Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a prétendu avoir déposé un grief puis l’a renvoyé à l’arbitrage de grief - le grief portait sur une évaluation d’aptitude au travail - l’employeur s’est opposé au renvoi du grief à l’arbitrage puisqu’il n’avait jamais reçu le grief et ne l’avait donc pas tranché - le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait envoyé le grief qu’à l’agent négociateur - l’employeur a également fait valoir que le fonctionnaire s’estimant lésé avait démissionné de son poste à l’Agence du revenu du Canada - le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué un congédiement déguisé, ce qui n’avait jamais été l’objet de son grief - l’arbitre de grief a conclu que le grief n’avait jamais été présenté à l’employeur - par conséquent, l’arbitre de grief n’avait pas compétence puisque le grief n’avait pas été renvoyé à l’arbitrage de grief conformément à la procédure prévue. Objection accueillie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-09-19
  • Dossier:  166-34-37510
  • Référence:  2007 CRTFP 99

Devant un arbitre de grief


ENTRE

HERMAN GIESBRECHT

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Indexed as
Giesbrecht c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Dan Butler, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même

Pour l'employeur:
Krista Quinn, conseillère en relations de travail

Décision rendue sur la foi d'observations écrites,
déposées les 17 et 23 mai 2007.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Le 2 avril 2007, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») a reçu de Herman Giesbrecht (le « fonctionnaire s'estimant lésé ») un renvoi à l'arbitrage de grief que M. Giesbrecht a déposé en utilisant la Formule 21 (Avis de renvoi à l'arbitrage d'un grief individuel), à savoir une formule appropriée pour certains renvois à l'arbitrage en vertu de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »). Le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté ce renvoi à l'arbitrage de grief avec une lettre d'accompagnement dans laquelle il disait :

[Traduction]

[…]

Veuillez trouver ci-joint un avis pour l'arbitrage d'un grief qui a été déposé en 2005 et à l'égard duquel le syndicat et la direction n'ont rien fait. Un règlement satisfaisant n'a jamais été conclu. Des copies du grief initial sont jointes. Je présentais un grief concernant un renvoi à Santé Canada pour une évaluation de l'aptitude au travail. Finalement, Santé Canada a refusé de prendre en considération toute autre issue que celle proposée par la gestionnaire, Jacqueline Kulbacki. J'avais une dizaine de médecins qui affirmaient que j'étais capable de retourner au travail. Santé Canada et ses charlatans étaient les seuls à refuser de me donner l'autorisation de retourner au travail. Revenu Canada a refusé de me permettre de retourner au travail sans l'accord du charlatan de Santé Canada, la Dre Tse, accord que cette dernière refusait de donner. Revenu Canada a par ailleurs créé un climat qui m'était trop hostile. On a cherché à faire en sorte qu'il semble en définitive que j'avais démissionné. Un congé, non payé, jusqu'en septembre 2007 avait été approuvé, mais je ne pouvais exécuter quelque travail donnant lieu à un conflit d'intérêts. Cela impliquait de mourir de faim ou de demander une cessation d'emploi. Je veux poursuivre Revenu Canada pour renvoi injustifié.

J'ai été escorté jusqu'à la sortie de l'immeuble le 8 mars 2005, dépouillé de mon laissez-passer de sécurité et mis en congé pour une période indéterminée pour une demande d'accommodement en matière de santé, à cause d'une observation que j'avais faite à la gestionnaire. Ils semblaient considérer les observations comme des menaces ou je ne sais quoi. Je n'ai jamais pu déterminer ce qui avait déclenché une telle réaction de leur part. En tant que fonctionnaire, je dois signaler tout ce qui m'entraverait dans mon travail, ce que j'ai fait. Je devais comme fonctionnaire rapporter ce que j'ai signalé, mais cela a fini par donner lieu à mon licenciement.

