Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté la décision de son employeur, qui ne lui a pas versé une prime de disponibilité - l’arbitre de grief a conclu que l’employeur n’avait pas expressément désigné le fonctionnaire s’estimant lésé pour une période de disponibilité - cependant, compte tenu de la prépondérance des probabilités, le fonctionnaire s’estimant lésé était assujetti de fait à une période de disponibilité - l’employeur a contrevenu à la convention collective - le fonctionnaire s’estimant lésé avait droit à une prime de disponibilité débutant 25 jours avant le dépôt de son grief et se terminant lorsque l’employeur lui a clairement indiqué qu’il n’était pas en période de disponibilité. Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-08-16
  • Dossier:  166-02-32557
  • Référence:  2007 CRTFP 87

Devant un arbitre de grief


ENTRE

TONY GASBARRO

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports)

employeur

Répertorié
Gasbarro c. Conseil du Trésor (Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Dan Butler, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Dan Fisher, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Renée Roy, avocate

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 23 novembre 2005, le 24 octobre 2006 et les 12 et 13 juin 2007.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

I. Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Dans un grief déposé le 3 mai 2001, Tony Gasbarro (le « fonctionnaire s'estimant lésé ») a contesté l'omission de son employeur de lui verser une indemnité de disponibilité conformément à la convention collective du groupe Services techniques conclue entre le Conseil du Trésor (l'« employeur ») et l'Alliance de la Fonction publique, qui a expiré le 21 juin 2003 (la « convention collective »). À titre de mesure correctrice, le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé le versement d'une indemnité de disponibilité pour toutes les périodes, y compris les fins de semaine, où il devait être disponible pour pouvoir retourner au travail, en dehors des heures de travail normales.

2 L'article 30 de la convention collective décrit les situations dans lesquelles un employé a droit à une indemnité de disponibilité et les conditions dans lesquelles une telle indemnité peut lui être versée :

Article 30  Disponibilité

30.01 Lorsque l'Employeur exige d'un employé-e qu'il ou elle soit disponible durant les heures hors-service, cet employé-e a droit à une indemnité de disponibilité au taux équivalant à une demi-heure (1/2) de travail pour chaque période entière ou partielle de quatre (4) heures durant laquelle il ou elle est en disponibilité.

30.02 L'employé-e désigné par une lettre ou un tableau pour remplir des fonctions de disponibilité, doit pouvoir être atteint au cours de cette période à un numéro de téléphone connu et pouvoir rentrer au travail aussi rapidement que possible s'il ou elle est appelé à le faire. Lorsqu'il désigne des employé-e-s pour des périodes de disponibilité, l'Employeur s'efforce de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité.

30.03 Il n'est pas versé d'indemnité de disponibilité si l'employé-e est incapable de se présenter au travail lorsqu'il ou elle est tenu de le faire.

30.04 L'employé-e en disponibilité qui est tenu de se présenter au travail touche la rémunération prévue au paragraphe 29.01.

30.05 Sauf dans le cas où l'employé-e est tenu par l'Employeur d'utiliser un véhicule de l'Employeur pour se rendre à un lieu de travail autre que son lieu de travail normal, le temps que l'employé-e met pour se rendre au travail ou pour rentrer chez lui ou chez elle n'est pas considéré comme du temps de travail.

3 À la suite de la réponse fournie par l'employeur au dernier palier le 20 mai 2003, rejetant son grief, le fonctionnaire s'estimant lésé a renvoyé la question à l'arbitrage de grief le 17 juillet 2003, aux termes de l'alinéa 92(1)a) de l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l'« ancienne Loi »).

4  Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur.  En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi.

5 Les parties n'étaient pas disponibles pour assister à une audience du cas avant novembre 2005. Malheureusement, par la suite, l'audience s'est étendue sur trois années civiles. À deux reprises après la date de l'audience initiale, j'ai accédé à des demandes d'ajournement à cause de l'hospitalisation à la dernière minute de témoins. La difficulté à trouver des dates permettant de poursuivre l'audience à des moments où les deux parties étaient disponibles a retardé davantage le processus.

II. Résumé de la preuve

6 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a appelé trois témoins, y compris le fonctionnaire s'estimant lésé. La représentante de l'employeur, pour sa part, a appelé deux témoins. Les parties ont produit 25 pièces.

7 Au moment où il a présenté son grief, le fonctionnaire s'estimant lésé occupait le poste de spécialiste multimédia, au groupe et au niveau GT-04, dans la Section multimédia de la Direction de l'ingénierie du Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports (BCEATST) à Ottawa. En juillet 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé a été promu, par le biais d'une reclassification, au poste de principal spécialiste multimédia des services d'enquête, au niveau GT-05, rétroactivement au 1er avril 2001.

8 Le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné que sa principale responsabilité depuis 1990 était de produire des enregistrements photographiques et vidéographiques officiels d'accidents dans le secteur des transports relevant de la compétence du BCEATST, dans le cadre d'enquêtes menées par celui-ci (la pièce G-5 est une description de travail détaillée du poste de spécialiste multimédia). Le fonctionnaire s'estimant lésé a également fourni directement et indirectement de l'information, des conseils, de l'instruction et des documents multimédia à ses collègues au BCEATST. De façon accessoire, il a aussi donné des cours sur les méthodes de photographie dans le cadre des enquêtes à la suite d'accidents d'aéronefs à la University of Southern California (pièce G-3).

9 L'aspect clé du travail à l'origine du grief était la nécessité de se rendre d'urgence sur les lieux d'un important accident n'importe où au Canada, très souvent sans préavis et fréquemment en dehors des heures de travail normales (pièces G-10 et G-12). Les affectations se faisaient à la suite d'un message communiqué par le supérieur du fonctionnaire s'estimant lésé, par des cadres plus haut placés dans la structure hiérarchique ou par des dirigeants d'enquêtes dans les secteurs opérationnels du BCEATST. Une autorisation préalable de voyager facilitait l'affectation rapide du fonctionnaire s'estimant lésé (pièce G-9). Sur place, celui-ci assumait la responsabilité principale pour les éléments photographiques et vidéographiques du dossier d'enquête officiel, tel que confirmé par écrit déjà en janvier 1994 par le gestionnaire du fonctionnaire s'estimant lésé, Donald J. Langdon, en réponse à une note de service rédigée par le fonctionnaire s'estimant lésé (pièce G-8). Les fonctions du fonctionnaire s'estimant lésé étaient, à certains moments, éprouvantes physiquement et stressantes psychologiquement et devaient être accomplies dans des situations d'urgence et dans des circonstances inconfortables ou dangereuses.

10 Les listes dressées par l'employeur durant la période allant de 1999 à 2003 précisaient que le fonctionnaire s'estimant lésé était membre des équipes d'enquête sur les accidents majeurs dans les secteurs suivants : aviation, rail/pipeline et marine (pièce G-7). Des documents soumis à l'audience témoignent de l'étendue et de la qualité du travail accompli par le fonctionnaire s'estimant lésé et montrent qu'il était apprécié par ses collègues pour sa contribution aux enquêtes sur les accidents majeurs (par exemple, les pièces G-13 et G-20). L'employeur a précisé que le rendement au travail du fonctionnaire s'estimant lésé ne présentait pas de problème.

11 En 2003, Mark Wallis, un collègue à la Direction de l'ingénierie, avec l'aide du fonctionnaire s'estimant lésé, a recueilli de l'information historique décrivant la fréquence et la répartition des affectations en réponse à des accidents majeurs, durant la période commençant en 1990 (la première année de l'existence du BCEATST) et allant jusqu'en 2002 (pièce G-18). D'après le fonctionnaire s'estimant lésé, M. Wallis a soumis ces données à un comité sur la disponibilité et le rappel au travail mis sur pied en 2003 et dirigé par le directeur exécutif, et dont le mandat était de [traduction] « […] examiner l'application actuelle par le BCE des dispositions de disponibilité et de rappel au travail et [de] proposer un cadre pour l'application interne de celles-ci […] » (pièce G-22).

12 Les données recueillies pour le comité sur la disponibilité et le rappel au travail ont permis de constater que le personnel de la section à laquelle appartenait le fonctionnaire s'estimant lésé s'est chargé d'environ 55 affectations pendant une période de 13 ans, ce qui représentait 32 % du total des affectations à la Direction de l'ingénierie. Le fonctionnaire s'estimant lésé s'est chargé de 46 de ces affectations, un nombre nettement supérieur à n'importe quel autre employé à la Direction.

13 Le fonctionnaire s'estimant lésé a fourni un compte rendu détaillé de ses affectations à l'aide de relevés de voyage et d'heures supplémentaires qu'il avait établis personnellement. La liste qui en a résulté dénotait 55 [traduction] « interventions dans le cadre d'enquêtes multi-modales », où le fonctionnaire s'estimant lésé s'est rendu immédiatement sur les lieux d'enquêtes d'accidents ou au Laboratoire d'ingénierie à Ottawa (pièce G-19). Selon le fonctionnaire s'estimant lésé, cette information confirmait que ses affectations commençaient à la fois durant et après ses heures de travail normales. Une fois sur place, la durée du travail du fonctionnaire s'estimant lésé variait de périodes allant de cinq à sept heures à plusieurs jours, et il était parfois nécessaire pour lui de travailler de longues heures supplémentaires. À une occasion, des affectations consécutives à Moose Jaw et au canal Welland ont duré neuf jours sans interruption.

