Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignants étaient l’agent négociateur responsable de l’unité de négociation du groupe Navigation aérienne et deux de ses représentants locaux - ils se sont plaints du fait que les défendeurs s’étaient ingérés dans leurs activités de représentation de certains employés de l’unité de négociation - ils ont également allégué que les défendeurs cherchaient à empêcher un employé appartenant à l’unité de négociation de demander leur représentation - la Commission a conclu que, bien que les plaignants aient à prouver la violation des alinéas 186(1)a) et b) de la Loi, les défendeurs devaient assumer la charge de réfuter l’allégation de violation du sousalinéa 186(2)a)(i) et des alinéas 186(2)b) et c) - la Commission a conclu que les défendeurs avaient contrevenu à l’alinéa 186(1)a) en appliquant une mesure disciplinaire sous forme d’une lettre réprimandant les représentants locaux de l’agent négociateur pour avoir mis en doute les pratiques de dotation des défendeurs en s’acquittant de leur devoir d’origine législative qui consiste à représenter de façon équitable les employés faisant partie de l’unité de négociation - la Commission a également conclu que les défendeurs avaient contrevenu au paragraphe 186(2) en ordonnant à un employé faisant partie de l’unité de négociation de ne pas parler aux représentants locaux de l’agent négociateur. Plainte accueillie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-08-29
  • Dossier:  561-02-89
  • Référence:  2007 CRTFP 92

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


Entre

MARC S. PERKA, EDWARD H. RINN ET
ASSOCIATION DES PILOTES FÉDÉRAUX DU CANADA

plaignants

et

MINISTÈRE DES TRANSPORTS ET CONSEIL DU TRÉSOR

défendeurs

Répertorié
Perka et al. c. ministère des Transports et Conseil du Trésor

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Barry D. Done, commissaire

Pour les plaignants:
Phillip G. Hunt, avocat

Pour les défendeurs:
Karl G. Chemsi, avocat

Affaire entendue à Edmonton (Alberta),
du 20 au 22 mars 2007.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

I. Plainte devant la Commission

1 Le 15 décembre 2005, Marc S. Perka, Edward H. Rinn et l'Association des pilotes fédéraux du Canada (APFC) ont déposé une plainte de pratique déloyale de travail (pièce E-1) dans laquelle le ministère des Transports et le Conseil du Trésor sont nommés comme défendeurs. L'APFC est l'agent négociateur pour l'unité de négociation du groupe Navigation aérienne. Il est allégué dans la plainte que les défendeurs

[Traduction]

[…]

[…] ont contrevenu aux alinéas 186(1)a) et 186(1)b), au sous-alinéa 186(2)a)(i) ainsi qu'aux alinéas 186(2)b) et 186(2)c) de la Loi en menaçant et en intimidant des fonctionnaires représentés par la plaignante et en prenant des mesures disciplinaires à leur égard au motif qu'ils avaient exercé leurs droits comme représentants syndicaux. Les défendeurs ont, en se livrant à de telles activités, illégalement entravé les droits des membres de la plaignante d'être représentés et de représenter les employés, de défendre leurs intérêts et de veiller à ce que les défendeurs suivent des pratiques d'embauche appropriées.

[…]

2 À l'époque des incidents qui ont donné lieu à la plainte, MM. Perka et Rinn étaient des représentants de l'APFC : M. Perka était le vice-président régional de l'APFC pour la région des Prairies et du Nord (RPN), et M. Rinn était président régional de l'APFC pour la RPN. Ils étaient inspecteurs d'aviation civile AO-CAI-02 (poste et niveau), et leur convention collective était une convention entre le Conseil du Trésor et l'APFC pour le groupe Navigation aérienne (pièce G-3) expirant le 25 janvier 2004.

3 Les plaignants demandent les mesures correctives suivantes :

[Traduction]

A. Qu'il soit déclaré que le Conseil du Trésor du Canada et Transports Canada n'ont pas respecté l'article 186 de la Loi;

B. Que soit rendue une ordonnance exigeant que le Conseil du Trésor du Canada et Transports Canada mettent un terme à l'intimidation des membres de l'APFC et qu'ils annulent les mesures disciplinaires illégales prises contre les deux membres de l'APFC ayant enquêté sur les pratiques d'embauche des défendeurs;

C. Que soit rendue une ordonnance exigeant que le Conseil du Trésor du Canada et Transports Canada cessent de demander aux membres de l'APFC de s'abstenir de consulter les représentants syndicaux de l'APFC.

4 Le 1er février 2006, les défendeurs ont formulé des objections quant au respect des délais de la plainte et à la compétence de la Commission pour entendre ladite plainte.

5 L'audition de cette plainte s'est déroulée du 20 au 22 mars 2007. Les parties n'étaient pas disponibles avant ces dates.

6 À l'audience, les défendeurs ont retiré leurs objections en matière de respect des délais et de compétence.

II. Résumé de la preuve

7 Voici une chronologie des événements qui ont donné lieu à la plainte.

8 En 2002 et en 2003, Dean A. Zimmer, surintendant de la sécurité des aérodromes pour la RPN au ministère des Transports a joué un rôle dans la dotation d'un poste d'inspecteur de la sécurité de l'aviation civile (pièce G-5B). M. Rinn, en sa qualité de représentant de l'APFC, a mis en doute cette mesure de dotation (pièce G-5A). En particulier, M. Rinn se préoccupait de la sélection, pour une entrevue, d'un candidat ne répondant pas à la norme minimale de la Commission de la fonction publique (CFP) aux fins de l'attestation professionnelle, puisque ce candidat n'avait pas une qualification de vol aux instruments (QVI) valable, groupe 1. La préoccupation de M. Rinn s'est révélée bien fondée (pièces G-1B et G-5B).