[…]

2 Le texte manuscrit suivant, dont des passages étaient difficiles à déchiffrer, constituait le « grief initial » que le fonctionnaire s'estimant lésé mentionne dans sa lettre d'accompagnement :

[Traduction]

GRIEF CONTRE le centre fiscal de Winnipeg 16 mars 2005

Par Herman Giesbrecht

À L'ATTENTION DE : VICKY ZIZNISWSKI

Le contenu et le ton de toute la lettre sont insultants. On y avance des choses qui ne sont tout simplement pas vraies. On y saute aux conclusions. Je considère la phrase concernant « les racistes français » comme particulièrement insultante et essentiellement malveillante de la part de la personne qui a rédigé la lettre. Ma plainte était que j'ai trouvé insultant un courriel que j'ai reçu et dans lequel on fait la promotion de la « Francophonie », car on y affirme qu'une minorité canadienne très privilégiée a besoin de protection. Ce courriel n'était pas lié à l'emploi, et ma description de travail ne traite nullement d'une promotion obligatoire du français et indique seulement que [termes indéchiffrables] des services en français doivent être offerts, ce qui n'était pas compromis par mon courriel. Je suis d'accord qu'un service soit assuré dans une langue quelconque si c'est possible, soit quelque chose qu'une société multiculturelle devrait être capable de faire. J'ai le droit de me plaindre au sujet du français; les fonctionnaires francophones et anglophones devraient avoir les mêmes droits. Ce qui me stresse, ce ne sont pas les « racistes français », mais seulement la crainte inutile constante, l'intimidation et les tactiques de menace à l'égard de la prestation de services en français, ce qui n'est jamais un problème si la question se pose. Dans la politique du bilinguisme, il ne semble jamais y avoir quelque mention de l'anglais ou d'autres langues à cause de laquelle je me sentirais victime d'une discrimination, car je sais [membre de phrase indéchiffrable]. La paranoïa au sujet du français est également une cause de stress. J'ai envoyé non pas un communiqué mais simplement une explication à Jackie sur la raison pour laquelle je me suis plaint à propos du courriel sur la « Francophonie », mais elle a mal compris ou a feint de mal comprendre. Étant donné que ma langue maternelle n'est pas l'anglais, il arrive que je ne parvienne pas à trouver les mots justes à propos de questions complexes. Le courriel dans lequel on faisait la promotion de la « Francophonie » était de l'intimidation. Je craignais davantage d'intimidation, d'où le courriel à Jackie. La lettre ci-jointe confirme mes préoccupations. D'après la Loi sur les langues officielles, j'ai le droit de travailler dans la langue de mon choix. En raison de ce facteur, je ne devrais pas être l'objet d'un harcèlement et d'une intimidation au moyen de la promotion d'une langue que je ne comprends pas. De plus, on ne m'a pas offert la possibilité d'être représenté avant que je sois expulsé du bureau ni de communiquer avec mon médecin sur la question de savoir s'il convenait ou non que je signe le « consentement à une évaluation de l'aptitude au travail ». Ce formulaire a été signé sous la contrainte. En outre, comme ma plainte était une dénonciation, je devrais bénéficier de la récente mesure législative sur la protection des fonctionnaires qui divulguent des actes répréhensibles.

Merci.           Herman Giesbrecht.

3 La directrice, Opérations du greffe et politiques, a écrit au fonctionnaire s'estimant lésé, le 2 avril 2007, pour attirer son attention sur le fait que la date du grief annexé à sa lettre d'envoi qui accompagnait la Formule 21 était le 20 mars 2005. Le personnel de la Commission a avisé le fonctionnaire s'estimant lésé de présenter à nouveau son renvoi à l'arbitrage de grief, en utilisant la Formule 14 (Renvoi à l'arbitrage) comme étant la formule appropriée pour les griefs déposés avant le 1er avril 2005. À cette date-là, la Loi, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, un renvoi à l'arbitrage de grief antérieur au 1er avril 2005 doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l'« ancienne Loi »). Un agent du greffe a demandé au fonctionnaire s'estimant lésé de spécifier la disposition du paragraphe 92(1) de l'ancienne Loi en vertu de laquelle il renvoyait son grief à l'arbitrage de grief.

4 Le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé la Formule 14 le 9 avril 2007. Il précisait que la partie ci-dessous de l'alinéa 92(1)b) de l'ancienne Loi était la disposition applicable à son grief :

Renvoi à l'arbitrage

  92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

[…]

b) dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit […]

[…]

5 D'après l'information fournie dans son renvoi à l'arbitrage de grief, le fonctionnaire s'estimant lésé travaillait comme agent de conformité pour l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC » ou l'« employeur »). Il était PM-01 (groupe et niveau) et travaillait à Winnipeg (Manitoba).

