Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a soutenu que son expérience était égale, sinon supérieure, à celle des candidats retenus, et que l'intimé avait abusé de son pouvoir en se fondant sur des qualifications constituant un atout pour éliminer des candidatures. Une audience était prévue et une conférence préparatoire avait eu lieu; mais le plaignant n’était pas présent. Le Tribunal a informé les parties qu’il rendrait sa décision sans audience, après la conduite d’une instruction sur dossier. Il a ensuite demandé au plaignant de fournir tout renseignement complémentaire, toute observation et jurisprudence appuyant sa plainte mais sans succès. La Commission de la fonction publique a fait observer que le fait que le plaignant n'a pas participé à la téléconférence préparatoire et qu'il n'a pas fourni d'observations écrites s’apparentait à un défaut de comparaître à l’audience, d’où un motif de rejet de la plainte par le Tribunal. L’intimé a avancé le même argument. Le fait pour le plaignant de ne pas présenter ses observations doit être considéré comme un retrait de ses allégations, rendant ainsi la plainte frustratoire. Décision : Le Tribunal a jugé que le défaut de comparaître à une conférence préparatoire n'équivalait pas au défaut de comparaître à l’audience ni au retrait de la plainte. Une conférence préparatoire est fondamentalement différente d’une audience. Une telle conférence a pour but de préparer les parties à l'audience et le Tribunal à l’audition d’une plainte en abordant les questions de procédure et les questions techniques avant la tenue de l’audience. Au cours de l’audience, le Tribunal statue sur la plainte, c’est-à-dire qu’il amorce le processus menant à sa décision. En vertu de la loi, le Tribunal peut, dans certains contextes, statuer sur une plainte par voie d’instruction sur dossier plutôt que par la tenue d’une audience. En cas de non-comparution d’une partie à l’audience, le Règlement du Tribunal lui permet de poursuivre ladite audience et statuer sur la plainte. Après la conférence préparatoire, le fait pour le plaignant de ne pas présenter ses observations écrites à la demande expresse du Tribunal s’apparentait au défaut de comparaître à l’audience. En conséquence, le Tribunal pouvait procéder à l’audience et rendre sa décision. Le Tribunal n’était pas enclin à rejeter la plainte sous prétexte qu’elle était frustratoire. Il y avait suffisamment de renseignements pour statuer sur le fond. Néanmoins, le plaignant n’avait produit aucune preuve démontrant en quoi la décision du comité d’évaluation de rejeter sa candidature à la présélection constituait un abus de pouvoir. Il ne suffit pas, dans une plainte, de lancer des affirmations générales sans appuyer les allégations par des témoignages, des faits et/ou des documents. Le Tribunal a fait remarquer par ailleurs que la Loi sur l’emploi dans la fonction publique n’exige pas une comparaison entre les candidats en vue d’une nomination fondée sur le mérite. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2006-0085
Rendue à:
Ottawa, le 2 mai 2007

CARL BROUGHTON
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DE TRAVAUX PUBLICS ET SERVICES GOUVERNEMENTAUX
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir en vertu de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Sonia Gaal, vice-présidente
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Broughton c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux et al.
Référence neutre:
2007 TDFP 0020

Motifs de la décision

Introduction

1 Le 30 juillet 2006, le plaignant, M. Carl Broughton, a présenté une plainte auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP). Il soutient que sa demande d’emploi pour le poste de gestionnaire des enquêtes au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada aurait dû être retenue à la présélection puisqu’il possède toutes les qualifications requises (numéro de processus de sélection 2006–SVC–IA–HQ–86079).

Question préliminaire

2 Le 20 mars 2007, le sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, l’intimé, a présenté une requête visant à faire rejeter la plainte au motif que le plaignant ne s’est pas présenté à une conférence préparatoire et qu’il n’a pas remis ses observations à la demande du Tribunal.

3 Pour les motifs énoncés ci-dessous, la requête de l’intimé est rejetée. Toutefois, la plainte est rejetée sur le fond.

Contexte

4 Le plaignant a présenté ses allégations le 15 octobre 2006. L’intimé y a répondu le 6 novembre et le plaignant a présenté sa réponse le même jour.