9 En juin 2005, M. Zimmer était sur le point de mener un autre concours semblable. Apparemment soucieux d'éviter toute autre préoccupation quant aux qualifications, M. Zimmer est entré en contact avec M. Rinn pour s'enquérir sur les normes minimales de sélection. M. Rinn a accédé au site Web de la CFP et a montré à M. Zimmer les normes de sélection.

10 Stéphane Demers, qui avait été recruté par M. Zimmer, a été sélectionné et interviewé et s'est vu offrir un poste d'inspecteur de la sécurité de l'aviation civile. Il a commencé à occuper le poste le 4 juillet 2005.

11 Subséquemment, Fred Burrows, directeur de la Division des services des aéronefs, RPN, ministère des Transports, a dit à M. Rinn que, lors de l'entrevue, M. Demers n'avait pas la QVI civile requise. M. Rinn a discuté de la situation de M. Demers avec M. Perka, et les deux ont accédé à la base de données (SDLPA) pour déterminer les qualifications de M. Demers.

12 À midi le 19 août 2005, MM. Perka et Rinn sont allés au bureau de M. Zimmer et ont demandé à s'entretenir avec lui d'une affaire de relations de travail. Ils ont expliqué que cette affaire concernait le récent embauchage de M. Demers ainsi que la question de savoir si ce dernier répondait à la norme minimale de la CFP pour s'être vu accorder une entrevue. M. Zimmer les a invités à entrer et a demandé que M. Demers assiste lui aussi à la réunion. M. Perka et M. Rinn ont demandé à voir et à emporter une copie du permis, de la qualification médicale et de la documentation de QVI de M. Demers, ce qui a été autorisé. La réunion s'est conclue lorsque MM. Perka et Rinn ont avisé M. Zimmer qu'ils demanderaient à la CFP d'enquêter sur le recrutement de M. Demers.

13 M. Zimmer a téléphoné à son superviseur Roger Beebe, directeur régional de l'aviation civile, RPN, ministère des Transports, à propos de sa réunion avec MM. Perka et Rinn, pour se plaindre de leur conduite. M. Beebe a envoyé à MM. Perka et Rinn un courriel (pièce E-4A) les informant que M. Zimmer avait porté plainte contre eux, ce qui nécessitait une enquête, et qu'ils étaient en droit d'être représentés par leur agent négociateur au cours de l'enquête sur la plainte.

14 À la suite de sa plainte orale, M. Zimmer a envoyé à M. Beebe un courriel (pièce E-3) demandant que MM. Perka et Rinn soient l'objet d'une enquête pour l'avoir harcelé.

15 M. Rinn a demandé les détails de la plainte (pièce E-4B). M. Beebe a, le 22 août 2005, envoyé à MM. Perka et Rinn un courriel (pièce E-5) sur l'objet de son enquête, dont les objectifs étaient les suivants :

- déterminer quelle faute de conduite - s'il y en avait eu une - avait été commise;

- prendre des mesures immédiates pour régler la plainte de harcèlement.

16 M. Beebe a eu une réunion avec M. Rinn le 24 août 2005, et avec M. Perka le 25 août 2005, et a pris des notes de leurs explications (pièce E-7). M. Beebe a également eu une réunion avec M. Demers pour lui assurer que son emploi n'était pas menacé.

17 Enfin, M. Beebe a écrit à MM. Perka et Rinn le 16 septembre 2005 (pièce E-2) pour exposer les conclusions de son enquête. C'est en grande partie cette correspondance qui a donné lieu à la plainte. Dans cette correspondance, M. Beebe exprimait ses préoccupations quant à la manière dont MM. Perka et Rinn avaient mené leur propre enquête, quant au fait qu'ils avaient utilisé le système SDLPA pour vérifier les qualifications de M. Demers et quant à l'incidence de tout cela sur M. Demers. Cette correspondance a été photocopiée, puis versée aux dossiers personnels de MM. Perka et Rinn.

A. Pour les défendeurs

18 Comme les défendeurs ont la charge de réfuter un motif de la plainte, les parties ont convenu que les défendeurs seraient les premiers à produire leur preuve. M. Beebe était directeur régional de l'aviation civile, RPN, au ministère des Transports, lorsque MM. Perka et Rinn ont eu une réunion avec M. Zimmer. Il était au courant d'une question de longue date concernant le fait que les inspecteurs d'aviation civile (CAI) étaient supervisés par des titulaires d'un poste d'inspection technique (TI). Il craignait que l'incident entre M. Zimmer, M. Perka et M. Rinn puisse créer des problèmes à l'égard d'une précédente convention qu'il avait conclue avec l'APFC à propos de cette question même (pièce E-8).

19 De plus, M. Beebe se préoccupait de ce que MM. Perka et Rinn aient accédé au système informatique en leur qualité de représentants de l'APFC et de ce qu'ils aient d'abord entré en contact avec M. Zimmer, plutôt qu'un représentant des Ressources humaines ou le gestionnaire de la Division ou lui-même (M. Beebe).

