Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le demandeur a contesté la décision de l’employeur de ne pas lui offrir un salaire plus élevé que le salaire minimum au moment de la première nomination - il avait déposé devant la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire de cette décision - il a présenté son grief peu de temps après que la Cour fédérale eut décidé qu’il aurait dû recourir à la procédure de règlement des griefs - à cette époque, il n’était plus fonctionnaire - il a soulevé auprès de l’employeur la question de savoir s’il était opportun que son ancien superviseur tranche le grief au premier palier de la procédure de règlement des griefs, et a renvoyé celui-ci au deuxième palier le même jour - l’employeur a rejeté le grief au motif qu’il était tardif, au deuxième palier et aux paliers suivants de la procédure de règlement des griefs, et a contesté le grief sur le fondement des délais après son renvoi à l’arbitrage de grief - le vice-président a conclu que le fait que le demandeur n’était plus fonctionnaire ne l’empêchait pas de déposer un grief - il a conclu également que l’employeur a soulevé la question des délais à la première occasion - il a statué en outre que, le grief n’étant pas fondé sur la convention collective, il n’était pas arbitrable, et que par conséquent il n’avait aucune chance de succès. Demande rejetée. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-08-21
  • Dossier:  568-02-47, 166-02-37309
  • Référence:  2007 CRTFP 91

Devant le président
et un arbitre de grief


Entre

KENT DANIEL GLOWINSKI

demandeur et fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de l'Industrie)

défendeur et employeur

Répertorié
Glowinski c. Conseil du Trésor (ministère de l’Industrie)

Affaire concernant une demande visant la prorogation d'un délai visée à l'alinéa 61b) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique et concernant un grief renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Ian R. Mackenzie, vice-président et arbitre de grief

Pour le demandeur et fonctionnaire s'estimant lésé:
Crystal Stewart, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour le défendeur et employeur:
John G. Jaworski, avocat

Affaire entendue à Toronto (Ontario),
le 12 avril 2007.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

I. Demande devant le président et grief renvoyé à l'arbitrage

1 Kent Daniel Glowinski a déposé un grief parce que son employeur a refusé de négocier avec lui ou de lui offrir un traitement supérieur au minimum à sa nomination initiale à un poste de groupe et niveau CO-01. L'employeur a contesté le renvoi de ce grief à l'arbitrage de grief aux motifs qu'il est tardif et que la Commission n'a pas la compétence pour l'entendre. La représentante de M. Glowinski, une agente des relations de travail à l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l'« IPFPC »), son agent négociateur, a soutenu que le grief n'est pas tardif, mais, subsidiairement, elle a demandé une prorogation du délai pour le dépôt d'un grief.

2 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « nouvelle Loi »), édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. Les événements faisant l'objet d'un grief se sont produits avant le 1er avril 2005. Une question a été soulevée quant à savoir si c'est l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l'« ancienne Loi ») ou la nouvelle Loi qui s'applique. Cette question est discutée ci-après.

3 En vertu de l'article 45 de la nouvelle Loi, le président m'a autorisé, en ma qualité de vice-président, à exercer tous ses pouvoirs ou à m'acquitter de toutes ses fonctions en application de l'alinéa 61b) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (le « Règlement »), pour entendre et trancher toute question de prorogation de délai. J'ai aussi été saisi du présent cas à titre d'arbitre de grief, selon le cas.

4 La présente décision traite de cinq questions préliminaires :

- Quelle est la loi s'appliquant dans le cas du grief : l'ancienne Loi ou la nouvelle Loi?

- Le grief a-t-il été déposé dans le délai prescrit, et, dans la négative, l'employeur a-t-il renoncé à son droit de contester la recevabilité du grief?

- Si le grief est tardif, la demande de prorogation du délai devrait-elle être acceptée?

- Quelle est l'incidence des états de service qu'avait M. Glowinski au moment où il a déposé son grief?

- La question faisant l'objet du grief peut-elle être renvoyée à l'arbitrage de grief?

II. Résumé de la preuve

5 Les parties ont produit un « exposé conjoint des faits » et un recueil commun de pièces. M. Glowinski a témoigné.

A. « Exposé conjoint des faits »

6 L'« exposé conjoint des faits » se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

  1. Le fonctionnaire s'estimant lésé, Kent Glowinski, a été retenu comme stagiaire à Industrie Canada, à Ottawa, dans le cadre d'un programme coopératif offert par l'école de droit qu'il fréquentait. La période de son stage allait du 3 mai au 3 septembre 2004. Aux termes du contrat de stage de travail, il serait payé 16,00 $ l'heure et travaillerait 37,5 heures par semaine. Le fonctionnaire s'estimant lésé, à l'instar de tous les autres stagiaires dans sa situation, n'a pas eu la possibilité de négocier ce taux horaire. Il n'a eu droit à aucun des avantages en matière d'emploi et n'a pu participer aux concours internes de dotation au sein de la fonction publique.

  2. Le fonctionnaire s'estimant lésé voulait continuer de travailler pour le Ministère, et on lui a dit que, pour ce faire, la seule possibilité consistait à travailler en vertu d'un contrat du Programme fédéral d'expérience de travail étudiant (PFETÉ). L'offre du poste du PFETÉ a été présentée dans une lettre datée du 17 août 2004. Le fonctionnaire s'estimant lésé a accepté le poste et a commencé à travailler en tant qu'étudiant participant au PFETÉ le 7 septembre 2004. Le contrat prévoyait que son poste prendrait fin le 6 mai 2005, et qu'il travaillerait à temps partiel et à un taux horaire de 17,13 $. Ici encore, comme c'était le cas pour les autres étudiants assujettis à un contrat du PFETÉ, il n'a pas eu la possibilité de négocier son taux horaire. Des conditions similaires s'appliquaient également à ce contrat, qui faisaient en sorte, notamment, que le fonctionnaire s'estimant lésé ne pouvait obtenir d'avantages en matière d'emploi et qu'il lui était impossible d'accéder aux bases de données destinées aux fonctionnaires sur l'intranet et Internet et de participer aux concours internes.

  3. Durant son stage, en août 2004, un poste CO-01 de durée déterminée a été affiché. Il s'agissait d'un poste d'agent des arrangements et des dispenses. Le fonctionnaire s'estimant lésé a posé sa candidature pour ce poste le 8 septembre 2004.

