Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Objection préliminaire : d’après la plaignante, la mauvaise utilisation de l’exercice de simulation 810 avait une incidence directe sur l’application principe du mérite et aurait entraîné un abus de pouvoir dans l’évaluation de ses qualifications. L’intimé a reconnu la compétence du Tribunal sur la question de déterminer si l’évaluation des qualifications essentielles était entachée d’un abus de pouvoir. Il a estimé, cependant, qu’il n’était pas de la compétence de déterminer s’il y avait abus de pouvoir dans le choix des méthodes d’évaluation. La plaignante a soutenu que sa demande concernant le guide de cotation était toujours pertinente. L’intimé a répliqué que la question a été réglée dans la décision préliminaire du Tribunal selon laquelle le guide en question n’était pas pertinent en l’espèce. La plaignante a fait valoir qu’il n’y avait pas de lien clair entre les compétences évaluées par l’exercice de simulation 810, et que seulement deux des cinq compétences figuraient sur l’énoncé des critères de mérite. Elle a ajouté que le comité d’évaluation aurait dû compléter son évaluation et lui permettre de démontrer ses compétences aux différentes étapes du processus de nomination. L’intimé a soutenu qu’il y avait un lien manifeste entre l’outil d’évaluation, la nature du poste et les qualifications essentielles connexes; que les méthodes d’évaluation avaient été appliquées de manière uniforme et équitable à tous les candidats; que l’obtention de la note de passage à l’exercice de simulation était une exigence minimale dont la non-satisfaction a entraîné la conclusion que la personne en cause ne possédait pas toutes les qualifications essentielles établies pour le poste à doter. Décision : Objection préliminaire : exclure du recours conféré par la LEFP le choix et l’utilisation de la méthode servant à évaluer la personne à nommer conduirait à une situation illogique qui va à l’encontre de l’esprit de la loi. Le Tribunal a jugé qu’il avait compétence pour statuer sur les allégations portant sur l’abus de pouvoir de l’intimé dans l’exercice de ses attributions, notamment dans le choix et l’utilisation des méthodes d’évaluation. Le fardeau de la preuve reposait sur la plaignante. S’agissant de la question du guide de cotation, le Tribunal a conclu qu’elle a déjà été tranchée; le principe de l’autorité de la chose jugée s’appliquait. Dans cette affaire, le Tribunal a jugé que le comité d’évaluation avait pris sa décision sur la base d’éléments suffisants, que l’utilisation de l’exercice de simulation n’avait pas produit un résultat inéquitable, que le fait pour l’intimé de mener une évaluation en plusieurs étapes n’avait rien d’irrégulier, et n’entraînait pas de résultat inéquitable pour le plaignant pas plus qu’il ne constituait un abus de pouvoir de la part de l’intimé. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2006-0068
Rendue à:
Ottawa, le 27 mars 2007

CHANTAL JOLIN
Plaignante
ET
L'ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL DE SERVICE CANADA, AU SEIN DU MINISTÈRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir aux termes de l'alinéa 77(1)(a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Francine Cabana, membre
Répertoriée:
Jolin c. Administrateur général de Service Canada et al.
Référence neutre:
2007 TDFP 0011

Motifs de décision

Introduction

1 Chantal Jolin se plaint d’un abus de pouvoir dans l’application du mérite car ses compétences n’ont pas bien été évaluées dans le cadre du processus de sélection. Elle explique qu’elle a été éliminée du processus sur la base de ses résultats à l’exercice de simulation 810 alors que par la suite, les mêmes compétences ont été évaluées et qu’elle n’a pas pu alors démontrer ses compétences.

2 Le 13 juillet 2006, la plaignante, a présenté une plainte en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP), auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) suite aux nominations indéterminées le ou vers le 10 juillet 2006 au ministère des Ressources humaines et du Développement social - Service Canada dans le cadre d’un processus annoncé (numéro 2006-REH-NHQ-33004). L’intimé est l’administrateur général de Service Canada, au sein du ministère des Ressources humaines et du Développement social.

3 En conformité avec le paragraphe 99(3) de la LEFP, le Tribunal a statué sur la plainte sans tenir d’audience. La décision est rendue sur la foi des observations des parties qui ont été examinées et qui sont résumées ci-après.

Contexte

4 En janvier 2006, le comité de sélection a établi un énoncé de critères de mérite à partir duquel les décisions ayant trait à l’évaluation des candidats ont été prises.

5 Le comité de sélection a décidé d’évaluer les critères de mérite des candidats en utilisant une variété de méthodes et d’étapes dans son processus de nomination. Les étapes sont les suivantes :

  • Présélection
  • Exercice de simulation 810 du Centre de psychologie du personnel (CPP) de la Commission de la fonction publique
  • Examen écrit
  • Entrevue
  • Vérification de références

6 Lors de la préparation de l’énoncé des critères de mérite, une agente en ressources humaines a communiqué avec la Commission de la fonction publique (la CFP) afin de recueillir des informations sur l’exercice de simulation 810. Par ailleurs, l’énoncé des critères de mérite a été envoyé à la CFP afin d’être révisé et afin de déterminer si l’exercice de simulation 810 pouvait être utilisé. La CFP a conseillé que l’exercice de simulation 810 soit utilisé puisque les cinq compétences spécifiques de gestion, soit planifier, diriger, analyser, responsabiliser et organiser, se retrouvaient dans l’énoncé de critères de mérite. La CFP a également suggéré que la note de passage soit établie à 16/25.