20 M. Beebe a nié avoir enjoint à M. Demers de ne pas parler à M. Perka ou à M. Rinn au sujet de cette affaire. Il a déclaré [traduction] : « J'ai beaucoup d'expérience, et ce n'est pas quelque chose que je pourrais faire. »

21 Le but de la correspondance du 16 septembre 2005 de M. Beebe (pièce E-2) était d'informer MM. Perka et Rinn de ses conclusions sur les mesures disciplinaires possibles. Il considérait comme une atténuation le fait que, en leur qualité de représentants de l'APFC, ils agissaient sous les ordres de Greg Holbrook, le président national de l'APFC. Il n'y avait pas de véritables motifs justifiant une mesure disciplinaire, mais, vu l'existence de sérieuses questions, M. Beebe n'était pas heureux d'affirmer qu'il n'avait été conclu à aucune faute.

22 M. Zimmer a ultérieurement retiré sa plainte de harcèlement, car il estimait qu'elle avait été correctement réglée de façon informelle.

23 Pendant le contre-interrogatoire, M. Beebe a dit qu'il avait été avisé par un représentant des Ressources humaines qu'il avait le droit d'aller de l'avant pour ce qui était de la réunion avec M. Rinn malgré le fait que M. Holbrook, choisi comme représentant par M. Rinn, n'était pas disponible. Le comportement de M. Beebe durant cette réunion ne se caractérisait pas par une recherche du combat ou de l'affrontement. Ce n'était pas son genre, et il a décrit la réunion comme ayant été cordiale.

24 En ce qui a trait à la préoccupation de M. Beebe concernant [traduction] « […] les frais de l'activité administrative […] » occasionnée par MM. Perka et Rinn (pièce E-2), aucune attribution des coûts n'avait été faite. Toutefois, il était préoccupé par la déviation des activités opérationnelles et par le nombre de personnes en cause. M. Beebe reconnaissait que rien dans sa précédente convention avec l'APFC (pièce E-8) n'indiquait que les représentants de l'APFC ne devraient pas soulever de questions auprès de M. Zimmer. En réalité, a déclaré M. Beebe [traduction] : « C'est encouragé. » MM. Perka et Rinn n'auraient pas dû passer par-dessus la tête de M. Zimmer.

25 Il est important que les fonctionnaires soient bien qualifiés. M. Beebe convenait que, en accédant au SDLPA, MM. Perka et Rinn approfondissaient le sujet avant d'entrer en communication avec M. Zimmer.

26 La correspondance du 16 septembre 2005 (pièce E-2) a été versée aux dossiers personnels de MM. Perka et Rinn.

27 M. Zimmer occupe un poste de TI-07 (groupe et niveau). Après sa réunion du 19 août 2005 avec MM. Perka, Rinn et Demers, M. Zimmer était allé demander à M. Perka [traduction] : « S'agit-il de moi et de mon poste de TI? » M. Perka lui avait assuré que tel n'était pas le cas. Cependant, M. Zimmer savait que l'APFC était mécontente que les pilotes (CAI) soient supervisés par des non-pilotes (TI) et il croyait ceci [traduction] : « L'APFC ne voulait plus que j'occupe ce poste ». Il avait retiré sa plainte de harcèlement (pièce E-14B), car [traduction] : « j'avais établi que je n'allais pas être harcelé comme TI par l'APFC ». Il avait assuré à M. Demers qu'il n'y avait pas de quoi s'inquiéter [traduction] : « ce processus me concernait, ainsi que mon poste de TI, et non M. Demers ».

28 M. Zimmer avait accompagné M. Demers à une réunion avec M. Beebe au cours de laquelle ce dernier avait dit à M. Demers de ne pas défier M. Perka ou M. Rinn à propos de l'incident.

29 Durant le contre-interrogatoire, M. Zimmer a reconnu qu'il avait demandé conseil à M. Rinn sur les qualifications exigées par la CFP à l'égard d'un poste d'inspecteur d'aviation civile avant de recruter M. Demers, car M. Zimmer voulait éviter une situation comme la précédente, où la dotation d'un poste de pilote avait été contestée. Dans le courriel de M. Zimmer demandant à M. Beebe d'enquêter sur MM. Perka et Rinn pour cause de harcèlement (pièce-E-3), aucune préoccupation au sujet d'un TI supervisant un CAI n'était mentionnée, et rien n'indiquait que M. Zimmer avait avisé M. Perka qu'il se sentait harcelé.

30 À la réunion du 19 août 2005, M. Zimmer n'a pas refusé de discuter de la question de la dotation et n'a pas choisi de mettre fin à la réunion une fois connu le programme de M. Perka et de M. Rinn. Lors de la réunion à laquelle M. Zimmer a assisté avec M. Beebe et M. Demers, il était clair que ce dernier ne devait pas parler à M. Perka ni à M. Rinn.