6 Suivant la procédure normale de la Commission, un agent du greffe a envoyé une copie du renvoi à l'arbitrage de grief à l'employeur et lui a demandé de fournir les réponses au grief qu'il avait faites à chaque palier de la procédure de règlement des griefs et de déterminer tout problème qu'il pourrait voir en matière de respect des délais. Le 4 mai 2007, une personne représentant l'employeur a écrit à la Commission et a demandé une prorogation du délai pour la réponse de l'employeur, étant donné que les représentants de ce dernier étaient [traduction] « […] encore en train d'enquêter sur ce grief parce [qu'ils n'avaient] pas de dossier de ce grief dans notre système […] ». Un vice-président de la Commission a accordé une prolongation jusqu'au 17 mai 2007.

7 Dans une lettre à la Commission en date du 17 mai 2007, la représentante de l'employeur a avancé la position que la Commission n'était pas valablement saisie du grief, pour plusieurs raisons :

[Traduction]

[…]

Le grief, pour reprendre le terme de M. Giesbrecht, concerne des questions touchant l'aptitude au travail ainsi qu'un climat de travail hostile. Il avait été adressé à Mme Vicky Zyzniswski, soit apparemment sa représentante syndicale à l'époque, et il n'était jamais parvenu à l'employeur. La première fois que l'employeur est devenu au courant dudit grief, c'est lorsque la CRTFP l'a avisé du renvoi à l'arbitrage de grief.

N'étant pas au courant de ce grief, l'employeur n'a pas entrepris la procédure de règlement des griefs. Sa position est donc que la Commission n'est pas valablement saisie de l'affaire. Conformément au paragraphe 92(1) de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (l'ancienne LRTFP) : « Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief […] ». Ainsi, la compétence de la CRTFP n'intervient que lorsque le fonctionnaire a présenté un grief jusqu'au dernier palier de la procédure de règlement des griefs de l'Agence du revenu du Canada (ARC), comme le prescrit l'article 18 de la convention collective entre l'ARC et l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC).

De plus, M. Giesbrecht a démissionné de l'ARC au 20 septembre 2006. Les questions que M. Giesbrecht soulève dans sa lettre du 25 mars 2007 sont les mêmes que dans ledit grief du 16 mars 2005, sauf pour ce qui est de la question relative à sa prétendue démission forcée. Là encore, cette question n'a jamais été soulevée dans le cadre de la procédure applicable aux griefs, soit la tribune appropriée. Donc, outre que la Commission n'est pas valablement saisie du grief, à la lumière de l'article 18 de la convention collective entre l'ARC et l'AFPC, l'employeur considère que cette affaire est hors délai.

Vu ce qui précède, le grief susmentionné ne peut être renvoyé à l'arbitrage de grief en vertu de la nouvelle LRTFP, et nous soutenons respectueusement que la CRTFP n'a pas compétence en l'espèce. Nous demandons que cette objection à la compétence soit accueillie et que le grief soit rejeté sans audience.

[…]

8 Un agent du greffe a envoyé une copie de la lettre de l'employeur au fonctionnaire s'estimant lésé, le 18 mai 2007, et a demandé au fonctionnaire s'estimant lésé [traduction] « […] d'exposer sa position à l'égard des questions de compétence soulevées par l'employeur au plus tard le 4 juin 2007 [le passage souligné l'est dans l'original] […] ».

9 Le fonctionnaire s'estimant lésé a, le 23 mai 2007, répondu comme suit :

[Traduction]

[…]

Je conteste les affirmations de l'employeur. Après que j'ai présenté mon grief au syndicat, les responsables syndicaux étaient tenus de le transmettre à l'employeur. Ils étaient en fait en contact avec l'employeur, car ils m'avaient fait signer un formulaire de consentement que l'employeur leur avait fourni, de sorte qu'ils étaient au courant de ma plainte. Pour reprendre les termes du délégué syndical en chef, Alfred Stewart, concernant ce que le syndicat choisit d'appuyer ou non, je n'y peux rien […] L'employeur et le syndicat ainsi que les charlatans de Santé Canada ont utilisé des tactiques d'obstruction, dilatoires et de dénégation qui m'ont forcé à démissionner pour pouvoir manger, car tout le travail pour lequel je suis qualifié constituait un conflit d'intérêts. La ligne de conduite de l'employeur, du syndicat et des charlatans de Santé Canada est la cause du non-respect des délais relativement à leur objection.