  4. Le 13 janvier 2005, le fonctionnaire s'estimant lésé a appris qu'il avait remporté le concours, s'étant classé au premier rang de la liste d'admissibilité, et on lui a offert le poste. La directrice, Cheryl Ringor, lui a fait savoir qu'il ne pourrait négocier son traitement et que, par conséquent, il toucherait le traitement minimal applicable au moment de sa nomination à ce poste. L'échelle salariale allait alors de 41 321,00 $ à 54 975,00 $.

  5. À ce moment, le fonctionnaire s'estimant lésé :

    • était sur le point s'achever son baccalauréat en droit;
    • possédait un diplôme de premier cycle en sciences politiques de l'Université McGill;
    • avait huit mois d'expérience de travail au Ministère;
    • avait une expérience de travail dans le secteur privé;
    • avait une cote bilingue CCC.
  1. Le fonctionnaire s'estimant lésé n'était pas d'accord avec la décision consistant à lui verser une rémunération correspondant au minimum de l'échelle salariale. Mme Ringor lui a dit que l'offre resterait valable durant quatre jours ouvrables à compter de la date où elle lui a été soumise, et qu'il devait soit l'accepter telle quelle, soit la refuser. Le fonctionnaire s'estimant lésé a essayé d'obtenir plus de renseignements ou de précisions sur la question au sein du Ministère. Il s'est également entretenu avec une personne rattachée à son agent négociateur.

  2. Le fonctionnaire s'estimant lésé a accepté verbalement l'offre d'emploi le 14 janvier 2005. Il a continué d'essayer d'obtenir des précisions de la part des responsables du Ministère au sujet de la décision concernant sa rémunération. Il a eu de nombreuses conversations avec des employés de la rémunération et des ressources humaines, mais la décision est demeurée inchangée. Le fonctionnaire s'estimant lésé savait que la présentation d'une demande de contrôle judiciaire était assujettie à un délai de 30 jours.

  3. Le fonctionnaire s'estimant lésé a commencé à occuper son poste de durée déterminée le 31 janvier 2005, pour un traitement annuel de 41 321 $. Le poste devait prendre fin le 31 août 2005. Le fonctionnaire s'estimant lésé a travaillé 37,5 heures par semaine du 31 janvier 2005 jusqu'aux environs du 1er mai 2005, après quoi il a commencé à travailler à temps partiel, et ses heures de travail variaient en fonction de son barreau et de son horaire d'études. Il a recommencé à travailler à temps plein le 2 juillet 2005, jusqu'à ce que son poste prenne fin.

  4. Le 10 février 2005, le fonctionnaire s'estimant lésé s'est adressé à la Cour fédérale en vue d'obtenir un contrôle judiciaire de la décision du Ministère concernant sa rémunération.

  5. Le fonctionnaire s'estimant lésé a cessé d'être un employé du Ministère le 31 août 2005, lorsque son poste d'une durée déterminée a pris fin.

  6. Le 26 janvier 2006, la Cour a rendu sa décision concernant la demande, qu'elle a rejetée au motif que le fonctionnaire s'estimant lésé, à titre d'employé, [traduction] « avait le droit de déposer un grief en vertu du paragraphe 91(1) de la LRTFP, puisque la décision du Conseil du Trésor ou d'Industrie Canada faisant l'objet d'une contestation était liée à l'interprétation ou à l'application d'une directive en matière de politique émise par l'employeur ». La Cour a déclaré qu'elle n'avait pas compétence parce que, à son avis, le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas épuisé l'autre voie de recours qui s'offrait à lui, soit contester la décision de l'employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, avant de présenter une demande de contrôle judiciaire.

  7. Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas porté la décision de la Cour en appel. Au lieu de cela, le 1er février 2006, il a déposé le grief en question, dans lequel il alléguait que l'employeur aurait dû négocier avec lui un salaire approprié et cherchait à obtenir un rajustement rétroactif de la rémunération qu'il a reçue lorsqu'il était en poste.

  8. Le 17 février 2006, une conseillère principale en relations de travail du Ministère a téléphoné au fonctionnaire s'estimant lésé, en réponse à un message que celui-ci lui avait laissé. Le fonctionnaire s'estimant lésé a amorcé une discussion dans laquelle il se demandait s'il était approprié que Mme Ringor ou son supérieur hiérarchique, M. Shaw (le directeur général), rendent une décision au premier ou au deuxième palier, étant donné qu'ils étaient parties à la décision en question. Ils n'ont pu se mettre d'accord sur cette question, et le fonctionnaire s'estimant lésé a été avisé qu'on communiquerait avec lui la semaine suivante.

  9. Le 17 février est aussi la date à laquelle le fonctionnaire s'estimant lésé a porté son grief au deuxième palier.

  10. Le grief a été entendu au deuxième palier le 13 mars 2006. Le Ministère a donné sa réponse le 30 mars 2006, dans laquelle il soutenait que le grief était tardif et qu'aucune explication satisfaisante justifiant le retard du dépôt du grief n'avait été fournie. Le Ministère a également allégué que le grief était irrecevable, étant donné que la procédure de règlement des griefs n'est accessible qu'aux fonctionnaires au sens où l'entend la LRTFP. Néanmoins, le Ministère a conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé avait touché une rémunération appropriée et conforme aux politiques applicables.

  11. Le 13 avril 2006, le fonctionnaire s'estimant lésé a intenté une poursuite devant la Cour des petites créances contre l'employeur, et contre Mme Ringor et M. Shaw. Cette poursuite est toujours en cours.

  12. Une réponse pratiquement identique à celle du premier palier a été fournie au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, dans une lettre datée du 8 mai 2006.

B. Autres éléments de preuve

7 M. Glowinski a témoigné que Cheryl Ringor, directrice, Direction de la conformité et des politiques à Corporations Canada, lui a dit un certain nombre de fois qu'elle devrait envisager de négocier un traitement de départ plus élevé. En contre-interrogatoire, M. Glowinski a admis qu'il n'y avait eu qu'une seule discussion à ce sujet, et que la question n'avait été abordée de nouveau que dans le cadre de blagues faites à ce sujet dans le corridor, au travail. Il a témoigné que lors de leur discussion, Mme Ringor lui a parlé d'un cas récent où un nouvel employé avait négocié un traitement de départ plus élevé. M. Glowinski a également témoigné qu'un autre candidat figurant sur la liste d'admissibilité du concours avait été engagé à un taux plus élevé que le taux minimum.

8 M. Glowinski a déposé en preuve une copie de la liste d'admissibilité du concours (pièce G-2). Il n'y avait pas de légende expliquant les codes utilisés pour la liste des critères, mais M. Glowinski a soutenu que la liste montrait que l'employeur avait considéré qu'il était un candidat provenant de l'extérieur de la fonction publique.