7 Le comité de sélection a donc choisi d’utiliser l’exercice de simulation 810 du CPP afin d’évaluer les compétences de gestion des candidats. La note de passage a été établie à 16/25. Il est à noter que le comité de sélection avait l’intention initiale d’établir la note de passage à 70 %, soit 17,5/25. Toutefois, l’information communiquée aux candidats était que la note de passage serait établie à 16/25, soit 64 %. Malgré cette erreur, le comité de sélection a déterminé qu’il n’avait pas le choix de respecter la note de passage établie à 16/25.

8 Les candidats devaient obtenir la note de passage afin de poursuivre à la prochaine étape de l’évaluation, soit l’examen écrit. La note de passage a été établie avant que les résultats de la plaignante ou des autres candidats soient connus.

9 Le 30 janvier 2006, le Ministère a tenu un processus de nomination annoncé, interministériel et national, pour des postes de « gestionnaire de projets nationaux en ressources humaines » (PE-06) au ministère des Ressources humaines et du Développement social - Service Canada, qui étaient ouverts aux « fonctionnaires de la Fonction publique du Canada qui occupent un poste au Canada ».

10 Le Ministère a reçu 24 candidatures dans le cadre de ce processus de nomination annoncé, dont celle de la plaignante, pour le poste de « gestionnaire de projets nationaux en ressources humaines ». Des 24 candidatures, quatre ont retiré leur candidature et sept ont été éliminés à la présélection. Il restait donc 13 candidats. La plaignante a été admise à l’étape de la présélection et faisait partie des 13 candidats. Ces 13 candidats ont donc procédé à la prochaine étape, soit l’exercice de simulation 810.

11 Le 6 mars 2006, un courriel adressé aux candidats indiquait que la note de passage à l’exercice de simulation 810 avait été établie à 16/25. Il était également indiqué dans ce même courriel que seuls les candidats qui obtiendraient la note de passage de 16/25 seraient invités à la prochaine étape du processus de nomination.

12 À la réception de ce courriel, la plaignante a informé l’agent en ressources humaines qu’elle avait participé à l’exercice de simulation 810 dans le cadre d’un autre processus de nomination quelques semaines auparavant. Puisque les résultats de l’exercice de simulation 810 sont valides pour une durée de 180 jours, la plaignante devait attendre la fin de cette période de 180 jours avant de pouvoir reprendre l’exercice. Par conséquent, elle ne pouvait reprendre l’exercice de simulation 810.

13 Le 10 avril 2006, la plaignante a communiqué à l’agent des ressources humaines son résultat à l’exercice de simulation 810 par l’entremise du courrier électronique. Elle avait obtenu une note de 10/25. Par conséquent, les résultats de cet exercice ont été utilisés dans le cadre du processus de nomination faisant l’objet de la présente plainte.

14 Des 13 candidats restant qui ont été assujettis à l’exercice de simulation 810, six ont été éliminés, dont la plaignante, n’ayant pas atteint la note de passage de 16/25. Par conséquent, sept candidats ont procédé à l’examen écrit. Aucun candidat n’a été éliminé suite à l’examen écrit. Trois candidats ont été éliminés suite à l’entrevue et quatre candidats ont été trouvés qualifiés.

15 Le 20 juin 2006, le Ministère a retenu trois candidatures et a publié un avis de notification. Le 10 juillet 2006, le comité de sélection a proposé deux des trois candidats retenus aux fins de nomination.

Questions en litige

16 Lors de leurs observations sur le fond du litige, l’intimé et la CFP ont soulevé une objection préliminaire quant à la compétence du Tribunal relative aux méthodes d’évaluation choisies et utilisées par le Ministère. La question préliminaire à laquelle le Tribunal doit répondre est la suivante :

  • i) Le Tribunal a-t-il compétence pour instruire la plainte présentée par la plaignante en vertu de l’article 77 de la LEFP quant au choix et à l’utilisation des méthodes d’évaluation par l’intimé et plus particulièrement, quant à l’effet de l’article 36 de la LEFP sur l’article 77 de cette même loi?

17 Dans la mesure où le Tribunal répond par l’affirmative à cette question préliminaire, les questions sur le fond auxquelles doit répondre le Tribunal sont les suivantes :

  • ii) À qui incombe le fardeau de preuve quant à la plainte présentée auprès du Tribunal?
  • iii) Y a-t-il chose jugée quant à la communication du guide de cotation à la plaignante?
  • iv) L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir au sens de l’article 77 de la LEFP, en éliminant la plaignante à l’étape de l’exercice de simulation 810?

Question préliminaire

Question I: Le Tribunal a-t-il compétence pour instruire la plainte présentée par la plaignante en vertu de l’article 77 de la LEFP quant au choix et à l’utilisation des méthodes d’évaluation par l’intimé et plus particulièrement, quant à l’effet de l’article 36 de la LEFP sur l’article 77 de cette même loi?

A) Argumentation de la plaignante

18 La plaignante soutient que bien que l’intimé jouisse d’un grand pouvoir discrétionnaire dans le choix des méthodes d’évaluation en vertu de l’article 36 de la LEFP, l’intimé ne peut faire preuve d’abus dans l’exercice de ce pouvoir. En l’occurrence, la mauvaise utilisation de l’exercice de simulation 810 a directement touché l’application du mérite et aurait entraîné un abus de pouvoir dans l’évaluation des qualifications de la plaignante. Le Tribunal a compétence pour entendre la plainte puisqu’il y a un lien clair entre le recours prévu à l’alinéa 77(1)a) et les articles 30(2) et 36 de la LEFP.