14 Les heures de travail normales du fonctionnaire s'estimant lésé commençaient à 7 h 30 ou à 8 h et se terminaient à 15 h 30. L'employeur lui payait des heures supplémentaires pour les heures de déplacement et pour les heures travaillées en dehors de ces heures régulières. Lorsqu'une affectation commençait en dehors des heures de travail normales, le fonctionnaire s'estimant lésé était rémunéré en heures supplémentaires à partir du moment où il répondait à un appel d'affectation. Le fonctionnaire s'estimant lésé a confirmé qu'il partait toujours sur-le-champ à la réception d'un appel.

15 La petite taille de la Section multimédia a contribué au nombre des affectations assignées au fonctionnaire s'estimant lésé. Pendant la période en question, seulement deux personnes étaient normalement disponibles pour représenter la section sur les lieux d'un accident. Le fonctionnaire s'estimant lésé partageait cette fonction avec Manuel Soberal, son supérieur, qui lui déléguait la majorité des affectations. Durant la participation de M. Soberal à la longue enquête sur l'accident de Swissair près de Halifax, qui commença en 1998, la responsabilité de se rendre aux situations d'urgence ailleurs est presque entièrement retombée sur les épaules du fonctionnaire s'estimant lésé. Le gestionnaire de ce dernier, M. Langdon, a reconnu par écrit l'impact personnel de la situation sur le fonctionnaire s'estimant lésé qui [traduction] « […] devait faire le travail de deux personnes pendant plus d'un an […] » durant l'épisode de Swissair, ainsi que l'« admirable » rendement dont faisait preuve le fonctionnaire s'estimant lésé en [traduction] « […] réussissant à continuer à faire fonctionner la section […] » (pièce G-10).

16 Plus tard, durant le contre-interrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé a admis que plusieurs enquêteurs sur le terrain, qui ne faisaient pas partie de la Section multimédia, avaient suivi une formation photographique et vidéographique et étaient disponibles pour accomplir et avaient dans les faits accompli des fonctions multimédia sur les lieux d'accidents mineurs, soit parce qu'un spécialiste multimédia ne pouvait y être affecté, soit en plus d'un tel spécialiste. Le fonctionnaire s'estimant lésé a également confirmé qu'il était rare que l'on fasse appel à des photographes et vidéographes de l'extérieur.

17 Le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné que l'exigence fréquente de partir en affectation et plus particulièrement, le besoin constant d'être prêt à quitter n'importe quand nuisait sérieusement à la qualité de sa vie personnelle. Il se sentait constamment [traduction] « comme tenu en laisse », faisait face à des contraintes quant à l'utilisation qu'il pouvait faire de son temps libre et ne parvenait jamais à réellement se distancer de son travail. Il ne pouvait pas prendre d'engagement vis-à-vis d'autres activités, par exemple, la fondation d'une entreprise de photographie personnelle, parce qu'[traduction] « un appel pouvait interrompre sa vie à tout instant ». Même lorsqu'il quittait la ville pour la fin de semaine à des fins personnelles, des appels lui demandant de retourner au travail interrompaient sa vie.

18 À partir de la fin de 1999 jusqu'en juin 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé était muni d'un téléavertisseur qui lui permettait de recevoir des appels d'affectation urgents et d'autres appels. Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu'il avait uniquement accepté de porter le téléavertisseur sur sa personne en tant que compromis après que son directeur, James Hutchinson, lui eut demandé de s'équiper d'un téléphone cellulaire après un accident ferroviaire où on avait mis un certain temps à le trouver. En janvier 2000, M. Langdon a noté ce qui suit dans un courriel : [traduction] « […] J'ai maintenant doté [le fonctionnaire s'estimant lésé] d'un téléavertisseur afin que je puisse le joindre n'importe quand, n'importe où […] » (pièce G-10). D'après un autre courriel de M. Langdon, le téléavertisseur était [traduction] « […] la solution pour localiser [le fonctionnaire s'estimant lésé] dans des situations d'urgence […] » étant donné que M. Langdon [traduction] « […] appelait Tony pour qu'il vienne fournir le soutien nécessaire à la suite d'accidents ferroviaires, qui semblent toujours se produire au milieu de la nuit […] » (pièce G-11).

19 Le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné qu'il était opposé au téléavertisseur et à l'exigence d'être disponible en tout temps, en vue d'une éventuelle affectation. Il s'est souvenu avoir exprimé de la frustration à l'égard du téléavertisseur au moins à trois reprises à M. Langdon et également à M. Hutchinson. Le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé à M. Langdon comment on pouvait s'attendre à pouvoir le contacter n'importe quand pendant qu'il n'était pas de service en vue d'une possible affectation sans qu'il soit rémunéré en contrepartie. M. Langdon aurait répondu que l'exigence [traduction] « […] fait partie du travail […] », qu'elle est énoncée [traduction] « […] dans la description de travail […] » et que le fonctionnaire s'estimant lésé [traduction] « […] aurait affaire à lui […] » si cette exigence lui posait problème. Pendant un témoignage ultérieur, le fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué que ces conversations ont eu lieu à des intervalles de six à neuf mois, plus particulièrement durant la période où M. Soberal était en affectation et participait à l'enquête sur l'accident de Swissair, mais qu'il ne pouvait se souvenir des dates exactes. Les conversations auraient eu lieu à son bureau et étaient courtes et directes. Les commentaires de M. Langdon étaient toujours du genre [traduction] « […] c'est comme ça […] » (faisant allusion à l'exigence de pouvoir être affecté sans préavis), [traduction] « […] c'est ton emploi […] » et [traduction] « […] tu auras affaire à nous […] », s'il résistait. Le fonctionnaire s'estimant lésé a signalé que M. Langdon a dit à différentes occasions que le fonctionnaire s'estimant lésé serait [traduction] « mis au ban » ou [traduction] « réprimandé » ou qu'il [traduction] « perdrait son emploi » s'il n'était pas disponible et ne pouvait répondre immédiatement à un appel.

20 Le fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué qu'il n'avait jamais le sentiment qu'il pouvait refuser une affectation ou qu'il pouvait ne pas prendre un appel. La direction ne lui a jamais offert cette option. Il ne pouvait jamais dire non à M. Langdon et d'après lui [traduction] « […] les gens se mettaient au garde à vous […] » quand M. Langdon leur donnait des instructions. Lors du contre-interrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que M. Langdon lui avait dit qu'un refus de répondre pourrait conduire à des mesures disciplinaires. Lorsqu'on lui a demandé quelles auraient pu être les conséquences si la direction avait été incapable de communiquer avec lui, le fonctionnaire s'estimant lésé a répondu qu'il avait toujours été disponible. Lorsqu'on a insisté pour savoir s'il savait ce qui se passerait dans une telle situation, le fonctionnaire s'estimant lésé a répondu qu'il bénéficiait d'une [traduction] « flexibilité zéro » auprès de M. Langdon dans ces situations.

21 Toujours durant le contre-interrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé a convenu qu'il ne serait pas surpris d'apprendre que d'autres employés au Laboratoire d'ingénierie n'étaient pas disponibles à l'occasion pour prendre un appel d'affectation. Il a également convenu qu'il n'avait connaissance d'aucun cas où un employé qui n'était pas disponible ainsi avait été discipliné. Il a signalé que la direction l'avait interrogé ainsi que d'autres employés à propos de retards dans l'intervention en réponse à un accident de Via Rail à Stewiacke, en Nouvelle-Écosse, en avril 2001 (pièce G-15).

22 Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il n'avait pas déposé de grief avant 2001, le fonctionnaire s'estimant lésé a répondu qu'il avait peur de le faire. La nécessité de répondre à tous les appels d'affectation avait été [traduction] « gravée » dans sa tête par M. Langdon.

23 M. Langdon a rejeté le grief déposé par le fonctionnaire s'estimant lésé pour le motif que l'employeur n'avait pas exigé qu'il soit en disponibilité. M. Langdon a joint, à la réponse au grief, l'[traduction] « information destinée à M. T. Gasbarro » que voici pour lui faire part de sa perception de la situation (pièce E-2) :

[Traduction]

[…]

Information pour T. Gasbarro

  1. Il n'y a aucune exigence qui vous oblige à avoir un téléphone cellulaire sur votre personne ou dans votre voiture, ailleurs que sur les lieux d'un accident.
  2. Si vous ne souhaitez pas être muni d'un téléphone cellulaire, celui-ci peut être conservé dans votre section et vous être remis en même temps que le restant de votre équipement d'enquête.
  3. La nécessité de répondre, durant les heures de service, à un appel vous demandant de vous rendre sur les lieux d'un accident fait partie des exigences de votre poste.
  4. Si, pour des raisons personnelles, il vous est impossible de répondre immédiatement à un appel reçu durant les heures hors-service vous demandant de vous rendre sur les lieux d'un accident, vous pouvez attendre jusqu'à vos heures normales de service.
  5. Vous devriez uniquement répondre à un appel d'affectation reçu du directeur, Ingénierie, de votre chef ou de votre supérieur, M. Soberal.
  6. Vous n'êtes pas en disponibilité (article 30) durant vos heures hors-service, et vous n'êtes donc pas obligé de vous trouvez ni à un endroit où le numéro de téléphone est connu de nous ni à votre résidence ni à un autre endroit connu.
  7. Le fait de tenir l'employeur au courant de l'endroit et de la façon dont on peut vous joindre durant les heures hors-service est une marque de courtoisie plutôt qu'une obligation. Rien ne vous oblige à le faire.
[…]

24 La représentante de l'employeur a suggéré au fonctionnaire s'estimant lésé que ce document contredisait le témoignage de ce dernier quant aux événements qui s'étaient produits. Le fonctionnaire s'estimant lésé a répondu que ce document était une [traduction] « plaisanterie » et qu'il était à l'opposé de tout ce qu'il avait connu et éprouvé. Après avoir reçu le document, le fonctionnaire s'estimant lésé a continué de croire qu'il n'était pas dispensé de l'obligation de porter un téléavertisseur. Il savait quelles étaient les réelles exigences de M. Langdon et il craignait de s'exposer à des répercussions s'il ne portait pas le téléavertisseur sur lui. En ce qui concernait la possibilité d'en recourir aux niveaux supérieurs de la hiérarchie, il a déclaré qu'il ne se sentait pas en mesure d'aborder M. Hutchinson pour lui parler de [traduction] « l'absence d'un lien » entre le document fourni par M. Langdon et ce que celui-ci disait ou faisait dans la réalité.