9 Pendant le contrôle judiciaire de la décision de l'employeur, M. Glowinski a demandé une prorogation de délai pour la présentation de son dossier à la Cour fédérale. L'employeur a consenti à cette demande et, le 8 juillet 2005, la Cour a accordé une prorogation de délai jusqu'au 2 août 2005 (pièce E-5).

10 Dans Glowinski c. Canada (Conseil du Trésor), 2006 CF 78, la Cour fédérale a conclu que M. Glowinski aurait dû déposer un grief au lieu de présenter une demande de contrôle judiciaire :

[…]

[17]    En tant qu'employé, le demandeur avait le droit de présenter un grief en vertu du paragraphe 91(1) de la LRTFP puisque la décision en cause, rendue par le Conseil du Trésor ou Industrie Canada, porte sur l'interprétation ou l'application d'une directive prise par l'employeur. La question de savoir si le demandeur était habilité à négocier un salaire supérieur au taux de rémunération minimum prévu dans la Convention collective du groupe Vérification, Commerce et Achat dépend des effets combinés de la politique du Conseil du Trésor intitulée « Règlement sur les conditions d'emploi dans la fonction publique », de la politique sur la « Rémunération supérieure au minimum au moment de la nomination d'un employé provenant de l'extérieur de la fonction publique » et d'autres politiques du Conseil du Trésor, qui seront examinées dans les pages qui suivent.

[18]   De l'avis de la Cour, la procédure de grief prévue par la loi aurait constitué un autre recours approprié à la présente demande de contrôle judiciaire. Il n'y a aucune allégation voulant que les différents paliers de la procédure de grief, y compris le dernier palier, ne permettent pas au demandeur d'obtenir la mesure réparatrice demandée. La Cour devrait également refuser d'exercer sa compétence […] car le demandeur a omis d'épuiser les autres procédures de grief disponibles à l'encontre de la décision des intimés, y compris jusqu'au dernier palier, avant d'entreprendre la présente demande de contrôle judiciaire.

[19]    Le demandeur soutient qu'il ne pouvait pas déposer de procédure de grief parce qu'il n'était pas un employé habilité à déposer un grief tant qu'il n'avait pas accepté l'offre d'emploi, qui prenait effet le 17 janvier 2005. Le demandeur aurait pu refuser le poste CO-01 au motif qu'Industrie Canada ne voulait pas négocier une rémunération supérieure au minimum prévu; il aurait pu alors déposer sa demande de contrôle judiciaire. Toutefois, le demandeur a accepté le poste CO-01. Le demandeur est alors devenu un employé et il était tenu de suivre la procédure de grief prévue à l'article 91 de la LRTFP; cette procédure vise à régler toutes les questions relatives au travail, y compris l'application et l'interprétation des politiques du Conseil du Trésor.

[…]

[Le passage souligné l'est dans l'original]

La Cour s'est également attachée à examiner le bien-fondé de la demande de contrôle judiciaire, subsidiairement. Elle a déterminé qu'il y avait un certain nombre de politiques incompatibles et a conclu ce qui suit :

[…]

[42]    La Cour est d'avis qu'elle ne doit pas interpréter ou concilier les politiques contradictoires du Conseil du Trésor et qu'elle ne doit pas conférer force de loi à plusieurs de ces politiques. Je suis d'accord avec le juge Rouleau lorsqu'il affirme, dans Girard, précité, que si le Conseil du Trésor avait eu l'intention de conférer force de loi à ces politiques, il aurait exercé son droit d'adopter ses politiques par voie de règlement en vertu de la disposition applicable de la Loi sur la gestion des finances publiques.

[43]    En outre, le dilemme que pose cette multitude de politiques contradictoires démontre qu'il est préférable pour un employé lésé tel que le demandeur de recourir en premier lieu à la procédure de grief prévue dans le mécanisme de résolution des différends établi à l'article 91 de la LRTFP. Cette procédure de grief autorise un employé à déposer un grief sur une question relative à l'interprétation ou à l'application « d'une instruction ou d'un autre acte pris par l'employeur ». Cette catégorie de texte inclut manifestement la politique du Conseil du Trésor en cause dans la présente instance. Une cour de justice ne devrait pas conférer force de loi à une politique, à moins que l'intention du Parlement n'ait clairement été de conférer un tel effet à ce texte législatif et à condition que la politique en cause soit claire et qu'elle ne contienne aucune disposition en contradiction des autres politiques.

[44]    Si j'avais à examiner la décision en cause selon l'une ou l'autre des normes de contrôle, je conclurais que les politiques sont contradictoires et que la Cour ne peut pas conclure que la décision est entachée d'erreur, déraisonnable ou manifestement déraisonnable.

Le bref de Mandamus

[45] Le demandeur cherche à obtenir un bref de mandamus pour obliger les intimés à négocier, de manière rétroactive, un taux de rémunération supérieur au minimum prévu pour le poste CO-01, conformément à la politique du Conseil du Trésor sur la « Rémunération supérieure au minimum au moment de la nomination d'un employé provenant de l'extérieur de la fonction publique ». La Cour ne délivrera pas de bref de mandamus pour les deux raisons suivantes :

1.       cette politique n'a aucun effet juridique ni aucune force de loi et en conséquence, elle ne crée aucune obligation d'agir vis-à-vis des intimés;

2.       même si la politique avait force de loi, elle n'est pas impérative. La négociation du taux de rémunération relève du pouvoir discrétionnaire de l'employeur. Le demandeur soutient qu'un autre employé a réussi à négocier pour le même poste un taux de rémunération supérieur au minimum fixé mais l'employeur affirme que cette personne est membre du Barreau, ce qui n'est pas le cas du demandeur, et qu'elle possède en outre deux années d'expérience de travail juridique.

L'obligation d'agir équitablement

[46]    Le demandeur prétend que les intimés ont manqué à leur obligation d'agir équitablement parce qu'ils ont refusé d'accorder au demandeur le droit de négocier. L'obligation d'agir équitablement consiste à donner au demandeur la possibilité de connaître les raisons pour lesquelles une décision est prise contre ses intérêts et l'occasion de faire valoir ses arguments. Cette obligation a été respectée puisque le demandeur a eu un délai de quatre jours, qu'il a choisi de refuser, pour tenter de comprendre et éventuellement de modifier la décision de la Direction générale des ressources humaines d'Industrie Canada voulant que la politique du Conseil du Trésor interdisait à Industrie Canada de négocier un taux de rémunération supérieur au minimum prévu pour un poste CO-01.