19 La plaignante ne remet pas en question le droit de l’intimé de choisir les méthodes d’évaluation mais plutôt leur utilisation pour évaluer les compétences que l’intimé avait établies au préalable.

B) Argumentation de l’intimé

20 L’intimé reconnaît que le Tribunal a toute la compétence pour déterminer si l’évaluation des qualifications essentielles est entachée d’un abus de pouvoir. Mais, selon l’intimé, le législateur n’a pas donné au Tribunal la compétence de déterminer s’il y a abus de pouvoir dans le choix des méthodes d’évaluation. Ainsi, le législateur n’a pas fait référence à l’article 36 de la LEFP à l’article 77 alors qu’il y réfère expressément aux articles 30 et 37 de la LEFP, ainsi qu’implicitement à l’article 33 de la LEFP.

21 Selon l’intimé, l’effet clair de l’article 36 de la LEFP est de conférer aux délégués de la CFP, un grand pouvoir discrétionnaire dans le choix des méthodes d’évaluation qui n’est pas sujet à révision par le Tribunal. L’intimé ne présente aucun argument quant à l’utilisation de l’exercice de simulation 810.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

22 La CFP soulève essentiellement les mêmes arguments que l’intimé.

D) Analyse

23 La plainte a été présentée en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la LEFP. L’article 77 de la LEFP se lit comme suit :

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

a) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

b) abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé, selon le cas;

c) omission de la part de la Commission d’évaluer le plaignant dans la langue officielle de son choix, en contravention du paragraphe 37(1).

(2) Pour l’application du paragraphe (1), une personne est dans la zone de recours si :

a) dans le cas d’un processus de nomination interne annoncé, elle est un candidat non reçu et est dans la zone de sélection définie en vertu de l’article 34;

b) dans le cas d’un processus de nomination interne non annoncé, elle est dans la zone de sélection définie en vertu de l’article 34.

(3) Le Tribunal ne peut entendre les allégations portant qu’il y a eu fraude dans le processus de nomination ou que la nomination ou la proposition de nomination a résulté de l’exercice d’une influence politique.

(Nos italiques)

24 L’alinéa 77(1)a) de la LEFP prévoit qu’un plaignant peut déposer une plainte s’il y a abus de pouvoir de la part de la CFP, ou de l’administrateur général, dans l’exercice des attributions respectives indiquées au paragraphe 30(2) de la LEFP, qui se lit comme suit :

30. (…)

(2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;

b) la Commission prend en compte :

(i) toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l’avenir,

(ii) toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,

(iii) tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

(Nos italiques)

25 Donc, les attributions spécifiques à la CFP au titre du paragraphe 30(2) de la LEFP sont d’évaluer si la personne à nommer possède les qualifications essentielles, en prenant en compte des qualifications supplémentaires, exigences opérationnelles et besoins actuels ou futurs. Par ailleurs, les attributions particulières à l’administrateur général sont d’établir les qualifications essentielles et les qualifications supplémentaires ainsi que de préciser toute exigence opérationnelle et tout besoin actuel ou futur. En l’espèce, la CFP a délégué l’exercice de ses attributions à l’intimé au terme de l’article 15 de la LEFP. C’est donc l’intimé, en tant que délégué, qui a évalué la personne à nommer.

1. L’article 36 de la LEFP :

26 L’article 36 de la LEFP précise par quels moyens l’administrateur général peut évaluer les qualifications essentielles et les qualifications supplémentaires établies par celui-ci en vertu du paragraphe 30(2) chez la personne à nommer. Ainsi, l’article 36 réfère directement à l’alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i). L’article 36 se litainsi :

36. La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation — notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues — qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i).

(Nos italiques)

27 L’objet de cet article est d’attribuer un pouvoir discrétionnaire quant aux méthodes d’évaluation disponibles pour évaluer les candidats et de procéder à une nomination fondée sur le mérite en vertu de l’article 30(2) de la LEFP. L’administrateur général sera amené à choisir et utiliser différentes méthodes d’évaluation dont les examens ou entrevues à différentes étapes du processus de sélection de la personne à nommer. C’est donc sur le choix de la méthode d’évaluation et son utilisation que porte la plainte en l’espèce.

28 Dans Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0008, le Tribunal a statué que l’article 30(2) de la LEFP accorde aux gestionnaires un pouvoir discrétionnaire considérable pour choisir la personne à nommer mais que ce pouvoir est sujet à révision par le Tribunal. L’article 36 attribue aussi un pouvoir discrétionnaire dans le choix et l’utilisation des méthodes d’évaluation. Mais, comme le Tribunal l’a statué dans Tibbs, supra, ce n’est pas la nature discrétionnaire du pouvoir qui signifie qu’il est absolu et qu’il n’est pas sujet au recours prévu à l’alinéa 77(1)a).

29 Par ailleurs, si le législateur, en ne mentionnant pas l’article 36 à l’alinéa 77(1)a), avait comme le soutient l’intimé l’intention de limiter le recours au seul texte du paragraphe 30(2), cette démarche aurait été logiquement suivie dans les alinéas suivants. Or, à l’alinéa 77(1)b) portant sur le choix d’un processus annoncé ou non annoncé, il n’y a aucun renvoi direct à l’article 33 qui indique que l’administrateur général peut avoir recours à un processus annoncé ou non annoncé. Il n’y est pas fait référence non plus au paragraphe 31(2), qui indique que « les qualifications mentionnées à l’alinéa 30(2)a) et au sous alinéa 30(2)b)(i) doivent respecter ou dépasser les normes de qualification applicables établies par l’employeur en vertu du paragraphe 31(1) ».