31 De l'avis de M. Zimmer, sa réunion avec MM. Perka, Rinn et Demers avait été cordiale - lui ainsi que MM. Perka et Rinn s'étaient comportés de manière cordiale. Toutefois, après la réunion, M. Zimmer s'est dit qu'en réalité [traduction] « ils recueillaient des éléments de preuve » et il s'est demandé [traduction] : « pourquoi devons-nous nous justifier? »

32 M. Demers est un inspecteur de la sécurité de l'aviation civile du ministère des Transports pour les héliports et les aérodromes ainsi que pour la navigation aérienne dans la RPN. Il est AO-CAI-02 (groupe et niveau). Il a commencé à occuper ce poste le 4 juillet 2005. Il n'avait pas de QVI civile et s'était senti mis dans l'embarras et soumis à un interrogatoire lors de sa réunion avec MM. Perka et Rinn, vu [traduction] : « mon propre bagage ». Il avait dit au jury de sélection pendant son entrevue pour le poste de CAI qu'il n'avait pas de QVI civile, et M. Zimmer lui avait dit de ne pas s'inquiéter. M. Demers avait passé son examen écrit deux semaines plus tard et obtenu sa QVI civile.

33 Deux à trois semaines après la réunion du 19 août 2005, M. Beebe a assuré à M. Demers qu'il n'était pas préoccupé quant à la situation liée à la QVI, et M. Demers a affirmé que M. Beebe lui avait dit [traduction] : « c'était probablement mieux que je ne discute pas de ces événements avec M. Perka ou M. Rinn ». M. Demers aurait aimé leur parler personnellement.

34 M. Demers avait été prié de fournir une déclaration au sujet de son embauche, de sorte qu'il avait écrit une lettre, en date du 26 août 2005 (pièce G-1B). Dans cette lettre, il indiquait clairement que, lors de l'entrevue, il n'avait pas la QVI civile. En outre, il avait écrit dans un courriel en date du 17 octobre 2005 qu'il était mécontent d'avoir eu [traduction] « […] pour instructions de ne pas engager Ed [Rinn] ou Marc Perka de quelque manière relativement à cette affaire […] » (pièce G-1A).

35 Durant le contre-interrogatoire, M. Demers a déclaré qu'il avait écrit le courriel déposé comme pièce G-1A, et que c'était une description des événements honnête et exacte. Rien n'indiquait dans la pièce G-1A que M. Beebe lui avait dit qu'il pourrait parler à d'autres représentants de l'APFC. Le 17 octobre 2005, il était toujours d'avis qu'il ne pouvait discuter de cette situation avec M. Perka ou M. Rinn (pièce G-1A).

B. Pour les plaignants

36 M. Rinn est un AO-CAI-02 (poste et niveau). Le 19 août 2005, il était le président régional de l'APFC pour la RPN (l'Ouest). M. Perka était alors vice-président régional. En juin ou juillet 2005, M. Zimmer a interrogé M. Rinn à propos des qualifications de pilote d'hélicoptère, car il ne voulait pas répéter une erreur commise au sein d'un précédent comité d'embauche. M. Rinn avait cherché sur Internet les qualifications requises et montré à M. Zimmer qu'une QVI du groupe 4 était requise aux fins de sélection. Une brève discussion s'en était suivie au cours de laquelle les deux avaient discuté des exigences en matière de sélection.

37 À la réunion avec M. Beebe en date du 24 août 2005, M. Rinn avait trouvé que M. Beebe était combatif et qu'il agissait comme si la réunion était un procès. M. Rinn se sentait réprimandé. Il avait demandé à voir, mais en vain, le courriel de M. Zimmer demandant à M. Beebe d'enquêter sur M. Perka et M. Rinn (pièce E-3), avant ou pendant la réunion, pour fins de préparation. Étant donné qu'il avait été officiellement remercié par les Ressources humaines en 2003 pour avoir soulevé une préoccupation semblable, il n'arrivait pas à comprendre pourquoi on le critiquait dans ce cas-là et il avait fourni une copie du courriel de remerciement de 2003 (pièce G-5C) à M. Beebe. Il avait soulevé ce qui le préoccupait dans cette affaire auprès de M. Zimmer. Il avait précédemment reçu pour instructions de soulever cette préoccupation auprès du gestionnaire chargé de l'embauche, qui était M. Zimmer dans cette affaire.

38 Enfin, M. Rinn a témoigné que tout cet incident, y compris l'aspect disciplinaire, [traduction] « ne valait pas la peine et était trop frustrant ».

39 Lors du contre-interrogatoire, M. Rinn a déclaré qu'il est membre de la direction de l'APFC depuis 12 ou 13 ans et qu'il a assisté à 10 à 12 réunions disciplinaires. Il considérait comme sérieuse sa réunion du 24 août 2005 avec M. Beebe et avait demandé la présence du président de l'APFC, M. Holbrook, pour le représenter. Il estimait que la correspondance de M. Beebe en date du 16 septembre 2005 (pièce E-2) était d'ordre disciplinaire.

40 Interrogé sur la question de savoir s'il avait déjà été dissuadé de mettre en doute les pratiques de dotation, il a signalé que dans le courriel l'informant que M. Zimmer avait porté plainte (pièce E-4A), M. Beebe disait [traduction] :« […] vous êtes allé à son bureau pour contester les qualifications […] ». De plus, dans sa correspondance du 16 septembre 2005, pièce E-2), M. Beebe a qualifié la réunion de M. Rinn avec M. Zimmer comme étant une [traduction] « intervention ». Ces termes, selon M. Rinn, étaient destinés à le dissuader de toute autre remise en question.

III. Résumé de l'argumentation

A.  Pour les défendeurs

41 Seulement deux points sont soulevés par les plaignants :

- la correspondance du 16 septembre 2005  (pièce E-2);

- l'ordre à M. Demers de ne pas parler à deux représentants de l'APFC.

