Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a demandé une prorogation du délai de présentation de sa plainte à l’encontre de la révocation d’une nomination. L’intimé s’est opposé à cette demande au motif qu’il n’y avait eu aucune révocation, et il a contesté la compétence du Tribunal pour instruire la plainte. Le plaignant a soutenu qu’on avait mis fin à son détachement de façon injuste et par mauvaise foi. La Commission de la fonction publique (CFP) a fait valoir que la question de la compétence devait être examinée parallèlement à la question de savoir si les mesures prises par l’intimé constituaient une révocation de nomination. Décision : La compétence du Tribunal pour instruire la plainte est subordonnée à deux conditions : il faut d’abord démontrer qu’une nomination avait lieu et ensuite que cette nomination a été révoquée. Le Tribunal a fait remarquer la différence entre une nomination, un détachement et une nomination intérimaire. En vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP), l’administrateur général (ou la CFP) peut révoquer une nomination s’il est convaincu qu’une erreur, une omission ou une conduite irrégulière a influé sur le choix de la personne nommée. Le Tribunal a conclu qu’aucune révocation n’avait eu lieu aux termes de la LEFP. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2006-0165
Rendue à:
Ottawa, le 9 février 2007

BARRY K. PUGH
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE D'ENVIRONNEMENT CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Détermination de la compétence
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Helen Barkley, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Pugh c. Sous-ministre d'Environnement Canada et al.
Référence neutre:
2007 TDFP 0003

Motifs de la décision

Contexte

1 Le 13 octobre 2006, Barry Pugh a déposé une plainte auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l’article 74 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP) concernant la révocation de sa nomination. M. Pugh a conclu une entente de détachement afin d’assumer les tâches de rédacteur‑réviseur et spécialiste en adaptation de textes (IS-04) à l’Unité de la correspondance ministérielle d’Environnement Canada. Il prétend qu’on a mis fin injustement à ce détachement et ce, sans justification et en faisant preuve de mauvaise foi.

2 Le Tribunal a informé l’intimé que le plaignant avait demandé une prorogation du délai de présentation de sa plainte. Le 30 novembre 2006, l’intimé s’est opposé à la prorogation du délai et a ajouté qu’aucune révocation de nomination n’avait eu lieu.

3 Le plaignant a aussi demandé qu’une ordonnance soit rendue afin d’obtenir la description de poste de son prédécesseur (groupe et niveau IS-04) et les noms et les coordonnées d’environ huit personnes qui avaient occupé ce poste à Environnement Canada dans le passé.

Questions en litige

4 Le Tribunal doit trancher les deux questions préliminaires suivantes :

  1. Le Tribunal a-t-il compétence pour entendre la plainte?
  2. Si le Tribunal a compétence en l’espèce, la demande de prorogation du plaignant pour déposer sa plainte et l’ordonnance de communication de renseignements doivent-elles être accordées?

Observations concernant la compétence

5 L’intimé affirme qu’aucune révocation de nomination n’a eu lieu, et il s’interroge sur la compétence du Tribunal en l’espèce. On a offert au plaignant une nomination intérimaire pour une période d’un an, du 10 juillet 2006 au 9 juillet 2007, qu’il a acceptée. Le plaignant a conservé son poste d’attache au ministère de la Défense nationale pendant qu’il assumait les tâches d’un poste de niveau supérieur à Environnement Canada. La nomination intérimaire a pris fin avant la date prévue pour des considérations opérationnelles. Le 20 septembre 2006, le plaignant a été informé que sa nomination intérimaire avait été résiliée et qu’il retournerait à son poste d’attache au ministère de la Défense nationale.

6 Dans sa plainte, le plaignant indique qu’il a répondu à un appel urgent concernant un poste IS-04 à Environnement Canada et qu’il avait été choisi comme le meilleur candidat pour occuper ce poste. Il a commencé un détachement d’un an le 10 juillet 2006. Il ajoute que le 13 septembre 2006, son superviseur l’a informé que son détachement allait être résilié et qu’il devrait retourner à son poste d’attache au ministère de la Défense nationale le 27 septembre 2006. Le plaignant déclare qu’on lui a demandé de signer un addenda à l’entente de détachement pour attester qu’il acceptait la résiliation du détachement. Il a signé ce document « sous toutes réserves ». Il prétend qu’on a mis fin injustement à son détachement et ce, sans justification et en faisant preuve de mauvaise foi.

7 La Commission de la fonction publique a déposé des observations selon lesquelles la question de la compétence doit être examinée parallèlement à la question qui consiste à déterminer si les événements tels que présentés constituent une révocation de nomination.

