Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé, un employé de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA), a contesté une suspension de dix jours - la suspension lui a été imposée après avoir utilisé ses congés annuels pour participer à l’abattage de bœufs musqués pour le compte d’une compagnie de commercialisation de la viande assujettie aux règles de l’ACIA - on lui avait clairement interdit de se livrer à cette activité dans le passé - l’arbitre de grief a conclu qu’il n’existait pas de conflit d’intérêts à proprement dit puisque le fonctionnaire s’estimant lésé n’était plus affecté à l’inspection des viandes à l’ACIA - le fait qu’il était un employé de l’ACIA et qu’il pouvait utiliser sa connaissance des règlements de l’ACIA pour aider la compagnie de commercialisation de la viande créait une apparence de conflit d’intérêts - cela suffisait à justifier la décision de l’employeur de suspendre le fonctionnaire s’estimant lésé. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-08-31
  • Dossier:  166-32-35998
  • Référence:  2007 CRTFP 94

Devant un arbitre de grief


ENTRE

FRANK DUSKE

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS

employeur

Répertorié
Duske c. Agence canadienne d'inspection des aliments

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Paul Love, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Laurin Mair, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Karen Clifford, avocate

Affaire entendue à Calgary (Alberta),
les 30 et 31 janvier et le 8 mai 2007.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Frank Duske (le « fonctionnaire s'estimant lésé »), un spécialiste des aliments, a présenté un grief pour contester la décision que Scott Acker, le directeur régional des Opérations du sud de l'Alberta de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA ou « l'Agence »), a prise le 20 mai 2004 de le suspendre pendant 10 jours pour insubordination et conflit d'intérêts potentiel découlant de son emploi dans une compagnie pendant qu'il n'était pas en service, durant les périodes de récolte de boufs musqués de mars et de novembre 2003. Dans son renvoi à l'arbitrage, M. Duske a demandé que la lettre de suspension soit retirée et qu'on lui rembourse toutes les pertes subies au titre du traitement et des avantages.

2 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

Résumé de la preuve

3 J'ai entendu les témoignages des personnes que l'employeur a fait comparaître : Phillip Amundson, directeur exécutif des Opérations de l'Agence, Eric Bach, alors directeur des Services de gestion de la Direction des opérations de l'Ouest de l'Agence, ainsi que M. Acker. J'ai aussi entendu témoigner M. Duske et les personnes qu'il a fait comparaître : Murray Arsenault, directeur de 974120 NWT Ltd., entreprise exploitée sous le nom de Muskox Product Company (MPC ou la « Compagnie du Nord »), et Robert Sturm, gestionnaire de programme à la Division des programmes des viandes de la Région de l'Ouest de l'ACIA.

4 M. Duske travaille pour l'Agence depuis longtemps; il est actuellement spécialiste des aliments dans la Région du sud de l'Alberta. Avant d'entrer dans la fonction publique, en qualité d'inspecteur des viandes, il était boucher. Par la suite, il a quitté la fonction publique pour exploiter des abattoirs avant de la réintégrer, toujours à titre d'inspecteur des viandes. Il compte quelque 24 années d'expérience au service de l'Agence et de ses prédécesseurs ministériels.

5 Quand il est rentré au service du Ministère prédécesseur de l'Agence, c'était à titre d'inspecteur des viandes. Depuis, il a été inspecteur des fruits et légumes frais, classeur de bétail ainsi qu'inspecteur des engrais et des récoltes pour le programme de gestion environnementale et pour celui des aliments. Quand l'audience a eu lieu, il a déclaré qu'il n'avait pas travaillé comme inspecteur des viandes depuis plus de 10 ans.

6 M. Amundson a témoigné que l'Agence emploie désormais plus de 6 000 personnes au Canada. Elle a pour mandat la réglementation de nombreux aspects de l'innocuité des aliments, y compris pour l'exportation des produits de viande. Par exemple, elle est chargée de la réglementation de la récolte de boufs musqués, une activité qui se déroule dans le Nord du Canada. M. Duske a déclaré que les boufs musqués ne fuient pas les prédateurs et peuvent être rassemblés, au meilleur de sa connaissance, de sorte qu'on parle de leur récolte réglementée plutôt que d'un massacre pour ne pas choquer l'opinion publique, étant donné que l'Agence ne veut pas avoir la réputation d'être une massacreuse de boufs musqués. Elle inspecte et réglemente tous les aspects de la récolte, pour veiller à ce que la viande soit propre à la consommation. Les animaux sont abattus par des Inuits de la région et la récolte est importante pour l'économie locale.

7 Dans son témoignage, M. Arsenault a dit que les Inuits ont le droit exclusif d'exploiter les possibilités commerciales fauniques en vertu d'un règlement de leurs revendications territoriales. L'ouest de l'Arctique compte 75 % de la population mondiale de boufs musqués, et les Inuits ont manifesté leur intérêt pour la commercialisation de la viande, du cuir et de la laine (appelée « kiviat ») de ces animaux. En effet, les habitants de Sachs Harbour, dans l'île Banks, ont bien peu de possibilités d'emploi, de sorte que le Comité des chasseurs et trappeurs de la localité a décidé d'organiser une récolte de boufs musqués dans l'île. Les Inuits sont bien sûr des chasseurs habiles qui connaissent bien ces bêtes, mais ils n'avaient ni la capacité, ni les connaissances en gestion nécessaires pour en faire la récolte et pour mener les activités de commercialisation connexes. C'est dans ce contexte que les services de M. Arsenault ont été prêtés par MPC au Comité en question.

8 La récolte de boufs musqués se déroule dans une région isolée de l'Arctique où les conditions météorologiques peuvent être extrêmement rigoureuses. Pour qu'elle soit fructueuse, il faut donc une énorme préparation logistique; ce que cela impose au personnel de l'Agence qui participe à la récolte est décrit dans un article intitulé « La récolte du gibier dans le nord » rédigé par Gordon Hann, un inspecteur de la santé des animaux qui travaille pour l'Agence dans le sud de l'Alberta. Cet article est publié sur le site Web de l'Agence (pièce E-7) :

[…]

Même si l'intérêt et l'enthousiasme sont d'importants atouts, les fonctionnaires de l'ACIA qui envisagent de servir dans le Nord doivent être conscients des difficultés et des dangers qu'il faut affronter pour vivre et travailler dans l'Arctique canadien. Les participants se rendent en Komatic (un traîneau de 4 à 5 mètres de long) de la localité jusqu'au lieu de la récolte, qui peut en être éloigné de jusqu'à 129 kilomètres; à -40 °C, ils restent dans un camp pour des périodes pouvant parfois dépasser un mois. En outre, ils doivent s'adapter aux différences culturelles entre la communauté du nord et la population du sud du pays. Le travail et le « temps de relâche » nécessitent une préparation et une débrouillardise dont la population du Sud n'a normalement pas besoin. Pour préparer la récolte, il faut se munir des vêtements et de l'équipement de survie nécessaires dans l'Arctique, s'assurer d'avoir le nécessaire pour les premiers soins et ne pas oublier d'avoir un plan pour parer aux urgences médicales.

Vivre dans des camps peut être aussi exigeant mentalement que physiquement. Les conditions météos extrêmes peuvent causer de nombreux jours de « relâche », autrement dit des périodes d'inactivité relative durant lesquelles les membres du groupe peuvent se réunir dans la salle à manger, qui devient un lieu de rencontre animé où l'on raconte des histoires, joue aux cartes et lit pour passer le temps en toute camaraderie. On avale des litres de café et de thé en ayant habituellement du bon temps. Néanmoins, être cloué par le mauvais temps dans une petite tente ou une minuscule cabane avec deux ou trois autres personnes peut devenir difficile.

[…]

9 M. Sturm a participé à l'inspection de ces récoltes dans le Nord depuis 1985. Il a témoigné que la viande du gibier tué destinée à l'exportation est assujettie à la réglementation de l'Agence. Il n'existe pas dans le Nord d'établissements agréés de transformation de la viande. Il faut donc que la viande soit traitée de façon à pouvoir être livrée dans un établissement agréé du Sud du Canada en vue de sa préparation pour l'exportation. En outre, la récolte doit se faire en toute sécurité et de façon humanitaire, et la viande doit être transportée sous contrôle dans un établissement fédéral. L'Agence n'envoyait jamais un employé dans le Nord pour jouer le rôle de gestionnaire de la récolte ou du campement, mais il était néanmoins important pour les entreprises de récolte de boufs musqués d'avoir un tel administrateur sur place pour faciliter la gestion de l'aspect logistique de l'exploitation.

10 D'après M. Amundson, durant la période pertinente, M. Sturm était un des vétérinaires les plus compétents du Programme des viandes de l'Agence; il comptait parmi les spécialistes qui participaient à la récolte de gibier dans le Nord. Aucun autre fonctionnaire ne relevait de lui, et il n'était pas non plus investi du pouvoir délégué de prendre des décisions concernant les conflits d'intérêts.

11 L'Agence a un Code concernant les conflits d'intérêts et l'après-mandat (« le Code ») publié sur son site Internet, où tout son personnel peut le consulter. Tout le personnel est tenu de se conformer aux principes établis dans le Code et d'analyser ses activités de même que ses intérêts personnels et professionnels afin de reconnaître, éviter et déclarer toute situation de conflit d'intérêts réel, potentiel ou apparent, ainsi que d'y remédier. Les grands principes du Code sont les suivants :

[…]

Examen public

2.       Les employés de l'ACIA doivent s'acquitter de leurs fonctions officielles et gérer leurs affaires privées d'une manière si irréprochable qu'elle puisse résister à l'examen le plus minutieux; pour s'acquitter de cette obligation, il ne suffit pas simplement de se conformer à la loi.

[…]

Intérêts privés

4.       Les employés de l'ACIA n'ont pas d'autres intérêts privés que ceux qui sont autorisés par le Code qui seraient nettement ou particulièrement touchés par les activités gouvernementales auxquelles ils participent.

Intérêt public

5.       À partir de leur nomination à l'ACIA, ses employés gèrent leurs affaires privées de manière à prévenir les conflits d'intérêts réels, potentiels ou apparents, mais, dans l'éventualité d'un tel conflit entre leurs intérêts privés et leurs fonctions et responsabilités officielles, il est résolu en faveur de l'intérêt public.

[…]

12 L'Agence a confié à son Secrétariat sur les conflits d'intérêts (« le Secrétariat ») de la Division des relations de travail, Section des ressources humaines, à Ottawa, la tâche d'être le point focal de l'examen et de l'évaluation des déclarations de conflit d'intérêts soumises par ses employés. Le Code stipule que le Secrétariat répond aux demandes de renseignements et publie des bulletins ou des rappels; il reçoit aussi les rapports sur les conflits d'intérêts, en plus de tenir des consultations avec les gestionnaires et de leur donner des avis sur les règlements potentiels des conflits d'intérêts constatés (pièce E-2, p. 4). Selon M. Amundson, le vice-président de la section de l'employé et le président de l'Agence sont les seules personnes investies du pouvoir délégué de prendre des décisions en matière de conflits d'intérêts. Son témoignage est d'ailleurs confirmé par un examen du Guide sur la délégation des pouvoirs en matière de ressources humaines (pièce E-5) ainsi que de la Délégation de pouvoirs en matière de ressources humaines (pièce E-6), deux documents publiés par l'Agence.

13 M. Amundson a témoigné que la responsabilité de produire une déclaration de conflit d'intérêts incombe à l'employé. Comme ces déclarations sont confidentielles, il ne les voit jamais à moins d'en être saisi par une demande d'information ou par une autre démarche. La déclaration est soumise directement au Secrétariat puis au vice-président intéressé pour qu'il prenne la décision nécessaire, auquel cas elle est accompagnée de tous les avis juridiques voulus et d'un complément d'information au besoin. Le vice-président prend connaissance de ces documents et fait connaître sa décision dans une lettre. Si sa situation change, l'employé peut présenter une nouvelle déclaration, quoique la première décision reste en vigueur jusqu'à ce qu'une nouvelle décision soit prise.