[…]

11 M. Glowinski a ciblé trois questions dans son grief. À l'audience, sa représentante a mentionné que M. Glowinski ne souhaitait soumettre à l'arbitrage de grief que la question suivante :

[Traduction]

Industrie Canada a-t-il mal interprété ou appliqué de façon déraisonnable les politiques et la règlementation du Conseil du Trésor en décidant que les étudiants participant au PFETÉ sont des « fonctionnaires » ou font partie de la « fonction publique », lorsqu'il a refusé de négocier ou d'offrir une rémunération plus élevée?

Comme mesures correctives, M. Glowinski demandait ce qui suit :

[Traduction]

qu'Industrie Canada soit contraint de m'offrir, de bonne foi, une rémunération plus élevée, avec effet rétroactif; ou

qu'Industrie Canada soit contraint de négocier avec moi, de bonne foi, une rémunération plus élevée, avec effet rétroactif; et

que me soit payée la différence entre le nouveau traitement et la rémunération déjà versée.

12 Après avoir présenté son grief au premier palier de la procédure de règlement des griefs, M. Glowinski a écrit un courriel à Richard Momy, un agent des relations de travail du Ministère (pièce G-3), dans lequel il lui demandait quelles allaient être les prochaines étapes. M. Glowinski a témoigné que M. Momy ne lui a pas répondu.

13 M. Glowinski a mentionné que lorsqu'il a discuté de son grief avec un agent du Ministère, le 17 février 2006, il n'a pas été fait mention que l'employeur considérait le grief comme étant tardif. Le grief soumis ne s'accompagnait pas de l'autorisation signée d'un représentant de l'IPFPC. M. Glowinski a témoigné qu'il avait reçu l'autorisation de l'IPFPC de déposer le grief dans un courriel de Dan Rafferty, un représentant de l'IPFPC. La formule de transmission utilisée pour présenter le grief au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs portait la signature d'un représentant de l'IPFPC.

14 La convention collective (pièce G-1) indique que la transmission d'un grief au palier suivant de la procédure de règlement des griefs peut se faire sous les conditions suivantes :

[…]

34.12 Un employé peut présenter un grief à chacun des paliers de la procédure de règlement des griefs qui suit le premier (1er) :

a) lorsque la décision ou la solution ne lui donne pas satisfaction, dans les dix (10) jours qui suivent la date à laquelle la décision ou la solution lui a été communiquée par écrit par l'Employeur,

ou

b) lorsque l'Employeur ne lui a pas communiqué de décision au cours du délai prescrit dans le paragraphe 34.11, dans les quinze (15) jours qui suivent la présentation de son grief au palier précédent.

[…]

15 M. Glowinski a reçu la réponse à son grief au dernier palier le 11 mai 2006. Guy Bujold, sous-ministre adjoint, secteur des Opérations, a jugé que le grief était tardif. En outre, il a indiqué que le grief était irrecevable, car M. Glowinski n'était plus un employé. M. Bujold a alors traité du bien-fondé du grief et a conclu que l'employeur avait suivi les politiques qui s'appliquaient compte tenu de la situation d'emploi de M. Glowinski.

16 Le 13 avril 2006, M. Glowinski a déposé une déclaration de revendication contre l'employeur et contre Mme Ringor et Richard G. Shaw, directeur général, Corporations Canada. Il a réclamé des dommages-intérêts de 12 120,00 $ pour assertion négligente et inexacte, perte de possibilité, action fautive dans l'exercice d'une charge publique et trouble émotionnel (pièce J-8). Les allégations figurant dans la déclaration de revendication renvoient aux discussions portant sur le traitement de départ de M. Glowinski ainsi qu'à des questions concernant sa nomination initiale dans le cadre du Programme fédéral d'expérience de travail étudiant (PFETÉ).

17 M. Glowinski a témoigné qu'il avait également déposé une plainte auprès de la Commission de la fonction publique (CFP), dans laquelle il alléguait qu'il n'aurait pas dû être inclus dans le PFETÉ. Il a aussi présenté une demande de renseignements en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, concernant des demandes de remboursement de frais de voyage faites par son ancienne superviseure, Mme Ringor. En contre-interrogatoire, il a indiqué avoir transmis les renseignements obtenus à la Fédération canadienne des contribuables. Il a affirmé ne pas savoir que les renseignements avaient été affichés sur un site Web.

III. Résumé de l'argumentation

18 Avant l'audience, les deux parties ont présenté des observations écrites concernant la question du délai et celle du caractère arbitrable du grief. Ces observations ont été versées au dossier. Les deux parties ont également présenté des arguments oraux à l'audience. J'ai intégré à la fois les observations écrites et les arguments oraux dans le résumé ci-après.

19 Les parties ont convenu que c'était la nouvelle Loi qui s'appliquait, étant donné que le grief a été déposé après l'entrée en vigueur de celle-ci.

A. Pour M. Glowinski

20 La représentante de M. Glowinski a soutenu que l'employeur avait renoncé à son droit de contester le grief pour motif de présentation tardive. Le grief était tardif lors de son dépôt initial, et l'employeur n'a pas soulevé la question du respect du délai au premier palier de la procédure de règlement des griefs. La convention collective prévoit que la transmission d'un grief au palier suivant doit se faire à l'intérieur d'un certain délai. M. Glowinski a respecté ce délai lorsqu'il a transmis son grief au deuxième palier. Bien qu'il y ait eu une discussion avec la représentante du Ministère sur la question de savoir s'il était approprié que le grief soit entendu au premier palier, rien n'a été dit concernant le caractère tardif du grief. L'employeur a renoncé à son droit de soulever une objection parce qu'il ne l'a pas fait dès qu'il en a eu l'occasion.