30 Il existe une présomption dans l’interprétation des lois (voir Ruth Sullivan, Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4th edition (Toronto : Butterworths, 2002) aux pages 262-263)que les différentes dispositions d’une loi forment un tout logique et cohérent. Lorsque différentes dispositions de la loi traitent d’un même sujet, il est présumé qu’elles doivent être lues ensemble.

31 Concernant la LEFP, le législateur a expressément établi un lien entre l’article 36 et le paragraphe 30(2) parce qu’ils traitent du même sujet. L’alinéa 77(1)a) renvoie lui aussi au paragraphe 30(2). Ces dispositions, lorsqu’elles sont lues ensemble, forment un tout logique et cohérent.

32 Le Tribunal conclut que le législateur à l’alinéa 77(1)a) de la LEFP réfère à l’abus de pouvoir de la part de l’administrateur général dans l’exercice de ses attributions, soit l’exercice du pouvoir discrétionnaire dans le choix et l’utilisation des méthodes d’évaluation qui sont englobées par l’expression « la personne à nommer possède les qualifications essentielles établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir », tel qu’indiqué à l’alinéa 30(2)a) de la LEFP. Il n’y a aucune indication dans cet article qu’un recours en vertu de l’article 77 de la LEFP est interdit. En conséquence le Tribunal ne peut retenir l’argument de l’intimé sur ce point.

2. L’article 37 de la LEFP :

33 Il n’y a pas de référence spécifique entre l’alinéa 77(1)a) et l’article 36 alors que l’alinéa 77(1)c) de la LEFP fait spécifiquement référence au paragraphe 37(1). Est-ce significatif comme le soutient l’intimé ? À sa lecture on peut constater que l’alinéa 77(1)c) est en soi particulier car il fait référence à une omission spécifique en contravention avec une autre disposition de la LEFP. Le paragraphe 37(1) de la LEFP prévoit une obligation claire par opposition au paragraphe 36 de la LEFP qui indique un pouvoir discrétionnaire de l’administrateur général :

37. (1) Les examens ou entrevues, lorsqu’ils ont pour objet d’évaluer les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i), à l’exception de la langue, se tiennent en français ou en anglais, ou dans les deux langues, au choix du candidat. (…)

(Nos italiques)

34 Cet article ne peut donc servir de base comparative avec l’article 36 de la LEFP. L’administrateur général n’a aucun pouvoir discrétionnaire puisqu’il est tenu de procéder à un examen ou à une entrevue dans la langue de choix du candidat.

3. Allégations exclues dans la LEFP et intention du législateur :

35 L’identification des qualifications essentielles du candidat sous-entend nécessairement que des méthodes d’évaluation doivent être choisies et utilisées pour effectuer l’évaluation. L’administrateur général a tout le pouvoir discrétionnaire nécessaire pour choisir et utiliser la méthode d’évaluation appropriée. Toutefois, la LEFP n’offre aucune indication démontrant que l’intention du législateur est telle qu’il a voulu exclure les allégations d’abus de pouvoir dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire du recours prévu à l’alinéa 77(1)a) de la LEFP.

36 Si le législateur avait voulu exclure les allégations portant sur le choix et l’utilisation des méthodes d’évaluation, il aurait pu les exclure comme il l’a fait au paragraphe 77(3) de la LEFP pour les allégations portant sur la fraude ou l’exercice d’une influence politique ainsi qu’à l’article 87 de la LEFP, soit les circonstances où une plainte ne peut être présentée en vertu de l’article 77 dans le cas où la nomination est faite en vertu du paragraphe 15(6), des articles 40, 41(1) et (4), des articles 73 ou 86 ou des règlements pris en vertu de l’alinéa 22(2)a).

37 Exclure du recours de l’alinéa 77(1)a) le choix et l’utilisation de la méthode d’évaluation de la personne à nommer conduirait à une situation illogique qui va à l’encontre de l’esprit de la loi. Par exemple, un abus de pouvoir pourrait être commis dans le choix d’une méthode d’évaluation qui aurait pour effet de favoriser indûment un individu, ou de chercher à nuire à certains candidats ou de discriminer contre des personnes sur la base de leur sexe, âge et autres motifs illicites. L’évaluation qui suivrait en se servant d’une méthode déficiente pourrait paraître tout à fait impartiale mais l’abus de pouvoir aurait été commis dans le choix de la méthode pour évaluer la personne à nommer. Comme le Tribunal l’a indiqué dans la décision Tibbs, supra, le législateur n’aurait pu avoir l’intention de déléguer le pouvoir d’agir d’une façon si outrageuse, déraisonnable ou inacceptable.

38 Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal détermine qu’il a compétence pour entendre des allégations portant sur l’abus de pouvoir de la part de l’intimé dans l’exercice de ses attributions, incluant le choix et l’utilisation des méthodes d’évaluation.

Question II: À qui incombe le fardeau de preuve quant à la plainte présentée auprès du Tribunal?

