Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a porté plainte en vertu de l’article 190 de la Loi pour pratiques déloyales de la part de l’employeur, au sens des paragraphes 186(1) et (2) - la plaignante alléguait que l’employeur avait modifié ses conditions de travail pour des motifs de discrimination - des employées avaient porté plainte contre la plaignante en alléguant du harcèlement - l’employeur a modifié les conditions de travail de la plaignante pour qu’elle ne travaille plus avec les employées qui avaient porté plainte, conformément à sa politique sur le harcèlement - après enquête, l’employeur a déterminé que les plaintes de harcèlement des employées n’étaient pas fondées - l’employeur n’a pas rétabli immédiatement la plaignante dans ses anciennes fonctions - la plaignante a également déposé des griefs fondés sur les mêmes faits que ceux de la plainte - il n’y avait aucune preuve que l’employeur avait agi pour l’un des motifs énoncés aux paragraphes 186(1) ou (2) de la Loi - la Commission a jugé que les allégations de la plaignante ne pouvaient fonder une plainte au sens de l’article 190 de la Loi - la plainte a donc été rejetée. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Date: 20070910

Dossier: 561-02-87

 

Référence: 2007 CRTFP 95

Loi sur les relations de travail

dans la fonction publique

Devant la Commission des relations

de travail dans la fonction publique

ENTRE

 

CAROLE LAPLANTE

plaignante

 

et

 

CONSEIL DU TRÉSOR

(Industrie Canada et le Centre de recherches sur les communications)

 

défendeur

 

Répertorié

Laplante c. Conseil du Trésor (Industrie Canada et le Centre de recherches sur les communications)

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Devant : Léo-Paul Guindon, commissaire

Pour la plaignante : Elle-même

Pour le défendeur : Karl G. Chemsi, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),

les 20 et 21 novembre 2006.


MOTIFS DE DÉCISION

I. Plainte devant la Commission

[1] Carole Laplante (la « plaignante ») était la gestionnaire de la bibliothèque du Centre de recherches sur les communications (CRC) d’Industrie Canada (IC) lorsqu’elle a déposé une plainte le 14 septembre 2005 auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »). Sa plainte est basée sur l’alinéa 190(1)g) de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C., 2003, ch. 22 (la « nouvelle Loi »), qui est se lit comme suit :

190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[...]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

[...]

 

[2] Les « pratiques déloyales » sont définies comme suit dans la nouvelle Loi :

SECTION 12

PRATIQUES DÉLOYALES

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

[...]

 

[3] Le paragraphe 191(3) de la nouvelle Loi détermine comme suit la charge de la preuve :

191. [...]

[...]

(3) La présentation par écrit, au titre du paragraphe 190(1), de toute plainte faisant état d’une contravention, par l’employeur ou la personne agissant pour son compte, du paragraphe 186(2), constitue une preuve de la contravention; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.

[...]

 

[4] La plainte a été déposée auprès du directeur général de la Commission dans une lettre datée du 14 septembre 2005 dont les détails sont exposés ci-dessous :

[...]

Je dépose les plaintes ci-jointes et je les mets en suspens en attendant le résultat de griefs, dont les allégations ont jusqu’à maintenant été traitées de façon plutôt sommaire. Cette plainte porte sur le rôle de la gestion d’Industrie Canada (I.C.) et de celle de son Centre de recherches sur les communications (CRC) dans le même conflit que celui qui a donné lieu aux plaintes 561-02-38, 62 et 63 contre le syndicat (AFPC), déjà soumises à la CRTFP.

 

Je demande que toutes mes allégation soient retenues, en considération des délais excessifs de traitement des plaintes initiales dont toutes les allégations ont été trouvées non fondées, du peu de support que j’ai eu pendant ce conflit (tant du syndicat que de la gestion), d’un congé de maladie prolongé, des plaintes et griefs que j’ai déposés dans les délais prévus, et de l’attitude irresponsable de la gestion dans ce dossier. L’escalade de ce conflit aurait pu être évitée s’il y avait eu une analyse préliminaire de trois plaintes de harcèlement en septembre 2003, pour vérifier que les allégations s’appuyaient sur des faits et qu’elles rencontraient la définition du harcèlement.

 

Les griefs concernent les actions ou omissions de représentants de la gestion: Veena Rawat, (Présidente par intérim du CRC), Richard Lachapelle (alors Directeur par intérim des ressources humaines du CRC), Carol Brooks (ex-Directrice des R.H./CRC), Mme Cathy Downes (Directrice générale des R.H. à Industrie Canada (I.C.), Nicole Cusson (ex-Directrice des relations de travail/I.C.), et Richard Momy (Directeur, Relations syndicales-patronales). Certains ne sont plus à l’emploi d’I.C., mais le ministère est toutefois responsable de leurs actes.

 

Les documents ci-joints contiennent une version refondue de tous mes griefs [...].

 

[...]

 

Délais

déraisonnables

Le 5 août 2005, j’ai reçu les rapports d’enquêtes sur trois plaintes de harcèlement contre moi déposées 26 mois auparavant, en mai 2003. Les délais prévus par la politique d’I.C. pour de telles enquêtes sont de 60 jours, et ceux du Conseil du Trésor sont de 90 jours.

 

 

Droits de la

personne

Ces rapports m’exonèrent d’une quinzaine d’allégations. D’importantes dépenses de fonds publics et les conséquences néfastes de ces plaintes auraient pu être évitées si Mme Downes avait, comme elle se doit, vérifié qu’il y avait assez d’évidences pour ouvrir des enquêtes. Les plaintes contenaient entre autres des allégations sur ma santé. En les acceptant, Mme Downes a enfreint mon droit à ne pas être discriminée pour des déficiences.

 

 

Équité

procédurale

Mes demandes répétées pour les analyses préliminaires de ces plaintes ont été ignorées jusqu’au 9 mars 2005, quand on m’a finalement confirmé qu’il n’y en a pas eu. Mme Downes savait ou aurait dû savoir qu’elles étaient nécessaires puisque moins de trois mois avant le dépôt des plaintes contre moi, le ministère avait été blâmé par un juge de la Cour fédérale dans une affaire semblable.

 

 

Grossière

négligence

LMFP

 

Une première série d’enquêtes a avorté après le dépôt des rapports préliminaires, en juillet 2004. Mme Downes n’a pas saisi l’occasion de revoir sa décision pour éviter plus de délais et de conséquences fâcheuses, dans l’esprit de la Loi sur la Modernisation de la fonction publique qu’elle est chargés d’appliquer. En raison des plaintes contre moi, j’ai été relocalisée et retirée de toutes mes fonctions à mon retour d’un congé de maladie prolongé en novembre 2004. Je n'ai pas été consultée avant cette décision.

 

 

Équité

procédurale

Abus de pouvoir

 

Quelques semaines auparavant, M. Lachapelle m’avait communiqué une offre de mutation et s’était engagé à revoir le niveau du poste et à annoncer cette assignation de façon positive. J’ai préféré conserver mon poste. La gestion du CRC et d’I.C. m’a alors retirée de toutes mes fonctions et m’a imposé les fonctions de son offre le 17 novembre 2004. Ces fonctions sont d’un niveau plus stratégique que mon poste d’attache. La gestion n’a pas tenu compte de ma capacité à rencontrer un tel défi dans les 4-6 mois suivants, sans budget ni assistance, tout en me défendant contre des plaintes abusives et en essayant de me relever d’une dépression. Elle n’a considéré que les intérêts des plaignantes qui demandaient la séparation physique et hiérarchique. J’ai informé Mme Rawat et M. Richard Lachapelle que la Cour fédérale avait déjà statué qu’il était raisonnable qu’une personne dans ma situation puisse exercer ses fonctions qui n’exigent aucun contact avec les plaignant(e)s. Mme Rawat n’a pas voulu reconsidérer sa décision, même si elle compromet le respect dont j’ai droit de mes employés.