21 Subsidiairement, la représentante de M. Glowinski a soutenu que la demande de prorogation du délai devrait être acceptée. Elle a présenté une argumentation par écrit concernant cette demande le 26 avril 2006 :

[Traduction]

[…]

Argumentation relative à la prorogation du délai

La décision du fonctionnaire s'estimant lésé de présenter une demande de contrôle judiciaire, en février 2005, était fondée sur le fait qu'au moment où la direction a refusé de négocier avec lui, il n'était pas encore un fonctionnaire au sens où l'entend la LRTFP (il n'était pas non plus un « employé » de la fonction publique d'une quelconque manière). Étant donné ce fait, il a cru comprendre que sa seule option était de s'adresser à une cour pour obtenir un redressement. La cour était manifestement en désaccord avec cette position et a conclu que c'était la Commission qui avait compétence pour entendre l'affaire, puisqu'elle aurait pu en être saisie lorsque le fonctionnaire s'estimant lésé était un fonctionnaire au sens où l'entend la LRTFP (après avoir accepté le poste de CO-01) et avait accès à la procédure de règlement des griefs prévue par la loi. Compte tenu de cette décision, le fonctionnaire s'estimant lésé a poursuivi l'affaire en déposant un grief. Nous soutenons que les mesures prises par le fonctionnaire s'estimant lésé consistant à demander un contrôle judiciaire de la décision du Ministère de refuser de négocier avec lui étaient raisonnables.

La Commission a indiqué qu'elle allait fonder sa décision d'accorder ou de ne pas accorder de prorogation de délai en soupesant le risque d'injustice pour le demandeur si la demande était rejetée et le risque de préjudice pour l'employeur si la demande était accueillie (Dunham c. Conseil du Trésor - dossier de la CRTFP 149-2-39). Plus particulièrement, les facteurs ci-après seront pris en considération dans l'examen de la demande de prorogation de délai :

  • la mesure dans laquelle le fonctionnaire s'estimant lésé a agi avec diligence;
  • la mesure dans laquelle le retard était raisonnable;
  • le préjudice que subira le fonctionnaire s'estimant lésé si la demande est rejetée;
  • l'absence de difficulté ou de préjudice causé à l'employeur si la prorogation est accordée (c-à-d. preuve intacte, témoins faciles à faire comparaître).

(Rinke c. Agence Canadienne d'inspection des aliments - dossier de la CRTFP 149-32-256)

Le fonctionnaire s'estimant lésé ne s'est pas assis sur ses droits. En fait, il a fait preuve d'une grande diligence en cherchant à les faire valoir. Il a immédiatement essayé de faire respecter ses droits en recourant aux tribunaux, et, étant donné le moment où il l'a fait, il a raisonnablement pensé qu'il s'agissait de la seule solution s'offrant à lui. Il n'y a pas eu de retard concernant la présentation de la demande de contrôle judiciaire et, par conséquent, il n'y en a pas eu non plus relativement au dépôt du grief.

Si la prorogation du délai n'est pas accordée, le fonctionnaire s'estimant lésé n'aura plus aucun recours pour ce qui est de chercher un redressement à la suite de la violation commise par le Ministère. Il va se retrouver dans une situation où il a un droit sans moyen de réparation. Le fonctionnaire s'estimant lésé ne pourra contraindre le Ministère à prendre la mesure corrective demandée dans le grief. Il n'aura aucun moyen de recouvrer la perte de salaire découlant du refus de négocier.

Le Ministère n'a subi aucun préjudice, car il a été averti dès le début que le fonctionnaire s'estimant lésé contestait sa décision. Il a également réagi à la contestation dès le départ et a présenté au tribunal ses arguments concernant l'affaire. Le Ministère n'a pas été surpris par le grief déposé tardivement, car il porte sur la même question que celle sur laquelle était fondé le contrôle judiciaire. La preuve du Ministère est intacte et les témoins sont facilement disponibles.

Enfin, le problème du fonctionnaire s'estimant lésé constitue une question importante et valide. Malgré tous ses efforts, il n'a pas été en mesure de trouver un règlement à ce différend. La décision définitive à l'égard de la présente affaire ne devrait pas être influencée négativement par une défense fondée sur des questions techniques et de procédures. Le fonctionnaire s'estimant lésé a raisonnablement essayé de faire valoir ses droits devant une cour, en fondant sa décision sur le moment où l'événement a eu lieu. La cour s'est dite en désaccord avec l'approche adoptée, et le fonctionnaire s'estimant lésé a accepté le raisonnement de la cour et a poursuivi l'affaire en suivant la suggestion de la cour, c'est-à-dire en ayant recours à la procédure de règlement des griefs. Le Ministère invoque la question du délai prescrit pour le dépôt d'un grief comme motif pour invalider le grief. Nous demandons que la Commission accorde une prorogation de délai afin que le grief puisse franchir les étapes de la procédure de règlement des griefs et, s'il y a lieu, être renvoyé à l'arbitrage de grief devant la Commission.

[…]

22 À l'audience, la représentante de M. Glowinski a soutenu que le seuil pour l'évaluation des chances de succès du grief était peu élevé. Il y a un certain nombre de différends concernant la preuve. On ne peut dire que le grief est sans fondement - c'est un cas difficile à traiter, mais il est défendable. Elle m'a également renvoyé à Rabah c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2006 CRTFP 101, et à Vidlak c. Conseil du Trésor (Agence canadienne de développement international), 2006 CRTFP 96.

23 La représentante de M. Glowinski a fait remarquer que celui-ci n'était plus un fonctionnaire au moment où il a déposé son grief. Cependant, la situation faisant l'objet du grief s'était produite pendant qu'il était un fonctionnaire. Dans Canada (Conseil du Trésor) c. Lavoie, [1978] 1 C.F. 778 (C.A.), la Cour d'appel fédéral a conclu que les premiers mots de l'article 91 de l'ancienne Loi doivent s'interpréter comme englobant toute personne se sentant lésée à titre d'employé. La nouvelle Loi ne diffère pas beaucoup de l'ancienne Loi à cet égard.

24 La représentante de M. Glowinski a fait valoir que le grief est arbitrable. La stipulation de la convention collective traitant de l'administration de la paye (stipulation 45.01) englobe les politiques de l'employeur en matière de rémunération. Elle m'a renvoyé à Broekaert et al. c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 90, à Adamson c. Conseil du Trésor (Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada), dossier de la CRTFP 166-02-16207 (19880211) et à Canada (Procureur général) c. Jones, [1978] 2 C.F. 39 (C.A.). M. Glowinski soutient que l'employeur a mal interprété les politiques applicables en matière de rémunération lorsqu'il a refusé de négocier un traitement supérieur au minimum. Sa représentante a mentionné que si le recours à l'arbitrage de grief lui était refusé, M. Glowinski aurait un droit sans moyen de réparation.

B. Pour l'employeur

25 L'avocat de l'employeur fait valoir que tout ce qui peut faire l'objet d'un grief n'est pas nécessairement arbitrable : Vaughan c. Canada, 2005 CSC 11.