A) Argumentation de la plaignante

39 La plaignante soutient que puisque ses allégations ont été présentées, le fardeau revient dorénavant à l’intimé.

B) Argumentation de l’intimé

40 L’intimé prétend que le dépôt d’allégations ne constitue pas la preuve du contenu de ces allégations et n’entraîne pas un renversement du fardeau de preuve. L’intimé n’a pas à convaincre le Tribunal que la méthode d’évaluation choisie est adéquate, encore moins qu’elle est la meilleure. De plus, l’intimé soutient que la plaignante ne s’est pas déchargée de son fardeau de prouver l’abus de pouvoir au sens de l’article 77 de la LEFP.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

41 La CFP a adopté la même argumentation que l’intimé en ce qui concerne le fardeau de preuve et, plus précisément, qu’il appartient à la plaignante.

D) Analyse

42 Dans la décision Tibbs, supra, le Tribunal a déterminé que la partie prétendant qu’il y a abus de pouvoir possède le fardeau de prouver ses allégations. Le Tribunal a noté aux paragraphes 49 et 50 que la règle générale de preuve en matière civile devrait être suivie :

[49] La règle générale devant les tribunaux civils et dans les audiences en matière d’arbitrage veut qu’il incombe à la partie qui fait une allégation de prouver celle-ci plutôt qu’à l’autre partie de la réfuter. (…)

[50] (…) S’il incombait à l’intimé de prouver qu’il n’y a pas eu abus de pouvoir, cela soulèverait une présomption d’abus de pouvoir dans toutes les nominations, ce qui, sans l’ombre d’un doute, n’était pas l’intention du législateur. La règle générale dans les causes civiles devrait être suivie et il incombe à la plaignante, dans les procédures intentées auprès du Tribunal, de faire la preuve de l’allégation d’abus de pouvoir.

(Nos italiques)

43 Dans deux autres décisions, soit la décision Portree c. Administrateur général de Service Canada et al., [2006] TDFP 0014, et la décision Aucoin c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada et al., [2006] TDFP 0012, le Tribunal a rappelé aux parties que le fardeau de preuve incombe au plaignant. Il ne suffit pas de déposer des allégations et d’argumenter que l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’application du principe du mérite. La plaignante doit fournir une preuve convaincante de l’abus de pouvoir qu’elle allègue.

44 Le Tribunal conclut donc que le fardeau de preuve repose sur la plaignante et qu’elle doit s’acquitter de ce fardeau si elle désire convaincre le Tribunal de faire droit à sa plainte.

Question III: Y a-t-il chose jugée quant à la communication du guide de cotation à la plaignante?

A) Argumentation de la plaignante

45 La plaignante soutient que sa demande relativement au guide de cotation est toujours pertinente et que l’accès à ce guide lui aurait permis de mieux comprendre le fonctionnement de l’évaluation aux étapes subséquentes pour les fins de sa plainte. Elle prétend aussi que le refus de l’intimé de lui fournir ces informations est une preuve de mauvaise foi.

B) Argumentation de l’intimé

46 L’intimé soutient que la question de la communication du guide de cotation a été réglée dans la décision préliminaire du Tribunal, qui a déterminé que ce guide n’était pas pertinent en l’espèce. L’intimé cite la décision Jolin c. L’Administratrice générale de Service Canada, [2006] TDFP 0006.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

47 La CFP soulève essentiellement les mêmes arguments que l’intimé.

D) Analyse

48 Le Tribunal a déjà tranché la question quant à la communication du guide de cotation dans la décision Jolin, supra. Le fardeau de démontrer la pertinence du guide de cotation repose sur la plaignante. La plaignante n’a pas soulevé de faits nouveaux ni présenté de preuve quant à la pertinence du guide de cotation. Elle n’a apporté aucune nouvelle précision pouvant mettre en lumière son allégation de mauvaise foi. Le Tribunal n’en traitera donc pas dans la présente décision, puisque cette question a déjà été décidée. Le principe de l’autorité de la chose jugée s’applique.

Question IV: L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir au sens de l’article 77 de la LEFP, en éliminant la plaignante à l’étape de l’exercice de simulation 810?

A) Argumentation de la plaignante

49 La plaignante soutient qu’un lien clair et précis doit exister entre les compétences évaluées par l’exercice de simulation 810 et les critères de mérite.

50 L’exercice de simulation 810 permet d’évaluer cinq compétences spécifiques de gestion soit, planifier, diriger, analyser, responsabiliser, organiser, ainsi que la capacité générale de gestion, nécessaires dans les postes au niveau supérieur de gestion.

51 La plaignante fait valoir que l’intimé a tout le pouvoir d’identifier les qualifications essentielles pour le processus, mais n’a pas identifié ces cinq compétences spécifiques, ni la capacité générale de gestion dans l’énoncé des critères de mérite.

52 La plaignante argumente que le lien à faire entre les compétences évaluées par l’exercice de simulation 810 n’est pas clair et que les seules compétences qui apparaissent clairement à l’énoncé des critères de mérite sont celles de « planifier et organiser ». Les trois autres compétences n’apparaissent pas, selon elle, à l’énoncé des critères de mérite.

53 Elle fait référence à un échange de courriels entre le CPP et l’agente en ressources humaines. Elle cite la réponse de M. Larose, de la CFP, en date du 18 janvier 2006, qui se lit comme suit :

L’Exercice « in-basket » évalue la capacité à gérer qui comprend les composantes suivantes : Planifier, Diriger, Analyser, Responsabiliser et Organiser. Votre énoncé des critères de mérite reflète assez bien ceci si on peut faire les liens suivants :

Planifier et organiser ----- Planifier et organiser

Susciter l’engagement ----- Diriger et responsabiliser

Réflexion stratégique et analytique ----- analyser

54 Enfin, la plaignante fait valoir que le comité de sélection aurait dû compléter son évaluation et lui permettre de démontrer ses compétences aux différentes étapes du processus de nomination. Elle argumente que l’intimé ne lui a pas donné l’opportunité de démontrer ses compétences et qu’il ne respecte pas l’esprit et les valeurs de la LEFP.