14 M. Duske a témoigné qu'il connaissait le Code. On lui avait donné des explications à son sujet, et son employeur lui avait dit où le trouver sur le site Web de l'Agence. Il a déclaré savoir que les formulaires de déclaration étaient envoyés à Ottawa et que c'était R.L. Hillier, le vice-président aux Opérations de l'Agence, qui prenait les décisions dans ce contexte.

15 En 1995, M. Duske a commencé à entretenir des rapports avec une petite entreprise de Rankin Inlet, dans les Territoires du Nord-Ouest, qui exploitait un établissement de traitement des viandes. L'entreprise voulait que ses activités soient réglementées par le gouvernement fédéral afin de pouvoir exporter sa viande. À l'époque, M. Sturm était le superviseur régional des vétérinaires, tandis que M. Duske était un des inspecteurs des viandes de la Région de l'Alberta. M. Sturm avait donné le nom de M. Duske et de deux autres personnes qui auraient pu selon lui être de bons candidats pour aider l'entreprise à obtenir le statut d'établissement assujetti à la réglementation fédérale. Deux des trois personnes dont il avait donné le nom étaient des employés de l'Agence. L'entreprise a choisi M. Duske en raison de son expérience et de ses antécédents supérieurs, notamment parce qu'il avait travaillé comme boucher et comme conditionneur de viande, ainsi que de son entregent. M. Duske a accepté de travailler pour l'entreprise après avoir conclu avec M. Sturm une entente voulant qu'il ne travaille jamais pour l'Agence comme inspecteur des viandes dans les Territoires du Nord-Ouest. M. Sturm a aussi témoigné que M. Duske n'a jamais travaillé dans le Nord en cette qualité. Cela dit, quand M. Duske travaillait pour l'entreprise, il était en congé de l'Agence.

16 L'entreprise avait des projets d'exportation de viande de caribou et de bouf musqué. Comme la récolte se faisait dans une région éloignée, il n'était pas possible de réglementer intégralement un établissement de traitement de ces viandes dans le Nord, ni d'obtenir un numéro d'établissement pour l'installation. L'entreprise a donc obtenu une approbation temporaire du gouvernement fédéral afin de pouvoir effectuer la récolte et envoyer les carcasses dans un établissement du sud du Canada réglementé par les autorités fédérales avant que la viande ne soit exportée. Au début, M. Duske ne travaillait à Rankin Inlet que deux ou trois semaines d'affilée; il n'avait pas de fonctions de gestion ni de supervision de la récolte, car son travail se limitait à l'organisation ainsi qu'à l'exploitation de l'établissement de traitement de la viande.

17 De 1995 à 1998, M. Duske a travaillé comme gestionnaire de la récolte pour la Compagnie du Nord, en continuant de s'occuper du traitement de la viande de bouf musqué dans des installations de l'île Banks et de Cambridge Bay. Il était en congé de l'Agence pendant ce temps-là.

18 Durant la récolte, il a eu une rétroaction positive des autres employés de l'Agence. La plus grande partie de son travail consistait à gérer les activités de récolte. À cette fin, il devait s'acquitter de plusieurs fonctions, notamment celles d'[traduction] « organiser l'abattoir », de s'assurer que le matériel nécessaire était sur place, de fournir des échantillons d'eau à Santé Canada, de voir à ce que les lignes directrices sur la sécurité soient respectées ainsi que d'organiser les vols et l'hébergement du personnel. Il arrivait une semaine avant le début de la récolte pour s'assurer que le personnel était correctement formé. L'Agence fournissait les inspecteurs, les vétérinaires et les chercheurs scientifiques, tandis qu'il s'occupait de résoudre tous les problèmes soulevés par les vétérinaires et les inspecteurs de l'Agence, sans jamais se charger de fonctions d'inspection de la viande pour le compte de l'Agence aux sites de récolte. Il n'exerçait aucun contrôle sur les vétérinaires, les inspecteurs ou les chercheurs scientifiques de l'Agence.

19 Une des tâches dont M. Duske était chargé par la Compagnie du Nord consistait à établir une proposition ou un plan de récolte, un long document détaillé pouvant compter jusqu'à 40 ou 50 pages où la récolte proposée était décrite dans tous ses détails qui était soumis à M. Sturm à l'Agence. Ensuite, on réunissait les représentants de l'Agence et de MPC dans une téléconférence pour aplanir toutes les difficultés. Une fois que l'Agence avait approuvé la proposition, M. Sturm la signait pour l'avaliser; c'est sur elle que l'Agence fondait sa décision d'accorder une autorisation fédérale d'exploitation temporaire. Après l'approbation du plan de récolte, l'Agence envoyait un vétérinaire d'expérience pour vérifier si les conditions négociées avaient été respectées, si les installations décrites existaient et si la récolte avait de bonne chance d'être fructueuse. Si c'était le cas, le reste de l'équipe de l'Agence, composée d'un ou deux inspecteurs et d'un vétérinaire, prenait l'avion pour le Nord afin d'y être pour la récolte.

20 Avant 1998, l'Agence n'a donné aucune rétroaction officielle au fonctionnaire s'estimant lésé sur sa participation à la récolte de boufs musqués. En 1998, il s'est fait dire qu'il était tenu de soumettre une déclaration de conflit d'intérêts à l'Agence pour qu'elle décide s'il était bel et bien en situation de conflit d'intérêts.

21 Il a soumis sa première déclaration de conflit d'intérêts par écrit le 20 juillet 1998. À l'époque, il travaillait comme inspecteur des viandes à Lethbridge, en Alberta. Cette déclaration se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

Pendant mes temps libres (en congé), je forme les employés des T. N.-O., habituellement des Inuits, en leur enseignant les techniques de boucherie, habituellement durant la récolte de boufs musqués ou de caribous. Pendant que je forme les Inuits, je n'accomplis pas de fonctions d'inspection des viandes ni ne participe à de telles fonctions.

[…]

22 Le fonctionnaire s'estimant lésé a continué à travailler pour la Compagnie du Nord comme gestionnaire de la récolte de juillet 1998 jusqu'en 2000. Le 9 mai 2000, il a reçu de M. Hillier la réponse écrite que voici :

[Traduction]

J'ai soigneusement analysé la déclaration de conflit d'intérêts datée du 20 juillet 1998 dans laquelle vous dites que votre activité consiste à enseigner des techniques de boucherie aux Inuits.

Sur la foi des renseignements que vous nous avez fournis, j'ai conclu que cette activité semble vous placer en conflit d'intérêts parce que l'ACIA ne devrait pas sciemment se laisser associer d'une façon quelconque à une activité à l'égard de laquelle elle est chargé de faire respecter la loi, de sorte qu'il m'est impossible d'autoriser une telle activité.

Je sais que vous y avez participé dans le passé, mais vous devez renoncer à tous les projets que vous pourriez avoir de continuer d'y participer. Je tiens à vous rappeler qu'un refus de vous conformer à cette décision sera considéré comme une inconduite et passible de mesures disciplinaires.

Je compte bien que vous continuerez à coopérer à cet égard.

[…]

23 M. Duske ne comprenait pas pourquoi il avait fallu du 20 juillet 1998 au 9 mai 2000 à M. Hillier pour prendre sa décision. Il n'y souscrivait pas et n'en comprenait pas les raisons. Après avoir soumis sa déclaration de conflit d'intérêts, personne de l'Agence n'avait jamais communiqué avec lui pour obtenir un complément d'information. Il a reconnu dans son contre-interrogatoire qu'il avait une description de poste écrite. À sa connaissance, M. Hillier n'a consulté aucun des membres du personnel de l'Agence qui participaient à la récolte de boufs musqués, pas plus qu'un membre du personnel de MPC ou qu'un de ses superviseurs à l'Agence. Il n'a pas présenté de grief pour contester la lettre de M. Hillier.

24 Après avoir reçu la lettre, M. Duske n'a plus enseigné les techniques de boucherie aux Inuits dans le contexte de la récolte dans le Nord. En contre-interrogatoire, il a témoigné qu'il n'avait pas participé aux récoltes de l'automne 2000, du printemps 2001 et de l'automne 2001, parce que M. Hillier lui avait dit de ne pas y participer.

25 En juillet 2000, Eric Bach était directeur des Services de gestion de la Direction des opérations de l'Ouest de l'Agence. Il a continué d'occuper ce poste jusqu'en 2004, quand il est parti travailler à l'Office national de l'énergie. Au cours de cette période, M. Duske avait accepté une affectation comme coordonnateur des systèmes de gestion environnementale; M. Bach l'a supervisé alors pendant un an et demi. Il a appris que M. Duske participait à la récolte de boufs musqués quand celui-ci a demandé un congé. Comme il trouvait cela bizarre, il a dit à M. Duske de lui soumettre une déclaration de conflit d'intérêts. À son avis, il y avait là un conflit d'intérêts potentiel. Il a déclaré qu'il approuvait les demandes de congé, mais qu'il ne souscrivait pas à ce que M. Duske avait choisi de faire pendant son congé. En général, les employés ne lui disaient pas ce qu'ils voulaient faire quand ils seraient en congé.

26 M. Duske a soumis une autre déclaration confidentielle de conflit d'intérêts le 12 septembre 2001, puis a envoyé par télécopieur un rapport additionnel le 19 octobre 2001 (pièce E-3, onglet C). À ce moment-là, il était gestionnaire de l'environnement à l'Agence. Il a déclaré que ses fonctions ne comprenaient pas de tâches d'inspection des viandes. À l'Agence, il était chargé d'évaluer les propriétés foncières de son employeur et d'identifier les problèmes environnementaux. Dans sa déclaration de conflit d'intérêts, il a décrit sa participation aux activités de MPC comme suit :

[Traduction]

[…]

J'aide une Compagnie du Nord d'Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest, dans ses récoltes de boufs musqués. L'ACIA a donné mon nom à cette entreprise en 1997. J'ai déjà déposé des déclarations de conflit d'intérêts à la suite desquelles on a jugé qu'il « semblait » exister un tel conflit. Je n'ai pas participé à cette activité en 1999. Mon poste à l'ACIA a changé et n'a aucun rapport direct avec mon activité externe. Je suis coordonnateur de l'environnement de la Région de l'Ouest de l'ACIA. Le dossier environnemental ne m'a jamais amené à travailler pour l'ACIA dans les Territoires du Nord-Ouest. Si vous avez besoin de plus d'information, veuillez communiquer avec moi […]

[…]

27 Dans son interrogatoire principal, M. Duske a déclaré n'avoir jamais été contacté par qui que ce soit de l'Agence au sujet de sa déclaration de conflit d'intérêts. En contre-interrogatoire, toutefois, il a admis que ce qu'il avait déclaré sur ce point dans son interrogatoire principal n'était pas conforme aux faits. Certains des contacts qu'il a eus avec l'Agence sont décrits dans les pièces. En effet, il avait reçu le 27 novembre 2001 un appel de Joanne Lapierre l'informant qu'elle envoyait [traduction] « le dossier » - assorti de ses recommandations - aux services juridiques pour examen. Cet appel l'avait incité à envoyer à Mme Lapierre un courriel le 28 novembre 2001 (pièce E-3, onglet D) en lui demandant d'expliquer dans les 14 jours ce qu'elle considérait comme un conflit d'intérêts.