25 Le fonctionnaire s'estimant lésé croyait comprendre que la Direction du BCEATST avait communiqué avec des fonctionnaires au Conseil du Trésor pour obtenir des éclaircissements dans le cadre de l'élaboration de sa réponse au grief au premier palier. Une représentante du service des Ressources humaines au BCEATST a résumé pour le fonctionnaire s'estimant lésé l'information qu'elle a ainsi obtenue (pièce G-16) :

[Traduction]

[…]

[…] D'après la convention, pour pouvoir être désigné par l'employeur comme étant en disponibilité, l'employé devrait être disponible de sorte à pouvoir se présenter au travail le plus rapidement possible. D'après l'information qui suit, l'employeur n'a pas imposé une telle exigence - par exemple, rien n'empêche l'employé de quitter la ville, par exemple, pour des raisons personnelles.

À moins que l'employeur ait imposé à l'employé l'obligation d'être disponible de sorte à pouvoir se rendre au travail immédiatement dès qu'il reçoit un appel, il n'est pas en disponibilité […]

[…]

[Le passage souligné l'est dans l'original]

 

26 Le rapport final du comité sur la disponibilité et le rappel au travail, qui a fini par être publié en 2004, n'a aucunement réglé la situation, du point de vue du fonctionnaire s'estimant lésé. Tandis qu'il avait le sentiment que le rapport répondait aux préoccupations des secteurs de la marine et du rail/pipeline en offrant la possibilité aux employés qui y travaillaient d'être [traduction] « en disponibilité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 », rien n'a changé à la Direction de l'ingénierie. Les exigences de rappel au travail étaient maintenues comme auparavant, et les employés de la Direction de l'ingénierie n'étaient pas rémunérés pour leur disponibilité. Globalement, le BCEATST dépensait plus de 500 000 $ par an en indemnités de disponibilité et toutes les directions menant des enquêtes en accordaient. Or, pas de fonds étaient alloués pour la disponibilité dans le budget de la direction où travaillait le fonctionnaire s'estimant lésé.

27 La lettre d'offre communiquée en 2004 au fonctionnaire s'estimant lésé pour lui proposer le poste de principal spécialiste multimédia des services d'enquête, rétroactivement au 1er avril 2001, incluait la phrase suivante (pièce G-4) :

[Traduction]

[…]

[…] Une autre condition d'emploi de ce poste est la disposition à répondre et à voyager, à court préavis, durant et après les heures de travail normales et les jours fériés.

[…]

 

À l'époque, le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé à un représentant du service des Ressources humaines si cette phrase correspondait à une exigence de disponibilité, et la réponse était affirmative. Il a demandé au représentant d'enlever cette phrase parce qu'il n'avait pas touché d'indemnités de disponibilité et parce que la nécessité de répondre immédiatement lorsqu'il recevait un appel n'était pas une condition de son emploi. Même si le représentant en a discuté avec la direction, la phrase est restée. Le fonctionnaire s'estimant lésé a signé la lettre d'offre, en dépit du fait qu'il était entièrement en désaccord avec la phrase.

28 La représentante de l'employeur a demandé au fonctionnaire s'estimant lésé de faire la distinction entre disponibilité et rappel au travail, en utilisant ses propres mots. Il a répondu qu'une situation de disponibilité existe lorsqu'on est tenu de répondre immédiatement, dans le cadre de l'exécution de ses fonctions. Le rappel au travail se produit uniquement lorsqu'un employé doit retourner sur les lieux du travail et ne s'applique pas dans les cas où un employé est affecté sur les lieux d'un accident, ailleurs qu'au travail. Selon lui, le fait de recevoir un appel lui demandant, par exemple, de se rendre à Vancouver pour participer à une enquête sur un accident, n'est pas un rappel au travail. Lorsqu'on lui a demandé s'il croyait qu'il était en disponibilité avant de recevoir le téléavertisseur en 1999, il a répondu qu'il était toujours en disponibilité parce qu'il s'était rendu immédiatement à l'endroit voulu chaque fois qu'on communiquait avec lui. En prenant un exemple de la liste des 55 affectations qu'il avait compilée, (pièce G-19), le fonctionnaire s'estimant lésé a dit qu'il n'était pas en disponibilité durant les heures de travail normales pendant la journée en question, mais que les heures travaillées après 15 h 30 cette même journée dans le cadre d'une affectation constituaient une période où il était en disponibilité.

29 M. Soberal, le superviseur du fonctionnaire s'estimant lésé de 1990 à 2004, a parlé de son expérience concernant les exigences liées aux affectations. Il a expliqué que les instructions selon lesquelles une affectation était requise venaient habituellement du directeur de la Direction de l'ingénierie ou de M. Langdon, le supérieur immédiat de M. Soberal. À une occasion, un directeur d'une autre direction a communiqué avec le fonctionnaire s'estimant lésé au sujet d'une affectation, mais cela n'est jamais arrivé à M. Soberal. Par courtoisie, on donnait généralement à M. Soberal l'option de s'y rendre lui-même ou de demander au fonctionnaire s'estimant lésé de le faire. Il avait pour habitude de discuter de la décision avec le fonctionnaire s'estimant lésé. Lui-même et ce dernier organisaient leurs horaires et périodes de congé de sorte que l'un d'eux soit toujours disponible. En septembre 1998, alors que tous deux s'étaient rendus à une foire commerciale et à une conférence à Toronto, ils ont reçu un appel leur demandant de se rendre immédiatement sur les lieux d'un accident à Ottawa. Après cet incident, la direction à dit à M. Soberal et au fonctionnaire s'estimant lésé de ne plus jamais s'absenter en même temps. Quand le fonctionnaire s'estimant lésé était absent, M. Soberal n'avait pas d'autre choix que de répondre à la demande d'affectation lui-même, mais cette situation n'est jamais survenue.

30  M. Soberal a témoigné qu'il supposait toujours que l'emploi exigeait que lui-même ou le fonctionnaire s'estimant lésé soit disponible. Durant les 14 ans où il a assuré la supervision du fonctionnaire s'estimant lésé, ce dernier n'a jamais refusé une demande d'affectation. Il a confirmé que le fonctionnaire s'estimant lésé répondait à d'autres demandes d'affectation reçues par la Section multimédia durant les trois années et demie qu'a duré l'enquête sur l'accident de Swissair. M. Soberal n'a jamais reçu une indemnité de rappel au travail et comprenait que cette forme de rémunération ne constituait pas une option ni pour lui ni pour le fonctionnaire s'estimant lésé.

31 M. Soberal comprenait que le fait d'être muni d'un téléphone cellulaire faisait partie des fonctions. Il ne l'a jamais éteint à la fin de la journée, au cas où il recevrait un appel annonçant une affectation. Ses coordonnées figuraient dans la liste des membres des équipes d'enquête sur les accidents majeurs.

32 Durant le contre-interrogatoire, M. Soberal a témoigné qu'il ne savait pas ce qui ce serait produit s'il avait refusé une demande d'affectation, parce qu'il n'a jamais eu à faire face à une telle situation. Il ne se souvenait pas qu'on lui aurait dit directement qu'on devait toujours pouvoir le joindre les fins de semaine, mais il avait le sentiment que c'était sous-entendu et il avait interprété la nature de son poste comme l'exigeant. Il était d'accord avec la représentante de l'employeur lorsqu'elle a dit que cette interprétation était peut-être due à un puissant sens personnel du devoir. En ce qui concerne ses vacances, M. Soberal a affirmé que personne ne lui a jamais dit qu'une personne de la section devait toujours être disponible.

33 M. Soberal a répondu de façon négative à chacune des trois questions suivantes : Vous a-t-on jamais dit de ne pas consommer de l'alcool les fins de semaine, au cas où vous devriez partir en affectation? Vous a-t-on jamais dit qu'on vous disciplinerait si vous n'aviez pas sur votre personne un téléphone cellulaire? Vous a-t-on jamais dit qu'on devait pouvoir vous joindre à tout instant?

34 M. Wallis était le dernier témoin appelé par le fonctionnaire s'estimant lésé. Employé du BCEATST depuis plus de 14 ans, il a commencé en tant qu'ingénieur chargé de l'analyse des défaillances et puis a été promu au poste de spécialiste principal en génie mécanique. Son rôle principal était d'analyser des fractures et de recueillir des éléments de preuve concernant des défaillances de composantes. Il devait se rendre sur le terrain dans le cadre d'enquêtes portant sur des accidents, ce qu'il a fait à un certain nombre d'occasions.