26 L'avocat de l'employeur a fait remarquer que M. Glowinski a signé et par le fait même accepté une offre d'emploi dans laquelle le traitement de départ pour le poste était clairement établi. L'avocat a ensuite passé en revue les politiques qu'il considérait pertinentes et a conclu que M. Glowinski n'avait pas satisfait aux conditions énumérées dans la politique sur la nomination initiale (pièce J-9) pour l'obtention d'un traitement supérieur au minimum :

[…]

  • il existe une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée dans le domaine en question, tel que démontré par des enquêtes locales ou régionales du marché du travail effectuées par des institutions reconnues;
  • il est exceptionnellement difficile de combler le poste avec des candidats dûment qualifiés (p. ex. le taux minimal de rémunération n'est pas concurrentiel par rapport à ceux offerts par les employeurs locaux ou régionaux pour des fonctions semblables);
  • la situation opérationnelle exige la présence d'un employé extrêmement qualifié ou expérimenté pouvant assumer immédiatement la totalité des fonctions du poste dès son entrée en fonction (p. ex. il n'existe pas d'autre choix que de verser une rémunération supérieure au taux minimal car la formation d'un employé débutant imposerait un fardeau inacceptable au ministère employeur).

[…]

L'avocat de l'employeur a soutenu que M. Glowinski n'a fourni aucune preuve ayant trait à l'une ou l'autre de ces conditions.

27 L'avocat de l'employeur a allégué que M. Glowinski s'appuyait sur une disposition technique du Règlement pour soutenir que l'employeur avait renoncé à son droit de contester la recevabilité du grief. Cependant, M. Glowinski n'a pas satisfait aux exigences techniques du Règlement. Le grief n'a pas été signé par l'agent négociateur. La signature d'un représentant de l'IPFPC n'a jamais été fournie à l'employeur. Cela constitue une violation de l'article 69 du Règlement, qui devrait entraîner d'emblée la nullité du grief. Si l'article 69 du Règlement n'est pas appliqué, alors l'exigence du Règlement selon laquelle l'employeur doit soulever la question du délai ne devrait pas être appliquée non plus. L'avocat a également mentionné qu'une question avait été soulevée consistant à savoir qui pouvait ou devait entendre le grief au premier palier. Le jour même où M. Glowinski a soulevé cette question, il a présenté son grief au deuxième palier, ce qui a fait en sorte de rendre redondante la réponse au premier. C'est au deuxième palier que l'employeur a eu pour la première fois la possibilité de répondre et de soulever la question du respect du délai.

28 En ce qui concerne la demande de prorogation de délai, l'avocat de l'employeur m'a renvoyé à Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada),2004 CRTFP 1. Il a soutenu que M. Glowinski n'avait pas donné de raisons « claires, logiques et convaincantes » justifiant le retard du dépôt de son grief. M. Glowinski achevait ses études en droit à ce moment, et il a témoigné qu'il avait lu l'ancienne Loi et la convention collective. M. Glowinski a choisi de « mettre tous ses oufs dans le même panier ». Les raisons qu'il a données pour justifier le fait de ne pas avoir déposé de grief ne sont pas des plus convaincantes. Il connaissait la position de l'employeur à l'égard du dépôt d'un grief en septembre 2005, quand il a examiné le mémoire de l'employeur relatif à la demande de contrôle judiciaire. M. Glowinski n'a pas fait preuve de diligence en tentant de faire valoir ses droits. Il n'a pas su faire preuve de diligence même en procédant à sa demande de contrôle judiciaire, car il a dû demander une prorogation de délai pour présenter son dossier à la Cour fédérale.

29 L'avocat de l'employeur a soutenu qu'en décidant s'il convient ou non d'octroyer une prorogation de délai, il faut accorder une grande importance à la durée et aux motifs du retard, ainsi qu'au préjudice relatif causé à chacune des parties (Rouleau c. Personnel des fonds non publics des Forces canadiennes,2002 CRTFP 51). Le retard a été de 12 mois, ce qui est considérable. Il a également fait remarquer qu'en plus de déposer un grief, M. Glowinski poursuit l'employeur. Il serait farfelu de croire que les allégations figurant dans la poursuite en justice diffèrent de celles qui sont exprimées dans le grief.

30 L'avocat de l'employeur a également soutenu que le grief n'avait aucune chance de succès à l'étape de l'arbitrage parce que la politique est de nature discrétionnaire. Même si M. Glowinski avait satisfait à l'un ou l'autre des critères liés à la négociation d'un traitement de départ plus élevé, l'employeur n'était pas tenu de négocier. Il a fait remarquer que la Cour fédérale avait refusé d'émettre un bref de mandamus, car la politique ne créait pas d'obligation juridique pour l'employeur.

31 L'avocat de l'employeur m'a également renvoyé à Anthony c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans Canada),dossier de la CRTFP 149-02-167 (19981214) et à Mbaegbu c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), 2003 CRTFP 9.

32 L'avocat de l'employeur a allégué que l'argument de M. Glowinski selon lequel le fait de ne pas pouvoir accéder à l'arbitrage revenait à avoir un droit sans moyen de réparation n'était pas fondé. Il a toujours la possibilité de demander un contrôle judiciaire après la réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

33 L'avocat de l'employeur a fait valoir que les étudiants ne sont pas assujettis à la convention collective et que, par conséquent, on ne peut déterminer qu'il y a eu violation de la convention collective dans les circonstances. S'il n'y a aucune allégation de violation, alors le grief ne peut être renvoyé à l'arbitrage.

34 L'avocat de l'employeur a soutenu que M. Glowinski n'était manifestement pas un employé au moment où il a déposé son grief. Aux termes de la nouvelle Loi, le fonctionnaire s'estimant lésé doit être un employé lorsqu'il dépose son grief, sauf si le grief porte sur une mesure disciplinaire imposée par l'employeur.

35 L'avocat de l'employeur a allégué que le renvoi du grief à l'arbitrage constituerait une grave injustice. L'employeur se voit forcé de livrer encore et toujours la même bataille : la demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale; le grief; la poursuite devant la Cour des petites créances; la plainte auprès de la CFP; la publication sur un site Web des renseignements sur les demandes de remboursement des frais de voyage. En outre, la preuve soumise par M. Glowinski a changé à maintes reprises.

C. Réplique de M. Glowinski

36 La représentante de M. Glowinski a allégué que celui-ci n'avait pas à établir le bien-fondé de son grief à la présente étape - il doit simplement présenter une preuve suffisante montrant que le cas est défendable. Comme l'employeur a admis dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire qu'un employé s'était vu accorder une rémunération supérieure au minimum au moment de sa nomination initiale, les critères énumérés dans la politique doivent donc exister.