28 Mme Lapierre a répondu par courriel le 29 novembre 2001 en déclarant qu'on ne lui avait pas délégué le pouvoir de prendre des décisions concernant les conflits d'intérêts et qu'elle n'allait pas prendre l'engagement d'examiner le dossier ou de lui répondre au nom du vice-président aux Opérations. M. Duske lui a répondu par courriel le même jour en lui répétant qu'il voulait une réponse dans un délai raisonnable. Il disait aussi qu'il n'acceptait pas qu'elle lui ait dit au téléphone de ne faire aucun projet pour participer à la récolte qui devait avoir lieu prochainement dans le Nord. Mme Lapierre lui a répondu plus tard dans cette journée du 29 novembre 2001 :

[Traduction]

[…]

Ce bureau reçoit et analyse les déclarations de conflit d'intérêts, puis fait une recommandation à la personne à laquelle on a délégué le pouvoir pertinent. La recommandation est d'abord examinée par les Services juridiques, puis présentée au vice-président responsable qui est alors en mesure de peser toute l'information avant de prendre sa décision.

Je suis sûre que vous conviendrez qu'un examen méticuleux de la déclaration est essentiel pour que la décision soit fondée. Comme il peut falloir plusieurs semaines avant qu'elle soit prise et que votre activité hors de l'Agence ne changera pas, j'ai jugé plus prudent de vous informer de ma recommandation. S'il en a résulté une confusion dans votre esprit, je le regrette.

Je suis à votre disposition si vous voulez obtenir plus d'explications sur le processus […]

[…]

29 M. Duske a reçu la réponse de M. Hillier le 14 décembre 2001; elle est essentiellement la même que celle qui figurait dans la lettre qu'il avait reçue le 9 mai 2000 :

[Traduction]

J'ai soigneusement analysé la déclaration de conflit d'intérêts datée du 12 septembre 2001 dans laquelle vous décrivez votre activité hors de l'Agence en disant qu'elle consiste à aider une Compagnie du Nord à faire ses récoltes de boufs musqués.

Sur la foi des renseignements que vous nous avez fournis, j'ai conclu que cette activité semble vous placer en conflit d'intérêts parce que l'ACIA ne devrait pas sciemment se laisser associer d'une façon quelconque à une activité à l'égard de laquelle elle est chargé de faire respecter la loi, de sorte qu'il m'est impossible d'autoriser une telle activité.

Je sais que vous y avez participé dans le passé, mais vous devez renoncer à tous les projets que vous pourriez avoir de continuer d'y participer. Je tiens à vous rappeler qu'un refus de vous conformer à cette décision sera considéré comme une inconduite et passible de mesures disciplinaires.

Je compte bien que vous continuerez à coopérer à cet égard.

30 Lorsqu'il a reçu cette décision, M. Duske a rencontré MM. Bach et Amundson. À la suite de la rencontre, il a reçu le 28 janvier 2002 un courriel de M. Bach l'informant que M. Amundson et le vice-président aux Opérations avaient étudié la question, que la décision concernant sa déclaration était confirmée et qu'on lui enjoignait de ne faire aucun projet pour participer à d'autres récoltes dans le Nord.

31 M. Bach a donné son interprétation du risque de conflit d'intérêts. Selon lui, les fonctions de M. Duske comme coordonnateur des systèmes de gestion environnementale n'avaient à peu près rien à voir avec ce que les inspecteurs de l'Agence font dans le contexte d'une récolte de boufs musqués. Néanmoins, l'impression donnée est importante à son avis. Le fait que M. Duske, un employé de l'Agence, travaillait pour une entreprise assujettie à la réglementation de son employeur pouvait être interprété comme un manque d'impartialité de celui-ci dans l'exercice de ses fonctions de réglementation. Il a déclaré que « les faits » n'ont souvent pas grand-chose en commun avec les impressions et qu'un membre du public qui aurait vu un employé de l'Agence imposer sa réglementation à un autre de ses employés travaillant pour une entreprise privée demanderait qu'on lui explique pourquoi.

32 M. Bach a déclaré que M. Amundson avait communiqué avec le vice-président aux Opérations à la suite de leur rencontre avec M. Duske après que ce dernier eut reçu la lettre de M. Hillier. M. Duske s'est fait dispenser verbalement de l'obligation d'obéir à la décision pour lui permettre de participer à la récolte de 2002 dans l'île Banks, mais c'était la seule fois que cela devait se produire. M. Bach a déclaré que M. Duske avait soulevé vers la fin de 2002 la question de sa participation à la récolte de boufs musqués en 2003. Il savait que M. Duske avait demandé une nouvelle décision et il était au courant des courriels échangés. Cela dit, il n'a pas participé activement à l'affaire après la dispense pour la récolte en 2002.

33 Selon M. Amundson, M. Duske avait eu une dispense par M. Hillier pour participer à la récolte de 2002 parce qu'un des dirigeants de la Compagnie du Nord avait communiqué avec M. Gravel, le vice-président exécutif de l'Agence, ainsi qu'avec M. James Marjerrison, le directeur exécutif associé pour la Région de l'Ouest, en leur disant que son entreprise n'avait pas eu le temps de prendre d'autres arrangements pour la récolte de boufs musqués, dont l'annulation aurait de terribles conséquences économiques pour la population locale.

34 M. Amundson est directeur exécutif des Opérations de l'Ouest à l'Agence; à ce titre, il est responsable de ses activités dans les quatre provinces de l'Ouest ainsi que dans les trois Territoires. Il est au service de l'Agence et des ministères qui l'ont précédée depuis 31 ans et occupe son poste actuel depuis neuf ans. Il a témoigné que M. Hillier est investi du pouvoir délégué de prendre les décisions au sujet des conflits d'intérêts. Il a dit que chaque employé de l'Agence reçoit une copie des lignes directrices à son embauche et qu'on fait des mises à jour de temps à autre. Le rappel le plus récent a été envoyé le 30 mai 2002 (pièce E-4).

35 Il a aussi affirmé que l'Agence apprend parfois qu'un employé a des activités externes parce qu'il les déclare, que d'autres employés l'en informent ou que le public s'en plaint; elle est alors tenue d'enquêter. Il a dit qu'aucun employé de l'Agence n'avait des fonctions analogues à celles de M. Duske dans le contexte de la récolte dans le Nord, à sa connaissance. Si l'Agence avait su qu'il y en avait, il est convaincu qu'elle aurait aussi conclu à un conflit d'intérêts réel ou potentiel. Par exemple, il sait que d'autres employés avaient été approchés par des entreprises pour les aider à rédiger un Plan d'analyse des risques et des points de contrôle critiques (PARPCC) et qu'on leur avait dit qu'ils seraient en conflit d'intérêts s'ils le faisaient.

36 M. Amundson a témoigné qu'il n'y avait aucune indication que les fonctions de M. Duske à l'Agence aient souffert de sa participation à la récolte de boufs musqués. À son avis, il n'y avait pas de conflit d'intérêts réel. Il a toutefois déclaré que le fait que M. Duske aidait une entreprise réglementée à se conformer aux exigences réglementaires pouvait être interprété comme un conflit d'intérêts. C'était un problème de perception de la situation par le public. L'Agence aurait été embarrassée s'il y avait eu des difficultés et qu'on avait su qu'un de ses employés travaillait pour une entreprise qu'il aidait à se conformer à la réglementation. La plupart des membres du public ne savent pas quelles sont les fonctions des employés; ils se concentrent simplement sur la relation d'emploi.

37 En contre-interrogatoire, M. Amundson a dit que les perceptions inquiétantes pour l'Agence pouvaient être qu'elle semble privilégier une entreprise donnée ou lui donner un avantage par rapport à d'autres compagnies pour se conformer à la réglementation. Il a aussi déclaré que l'Agence veut que toutes les parties assujetties à sa réglementation comprennent les règlements applicables et s'y conforment. Même si M. Duske ne jouait pas un rôle d'application de la réglementation de l'Agence dans le Nord, le fait d'aider une entreprise tenue de respecter cette réglementation et d'être payé pour le faire pouvait être considéré comme un problème par le public. M. Amundson a déclaré que les compagnies qui ont recours au service d'un employé de l'Agence pour mieux se conformer à la réglementation en tirent un avantage injuste. Selon lui, à titre d'organisme de réglementation, l'Agence certifie des produits destinés à l'exportation, ce qui signifie que sa crédibilité internationale résulte en partie du fait qu'elle garde - et est perçue comme gardant - ses distances vis-à-vis des parties dont elle réglemente les activités. Le travail de M. Duske pour MPC bénéficiait à la population du Nord, mais sa participation risquait potentiellement de saper la réputation d'impartialité de l'Agence dans les entreprises auxquelles sa réglementation s'applique. M. Amundson a d'ailleurs dit que le Canada est très respecté grâce aux programmes d'inspection et de réglementation de l'Agence.

38 M. Amundson a été contre-interrogé au sujet du programme de classement du bétail. Cette fonction a déjà été accomplie entièrement par les employés de l'Agence, mais elle a été privatisée. Durant la période de transition, les employés de l'Agence étaient autorisés à classer du bétail pour des entreprises privées, mais on les informait qu'ils devaient produire une déclaration de conflit d'intérêts s'ils le faisaient. M. Amundson n'a jamais participé directement à la prise de décisions sur les conflits d'intérêts. À son avis, les employés qui faisaient ce genre de travail finissaient par devoir choisir entre leur poste à l'Agence et un emploi de classeur du bétail dans le secteur privé. Il a nié qu'on encourageait les employés de l'Agence à soumissionner pour obtenir des contrats de classement.

39 En réinterrogatoire, M. Amundson a témoigné que sa réputation d'indépendance et d'impartialité est importante pour l'Agence, car elle se doit d'être considérée comme impartiale et craint par conséquent qu'un employé ne sape sa réputation d'indépendance et d'impartialité à cause de ses activités externes. M. Amundson ne connaît pas bien les programmes d'inspection des viandes ni les compagnies qui récoltent des boufs musqués dans le Nord, mais il n'en a pas moins soutenu que les activités des programmes de l'Agence sont effectuées dans tout le Canada et qu'on a pris des mesures pour assurer leur exécution uniforme partout au pays. Il a déclaré que rien dans le mandat de l'Agence ne l'oblige à traiter une entreprise dans une certaine partie du pays différemment d'une autre dans une autre partie du Canada.

40 M. Duske a présenté un nouveau formulaire de déclaration de conflit d'intérêts le 16 décembre 2002. À cette date-là, ses fonctions à l'Agence n'avaient pas changé; il continuait de s'occuper de gestion environnementale. Avant de présenter cette déclaration-là, il a dit avoir consulté M. Marjerrison pour se distancer encore davantage de l'Agence dans le Nord, afin d'apaiser ses inquiétudes. Le 8 novembre 2002, il avait en effet envoyé un courriel à M. Marjerrison pour l'informer qu'il voulait à la fois continuer de participer à la récolte de boufs musqués dans le Nord et conserver son poste à l'Agence. Il a déclaré que la structure de rapport changerait puisque d'autres personnes occupant des postes où ils auraient des rapports allaient être responsables des contacts sur place avec l'Agence, de sorte qu'il ne serait plus son seul et unique contact; il allait être responsable du bassin de main-d'ouvre, de l'hébergement, de la nourriture, de la mobilisation, de la démobilisation et de l'équipement. En outre, il n'allait ni prendre des décisions, ni donner à l'Agence des avis sur ce qu'il fallait faire du produit.

41 Patricia Schmidt, la directrice de l'exploitation de la Compagnie du Nord, a écrit à M. Marjerrison le 4 novembre 2002 pour l'informer que celle-ci voulait que M. Duske continue de participer à la récolte, en se déclarant disposée à coopérer avec l'Agence pour [traduction] « […] faire en sorte que cette question ne menace en rien la crédibilité de Frank ni de l'ACIA ». Cette lettre avait été rédigée par M. Arsenault pour la signature de Mme Schmidt.