 

 

LRTFP 186(2):

Mauvaise foi

Droits de la

personne

(déficience)

Équité

procédurale

Droits de la

personne

(déficience)

Mme Veena Rawat appuyait cette décision sur une entente avec Mme Cusson et Mme Downes, et sur la politique contre le harcèlement du C.T. Elles soutenaient qu’il n’avait jusqu’alors pas été nécessaire de me séparer des plaignante, parce que j’étais en congé de maladie prolongé et que mon absence n’avait eu que peu d’incidence sur le service dont je suis responsable. Cela me semble de la discrimination basée sur la déficience. De plus, le 17 novembre 2004, Mme Rawat m’a répété à plusieurs reprises qu’à ma place, elle respecterait l’entente conclue avec les R.H./I.C.

 

 

LRTFP 186(2):

Intimidation

mauvaise foi

LRTFP 186(2):

Mauvaise foi et

dommages à ma

dignité et à ma

réputation

La gestion du CRC et d’I.C. n’a pas tenté de minimiser l’impact de mon retrait de fonctions après mon retour au travail. Elle aurait dû savoir que cette décision pouvait nuire à ma réputation puisque je suis responsable d’un service aux chercheurs. Mme Rawat a mis deux mois avant d’informer ceux-ci de mon ''assignation temporaire''. Il y a eu toute une polémique à la suite de l’arrêt d’un de mes services et j’ai fait face à des plaintes, à des demandes d’information que la gestion ne me permettait plus de traiter et à d’autres questions embarrassantes. Je soumettrai les évidences lors d’une audition.

 

Après que j’ai été exonérée de toutes allégations présentées contre moi, Mme Rawat a refusé, sans me consulter, de me réinstaller dans mes fonctions qui n’exigent aucun contact avec les plaignantes (p.e. gestion du budget, planification du service, contacts avec les clients). Cela est contraire à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.

 

 

LEFP 51(6)b)

Conflits d’intérêts

Le 26 juillet 2005, j’ai demandé aux R.H./I.C. de s’assurer que le suivi sur tous ces rapports d’enquêtes serait confié à une personne impartiale. Cela m’a jusqu’à maintenant été refusé. Mme Rawat et Mme Downes sont très impliquées dans ce dossier, soit en supervisant directement les plaignantes initiales, soit en prenant des décisions qui ont fait l’objet de plaintes. Elles prévoient toujours décider de la manière de résoudre ce conflit, malgré l’apparence de conflit d’intérêts.

 

 

Équité procédurale

J’ai déposé une plainte de harcèlement contre Mme Rawat le 12 décembre 2004, qui a été rejetée par Mme Downes le 1 février 2005, sans tenir compte de la plupart de mes arguments. J’ai aussi demandé au chargé de dossier au ministère de la justice d’intégrer mes plaintes de harcèlement contre les trois plaignantes à leurs enquêtes en cours. Mme Downes a reçu une copie de cette demande, mais les plaintes ont été traitées séparément.

 

 

Équité procédurale

Le 2 et 8 janvier 2004, les R.H. du CRC m’ont convaincu de ne pas porter plainte même si je me sentais harcelée par des procédures abusives, car on m’a assurait que mon point de vue serait considéré pendant les enquêtes. Les rapports préliminaires de la première enquête n’en faisaient pas de cas. J’ai donc déposé des plaintes contre les plaignantes en novembre 2004 pour assurer l’équité procédurale. Les conclusions de ces enquêtes devraient être disponibles dans quelques semaines.

 

Mauvaise foi

Le 24 mars 2005, j’ai fait une demande sous la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements personnels pour soutenir ma défense au cours des enquêtes de harcèlement alors en cours. Je n’ai eu les documents que le 8 septembre 2005, alors qu’ils ne m’étaient plus utiles à cette fin. Dans le contexte de toute cette affaire, cela me semble de la mauvaise foi.

 

 

Abus de pouvoir:

droits fondamentaux

Dès le début du conflit, et pendant des mois, les R.H./CRC savaient que je ne connaissais pas les allégations et les faits avancés contre moi. J’en ai informé Mme Lyse Bossy le 28 mai, le 3 et 4 juin 2003 et M. Richard Lachapelle le 29 mai et le 4 juin 2003, mais ils ne me les ont pas procurés pour me permettre de préparer une défense. Selon eux, c’était ''business as usual'' puisqu’il n’y avait pas de plaintes formelles.

 

 

LRTFP 186(1)a)

Ingérence dans

les affaires

syndicales

Au cours des enquêtes de harcèlement, j’ai appris que les ressources humaines du CRC ont proposé aux représentants locaux de l’AFPC de remplacer des griefs d’abus d’autorité par des plaintes de harcèlement et de mettre ces griefs en attente pour inciter à la médiation. J’avais pourtant déjà accepté la médiation devant témoins peu de jours avant le dépôt des griefs. Cette intervention est de l’ingérence dans les affaires syndicales. Mme Downes a accepté de mettre ces griefs en suspens même si la politique du Conseil du Trésor contre le harcèlement n’admet qu’une seule procédure.

 

 

Politiques du C.T.

J’ai été très affectée par le manque de support et le caractère abusif, injuste et inéquitable de ce conflit. Pour bien en comprendre l’impact, il faut aussi considérer le rôle du syndicat (AFPC) dans cette affaire. J’ai été en congé de maladie certifié pendant 37 semaines et je suis toujours en traitement pour m’aider à gérer l’anxiété et la dépression causés par ce conflit. Un traitement aussi inconsidéré a affecté ma confiance en moi et en la gestion.

 

 

Il m’est difficile de considérer retourner travailler avec des individus qui me trouvent trop exigeante et ne veulent pas travailler avec. Après plus de 26 ans comme gestionnaire dans le fonction publique fédérale, je me sens privée de pouvoir finir ma carrière dans un service aux clients qui me plaît, dans le respect que la qualité de ma réputation de mes services auraient dû m’assurer.

 

 

J’ose encore espérer que chaque opportunité d’envoyer un message clair sur le sérieux de la LMFP et de la nouvelle LRTFP permettra d’amener un changement de culture organisationnelle vraiment basée sur le respect.

[...]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[5] Dans les détails de sa plainte, la plaignante dénonce les pratiques déloyales de l’employeur et fait référence aux paragraphes 186(1) et 186(2) de la nouvelle Loi ainsi qu’à l’alinéa 51(6)b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. Ces dispositions sont rédigées comme suit :

[nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique]

186. (1) Il est interdit à l’employeur et au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, qu’il agisse ou non pour le compte de l’employeur :

a) de participer à la formation ou à l’administration d’une organisation syndicale ou d’intervenir dans l’une ou l’autre ou dans la représentation des fonctionnaires par celle-ci;

b) de faire des distinctions illicites à l’égard de toute organisation syndicale.