37 La représentante de M. Glowinski a soutenu qu'il n'y avait aucune conséquence découlant du défaut de se conformer aux exigences de l'article 69 du Règlement. Des conséquences découlant de l'omission de l'employeur de soulever la question du respect du délai au premier palier de la procédure des griefs ont été mentionnées. L'article 241 de la nouvelle Loi indique clairement qu'un grief ne sera pas invalidé uniquement pour un motif de vice de forme ou d'irrégularité.

38 La représentante de M. Glowinski a également fait valoir que la poursuite devant la Cour des petites créances différait du grief. Dans le cas de la poursuite, le fonctionnaire s'estimant lésé cherche uniquement à obtenir des dommages-intérêts. La plainte auprès de la CFP porte sur le PFETÉ et sur la question de savoir s'il était approprié que M. Glowinski soit considéré comme faisant partie du Programme. M. Glowinski a témoigné qu'il ne savait pas que les renseignements qu'il avait obtenus à la suite de sa demande d'accès à l'information avaient été affichés sur un site Web. Les différences entre le témoignage de M. Glowinski dans le cadre de la présente audience et ceux qu'il a faits dans d'autres affidavits ne sont pas importantes.

39 M. Glowinski a fait preuve de diligence en cherchant à faire respecter ses droits. L'employeur a accepté la demande de prorogation de délai pour la présentation du dossier devant la Cour fédérale.

IV. Motifs

40 Il y a un certain nombre de questions préliminaires dont il faut tenir compte ici, dont certaines jouent un rôle essentiel lorsqu'il s'agit de déterminer la compétence d'un arbitre de grief. Une conclusion défavorable concernant n'importe laquelle de ces questions fondamentales entraînera le rejet du grief. Pour les motifs énumérés ci-après, j'ai conclu que le grief est tardif, qu'il n'est pas approprié d'accorder une prorogation de délai et que l'objet du grief ne peut être renvoyé à l'arbitrage de grief.

A. Quelle est la loi s'appliquant au grief?

41 La nouvelle Loi est entrée en vigueur le 1er avril 2005. Le grief a été déposé le 1er février 2006, mais porte sur des événements qui sont survenus avant le 1er avril 2005. La demande de prorogation de délai a été présentée après le 1er avril 2005, et c'est donc la nouvelle Loi qui s'applique à cette demande. Il reste à déterminer laquelle de la nouvelle ou de l'ancienne Loi s'applique au grief en soi. Étant donné les conclusions auxquelles j'en suis arrivé et qui sont indiquées ci-après - à savoir, que l'employeur n'a pas renoncé à son droit de s'opposer au grief en soulevant la question du non-respect du délai et que la prorogation du délai n'est pas justifiée dans les circonstances -, je n'ai pas à déterminer quelle loi s'applique au grief. En tout état de cause, relativement au cas qui nous occupe, il n'y a aucune différence significative dans les dispositions législatives de l'ancienne Loi et de la nouvelle Loi en ce qui a trait aux griefs fondés sur une convention collective.

B. Quelle est l'incidence des états de service qu'avait M. Glowinski au moment où il a déposé son grief?

42 Au moment où il a présenté son grief en février 2006, M. Glowinski n'était plus un fonctionnaire. Tant l'ancienne Loi que la nouvelle Loi permet aux « fonctionnaires » de contester une politique ou une directive de l'employeur. L'alinéa b) de la définition de « grief », au paragraphe 2(1) de l'ancienne Loi, stipule ce qui suit :

[…]

b) en ce qui concerne les licenciements visés aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques ou les mesures disciplinaires portant suspension, aux anciens fonctionnaires, ainsi qu'aux personnes qui auraient eu le statut de fonctionnaires si, au moment de leur licenciement ou suspension, elles n'avaient pas fait partie des personnes visées aux alinéas f) ou j) de la définition de « fonctionnaire »;

[…]

Le paragraphe 206(2) de la nouvelle Loi fait une distinction entre les fonctionnaires et les anciens fonctionnaires. Il se lit comme suit :

[…]

  206. (2) Les dispositions de la présente partie relatives aux griefs s'appliquent par ailleurs aux anciens fonctionnaires en ce qui concerne

a) les mesures disciplinaires portant suspension, ou les licenciements, visés aux alinéas 12(1)c), d) ou e) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

[…]

Les deux dispositions suggèrent qu'un ancien fonctionnaire souhaitant contester autre chose qu'une suspension ou un licenciement ne peut déposer de grief, même si la situation contestée s'est produite pendant qu'il était un fonctionnaire.

43 Cette interprétation a été rejetée dans Lavoie, dans laquelle la Cour d'appel fédéral a conclu que le droit qu'a un ancien fonctionnaire de déposer un grief n'est pas limité par le libellé des dispositions législatives. L'ancienne Loi, qui s'appliquait à Lavoie, contient un libellé similaire à celui du paragraphe 206(2) de la nouvelle Loi. La Cour d'appel fédéral a conclu comme suit :

[…]

[…] Les premiers mots de l'article 90(1) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique doivent s'interpréter comme englobant toute personne se sentant lésée à titre d'« employé ». Autrement, une personne ayant à se plaindre en tant qu'« employé », p. ex. au sujet du classement ou des salaires, perdrait son droit de présenter des griefs à cause de la suppression de son emploi, p. ex. à la suite d'une mise en disponibilité. Il faudrait des dispositions très clairement exprimées pour me convaincre que ledit résultat est intentionnellement recherché.

[…]

C. L'employeur a-t-il renoncé à son droit d'invoquer le non-respect du délai?

44 M. Glowinski s'appuie sur le fait que l'employeur n'a pas soulevé la question du non-respect du délai au premier palier de la procédure de règlement des griefs pour alléguer qu'il a renoncé à son droit de s'opposer au grief invoquant ce motif.