B) Argumentation de l’intimé

55 L’intimé fait valoir que le lien est évident entre le choix de l’exercice de simulation 810, la nature du poste et les qualifications essentielles pour le poste. Donc, le Tribunal devrait faire preuve de déférence quant au lien entre le libellé des qualifications établies pour le poste en l’espèce et les qualifications évaluées par cet exercice, sans compter que celui-ci est aussi censé évaluer la capacité générale de gestion.

56 L’intimé fait valoir que les méthodes d’évaluation ont été choisies dès le départ et ont été appliquées de manière constante et équitable à tous les candidats. L’intimé soutient notamment que la note de passage a été établie avant que les résultats de l’exercice de simulation 810 de la plaignante ou d’autres candidats soient connus. De plus, l’intimé ajoute que l’établissement de la note de passage à 16/25 n’a rien d’inhabituel.

57 L’intimé argumente que le fait d’exiger la réussite de l’exercice de simulation 810 équivaut à une exigence minimale dont la non-satisfaction entraîne la conclusion que la personne ne possède pas toutes les qualifications essentielles établies pour le poste au niveau requis. L’intimé aurait le pouvoir discrétionnaire d’exiger la réussite obligatoire d’une étape de l’évaluation même si certaines des qualifications essentielles seront évaluées plus en détail à une étape subséquente du processus. De plus, l’intimé aurait pu utiliser une approche différente pour l’évaluation des candidats.

58 L’intimé ne soutient pas que le Tribunal n’a pas compétence quant à l’évaluation d’un candidat donné. Toutefois, la plaignante n’allègue pas d’abus de pouvoir dans son évaluation, ni ne conteste son résultat à l’exercice de simulation 810.

59 Selon l’intimé, l’abus de pouvoir est synonyme de faute très grave et doit comporter un élément au caractère « outrageux, déraisonnable ou inacceptable ». Le fait d’exiger qu’une personne réussisseun exercice lié aux qualifications, à défaut de quoi elle ne pourra pas faire l’objet d’une proposition de nomination, n’a rien d’outrageux, de déraisonnable ou d’inacceptable.

60 L’intimé soutient que l’abus de pouvoir est une allégation sérieuse qu’il ne faut pas faire à la légère et cite la décision Portree, supra. La plaignante n’a soulevé aucun fait et a présenté encore moins de preuve qu’elle n’a pas fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir. Elle n’aurait fourni que des opinions personnelles au soutien de ses allégations. Aucun facteur tel le favoritisme personnel ou la mauvaise foi n’aurait influencé le comité de sélection.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

61 La CFP maintient que la notion d’abus de pouvoir ne devrait pas recevoir une interprétation aussi large qu’elle outrepasse le système de responsabilité dans la dotation, tel que mis en place par la LEFP. Le nouveau système de dotation interne ne laisserait aucun vide quant aux recours et par conséquent, éliminerait tout besoin d’une définition large du concept d’abus de pouvoir.

62 La CFP fait valoir que pour que le Tribunal puisse conclure à un abus de pouvoir, il doit y avoir des faits qualifiés d’outrageux, déraisonnables ou inacceptables. Une simple erreur ou omission ne suffit pas.

63 Finalement, la CFP soutient que la preuve doit être concrète et ne peut se baser sur de l’information ou des documents déjà identifiés comme non pertinents.

D) Analyse

64 Le Tribunal doit déterminer si l’intimé a commis un abus de pouvoir dans l’identification des compétences spécifiques et la capacité générale de gestion dans l’énoncé des critères de mérite, quant au choix et à l’utilisation des méthodes d’évaluation et quant au processus de nomination en plusieurs étapes.

65 La plaignante n’allègue pas la mauvaise foi ou le favoritisme personnel au sens du paragraphe 2(4) de la LEFP ou une mauvaise intention de l’intimé mais plutôt une mauvaise utilisation du pouvoir discrétionnaire de l’intimé, soit une mauvaise utilisation des méthodes d’évaluation.

66 L’abus de pouvoir n’est pas défini dans la LEFP. Toutefois, le Tribunal a traité de cette question en détail dans la décision Tibbs, supra. Le Tribunal y a donné en premier lieu une définition large de l’abus de pouvoir :

[59] (…) Une définition large de l’abus de pouvoir dans le contexte de la LEFP pourrait être, par conséquent, la mauvaise utilisation ou l’utilisation inappropriée du pouvoir discrétionnaire dans les processus de dotation. Cependant, cette définition est trop vague pour nous être particulièrement utile.

67 Par ailleurs, l’abus de pouvoir n’est pas une simple erreur ou omission, mais comprend toujours une conduite irrégulière, tel que décidé par le Tribunal dans la décision Tibbs, supra :

[66] (…) l’abus de pouvoir exige un acte répréhensible. Par conséquent, l’abus de pouvoir comprendra toujours une conduite irrégulière, mais la mesure dans laquelle la conduite est irrégulière peut déterminer si elle constitue un abus de pouvoir ou non.

68 La plaignante allègue, en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la LEFP, qu’elle n’a pas été nommée en raison d’un abus de pouvoir lorsque l’intimé a exercé son pouvoir en vertu du paragraphe 30(2).

