Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’employeur s’est opposé au renvoi d’un grief à l’arbitrage six mois après que le grief a été accueilli au dernier palier - le grief concernait la description de travail de la fonctionnaire s’estimant lésée - l’employeur a soumis une description de travail révisée plus de cinq mois après qu’une décision a été rendue au dernier palier - la fonctionnaire s’estimant lésée estimait que la nouvelle description de travail n’était pas satisfaisante - la fonctionnaire s’estimant lésée et l’agent négociateur ont attendu de recevoir la nouvelle description de travail avant de renvoyer le grief à l’arbitrage de grief - la viceprésidente, au nom du président, a conclu que le renvoi à l’arbitrage de grief respectait les délais prescrits, étant donné qu’il aurait été impossible de déterminer si la réparation était satisfaisante avant de recevoir la nouvelle description de travail. Objection rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-08-10
  • Dossier:  568-02-144
  • Référence:  2007 CRTFP 83

Devant le président


Entre

JADWIGA MAJDAN

demanderesse

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)

défendeur

Répertorié
Majdan c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)

Affaire concernant une demande visant la prorogation d'un délai visée à l'alinéa 61b) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Michele A. Pineau, vice-présidente

Pour la demanderesse:
Karine M. Pelletier, avocate, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour le défendeur:
Monique Licari, avocate

Décision rendue sur la foi d'observations écrites déposées
le 26 janvier, le 21 mars et le 5 avril 2007.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Demande devant le président

1 La présente décision porte sur une objection du Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux) (l'« employeur ») concernant la compétence de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») pour entendre ce renvoi à l'arbitrage de grief, au motif qu'il est tardif.

2 En vertu de l'article 45 de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « nouvelle Loi »), édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, le président m'a autorisée, en ma qualité de vice-présidente, à exercer tous ses pouvoirs ou à m'acquitter de toutes ses fonctions en application de l'alinéa 61b) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (le « Règlement ») pour entendre et trancher toute question se rapportant à la prorogation de délai.

3 La fonctionnaire s'estimant lésée, Jadwiga Majdan, a déposé un grief le 4 avril 2004. L'employeur a répondu au grief au dernier palier le 25 mai 2006. L'agent négociateur, au nom de Mme Majdan, a déposé une demande de renvoi à l'arbitrage de grief le 11 décembre 2006, soit plus de six mois après la décision rendue au dernier palier.

Résumé de l'argumentation

4 L'employeur fait valoir que le renvoi à l'arbitrage de grief est tardif, car l'article 76 du Règlement et règles de procédures de la C.R.T.F.P. (1993) (l'« ancien Règlement ») prévoit qu'un renvoi en vertu de l'article 92 de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, doit être fait au plus tard 30 jours après la date à laquelle le fonctionnaire a reçu une réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

5  L'agent négociateur soumet que le renvoi à l'arbitrage de grief respecte les délais parce que la réponse au grief au dernier palier n'était pas définitive dans les faits. Le sous-ministre adjoint par intérim, qui a répondu au quatrième palier, a accueilli le grief, puis il a demandé aux gestionnaires de la fonctionnaire s'estimant lésée de mettre à jour sa description de travail et d'en fournir copie à la fonctionnaire une fois la mise à jour achevée. L'agent négociateur soutient que la réponse de l'employeur était conditionnelle au fait que la fonctionnaire s'estimant lésée obtienne une description de travail à jour. Selon l'agent négociateur, la décision de l'employeur est devenue définitive une fois que la description de travail à jour a été transmise à la fonctionnaire s'estimant lésée, soit le 3 novembre 2006 ou aux environs de cette date.

6 L'agent négociateur considère qu'il aurait été prématuré de renvoyer l'affaire à l'arbitrage de grief avant l'achèvement de la description de travail, car celle-ci aurait pu donner lieu, au bout du compte, au règlement du grief. Par conséquent, au lieu de présenter le renvoi à l'arbitrage de grief dans les 30 jours suivant la réponse de l'employeur au dernier palier, l'agent négociateur et la fonctionnaire s'estimant lésée ont décidé d'attendre pour la description de travail à jour. Or, comme celle-ci ne tient pas compte de manière exacte des tâches de la fonctionnaire s'estimant lésée, il s'avère opportun de procéder maintenant au renvoi du grief à l'arbitrage de grief.

7 L'agent négociateur fait valoir que l'objection de l'employeur constitue un argument de nature technique et que la prépondérance du préjudice penche en faveur de l'instruction du renvoi à l'arbitrage de grief. Autrement, la fonctionnaire s'estimant lésée ne pourra obtenir une réparation adéquate. Subsidiairement, si la Commission devait conclure que le grief est tardif, l'agent négociateur soutient que le retard n'est pas très long et qu'il en existe une explication raisonnable. Enfin, l'agent négociateur soutient que la Commission a le pouvoir d'accorder une exemption à l'égard des conséquences de tels défauts et qu'elle devrait exercer ce pouvoir compte tenu des circonstances du présent cas.

8 L'employeur réplique que le sous-ministre adjoint par intérim a indiqué dans sa réponse qu'il s'agissait d'une réponse au dernier palier, quand il a accueilli le grief. Par conséquent, la Commission n'a pas la compétence pour instruire l'affaire, car le renvoi à l'arbitrage de grief est tardif.