 

(2) Il est interdit à l’employeur, à la personne qui agit pour le compte de celui-ci et au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, que ce dernier agisse ou non pour le compte de l’employeur :

a) de refuser d’employer ou de continuer à employer une personne donnée, ou encore de la suspendre, de la mettre en disponibilité, ou de faire à son égard des distinctions illicites en matière d’emploi, de salaire ou d’autres conditions d’emploi, de l’intimider, de la menacer ou de prendre d’autres mesures disciplinaires à son égard pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

(i) elle adhère à une organisation syndicale ou en est un dirigeant ou représentant — ou se propose de le faire ou de le devenir, ou incite une autre personne à le faire ou à le devenir —, ou contribue à la formation, la promotion ou l’administration d’une telle organisation,

(ii) elle a participé, à titre de témoin ou autrement, à toute procédure prévue par la présente partie ou la partie 2, ou pourrait le faire,

(iii) elle a soit présenté une demande ou déposé une plainte sous le régime de la présente partie, soit déposé un grief sous le régime de la partie 2,

(iv) elle a exercé tout droit prévu par la présente partie ou la partie 2;

b) d’imposer — ou de proposer d’imposer —, à l’occasion d’une nomination ou relativement aux conditions d’emploi, une condition visant à empêcher le fonctionnaire ou la personne cherchant un emploi d’adhérer à une organisation syndicale ou d’exercer tout droit que lui accorde la présente partie ou la partie 2;

c) de chercher, notamment par intimidation, par menace de congédiement ou par l’imposition de sanctions pécuniaires ou autres, à obliger une personne soit à s’abstenir ou à cesser d’adhérer à une organisation syndicale ou d’occuper un poste de dirigeant ou de représentant syndical, soit à s’abstenir :

(i) de participer, à titre de témoin ou autrement, à une procédure prévue par la présente partie ou la partie 2,

(ii) de révéler des renseignements qu’elle peut être requise de communiquer dans le cadre d’une procédure prévue par la présente partie ou la partie 2,

(iii) de présenter une demande ou de déposer une plainte sous le régime de la présente partie ou de déposer un grief sous le régime de la partie 2.

[...]

[Loi sur l’emploi dans la fonction publique]

[...]

51. [...]

[...]

(6) La mutation ne peut s’effectuer sans le consentement de la personne en cause, sauf dans les cas suivants :

 

[...]

b) l’administrateur général dont elle relève conclut après enquête qu’elle a harcelé une autre personne dans l’exercice de ses fonctions et la mutation se fait au sein de la même administration.

[...]

 

[6] La plaignante a joint à sa plainte de la correspondance relative aux éléments suivants :

a) aux plaintes de harcèlement déposées par trois employées de la bibliothèque contre la plaignante à l’automne 2003;

 

b) à la plainte de harcèlement déposée par la plaignante contre Veena Rawat, présidente du CRC, à la suite des enquêtes de harcèlement;

 

c) à l’absence de rapport d’enquête préliminaire lors du dépôt des plaintes de harcèlement des employées;

 

d) aux deux griefs déposés par la plaignante les 15 et 31 mars 2005 contre Cathy Downes, directrice générale des ressources humaines à Industrie Canada;

 

e) à une allégation de conflit d’intérêt de Mme Rawat et Mme Downes dans le suivi sur les recommandations des rapports d’enquête sur les plaintes de harcèlement de septembre 2003;

 

f) à sa demande de joindre sa plainte de harcèlement contre les employées à celles des employées;

 

g) un exposé de griefs complémentaires relativement à des actions ou omissions de représentants de la gestion. Cet exposé reprend en grande partie le libellé du document annexé énonçant les détails de sa plainte déposée à la Commission le 14 septembre 2005.

 

[7] L’employeur a soulevé une objection préliminaire relativement à la compétence de la Commission sur la plainte déposée par la plaignante. Des représentations sur cette question ont été soumises par les parties sur la base des allégations précisées dans la plainte et les documents qui y sont annexés. La plaignante a soumis d’autres allégations de faits lors de ses représentations verbales ou écrites. Aucune preuve n’a été effectuée par les parties sur ces allégations de faits. En conséquence, aucune conclusion sur la véracité ou l’exactitude de ces faits ne sera rendue dans la présente décision.

II. Résumé de la preuve et de l’argumentation

A. Objection préliminaire sur la compétence

[8] Au début de l’audience, le 20 novembre 2006, l’avocat de l’employeur (le « défendeur ») a soulevé une objection préliminaire quant à la compétence de la Commission pour traiter la plainte de la plaignante fondée sur l’article 190 de la nouvelle Loi. Le défendeur a déclaré que les allégations précisées dans la plainte et les incidents menant à la plainte ne peuvent être rattachés aux situations pouvant faire l’objet d’une plainte en vertu de l’article 186 de la nouvelle Loi.

[9] Relativement à l’allégation d’ingérence dans les affaires syndicales fondée sur l’alinéa 186(1)a) de la nouvelle Loi, le défendeur a soumis que la plaignante ne peut pas déposer une plainte à cet égard. Les interdictions prévues à la nouvelle Loi relativement à l’ingérence dans les affaires syndicales ont été établies par le législateur pour protéger les organisations syndicales et non les fonctionnaires à titre particulier. Seule l’organisation syndicale peut se plaindre que l’employeur se serait ingéré dans les affaires syndicales lorsqu’il aurait proposé au représentant de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) de remplacer les griefs d’abus d’autorité par des plaintes de harcèlement.

[10] Les décisions sur cette question, rendues en vertu des articles 8 et 9 de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C., (1985), ch. P‑35 (l’« ancienne Loi »), précisent ce principe. Ces décisions s’appliquent à la présente plainte, les interdictions précisées dans les articles 8 et 9 de l’ancienne Loi étant identiques à celles précisées dans le paragraphe 186(1) de la nouvelle Loi. Les décisions suivantes ont été citées par l’employeur : Reekie c. Thomson, dossier de la CRTFP 161-02-855 (19981222); Buchanan c. Service correctionnel du Canada, 2001 CRTFP 128; et Feldsted et al. c. Conseil du Trésor et Service correctionnel du Canada, dossiers de la CRTFP 161‑02-944, 947 et 954 (19990429).

[11] Les autres incidents énoncés dans la plainte de la plaignante ne peuvent être reliés à aucune des circonstances précisées au paragraphe 186(2) de la nouvelle Loi qui énumère les actions de l’employeur qui lui sont interdites et qui constituent des pratiques déloyales. L’énumération explicite des alinéas a), b) et c) du paragraphe 186(2) de la nouvelle Loi couvre l’ensemble des circonstances qui peuvent fonder une plainte de pratique déloyale.

[12] En l’absence d’allégation spécifique de la plaignante indiquant quelle interdiction précisée dans la nouvelle Loi aurait été violée par le défendeur, le défendeur ne peut présenter une défense.

[13] Le défendeur a compris, à la lecture de la plainte, que l’élément déclencheur est la plainte de harcèlement déposée contre la plaignante en mai 2003 par trois employées de la bibliothèque du CRC.

[14] À la suite de cette plainte, la plaignante s’est absentée, pour raison de maladie, jusqu’à l’automne 2004. À son retour au travail, la plaignante a déposé une plainte de harcèlement contre les trois employées de la bibliothèque. Conformément à la politique sur le harcèlement, le défendeur a fait en sorte que les trois employées ne travaillent pas avec la plaignante pour la durée de l’enquête. Le défendeur a assigné des tâches particulières à la bibliothèque à la plaignante qui ne sont pas effectuées avec les trois employées.