69 Le Tribunal a référé à un cadre d’analyse dans la décision Tibbs, supra, cadre établi par les auteurs Jones et de Villars. Ces auteurs ont identifiés cinq catégories d’abus énoncés dans la jurisprudence. La première catégorie identifie une intention illégitime, alors que pour les quatre autres, il peut y avoir abus de pouvoir sans intention illégitime. Ces catégories ont été reprises par plusieurs cours de justices et tribunaux administratifs à travers le pays dont les décisions suivantes:

Tucci c. Canada (Revenu, Accise, Douanes et Impôt), [1997] A.C.F. No. 159 (QL) ; (1997) 126 F.T.R. 147 (Cour fédérale);

Shell Canada Ltée c. Canada (Procureur général), [1998] 3 C. F. 223 ; [1998] A.C.F. No. 369 (QL) (Cour fédérale);

Lakeland College Faculty Assn. v. Lakeland College; [1998] A.J. No. 741 [1998] ABCA 221 (Cour d’appel de l’Alberta);

Nova Scotia (Human Rights Commission) v. Annapolis (County), [2005] N.S.J. No. 469 (QL) ; [2005] NSSC 310 (Cour suprême de la Nouvelle-Écosse);

Delivery Drugs Ltd. (c.o.b. Gastown Pharmacy) v. British Columbia (Deputy Minister of Health), [2006] B.C.J. No. 893 (QL) (Cour suprême de la Colombie-Britannique);

Allad et le Conseil du Trésor (Transports Canada), [1995] C.R.T.F.P.C. No. 27 (QL); (1995) 27 CRTFP 8.

70 Par conséquent, tel qu’indiquées dans Tibbs, supra, ces catégories sont bien établies et reflètent la jurisprudence sur la question :

70 (…) Jones et de Villars, supra, ont dégagé cinq catégories d’abus énoncés dans la jurisprudence. Comme le font remarquer ces savants auteurs à la page 171, ces mêmes principes généraux de droit administratif s’appliquent à toutes les formes de décisions discrétionnaires administratives. Les cinq catégories d’abus sont les suivantes :

1. Lorsqu’un délégué exerce son pouvoir discrétionnaire dans une intention illégitime (incluant dans un but non autorisé, de mauvaise foi ou en tenant compte de considérations non pertinentes).

2. Lorsqu’un délégué se fonde sur des éléments insuffisants (incluant lorsqu'il ne dispose d'aucun élément de preuve ou qu'il ne tient pas compte d'éléments pertinents).

3. Lorsque le résultat est inéquitable (incluant lorsque des mesures déraisonnables, discriminatoires ou rétroactives ont été prises).

4. Lorsque le délégué commet une erreur de droit dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire.

5. Lorsqu’un délégué refuse d'exercer son pouvoir discrétionnaire en adoptant une politique qui entrave sa capacité d'examiner des cas individuels avec un esprit ouvert.

71 Les éléments de l’abus de pouvoir et les catégories d’abus permettent au Tribunal d’examiner les arguments avancés par les parties.

1. Identification des compétences spécifiques et capacité générale de gestion dans l’énoncé des critères de mérite :

72 La plaignante tente de convaincre le Tribunal que l’intimé se serait fondé sur des éléments insuffisants, soit le 2e type d’abus, en n’identifiant pas clairement les cinq compétences spécifiques (planifier, diriger, analyser, responsabiliser, organiser) et la capacité générale de gestion dans l’énoncé des critères de mérite. Toutefois, une lecture de l’énoncé des critères de mérite révèle plutôt que les compétences spécifiques et la capacité générale de gestion y apparaissent bel et bien :

Qualifications essentielles

(…)

Expérience récente et significative à planifier et diriger des équipes, initiatives, programmes ou projets d’envergure (nationale/régionale) multi-disciplinaires dans le domaine des ressources humaines.

Expérience significative de gestion de ressources humaines et financières.

Expérience en planification stratégique et du développement de cadres et plans de travail opérationnels.

Expérience significative de la prestation d’avis et de recommendations (sic) aux cadres supérieurs sur des politiques en ressources humaines, des programmes et autres questions complexes.

Connaissance des tendances actuelles, des politiques et des pratiques en ressources humaines.

Connaissance de l’organisation et des priorités opérationnelles de Service Canada.

Évaluer et améliorer le service.

Planifier et organiser.

Susciter l’engagement.

Réflexion stratégique etanalytique.

(…)

(Nos italiques)

73 Outre le terme « responsabiliser », toutes les autres compétences sont clairement indiquées. Bienque le terme « responsabiliser » n’apparaisse pas tel quel, le Tribunal n’a aucune raison de douter de l’expertise du CPP qui estime que la qualification essentielle « susciter l’engagement » correspond aux composantes « diriger et responsabiliser ».

74 Le Tribunal ne peut conclure que cette association entre la qualification essentielle et les composantes de l’exercice de simulation relèvent d’une conduite irrégulière équivalant à un abus de pouvoir. Comme le Tribunal l’a indiqué dans la décision Tibbs, supra, le Tribunal interviendra seulement dans des cas d’erreur ou omission graves ou lorsqu’il y a conduite irrégulière constituant un abus de pouvoir.

75 Le Tribunal conclut que l’intimé s’est fondé sur des éléments suffisants et a clairement identifié les cinq compétences spécifiques et la capacité générale de gestion dans l’énoncé des critères de mérite.

2. Lien entre les compétences évaluées par l’exercice de simulation 810 et l’énoncé des critères de mérite :

76 Le Tribunal comprend de l’argumentation de la plaignante que son élimination du processus de nomination représente pour elle un résultat inéquitable compte tenu du choix de l’exercice de simulation, qui serait en soi une mesure déraisonnable, soit le 3e type d’abus.