Motifs

9 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. Conformément à l'article 39 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, la Commission continue d'être saisie de la présente demande, qui doit être tranchée conformément à la nouvelle Loi.

10 Néanmoins, aux termes de l'article 107 du Règlement, l'ancien Règlement continue de s'appliquer aux affaires initiées avant le 1er avril 2005. Le grief a été déposé au premier palier de la procédure de règlement des griefs le 5 avril 2004; en conséquence, le délai de 30 jours pour le renvoi à l'arbitrage de grief s'applique au présent cas. En ce qui concerne le calcul visant à déterminer si un renvoi à l'arbitrage de grief est tardif, il faut également se reporter au paragraphe 2(2) de l'ancien Règlement, qui établit comment les jours sont comptés :

(2)  Il n'est pas tenu compte des samedis et des jours fériés dans le calcul des délais spécifiés dans le présent règlement.

11 La réponse de l'employeur au dernier palier est datée du 25 mai 2006, tandis que le renvoi à l'arbitrage de grief est daté du 11 décembre 2006. Si l'on utilise la méthode de calcul établie dans l'ancien Règlement, le renvoi semble clairement être tardif.

12 Par conséquent, il convient de déterminer si le renvoi à l'arbitrage de grief respecte les délais pour les raisons avancées par l'agent négociateur ou, dans la négative, si je dois exercer mon pouvoir discrétionnaire de proroger le délai.

13 Étant donné la nature du redressement proposé par l'employeur au dernier palier, je conclus que le renvoi à l'arbitrage de grief respecte le délai prescrit. Dans sa réponse, le sous-ministre adjoint par intérim a demandé qu'on procède à une mise à jour de la description de travail du poste d'attache de la fonctionnaire s'estimant lésée et qu'on fournisse à celle-ci copie de la description de travail une fois la mise à jour achevée. Par conséquent, la réponse au dernier palier ne pouvait être considérée comme complète tant que les gestionnaires de la fonctionnaire s'estimant lésée n'avaient pas mené à terme le redressement consistant à fournir à la fonctionnaire une description de travail à jour.

14 Il s'ensuit que la fonctionnaire s'estimant lésée ne pouvait, avant d'avoir reçu la description de travail à jour, ni déterminer si celle-ci correspondait au redressement souhaité ni, par conséquent, décider s'il convenait d'aller de l'avant avec le renvoi à l'arbitrage du grief. Il s'avérait manifestement prématuré de renvoyer le grief à l'arbitrage de grief à l'intérieur du délai de 30 jours prévu au paragraphe 76(1) de l'ancien Règlement avant d'avoir pris connaissance de la nature du redressement proposé par l'employeur au dernier palier.

15 Comme la réponse au dernier palier renvoyait à des mesures qui allaient être prises plus tard, elle ne pouvait être considérée comme « définitive » avant que toutes ses conditions soient satisfaites. Le délai prescrit pour le renvoi à l'arbitrage de grief a donc été nécessairement suspendu durant la période prise pour mener le redressement à terme. Le délai relatif au renvoi à l'arbitrage de grief a commencé à la date à laquelle la fonctionnaire s'estimant a pris connaissance du redressement proposé, soit à la réception de la description de travail à jour.

16 Je suis convaincue que le retard concernant le renvoi du grief à l'arbitrage de grief ne résulte pas d'une négligence de la part de la fonctionnaire s'estimant lésée ou d'une renonciation de porter le grief à l'arbitrage de grief. Il découle uniquement du temps qu'a pris l'employeur pour fournir copie de la description de travail à jour à la fonctionnaire s'estimant lésée. La fonctionnaire s'estimant lésée a pris une décision judicieuse en ne renvoyant pas le grief à l'arbitrage de grief avant que soit achevée la mise à jour de la description de travail, car une description de travail adéquate aurait pu, au bout du compte, mener au règlement du grief. Maintenant que l'on sait que la fonctionnaire s'estimant lésée n'est pas satisfaite de la description de travail à jour, le renvoi du grief à l'arbitrage de grief s'avère approprié.

17 J'ai également tenu compte du préjudice que risque de subir la fonctionnaire s'estimant lésée. Il a souvent été dit que les délais contribuent à la stabilité des relations de travail (voir Wyborn c. Agence Parcs Canada,2001 CRTFP 113), mais ils ne doivent pas être appliqués de manière à causer une injustice à un fonctionnaire s'estimant lésé, particulièrement lorsque l'employeur n'a pas fait valoir qu'il subirait un préjudice.

18 Dans le présent cas, le préjudice à long terme que subirait la fonctionnaire s'estimant lésée parce qu'elle ne dispose pas d'une description de travail adéquate l'emporte sur tout préjudice attribuable au temps écoulé qu'a pu subir l'employeur.

19 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

20 L'objection de l'employeur est rejetée.

21 La directrice des Opérations du greffe communiquera avec les parties dans le but de fixer la date de la reprise de l'audience pour trancher l'affaire au fond.

Le 10 août 2007.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Michele A. Pineau,
vice-présidente

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