42 Dans un courriel daté du 17 novembre 2002 et adressé à M. Duske (pièce E-3, onglet I), M. Marjerrison lui recommandait d'envoyer une déclaration :

[Traduction]

[…]

[…] précisant clairement les circonstances et les différences comparativement à la déclaration antérieure. Je vous recommanderais aussi de joindre à la déclaration une lettre d'accompagnement demandant au Comité sur les conflits d'intérêts de communiquer avec Eric Bach et avec moi. Je peux offrir un autre point de vue sur les points suivants :

- Quelqu'un comme vous peut offrir quelque chose d'important pour la récolte dans le Nord aux groupes d'habitants du Nord (particulièrement les Autochtones) qui s'efforcent de satisfaire aux exigences afin de se conformer à la Loi sur l'inspection des viandes et à ses règlements.

- Il est aussi très avantageux pour l'ACIA que quelqu'un qui connaît bien les exigences de sécurité que notre personnel de l'ACIA doit respecter dans le dur environnement nordique participe à la planification de la récolte.

- Très peu de gens connaissent à la fois ce qu'est la récolte dans le Nord et ce que sont les exigences de la réglementation de l'ACIA.

- L'impression qu'il peut y avoir un conflit d'intérêts semble nettement atténuée grâce aux changements de la structure et des relations de rapport proposés dans cette déclaration.

[…]

43 M. Duske précisait le nom des membres de la Compagnie du Nord auxquels l'Agence pourrait s'adresser en cas de problèmes concernant l'abattoir pour éviter de s'adresser à lui. Il y aurait un contremaître de l'abattoir, et M. Arsenault se chargerait des arrangements pour les vols du personnel de l'Agence. M. Duske a déclaré : [traduction] « Nous sommes allés encore plus loin pour qu'ils cessent d'avoir ces impressions. » Selon lui, la Compagnie du Nord a porté le dossier jusqu'au cabinet du Ministre. Dans le contexte de cette nouvelle entente de travail, si l'Agence avait un problème, elle s'adresserait au contremaître de l'abattoir. Si celui-ci (ou celle-ci) ne pouvait pas résoudre le problème, il ou elle allait consulter M. Duske, qui avait une bonne relation professionnelle avec l'Agence; avant ces changements, les employés de l'Agence s'adressaient à lui pour résoudre les problèmes.

44 M. Duske avait joint à sa déclaration de 2002 une lettre de M. Arsenault, le directeur de la Compagnie du Nord, qui décrivait les rôles de M. Duske au service de MPC :

[Traduction]

  1. Gestion de la mobilisation - veiller à ce que l'exploitation soit conçue et organisée pour être efficiente et conforme à la réglementation provinciale et fédérale.
  2. Gestion de la main-d'ouvre - gestion du bassin de main-d'ouvre de Sachs Harbour durant la récolte, affectation des employés aux tâches appropriées, coordination de la formation des employés pour développer leurs aptitudes à l'égard du projet.
  3. Équipement et fournitures sur place - recherche et achat d'équipement pouvant fonctionner dans les conditions environnementales extrêmes de l'Arctique canadien. Formation du personnel pour qu'il soit capable de se servir correctement de l'équipement spécialisé, pour assurer sa sécurité et pour faciliter l'exploitation.
  4. Gestion de la démobilisation - veiller à ce que l'équipement soit nettoyé et remisé correctement, tout en planifiant la prochaine mobilisation.
  5. Logistique - aider le bureau d'Inuvik à établir les horaires des vols ainsi qu'à régler les problèmes d'hébergement, de nourriture et de transport à Sachs Harbour.

En ce qui concerne la gestion de la récolte et les contacts avec l'ACIA, M. Duske n'aura aucune responsabilité de rapport à l'ACIA au nom de notre Compagnie. MPC aura des gérants régionaux qui feront directement rapport à l'ACIA. Il y aura des gérants distincts pour l'abattoir, pour le rassemblage des bêtes et pour le produit fédéral fini.

[…]

45 M. Duske avait aussi joint à sa déclaration une lettre de M. Sturm, qui était alors gestionnaire des programmes nationaux du bouf; dans cette lettre, datée du 21 novembre 2002, M. Sturm déclarait que les rôles que M. Duske avait joués en tant que gestionnaire de la récolte dans le Nord ne l'inquiétaient nullement, comme en témoigne cet extrait :

[Traduction]

[…]

Je comprends que l'arrangement que vous aviez auparavant pouvait avoir soulevé des craintes réelles ou perçues d'optique et de conflit d'intérêts et que c'est pour cette raison qu'il n'y aura pas de problème si vous prenez d'autres mesures pour apaiser ces craintes. L'important est que la récolte soit viable tant qu'on l'autorise. Dans ce cas-là comme dans celui de toutes les autres récoltes de gibier dans le Nord, la gestion et les arrangements sur place doivent être fonctionnels. Habituellement, à l'ACIA, nous aimons avoir une seule personne à contacter dans le contexte de la récolte, afin d'éviter la disjonction des efforts qui pourrait alors causer des problèmes.

Comme je le disais, si vous pouvez vous servir des gérants locaux pour que ça fonctionne en les chargeant des interactions avec nous, à l'ACIA, pour organiser et effectuer la récolte plutôt que d'avoir un seul contact, c'est ce que nous ferions. L'important est que la récolte se fasse régulièrement chaque année, avec le perfectionnement des habiletés de gestion et d'organisation d'année en année. Si l'option que vous proposez est acceptée, toutes les parties vont devoir collaborer pour faire en sorte qu'elle continue d'être coordonnée sans accroc comme dans le passé.

[…]

46 Je souligne que M. Sturm n'a aucun rôle à jouer dans la prise de décisions sur les conflits d'intérêts. Personne de l'Agence ne l'a consulté sur une décision quelconque à cet égard au sujet de la participation de M. Duske à la récolte de boufs musqués. Il est évident, d'après les témoignages de MM. Amundson et Bach, que ni l'un ni l'autre n'a été joint par M. Hillier pour obtenir un complément d'information avant qu'il ne prenne une décision sur les conflits d'intérêts dans cette affaire.

47 M. Sturm était un employé de l'Agence qui signait les propositions de récolte préparées par M. Duske pour les avaliser.

48 Il a témoigné que la Compagnie du Nord ne s'était pas fait accorder de privilèges particuliers parce que M. Duske participait à ses récoltes. Selon lui, on était probablement plus exigeant pour elle puisque [traduction] « nous nous attendions à ce qu'il sache ce qu'il fallait ». La présence de M. Duske comme gestionnaire de la récolte sur place optimisait les rapports entre la Compagnie du Nord et l'Agence et contribuait donc énormément au succès de la récolte.

49 En contre-interrogatoire, M. Sturm a témoigné qu'on ne lui avait pas délégué le pouvoir ni la responsabilité de prendre des décisions sur les conflits d'intérêts. Sa principale mission consistait à s'assurer que la récolte de boufs musqués serait efficiente et fructueuse. Il a déclaré qu'il ne voyait là aucun conflit d'intérêts, aussi bien dans son interrogatoire principal qu'en contre-interrogatoire. Selon lui, la réglementation était la même que l'activité se déroule dans le nord ou dans le sud. Sa tâche consistait à établir la politique et ce n'est pas lui qui fournissait les services des inspecteurs dépêchés dans le Nord. Il a confirmé que d'autres compagnies que la Compagnie du Nord - qui employait M. Duske - participaient à la récolte de boufs musqués. Il a aussi précisé que signer la proposition de récolte pour l'avaliser revenait en quelque sorte à approuver la politique elle-même et non la présence de M. Duske dans le Nord. Il a déclaré qu'il n'avait rien à voir avec la présence de M. Duske là-bas. Il n'avait aucune responsabilité opérationnelle quant à l'affectation d'employés aux équipes d'inspection; les inspecteurs qu'il désignait devaient obtenir l'autorisation de leurs gestionnaires.

50 M. Duske a demandé des congés annuels du 3 au 26 mars 2003 et du 27 octobre au 28 novembre 2003 à son superviseur à Lethbridge, M. John Nightingale, qui les lui a accordés. Durant ces deux périodes, il a participé aux récoltes de boufs musqués.

51 M. Duske a déclaré avoir soumis une nouvelle déclaration de conflit d'intérêts parce qu'il occupait un nouveau poste de gestionnaire de l'environnement. Il estimait qu'on ne pourrait pas avoir l'impression qu'il était en conflit d'intérêts dans ce nouveau poste, puisque aucune de ses fonctions n'était liée aux activités de l'Agence dans le Nord. Dans son poste de gestionnaire de l'environnement, il examinait les propriétés de l'Agence, rédigeait des rapports sur les conditions environnementales et exécutait les programmes environnementaux applicables à l'Agence. Il n'avait aucune fonction liée à l'inspection de la viande, des légumes ni des aliments.

52 En octobre 2003, M. Duske a téléphoné à la section des ressources humaines (RH); comme on lui a dit qu'on n'arrivait pas à trouver le formulaire qu'il avait envoyé en septembre, il l'a télécopié à la section.

53 M. Duske a dit qu'il avait l'impression qu'on n'avait pas fait enquête sur sa déclaration de 2001. On n'avait pas communiqué avec lui à ce sujet, ni avec qui que ce soit d'autre. Il considérait la position de l'Agence comme vague. Il a déclaré qu'elle a 6 000 employés dans 12 programmes et que si tout le monde était traité de la même façon, aucun des employés de l'Agence ne pourrait être propriétaire d'une exploitation agricole ou de terres, et ses vétérinaires ne pourraient pas travailler à l'extérieur. En contre-interrogatoire, il a admis que l'Agence s'attend à ce que ses employés lui déclarent leurs conflits d'intérêts. Il a dit que d'autres employés de l'Agence travaillaient aussi à titre privé comme classeurs de bétail. En contre-interrogatoire, il a reconnu qu'une déclaration de conflit d'intérêts est confidentielle et qu'il ne saurait pas nécessairement quelles décisions l'Agence a prises à cet égard quant aux activités externes d'autres employés. Il a aussi admis que la procédure de règlement des griefs est confidentielle et qu'il n'aurait pas su de quelle sanction disciplinaire avaient écopé d'autres employés pour ne pas s'être conformés à une décision en matière de conflit d'intérêts. Les employés qu'il a nommés avaient soit pris leur retraite, soit quitté l'Agence.

54 M. Duske a déclaré qu'il était allé participer aux récoltes de 2003 parce qu'il n'avait eu aucune réaction à sa déclaration. En fait, il n'en a entendu parler qu'en 2004, lorsqu'il a reçu la lettre disciplinaire de M. Acker. Dans les propositions de récolte de 2003, il était mentionné comme coordonnateur sur place. Peter Van Bravant était aussi mentionné à titre de contremaître de l'abattoir, de même que M. Arsenault comme coordonnateur du projet. M. Duske a déclaré n'avoir rien entendu dire au sujet de sa déclaration et il a souligné qu'on avait approuvé sa demande de congé. Il a aussi dit qu'il n'avait pas signé la proposition sur les récoltes et qu'on avait fait des changements pour l'isoler des responsabilités d'inspection et de réglementation de l'Agence.

55 En contre-interrogatoire, M. Duske a reconnu que l'Agence devrait appliquer son Code uniformément. Il a toutefois souligné que la récolte de boufs musqués est une des rares activités économiques des Inuits de l'île Banks. En tant qu'organisme fédéral, l'Agence devrait selon lui tenir compte du peu d'activités économiques auxquelles les Inuits peuvent participer, en admettant ses rapports avec elle si cela devait signifier que sa participation contribue au succès des récoltes.