5 Le 24 janvier 2007, le Tribunal a fait parvenir un courriel aux parties les informant de la tenue d’une audience les 26 et 27 mars 2007. L’avis d’audience était joint au courriel. Le 12 février, le Tribunal a fait parvenir aux parties un courriel les informant qu’une conférence préparatoire, par voie de téléconférence, était prévue le 26 février à 10 h. Enfin, le Tribunal leur a également fait parvenir un autre courriel le 15 février leur fournissant les détails de la convocation à la conférence.

6 Le plaignant a demandé que les courriels soient envoyés à son adresse électronique personnelle de courriel. Selon le dossier du Tribunal, le plaignant et les autres parties ont reçu les courriels envoyés par le Tribunal, plus particulièrement les trois courriels susmentionnés.

7 Comme prévu, le Tribunal a tenu une conférence préparatoire le 26 février à 10 h. L’intimé et la Commission de la fonction publique (CFP) y étaient représentés et prêts à participer. Toutefois, le plaignant était absent. La vice‑présidente, qui assumait la présidence de la conférence préparatoire, a informé les parties présentes qu’elle attendrait quinze minutes afin de permettre au plaignant de se joindre à eux.

8 À 10 h 15, le plaignant ne s’était toujours pas manifesté à la téléconférence. La vice-présidente a alors indiqué aux parties présentes que la conférence préparatoire ne pouvait se tenir sans la présence du plaignant et qu’elle les tiendrait au courant des prochaines étapes de la procédure.

9 Le 26 février, la vice-présidente a fait parvenir ses instructions au greffier afin qu’il informe les parties que le Tribunal statuerait sur la plainte sans tenir d’audience conformément au paragraphe 99(3) de la LEFP. Le 26 février, le greffier a transmis une lettre aux parties les informant de cette décision.

10 Encore une fois, le dossier du Tribunal confirme que le plaignant a reçu cette lettre de directives par courriel. Le Tribunal a signalé au plaignant qu’il avait jusqu’au 9 mars, 16 h, pour fournir tout renseignement complémentaire, toute observation et toute jurisprudence appuyant sa plainte. De plus, le plaignant a été informé que le Tribunal pouvait rendre une décision à la lumière des documents versés au dossier s’il ne présentait pas d’autres renseignements.

11 La CFP avait jusqu’au 16 mars pour fournir ses observations alors que l’intimé devait présenter sa position au plus tard le 23 mars. Enfin, le plaignant devait faire part de sa réponse à la CFP et à l’intimé, le cas échéant, au plus tard le 26 mars.

12 Le Tribunal n’a reçu aucune autre observation ni pièce de correspondance de la part du plaignant.

13 Le 16 mars, la CFP a fait valoir que le défaut, de la part du plaignant, de comparaître et de présenter ses observations est une indication de son refus de donner suite à la plainte.

14 Le 20 mars, l’intimé a présenté une requête visant à faire rejeter la plainte.

15 Le plaignant n’a répondu ni aux observations de la CFP ni à la requête présentée par l’intimé.

Questions en litige

  1. Le défaut du plaignant de comparaître à une conférence préparatoire et de présenter des renseignements complémentaires dans les délais fixés par le Tribunal, équivaut-il au défaut de comparaître à une audience conformément à l’article 29 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6 (le Règlement du TDFP)?
  2. Le Tribunal devrait-il rejeter de façon sommaire la plainte conformément au paragraphe 99(2) de la LEFP parce qu’il estime que celle-ci est frustratoire?
  3. Le plaignant a-t-il prouvé qu’il y avait eu abus de pouvoir de la part de l’intimé?

Question I: Le défaut du plaignant de comparaître à une conférence préparatoire et de présenter des renseignements complémentaires dans les délais fixés par le Tribunal, équivaut-il au défaut de comparaître à une audience conformément à l’article 29 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6 (le Règlement du TDFP)?