[15] Il semble que la plaignante n’était pas satisfaite des conditions de son retour au travail et elle a déposé des plaintes et des griefs contre les gestionnaires qui sont intervenus dans son dossier.

[16] Toutes les plaintes de harcèlement ont été déclarées non fondées en 2005 à la suite des enquêtes menées. La plaignante semble insatisfaite de ces résultats.

[17] Aucune de ces circonstances n’est reliée aux interdictions précisées aux alinéas a), b) ou c) du paragraphe 186(2) et qui sont rattachées à l’adhésion ou une participation de la plaignante à une organisation syndicale. Aucune allégation de la plainte n’est reliée à la violation, par l’employeur, des interdictions à la suite de la participation de la plaignante à une procédure visée par la partie 1 ou 2 de la nouvelle Loi. Les actions reprochées à l’employeur ne peuvent pas avoir été motivées par le dépôt des griefs par la plaignante car les griefs ont été déposés simultanément à la plainte.

[18] Les griefs déposés par la plaignante contestent les mêmes événements que ceux à la base de sa plainte. En conséquence, la Commission devrait mettre en application le paragraphe 191(2) de la nouvelle Loi qui précise :

[...]

2. La Commission peut refuser de statuer sur la plainte si elle estime que le plaignant pourrait renvoyer l’affaire à l’arbitrage sous le régime de la partie 2.

[...]

 

[19] Selon le défendeur, la plaignante doit circonscrire sa plainte de façon à permettre au défendeur d’assumer sa défense.

B. Réplique de la plaignante

[20] La plaignante a soumis que le législateur voulait inclure dans la nouvelle Loi tous les recours en cas de conflits reliés au travail. Ainsi, l’alinéa 186(1)a) devrait recevoir application, la plaignante n’ayant pas reçu de soutien du syndicat ou de l’employeur lors des circonstances précisées dans la plainte. Selon la plaignante, sa plainte doit être considérée par la Commission, même si elle n’est pas déposée par un syndicat, la nouvelle Loi présentant un régime complet de résolution des litiges reliés au travail.

[21] Selon la plaignante, sa plainte est en relation avec une situation de harcèlement personnel qui n’est pas couverte par la convention collective. Une telle plainte est couverte par le sous-alinéa 186(2)a)(iii) de la nouvelle Loi, les éléments de la plainte découlant des plaintes de harcèlement déposées par trois employées de la bibliothèque contre la plaignante et des plaintes de harcèlement déposées par la plaignante contre ces employées.

[22] Selon la plaignante, les faits et les circonstances sont clairement décrits dans la plainte et le défendeur en a été préalablement informé par diverses correspondances. La plaignante a établi la chronologie des événements lors de l’audience, précisant que tout le dossier met en valeur les insatisfactions des trois employées de la bibliothèque relativement à certaines de ses décisions à leur endroit. Ces insatisfactions ont été communiquées au superviseur de la plaignante le 23 mai 2003.

[23] Malgré les demandes de la plaignante, le superviseur n’a pas voulu lui préciser les allégations des employées, lui recommandant de régler ça avec elles. La plaignante a mis fin à une rencontre à ce sujet avec les employées, en présence d’un représentant syndical, une possibilité de harcèlement ayant été soulevée. Des rencontres ont été tenues entre l’employeur et la plaignante les 10 et 11 juin 2003. La plaignante a été informée des reproches que les employées avaient soumis et on lui a demandé de donner sa version des faits. L’employeur a conclu, le 5 août 2003, à l’existence d’un conflit qui n’est pas du harcèlement.

[24] Des griefs de harcèlement pour abus d’autorité ont été déposés contre la plaignante par les employées le 8 août 2003. À la fin du mois d'août, les griefs des employées ont été transformés en plaintes de harcèlement par le représentant de l'AFPC à la suite de la recommendation du représentant des ressources humaines de l'employeur. Ces procédures contre la plaignante ont eu un impact sur sa santé et elle a été en congé de maladie du 16 août au 10 septembre 2003. Son absence s’est poursuivie mais s’est changée en une absence en congé annuel jusqu’au 5 octobre 2003. La plaignante a pris connaissance des plaintes de harcèlement à la fin du mois d’août 2003.

[25] À son retour du congé de maladie, la plaignante a été retirée de toutes ses fonctions à la bibliothèque et a été désignée à des projets spéciaux en gestion de l’information dans un autre immeuble. Cette mutation s’est faite sans consultation et sans le consentement de la plaignante. Les employées de la bibliothèque ont été transférées dans d’autres services.

[26] La plaignante a déposé une plainte contre Mme Rawat le 15 décembre 2004 contestant la décision de la retirer de ses fonctions à la bibliothèque à la suite des plaintes de harcèlement déposées par les employées. Cette plainte a été rejetée sommairement, l’employeur ayant soumis que cette décision est conforme à la politique sur le harcèlement.

[27] Selon la plaignante, l’employeur n’a pas procédé à une analyse préalable des plaintes des employées avant la tenue de l’enquête qui a été confiée à Mme Piette. Pour s’assurer que sa version des faits soit considérée, la plaignante a déposé une plainte de harcèlement contre les employées. Elle a demandé qu’on procède à l’enquête sur cette plainte en même temps que celle sur les plaintes des employées, ce que l’employeur a refusé.

[28] Un rapport sur les plaintes des employées a été soumis le 8 août 2004 et les plaintes ont été rejetées en novembre 2004. Un rapport a été déposé en novembre 2004 relativement à la plainte de harcèlement déposée par la plaignante et une décision rejetant la plainte a été rendue en janvier 2005.

[29] La plaignante a participé aux enquêtes menées sur ces plaintes malgré une absence pour raison de maladie du 14 janvier au 6 septembre 2004. Son absence a été prolongée par un congé spécial jusqu’au 20 octobre 2004. À la suite d’un retour progressif, elle a repris le travail à plein temps le 20 novembre 2004.

[30] La plaignante a déposé une plainte le 1er février 2005 allèguant que Mme Downes a rejeté les plaintes de harcèlement sans considérer toute la preuve et sans faire une étude approfondie des dossiers.

[31] Elle allègue également que l’employeur a agi de mauvaise foi, puisqu’il n’a donné suite qu’en mars 2005 à sa demande d’accès à l’information en janvier 2005. Une autre demande d’accès à l’information, effectuée le 24 mars 2005, a eu des suites en septembre 2005.

[32] La plaignante a soumis que l’employeur n’a pas respecté ses droits fondamentaux en refusant de lui fournir, en mai 2003, les allégations formulées par les employées. Lors des enquêtes sur les plaintes de harcèlement, l’employeur a questionné les pertes de mémoire et les sautes d’humeurs de la plaignante qui était alors en congé maladie, faisant ainsi des distinctions illicites en matière d’emploi sur la base de ses incapacités.

[33] L’ensemble de ces circonstances constitue, selon la plaignante, du harcèlement par l’employeur qui a fait des distinctions illicites à son endroit, allant à l’encontre de l’alinéa 186(2)a) de la nouvelle Loi pour le motif qu’elle a déposé des plaintes contre les employées tel que prévu au sous-alinéa (iii).