1.  La correspondance du 16 septembre 2005

42 La principale allégation des plaignants est que cette lettre est une tentative des défendeurs pour intimider les fonctionnaires de manière qu'ils ne mettent pas en doute les pratiques d'embauche. Le but de la lettre était d'aviser les représentants de l'APFC des conclusions de l'enquête. M. Demers a qualifié d'inquisition l'interrogatoire auquel il a été soumis. M. Zimmer a affirmé qu'il avait l'impression qu'on l'intimidait. M. Beebe a pris en compte les questions suivantes : les qualifications de M. Demers, l'accès des plaignants au SDLPA et la plainte de harcèlement de M. Zimmer. Le « Manuel des procédures de délivrance de licences au personnel » (pièce E-9) interdit l'utilisation du SDLPA pour les fins de l'agent négociateur. Le SDLPA contient des renseignements personnels sur 100 000 personnes.

43 Aucune mesure disciplinaire n'a été imposée - la correspondance était uniquement d'ordre consultatif, bien que les défendeurs reconnaissent que certains des termes utilisés étaient durs et un peu forts.

2.  L'instruction à M. Demers de ne pas parler à deux représentants de l'APFC

44 M. Demers a témoigné d'une manière extrêmement crédible, sincère et neutre, mais non M. Rinn, dont l'exagération des faits doit donner lieu à une conclusion négative.

45 Le droit des fonctionnaires de parler à leur agent négociateur est extrêmement important, et M. Beebe avait simplement dit à M. Demers de ne pas parler à deux des représentants de l'APFC à cette seule occasion.

B. Pour les plaignants

1.  L'instruction à M. Demers de ne pas parler à deux représentants de l'APFC

46 La Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, prévoit une inversion du fardeau de la preuve au paragraphe 191(3) : les défendeurs ont la charge de prouver que les allégations sont fausses, ce qu'ils n'ont pas fait. L'envoi de la correspondance du 16 septembre 2005 est en soi de l'intimidation, des représailles en raison de la réunion du 19 août 2005.

47 M. Demers avait reçu pour instruction de ne pas consulter MM. Perka et Rinn, deux représentants de l'APFC, et il croyait que cette instruction était encore en vigueur le 17 octobre 2005 (pièce G-1A), deux mois plus tard.

2.  La correspondance du 16 septembre 2005

48 MM. Perka et Rinn sont allés au bureau de M. Zimmer le 19 août 2005, au sujet d'une question d'intérêt commun pour l'APFC et l'employeur. Ils ont demandé à s'entretenir avec M. Zimmer. Ils ont déclaré qu'ils étaient là à propos d'une question de relations de travail. Il n'y avait aucun subterfuge ou aucune intention cachée. M. Zimmer a invité ces messieurs à entrer. Il n'existe aucune preuve d'un comportement impoli ou hors norme.

49 La correspondance du 16 septembre 2005 (pièce E-2) enfreint la LRTFP :

- elle est un avis de sanction disciplinaire;

- elle a été versée aux dossiers personnels de MM. Perka et Rinn;

- le ton en est punitif quand on la lit dans son ensemble;

- le contenu est de l'intimidation;

- après 12 années comme représentant de l'APFC, M. Rinn considérait que la correspondance et la procédure d'enquête étaient suffisantes pour le faire démissionner de son poste à l'APFC.

50 Bien que les défendeurs affirment qu'il n'y avait aucune intention d'imposer une mesure disciplinaire, la preuve indique le contraire. Le courriel par lequel M. Beebe a informé MM. Perka et Rinn que M. Zimmer avait porté plainte contre eux (pièce E-4A) contient un message nettement disciplinaire [traduction] : « […] vous êtes allés à son bureau pour contester […] »; « […] il peut y avoir certaines irrégularités dans votre conduite […] »; « [l]a présente est un avis, conformément à votre contrat […] »; « [v]ous aurez droit à une représentation syndicale au cours de toute réunion ultérieure […] ». Le ton de la correspondance du 16 septembre 2005 (pièce E-2) ainsi que le fait qu'elle ait été versée aux dossiers personnels sont les signes extérieurs d'une procédure disciplinaire.

51 Les plaignants auraient dû être félicités par les défendeurs pour avoir soulevé la question, comme en 2003 (pièce G-5C).

52 L'insistance sur la question des TI qui supervisaient des CAI est une diversion : cette question n'a pas été mentionnée dans la réponse des défendeurs à la plainte (pièce G-2), dans la correspondance du 16 septembre 2005 (pièce E-2) et dans le courriel de M. Zimmer demandant à M. Beebe d'enquêter sur MM. Perka et Rinn (pièce E-3); cette question n'a pas été posée non plus à M. Rinn pendant le contre-interrogatoire.

53 Par ailleurs, la question de la dotation était bien réelle, et il y avait eu un précédent en 2003 (pièce G-5). C'était M. Zimmer qui avait sollicité l'avis de M. Rinn avant d'engager M. Demers, de sorte que c'était un prolongement normal de cette consultation que d'entrer en contact avec M. Zimmer à propos de préoccupations connexes. De plus, M. Zimmer était le gestionnaire supérieur chargé de la sécurité de l'aérodrome et jouait personnellement un rôle dans le processus de dotation.

