Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a renvoyé un grief à l’arbitrage de grief en alléguant une violation de sa convention collective - l’employeur a soulevé une objection préliminaire visant le renvoi à l’arbitrage de grief en se fondant sur le fait que le fonctionnaire s’estimant lésé ne s’est pas conformé à la procédure de règlement des griefs - le fonctionnaire s’estimant lésé a renvoyé son grief à l’arbitrage de grief sans consulter l’employeur, et avant d’avoir reçu une réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs - l’employeur a affirmé qu’il n’avait pas été averti que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas l’intention de consulter au dernier palier et que, par conséquent, une réponse au dernier palier était requise - l’employeur a soutenu qu’il était contraire aux dispositions de la convention collective de ne pas lui donner l’occasion de répondre au dernier palier - il a allégué que le grief n’avait donc pas été << présenté >> au dernier palier au sens de l’article 225 de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 - l’agent négociateur du fonctionnaire s’estimant lésé a répondu qu’il s’était conformé à l’ensemble des exigences de la convention collective et que rien ne l’obligeait à demander une consultation - la notion de << présenter >> n’est pas définie dans la LRTFP ni dans la convention collective, mais les parties ont fait une distinction entre << présenter >> un grief et << consulter >> au sujet de ce grief dans la convention collective - la convention collective n’exige pas que l’agent négociateur consulte à chaque étape de la procédure de règlement des griefs - l’employeur a soulevé la question des pratiques antérieures des parties, mais le viceprésident a conclu que la convention collective n’était pas ambiguë, qu’aucune allégation de préclusion n’avait été formulée par l’employeur et qu’aucun argument relatif à la préclusion ne pouvait être appuyé - le grief n’a été renvoyé à l’arbitrage de grief qu’après que le délai accordé à l’employeur pour répondre ait expiré. Objection préliminaire rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique 

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-08-21
  • Dossier:  566-32-908
  • Référence:  2007 CRTFP 90

Devant le président


ENTRE

GRAHAM E. HICKLING

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS

employeur

Répertorié
Hickling c. Agence canadienne d'inspection des aliments

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Ian R. Mackenzie, vice-président

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Nao Fernando, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Patti Bordeleau, directrice exécutive, Division des relations de travail

Décision rendue sur la foi d'observations écrites
déposées les 12 et 26 avril 2007.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Graham E. Hickling (le « fonctionnaire s'estimant lésé ») a renvoyé un grief à l'arbitrage de grief. Il allègue qu'il y a eu violation de la convention collective du groupe de la médecine vétérinaire conclue entre l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l'IPFPC ou l'« agent négociateur ») et l'Agence canadienne d'inspection des aliments (l'« employeur ») (date d'expiration : 30 septembre 2007). L'employeur a soulevé une objection préliminaire au renvoi à l'arbitrage de grief parce que le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas respecté la procédure de règlement des griefs énoncée dans la convention collective. La présente décision porte uniquement sur l'objection préliminaire.

2 En vertu de l'article 45 de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, le président m'a autorisé, en ma qualité de vice-président, à exercer tous ses pouvoirs ou à m'acquitter de toutes ses fonctions aux termes de l'article 225 de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi ») pour entendre et trancher la présente affaire.

3 L'employeur a déposé son objection le 12 avril 2007. L'agent négociateur a répliqué à ces observations le 26 avril 2007. Les observations sont reproduites ci-après. J'ai décidé que l'objection préliminaire de l'employeur serait traitée par voie d'observations écrites et que l'objection de l'employeur du 12 avril 2007 serait considérée comme étant les observations de l'employeur sur la question, ce dont les parties ont été informées dans une lettre datée du 13 juin 2007. Dans son observation initiale du 26 avril 2007, l'agent négociateur s'est réservé le droit de présenter des éléments de preuve et de la jurisprudence supplémentaires si une objection préliminaire était soulevée. L'agent négociateur a donc été invité à présenter des observations écrites supplémentaires. Dans un courriel transmis le 4 juillet 2007, le représentant de l'agent négociateur a fait savoir qu'il ne présenterait pas d'observations supplémentaires à l'égard de la requête préliminaire.