C. Réplique du défendeur

[34] La plaignante allègue que l’employeur a contrevenu aux interdictions énoncées au sous-alinéa 186(2)a)(iii) de la nouvelle Loi lors des procédures utilisées dans la problématique des relations employeur/employés à la bibliothèque du CRC. La plaignante allègue que l’employeur a fait preuve de harcèlement envers elle lors de ces circonstances. L’employeur a appliqué la procédure prévue dans la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail du Conseil du Trésor et ses gestes ne peuvent constituer une pratique déloyale au sens de la nouvelle Loi.

[35] Le défendeur s’est objecté à ce que la plaignante ajoute des circonstances ou éléments qui sont ultérieurs à sa plainte.

[36] Le défendeur a fait référence aux décisions suivantes qui supportent le principe que la plaignante doit, en premier lieu, démontrer que les actions de l’employeur constituent des pratiques déloyales au sens de la nouvelle Loi avant que le renversement de la charge de la preuve prévue au paragraphe 191(3) de la nouvelle Loi puisse recevoir application : Duclos c. Bujold, 2006 CRTFP 98, Hamelin c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel) et al., dossier de la CRTFP 161-02-591 (19910815), Sabiston c. le Gouvernement du Canada, Direction et représentants du ministère de la Défense nationale, dossiers de la CRTFP 161-02-280 à 288 et 289 à 299 (19830609).

D. Réponse de la plaignante à la réplique du défendeur

[37] L’audience a été ajournée au 21 novembre 2006 pour permettre à la plaignante, qui n’était pas représentée et qui n’avait pas de formation en droit ou en relations de travail, d’effectuer des recherches pour répondre aux arguments soumis par le défendeur.

[38] La plaignante a soumis, à la reprise de l’audience, que sa plainte précise les faits et circonstances y donnant lieu et que l’employeur doit assumer sa charge suivant le paragraphe 191(3) de la nouvelle Loi. Elle a fait référence aux décisions suivantes : Chaves c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 45, et Delisle c. Canada (Sous-procureur général), [1999] 2 R.C.S. 989 (QL).

[39] Le défendeur a souligné que ces décisions supportent plutôt l’argumentation du défendeur, car elles précisent que la plaignante doit d’abord démontrer que sa plainte rencontre les critères prévus à la loi avant que le renversement du fardeau de la preuve puisse recevoir application.

[40] L’audience a été ajournée afin de permettre à la plaignante, à sa demande, de poursuivre ses recherches et de soumettre de nouveaux arguments par écrit. Le défendeur pourra par la suite répondre à ces arguments par écrit, tout en permettant à la plaignante une réplique écrite.

E. Observation écrite de la plaignante (le 8 décembre 2006)

[41] En résumé, la plaignante a soumis que la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail du Conseil du Trésor s’applique à tous les employés de la fonction publique fédérale. Selon la plaignante, l’employeur a la responsabilité de faire appliquer cette politique et ses directives connexes par ses gestionnaires.

[42] Elle a conclu que le harcèlement fait partie des distinctions illicites mentionnées au paragraphe 186(2) de la nouvelle Loi, les valeurs et principes qui se trouvent à la base de la politique sur le harcèlement étant les mêmes que ceux à la base de la nouvelle Loi. Elle a soumis ce qui suit :

[...]

Le harcèlement est, de par la définition de l’employeur, un problème de relations de travail. Il y a un parallèle évident entre la politique contre le harcèlement qui s’applique à la fonction publique fédérale et la nouvelle loi qui régit les relations de travail de cette même fonction publique [...].

Il est interdit à l’employeur de me muter sans mon consentement (209.(1) c) ii), de prendre des sanctions ou des mesures disciplinaires, même déguisées, de faire des distinctions illicites en matière de conditions d’emploi, de m’intimider (186.(2) a) et c), de chercher à m’abstenir de révéler des renseignements obtenus à travers la Loi sur l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels pendant une enquête (186.(2)c)ii, et de faire des plaintes (186.(2)c)iii),

- parce que j’ai fait l’objet de plaintes de harcèlement (186.(2)a)ii),

- parce que j’ai déposé des plaintes et griefs (186.(2)a)iii),

- parce que j’ai été longtemps en congé de maladie 226.(1)g),

- parce que j’ai défendu mon droit à être traitée avec dignité, équité (justice), intégrité et respect (préambule basé sur l’article 7 de la Charte),

- ou parce que je demande réparation pour mes congés de maladie, le traitement distinctif et inéquitable, et les dommages à ma réputation et à ma santé (192.(1) et 1(b).

[...]

 

[43] La plaignante a soumis que le paragraphe 133(6) du Code canadien du travail s’apparente au paragraphe 191(3) de la nouvelle Loi relativement au renversement de la charge de la preuve. Elle a souligné que ce renversement de la charge de la preuve s’applique à toutes les pratiques déloyales de l’employeur (article 185 de la nouvelle Loi) faisant l’objet de plaintes ou de griefs, et non seulement aux plaintes relevant de la santé ou de la sécurité au travail.

[44] Elle a souligné que les faits de Chaves diffèrent de ceux du présent cas. Elle a soumis que la Commission a compétence relativement à sa plainte, car contrairement à Price c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 47, la Commission canadienne des droits de la personne a décidé de ne pas statuer sur sa plainte le 19 mai 2006. Les griefs qu’elle a déposés les 16 et 31 mars 2005 et ceux des 14 septembre et 10 décembre 2005, qui couvraient entre autres la discrimination, ont été rejetés au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 16 juin 2006 et ont été renvoyés à l’arbitrage de grief par l’AFPC près de 5 mois plus tard. La Commission a compétence pour se prononcer sur les allégations de discrimination énoncées dans la plainte en vertu de l'alinéa 226(1)g) de la nouvelle Loi. Si elle ne peut le faire, la plaignante a demandé à la Commission d'épuiser la procédure de règlement des griefs suivant la décision Witherspoon c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2006 CRTFP 102. À la suite de l’adoption de la nouvelle Loi, la Commission a maintenant compétence pour entendre une telle plainte, contrairement aux circonstances législatives de Cherrier c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada — Service correctionnel), 2003 CRTFP 37.

[45] Relativement à la question d’impartialité, la plaignante a fait référence à Fortin c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration du Canada), 2001 CRTFP 101.

[46] Elle a demandé, selon Dubreuil c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada) et al., 2006 CRTFP 20, que des faits nouveaux soient intégrés à sa plainte car ils n’en changent pas la nature.

F. Réponse du défendeur aux observations écrites de la plaignante

[47] La plaignante n’a pas indiqué dans ses observations écrites s’il existe des décisions contredisant le principe établi dans Chaves. Ce principe a été confirmé dans Boivin c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 94, et Brisson et Roy c. VIA Rail Canada Inc., [2004] CCRI no 273. L’application de ce principe dans le présent dossier fait en sorte que le renversement de la charge de la preuve prévue au paragraphe 191(3) de la nouvelle Loi ne doit recevoir application que si la plaignante démontre, en premier lieu, que sa plainte est basée sur des situations précisées au paragraphe 186(2).

