disciplinaire sous une forme déguisée suppose une motivation de la part de cet employeur à laquelle s'applique probablement la définition de « mauvaise foi » suggérée par la fonctionnaire s'estimant lésée. Il est difficile d'imaginer un employeur qui a l'intention d'imposer une mesure disciplinaire déguisée et qui donne suite à cette intention, sans qu'il y ait un élément de mauvaise foi. Je ne crois pas qu'il y ait, dans cette mesure, à tout le moins dans le contexte de cette affaire, une question de mauvaise foi distincte, conceptuellement ou dans les faits, sur laquelle je dois me prononcer.

338 Finalement, je ne crois pas que je devrais statuer davantage, ou qu'il est nécessaire pour moi de le faire, sur les dépositions additionnelles de la fonctionnaire s'estimant lésée alléguant des vices de procédure ou de fond dans le rapport du jury de sélection ou dans la conduite des évaluations de rendement, ou en ce qui concerne la réunion du 16 septembre 2003. Hormis la recherche d'éléments de preuve qu'il y aurait eu mesure disciplinaire déguisée, je ne pense pas que j'ai la compétence voulue pour trancher les autres questions ayant trait au rapport du jury de sélection d'avril 2004. Si la fonctionnaire s'estimant lésée croyait que l'évaluation par l'employeur de ses qualifications dans le rapport du jury de sélection présentait des vices de procédure ou de fond, elle aurait pu se prévaloir d'un mécanisme de recours dans le domaine de la dotation régie par la LEFP. Si la fonctionnaire s'estimant lésée avait le sentiment que l'employeur avait enfreint n'importe laquelle des dispositions de sa convention collective sur la façon d'effectuer des évaluations du rendement, elle avait la possibilité de présenter un grief à cet effet. Si la fonctionnaire s'estimant lésée était d'avis que la réunion du 16 septembre 2003 était une réunion disciplinaire lors de laquelle son employeur a enfreint des exigences de la convention collective concernant la mesure disciplinaire, là aussi, elle avait la possibilité de présenter un grief à cet égard dans les délais appropriés.

339 Même si je statue que la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu'elle avait été rétrogradée ou avait fait l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'une mesure disciplinaire déguisée entraînant une sanction pécuniaire, je tiens à noter que certains des éléments de preuve qui m'ont été soumis, d'après moi, m'amènent à douter dans une certaine mesure que l'employeur ait géré de la meilleure façon les événements décrits en l'espèce. Une partie de la déposition de la fonctionnaire s'estimant lésée renferme des éléments de preuve selon lesquels il y aurait eu des problèmes interpersonnels dans sa relation avec son employeur. Il est apparent que la relation entre la fonctionnaire s'estimant lésée et son superviseur est devenue dysfonctionnelle à un moment donné. À mon avis, il serait irréaliste et injuste d'absoudre l'employeur de toute responsabilité pour la détérioration de cette relation ou pour l'interruption de bonnes communications qui semblent s'être produites. Je pourrais me demander, par exemple, si l'employeur a été suffisamment persistant dans ses efforts pour attirer l'attention de la fonctionnaire s'estimant lésée sur les problèmes qu'il percevait dans son rendement en tant que gestionnaire, à compter de 2003, ou s'il a fourni par la suite un effort adéquat et concerté pour faire participer la fonctionnaire s'estimant lésée à la prise de mesures correctives qui auraient pu améliorer ses chances de réussite au moment de l'évaluation de reclassification qui a été effectuée plus tard. Ceci dit, je reconnais qu'il n'est pas toujours facile pour un employeur d'être persistant et serviable si un employé rejette son aide, rejette les ouvertures faites ou interprète les actions de l'employeur comme étant motivées par de l'hostilité.

340 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

XII.   Ordonnance

341 Le grief est rejeté.

Le 12 janvier 2007.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Dan Butler,
arbitre de grief

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