56 La participation de M. Duske aux récoltes de boufs musqués de 2003 est venue à l'attention de l'Agence. M. Acker a décidé que Delores Nelson présiderait une réunion visant à déterminer les faits. L'information confirmée à cette réunion a incité M. Acker à imposer une suspension de 10 jours, le 20 mai 2004. La partie pertinente de sa lettre disciplinaire se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

La présente lettre concerne votre participation à la récolte de boufs musqués en mars et en novembre 2003 en dépit des instructions écrites que vous aviez reçues de ne pas participer à cette activité dans les lettres de M. Larry Hillier datées du 9 mai 2000 et du 14 décembre 2001. Dans un courriel daté du 28 janvier 2002, M. Eric Bach vous a aussi clairement enjoint de ne pas faire de projets en vue de participer à de telles récoltes.

La participation à ces récoltes est une violation du Code concernant les conflits d'intérêts et l'après-mandat de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Quand on vous a interrogé sur votre participation à cette activité, le 9 janvier 2003, vous avez reconnu que vous connaissiez le Code et que vous sachiez quelles instructions M. Hillier et votre superviseur vous avaient données. Qui plus est, vous n'avez pas donné d'explication satisfaisante pour défendre votre conduite.

Pour ces raisons, en vertu du pouvoir qui m'est délégué par le président conformément à l'article 7 de la Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments, je vous suspends de vos fonctions sans traitement pour une période de 10 jours ouvrables, du 31 mai au 11 juin 2004. Normalement, une infraction comme celle-là entraînerait votre licenciement; toutefois, quand j'ai décidé de vous imposer cette suspension, j'ai tenu compte des facteurs atténuants suivants :

  1. le courriel du 17 novembre 2002 qui vous a été adressé par M. James Marjerrison et qui aurait pu vous donner l'impression que votre participation aux récoltes dans un autre rôle pourrait être acceptable;
  2. le fait que vous avez été autorisé à participer à la récolte de juin 2002 par l'Agence;
  3. le temps écoulé sans que vous ayez obtenu de réaction depuis la date à laquelle vous avez déposé votre rapport sur les conflits d'intérêts;
  4. vos longs états de service dans la fonction publique fédérale.

[…]

J'espère que vous profiterez de cette période de suspension pour réfléchir aux circonstances qui l'ont entraînée. Je vous ordonne de ne plus jamais participer à la récolte de boufs musqués à quelque titre que ce soit. En outre, à partir d'aujourd'hui, vous devrez soumettre une déclaration de conflit d'intérêts tous les six mois (en juin et en décembre). À votre retour au travail - et à l'avenir - si vous violez encore le Code concernant les conflits d'intérêts et l'après-mandat de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, vous serez passible de mesures disciplinaires plus dures pouvant aller jusqu'à votre licenciement.

[…]

57 Avant de prendre cette décision disciplinaire, M. Acker a demandé l'avis du service des RH. Il avait deux raisons pour le faire. Premièrement, il estimait que M. Duske avait obtenu suffisamment d'information de l'Agence pour savoir qu'il n'aurait pas dû participer à la récolte de boufs musqués. Deuxièmement, M. Duske avait choisi de participer à la récolte en dépit des craintes de l'Agence et des instructions de M. Hillier. On lui a conseillé d'imposer une suspension de 20 jours, soit une sanction beaucoup plus dure que celle qu'il a choisie. Il a tenu compte comme circonstances atténuantes du fait que M. Duske avait déjà obtenu une dispense pour pouvoir participer à la récolte qu'il aurait pu interpréter comme étant plus que ponctuelle pour cette fois-là seulement. Il a aussi tenu compte du fait que M. Marjerrison avait donné à M. Duske des conseils pour présenter une demande et que cela aurait pu être considéré comme une permission, même si elle n'émanait pas du vice-président.

58 M. Acker a aussi conclu que la participation de M. Duske à la récolte donnait l'impression qu'il était en conflit d'intérêts. Bien que l'Agence fasse des distinctions internes entre ses postes d'inspecteurs, pour le public, tous ses employés sont perçus comme étant des inspecteurs. La participation de M. Duske aux récoltes n'avait aucune incidence sur ses fonctions habituelles, mais il travaillait quand même pour une entreprise assujettie à la réglementation de l'Agence, de sorte qu'il aurait pu être en conflit d'intérêts. La perception du public est importante parce que le Canada jouit actuellement de son estime grâce à ses activités visant à assurer l'innocuité des aliments et la sécurité des animaux, de sorte que la participation d'un de ses employés à une récolte au service d'une entreprise réglementée pourrait saper sa réputation internationale et nuire à son rôle.

59 En contre-interrogatoire, M. Acker a admis ne pas connaître dans tous leurs détails les tâches que M. Duske accomplissait pour la Compagnie du Nord. Même s'il n'était pas présent lorsque l'enquêteur l'a interrogé, il savait que celui-ci n'avait pas nié avoir travaillé pour la Compagnie du Nord en 2003. Il ne comprenait pas tous les détails de la recherche effectuée par un représentant des RH, mais savait quand même que l'insubordination appelle toute une série de pénalités pouvant aller jusqu'au licenciement. Il n'a pas fait lui-même de recherche sur cette gamme de pénalités. Quand on lui a demandé de quels facteurs atténuants il avait tenu compte, il a admis ne pas avoir retenu les [traduction] « répercussions économiques dans le Nord » de sa décision comme circonstance atténuante, puisque cela ne relevait pas du mandat de l'Agence. Il n'a pas tenu compte non plus du dossier disciplinaire vierge de M. Duske, mais pensé par contre aux conséquences financières de sa décision pour lui.

60 En réinterrogatoire, M. Acker a déclaré que M. Duske aurait connu tous les inspecteurs travaillant à la récolte, qu'il aurait eu des contacts avec les employés de l'Agence et que, du point de vue du public, il aurait eu la possibilité de parler avec les inspecteurs et de les influencer. M. Acker a déclaré qu'il y avait environ 250 employés de l'Agence dans la Région du sud de l'Alberta.

61 M. Arsenault a déclaré avoir reçu le 7 février 2002 une lettre de M. Duske (pièce E-3, onglet G) l'informant que celui-ci ne pourrait plus travailler comme gestionnaire de la récolte après celle du printemps 2002, à moins qu'on ne trouve une solution pour régler le problème entre lui et l'Agence. M. Arsenault en a été attristé puisqu'il ne comprenait pas pourquoi on jugeait qu'il y avait un conflit d'intérêts quelconque. Il n'a jamais été capable de faire de la mitigation dans ce contexte, parce qu'il n'arrivait pas à comprendre de quoi il retournait. Il a déclaré que la Compagnie du Nord avait embauché deux autres personnes et qu'il avait lui-même décidé d'accomplir d'autres tâches pour tenter de structurer les activités d'une façon que l'Agence jugerait acceptable.

62 Les services de M. Duske étaient utiles à la Compagnie du Nord, et M. Arsenault n'a pas réussi à le remplacer. Sa participation aux activités de l'entreprise se limitait à une période de cinq semaines par année. L'entreprise continue à fonctionner, mais avec des difficultés. M. Arsenault a déclaré qu'elle n'a pas pu faire de récolte d'automne depuis une couple d'années.

63 En contre-interrogatoire, M. Arsenault a déclaré que les compétences de M. Duske qu'il prisait le plus étaient liées aux pratiques dans l'industrie de la viande ainsi qu'aux méthodes de coupe de même qu'aux normes d'hygiène. Pour conserver les services de M. Duske, il avait tenté de concert avec lui d'établir un niveau de rapport entre le fonctionnaire s'estimant lésé et le vétérinaire responsable pour l'Agence afin d'en apaiser les craintes de conflit d'intérêts potentiel. M. Arsenault a dit qu'il était responsable de la préparation des propositions relatives aux récoltes de 2003 (pièces G-3 et G-4) soumises à l'Agence pour approbation. Jusque-là, c'est M. Duske qui les préparait. M. Arsenault a déclaré que M. Duske jouait un rôle de gestion et qu'il était payé à contrat. Puisqu'il travaillait comme expert-conseil, on ne retenait pas les impôts sur ce qu'on lui payait.

64 Au début de l'audience, M. Duske a fait savoir par son avocat qu'il voulait téléphoner à M. Nightingale pour lui faire témoigner que c'était lui qui avait approuvé ses demandes de congé en 2003. Après avoir entendu les arguments des parties, j'ai décidé que M. Nightingale devait comparaître pour témoigner en raison du risque de controverse, étant donné que l'employeur ne pourrait pas le contre-interroger efficacement s'il témoignait par téléphone. Quand l'audience a repris, en mai 2007, j'ai été informé par M. Mair que les parties s'étaient parlé et que M. Nightingale ne serait pas appelé à témoigner; M. Mair m'a déclaré qu'il avait demandé à l'employeur d'admettre que M. Nightingale n'avait pas été contacté dans le contexte de ses décisions sur les conflits d'intérêts en 2003; l'employeur ne pouvait pas le confirmer ni le nier. À mon avis, il est probable que M. Nightingale n'ait pas été contacté par M. Hillier avant que celui-ci ne prenne sa décision, puisqu'il n'avait communiqué avec aucun des autres supérieurs de M. Duske.

65 En contre-interrogatoire, M. Duske a reconnu qu'il était allé participer à la récolte du printemps 2003 environ trois mois après avoir soumis sa déclaration de conflit d'intérêts de 2002. Il a admis qu'il n'avait pas reçu de réponse de M. Hillier dans les trois mois suivant ses déclarations antérieures. Il a avoué qu'il était important pour lui de s'assurer que son employeur jugeait ses activités externes « OK ». Il a reconnu qu'il risquait de perdre son emploi si la décision sur sa déclaration de conflit d'intérêts ne lui était pas favorable. En contre-interrogatoire encore, il a déclaré que les lettres de M. Hillier ne lui auraient pas posé de problème en autant qu'il aurait pu comprendre son raisonnement, bien que la démarche ne lui ait jamais été clairement expliquée par l'Agence.

66 Toujours en contre-interrogatoire, M. Duske a dit qu'il savait qu'un autre groupe d'Inuits du Nunavut faisait des récoltes de boufs musqués. Il savait aussi que l'Agence avait mis fin à une récolte en 2001 parce qu'il y avait des lacunes à l'abattoir étant donné que le groupe n'avait pas de gestionnaire efficace de la récolte. Il a déclaré que le groupe en question ne connaissait pas la réglementation et que l'Agence a donc jugé son exploitation non conforme quand elle l'a inspectée.

67 Le traitement que M. Duske gagne à l'Agence s'élève à 52 000 $ par année. Pour chaque jour de la récolte, on lui payait 400 $. Au printemps de 2003, il était parti 23 jours pour y participer, y compris son temps de déplacement.

68 M. Duske et M. Sturm ont témoigné que d'autres employés travaillaient aussi hors de l'Agence. Dans son interrogatoire principal, M. Duske s'est montré réticent quand on lui a demandé des noms. L'avocate de l'employeur a fait objection en déclarant qu'elle allait lui demander des précisions en contre-interrogatoire. M. Duske m'a alors demandé s'il était tenu de divulguer ces noms. J'ai dit que je n'étais pas disposé à lui donner un conseil, mais que je suspendrais brièvement la séance pour qu'il puisse en parler avec son représentant. L'avocate de l'employeur ne s'est pas opposée à ce que M. Duske le consulte. Ensuite, M. Mair lui a posé des questions plus générales; le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné que des agriculteurs travaillaient aussi pour l'Agence et qu'un classeur de bétail qu'il connaissait et qui avait récemment pris sa retraite travaillait pour le secteur privé aussi bien que pour l'Agence. En contre-interrogatoire, il a allégué que « R.H. », qui avait pris sa retraite, travaillait pour une entreprise privée de classement du bétail tout en étant inspecteur à l'Agence, et que « J.K. » était propriétaire d'un parc d'engraissement pendant qu'il travaillait pour l'Agence comme inspecteur de la santé des animaux. Il a dit ignorer si J.K. avait produit une déclaration de conflit d'intérêts.