En ce qui a trait à la compétence, l'employeur affirmait que la cour des petites créances n'avait pas compétence pour statuer sur mon problème lié au travail en raison de la préoccupation au sujet du double accès potentiel aux tribunaux, puisque j'étais membre d'un syndicat. Si cette compétence est niée, il n'y aurait absolument aucun accès. Je soutiens que l'employeur ne peut gagner sur les deux tableaux. Ou bien je peux poursuivre l'employeur pour dommages-intérêts devant une cour du Banc de la Reine ou bien j'ai droit à la procédure d'arbitrage de grief devant la CRTFP. Le syndicat m'a fait savoir qu'il ne va pas appuyer quelque grief de ma part. Cependant, personne n'est prêt à mettre quoi que ce soit par écrit, et on ne me rappelle jamais. Il n'y a guère d'écrits auxquels j'ai pu accéder.

[…]

10 Le président de la Commission m'a chargé de statuer sur cette affaire en ma qualité d'arbitre de grief.

Motifs

11 La présente décision traite de l'objection de l'employeur à ma compétence comme arbitre de grief pour instruire le grief renvoyé à l'arbitrage de grief par le fonctionnaire s'estimant lésé.

12 J'ai examiné le dossier de la correspondance entre la Commission et les parties en l'espèce, ainsi que les autres documents versés au dossier. Je suis convaincu que les parties ont eu suffisamment l'occasion de faire connaître leurs points de vue sur la question de compétence dont je suis saisi et que j'ai des renseignements suffisants pour rendre une décision fondée sur le dossier écrit.

13 L'employeur a soulevé plusieurs questions dans son objection à ma compétence. Je considère comme inutile dans la présente décision de traiter de la question de délai soulevée dans les observations de l'employeur ou de déterminer si l'objet du renvoi à l'arbitrage de grief du fonctionnaire s'estimant lésé entrait dans le cadre de la partie précitée de l'alinéa 92(1)b) de l'ancienne Loi comme le fonctionnaire s'estimant lésé l'affirmait dans la Formule 14. À mon avis, il est possible de statuer sur cette affaire en répondant à la question « Est-ce que le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté un grief à l'employeur? »

14 Un préalable de l'acceptation de la compétence pour entendre un renvoi à l'arbitrage de grief en vertu de l'article 92 de l'ancienne Loi était une preuve qu'un grief avait été déposé conformément à l'ancienne Loi et à toutes dispositions applicables d'une convention collective en vigueur. Le paragraphe 2(1) de l'ancienne Loi définissait comme suit un grief :

[…]

« grief » Plainte écrite déposée conformément à la présente loi par un fonctionnaire, soit pour son propre compte, soit pour son compte et celui de un ou plusieurs autres fonctionnaires […]

[…]

J'interprète le membre de phrase « déposée conformément à la présente loi » comme signifiant qu'un fonctionnaire désireux de porter plainte était tenu de le faire en ayant recours à la procédure de règlement des griefs établie à cette fin sous le régime de l'ancienne Loi. La responsabilité première d'établir et de maintenir la procédure applicable aux griefs incombait à l'employeur, qui était tenu de respecter les paramètres indiqués dans le document intitulé Règlement et règles de procédure de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (1993). Dans le cas des fonctionnaires représentés, les règles pour l'accès et le recours à la procédure de règlement des griefs étaient traditionnellement l'objet des dispositions d'une convention collective.

15 Le document annexé au renvoi à l'arbitrage de grief du fonctionnaire s'estimant lésé était qualifié de « GRIEF » [souligné dans l'original] par le fonctionnaire s'estimant lésé. Était-ce en fait un grief au sens de l'ancienne Loi? D'après une évaluation raisonnable, ce document peut certainement être considéré comme une plainte écrite. Il contenait clairement des allégations qui, de prime abord, touchent des questions de relations de travail. Toutefois, pour être considéré comme un grief au sens du paragraphe 2(1) de l'ancienne Loi, le document doit être une plainte « […] déposée conformément à [l'ancienne] loi […] » au moyen de la procédure de règlement des griefs établie à cette fin.

16 La représentante de l'employeur a déclaré le 4 mai 2007 que l'employeur n'avait dans son système aucun dossier sur le grief. Dans les observations écrites subséquentes de l'employeur en date du 17 mai 2007, la représentante de l'employeur a affirmé que le grief n'était jamais parvenu à l'employeur.