Arguments des parties

A) Arguments de l’intimé

16 L’intimé allègue que l’article 99 de la LEFP confère au Tribunal le pouvoir de rejeter de façon sommaire une plainte pour défaut de comparaître. L’inaction du plaignant démontre un manque d’intérêt à l’égard du maintien de sa plainte, ce qui équivaut à un « abandon » de la plainte.

17 Le défaut du plaignant de présenter ses observations doit être considéré comme un retrait de ses allégations. En conséquence, le retrait des allégations rend la plainte frustratoire conformément au paragraphe 99(2) de la LEFP.

18 L’intimé soutient que la plainte doit être rejetée de façon sommaire sans qu’il soit tenu de présenter d’autres observations.

B) Arguments de la Commission de la fonction publique

19 La CFP est d’avis que le défaut du plaignant de comparaître à la conférence préparatoire du 26 février et de présenter ses observations avant le 9 mars équivaut au défaut de comparaître à une audience.

20 Sans autre preuve ni observation de la part du plaignant, la CFP fait valoir qu’il ne serait pas déraisonnable de la part du Tribunal de rejeter la plainte.

Analyse

21 En vertu du paragraphe 99(3) de la LEFP, le Tribunal peut statuer sur une plainte sans tenir d’audience. Ainsi, lorsqu’une plainte est présentée auprès du Tribunal, celui-ci peut décider de procéder par audience ou par audience sur dossier. Le Tribunal peut tenir une audience au cours de laquelle les parties comparaissent en personne devant lui afin de présenter leurs preuves et arguments ou observations. Il est également possible pour le Tribunal de statuer sur une plainte en se fondant sur les renseignements écrits versés au dossier. Ceci s’appelle une audience sur dossier.

22 Dans ce dernier cas, le Tribunal signalera d’avance aux parties en cause son intention de procéder par audience sur dossier et les informera des délais fixés pour produire leurs observations, les documents pertinents et la jurisprudence à l’appui de leur position respective. Dans l’affaire qui nous intéresse, le Tribunal a suivi cette procédure.

23 L’article 29 du Règlement du TDFP est ainsi rédigé :

29. Si une partie, un intervenant ou la Commission canadienne des droits de la personne, si celle-ci a le statut de participant, omet de comparaître à l’audience ou à toute continuation de celle-ci, le Tribunal peut, s’il est convaincu que l’avis d’audience a bien été donné, tenir l’audience et statuer sur la plainte sans autre avis.

(nos italiques)

24 Le Tribunal est d’avis qu’il faut donner au mot « audience » son sens habituel, à savoir audience ou audience sur dossier. De plus, l’expression « statuer sur la plainte sans autre avis », qui figure à l’article 29 du Règlement du TDFP désigne l’étape du processus de plainte au cours de laquelle le Tribunal statuera sur la plainte.

25 En conséquence, le défaut du plaignant de participer à la conférence préparatoire n’équivaut pas au défaut de comparaître selon la définition qu’en donne l’article 29 du Règlement du TDFP. En effet, une conférence préparatoire est fondamentalement différente d’une audience. Une telle conférence a pour but, comme son nom l’indique, de préparer les parties et le Tribunal à l’audition d’une plainte en abordant les questions de procédure et les questions techniques avant la tenue de l’audience. L’objet de cette conférence n’est pas de « statuer sur la plainte ».

26 Toutefois, le Tribunal constate que le défaut du plaignant de produire ses observations avant le 9 mars et toute autre réponse, le cas échéant, au plus tard le 26 mars, tel qu’il est exigé dans la lettre datée du 26 février, constitue un défaut de comparaître à l’audience de sa plainte conformément à l’article 29 du Règlement du TDFP. Les directives émises par le Tribunal précisaient clairement que ce dernier trancherait les questions soulevées dans la plainte sans audience et qu’il statuerait sur la foi des documents versés au dossier. En outre, il avait été fixé à toutes les parties des délais précis qu’elles devaient respecter avant qu’une décision soit prise sur la plainte dans le cadre d’une audience sur dossier.