[48] Selon l’employeur, la plaignante doit démontrer qu’il a agi pour le motif que la plaignante a participé comme témoin à toute procédure prévue aux parties 1 et 2 de la nouvelle Loi (sous-alinéa 186(2)a)(ii)); qu’elle a présenté une demande ou déposé une plainte sous le régime de la partie 1 de la nouvelle Loi ou un grief déposé en vertu de la partie 2 de la nouvelle Loi (sous-alinéa 186(2)a)(iii)); qu’elle a exercé tout droit prévu la partie 1 ou 2 de la nouvelle Loi. Selon l’employeur, les alinéas 186(2)b) et c) de la nouvelle Loi relatifs à l’adhésion ou la participation d’une personne à une organisation syndicale ne peuvent trouver application dans le contexte de la présente plainte.

[49] La plaignante a reproché à l’employeur de lui avoir donné des tâches afin de la séparer des employées qui avaient déposé des plaintes de harcèlement contre elle et en a fait le fondement de sa plainte sur la base du paragraphe 186(2) de la nouvelle Loi. Cet événement est bien antérieur au dépôt d’un quelconque grief par la plaignante. La plaignante a soumis lors de l’audience des 20 et 21 novembre 2006 que le fondement de sa plainte est le fait qu’elle a déposé une plainte de harcèlement en septembre 2004. Or une plainte de harcèlement n’est pas prévue à la partie 1 ou à la partie 2 de la nouvelle Loi et ne peut être déposée en vertu de cette disposition.

[50] La plainte devrait être rejetée car elle n’est pas reliée aux cas visés par les articles 185 et 186 de la nouvelle Loi.

G. Commentaire de la plaignante concernant la réponse du défendeur

[51] La plaignante a soumis ce qui suit dans un document déposé à la Commission le 22 décembre 2006 :

[...]

J’estime que la CRTFP a compétence pour entendre ma plainte et mon grief de discrimination basé sur la déficience car ce cas et les faits mentionnés dans la plainte relèvent des manquements de l’employeur a ses obligations et de mesures disciplinaires déguisées :

- sous sa Politique sur la prévention du harcèlement en milieu de travail et sous l’article 7 de la charte, des principes de respect, de dignité, d’équité (incl. Impartialité)

- sous le préambule de la LRTFP de résoudre de façon juste, crédible et efficace les problèmes reliés aux conditions d’emploi, et de garantir le respect mutuel et l’établissement de relations harmonieuses [...] pour ériger une fonction publique performante et productive

- sous l’article 186(2)a) de la LRTFP de ne pas faire de distinctions illicites en matières d’emploi ou de conditions d’emploi, ni d’intimider et de prendre des mesures disciplinaires pour l’une ou l’autre des raisons sous les points i-iv d’offrir un milieu de travail exempt de discrimination

- sous l’article 209.(1)c)ii de la LRTFP, d’offrir un milieu de travail exempt de discrimination aux termes de la LCDP.

[...]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

 

[52] Elle a réitéré que sa plainte énonce clairement le pourquoi et le comment des manquements de l’employeur à ses obligations légales et que le principe énoncé dans Chaves doit s’appliquer, l’employeur ayant été avisé qu’il agissait contrairement à ses obligations légales. La plaignante a joint à ses commentaires un tableau chronologique de neuf pages décrivant les événements survenus entre le 26 mai 2003 et le 14 décembre 2006. Ce tableau énonce que le motif initial de ses plaintes est le manque d’équité procédurale qui a mené à des abus et à des mesures disciplinaires déguisées compromettant sa santé, sa réputation et le respect auquel elle a droit.

[53] Selon elle, pour déterminer l’essence du litige, il faut examiner si le contexte factuel de la plainte est de nature illicite en relations de travail et si les manquements aux obligations de l’employeur sont des pratiques déloyales. Elle a fait référence à Regina Police Assn. Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, 2000 CSC 14, qui énonce le principe suivant :

[...]

[...] Pour déterminer l’essence du litige, nous devons examiner le contexte factuel dans lequel il est né, et non pas sa qualification sur le plan juridique [...]

[...]

 

[54] Elle a souligné que le motif qu’elle soulève dans sa plainte est distinct de celui relié à l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne et de son grief de discrimination pour déficience.

III. Motifs

A. Synthèse des allégations

[55] La plaignante a identifié les événements (procédures ou démarches de revendication) à l’origine de sa plainte déposée le 14 septembre 2005. Les actions de l’employeur (les mandataires du CRC et d’Industrie Canada) qui sont à l’origine des allégations énumérées dans la plainte se rattachent à ces événements. L’analyse de ces événements et des allégations qui s’y rattachent me permettra de cerner la nature de la plainte et d’évaluer si la Commission peut s’en saisir conformément aux stipulations du paragraphe 190(1) de la nouvelle Loi.

[56] Le 26 mai 2003, la plaignante a été informée que trois des employés de la bibliothèque du CRC ont exprimé des reproches à son égard. La plaignante a allégué que Lyse Bossy, conseillière en ressources humaines au CRC, et Richard Lachapelle, directeur par intérim des ressources humaines du CRC, ont fait preuve d’abus de pouvoir et n’ont pas respecté ses droits fondamentaux (l’empêchant de préparer une défense) lorsqu’ils ont refusé de lui fournir les reproches à la suite de ses demandes en mai et en juin 2003.

[57] L’employeur a conclu à l’existence d’un conflit et a suggéré une rencontre entre les parties pour régler la situation. La rencontre n’a pas donné de résultat. Des griefs de harcèlement ont été déposés par les trois employées contre la plaignante le 12 août 2003. La plaignante a été absente en raison de maladie du 13 août au 12 septembre 2003 puis en congé annuel d’une semaine par la suite. L’employeur a suggéré au représentant syndical de transformer les griefs en plaintes de harcèlement. La plaignante a allégué que cette action de l’employeur constitue de l’ingérence dans les affaires syndicales, ce qui est interdit par l’alinéa 186(1)a) de la nouvelle Loi. Elle a aussi allégué que Mme Downes n’a pas respecté la politique du Conseil du Trésor qui ne permet pas de mettre un grief en suspens.

[58] Des plaintes de harcèlement ont été déposées contre la plaignante par les trois employées de la bibliothèque du CRC le 19 septembre 2003. La demande de la plaignante à l’employeur de procéder à une analyse préliminaire des plaintes a été refusée, ce qui est à la base d’une allégation contre Mme Downes relativement au non respect de l’équité procédurale. Une allégation de discrimination sur la base de déficience a été formulée contre Mme Downes, car elle a accepté les plaintes mentionnant certaines allégations qui font référence à la santé de la plaignante.

[59] La plaignante a été absente pour raison de maladie du 14 janvier au 8 septembre 2004. Elle a également été absente en congé payé du 8 au 12 octobre 2004 et en congé de maladie par la suite jusqu’au 22 octobre 2004. La plaignante était en retour progressif au travail jusqu’au 26 novembre 2004. Elle a participé à l’enquête sur les plaintes de harcèlement pendant cette période d’absence. Elle a été informée de l’échec de l’enquête le 17 août 2004, l’enquêtrice s’étant retirée du dossier. La plaignante a allégué que Mme Downes n’a pas profité de cette occasion pour prendre des mesures pour atténuer les effets négatifs des plaintes et de les régler, en contravention de la Loi sur la modernisation de la fonction publique.

[60] La plaignante a déposé des plaintes de harcèlement contre les trois employées en novembre 2004. Sa demande d’intégrer l’enquête sur ces plaintes à l’enquête en cours sur les plaintes de harcèlement déposées par les employées a été refusée. La plaignante a allégué que ce refus allait à l’encontre de l’équité procédurale.