17 Dans sa réponse à l'objection de l'employeur, le fonctionnaire s'estimant lésé ne disait pas qu'il avait présenté son grief à l'employeur. Il écrivait simplement qu'il avait présenté son grief au syndicat (c'est-à-dire à [traduction] « l'agent négociateur »). Il arguait ensuite que l'agent négociateur [traduction] « […] était tenu de transmettre mon grief à l'employeur […] ».

18 Le paragraphe 91(1) de l'ancienne Loi décrivait le droit de présenter un grief sur les questions précises qui y étaient énumérées :

Droit de déposer des griefs

91. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé :

a) par l'interprétation ou l'application à son égard :

  1. soit d'une disposition législative, d'un règlement - administratif ou autre -, d'une instruction ou d'un autre acte pris par l'employeur concernant les conditions d'emploi,
  2. soit d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas a)(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d'emploi.

[…]

Le paragraphe 91(1) conférait explicitement au fonctionnaire le droit de présenter un grief : « […] le fonctionnaire a le droit de présenter un grief […] ». Ce paragraphe était muet sur la possibilité qu'un agent négociateur puisse déposer un grief au nom d'un fonctionnaire, mais sa formulation ne peut selon moi être interprétée comme imposant officiellement la responsabilité de le faire à l'agent négociateur.

19 La convention collective applicable aux parties à la date à laquelle le prétendu grief du fonctionnaire s'estimant lésé est versé au dossier à la Commission (convention collective du groupe Exécution des programmes et des services administratifs entre l'ARC et l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) signée le 10 décembre 2004 et expirant le 31 octobre 2007). Tout au long de l'article 18 (Procédure de règlement des griefs) de cette convention collective, il est clair que la responsabilité relative au dépôt et à la progression d'un grief incombe au fonctionnaire. Aucune des dispositions de la convention n'indique que l'agent négociateur a ou partage la responsabilité juridique première de présenter ou de déposer un grief. La stipulation 18.05, par exemple, dit expressément que l'employé « […] qui désire présenter un grief […] le remet à son surveillant immédiat ou au chef de service local […] ». Le simple libellé de cette stipulation est clair quant au fait que c'est l'employé qui doit « remettre » le grief.

20 Bien que la Formule 14 remplie par le fonctionnaire s'estimant lésé indique que ce dernier a déposé son grief au premier palier de la procédure applicable aux griefs le 16 mars 2005, le seul document versé au dossier et portant cette date est le document que le fonctionnaire s'estimant lésé a, d'après ses propres observations, présenté à l'agent négociateur et non à son surveillant immédiat ou au chef de service local comme l'exigeait la stipulation 18.05 de la convention collective.

21 La réponse du fonctionnaire s'estimant lésé en date du 23 mai 2007 concluait que l'agent négociateur ne s'était pas acquitté de sa prétendue responsabilité de transmettre le grief du fonctionnaire à l'employeur. Il y était dit explicitement que l'agent négociateur était partie à [traduction] « […] des tactiques d'obstruction, dilatoires et de dénégation […] ». Le fonctionnaire s'estimant lésé y affirme en outre que l'agent négociateur [traduction] : « […] [lui] a fait savoir qu'il ne va pas appuyer quelque grief de ma part […] ».

22 Mon rôle dans la présente décision ne consiste pas à déterminer le bien-fondé de l'une quelconque de ces allégations au sujet de l'agent négociateur. Si le fonctionnaire s'estimant lésé considérait que l'agent négociateur avait manqué à une obligation juridique qu'il avait envers lui à l'égard de son grief et souhaitait intenter une action fondée sur cette conviction, il aurait pu porter plainte à ce propos en vertu d'une autre disposition de l'ancienne Loi. Je signale que le dossier contient bel et bien un courriel du fonctionnaire s'estimant lésé à la Commission en date du 20 mars 2007 dans lequel le fonctionnaire s'estimant lésé disait [traduction] : « […] je désirerais aussi porter plainte contre l'AFPC au motif qu'elle n'a pas voulu accepter un grief […] ». La directrice, Opérations du greffe et politiques, a à juste titre répondu, le 22 mars 2007, que la Commission ne pourrait conseiller ou guider le fonctionnaire s'estimant lésé quant à la voie qu'il devrait suivre. La réponse se limitait à lui fournir de l'information factuelle sur la procédure de renvoi d'un grief à l'arbitrage de grief et sur les dispositions législatives touchant les plaintes liées aux relations de travail. À la date à laquelle je rédige la présente décision, les dossiers de la Commission établissent que la seule mesure que le fonctionnaire s'estimant lésé ait décidé de prendre a consisté à renvoyer à l'arbitrage le grief dont je suis saisi. Il n'y a dans le dossier aucune autre plainte du fonctionnaire s'estimant lésé.