54 Le compte rendu de M. Demers quant à son rôle à la réunion du 19 août 2005 (pièce G-1A) satisfait à la règle de la meilleure preuve, car c'est le seul document de l'époque qui ait été créé par lui. Il a témoigné que son compte rendu écrit était exact, compte rendu dans lequel il indiquait clairement ceci :

- M. Zimmer en faisait une affaire personnelle;

- M. Demers croyait comprendre que MM. Perka et Rinn mettaient en doute les pratiques de dotation;

- M. Demers avait reçu pour instructions de ne pas parler de cette affaire à M. Perka ou à M. Rinn.

55 Enfin, on m'a renvoyé aux décisions suivantes : Shaw c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences) et al., 2006 CRTFP 125; Firestone Steel Products of Canada v. United Automobile Workers, Local 27 (1975), 8 L.A.C. (2d) 164; Hotel & Restaurant Employee CAW Local 448 National Automobile, Aerospace, Transportation and General Workers' Union of Canada v. Millcroft Inn Limited, [2000] OLRB Rep. juillet/août 665.

C.  Contre-preuve des défendeurs

56 Une plainte de pratique déloyale de travail est une affaire extrêmement sérieuse et quasi criminelle. Ainsi, il y a une inversion du fardeau de la preuve. Bien que l'intention puisse être déduite ou considérée comme implicite, toute mesure de représailles nécessite l'existence d'une intention.

57 Les défendeurs n'allèguent pas que M. Perka et M. Rinn ont agi d'une manière malveillante ou insouciante. Ils n'allèguent pas non plus une raison ultérieure.

IV.  Motifs

58 La LRTFP,au paragraphe 191(3), prévoit une inversion du fardeau de la preuve lorsqu'une plainte fait état d'une contravention quant aux interdictions prévues au paragraphe 186(2). En l'espèce, les plaignants allèguent qu'il a été contrevenu aux paragraphes 186(1) et (2). Il incombe donc aux plaignants de prouver qu'il a été contrevenu au paragraphe 186(1), et aux défendeurs de réfuter l'allégation d'une contravention du paragraphe 186(2).

A.Contravention de l'alinéa 186(1)a) de la LRTFP

59 L'alinéa 186(1)a) de la LRTFP dispose :

  186. (1) Il est interdit à l'employeur et au titulaire d'un poste de direction ou de confiance, qu'il agisse ou non pour le compte de l'employeur :

  1. de participer à la formation ou à l'administration d'une organisation syndicale ou d'intervenir dans l'une ou l'autre ou dans la représentation des fonctionnaires par celle-ci;

[…]

60 Il est spécifié dans la plainte que les défendeurs ont contrevenu à l'alinéa 186(1)a) de la LRTFP :

- en menaçant et en intimidant des fonctionnaires représentés par l'APFC et en prenant des mesures disciplinaires à leur égard parce qu'ils ont exercé leurs droits comme représentants de l'APFC;

- en intervenant dans les droits des fonctionnaires représentés par l'APFC d'être représentés et dans le droit de l'APFC de représenter des fonctionnaires pour qui elle est l'agent négociateur;

- en cherchant à intimider des représentants de l'APFC, à les menacer et à prendre des mesures disciplinaires à leur égard en vue de les empêcher d'exercer leurs droits de représenter les intérêts de fonctionnaires représentés par l'APFC;

- en prenant des mesures disciplinaires à l'égard de représentants de l'APFC parce qu'ils ont mis en question les pratiques d'embauche des défendeurs par voie de correspondance en date du 16 septembre 2005.

61 Il n'y a pas de doute que MM. Perka et Rinn étaient des représentants de l'APFC au cours de toute la période pertinente relativement à la présente plainte. Il n'y a pas de doute non plus que, à la réunion du 19 août 2005, ils agissaient en cette qualité.

62 L'article 5 de la LRTFP accorde au fonctionnaire le droit d'adhérer à l'organisation syndicale de son choix et de participer à toute activité licite de celle-ci. Il n'a pas été déclaré que demander à M. Zimmer de discuter d'un problème de dotation possible le 19 août 2005 était une activité illicite. En effet, M. Beebe a affirmé que rien n'indiquait que les représentants de l'APFC ne devraient pas soulever de questions auprès de M. Zimmer. Il a dit qu'en fait [traduction] : « C'est encouragé. »

63 Outre qu'elle confère le droit de participer à toute activité licite d'une organisation syndicale, la LRTFP, à l'article 187, impose une lourde charge aux représentants de l'agent négociateur dans l'exercice de leurs responsabilités. Cette charge consiste à ne pas agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire faisant partie de l'unité de négociation. Un manquement à l'obligation de s'acquitter de cette charge peut être l'objet d'une plainte de pratique déloyale de travail.

64 MM. Perka et Rinn avaient non seulement le droit de mettre en doute les pratiques d'embauche des défendeurs, mais aussi une obligation, prévue par la loi, de représenter équitablement les fonctionnaires de l'unité de négociation en mettant en doute ces pratiques de dotation.

65 M. Zimmer a permis à MM. Perka et Rinn d'entrer dans son bureau pour discuter d'une question de relations de travail, à leur demande. M. Zimmer a fait venir M. Demers pour qu'il assiste à la réunion. M. Zimmer a permis que soient produites et copiées les références de M. Demers. M. Zimmer a, dans son témoignage, qualifié la réunion comme ayant été « cordiale » et non comme ayant été brutale, indisciplinée, irrespectueuse ou même agressive.