77 L’article 36 de la LEFP prévoit que l’administrateur général peut avoir recours à toute méthode d’évaluation indiquée dans un processus de nomination interne. Pour que le Tribunal considère qu’il y ait abus de pouvoir dans le choix des méthodes d’évaluation, la plaignante doit démontrer que le résultat est inéquitable et que les méthodes d’évaluation sont déraisonnables et ne peuvent évaluer les qualifications prévues à l’énoncé des critères de mérite, qui n’ont aucun lien avec ceux-ci ou qu’elles sont discriminatoires.

78 Il apparaît au Tribunal que le lien est clair entre l’énoncé des critères de mérite et l’exercice de simulation 810. L’énoncé des critères de mérite vise un poste de gestionnaire de projets nationaux en ressources humaines. Quant à l’exercice de simulation 810, les documents du site web de la CFP, que l’intimé a fait parvenir au Tribunal, démontrent que cet exercice vise à évaluer « des aspects importants d’un poste comportant des fonctions de gestion ». Les documents au dossier démontrent la pertinence de l’exercice de simulation 810.

79 Par ailleurs, durant la préparation de l’énoncé des critères de mérite, une agente en ressources humaines de l’intimé a communiqué avec la CFP afin de recueillir des informations sur l’exercice de simulation 810. L’énoncé des critères de mérite a été révisé par la CFP afin de déterminer si l’exercice de simulation 810 pouvait être utilisé, ce que la CFP a conclu. La CFP a même suggéré la note de passage. L’intimé s’est donc basé sur l’expertise de la CFP avant de choisir l’exercice de simulation 810. Cette façon de procéder peut difficilement être qualifiée d’erreur, omission grave ou conduite irrégulière qui constituerait un abus de pouvoir. Elle relève plutôt d’une conduite avertie.

80 Le Tribunal conclut que le choix de l’exercice de simulation 810 n’a pas conduit à un résultat inéquitable pour la plaignante et n’est pas teinté d’abus de pouvoir.

3. Utilisation de la méthode d’évaluation « exercice de simulation 810 » :

81 Selon la plaignante, son élimination du processus de nomination serait inéquitable compte tenu de l’utilisation de l’exercice de simulation, qui aurait été appliqué de façon déraisonnable, soit le 3e type d’abus.

82 Tous les candidats, sans exception, ont été assujettis à l’exercice de simulation 810 et tous les candidats devaient obtenir la note de passage afin de poursuivre à la prochaine étape de l’évaluation. D’ailleurs, une agente en ressources humaines a indiqué dans son courriel du 6 mars 2006, invitant la plaignante à participer à l’exercice de simulation 810, ce qui suit :

(…)

Veuillez noter que la note de passage est établie à 16/25 pour ce processus. Seuls les candidats qui obtiendront cette note de passage passeront à la prochaine étape du processus.

(…)

83 La note de passage a été établie avant l’administration de l’exercice de simulation 810. De plus, le comité de sélection a fait une erreur quant à la note de passage qui devait initialement être de 17,5/25, soit 70 % et qui, finalement, a été de 16/25, soit 64 %. Cette erreur a avantagé tous les candidats qui ont dû réussir l’exercice selon une note de passage plus basse que prévue. Malgré cette erreur, le comité de sélection a tout de même respectéla note de passage par souci d’équité envers les candidats.

84 L’intimé a traité tous les candidats de la même façon dans son utilisation de l’exercice de simulation 810. Il n’y a aucune irrégularité sur laquelle le Tribunal peut se pencher. En fait, la seule erreur faite par l’intimé, soit la note de passage de 16/25 au lieu de 17,5/25, a avantagé tous les candidats et a été appliquée à tous.

85 Le Tribunal conclut que l’utilisation de l’exercice de simulation 810 n’a pas conduit à un résultat inéquitable pour la plaignante et n’est pas teinté d’abus de pouvoir.

4. Étapes subséquentes du processus de nomination :

86 La plaignante argumente que son élimination du processus de nomination représente pour elle un résultat inéquitable compte tenu qu’elle n’a pas pu procéder aux étapes subséquentes de processus, qui serait en soi des mesures déraisonnables, soit le 3e type d’abus.

87 Tous les candidats ont été assujettis aux mêmes étapes du processus de nomination. Ils ont tous été traités de la même façon. De plus, la plaignante avait été avertie que seuls les candidats qui obtiendraient la note de passage passeraient à la prochaine étape du processus. Cette façon de procéder a été appliquée aux autres candidats dont les cinq autres candidats qui ont été éliminés.

88 L’intimé peut procéder à une évaluation en plusieurs étapes. Le fait d’exiger la réussite d’une étape de l’évaluation n’entraîne pas nécessairement un abus de pouvoir. En l’espèce, cette façon de procéder n’a rien d’irrégulier.

89 Le Tribunal conclut que l’évaluation en plusieurs étapes des candidats n’a pas conduit à un résultat inéquitable pour la plaignante et n’est pas teintée d’abus de pouvoir.

Décision

90 Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.

Francine Cabana

Membre

Parties au dossier

Dossiers du Tribunal:
2006-0068
Intitulé de la cause:
Chantal Jolin et L'Administrateur général de Service Canada, au sein du ministère des Ressources humaines et du Développement social et al.
Audience:
Audience sur dossier
Date des motifs:
Le 27 mars 2007
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