27 Ainsi, le Tribunal est convaincu qu’en plus de l’avis d’audience envoyé aux parties le 24 janvier 2007, conformément à l’article 28 du Règlement du TDFP, l’avis complémentaire d’audience sur dossier de la plainte a été transmis au plaignant et aux autres parties le 26 février 2007. Faute de fournir les observations écrites dans les délais établis par le Tribunal ou de demander une prolongation afin de les présenter, l’article 29 du Règlement du TDFP s’applique. En conséquence, le Tribunal statuera sur cette plainte à la lumière des documents versés au dossier.

Question II: Le Tribunal devrait-il rejeter de façon sommaire la plainte conformément au paragraphe 99(2) de la LEFP parce qu’il estime que celle-ci est frustratoire?

Arguments des parties

28 Les arguments présentés par l’intimé et la CFP au regard de la Question I s’appliquent également à cette question.

Analyse

29 Le paragraphe 99(2) de la LEFP est ainsi rédigé :

99. (2) Le Tribunal peut rejeter de façon sommaire les plaintes qu’il estime frustratoires.

30 Malgré le défaut du plaignant de participer à la conférence préparatoire, de présenter ses observations à la demande du Tribunal et de répondre à la requête de l’intimé visant à faire rejeter la plainte, il n’en demeure pas moins qu’il a présenté une plainte contenant certains renseignements. Il a par la suite présenté ses allégations ainsi que des copies des courriels et d’autres documents auxquels l’intimé a répondu en détail. En outre, il a répondu à la réponse de l’intimé.

31 Ainsi, le Tribunal n’est pas enclin à rejeter la plainte sous prétexte qu’elle est frustratoire étant donné qu’il dispose de suffisamment de renseignements pour statuer sur le fond.

32 Par ailleurs, si le législateur avait envisagé comme conséquence du défaut de comparaître d’un plaignant à une audience que la plainte de celui-ci soit considérée comme étant abandonnée ou retirée, il l’aurait indiqué clairement. II n’existe dans la LEFP aucun élément susceptible de soutenir cette interprétation. Il est à noter que le paragraphe 22(3) du Règlement du TDFP prévoit expressément que le Tribunal peut juger que la plainte est retirée « si le plaignant ne présente aucune allégation ».

33 Comme le plaignant a présenté des allégations, le libellé de l’article 29 du Règlement du TDFP s’applique et précise expressément que le Tribunal peut tenir l’audience et statuer sur la plainte sans autre avis.

34 Le Tribunal doit maintenant statuer sur la plainte.

Question III: Le plaignant a-t-il prouvé qu’il avait eu abus de pouvoir de la part de l’intimé?

Arguments des parties

A) Position du plaignant

35 Le plaignant fait valoir qu’il est un agent de la GRC depuis 26 ans et qu’il a reçu la formation nécessaire pour exécuter divers types d’enquête. Il allègue avoir satisfait aux qualifications essentielles du poste de gestionnaire des enquêtes.

36 Le plaignant estime que le directeur « ciblait des candidats possédant une vaste expérience de la conduite et de la gestion d’enquêtes sur les crimes économiques, ce qui n’est pas indiqué clairement dans les qualifications essentielles de l’avis mais plutôt dans les qualifications constituant un atout » [Traduction].

37 Le plaignant prétend que les candidats n’avaient pas à posséder les qualifications constituant un atout pour être retenus à la présélection et que les qualifications essentielles ne démontrent pas de façon appropriée les exigences du poste. Le plaignant ne savait pas que des candidats seraient retenus à la suite d’une présélection fondée principalement, sinon exclusivement, sur les qualifications constituant un atout.

38 Il fait également valoir que le processus de présélection n’était ni équitable ni transparent étant donné que le directeur responsable de cette mesure de dotation semblait rejeter à la présélection le plus grand nombre possible de candidats en se fondant sur les qualifications constituant un atout de façon à réduire le nombre d’entrevues qu’il aurait à mener. En réalité, seulement huit des 32 postulants ont été retenus pour la suite du processus.