II.  Contexte

4 M. Hickling a déposé un grief le 27 octobre 2006. Son agent négociateur a présenté des observations en son nom au premier palier de la procédure de règlement des griefs le 10 novembre 2006 (reproduites dans la réponse au premier palier, datée du 23 novembre 2006). Le grief a été rejeté au premier palier. M. Hickling a porté son grief au deuxième palier. Dans la réponse au deuxième palier, datée du 8 janvier 2007, on résume comme suit la procédure suivie à ce palier :

[Traduction]

[…]

[…] Lors de la réunion de consultation relative au grief tenue par téléconférence le 22 décembre 2006, votre représentant de l'IPFPC, Nao Fernando, a indiqué que les arguments qui ont été présentés au premier palier ne seront pas réitérés.

[…]

5 Le grief a été porté au troisième palier de la procédure de règlement des griefs le 12 janvier 2007. Le grief a été renvoyé à l'arbitrage de grief le 26 février 2007, sans la tenue d'une audience. L'employeur soutient dans ses observations (reproduites ci-dessous) qu'il n'a pas été informé que le fonctionnaire s'estimant lésé ou son représentant n'avait pas l'intention de tenir de consultations au dernier palier. L'agent négociateur ne conteste pas cette allégation.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour l'employeur

6 L'employeur a présenté ses observations écrites dans une lettre adressée à la Commission des relations de travail dans la fonction publique le 12 avril 2007. Ces observations sont les suivantes :

[Traduction]

[…]

L'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) s'oppose, avec respect, à l'avis de renvoi à l'arbitrage de l'affaire susmentionnée. L'ACIA n'a jamais eu l'occasion de fournir une réponse au dernier palier de la procédure de règlement applicable aux griefs individuels, contrairement aux dispositions de la convention collective et aux procédures de règlement des griefs de l'ACIA.

La stipulation D6.06 de la convention collective conclue entre l'ACIA et l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada précise que la procédure de règlement des griefs est composée de trois (3) paliers. Ces paliers ont été convenus par l'ACIA et l'Institut. La stipulation D6.06 énonce ce qui suit :

D6.06 La procédure de règlement des griefs comprend trois (3) paliers au maximum. Ces paliers sont les suivants :

  1. Palier 1 - premier niveau de direction;
  2. Palier 2 - niveau intermédiaire;
  3. Palier final - Président ou son représentant autorisé.

Les stipulations D6.11 et D6.21 de la convention collective énoncent ce qui suit :

D6.11 À tous les paliers de la procédure de règlement des griefs sauf le dernier, l'Employeur répond normalement au grief d'un employé dans les vingt (20) jours civils qui suivent la date de présentation de grief.

D6.21 Lorsque l'employé a présenté un grief jusqu'au et y compris le dernier palier de la procédure de règlement des griefs au sujet de :

  1. l'interprétation ou l'application, à son égard, d'une disposition de la présente convention ou d'une décision arbitrale s'y rattachant,

    ou
  2. une mesure disciplinaire entraînant une suspension ou une sanction pécuniaire,

    ou
  3. un licenciement ou une rétrogradation aux termes des alinéas 12.(2)c) et d) de la Loi sur la gestion des finances publiques,

Le grief n'a jamais été présenté au dernier palier. Suivant notre pratique habituelle, nous attendons depuis janvier 2007 que l'Institut tienne une consultation au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Vous trouverez ci-joint un formulaire de transmission du grief au dernier palier qui a été signé par le fonctionnaire s'estimant lésé le 12 janvier 2007. On ne nous a jamais confirmé que l'Institut, ou le fonctionnaire s'estimant lésé, était prêt à tenir une consultation ou qu'il avait décidé de ne pas le faire et que l'ACIA devait donc fournir une réponse au dernier palier.

Nous demandons en toute déférence à la Commission des relations de travail dans la fonction publique de rejeter l'avis de renvoi à l'arbitrage, sans audience, afin de permettre à l'ACIA d'entendre ou de répondre au grief au dernier palier de notre procédure interne de règlement des griefs.

[…]

B. Pour l'agent négociateur

7 L'agent négociateur a présenté les observations écrites suivantes le 26 avril 2007 :

[Traduction]

La position du syndicat est la suivante :

  1. La question de la compétence devrait être soulevée par voie d'objection préliminaire, devant le conseil d'arbitrage nommé dans cette affaire.
  2. Sans préjudice de sa position énoncée au paragraphe 1, le syndicat soutient qu'il s'est conformé à toutes les exigences de la convention collective dans la présente affaire.
  3. Le grief a dûment été porté jusqu'à l'arbitrage.
  4. Aucune exigence de la convention collective n'oblige le syndicat à demander une consultation au troisième palier de la procédure de règlement des griefs.
  5. Le syndicat est d'avis que le défaut de l'employeur de répondre au troisième palier ne devrait pas constituer une raison pour obliger le syndicat à fournir une explication.