69 Pour sa part, M. Sturm a déclaré que « A.O. » travaillait pour une compagnie de transports afin de se familiariser avec l'industrie avant de prendre sa retraite. Il a aussi dit que d'autres inspecteurs de l'Agence, R.H., « M.V. » et « D.C. » travaillaient parallèlement dans l'entreprise privée comme classeurs de bétail; c'était la seule façon pour le secteur privé de recruter des classeurs d'expérience après la création de l'Agence canadienne de classement du bouf, puisque cette fonction était assurée jusque-là par l'ACIA. En contre-interrogatoire, M. Sturm a aussi déclaré que « G.R. », un employé maintenant retraité, travaillait dans des installations provinciales aussi bien que fédérales comme inspecteur, en admettant toutefois qu'il le faisait en vertu d'un protocole d'entente. Dans son contre-interrogatoire, M. Sturm a aussi témoigné qu'il ne savait pas si A.O. avait pris sa retraite ou s'il était en congé pendant qu'il travaillait pour la compagnie de transports. Il ne savait pas si R.H., M.V. ou D.C. avait présenté des déclarations de conflit d'intérêts, si l'Agence avait pris des décisions sur ces déclarations ou si elle avait imposé des mesures disciplinaires, puisque tout cela était confidentiel. En réinterrogatoire, il a déclaré n'avoir jamais tenté d'influencer les inspecteurs de l'Agence qui participaient à la récolte de boufs musqués.

Résumé de l'argumentation

70 L'employeur affirme qu'il est très clair que la participation de M. Duske aux récoltes de boufs musqués de 2003 constituait à la fois un conflit d'intérêts perçu et de l'insubordination. Une suspension de 10 jours était appropriée dans les circonstances. L'employeur demande que le grief soit rejeté.

71 M. Duske est au service d'un organisme fédéral. En qualité de fonctionnaire, il a une obligation particulière d'éviter de se trouver en situation réelle, potentielle ou apparente de conflit d'intérêts : Caron, Employment in the Federal Public Service (2007). Le Code est conçu pour accroître la confiance du public en l'intégrité des programmes d'inspection et de certification de l'Agence; il incombe donc à tous les employés de gérer leurs affaires pour éviter de donner l'impression qu'ils sont ou semblent être en conflit d'intérêts : McIntyre c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Douanes et Accise), dossier de la CRTFP 166-2-25417 (19940718).

72 Au moment où M. Duske est allé participer aux récoltes de 2003, il avait en sa possession deux lettres du vice-président aux Opérations ainsi qu'un courriel de confirmation de M. Bach lui enjoignant de ne pas y participer. Dans ses lettres, M. Hillier l'avait aussi informé des conséquences disciplinaires auxquelles il s'exposait.

73 M. Duske était au courant de la politique sur les conflits d'intérêts et connaissait le contenu des lettres de M. Hillier et du courriel de M. Bach, mais il a choisi de participer aux récoltes de boufs musqués quand même.

74 Il avait des responsabilités de gestion dans ces récoltes alors qu'il s'agit d'une activité rigoureusement réglementée par l'Agence, qui contrôle étroitement la récolte avec des employés sur place aux côtés de ceux de la Compagnie du Nord. Les tâches que M. Duske accomplissait n'avaient aucune incidence sur l'exercice quotidien de ses fonctions pour le compte de l'Agence, mais il y avait de gros risques de mauvaise publicité à cause de sa participation aux activités d'une entreprise comme celle-là qui récolte du gibier. La Compagnie du Nord voulait se prévaloir des services de M. Duske notamment parce qu'il connaissait la réglementation et les lignes directrices de l'Agence et qu'il avait acquis de l'expérience dans le passé sur la façon d'interpréter les lignes directrices et de composer avec elles. Après la récolte, tout le personnel de l'Agence et M. Duske lui-même retournaient à leurs fonctions habituelles pour l'Agence en Alberta. La relation entre les parties était [traduction] « trop étroite ou trop proche », de sorte qu'on pouvait douter de leur impartialité. Si l'Agence avait été contrainte à prendre des mesures pour faire respecter sa réglementation, elle aurait couru de gros risques qu'il en découle une mauvaise publicité pour elle.

75 Les cadres supérieurs de l'Agence considéraient la participation de M. Duske à la récolte de boufs musqués comme un problème. Quand M. Bach a été informé de la participation de M. Duske, il lui a demandé de présenter une demande pour qu'on puisse décider s'il était en conflit d'intérêts, sans même savoir qu'il existait une décision antérieure le concernant.

76 En outre, l'employeur déclare que les fonctionnaires acquièrent souvent des compétences et des connaissances spécialisées qui seraient avantageuses dans un contexte commercial. M. Arsenault a souligné que les connaissances techniques de M. Duske étaient très rassurantes pour la Compagnie du Nord. M. Sturm a confirmé que les compétences et les connaissances de M. Duske donnaient un avantage à l'entreprise. Or, d'autres entreprises assujetties à la réglementation de l'Agence qui participaient à la récolte de boufs musqués ne bénéficiaient pas des compétences de M. Duske. Il est important qu'on précise clairement les limites applicables aux fonctionnaires qui travaillent dans le secteur privé en mettant à profit leurs compétences spécialisées. Le secteur public peut exiger de son personnel qu'il respecte des normes plus exigeantes que dans le secteur privé : Threader c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 1 C.F. 41 (CAF).

77 Les employeurs de la fonction publique devraient se faire accorder une grande latitude par les arbitres de griefs lorsqu'ils veulent faire respecter leur code de conduite : Canada (Procureur général) c. Assh, [2006] A.C.F. no 1656 (CAF) (QL).

78 Il est clair que M. Duske n'était pas content des décisions défavorables sur ses déclarations de conflit d'intérêts. Il aurait pu présenter des griefs pour les contester, mais a choisi de ne pas le faire. La règle générale en relations de travail consiste à [traduction] « travailler d'abord et présenter un grief ensuite » : Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, quatrième édition (2006), 7-108. M. Duske s'était fait clairement enjoindre de ne pas participer à la récolte dans le Nord. Lorsqu'il y a participé en 2003, il savait que le processus de traitement de sa déclaration obligeait le vice-président aux Opérations à prendre une décision après avoir obtenu un avis juridique. Bien qu'il prétende n'avoir pas reçu de réponse en temps opportun, il avait échangé de la correspondance avec Mme Lapierre, savait ce que le processus supposait et savait aussi combien de temps il fallait pour qu'une décision soit prise. Quand il a présenté une déclaration pour obtenir la décision la plus récente, il savait ou aurait dû savoir qu'il ne l'aurait pas avant la récolte. Les décisions sur les conflits d'intérêts sont prises par des spécialistes de l'Agence, et le processus prend du temps.

79 M. Duske a fait preuve d'insubordination. Il a désobéi aux directives de M. Hillier. Au moment des récoltes de 2003, une personne ayant l'autorité nécessaire lui avait donné des instructions aussi claires que légales auxquelles il a désobéi. L'employeur a invoqué les sources suivantes sur l'insubordination : Mitchnick et Etherington, Leading Cases on Labour Arbitration, Vol. 2, Discharge and Discipline (2002), 13-4; Noel c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2002 CRTFP 26; Doucette c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2003 CRTFP 66; et Dandivino c. L'Office national du film du Canada, dossier de la CRTFP 166-8-14215 (19831206). Tous les critères nécessaires pour qu'on puisse conclure à l'insubordination sont réunis. Il devait obéir à l'ordre reçu même s'il n'en comprenait pas la raison, car la comprendre n'est pas indispensable lorsqu'une personne autorisée à le faire donne des directives claires et légales.

80 Les tentatives de M. Duske pour structurer sa participation aux activités de la Compagnie du Nord n'étaient pas pertinentes puisqu'il continuait à occuper un poste de gestion d'une activité étroitement réglementée par l'Agence. Même si son travail ne consistait pas à inspecter la viande, il ne l'aurait jamais fait de toute façon, parce que cette tâche revenait aux employés de l'Agence sur place. Son principal atout pour la Compagnie du Nord était qu'il savait interpréter une réglementation complexe de façon que la récolte puisse se faire.

81 La sanction disciplinaire imposée par l'employeur était raisonnable dans les circonstances. Il a tenu compte des facteurs atténuants pertinents : Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, quatrième édition, 7-150. En effet, M. Acker n'a pas oublié les longs états de service de M. Duske, les conséquences financières de sa décision et le temps que l'intéressé avait dû attendre pour obtenir des décisions l'autorisant à participer à la récolte dans le passé, ce qu'il a considéré comme des facteurs atténuants. Par contre, la conduite de M. Duske était préméditée et répétée, et ce sont des facteurs aggravants. L'employeur a cité plusieurs cas sur la gamme des pénalités pour inconduite, allant de la suspension au licenciement : Cloutier c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2007 CRTFP 38; Cottingham c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-2-15243(19860121); et Sarin c. Conseil du Trésor (Énergie, Mines et Ressources Canada), dossier de la CRTFP 166-2-15600 (19860516). Les arbitres de griefs ne devraient pas réduire les pénalités à moins qu'elles soient clairement injustifiées : Hogarth c. Conseil du Trésor (Approvisionnement et Services), dossier de la CRTFP 166-2-15583 (19870331).

82 M. Duske a déclaré qu'il avait fait tous les efforts raisonnables pour gérer ses affaires de façon à éviter d'être en conflit d'intérêts. Il a invoqué un résumé de Faryna v. Chorney, [1952] 2 D.L.R. 354 (BCCA) figurant dans Cara Operations Ltd. v. Hotel Employees Restaurant Employees Union, Local 75,23 L.A.C. (4th) 1,25 C.L.A.S. 23. L'Agence ne lui a jamais répondu en temps voulu. Il avait présenté une nouvelle déclaration en 2002 pour tenter de remédier à tous les problèmes liés au conflit. L'absence de réaction de l'employeur l'a incité à croire qu'il pourrait participer aux récoltes en 2003. Les nouveaux renseignements qu'il lui fournissait dans sa dernière déclaration répondaient à toutes les objections que l'employeur aurait pu avoir d'après sa décision antérieure. Les employeurs doivent prendre des décisions raisonnables assez rapidement pour empêcher les employés de faire des erreurs.

83 L'employeur n'a pas donné d'explication satisfaisante de la nature de ce qu'il considérait comme un conflit. En tant qu'inspecteur des aliments et légumes, il est difficile de comprendre quel conflit d'intérêts pouvait constituer la participation de M. Duske à une récolte de boufs musqués dans le Nord. Une partie des compétences qu'il a mises à profit dans ce contexte avait été acquise pendant qu'il travaillait dans des abattoirs privés, avant d'entrer au service de l'Agence et des ministères qui l'ont précédée.