[61] La plaignante a été retirée de ses fonctions à la bibliothèque du CRC et a été nommée à des projets spéciaux à son retour de congé de maladie en novembre 2004. Elle a allégué, contre Mme Rawat et M. Lachapelle, que cette mutation avait été effectuée de mauvaise foi, qu’elle constituait un abus de pouvoir et ne respectait pas l’équité procédurale (paragraphe 186(2) de la nouvelle Loi). Nicole Cusson, directrice des relations de travail à IC à cette époque, et Mme Downes ont pris part à la décision de retirer la plaignante de ses fonctions à la bibliothèque selon la politique sur le harcèlement. Cette décision a eu un impact négatif sur la réputation de la plaignante.

[62] Le 12 décembre 2004, la plaignante a déposé une plainte de harcèlement contre Mme Rawat relativement à son retrait des tâches de son poste à la bibliothèque du CRC et à son assignation à des projets spéciaux. La plaignante a allégué qu’il y a eu abus d’autorité, infractions à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, à la justice naturelle et aux droits de la personne, conflit d’intérêt, intimidation et atteinte à sa réputation lors de cette décision.

[63] Selon la plaignante, l’employeur a fait preuve de mauvaise foi en traitant avec lenteur les demandes d’accès à l’information de janvier 2005 et de mai 2005.

[64] Le 1er février 2005, Mme Downes a rejeté la plainte déposée par la plaignante contre Mme Rawat à la suite d’une analyse préliminaire effectuée par Michel Létourneau. La plaignante a allégué qu’il y avait apparence de conflit d’intérêt dans cette décision. Elle a déposé un grief contre Mme Downes le 15 mars 2005 à l’encontre de cette décision.

[65] Les plaintes de harcèlement déposées par les employées contre la plaignante ont été rejetées le 5 août 2005. La plaignante a contesté qu’elle ne soit pas réintégrée à ses fonctions à la bibliothèque par Mme Rawat à la suite du rejet des plaintes de harcèlement des employées. Mme Downes allait être en conflit d’intérêt si elle assurait le suivi du dossier et Richard Momy, directeur, relations syndicales-patronales, a refusé d’intervenir. L’employeur a traité les plaintes en ne respectant pas les délais prévus (60 jours selon la politique d’IC; 90 jours selon la politique du Conseil du Trésor).

[66] La plaignante a déposé sa plainte à la Commission le 14 septembre 2005 et elle a réactivé ses griefs des 16 et 31 mars 2005 contre Mmes Rawat et Downes. Elle a ajouté des griefs en complément reprenant en grande partie les allégations de sa plainte.

[67] Les plaintes de harcèlement déposées par la plaignante contre les trois employées ont été rejetées en décembre 2005.

B. Décision sur l’objection préliminaire

[68] L’employeur a soumis que les allégations font référence à des événements qui ne peuvent faire l’objet d’une plainte en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la nouvelle Loi, dénonçant des pratiques déloyales au sens de l’article 185. Les pratiques déloyales s’entendent de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1) de la nouvelle Loi. Je suis en accord avec l’argument soumis par l’employeur qu’une plainte de pratiques déloyales doit être fondée sur la violation des interdictions énumérées dans les dispositions du libellé de l’article 185.

[69] Afin de trancher l’objection préliminaire, il s’agit d’évaluer si les allégations de la plainte de la plaignante peuvent être considérées comme des interdictions énoncées dans la nouvelle Loi.

[70] En premier lieu, en aucune des circonstances soumises par la plaignante, l’employeur ou une personne agissant pour son compte n’a fait allusion, directement ou indirectement, de quelque façon que ce soit, à l’adhésion de la plaignante à une organisation syndicale, ou qu’elle ait participé à des activités d’une organisation syndicale comme membre ou comme dirigeante ou représentante d’une telle organisation. La plainte de la plaignante ne renvoie donc pas aux interdictions précisées au sous-alinéa 186(2)a)(i) ni aux alinéas 186(2)b) et c) qui sont relatifs à un engagement dans une organisation syndicale.

[71] D’autre part, la plainte allègue que l’employeur s’est ingéré dans les affaires syndicales, en suggérant au représentant des employées de la bibliothèque de transformer les griefs en plaintes de harcèlement, en contravention de l’alinéa 186(1)a) de la nouvelle Loi. Cette allégation ne pourrait pas être considérée fondée, l’exception prévue à l'alinéa 186(4)b) permettant spécifiquement à l’employeur de recevoir les observations des représentants d’une organisation syndicale ou d’avoir des discussions avec eux. Au sens du paragraphe 186(5) de la nouvelle Loi, il n’y a pas de violation de l’alinéa 186(1)a) en l’absence de preuve que l’employeur aurait indûment usé de son influence, fait des promesses ou recouru à la coercition, à l’intimidation ou la menace lorsqu’il a exprimé son point de vue. Par conséquent, la partie de la plainte fondée sur l’alinéa 186(1)a) de la nouvelle Loi est rejetée.

[72] D’autre part, une plainte relative à l’ingérence dans les affaires syndicales ne peut pas être déposée par la plaignante; seule une organisation syndicale ou une personne mandatée par elle peut le faire. Je suis en accord avec la conclusion des décisions Reekie, Feldsted et Buchanan qui ont été citées par l’employeur relativement aux articles 8 et 9 de l’ancienne Loi. Comme les interdictions relatives à l’ingérence de l’employeur dans les affaires syndicales précisées dans la nouvelle Loi sont les mêmes que celles couvertes par les articles 8 et 9 de l’ancienne Loi, le raisonnement établi dans ces décisions s’applique au présent dossier.

[73] Il me reste à évaluer si les allégations de la plaignante peuvent démontrer une violation par l’employeur des interdictions précisées à l’alinéa 186(2)a) de la nouvelle Loi pour les motifs énoncés aux sous-alinéas (ii), (iii) et (iv).

[74] La plainte n’énonce aucune circonstance particulière pouvant démontrer que l’employeur aurait eu comme motif l’un de ceux énoncés aux sous‑alinéas (ii) à (iv) de l’alinéa 186(2)a). La plainte allègue des actions de l’employeur ou ses représentants qui démontreraient des délais déraisonnables; de la grossière négligence, de la mauvaise foi et de l’intimidation dans le traitement des dossiers; le non-respect des règles de justice naturelle, d’équité procédurale ou des droits de la personne.

[75] Ces allégations ne font pas état d’actions démontrant que l’employeur a agi ainsi au motif que Mme Laplante aurait participé à titre de témoin ou autrement, à une procédure prévue par la partie 1 ou 2 de la nouvelle Loi. Les allégations de la plainte renvoient aux plaintes de harcèlement qui ne sont pas déposées sous le régime de la nouvelle Loi mais en fonction des politiques d’Industrie Canada et du Conseil du Trésor sur le harcèlement. Des plaintes de harcèlement ont été déposées par les employées de la bibliothèque contre Mme Laplante et, par la suite, Mme Laplante a déposé de telles plaintes contre les employées.