39 Le plaignant compare également son expérience et ses antécédents professionnels avec ceux de deux candidats retenus à la présélection et soutient que son expérience est égale, sinon supérieure, à la leur.

Position de l’intimé

40 L’intimé fait valoir que seuls les candidats jugés qualifiés ont été proposés pour une nomination. Tous les candidats ont été évalués de la même manière et ont fait l’objet d’une présélection au regard de qualifications essentielles. À la suite de cette évaluation, huit personnes ont été retenues. Le directeur a eu recours aux qualifications constituant un atout uniquement au moment de la nomination.

41 La candidature du plaignant a été rejetée suite à une présélection fondée sur l’expérience, laquelle était considérée comme une qualification essentielle. Cette décision lui a été expliquée dans le cadre de la discussion informelle menée par échange de courriels. Les qualifications essentielles précisaient que les candidats devaient posséder une « vaste expérience de la conduite et de la gestion d’enquêtes dans au moins deux des domaines suivants : », énoncé suivi d’une liste de six domaines.

42 Bien que le plaignant possède une vaste expérience dans un des domaines mentionnés, les enquêtes dans le domaine criminel, rien dans son curriculum vitae ne prouve qu’il possède aussi de l’expérience dans l’un des autres domaines acceptables.

43 Puisque la candidature du plaignant a été rejetée à la suite d’une présélection fondée sur l’expérience, laquelle est une qualification essentielle, il n’y avait pas lieu de l’évaluer davantage dans le cadre du processus.

44 L’intimé soutient qu’aucun élément de mauvaise foi ou de favoritisme personnel n’a influencé le directeur, tant au moment du rejet de la candidature du plaignant à la présélection qu’au regard de la proposition de la candidature des personnes jugées qualifiées.

45 L’intimé ajoute que la plainte devrait être rejetée étant donné que le plaignant n’a pas réussi à prouver la prépondérance des probabilités selon lesquelles il aurait abusé de son pouvoir au moment où il a rejeté la candidature du plaignant à la présélection ou lorsqu’il n’a pas proposé la nomination du plaignant ou nommé le plaignant.

Analyse

46 Dans la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0008, le Tribunal a jugé qu’un plaignant a le fardeau de la preuve en ce qui a trait aux plaintes d’abus de pouvoir présentées au Tribunal.

47 Le plaignant a présenté sa plainte en vertu de l’alinéa 77(1)a) qui est ainsi rédigé :

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixé par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes:

a) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

(…)

48 Les principaux arguments du plaignant sont qu’il possède l’expérience nécessaire pour être retenu à la présélection et qu’il estime également que sa candidature a été rejetée à la présélection parce qu’elle ne répond pas aux qualifications constituant un atout. Il croit, en outre, que son expérience se compare à celle des candidats sélectionnés.

49 L’intimé allègue que le comité d’évaluation a évalué la candidature du plaignant au regard des qualifications essentielles énumérées sur l’annonce de poste diffusée. Il a été déterminé que le plaignant possède une vaste expérience dans seulement un des six domaines indiqués, et sa candidature a été rejetée à la présélection.

50 Il ne suffit pas à un plaignant de lancer des affirmations générales et d’avancer des allégations d’abus de pouvoir sans les appuyer par des témoignages, des faits et/ou des documents. Le fait que le plaignant n’est pas d’accord avec la décision du comité d’évaluation selon laquelle il ne possède pas l’expérience requise dans deux domaines n’est pas synonyme d’abus de pouvoir et est clairement insuffisant pour accueillir la plainte.

51 Dans la décision Portree c. Sous-ministre des Ressources humaines et du Développement social et al., [2006] TDFP 0014, le Tribunal a expliqué qu’il faut présenter des preuves convaincantes pour conclure à un abus de pouvoir :

[47] L’allégation d’abus de pouvoir est une question très grave et ne doit pas être prise à la légère. En résumé, pour obtenir gain de cause devant le Tribunal, une plainte d’abus de pouvoir doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a un acte répréhensif grave ou une faute majeure dans le processus, qui constitue plus qu’une simple erreur, omission ou conduite irrégulière justifiant l’intervention du Tribunal.