Analyse

8 Afin que le Tribunal ait compétence pour entendre la présente plainte, il faut démontrer que, premièrement, une nomination a été effectuée et que, deuxièmement, la nomination a ensuite été révoquée. L’article 74 de la LEFP établit la compétence du Tribunal en ce qui concerne l’examen des plaintes lorsque la Commission ou un administrateur général a révoqué une nomination. L’article 74 est ainsi rédigé :

74. La personne dont la nomination est révoquée par la Commission en vertu du paragraphe 67(1) ou par l’administrateur général en vertu des paragraphes 15(3) ou 67(2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle la révocation n’était pas raisonnable.

9 En l’espèce, le placement du plaignant à Environnement Canada comprenait deux mesures – un détachement et une nomination intérimaire. L’entente de détachement a été signée par le plaignant et par les représentants du ministère de la Défense nationale (l’organisme d’attache) et d’Environnement Canada (l’organisme d’accueil). Selon l’entente, bien que le poste de M. Pugh soit au groupe et au niveau IS-03, il allait assumer des tâches au groupe et au niveau IS‑04. La période de l’entente était du 10 juillet 2006 au 10 juillet 2007. L’entente contenait une clause de résiliation indiquant ce qui suit :

L'affectation peut être résiliée à la demande de l'organisation d'accueil ou d'attache, pour des motifs opérationnels. Tous les coûts liés à cette résiliation seront payés par la partie qui en fait la demande. On peut également mettre fin à l'affectation pour cause de rendement insatisfaisant de l’employé, pour raisons personnelles (p. ex. maladie grave d'un membre de la famille) ou pour non-atteinte des objectifs de perfectionnement personnel. Les parties concernées négocieront les coûts afférents (s'il y a lieu). Dans tous les cas, la résiliation de l'entente nécessitera un préavis écrit d'au moins deux semaines. [Traduction]

10 Le plaignant a fourni au Tribunal la copie d’une lettre d’offre d’Environnement Canada en date du 27 juillet 2006. La lettre indique qu’on a offert au plaignant une nomination intérimaire du 10 juillet 2006 au 9 juillet 2007. La lettre indique aussi ce qui suit : « Malgré l’information qui précède, votre nomination peut être d’une durée plus courte que prévue, en fonction des exigences opérationnelles [Traduction]. » Le plaignant a accepté la lettre d’offre le 9 août 2006.

11 Le plaignant a aussi présenté l’addenda de l’entente de détachement susmentionné qui indique que son entente de détachement a pris fin le 27 septembre 2006. De plus, il a présenté un document intitulé « Notes relatives à une rencontre avec Barry Pugh, le 24 octobre » [Traduction] dans lequel le directeur général du Secrétariat corporatif d’Environnement Canada énonce les motifs communiqués au ministère d’attache du plaignant pour expliquer la fin de l’affectation de M. Pugh :

Pour des considérations opérationnelles et pour des raisons d’incompatibilité avec les membres de l’équipe :

  • L’incompatibilité avec les membres de l’équipe est attribuable à l’incapacité de M. Pugh de surmonter la résistance de certains de ses collègues et de favoriser des relations de travail harmonieuses et productives.
  • Les considérations opérationnelles sont liées à la détérioration de l’ambiance au sein de l’unité. [Traduction]

12 Le langage utilisé constitue une des difficultés mises en évidence dans le présent cas. En effet, les termes « détachement », « affectation » et « nomination intérimaire » semblent avoir été utilisés sans distinction. La Cour d’appel fédérale a énoncé des commentaires sur les problèmes reliés à l’utilisation de ces termes sans distinction : voir par exemple, la décision Canada (Procureur général) c. Pearce, [1989] 3 C.F. 272 (C.A.). Comme la Cour d’appel fédérale l’a indiqué dans la décision Keenan c. Canada (Commission de la fonction publique), [1989] 3 C.F. 643 (C.A.) :

Aux fins des présentes, il n'est pas nécessaire de définir les expressions « détachement », « affectation » et « nomination » de façon exhaustive. La différence importante entre les deux premiers concepts que le détachement vise l'« installation », pour employer les termes neutres, d'une personne d'un autre ministère ou organisme dans un poste donné, tandis que l'affectation concerne une personne déjà en poste au sein du même ministère ou organisme. La jurisprudence est claire à ce sujet: tous deux peuvent constituer ou non une nomination, selon les circonstances (…) la question n'est pas réglée et [elle] dépend grandement des circonstances de chaque cas.

13 Un détachement est le placement temporaire d’un fonctionnaire dans un autre ministère pour que ce fonctionnaire assume certaines tâches énoncées dans une entente interministérielle formelle pendant une période donnée. La personne en détachement reste à l’emploi du ministère d’attache, elle est payée à son groupe et niveau de titularisation, et à la fin de la période prévue, elle retourne à son poste d’attache au sein du ministère d’attache. En l’espèce, le Tribunal estime que M. Pugh a été détaché à Environnement Canada le 10 juillet 2006 pour une période d’un an.