[76] La décision de l’employeur de retirer Mme Laplante de ses fonctions à la bibliothèque a été prise en application de la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail du Conseil du Trésor et du Guide sur la prévention et le règlement du harcèlement d'Industrie Canada. Les interdictions de pratiques déloyales prévues dans la nouvelle Loi ne concernent pas des actions entreprises par l’employeur suite à un recours intenté sur la base des politiques contre le harcèlement. Ces recours contre le harcèlement ne sont pas prévus aux parties 1 et 2 de la nouvelle Loi et ne peuvent constituer une pratique déloyale au sens de l’article 185 de la nouvelle Loi.

[77] Le recours prévu dans la nouvelle Loi contre une pratique déloyale lors d’une mutation doit satisfaire aux critères de l'alinéa 186(2)a) de la nouvelle Loi. Même si le droit de renvoyer à l’arbitrage un grief contestant une mutation effectuée sans le consentement du fonctionnaire est prévu au sous-alinéa 209(1)c)(ii) de la nouvelle Loi, ce droit est distinct de celui déterminé dans les cas de pratiques déloyales. D’autres recours sont prévus lorsque des mutations sont effectuées en violation de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, mais ces recours ne peuvent être considérés comme fondement d’une plainte de pratiques déloyales.

[78] Le recours visé spécifiquement à l'alinéa 186(2)a) de la nouvelle Loi ne peut recevoir application que si la décision de retirer Mme Laplante de ses fonctions à la bibliothèque et celle de lui confier des tâches reliées à des projets spéciaux étaient motivées par le fait que Mme Laplante aurait présenté une demande ou déposé une plainte en vertu des parties 1 et 2 de la nouvelle Loi (sous-alinéa (iii)) ou exercé tout droit prévu à la partie 1 de la nouvelle Loi (sous-alinéa (iv)). Aucune des circonstances identifiées par Mme Laplante dans sa plainte n’indique une telle motivation de l’employeur. Pour fonder une plainte sur ces éléments, la plaignante devait non pas seulement alléguer qu’il y a eu violation des interdictions prévues au paragraphe 186(2), mais préciser, dans ses allégations, quels gestes, actions ou paroles de l’employeur démontraient les motifs énoncés aux sous-alinéas (ii), (iii) ou (iv) de l'alinéa 186(2)a) de la nouvelle Loi.

[79] Certaines allégations sont reliées aux réactions de l’employeur aux griefs de harcèlement déposés par les employées de la bibliothèque contre Mme Laplante. Les allégations de délais déraisonnables, de défaut d’équité procédurale, de grossière négligence, d’abus de pouvoir, de mauvaise foi, d’intimidation, de conflit d’intérêt et de droits fondamentaux peuvent toutes être reliées à ces griefs. Ces allégations ne précisent pas quels gestes, actions ou paroles de l’employeur démontreraient qu’il a agi ainsi au motif que Mme Laplante est partie à ces griefs ou qu’il avait l’intention de la pénaliser pour cette raison.

[80] J’arrive à la même conclusion relativement aux plaintes de harcèlement et aux griefs, énumérés par Mme La plante en la présente plainte, qui ont été déposés par Mme Laplante contre certains gestionnaires. Les circonstances précisées à la plainte n’identifient pas pour quels motifs, parmi ceux énoncés aux sous‑alinéas (ii) à (iv) de l’alinéa 186(2)a) de la Loi, ces gestionnaires auraient contrevenu aux interdictions de pratiques déloyales précisées à l’alinéa 186(2)a). Le paragraphe 186(2) interdit à l’employeur de poser les gestes qui sont énumérés à l’alinéa 186(2)a) que pour les motifs précisés aux sous‑alinéas (ii) à (iv). Les actions de l’employeur ne peuvent constituer des pratiques déloyales qu’en ces circonstances.

[81] Même si je concluais que l’ensemble des circonstances énoncées dans la plainte de Mme Laplante constitue du harcèlement à l’endroit de Mme Laplante, le même raisonnement devrait s’appliquer, à savoir que Mme Laplante devait alléguer quels gestes, actions ou paroles de l’employeur démontreraient l’un des motifs énoncés aux sous-alinéas (ii), (iii) ou (iv) de l'alinéa 186(2)a) de la nouvelle Loi pour que ce harcèlement puisse constituer une pratique déloyale interdite par la Loi.

[82] Le paragraphe 189(1) de la nouvelle Loi ne peut servir de fondement à la plainte, Mme Laplante n’ayant pas allégué que des personnes auraient posé des gestes pouvant constituer une menace ou une mesure coercitive pour l’obliger de s’abstenir d’exercer tout droit qu’accordent les parties 1 et 2 de la nouvelle Loi.

[83] Pour tous les motifs exposés, je fais droit à l’objection préliminaire de l’employeur. La plainte de Mme Laplante ne correspond pas à la plainte dont peut se saisir la Commission aux termes de l’article 190 de la Loi.

C. En ce qui a trait à la charge de la preuve

[84] Le renversement de la charge de la preuve est prévu au paragraphe 191(3) de la nouvelle Loi dans les termes suivants :

[...]

La présentation par écrit, au titre du paragraphe 190(1), de toute plainte faisant état d’une contravention, par l’employeur ou la personne agissant pour son compte, du paragraphe 186(2), constitue une preuve de la contravention; il incombe dès lors à la partie qui nie celle‑ci de prouver le contraire.

[...]

 

[85] La présente plainte se limite à l’interdiction prévue au paragraphe 186(2) de la nouvelle Loi qui interdit à l’employeur de poser certains gestes qui sont énumérés à l'alinéa 186(2)a) pour l’un des motifs énumérés aux sous-alinéas (i) à (iv). La seule interprétation logique que l’on peut donner à ces dispositions est que les allégations doivent nécessairement préciser ces éléments pour que le renversement de la charge de la preuve puisse recevoir application.

[86] Si ce n’était pas le cas, tout refus d’employer ou de continuer d’employer une personne, ou encore de la suspendre, de la mettre en disponibilité, ou de faire à son égard des distinctions illicites en matière d’emploi, de salaire ou d’autres conditions d’emploi, de l’intimider, de la menacer ou de prendre d’autres mesures disciplinaires à son égard, pourrait être à l’origine d’une plainte pour pratiques déloyales peu importe le motif à l’origine de ces actions de l’employeur. La nouvelle Loi interdit à l’employeur de poser certaines actions seulement pour les motifs énumérés à l'alinéa 186(2)a) de la nouvelle Loi et non pas pour tout autre motif.

[87] Ainsi, le renversement de la charge de la preuve ne peut s’effectuer en toutes circonstances mais seulement lorsque le plaignant allègue que l’employeur a contrevenu aux interdictions du paragraphe 186(2) de la nouvelle Loi dans les circonstances énoncées aux paragraphes a), b) ou c) de la Loi.

[88] En conclusion, la plaignante doit remplir une première condition pour que la disposition relative au renversement de la charge de la preuve puisse être appliquée. Avant que l’on puisse demander à l’employeur de prouver qu’il n’a pas contrevenu aux interdictions, la plaignante doit se fonder sur une des circonstances prévues au paragraphe 186(2) de la nouvelle Loi. Sans une preuve à cet égard, la plainte est irrecevable et le renversement de la charge de la preuve ne peut s’effectuer. Dans le présent dossier, Mme Laplante n’a pas démontré que sa plainte satisfait aux circonstances d’une plainte de pratiques déloyales.

[89] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

(L’ordonnance apparaît à la page suivante)


IV. Ordonnance

  • [90] La plainte est rejetée.

 

Le 10 septembre 2007.

Léo-Paul Guindon,

commissaire

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