45 L'employeur avait des doutes justifiés concernant le grief initial, étant donné que celui-ci ne portait pas la signature obligatoire d'un représentant de l'agent négociateur. En outre, M. Glowinski a remis en question le caractère pertinent d'une réponse au premier palier, étant donné que la personne qui allait entendre le grief était son ancienne superviseure. La preuve montre que M. Glowinski ne s'attendait pas à recevoir une réponse au premier palier, puisqu'il doutait qu'il soit utile d'entendre le grief à ce palier. En fait, les commentaires que M. Glowinski a adressés à la représentante de l'employeur ont témoigné de son désir de sauter un palier de la procédure de règlement des griefs. En outre, le représentant de l'agent négociateur a signé la formule de transmission (montrant ainsi qu'il appuyait le grief) au deuxième palier. Cela indique que le premier palier de la procédure de règlement des griefs a été évité au moyen de mesures prises par le fonctionnaire s'estimant lésé et l'agent négociateur. Dans ces circonstances, il m'est impossible de conclure que l'employeur a eu une possibilité raisonnable d'invoquer le non-respect du délai avant le deuxième palier. Toutefois, l'employeur a soulevé la question du non-respect du délai dès qu'il a eu une possibilité raisonnable de le faire, c'est-à-dire au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs. Étant donné que l'employeur a soulevé cette question au deuxième palier et aux paliers suivants, je conclus qu'il n'a pas renoncé à son droit d'invoquer le non-respect du délai.

D. Convient-il d'accorder une prorogation du délai pour la présentation du grief au premier palier de la procédure de règlement des griefs?

46 Cinq critères doivent être pris en compte lorsqu'il s'agit de déterminer s'il convient d'accorder une prorogation de délai (voir Schenkman) :

  • Le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes.
  • La durée du retard.
  • La diligence raisonnable du demandeur.
  • L'équilibre entre l'injustice causée au demandeur et le préjudice que subit l'employeur si la prorogation est accordée.
  • Les chances de succès du grief.

47 Le différend qui oppose M. Glowinski à son employeur renvoie à sa situation avant sa nomination à la fonction publique. M. Glowinski allègue qu'on aurait dû considérer qu'il provenait de l'extérieur de la fonction publique aux fins de l'établissement de son traitement à la nomination. L'employeur n'est pas d'accord. Avant la décision de la Cour fédérale (2006 CF 78), il n'était pas déraisonnable de penser que le recours approprié pour les événements qui se sont produits avant la nomination à la fonction publique consistait à présenter une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. Peu après la mise au point faite par la Cour fédérale, M. Glowinski a déposé son grief. Je conclus que, dans ces circonstances, le retard était justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes.

48 Le retard n'est pas excessif, si l'on tient compte de la durée du processus de contrôle judiciaire. M. Glowinski a rapidement déposé son grief après que la Cour fédérale eut déterminé que la procédure de règlement des griefs était le recours approprié.

49 Les mesures prises par M. Glowinski montrent qu'il a fait preuve d'une diligence raisonnable. Il a soulevé la question du différend qui l'opposait à l'employeur peu après que l'événement est survenu, par l'entremise d'une demande de contrôle judiciaire. Il s'est alors plié au processus de demande de contrôle judiciaire de manière raisonnable. Bien qu'il ait dû présenter une demande de prorogation de délai relativement à sa demande de contrôle judiciaire, l'employeur n'a pas soulevé d'objection à ce moment.

50 En soupesant le risque d'injustice pour M. Glowinski si la prorogation du délai est refusée et le préjudice que subira l'employeur si la prorogation est accordée, je conclus que le préjudice que subira l'employeur l'emporte sur l'injustice causée à M. Glowinski. La Cour fédérale a examiné de façon exhaustive les questions de fond qui opposent les parties et en est venue à une conclusion. Bien que cette conclusion ait été formulée à titre subsidiaire, cela ne change rien au fait que la Cour a examiné le différend entre les parties. Si l'on accordait une prorogation dans ces circonstances, cela permettrait au fonctionnaire s'estimant lésé de saisir à nouveau les tribunaux de questions qui ont pour la plupart déjà été tranchées.

51 Étant donné ma décision, indiquée ci-après, concernant le caractère arbitrable de l'objet du grief, je conclus que ce grief n'a aucune chance de succès.

52 Ayant soupesé ces cinq critères, je conclus qu'il n'est pas approprié d'accorder une prorogation de délai dans les circonstances du présent cas.

E. L'objet du grief peut-il être renvoyé à l'arbitrage de grief?

53 Le motif qui m'a été soumis concernant le grief de M. Glowinski (voir ¶ 11) est que l'employeur a mal interprété ou appliqué de façon déraisonnable les politiques et la règlementation du Conseil du Trésor en décidant que les étudiants participant au PFETÉ étaient des « fonctionnaires » ou faisaient partie de la fonction publique, et, par conséquent, en refusant de négocier ou d'offrir un traitement plus élevé.

54 L'ancienne Loi précise quels griefs peuvent être renvoyés à l'arbitrage :

[…]

  92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

[…]

55 La nouvelle Loi stipule elle aussi que ce sont ces types de griefs qui peuvent être renvoyés à l'arbitrage :

  209. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l'interprétation ou l'application, à son égard, de toute disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

[…]

56 Dans le présent cas, les politiques visées par le grief renvoient à une mesure qui a été prise avant la nomination à un poste rattaché à une unité de négociation, à savoir le refus de négocier le traitement de départ de M. Glowinski. La négociation d'un traitement à la nomination se produit avant la confirmation de cette nomination. Les politiques applicables échappent au champ d'application de la convention collective et ne sont pas intégrées dans cette convention.

57 Les politiques sur la rémunération peuvent être enchâssées dans une convention collective. Cependant, le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas contesté une politique sur la rémunération faisant partie de sa convention collective. Il a contesté la façon dont l'employeur a interprété le statut de participant au PFETÉ et son refus de négocier un traitement plus élevé à la nomination. Aucune corrélation avec une politique sur la rémunération contenue dans la convention collective n'a été établie. La mesure corrective que demande M. Glowinski consiste en l'offre ou en la négociation d'un traitement de départ plus élevé. Les politiques applicables ne sont pas intégrées dans la convention collective. En conséquence, je conclus que le grief n'est pas arbitrable et que je n'ai pas compétence pour l'instruire.

58 M. Glowinski a fait valoir que, si je devais conclure qu'il y avait absence de compétence, il serait privé de son droit à un recours et à un redressement. La Cour suprême du Canada a établi en toutes lettres dans Vaughan que l'intention du Parlement est clairement précisée dans la loi et que l'absence d'un recours à un arbitrage indépendant est « […] insuffisante en soi pour justifier l'intervention des tribunaux ». Dans un cas tel que celui qui nous occupe, une décision définitive devrait être normalement rendue dans le cadre de la procédure de règlement des griefs, et elle pourrait faire l'objet d'une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.

59 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

60 La demande de prorogation de délai est rejetée.

61 Le grief est rejeté.

Le 21 août 2007.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Ian R. Mackenzie,
vice-président
et arbitre de grief

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