14 En outre, on a offert au plaignant une nomination intérimaire à un niveau plus élevé que son poste d’attache, offre que le plaignant a acceptée. La « nomination intérimaire » n’est pas définie dans la LEFP, mais elle est définie comme suit dans l’article 1 du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, DORS/2005‑334 :

« nomination intérimaire » Le fait pour un fonctionnaire d’exercer temporairement les fonctions d’un autre poste, dans le cas où l’exercice de ces fonctions aurait constitué une promotion, si ce fonctionnaire avait été nommé à ce poste.

15 La lettre d’offre concernant la nomination intérimaire indique que la nomination de M. Pugh pourrait faire l’objet d’un recours devant le Tribunal. En se fondant sur la preuve présentée par les parties, le Tribunal est convaincu que le plaignant a été nommé temporairement au poste de rédacteur‑réviseur et spécialiste en adaptation de textes.

16 Il est évident que la nomination intérimaire du plaignant et son détachement à Environnement Canada ont pris fin en septembre 2006. Est‑ce qu’il faudrait considérer cela comme une révocation de sa nomination intérimaire au sens de l’article 74 de la LEFP, ou s’agirait‑il plutôt du résultat de l’application par le ministère d’accueil, Environnement Canada, de la clause de résiliation inscrite dans l’entente de détachement et dans l’offre de nomination intérimaire?

17 En l’espèce, la personne déléguée par l’administrateur général d’Environnement Canada a procédé à la nomination du plaignant. Ainsi, afin que le Tribunal ait compétence pour examiner la plainte et pour statuer à cet égard, il aurait fallu que la nomination soit révoquée en vertu du paragraphe 15(3) ou du paragraphe 67(2) de la LEFP :

15. (3) Dans les cas où la Commission autorise un administrateur général à exercer le pouvoir de faire des nominations dans le cadre d’un processus de nomination interne, l’autorisation doit comprendre le pouvoir de révoquer ces nominations — et de prendre des mesures correctives à leur égard — dans les cas où, après avoir mené une enquête, il est convaincu qu’une erreur, une omission ou une conduite irrégulière a influé sur le choix de la personne nommée.

67. (2) La Commission peut, sur demande de l’administrateur général, mener une enquête sur le processus de nomination interne entrepris par celui-ci dans le cadre du paragraphe 15(1), et lui présenter un rapport sur ses conclusions; s’il est convaincu qu’une erreur, une omission ou une conduite irrégulière a influé sur le choix de la personne nommée ou dont la nomination est proposée, l’administrateur général peut :

a) révoquer la nomination ou ne pas faire la nomination, selon le cas;

b) prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées.

(nos soulignés)

18 Selon le paragraphe 15(3) ou le paragraphe 67(2) de la LEFP, l’administrateur général doit mener une enquête et rendre une décision. L’administrateur général doit être convaincu qu’une erreur, une omission ou une conduite irrégulière a influé sur le choix de la personne retenue en vue d’une nomination (nos soulignés).

19 Le plaignant a été nommé de façon intérimaire pour une période d’un an. La nomination aurait pu être révoquée si l’administrateur général avait été préoccupé par des irrégularités se rapportant au choix de M. Pugh pour la nomination intérimaire. Cependant, aucune des parties ne prétend qu’il y a eu des irrégularités en ce qui concerne le choix du plaignant pour occuper le poste en question. De plus, l’administrateur général n’a mené aucune enquête et n’a rendu aucune décision ultérieure en ce qui concerne le choix de M. Pugh. Les motifs relatifs à la résiliation de la nomination intérimaire sont énoncés ci‑dessus, et ils sont liés au rendement du plaignant à ce poste ainsi qu’à des considérations opérationnelles. Le Tribunal conclut qu’il n’y a pas eu révocation de la nomination de M. Pugh aux termes de la LEFP. Ainsi, s’il existe une possibilité de recours dans cette situation, selon la LEFP, le recours ne relève pas de la compétence du Tribunal.

20 La nomination intérimaire de M. Pugh n’a pas été révoquée aux termes du paragraphe 15(3) ou du paragraphe 67(2) de la LEFP. Par conséquent, le Tribunal n’a pas compétence pour entendre la plainte déposée par M. Pugh.

Conclusion

21 La plainte de Barry K. Pugh est rejetée.

22 Comme le Tribunal a rejeté la plainte, il n’est nécessaire d’examiner ni la demande de prorogation du plaignant pour lui permettre de présenter sa plainte, ni sa demande d’ordonnance de communication de renseignements.

Helen Barkley

Membre

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2006-0165
Intitulé de la cause:
Barry K. Pugh et le Sous-ministre d'Environnement Canada et al.
Audience:
Demande écrite; décision rendue sans comparution des parties
Date des motifs:
Le 9 février 2007
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