35 M. Wallis a expliqué qu'initialement c'était son propre gestionnaire qui lui communiquait les demandes d'affectation. Plus tard, son nom est apparu dans une liste, et il a compris que les enquêteurs désignés communiqueraient directement avec lui si le directeur de la Direction de l'ingénierie ou son gestionnaire n'était pas disponible. Lorsqu'il recevait un appel, ce qui le plus souvent se produisait après les heures, M. Wallis devait souvent retourner au Laboratoire d'ingénierie pour y aller chercher de l'équipement avant de se rendre sur les lieux de l'accident. Il y avait toujours une impression d'urgence à ces occasions, puisque les situations où il était nécessaire de faire appel à des employés de la Direction de l'ingénierie étaient généralement de  [traduction] « plus haut niveau ».

36 M. Wallis n'a jamais reçu d'indemnités de rappel et a déclaré que le versement de telles indemnités [traduction] « […] ne convenait jamais dans le cadre des affectations à partir de la Direction de l'ingénierie ». Il a pris conscience des indemnités de disponibilité qui étaient versées au BCEATST lorsque, durant une enquête portant sur un accident ferroviaire, il a entendu quelques enquêteurs mentionner que l'employeur avait réduit la portion allant de minuit à huit heures de la couverture et de l'indemnité de disponibilité. Plus tard, à la suite d'un grief présenté par des employés dans le secteur du rail, le BCEATST a mis sur pied le comité sur la disponibilité et le rappel au travail pour évaluer les arrangements prévus au sein de l'organisation. M. Wallis est devenu le représentant des employés de la Direction de l'ingénierie à ce comité. Dans ce contexte, son objectif était de faire reconnaître le nombre grandissant des affectations de personnel dans sa direction et de clarifier les attentes et les exigences à cet égard. À son avis, la direction réagissait toujours aux demandes d'affectation de façon ad hoc, sansque l'on sache exactement quelles étaient les attentes. L'incidence accrue d'affectations avait causé une situation déraisonnable qui affectait la vie personnelle des employés. Dans d'autres secteurs du BCEATST, on avait créé des horaires ou des arrangements où l'on fonctionnait par roulement et on avait prévu le versement d'indemnités de disponibilité en réponse au problème. Aux yeux de M. Wallis, il y avait clairement deux poids, deux mesures au BCEATST.

37 M. Wallis s'est référé à des données réunies pour le comité sur la disponibilité et le rappel au travail montrant les demandes d'affectation à la Direction de l'ingénierie (pièce G-18). Ces données n'étaient pas incluses dans le rapport final du comité (pièce G-22), puisqu'il y avait un désaccord entre les employés et la direction à propos des données et plus particulièrement au sujet des critères utilisés par la direction pour définir les affectations.

38 Dans le cadre des travaux du comité sur la disponibilité et le rappel au travail, M. Wallis a appris que les secteurs de la marine et de l'aviation du BCEATST fournissaient une couverture de disponibilité complète [traduction] « 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 ». Dans le secteur du rail, cette couverture était d'une durée de 16 heures chaque jour. La Direction de l'ingénierie n'avait pas d'arrangements de disponibilité, mais s'attendait à ce que les employés répondent aux demandes d'affectation de la même manière. Il s'en est suivi que, dans son rapport, le comité parlait de l'existence d'une [traduction] « disponibilité de facto », même si la version finale du rapport recommandait uniquement que le BCEATST [traduction] « […] s'efforce d'éliminer […] » la disponibilité de facto, ce qui était une formulation plus modérée de l'affirmation faite dans la version antérieure. Pour M. Wallis, la [traduction] « disponibilité de facto » désignait une situation où un employé devait pouvoir partir immédiatement en affectation ou se sentait obligé de le faire, sans recevoir une indemnité officielle pour le fait d'être en disponibilité.

39 M. Wallis n'a refusé une affectation qu'une seule fois, pour des raisons médicales. Des discussions informelles au fil des ans l'ont amené à croire qu'il y avait une très forte attente que les employés répondent aux appels d'affectation. Lorsque des commentaires étaient faits au sujet de cette exigence, la réponse typique de la direction était comme suit : [traduction] « […] c'est ton travail […] » et [traduction] « […] on s'attend à ce que tu y ailles. » D'après M. Wallis, un refus de partir en affectation aurait un impact négatif au moment de l'évaluation de son rendement et que son gestionnaire le mettrait sur la sellette. Tout doute à cet égard a été dissipé lorsqu'au moment où il s'apprêtait à siéger au comité sur la disponibilité et le rappel au travail, il est allé voir M. Hutchinson et lui a demandé ce qui se produirait si quelqu'un refusait d'obéir à une demande d'affectation. M. Hutchinson a répondu comme suit : [traduction] « […] si cela se produisait une seule fois, il y aurait une mention négative au dossier et si cela se produisait de nouveau, cette personne serait obligée de trouver un nouvel emploi ».

40 Après que le comité sur la disponibilité et le rappel eut publié son rapport, l'employeur a enlevé les noms des employés de la Direction de l'ingénierie des listes des contacts utilisés par les enquêteurs désignés aux fins des affectations, en y laissant uniquement les coordonnées du directeur de la Direction et de ses gestionnaires. M. Wallis a témoigné qu'en réalité, la situation n'avait pas changé. Les attentes demeuraient les mêmes, le nombre des affectations augmentaient sans que l'on accroisse le personnel et les employés continuaient d'être essentiellement de service tout le temps.

41 La représentante de l'employeur a demandé à M. Wallis durant le contre-interrogatoire si l'employeur n'avait jamais discipliné une personne à la Direction de l'ingénierie qui ne pouvait être jointe en vue d'une affectation. Il a répondu qu'on l'avait interrogé personnellement plusieurs fois pour savoir la raison pour laquelle son téléphone cellulaire n'était pas allumé. Il a reconnu cependant que l'employeur pouvait probablement joindre quelqu'un d'autre si la première personne sur la liste ne pouvait l'être. On n'a jamais dit à M. Wallis de ne pas quitter pour la fin de semaine, mais il comprenait qu'on s'attendait à ce qu'il soit muni de son téléphone cellulaire à ces occasions. Il a convenu que des employés décidaient de leur propre chef d'accepter une affectation dans de rares circonstances où un gestionnaire ne pouvait être joint.

42 M. Hutchinson a témoigné au nom de l'employeur. Aujourd'hui à la retraite, il a travaillé pour le BCEATST et ses prédécesseurs pendant 30 ans et était le directeur de la Direction de l'ingénierie du BCEATST de 1992 à 2003.

43 M. Hutchinson a décrit les procédures que l'on suivait pour procéder à des affectations en réponse à un accident. Typiquement, elles commençaient par l'intervention initiale d'enquêteurs dans les régions, et des demandes étaient ensuite transmises dans l'organisation jusqu'à l'administration centrale, si nécessaire. Il a expliqué qu'il y avait quelques différences entre les différents secteurs et entre des accidents mineurs, majeurs et [traduction] « relativement majeurs ». Il comprenait qu'il y avait eu des situations où des employés comme le fonctionnaire s'estimant lésé avaient reçu des demandes d'affectation directes d'enquêteurs désignés ou d'autres personnes, mais a précisé que le protocole à la Direction de l'ingénierie prévoyait que le directeur ou l'un de ses gestionnaires devait évaluer les besoins, déterminer qui devrait être affecté et communiquer avec les personnes voulues. M. Hutchinson a expliqué que lorsqu'il s'agissait d'accidents majeurs, sa pratique était de convoquer une importante réunion du personnel après avoir été informé d'un accident pour en discuter et pour constituer l'équipe d'enquête avant de finaliser les affectations. Il a indiqué que la [traduction] « Liste de contrôle de l'enquête sur un accident majeur » qui énonçait les attentes définies pour M. Soberal et le fonctionnaire s'estimant lésé s'inscrivait dans un processus plus vaste (pièce E-1).

44 M. Hutchinson a déclaré qu'aucun employé de la Direction de l'ingénierie, et cela comprenait le fonctionnaire s'estimant lésé, n'était en disponibilité. Le nom de ce dernier ne figurait pas dans un horaire de disponibilité. À la connaissance de M. Hutchinson, personne n'a dit au fonctionnaire s'estimant lésé qu'il devait être disponible en dehors des heures de travail. M. Hutchinson n'a pas exigé tout particulièrement du fonctionnaire s'estimant lésé qu'il lui fournisse un numéro de téléphone lorsqu'il était absent les fins de semaine, même si le fonctionnaire s'estimant lésé, tout comme d'autres employés, aurait pu décider de le faire. Plus tard, M. Hutchinson a répété qu'il n'était pas nécessaire que l'on puisse joindre le fonctionnaire s'estimant lésé par téléphone [traduction] « 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 ».

45 M. Hutchinson a dit qu'il avait l'impression que le fonctionnaire s'estimant lésé aimait être en affectation et qu'il trouvait les enquêtes sur place l'un des aspects plus intéressants de son travail. À plusieurs reprises, le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé à M. Hutchinson pourquoi on ne l'avait pas affecté aux lieux d'un accident. Selon M. Hutchinson, le fonctionnaire s'estimant lésé était un employé très compétent et dévoué dont l'intérêt pour les affectations attestait de son professionnalisme et de son souhait de participer.