IV.  Motifs

8 L'article de la Loi qui établit la compétence de l'arbitre de grief est le suivant :

  225. Le renvoi d'un grief à l'arbitrage de même que son audition et la décision de l'arbitre de grief à son sujet ne peuvent avoir lieu qu'après la présentation du grief à tous les paliers requis conformément à la procédure applicable.

9 La convention collective énonce la procédure de règlement des griefs. Comme dans la Loi, la convention collective fait référence au droit d'un employé de « présenter » un grief à chaque palier. Le terme « présenter » n'est pas défini ni dans la Loi ni dans la convention collective. Toutefois, les parties ont établi une distinction entre la « présentation » d'un grief et la « consultation » à l'égard de ce grief :

D6.08    Lorsqu'il présente un grief, l'employé qui le désire peut se faire aider et/ou se faire représenter par l'Institut à n'importe quel palier. L'Institut a le droit de tenir des consultations avec l'Employeur au sujet d'un grief à chaque ou à n'importe quel palier de la procédure de règlement des griefs.

10 Dans un tel contexte, la présentation d'un grief signifie que le grief est transmis et qu'il est ensuite reçu au prochain palier de la procédure de règlement des griefs. Cette disposition n'oblige pas l'IPFPC à tenir une consultation à chaque palier de la procédure de règlement des griefs. Il n'existe aucune obligation de faire des observations à chaque palier. En fait, la réponse au deuxième palier indique que l'agent négociateur n'a pas présenté d'observations à ce palier. Même si l'on devrait certainement encourager la tenue d'une audience de grief à chaque palier, et qu'il est une bonne pratique que les représentants des agents négociateurs informent l'employeur de leur intention de ne pas présenter d'observations à l'un ou l'autre des paliers de la procédure de règlement des griefs, il ne m'appartient pas de dicter les pratiques à suivre en matière de relations de travail.

11 Dans ses observations, l'employeur a souligné que le renvoi à l'arbitrage de grief sans consultation était contraire à sa pratique habituelle. Les pratiques antérieures ne constituent qu'un outil d'interprétation si la convention collective est ambiguë, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. L'employeur n'a pas allégué que la convention collective était ambiguë, ni a-t-il soutenu qu'il était interdit à l'agent négociateur de renvoyer le grief à l'arbitrage de grief; il n'a d'ailleurs fourni aucun renseignement qui pourrait appuyer une telle allégation.

12 La convention collective prévoit également que l'employeur répond « normalement » au grief dans les 20 jours civils suivant la réception de celui-ci (stipulation D6.11). Le grief a été renvoyé à l'arbitrage de grief 38 jours civils après avoir été porté au dernier palier.

13 Le Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique prévoit des délais explicites concernant le renvoi à l'arbitrage de grief :

Délai pour le renvoi d'un grief à l'arbitrage

   90.(1) Sous réserve du paragraphe (2), le renvoi d'un grief à l'arbitrage peut se faire au plus tard quarante jours après le jour où la personne qui a présenté le grief a reçu la décision rendue au dernier palier de la procédure applicable au grief.

Exception

   (2) Si la personne dont la décision constitue le dernier palier de la procédure applicable au grief n'a pas remis de décision à l'expiration du délai dans lequel elle était tenue de le faire selon la présente partie ou, le cas échéant, selon la convention collective, le renvoi du grief à l'arbitrage peut se faire au plus tard quarante jours après l'expiration de ce délai.

14 Le présent grief est visé par l'exception (paragraphe 90(2)). Conformément à la convention collective, le délai pour la remise d'une décision au dernier palier était de 20 jours à compter de la date de réception du grief (soit le 12 janvier 2007). Le grief a été renvoyé à l'arbitrage de grief après l'expiration de la période de 20 jours, mais à l'intérieur de la période de 40 jours qui est prescrite. Par conséquent, le renvoi à l'arbitrage de grief est conforme aux exigences techniques.

15 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

V.  Ordonnance

16 L'objection préliminaire est rejetée.

17 L'audience du grief sur le fond sera fixée en temps opportun.

Le 21 août 2007.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Ian R. Mackenzie,
vice-président

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