84 Même si une sanction disciplinaire était justifiée dans ce cas, celle qui a été imposée était trop dure. Il existe en effet d'importantes circonstances atténuantes, et M. Duske invoque à cet égard le résumé des facteurs de mitigation exposé dans Cara Operations, à savoir un bon dossier disciplinaire jusque-là, de longs états de service, le caractère isolé de l'incident, la provocation, l'absence de préméditation, les conséquences financières particulières pour le fonctionnaire s'estimant lésé, l'application discriminatoire ou manquant d'uniformité des règles, des circonstances faisant qu'il n'y avait pas d'intention coupable, la gravité de la faute dans le contexte de la politique et des obligations de l'employeur ainsi que d'autres circonstances valables dont un arbitre de grief devrait tenir compte. M. Duske a de longs états de service; c'était un incident isolé, il n'a pas tenté de tromper qui que ce soit et il ne comprenait pas clairement ce qu'on lui reprochait. En outre, certaines circonstances prouvent qu'il n'avait pas d'intention coupable, puisqu'il avait parlé de la question avec M. Marjerrison ainsi qu'avec M. Sturm avant de présenter sa déclaration de 2002. Son dossier disciplinaire est vierge. Même si l'employeur estime que ce qu'il lui reproche est grave, il devrait faire connaître ses décisions assez rapidement pour empêcher les employés de [traduction] « faire des erreurs ». D'autres employés travaillent aussi pour d'autres employeurs, et l'employeur n'a pas appliqué sa politique uniformément dans leur cas. M. Duske demande que la suspension soit annulée et qu'on lui substitue une lettre de réprimande.

85 En réplique, l'employeur a maintenu que M. Duske n'avait pas présenté une nouvelle déclaration parce que ses fonctions à l'Agence avaient changé. Lorsqu'il a présenté ses deux dernières déclarations, il travaillait au Programme de gestion environnementale de l'Agence. Il n'aurait pas dû exister de confusion dans son esprit quant à l'identité des responsables des décisions sur les conflits d'intérêts. Il avait accès à des représentants de l'agent négociateur s'il voulait avoir des conseils relatifs au grief. Rien dans la preuve n'a démontré que d'autres employés aient été traités différemment. Il n'y a pas non plus de preuve indubitable que d'autres employés de l'Agence travaillent dans le secteur privé tout en étant au service de l'employeur. L'Agence a 6 000 employés et compte sur eux pour qu'ils déclarent leurs conflits d'intérêts. Leurs déclarations sont confidentielles, tout comme le processus disciplinaire que l'employeur a établi pour dérogation aux directives. Il n'y a aucune preuve probante que l'employeur ait choisi de traiter M. Duske différemment des autres employés.

86 Enfin, M. Duske a déclaré qu'il y avait eu des changements dans ses fonctions tant à l'Agence qu'ailleurs.

Motifs

87 Puisque le grief vise une sanction disciplinaire, je dois répondre aux trois questions suivantes :

  1. L'employé avait-il donné des raisons pour recevoir une sanction disciplinaire?
  2. La sanction était-elle excessive dans les circonstances?
  3. Quelle autre sanction disciplinaire justifiée devrait-on imposer?

88 Pour décider si M. Duske a donné à l'employeur des raisons de lui imposer une sanction disciplinaire, il faut conclure qu'il était en situation de conflit d'intérêts potentiel quand il travaillait pour la Compagnie du Nord dans le contexte des récoltes de boufs musqués du printemps et de l'automne 2003, pendant qu'il était en congé.

89 Lorsqu'il travaillait pour la Compagnie du Nord dans le cadre de ces récoltes, il participait à une activité étroitement réglementée par l'Agence qui l'emploie. La Compagnie du Nord avait retenu ses services pour profiter des compétences particulières qu'il avait acquises avant d'entrer à l'Agence et depuis. Cela dit, il n'a jamais participé à des mesures d'application de la réglementation à la Compagnie du Nord, ni à des activités d'inspection des viandes dans les Territoires du Nord-Ouest, de sorte qu'il n'était pas en conflit d'intérêts réel. Il n'a pas eu de fonctions d'inspection des viandes depuis au moins 2001, quand il a obtenu son poste de coordonnateur de la gestion environnementale, soit quelque trois ans avant que l'employeur ne lui impose une sanction disciplinaire. Il reste à savoir s'il était en situation de conflit d'intérêts potentiel.

90 La définition d'un conflit d'intérêts figure dans le Code.

[…]

Toute situation dans laquelle les avoirs, les intérêts ou les activités personnels influent d'une façon quelconque, semblent influer ou sont susceptibles d'influer sur l'exercice honnête et impartial des fonctions d'un employé ou sur son jugement pour agir dans l'intérêt public.

[…]

91 Dans Threader, la Cour d'appel fédérale a établi un critère à appliquer lorsqu'il faut déterminer s'il existe un conflit d'intérêts apparent :

[…]

Les Lignes directrices ne définissent pas l'expression « apparence de conflit d'intérêts » et le silence des tribunaux à cet égard est explicable à la lumière du point de vue ayant cours en common law, dont nous avons déjà parlé. La notion suivant laquelle une apparence de conflit d'intérêts peut entraîner des conséquences juridiques est tout à fait moderne. Normalement, seules les situations réelles peuvent engendrer des conséquences juridiques. Notre droit comporte toutefois un principe bien établi en vertu duquel une simple perception entraîne des conséquences juridiques. Celui-ci a trait à la crainte de la partialité du juge. Dans un tel cas, la question qui se pose est la suivante :

Est-ce qu'une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, croirait que, selon toute vraisemblance, le juge, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?

Ce critère, qui s'énonce simplement, est d'une application plus difficile […] Gardant à l'esprit la question qui précède, celle qui se pose en l'espèce peut être formulée comme suit :

Est-ce qu'une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, croirait que, selon toute vraisemblance, le fonctionnaire, consciemment ou non, sera influencé par des considérations d'intérêt personnel dans l'exercice de ses fonctions officielles?

L'application d'un tel critère, bien qu'elle puisse être aussi difficile que celle du critère précédent, devient essentielle si j'ai raison de dire que l'existence de l'apparence d'un conflit d'intérêts - ou son absence - doit être déterminée par une personne bien renseignée, de façon objective et rationnelle.

[…]

92 M. Duske me demande d'interpréter le Code très étroitement, en m'attachant exclusivement aux tâches qu'il accomplissait pour la Compagnie du Nord ainsi qu'aux fonctions dont il s'acquittait pour l'Agence. Il a déclaré qu'il n'était pas en conflit d'intérêts parce qu'il n'avait aucun pouvoir d'application de la réglementation dans le cadre de la récolte de boufs musqués, qu'il n'avait pas de fonctions d'inspection des viandes à l'Agence et qu'il s'était créé un tampon entre lui-même et les inspecteurs de l'Agence. Les faits sont clairs : M. Duske n'était pas en situation de conflit d'intérêts réel puisqu'il n'avait aucun pouvoir décisionnel à l'Agence sur les questions concernant la viande de bouf musqué, mais cela ne veut pas dire qu'il n'était pas en conflit d'intérêts potentiel, et le Code s'applique aussi aux conflits d'intérêts potentiels.

93 À mon avis, le Code devrait être interprété en fonction de sa raison d'être. L'examen de ses principes révèle clairement que les conflits d'intérêts doivent être tranchés en faveur de l'intérêt public plutôt qu'interprétés favorablement aux employés afin de leur permettre de poursuivre des activités suspectes. M. Duske travaille pour l'ACIA, une agence de réglementation qui veille à l'innocuité des aliments. La preuve a démontré que la réputation de l'Agence dépend de sa relation impartiale et indépendante avec l'industrie qu'elle réglemente, et c'est d'importance critique pour ses activités d'exportation.

94 L'activité de la Compagnie du Nord était la production de viande de bouf musqué et d'autres produits du bouf musqué pour exportation. C'est une activité étroitement réglementée par l'Agence. Il me semble étrange que M. Duske ait choisi de travailler pour cette entreprise privée pendant qu'il était au service de l'Agence. Il me semble indéniable qu'il était en conflit d'intérêts potentiel dès qu'il a commencé à participer à cette activité en 1995, particulièrement puisqu'il était à cette époque un inspecteur des viandes qui enseignait les techniques de boucherie, dont des techniques propres à assurer la conformité de l'entreprise à la réglementation de l'Agence. M. Sturm semble avoir reconnu qu'il y avait un problème, car il avait décidé que M. Duske ne serait jamais autorisé à travailler dans le Nord à titre d'inspecteur des viandes, mais il ne semble pas avoir été conscient de l'ampleur de ce conflit d'intérêts potentiel. Rien dans la preuve qui m'a été soumise n'indique que l'Agence ait eu une politique sur les conflits d'intérêts en 1995. Néanmoins, le vice-président aux Opérations a reconnu l'existence d'un conflit d'intérêts dès 1998, la première fois que l'Agence a eu la possibilité de trancher sur une déclaration de conflit d'intérêts de M. Duske. À l'époque, M. Duske était un inspecteur des viandes qui montrait à des gens comment traiter la viande pour se conformer à la réglementation. La nature du conflit d'intérêts potentiel a été décrite alors en ces termes : « […] l'ACIA ne devrait pas sciemment se laisser associer d'une façon quelconque à une activité à l'égard de laquelle elle est chargée de faire respecter la loi ». La nature fondamentale de ce conflit d'intérêts potentiel est toujours le fait qu'un employé de l'Agence travaille pour une entreprise assujettie à sa réglementation pendant qu'il est en congé.

95 M. Duske a assumé ensuite un rôle de plus grande envergure à la Compagnie du Nord, une autre entreprise, en participant à tous les aspects de la coordination de la récolte. Il y avait été embauché comme gestionnaire de la récolte en raison de ses compétences et notamment de son aptitude à interpréter la réglementation de l'Agence. Quand le nouveau gestionnaire de l'Agence, M. Bach, a été informé de cette activité externe, il a dit à M. Duske de soumettre un rapport sur les conflits d'intérêts. L'activité décrite dans la déclaration de 2001 a abouti à une décision concluant à l'existence d'un conflit d'intérêts potentiel ainsi qu'à l'ordre de cesser de travailler pour la Compagnie du Nord.

96 À mon avis, M. Duske s'était clairement fait dire à deux reprises par M. Hillier, avant les récoltes de 2003, qu'il ne pouvait pas travailler pour ladite compagnie, une entreprise assujettie à la réglementation de l'Agence, tant qu'il serait un de ses employés. La nature de sa participation aux activités de la Compagnie du Nord n'est pas vraiment pertinente selon moi, puisque c'était toujours comme gestionnaire qu'il travaillait pour elle et qu'elle se fiait à ses compétences pour avoir du succès dans son activité, une activité réglementée par l'Agence.

97 Dans le passé, l'Agence a interdit à ses employés de participer à la préparation de PARPCC, ce qui constitue une activité d'importance critique en vue de réduire les risques de la transformation des aliments pour le public. Elle l'a interdit parce qu'elle ne pouvait pas autoriser ses employés à participer en étant payés pour ce faire à des activités conçues pour assurer la conformité d'entreprises privées à la réglementation fédérale, même s'ils avaient toutes les connaissances nécessaires. En principe, je ne vois aucune différence entre la préparation d'un PARPCC par un employé de l'Agence et ses activités de gestion ou de participation à la gestion d'une récolte afin de se conformer à la réglementation que l'Agence a pour mandat de faire respecter.

98 Il m'apparaît évident que M. Duske a délibérément couru le risque de participer aux récoltes sans donner à l'Agence la possibilité de se prononcer sur ses fonctions modifiées à la Compagnie du Nord, parce qu'on lui avait déjà donné deux fois l'ordre de ne pas y participer et qu'il savait combien de temps il faut à l'Agence pour faire connaître sa décision.

99 J'estime que la participation de M. Duske à quelque titre que ce soit à la récolte de boufs musqués de la Compagnie du Nord violait le principe 4 du Code :

[…]

Intérêts privés

  1. Les employés de l'ACIA n'ont pas d'autres intérêts privés que ceux qui sont autorisés par le Code qui seraient nettement ou particulièrement touchés par les activités gouvernementales auxquelles ils participent.