46 M. Hutchinson n'a jamais imposé, au fonctionnaire s'estimant lésé ou à n'importe quel autre employé de la Direction de l'ingénierie, une exigence selon laquelle ils devaient avoir sur eux un téléphone cellulaire ou un téléavertisseur. Il avait un souvenir différent de la façon dont le fonctionnaire s'estimant lésé en était venu à utiliser un téléavertisseur. Il ne se souvenait pas d'avoir parlé directement avec lui à ce sujet, mais il se rappelait avoir été informé par M. Langdon que le fonctionnaire s'estimant lésé avait demandé qu'on lui fournisse un téléavertisseur. M. Hutchinson a autorisé l'achat. Dans chaque situation où un employé de la Direction de l'ingénierie  était muni d'un téléphone cellulaire ou d'un téléavertisseur, il y avait eu une requête de l'employé à cet égard. M. Hutchinson considérait que le fait de munir ainsi les employés de cet équipement créait une situation où [traduction] « tout le monde était gagnant ».

47 M. Hutchinson a nié avoir jamais dit à un employé qu'une [traduction] « mention négative » accompagnerait son nom ou que l'employé serait discipliné s'il n'était pas disponible et refusait une affectation, mais a ajouté que [traduction] « […] ce que j'ai peut-être dit aurait pu être pris hors contexte. » La politique de la Direction de l'ingénierie était de tenir compte autant que possible des besoins du personnel. Dans des situations où un employé n'était pas disposé à répondre pour des raisons personnelles ou de charge de travail, la Direction prenait des arrangements pour gérer la situation différemment. Tous les enquêteurs régionaux avaient suivi une formation sur les techniques de photographie dans le cadre des enquêtes sur les accidents qui leur avait été donnée par M. Soberal et le fonctionnaire s'estimant lésé. Les enquêteurs pouvaient également faire appel à des photographes d'autres organismes comme la Gendarmerie Royale du Canada, mais le BCEATST n'avait jamais eu à faire appel entièrement à des ressources externes.

48 Si un employé avait refusé systématiquement d'accepter des affectations sans raisons valides après qu'on le lui a demandé à plusieurs reprises, d'après M. Hutchinson, la direction aurait eu, à un certain moment, à prendre des mesures disciplinaires puisque l'affectation à des lieux d'accidents était une exigence énoncée dans les descriptions de travail des employés.

49  M. Hutchinson a expliqué que la responsabilité primaire du fonctionnaire s'estimant lésé était de fournir un soutien à des spécialistes au Laboratoire d'ingénierie, une exigence qui en moyenne l'occupait 80 % de son temps. Les affectations représentaient les autres 20 % du temps de travail du fonctionnaire s'estimant lésé. L'intervention des employés à la Section multimédia dans le cadre d'affectations ne devait pas toujours se faire immédiatement. Souvent, des enquêteurs régionaux étaient déjà sur place et pouvaient amorcer le processus de documentation. Parfois, le fonctionnaire s'estimant lésé se rendait sur les lieux d'un accident une semaine ou plus après qu'il était survenu.

50 M. Hutchinson a passé en revue les données ayant trait aux affectations du fonctionnaire s'estimant lésé depuis 1990 (pièce G-19). D'après M. Hutchinson, 35 % de ces affectations étaient des affectations qui sont survenues au moins une semaine après l'accident et, dans un cas, cinq mois plus tard. Certains des cas énumérés tels que « Air India », « Swissair » et « Crossair Saab » n'étaient pas des affectations, mais plutôt des situations où le fonctionnaire s'estimant lésé a travaillé des heures supplémentaires au Laboratoire d'ingénierie. Le fonctionnaire s'estimant lésé a inscrit ce qui suit au début de ce document : [traduction] « […] j'ai consacré plus de 2 100 heures ou 286 jours ouvrables supplémentaires à des enquêtes sur le terrain qui nécessitaient toujours une intervention immédiate […] [le passage souligné l'est dans l'original] », mais M. Hutchinson a indiqué que ce total incluait quelques heures normales ainsi que des heures supplémentaires qui ne faisaient pas partie d'affectations. Il n'était pas d'accord que tous les cas énumérés exigeaient une intervention immédiate sans préavis.

51 L'interprétation donnée par M. Hutchinson aux termes [traduction] « disponibilité de facto » allait dans le sens de l'interprétation fournie antérieurement par M. Wallis. Il a témoigné que ses communications avec le fonctionnaire s'estimant lésé et avec les autres employés à la Direction de l'ingénierie ne donnaient jamais l'impression qu'il était nécessaire d'être en disponibilité de facto.

52 Examinant la pièce G-6, une liste des coordonnées des membres pour les équipes d'enquête sur les accidents majeurs, M. Hutchinson a déclaré qu'un grand nombre des personnes qui y figuraient n'étaient pas en disponibilité. Cette liste, comme d'autres documents similaires, était un outil administratif pour faciliter la communication avec les personnes devant éventuellement être envoyées en affectation. D'autres directions tenaient des horaires de disponibilité distincts en réponse à leurs propres besoins opérationnels. De tels besoins n'existaient pas à la Direction de l'ingénierie.

53 Durant le contre-interrogatoire, M. Hutchinson a convenu que la capacité de réagir immédiatement à une situation donnée était cruciale dans le contexte du travail de la Direction de l'ingénierie et qu'il y avait un sentiment d'urgence. Il a reconfirmé qu'un autre directeur de la Direction ou l'enquêteur principal ne le contactait pas chaque fois que le fonctionnaire s'estimant lésé partait en affectation. Le fonctionnaire s'estimant lésé recevait des appels directs, mais M. Hutchinson lui avait dit de lui en parler quand cela se produisait. M. Hutchinson se souvenait que le fonctionnaire s'estimant lésé l'a appelé dans ces circonstances mais était conscient qu'à d'autres moments, le fonctionnaire s'estimant lésé avait décidé d'accepter une affectation de son propre chef lorsque aucun gestionnaire n'était disponible. M. Hutchinson n'a jamais réprimandé le fonctionnaire s'estimant lésé pour cela, ni ce dernier n'a-t-il jamais été discipliné pour une violation du protocole lié au processus d'affectation.

54 M. Hutchinson a convenu que le fonctionnaire s'estimant lésé avait reçu une autorisation permanente pour ce qui était des arrangements de voyage à prendre dans le cadre des affectations (pièce G-9), mais a décrit cette autorisation comme un outil administratif qui permettait à l'employé de [traduction] « […] mettre en branle le processus […] » en dehors des heures lorsque les employés administratifs qui normalement étaient responsables de la prise des arrangements de voyage n'étaient peut-être pas disponibles. M. Hutchinson a reconnu que la description de travail du poste de principal spécialiste multimédia des services d'enquête (pièce G-4) précisait qu'une [traduction] « [a]utre condition d'emploi du poste est la disposition à intervenir et à voyager durant et après les heures de travail normales et les jours fériés, à la réception d'un court préavis ». M. Hutchinson a réitéré qu'un employé pouvait toujours refuser une demande d'affectation, qu'on essayait toujours de prendre d'autres arrangements si un employé ne pouvait partir en affectation et qu'il n'y avait aucune situation où des mesures punitives ont jamais été prises ou étaient sous-entendues si un employé refusait d'accepter ainsi une affectation. M. Hutchinson n'était pas d'accord avec le témoignage de M. Soberal et du fonctionnaire s'estimant lésé et a suggéré que si les membres du personnel avaient le sentiment qu'il n'y avait aucune option, ils se trompaient.

55 Lorsque le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a insisté auprès du témoin pour qu'il se rappelle une situation où le fonctionnaire s'estimant lésé avait assisté à une réunion de l'équipe avant le départ, comme celles décrites par M. Hutchinson, celui-ci a dit qu'il ne se souvenait pas d'une enquête majeure à laquelle avait participé le fonctionnaire s'estimant lésé. Interrogé à nouveau au sujet des conversations ayant trait à un téléphone cellulaire pour le fonctionnaire s'estimant lésé, M. Hutchinson a répété qu'il se souvenait que la requête avait été présentée par le fonctionnaire s'estimant lésé, et qu'elle avait été transmise par l'intermédiaire de M. Langdon. Il s'est souvenu que le fonctionnaire s'estimant lésé avait un téléavertisseur à l'époque et souhaitait avoir un téléphone cellulaire à la place. M. Hutchinson a maintenu sa réponse lorsque le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé l'a renvoyé à la pièce G-11, un courriel qui montrait que M. Langdon était la personne qui avait suggéré que le fonctionnaire s'estimant lésé devrait être équipé d'un téléavertisseur. M. Hutchinson a témoigné que la discussion concernant un téléavertisseur avait eu lieu avant la conversation au sujet d'un téléphone cellulaire.

56 M. Hutchinson a admis qu'il était possible que la seule fois où le fonctionnaire s'estimant lésé lui ait parlé du fait qu'on ne lui avait pas demandé de partir en affectation était en rapport avec l'accident de Swissair et que le fonctionnaire s'estimant lésé a peut-être demandé pourquoi son nom ne figurait pas sur la liste des employés qui y étaient affectés par roulement. Lorsqu'on lui a demandé si des témoins avaient soit exagéré l'exigence de l'employeur qu'ils acceptent des demandes d'affectation, soit qu'ils avaient mal interprété l'exigence, M. Hutchinson a répondu qu'il était plus probable qu'ils avaient mal interprété l'urgence de la situation. Une fois de plus, M. Hutchinson a nié avoir jamais utilisé le terme [traduction] « mention négative », en précisant que ce genre d'expression [traduction] « n'est pas dans sa nature ». M. Hutchinson a donné comme possibles raisons invoquées pour refuser une demande d'affectation des préoccupations liées à la charge de travail, une maladie, des questions familiales et d'autres raisons personnelles telles que des sorties sociales. La validité de la raison [traduction] « […] dépendait de la situation ».