(…)

[49] Les employés qui allèguent qu’il y a eu abus de pouvoir et qui, partant, invoquent une contravention à la LEFP et souhaitent obtenir un redressement en raison de cette contravention, doivent présenter des éléments de preuve et des arguments convaincants pour obtenir gain de cause. (…)

52 Le plaignant n’a pas démontré qu’il y a eu un acte répréhensif grave ou une faute majeure de la part du comité d’évaluation lorsque celui-ci a évalué son expérience. Selon l’intimé, tous les candidats ont été évalués de la même façon.

53Dans un courriel daté du 10 juillet 2006, le directeur a expliqué au plaignant, en détail, les raisons pour lesquelles son expérience ne répondait pas aux qualifications essentielles. Il a également ajouté : « Cela ne signifie aucunement que vous n’êtes pas un enquêteur compétent mais, comparativement à d’autres enquêteurs plus spécialisés, j’ai dû prendre une décision au sujet des personnes qui pouvaient passer à l’étape des entrevues » [Traduction]. Le directeur termine son courriel en invitant le plaignant à présenter de nouveau sa candidature dans le futur et lui offre la possibilité de le rencontrer pour discuter d’autres possibilités.

54 Le rôle du Tribunal consiste à déterminer s’il y a eu abus de pouvoir dans le contexte du processus de nomination mais non à reprendre le processus de nomination en examinant l’expérience du plaignant afin de déterminer, suite à un second regard, si son expérience a été évaluée correctement par le comité d’évaluation. Tel qu’il est indiqué dans la décision Portree, supra :

[48] Bien qu’en vertu de la LEFP le Tribunal dispose de pouvoirs considérables relativement aux affaires dont il est saisi, ce n’est pas un organisme d’enquête. De ce fait, il n’a pas le mandat de se lancer à la recherche des faits pour un plaignant. (…)

55 Le plaignant a également avancé que sa candidature avait été rejetée suite à une présélection fondée sur les qualifications constituant un atout et non sur les qualifications essentielles. Encore une fois, il n’y a aucun élément de preuve pour appuyer cette allégation que l’intimé nie.

56 L’allégation finale du plaignant porte sur la comparaison de son expérience avec celle de deux candidats retenus. Le Tribunal a indiqué dans un certain nombre de décisions que la LEFP n’exige pas une comparaison entre les candidats en vue d’une nomination fondée sur le mérite. Voir, par exemple, la décision Aucoin c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada et al., [2006] TDFP 0012 :

[43] La LEFP n’exige plus l’établissement de classement entre les candidats, ni l’évaluation comparative des candidats afin de combler un poste. La LEFP exige uniquement que la personne nommée soit qualifiée pour le poste, comme le stipule l’alinéa 30(2)a). Les fonctionnaires n’ont plus besoin de comparer leurs résultats avec ceux des personnes nommées afin de s’assurer que leurs réponses étaient les meilleures et qu’elles méritaient une meilleure note, un meilleur classement ou un meilleur rang aux termes du processus de sélection. (…)

Voir également les décisions suivantes : Portree, supra; Visca c. Sous-ministre de la Justice et al., [2006] TDFP 0016; et Robbins c. Administrateur général de Service Canada et al. [2006] TDFP 0017.

57 En résumé, le plaignant n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu abus de pouvoir par l’intimé.

58 Lorsque les plaignants décident de ne pas donner suite à leurs plaintes, il serait utile à la fois pour le Tribunal et le Greffe, que le Tribunal soit informé de cette décision grâce au formulaire disponible à cette fin sur le site Web. Cette démarche permet aux nombreuses personnes concernées dans divers ministères de clore le dossier sans y consacrer plus de temps.

Décision

59 La plainte est rejetée.

Sonia Gaal

Vice-présidente

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2006-0085
Intitulé de la cause:
Carl Broughton et le Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux et al.
Audience:
Audience sur dossier
Date des motifs:
Le 2 mai 2007
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