[…]

100 La Compagnie du Nord qui lui payait un tarif journalier est assujettie à la réglementation de l'Agence, laquelle avait le pouvoir de faire cesser la récolte de boufs musqués et l'avait fait pour d'autres compagnies. L'intérêt privé que M. Duske avait à travailler pour la Corporation du Nord et à se faire payer par elle était et aurait pu être nettement sapé par les mesures que l'Agence prenait pour réglementer cette récolte.

101 À mon avis, « […] les activités gouvernementales auxquelles ils participent » doivent être interprétées au sens large. En l'occurrence, cela s'entend des programmes de réglementation de l'Agence. Même si M. Duske n'était pas inspecteur des viandes, il participait à l'exécution de ces programmes de réglementation.

102 Le maintien de la confiance du public en l'intégrité, l'objectivité et l'impartialité du gouvernement est un principe explicite important du Code. Selon moi, ce principe risque nettement d'être compromis lorsqu'un employé de l'Agence travaille pendant ses congés pour une entreprise assujettie à la réglementation de son employeur. Par exemple, dans l'éventualité où l'on constaterait un gros problème de « viande de bouf musqué avariée », les médias auraient beau jeu de se concentrer sur les raisons pour lesquelles l'Agence aurait autorisé un de ses employés à travailler pour une entreprise privée produisant de la viande avariée et de demander si cette compagnie avait bénéficié d'un traitement préférentiel parce qu'elle avait un employé de l'Agence à son service. Une critique publique comme celle-là attaque directement l'impartialité des programmes d'inspection de l'Agence dont l'importance est critique pour l'exportation de la viande.

103 Un des principaux atouts de M. Duske aux yeux de la Compagnie du Nord était sa capacité de l'aider directement ou indirectement en veillant à ce qu'elle se conforme à la réglementation de l'Agence, ce pourquoi il mettait à profit des connaissances spécialisées acquises grâce à son travail d'interprétation de la réglementation pour celle-ci. Qui plus est, une autre compagnie dont la participation à la récolte de boufs musqués avait cessé sur l'ordre de l'Agence aurait pu se plaindre qu'une concurrente bénéficiait injustement d'un traitement préférentiel et jouissait injustement aussi d'un avantage concurrentiel parce qu'elle avait à son service un employé de l'Agence qui connaissait bien les programmes d'inspection des viandes, pour l'aider à se conformer à la réglementation. Or, les allégations de traitement préférentiel injuste sapent la réputation d'impartialité de l'Agence dans l'administration de ses programmes d'inspection.

104 M. Duske était conscient de la décision de l'Agence concernant sa participation à la récolte de boufs musqués. Je n'accepte pas son argument qu'il pensait [traduction] « pouvoir aller » participer à cette activité en raison du changement de ses fonctions et du temps que l'Agence prenait à lui faire connaître sa décision. Les deux décisions antérieures de l'Agence dans son cas étaient fondées sur le fait qu'il travaillait pour une compagnie assujettie à sa réglementation tout en restant à son service. Ce raisonnement valait quelles qu'aient pu être les tâches précises que M. Duske accomplissait aussi bien pour la Compagnie du Nord que pour l'Agence elle-même. De son point de vue, le problème était qu'il n'acceptait pas cette décision et qu'il a tenté de s'isoler afin d'éviter de pouvoir influencer les inspecteurs, les vétérinaires et les scientifiques de l'Agence. Le principe n'en demeure pas moins que, quel qu'ait été son rôle à la Corporation du Nord, il travaillait quand même pour une compagnie étroitement réglementée par l'Agence, avec laquelle il avait une relation d'emploi à temps plein.

105 Même les points 1 à 4 des fonctions modifiées décrites au paragraphe 44 de la présente décision correspondaient à des activités réglementées par l'Agence. M. Duske devait assurer la conformité à la réglementation fédérale, former le personnel et acheter de l'équipement, toujours pour assurer la conformité à la réglementation fédérale. Il était au service de l'Agence. Par exemple, s'il s'était livré à la Compagnie du Nord à une activité quelconque qui aurait attiré l'attention des médias, on penserait bien que les journalistes auraient pu se concentrer d'abord sur sa relation avec l'Agence, en demandant comment elle aurait pu réglementer les activités d'une entreprise auxquelles un de ses employés participait.

106 J'estime donc que l'Agence a prouvé, sur la base de la prépondérance des probabilités, que M. Duske était en conflit d'intérêts potentiel quand il travaillait pour la Compagnie du Nord.

107 J'accepte le témoignage de M. Duske quand il dit qu'il ne comprenait pas le raisonnement de l'Agence, mais je n'accepte pas sa prétention qu'il ne connaissait pas le processus de détermination des conflits d'intérêts. Il savait qu'il devait présenter une déclaration, que celle-ci était envoyée au vice-président avec un avis juridique et que le vice-président prenait la décision. Il savait, après avoir déjà présenté trois déclarations auparavant, que le processus était long. Il savait qu'on lui avait ordonné de ne pas participer à la récolte. Il a pourtant choisi d'y participer en sachant que l'Agence n'avait pas pris de décision sur sa déclaration de conflit d'intérêts et en sachant aussi qu'elle avait mis 21 mois à lui faire connaître sa décision dans le passé. Rien dans la preuve qui m'a été soumise ne m'explique pourquoi il avait fallu tant de temps à l'Agence pour prendre des décisions sur les conflits d'intérêts, mais je suis d'avis que le temps consacré à la prise d'une décision ne justifie pas l'insubordination.

108 La demande de congé de M. Duske a été approuvée par l'Agence. Il n'avait pas déclaré dans sa demande qu'il voulait prendre congé afin d'aller travailler à la récolte de boufs musqués pour la Compagnie du Nord. Le fait que son congé avait été approuvé n'équivalait pas à une autorisation de travailler pour la Compagnie du Nord. M. Nightingale n'avait pas le pouvoir délégué de prendre des décisions en matière de conflits d'intérêts et M. Duske le savait, parce qu'il en avait été informé dans le courriel de Mme Lapierre le 29 novembre 2001. En outre, le fait que M. Sturm avait approuvé des propositions de récolte contenant des renseignements sur la participation de M. Duske ne peut pas être invoqué pour justifier son insubordination : M. Duske savait que M. Sturm n'avait pas le pouvoir de prendre des décisions sur les déclarations de conflit d'intérêts.

109 M. Duske a travaillé pour la Compagnie du Nord alors que l'employeur lui avait interdit de le faire. Il était bien sûr avantageux pour cette entreprise et pour les chasseurs inuits de faire en sorte que la récolte de boufs musqués soit viable, mais l'Agence n'avait aucune obligation d'autoriser M. Duske à participer à la récolte, ni de faire une exception pour qu'il soit disponible à cette fin. L'obligation incombait à M. Duske, qui devait gérer ses affaires pour éviter d'être en conflit d'intérêts potentiel. À mon avis, il ne pourrait probablement faire aucun arrangement en vue de participer à la récolte de boufs musqués pour la Compagnie du Nord sans se placer en conflit d'intérêts potentiel.

110 La décision de l'employeur ne plaisait pas à M. Duske, qui est allé travailler pour la Compagnie du Nord quand même. Il aurait dû présenter un grief. Même s'il n'aurait peut-être pas eu accès à l'arbitrage de grief, il est possible qu'il aurait pu se prévaloir d'autres recours, judiciaires notamment, pour contester la décision de M. Hillier. Selon moi, l'employeur a prouvé l'inconduite du fonctionnaire s'estimant lésé. Pour ces motifs, une sanction disciplinaire était donc justifiée.

111 Je dois maintenant décider si cette sanction était excessive dans les circonstances. Les cas qu'on m'a cités avaient trait à des sanctions disciplinaires allant jusqu'au licenciement pour insubordination. Dans ce cas-ci, l'employeur savait que l'intéressé avait travaillé deux fois pour un autre employeur pendant ses congés, en participant à une activité qui le mettait en situation de conflit d'intérêts potentiel. La conduite de M. Duske était préméditée, étant donné qu'il avait décidé de travailler en sachant que l'employeur lui avait interdit de le faire dans le passé et en sachant aussi qu'il n'avait pas obtenu de décision sur sa déclaration la plus récente. L'employeur a tenu compte de ses longs états de service et des conséquences financières d'une suspension de 10 jours, ainsi que de la dispense qu'on avait accordée à M. Duske dans le passé, de même que du rôle de M. Marjerrison, qui lui avait donné son avis. L'Agence a mis bien du temps à prendre ses décisions, mais M. Duske ne peut pas invoquer ces délais pour justifier son insubordination, étant donné qu'on lui avait déjà enjoint de ne pas participer à la récolte pour les raisons qui lui avaient été précisées. Le Code impose aux employés l'obligation d'éviter les conflits d'intérêts, et M. Duske aurait pu éviter d'écoper d'une sanction disciplinaire en attendant simplement que le vice-président lui fasse connaître sa décision. Il ne se rend pas compte de la gravité du problème. À mon avis, la simple substitution d'une lettre disciplinaire à la suspension ne lui ferait pas comprendre la gravité de sa conduite. Je ne suis pas convaincu que la sanction disciplinaire était excessive dans les circonstances.

112 Je ne pense pas non plus que la preuve ait démontré que M. Duske ait fait l'objet d'un traitement discriminatoire comme il le prétend en disant que d'autres employés de l'Agence avaient aussi été en conflit d'intérêts lorsqu'ils travaillaient pour d'autres employeurs. Premièrement, aucune des personnes visées par ces allégations n'a été appelée à témoigner, de sorte qu'il n'y a pas de preuve originale sur ce point. M. Duske avait de la réticence à [traduction] « donner des noms ». Certains des employés que M. Sturm et lui ont mentionnés travaillaient pour d'autres employeurs durant la période de transition qui a vu la création de l'Agence canadienne de classement du bouf. C'était une situation unique, puisque l'ACIA était chargée auparavant de cette fonction qu'on cédait au secteur privé. M. Amundson a témoigné que les employés de l'ACIA qui travaillaient pour l'Agence canadienne de classement du bouf s'étaient fait demander de produire des déclarations de conflit d'intérêts. Rien dans la preuve ne me permet de conclure que l'Agence aurait décidé que d'autres employés étaient en situation de conflit d'intérêts et qu'ils auraient été punis. J'estime que c'est à l'employeur de déterminer s'il devrait renoncer à appliquer sa politique dans des cas particuliers et si cette renonciation sape ou non sa capacité d'exiger généralement qu'on s'y conforme. M. Duske avait eu une dispense dans le passé à cause des besoins pressants de la Compagnie du Nord, mais il s'était aussi fait dire que l'Agence ne renoncerait plus à appliquer sa politique en acceptant qu'il participe encore à la récolte.

113 M. Duske a soulevé une question de principe en disant que l'Agence ne devrait pas considérer cette participation à la récolte comme un conflit d'intérêts ou tenir compte de ce qu'elle considère comme un conflit d'intérêts, parce qu'il aidait les Inuits. Bien que je reconnaisse que ma décision aura des répercussions sur la Compagnie du Nord et sur ses autres employés, ma tâche à titre d'arbitre de grief consiste à me prononcer sur le différend entre M. Duske et l'Agence qui fait l'objet de ce renvoi à l'arbitrage. Je n'ai aucun doute que M. Duske a rendu des services appréciables à la Compagnie du Nord, que cette entreprise peut fort bien n'avoir accès qu'à un bassin limité de personnes ayant les compétences de M. Duske, que les possibilités d'emploi des chasseurs inuits sont limitées et que rien ne prouve qu'il y ait eu un conflit d'intérêts réel, mais un fonctionnaire a de grandes responsabilités vis-à-vis d'un employeur de la fonction publique, et l'Agence n'a aucune obligation légale de renoncer à son Code concernant les conflits d'intérêts et l'après-mandat.

114 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

Ordonnance

115 Le grief est rejeté.

Le 31 août 2007.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Paul Love,
arbitre de grief

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