57 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a renvoyé M. Hutchinson à l'utilisation de [traduction] « disponibilité de facto » dans le rapport final du comité sur la disponibilité et le rappel au travail (pièce G-22). M. Hutchinson a indiqué qu'il n'avait pas vu auparavant la version finale de ce rapport, puisqu'il a été publié après qu'il était parti à la retraite, mais qu'il en avait lu des versions antérieures. Il a maintenu sa position que la disponibilité n'était pas une exigence opérationnelle à la Direction de l'ingénierie. Il a accepté la proposition que [traduction] « le fonctionnaire s'estimant lésé sentait peut-être qu'il devait être disponible à tout instant, y compris durant les heures hors-service », mais il n'a jamais dit au fonctionnaire s'estimant lésé qu'il s'agissait d'une exigence. Il était raisonnable pour ce dernier de penser qu'on pourrait communiquer avec lui pendant qu'il n'était pas au travail, mais on lui demandait toujours à ces occasions s'il pouvait accepter une affectation.

58 Durant le réinterrogatoire, la représentante de l'employeur a fait référence à l'extrait suivant du rapport final du comité sur la disponibilité et le rappel au travail (pièce G-22) :

[Traduction]

[…]

Annexe 2

[…]

Faiblesses perçues

[…]
  1. Un ou deux employés à la Direction de l'ingénierie ont le sentiment qu'ils sont toujours obligés de répondre quand on les appelle. Ils ont l'impression qu'ils s'exposent à des mesures disciplinaires s'ils omettent de répondre lorsqu'ils reçoivent un appel. Malgré cette perception, des circonstances personnelles ont toujours été considérées comme des raisons légitimes de ne pas répondre et il n'y a aucune indication de consignée qu'une mesure disciplinaire aurait été prise par le passé à l'endroit d'un employé qui refusait de répondre.
[…]

M. Hutchinson a témoigné que cet extrait correspondait à la perception qu'il avait de la situation à la Direction de l'ingénierie.

59 M. Langdon était le deuxième et dernier témoin de l'employeur. Il a décrit ses fonctions au BCEATST en expliquant qu'il était l'ingénieur principal des systèmes et qu'il était responsable de la Section multimédia. M. Langdon a indiqué qu'il est devenu le superviseur du fonctionnaire s'estimant lésé après la promotion de celui-ci dans la section au même niveau de classification que M. Soberal. Avant cela, le fonctionnaire s'estimant lésé relevait de M. Soberal, qui pour sa part rendait compte à M. Langdon.

60 M. Langdon a témoigné que le fonctionnaire s'estimant lésé n'était pas la première personne à arriver sur les lieux d'un accident, même s'il avait peut-être répondu à l'appel initialement. La première personne à arriver sur les lieux était l'enquêteur désigné du BCEATST.

61 M. Langdon a maintenu que les employés dont il assurait la surveillance n'étaient jamais en disponibilité pendant qu'il occupait le poste. Le coût des opérations aurait monté en flèche si cela avait été le cas. Les employés pouvaient être rappelés au travail mais n'étaient pas obligés de reprendre leur service s'ils avaient une raison personnelle de refuser. Il n'était pas nécessaire qu'on puisse joindre les employés à tout instant, on ne leur demandait jamais où ils étaient pendant qu'ils étaient hors-service, on ne leur a jamais dit de ne pas consommer d'alcool pendant leur temps libre et on n'a jamais menacé de prendre des mesures disciplinaires à leur encontre si on ne pouvait les joindre.

62 M. Langdon a nié que c'est à sa demande que le fonctionnaire s'estimant lésé avait été muni d'un téléavertisseur. Il a donné la permission au fonctionnaire s'estimant lésé de se munir d'un téléavertisseur lorsque ce dernier en a fait la demande [traduction] « […] plus qu'autre chose, pour lui donner le sentiment qu'il était un membre de l'équipe » et pour l'apaiser. M. Langdon a également nié avoir jamais dit au fonctionnaire s'estimant lésé [traduction] « […] c'est ton emploi et tu auras affaire à nous si tu ne portes pas un téléavertisseur […] ». En ce qui concerne le courriel daté du 26 novembre 1999, dans lequel M. Langdon avait écrit qu'il avait maintenant [traduction] « […] muni le fonctionnaire s'estimant lésé d'un téléavertisseur afin qu'il [M. Langdon] puisse le joindre à n'importe quelle heure […] », M. Langdon a déclaré que cela ne signifiait pas que le fonctionnaire s'estimant lésé était en disponibilité, mais uniquement qu'il était possible de communiquer avec lui (pièce G-10).

63 M. Langdon a indiqué que le fonctionnaire s'estimant lésé s'est rendu directement sur les lieux d'accidents à un certain nombre d'occasions sans son approbation ni celle de M. Hutchinson. Il se souvient que le fonctionnaire s'estimant lésé a dit qu'il aimait se rendre sur les lieux d'accidents et qu'il était intéressé à devenir un enquêteur d'accident. M. Langdon trouvait que le fonctionnaire s'estimant lésé était fier de son travail, qu'il ne se plaignait jamais de ses affectations et qu'il n'essayait jamais de réduire le nombre des rappels au travail à la suite des accidents.

64 La représentante de l'employeur a renvoyé M. Langdon à l'affirmation faite dans la réponse au grief au premier palier (pièce E-2) selon laquelle [traduction] « [l]a nécessité de répondre, durant les heures de service, à un appel vous demandant de vous rendre sur les lieux d'un accident fait partie des exigences de votre poste ». M. Langdon a répondu que cette affirmation ne signifiait pas que le fonctionnaire s'estimant lésé devait s'y rendre peu importe les circonstances. Des raisons personnelles pouvaient empêcher une affectation, et il n'y aurait pas de conséquences négatives si cela se produisait. M. Langdon a confirmé qu'il n'a jamais indiqué, laissé sous-entendre ou suggéré un arrangement autre que celui qui était énoncé dans la réponse au premier palier : [traduction] « Ce que j'ai affirmé [dans cette réponse] correspondait à la règle que nous appliquions, sauf quand le fonctionnaire s'estimant lésé s'en écartait de sa propre initiative. »

65 Durant le contre-interrogatoire, M. Langdon a convenu qu'il y avait un sentiment d'urgence pour ce qui était de répondre aux appels d'affectation à la suite d'un accident, mais a réitéré que l'employeur n'exigeait pas que le fonctionnaire s'estimant lésé participe à l'intervention initiale. M. Langdon a affirmé que [traduction] « […] l'intervention immédiate n'était pas une exigence du poste [du fonctionnaire s'estimant lésé] ».

66 Lorsqu'on lui a demandé s'il se souvenait d'un courriel ou d'une lettre qui aurait été envoyé au fonctionnaire s'estimant lésé, avant la réponse au grief au premier palier du 27 juin 2001 (pièce E-2), où il avait précisé que la disponibilité n'était pas une exigence, M. Langdon a répondu par la négative. Il ne se souvenait pas non plus d'un message antérieur envoyé au fonctionnaire s'estimant lésé pour l'informer qu'il devait obtenir expressément l'autorisation de M. Hutchinson ou de lui-même avant de se rendre sur les lieux d'un accident. Il était cependant certain que le fonctionnaire s'estimant lésé [traduction] « […] a compris que je voulais qu'il obtienne mon approbation ». En ce qui concerne les situations où le fonctionnaire s'estimant lésé partait en affectation sans son approbation, M. Langdon a confirmé que la direction n'a pas pris des mesures disciplinaires à son égard.

67 M. Langdon a décrit l'affirmation faite dans la lettre de nomination de 2004 (pièce G-4), selon laquelle l'exigence de répondre et de se déplacer à court préavis était une condition d'emploi, comme une disposition type que l'on trouve dans des douzaines d'autres documents similaires. Il a déclaré que [traduction] « […] tout le monde savait qu'il était nécessaire de partir en affectation ». Il ne savait pas si d'autres directions du BCEATST versaient des indemnités de disponibilité et doutait qu'un arrangement particulier en matière de disponibilité serait appliqué à toute une direction. Il a toutefois précisé que la Direction de l'ingénierie versait des indemnités de rappel et que [traduction] « […] nous étions tous rémunérés en heures supplémentaires lorsque nous travaillions ».

68 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a demandé à M. Langdon s'il avait dit au fonctionnaire s'estimant lésé [traduction] « […] c'est ton emploi, c'est la raison pour laquelle tu es payé » durant une conversation vive au sujet des affectations. M. Langdon a répondu qu'il ne se souvenait pas de l'avoir dit et a maintenu qu'il n'aurait jamais menacé le fonctionnaire s'estimant lésé. Lorsqu'on lui a demandé s'il était juste de dire que certains employés avaient le sentiment qu'ils étaient obligés de répondre et qu'ils n'avaient pas le choix, M. Langdon a répondu qu'il ne pouvait pas se prononcer sur ce que pensaient les employés. Cette perception [traduction] « […] dépendait de l'employé ».

69 Durant le rééinterrogatoire, M. Langdon a réitéré que l'exigence énoncée selon laquelle il fallait se rendre sur les lieux d'un accident en tant que condition d'emploi (pièce G-4) ne voulait pas dire que l'on devait pouvoir joindre le fonctionnaire s'estimant lésé à tout instant.