66 M. Zimmer aurait pu proposer que MM. Perka et Rinn consultent quelqu'un d'autre que lui en matière de dotation. Il aurait pu, à un moment quelconque de la réunion, mettre fin à celle-ci, qui avait lieu dans son propre bureau. Il a choisi de faire ni l'un ni l'autre. Pourtant, peu après la réunion, il s'est plaint à M. Beebe et, le lundi suivant, a demandé que M. Beebe enquête sur MM. Perka et Rinn (pièce E-3).

67 Dans leurs observations finales, les défendeurs ont affirmé que leur position n'était pas que MM. Perka et Rinn avaient agi de façon malveillante ou qu'ils ont eu quelque raison ultérieure. Je ne suis pas certain que l'on puisse en dire autant de M. Zimmer. Ce dernier a affirmé bien clairement à M. Demers à l'époque et à moi pendant son témoignage que toutes ses actions suivant la réunion pouvaient être attribuées à sa propre perception, bien qu'il se soit fait dire qu'il n'avait pas raison par M. Perka, que la véritable question était que M. Zimmer, en tant que TI, supervisait des CAI qui étaient des pilotes. Les citations suivantes ne peuvent être considérées de quelque autre manière raisonnable :

[Traduction]

[…]

Je suis allé voir M. Perka pour lui demander s'il s'agissait de moi et de mon poste de TI.

[…]

L'APFC ne voulait plus que j'occupe ce poste.

[…]

J'avais établi que je n'allais pas être harcelé comme TI par l'APFC.

[…]

À mon avis, ces opinions ont aveuglé M. Zimmer quant à toute autre explication à l'égard de la réunion et quant au fait que l'essentiel de l'affaire de dotation débattue était une préoccupation aussi bien pour l'employeur que pour l'APFC.

68 Le rôle de M. Beebe dans cette affaire a été d'enquêter et de rendre ses conclusions. Sa correspondance du 16 septembre 2005 (pièce E-2) informait MM. Perka et Rinn de ces conclusions. Je dois déterminer si cette correspondance est disciplinaire, comme les plaignants l'ont allégué. Les défendeurs disent qu'elle était simplement d'ordre consultatif et n'indiquait aucune intention disciplinaire.

69 Une mesure disciplinaire est une sanction visant à promouvoir une conduite appropriée et à assurer un contrôle à l'égard des fonctionnaires. Dans le courriel de M. Beebe à MM. Perka et Rinn en date du 19 août 2005 (pièce E-4A), il y a assurément une apparence d'éléments disciplinaires :

[Traduction]

[…]

Il semble […] qu'il peut y avoir certaines irrégularités dans votre conduite […]

[…]

La présente est un avis, conformément à votre contrat. Vous aurez droit à une représentation syndicale au cours de toute réunion ultérieure […]

[…]

Dans ce dernier cas, il semble s'agir d'un renvoi à la stipulation 49.01 de la convention collective (pièce G-3), qui prévoit une notification faisant état d'une enquête à l'issue de laquelle une mesure disciplinaire peut être prise.

70 Puis, je vais traiter de l'enquête elle-même ainsi que du témoignage de M. Rinn. Ce dernier a dit que M. Beebe avait été combatif et qu'il avait agi à la réunion comme si c'était un procès, M. Rinn ayant l'impression d'être « réprimandé ».

71 Les défendeurs soutiennent que je devrais tirer une conclusion négative de l'exagération de M. Rinn. Je ne vois aucune raison de le faire. M. Rinn est un agent de l'APFC ayant 12 à 13 années d'expérience. Il a assisté à 10 à 12 réunions disciplinaires et est donc en mesure de comparer la façon dont cette réunion a été menée avec la manière dont de précédentes réunions disciplinaires l'ont été. Je ne considère pas qu'il manquait de crédibilité en témoignant ou en répondant aux questions lors du contre-interrogatoire.

72 Maintenant, pour ce qui est de la correspondance du 16 septembre 2005 (pièce E-2), si elle ne se voulait pas une lettre disciplinaire, pourquoi a-t-elle été copiée, puis versée aux dossiers personnels de MM. Perka et Rinn? M. Beebe affirme dans cette correspondance que son rôle comme directeur régional consiste en ceci [traduction] : « […] maintenir l'ordre en milieu de travail et veiller à ce que mes employés respectent les normes de conduite […] ». Ce semble être directement lié à la discipline. De plus, la correspondance en question dit ensuite ceci sur un ton disciplinaire [traduction] : « J'ai noté les conséquences de votre intervention, et notamment l'impact sur notre nouvel employé et sur le surintendant en cause, de même que le coût de l'activité administrative que votre intervention a engendrée. J'ai des préoccupations […] ». Une copie de cette correspondance a également été envoyée au service des Ressources humaines à Winnipeg.

73 En ce qui concerne le témoignage de M. Beebe, ce dernier a dit [traduction] : « il n'y avait pas de véritables motifs justifiant une mesure disciplinaire, mais, vu l'existence de sérieuses questions, je n'étais pas heureux d'affirmer qu'il n'avait été conclu à aucune faute ».