23 N'étant pas saisi en l'espèce d'une plainte contre l'agent négociateur, mon rôle se limite à déterminer, en fait et en droit, si le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé un grief conformément à l'ancienne Loi et à la convention collective applicable relevant de ma compétence en tant qu'arbitre de grief.

24 La preuve versée au dossier est claire. Le document qualifié de « GRIEF » et annexé au renvoi à l'arbitrage de grief du fonctionnaire s'estimant lésé avait été adressé à Vicky Zyzniswski, une représentante de l'agent négociateur d'après les observations de l'employeur, ce que n'a pas contesté le fonctionnaire s'estimant lésé. Ce dernier a pour sa part confirmé qu'il avait soumis son grief à l'agent négociateur, et non à l'employeur. Celui-ci a déclaré n'avoir jamais reçu un grief, ce qui, là encore, n'a pas été contesté par le fonctionnaire s'estimant lésé. Aucune copie d'une formule de présentation de grief ne m'a été soumise. Je conclus donc que le document en date du 16 mars 2005 n'a pas été présenté dans le cadre de la procédure applicable aux griefs selon l'ancienne Loi. Ainsi, ce n'était pas un grief au sens de l'ancienne Loi.

25 Je conclus également que le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas remis son grief à son surveillant immédiat ou au chef de service. Le fonctionnaire s'estimant lésé a donc manqué à l'obligation de répondre à l'exigence établie en vertu de la stipulation 18.05 de la convention collective pour présenter un grief approprié. Ce manquement l'empêche de faire valoir sa plainte aux divers paliers de la procédure de règlement des griefs ainsi qu'à l'étape de l'arbitrage de grief.

26 De plus, le fonctionnaire s'estimant lésé est allé à l'encontre de la mesure législative en ne présentant pas son grief « […] jusqu'au dernier palier de la procédure applicable […] » comme l'exigeait le paragraphe 92(1) de l'ancienne Loi :

Renvoi à l'arbitrage

  92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief […]

[…]

27 Le fonctionnaire s'estimant lésé déclarait dans la Formule 14 qu'il avait présenté son grief au dernier palier de la procédure applicable aux griefs le 16 mars 2005, soit la même date à laquelle il disait dans la Formule 14 avoir présenté son grief au premier palier et la même date indiquée dans le document du grief que le fonctionnaire s'estimant lésé a, de son propre aveu, remis à l'agent négociateur, plutôt qu'à l'employeur. En l'absence d'une preuve qu'un grief a été transmis au dernier palier de la procédure applicable aux griefs, je conclus que l'information figurant dans la Formule 14 au sujet du dépôt au dernier palier était dépourvue de fondement factuel. Étant donné que le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas répondu à la condition préalable établie en vertu du paragraphe 92(1) de l'ancienne Loi et consistant à porter un grief « […] jusqu'au dernier palier de la procédure applicable […] », il n'était pas en droit de renvoyer son grief à l'arbitrage de grief, pour cette raison également.

28 Cumulativement, le fonctionnaire s'estimant lésé a manqué à l'obligation de satisfaire à de multiples exigences pour présenter un grief. Chacun de ces manquements a été fatal du point de vue de la procédure. Considérés séparément et ensemble, ces manquements résultent sans conteste en une situation où je ne peux entendre l'affaire, comme le souligne le paragraphe 96(1) de l'ancienne Loi :

  96. (1) Sauf règlement pris par la Commission aux termes de l'alinéa 100(1)d), le renvoi d'un grief à l'arbitrage de même que son audition et la décision de l'arbitre à son sujet ne peuvent intervenir qu'après l'observation intégrale de la procédure applicable en la matière jusqu'au dernier palier.

[…]

29 Pour ces motifs, j'accepte l'objection de l'employeur à ma compétence pour instruire l'affaire soulevée par le fonctionnaire s'estimant lésé et je rends l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

30 L'objection de l'employeur est accueillie.

31 J'ordonne la fermeture du dossier.

Le 19 septembre 2007.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Dan Butler,
arbitre de grief

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