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour le fonctionnaire s'estimant lésé

70 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a adopté la position qu'il n'est pas nécessaire que soient satisfaites les conditions énoncées à la stipulation 30.02 de la convention collective (selon lesquelles « l'employé désigné par une lettre ou un tableau pour remplir des fonctions de disponibilité doit pouvoir être atteint […] à un numéro de téléphone connu […] et pouvoir rentrer au travail aussi rapidement que possible […] ») pour que l'on ait droit à une indemnité de disponibilité. La stipulation 30.01 crée un droit à de la rémunération même si les conditions de la stipulation 30.02 ne sont pas satisfaites. Du point de vue de la preuve, le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a toutefois fait valoir que les paramètres de la stipulation 30.02 s'appliquaient en l'espèce.

71 Toujours d'après le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé, la preuve a permis d'établir que l'employeur exigeait que le fonctionnaire s'estimant lésé puisse se rendre immédiatement sur les lieux d'accidents faisant l'objet d'enquêtes, aussi bien dans la pratique que d'après la description de travail du poste de spécialiste multimédia. Le fonctionnaire s'estimant lésé s'était toujours conformé aux attentes de l'employeur. Il était disponible pour des affectations, on pouvait le joindre, et il avait modifié son mode de vie pour accomplir ses fonctions. Même si j'arrivais à la conclusion que l'employeur n'exigeait pas formellement que le fonctionnaire s'estimant lésé soit en disponibilité, clairement, il s'agissait d'une exigence de facto. Le fonctionnaire s'estimant lésé a interprété sincèrement le climat au travail comme une situation où l'on s'attendait à ce qu'il parte tout de suite en affectation lorsqu'on communiquait avec lui. Il l'a fait avec diligence et avec beaucoup de professionnalisme. L'employeur a bénéficié du comportement du fonctionnaire s'estimant lésé et en dépendait. À tout le moins, il y avait de la confusion entre l'interprétation donnée par le fonctionnaire s'estimant lésé à ce que les pratiques aux lieux de travail l'obligeaient à faire et l'interprétation donnée par la direction aux exigences officielles de son poste. Le fonctionnaire s'estimant lésé croyait qu'il n'avait aucun choix autre que de répondre aux appels d'affectation, une exigence qui était interprétée largement et décrite plus tard de façon explicite (pièce G-4) comme condition d'emploi. Dans pareille situation, les règles de l'équité exigent que l'employeur rémunère le fonctionnaire s'estimant lésé pour les attentes que l'on avait réellement et continuellement à son égard.

72 Le fonctionnaire s'estimant lésé, M. Soberal et M. Wallis ont tous témoigné qu'il était essentiel d'agir vite dans le cadre des affectations. Le seul but de l'autorisation permanente accordée pour les déplacements (pièce G-9) était de faciliter les affectations rapides. Les listes établies par l'employeur pour les équipes d'enquête sur les accidents majeurs (pièces G-6 et G-7) confirment le rôle d'intervention du fonctionnaire s'estimant lésé. Il est significatif que seul le nom du fonctionnaire s'estimant lésé est fourni pour la Section multimédia. Tandis que l'employeur a suggéré que la direction aurait pu appeler quelqu'un d'autre, qui d'autre était disponible, surtout durant l'enquête faisant suite à l'accident de Swissair?

73 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a noté la confusion qu'il y avait dans la preuve quant à la question de savoir si c'était la direction ou le fonctionnaire s'estimant lésé qui était à l'origine de la demande d'un téléavertisseur. Il a fait valoir que celui-ci symbolisait les attentes de l'employeur. L'employeur n'aurait pas fourni au fonctionnaire s'estimant lésé un téléavertisseur s'il n'était pas requis et nécessaire. Il y a également une preuve non réfutée que M. Langdon pensait que le téléavertisseur était utile (pièce G-12).

74 En ce qui concerne la situation à Stewiake (pièce G-15), la haute direction a demandé aux employés, y compris au fonctionnaire s'estimant lésé, de justifier le temps qu'il avait mis à se rendre sur les lieux de l'accident. Ce geste a renforcé le message qu'il était urgent pour les employés de se rendre dès que possible sur les lieux d'un accident après qu'on s'était mis en rapport avec eux. Aussi bien le fonctionnaire s'estimant lésé que M. Wallis ont témoigné du risque d'avoir une « mention négative » au dossier s'ils ne réagissaient pas une fois qu'on s'était mis en rapport avec eux.

75 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé m'a renvoyé aux décisions suivantes : Beaulieu et al. c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2002 CRTFP 3; Angers et al. c. Conseil du Trésor (Agriculture Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-21622 à 21624, 21751, 21752, 21763 à 21766, 21759 et 21760 (19920131); Parcells c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Douanes et accise), dossier de la CRTFP 166-02-15060 (19851104); Kosmider c. Conseil du Trésor (Bureau canadien de la sécurité des transports), dossier de la CRTFP 166-02-26233 (19950831); Bélanger et al. c. Conseil du Trésor (Agriculture Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-21257, 21258 et 21300 à 21302 (19910702); Litkowich c. Conseil du Trésor (Revenu Canada), dossier de la CRTFP 166-02-12952 (19830201) et McMurray c. Conseil du Trésor (Santé et Bien-être Canada), dossier de la CRTFP 166-02-12349 (19821117).

76 À titre de mesure correctrice, le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé  a adopté la position que le grief concerne une situation qui se poursuit et que le fonctionnaire s'estimant lésé était [traduction] « constamment en disponibilité » et aurait dû être rémunéré en conséquence. Sinon, et compte tenu de la directive émise dans Canada (Office national du film) c. Coallier, [1983] A.C.F. no 813 (C.A.F.) (QL), le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a fait valoir que je devrais accorder une indemnité de rappel pour la période de 25 jours précédent le dépôt du grief. Il a mentionné également le 1er avril 2001, date effective à laquelle entraient en vigueur les conditions d'emploi fournies au fonctionnaire s'estimant lésé au moment de sa reclassification. Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé m'a également renvoyé à l'affectation de celui-ci le 12 avril 2001 aux lieux de l'accident de Via Rail à Stewiacke (pièce G-19).

77 Selon la preuve produite par le fonctionnaire s'estimant lésé, il subsistait de la confusion concernant les exigences de rappel au moment de l'audience, justifiant ainsi une solution allant nettement au-delà de la date de dépôt du grief. Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a noté cependant que l'employeur pourrait adopter la position que la réponse fournie par M. Langdon au premier palier le 27 juin 2001 (pièce E-2) dissipait la confusion.

B. Pour l'employeur

78 La représentante de l'employeur a fait valoir que c'est au fonctionnaire s'estimant lésé qu'incombe le fardeau de prouver qu'il a droit à une indemnité de disponibilité aux termes de la convention collective. Or, il ne s'est pas acquitté de ce fardeau.

79 Au BCEATST, les employés à la Direction de l'ingénierie fournissaient des services, tels qu'un soutien photographique et vidéographique, à la demande d'une direction menant une enquête. Lorsque, à la suite d'une telle demande, il était nécessaire de se rendre sur les lieux d'un accident, les employés individuels de la Direction de l'ingénierie quittaient le même jour que les enquêteurs responsables ou en l'espace de quelques jours ou d'une semaine. La Direction de l'ingénierie n'a toutefois jamais institué un système de disponibilité, parce que ses employés n'étaient pas les premiers à intervenir. Il y avait toujours suffisamment de temps pour communiquer avec quelqu'un qui pourrait fournir le soutien requis. Si des personnes particulières n'étaient pas disponibles, il y avait d'autres options.

80 La représentante de l'employeur a soutenu que le fonctionnaire s'estimant lésé ne comprenait pas la distinction entre indemnité de disponibilité et indemnité de rappel. Le fonctionnaire s'estimant lésé croyait qu'il était en disponibilité parce qu'il recevait des appels en dehors des heures de travail et parce qu'il se rendait à des endroits où étaient menées des enquêtes sur des accidents en dehors de la ville. Il se sentait contrarié parce qu'il devait annuler ou reporter des activités personnelles lorsqu'on communiquait avec lui et parce qu'une fois qu'on s'était mis en rapport avec lui, il devait partir en affectation. Aucun de ces éléments ne démontre toutefois que le fonctionnaire s'estimant lésé était en disponibilité. Aucun des témoignages n'a montré quoi que ce soit d'autre que le fait que l'emploi du fonctionnaire s'estimant lésé exigeait qu'il réponde lorsqu'on communiquait avec lui aux fins de rappel au travail.

81 L'employeur n'a jamais ordonné au fonctionnaire s'estimant lésé de rester assis à côté d'un téléphone durant les heures hors-service. Il ne lui a jamais dit de s'abstenir de consommer de l'alcool lorsqu'il n'était pas au travail. Il ne lui a jamais dit qu'il s'exposait à des mesures disciplinaires si on ne pouvait le joindre pour lui demander de retourner au travail. Le fonctionnaire s'estimant lésé avait un téléavertisseur mais comme l'a montré le témoignage des deux témoins de l'employeur, celui-ci n'a pas imposé cette exigence au fonctionnaire s'estimant lésé. Au lieu de cela, l'employeur a fourni un téléavertisseur au fonctionnaire s'estimant lésé, à la demande de ce dernier.