74 Au risque de sembler prendre la situation à la légère, un vieil adage anglais s'applique à mes délibérations sur la question de savoir si une mesure disciplinaire a été imposée [traduction] : « Si la chose a l'air d'un canard, marche comme un canard, crie comme un canard, se dandine comme un canard et nage comme un canard, il y a une bonne chance que ce soit un canard. »

75 Bref, M. Beebe est un gestionnaire d'expérience qui a été en consultation tout au long de ce processus avec au moins un agent des Ressources humaines. Affirmer qu'une mesure disciplinaire n'était pas voulue défit la logique et le bon sens. Pour les raisons susmentionnées et comme tous les signes extérieurs de l'existence d'une mesure disciplinaire sont présents, je conclus que MM. Perka et Rinn ont été l'objet d'une mesure disciplinaire. Je considère que la correspondance du 16 septembre 2005 était une réprimande écrite et je conclus donc que les défendeurs sont intervenus dans la représentation, par MM. Perka et Rinn, de fonctionnaires de l'unité de négociation, contrevenant ainsi à l'interdiction prévue à l'alinéa 186(1)a) de la LRTFP.

B. Contravention du sous-alinéa 186(2)a)(i) et des alinéas 186(2)b) et c) de la LRTFP

76 Comme je l'ai mentionné au début de mes motifs, les défendeurs doivent prouver que la contravention du sous-alinéa 186(2)a)(i) et des alinéas 186(2)b) et c) de la LRTFP qui est alléguée dans la plainte n'a pas eu lieu (paragraphe 191(3)). La contravention alléguée est l'omission de ne pas faire ce qui est interdit au paragraphe 186(2), à savoir, en l'espèce :

- intimider une personne ou prendre des mesures disciplinaires à son égard parce qu'elle participe à l'administration d'une organisation syndicale;

- chercher à empêcher un fonctionnaire d'exercer tout droit que lui accorde la partie 1 ou la partie 2 de la LRTFP.

77 J'ai déjà conclu que MM. Perka et Rinn ont été l'objet d'une mesure disciplinaire, en tant que représentants de l'APFC, à cause de la manière dont ils avaient mis en doute la mesure de dotation ayant donné lieu à l'embauchage de M. Demers. Je dois maintenant passer au deuxième aspect de la plainte, soit à une allégation selon laquelle M. Beebe est intervenu dans le droit de M. Demers, comme fonctionnaire de l'unité de négociation, de parler à un représentant de l'APFC de son choix.

78 La preuve indique clairement que M. Beebe a donné pour instructions à M. Demers de ne pas s'entretenir de la question de dotation avec M. Perka ou M. Rinn. Un courriel envoyé par M. Demers deux mois après la réunion du 19 août 2005 (pièce G-1A) est sans équivoque sur ce point :

[Traduction]

[…]

L'aspect frustrant de tout cet incident était que l'on m'interdisait alors l'accès aux représentants de l'APFC que je devrais pouvoir consulter librement concernant mes préoccupations et questions. Après un entretien avec Roger Beebe, j'ai eu pour instructions de ne pas engager Ed ou Marc de quelque façon au sujet de cette affaire.

[…] J'étais vraiment très mécontent de ne pas pouvoir discuter de l'affaire ouvertement avec Ed et Marc. Je ne me mêlerais pas des questions personnelles soulevées entre mon superviseur et les représentants de l'APFC et, assurément, je préférerais parler directement avec Ed et Marc pour détendre l'atmosphère entre nous trois maintenant que je comprends mieux ce qu'il en est.

[…]

79 M. Demers a témoigné que son courriel était une description honnête et exacte des événements. Il a également témoigné qu'il aurait [traduction] « voulu parler personnellement à Marc et Ed » mais que M. Beebe lui avait dit [traduction] : « c'était probablement mieux que je ne discute pas de ces événements avec Marc ou Ed ». M. Zimmer a confirmé que [traduction] « c'était clair que M. Demers ne devait pas parler à M. Rinn ou à M. Perka ».

80 Dans leurs observations, les défendeurs ont affirmé que M. Demers était [traduction] « extrêmement crédible, sincère et neutre dans son témoignage ». Ils ont déclaré aussi que M. Beebe [traduction] « avait simplement dit à M. Demers de ne pas parler à MM. Rinn et Perka à cette seule occasion ».

81 Considérés ensemble, la pièce G-1, les témoignages de M. Demers et de M. Zimmer ainsi que les observations des défendeurs ont plus de poids que la dénégation de M. Beebe. Je conclus que M. Beebe a bel et bien donné pour instructions à M. Demers de ne pas parler avec MM. Perka et Rinn et que, ce faisant, M. Beebe n'a pas respecté l'interdiction, prévue au paragraphe 186(2) de la LRTFP, d'imposer une condition visant à empêcher un fonctionnaire d'exercer tout droit que lui accorde la partie 1 ou la partie 2 de la LRTFP.

82 Pour ces motifs, la Commission rend l'ordonnance qui suit :

V.  Ordonnance

83 Je déclare que les défendeurs ont contrevenu aux interdictions que prévoit l'alinéa 186(1)a) de la LRTFP. J'annule la correspondance du 16 septembre 2005 (pièce E-2) et j'ordonne aux défendeurs de supprimer cette lettre des dossiers personnels de MM. Perka et Rinn.

84 Je déclare que les défendeurs ont violé les interdictions prévues au paragraphe 186(2) de la LRTFP.

Le 29 août 2007.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Barry D. Done,
commissaire

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