82 En dernière analyse, toujours selon la représentante de l'employeur, la direction pouvait prendre d'autres arrangements si le fonctionnaire s'estimant lésé ne pouvait accepter une affectation. Les deux témoins de l'employeur ont reconnu explicitement qu'il y avait des raisons personnelles et légitimes pour lesquelles le fonctionnaire s'estimant lésé ou d'autres employés ne seraient peut-être pas en mesure d'accepter une affectation. Contrairement à la situation décrite dans Beaulieu et al., il n'y avait aucune preuve que l'employeur exigeait que le fonctionnaire s'estimant lésé soit disposé à être en « disponibilité » à tout instant ou que l'employeur a imposé des restrictions à ce dernier, pour ce qui était de l'utilisation qu'il faisait de son temps lorsqu'il n'était pas au travail.

83 Le fait que l'on s'attendait à ce que le fonctionnaire s'estimant lésé réponde lorsqu'il était rappelé au travail, soit de la manière décrite dans la description de travail, soit comme l'employeur s'y attendait dans la pratique, ne prouve pas qu'il y avait une situation de disponibilité. L'employeur s'attendait à ce que le fonctionnaire s'estimant lésé réponde lorsqu'il communiquait avec lui. Dans ce sens, le rappel au travail incluait une exigence obligatoire de travailler, comme il a été reconnu dans Lantic Sugar Ltd. v. Bakery, Confectionery & Tobacco Workers International Union, Local 443 (1995), 51 L.A.C. (4th) 257. D'après l'arbitre dans ce cas-là, il n'y avait aucune indication dans la jurisprudence [traduction] « […] que le rappel est volontaire et que l'employé a le droit de refuser ». Toujours d'après cet arbitre, l'employeur verse une rémunération supplémentaire en cas de rappel [traduction] « […] pour l'interruption qui est causée lorsqu'un employé fait ainsi l'objet d'un rappel ».

84 Aspect crucial, un rappel obligatoire n'entraîne pas automatiquement une indemnité de disponibilité. L'arbitre de grief, dans Roach c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2006 CRTFP 3, a observé ce qui suit :

[…]

[77] Je partage également le point de vue exprimé dans la jurisprudence citée par l'employeur selon lequel il existe une distinction entre être disponible et être rappelé au travail. Un rappel obligatoire n'implique pas nécessairement le paiement d'une indemnité de disponibilité. L'obligation de se rendre au travail sur réception d'un appel peut certes être assortie de sanctions disciplinaires, mais elle n'autorise pas, en soi, un fonctionnaire s'estimant lésé à demander le paiement d'une indemnité de disponibilité.  

[…]

85 Si le fonctionnaire s'estimant lésé souhaite soutenir que l'employeur a imposé une exigence qu'il soit en disponibilité d'une quelconque façon indirecte (c.-à-d. qu'il y avait une exigence de disponibilité de facto), la preuve sur laquelle s'appuie un tel argument doit être très claire, d'après la jurisprudence. Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé n'a cependant apporté aucune preuve claire indiquant qu'il y avait une exigence de disponibilité indirecte ou de facto.

86 La représentante de l'employeur m'a également référé à Parcells, Kettle c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-21941 (19920413) et à Mullins c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-17752 (19890202).

87 Une fois qu'il avait reçu la réponse de l'employeur à son grief au premier palier le 27 juin 2001 (pièce E-2), le fonctionnaire s'estimant lésé ne pouvait pas continuer à croire qu'il était toujours en disponibilité, comme il l'a affirmé lors de son témoignage. Avant d'avoir reçu la réponse au premier palier, toute confusion concernant l'exigence d'être en disponibilité n'était pas causée par l'employeur, mais plutôt par de la confusion dans l'esprit du fonctionnaire s'estimant lésé quant à ce qui constituait de la disponibilité. Il convient de souligner que s'il y avait de la confusion antérieurement, le fonctionnaire s'estimant lésé n'a jamais cherché à obtenir des éclaircissements de l'employeur avant de présenter son grief, ni n'a t-il présenté de grief avant cela. Il a seulement agi après qu'il avait appris sur les lieux de l'accident de Via Rail à Stewiacke en avril 2001 que des employés dans d'autres directions touchaient des indemnités de disponibilité.

88 Aucun document antérieur au grief ne donnait à penser qu'il était nécessaire d'être en disponibilité. Si le fonctionnaire s'estimant lésé [traduction] « […] suivait juste les ordres », comme le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé l'a soutenu, de qui venait ces ordres? La réponse, selon la représentante de l'employeur, était qu'ils ne venaient de personne.

89 En conclusion, la représentante de l'employeur m'a conseillé vivement de refuser le grief parce que le fonctionnaire s'estimant lésé ne s'était pas acquitté du fardeau de la preuve et n'avait pas prouvé qu'il y avait eu violation de la convention collective. En revanche, si j'en venais à conclure qu'il y avait eu violation, je devrais limiter toute rétroactivité à la période de 25 jours précédant la date de présentation du grief, tel que stipulé dans Coallier. De plus, étant donné la réponse fournie au grief le 27 juin 2001 au premier palier, dans laquelle l'employeur informait sans équivoque le fonctionnaire s'estimant lésé qu'il n'était pas en disponibilité, le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas droit à une indemnité au-delà de cette date.

C. Réfutation du fonctionnaire s'estimant lésé

90 Contrairement à l'argument de l'employeur selon lequel il n'y avait aucune indication qu'il y avait une exigence de disponibilité de facto, M. Wallis a témoigné que la disponibilité de facto existait bel et bien à la Direction de l'ingénierie.

91 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a également remis en question l'affirmation de l'employeur selon laquelle les exigences de disponibilité ne portaient pas à confusion. Il a cité la réponse fournie par l'employeur au grief au dernier palier (au dossier) comme preuve du contraire :

[Traduction]

[…]

[…] Vous avez laissé sous-entendre que les employés au BST qui ne sont pas officiellement en disponibilité estiment qu'ils doivent pouvoir intervenir comme s'ils l'étaient ou sinon il pourrait y avoir des conséquences négatives. Rien de ce que j'ai vu par écrit ne vient confirmer cette préoccupation […] Quoi qu'il en soit, je me suis rendu compte qu'il peut y avoir une certaine confusion sur ce point […]

[…]

IV. Motifs

92 La question qui nous préoccupe ici est l'application appropriée aux circonstances du cas des dispositions énoncées à l'article 30 (Disponibilité) de la convention collective. C'est au fonctionnaire s'estimant lésé qu'incombe le fardeau de la preuve, et il doit donc prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l'employeur a violé les dispositions de l'article ayant trait à la disponibilité.

93 Ma lecture de la jurisprudence citée par les parties m'amène à faire quelques observations générales à propos des exigences de disponibilité et à propos du droit à la rémunération de disponibilité, particulièrement dans le contexte de dispositions contractuelles du genre examinées ici. Le motif habituel et le plus évident justifiant le versement d'une rémunération de disponibilité est l'existence prouvée d'une instruction écrite ou orale directe adressée par un employeur à un employé qu'il doit être disponible en dehors des heures de travail normales au cas où l'on communiquerait avec lui pour lui demander de retourner au travail de façon immédiate ou urgente. En imposant une telle exigence de disponibilité, l'employeur oblige l'employé de faire en sorte qu'il puisse retourner au travail en recevant un court préavis durant les heures hors-service. Ce faisant, l'employeur limite la liberté de l'employé concerné lorsqu'il n'est pas de service. La rémunération de disponibilité compense l'employé pour le fait qu'il modifie son comportement pendant qu'il n'est pas au travail afin de pouvoir retourner à celui-ci au besoin et pour les inconvénients et interruptions que cela risque de causer.

94 Souvent, les exigences de disponibilité sont formalisées au moyen d'une lettre ou d'un tableau comme ceux envisagés à la stipulation 30.02 de la convention collective :

30.02  L'employé-e désigné par une lettre ou un tableau pour remplir des fonctions de disponibilité, doit pouvoir être atteint au cours de cette période à un numéro de téléphone connu et pouvoir rentrer au travail aussi rapidement que possible s'il ou elle est appelé à le faire. Lorsqu'il désigne des employé-e-s pour des périodes de disponibilité, l'Employeur s'efforce de prévoir une répartition équitable des fonctions de disponibilité.

95 Dans Beaulieu et al., Parcells et d'autres décisions, on a reconnu toutefois que l'existence d'une lettre ou d'un tableau de disponibilité ne constitue pas une exigence nécessaire pour donner droit à une rémunération de disponibilité. En ce sens, je suis d'accord avec le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé que le droit à la rémunération de disponibilité peut survenir indépendamment des conditions énoncées à la stipulation 30.02 de la convention collective. La raison d'être de la stipulation 30.01, il me semble, est de décrire le droit général à une rémunération de disponibilité dans toute situation où « […] l'employeur exige d'un employé-e qu'il ou elle soit disponible durant les heures hors-service […] » :

30.01 Lorsque l'Employeur exige d'un employé-e qu'il ou elle soit disponible durant les heures hors-service, cet employé-e a droit à une indemnité de disponibilité au taux équivalant à une demi-heure (1/2) de travail pour chaque période entière ou partielle de quatre (4) heures durant laquelle il ou elle est en disponibilité.

96 La stipulation 30.01 de la convention collective et d'autres dispositions similaires semblent indiquer que différents types de preuves directes ou indirectes peuvent être produites pour justifier le versement d'une rémunération de disponibilité. La jurisprudence montre qu'un arbitre peut décider qu'il y a des indications selon lesquelles il existe un arrangement de disponibilité de facto dans le contexte des besoins pratiques des opérations dans un lieu de travail où l'on n'autorise pas officiellement la disponibilité. Il est même possible, comme c'est le cas dans Beaulieu et al., de discerner une importante exigence de disponibilité dans une situation où il y a de la confusion entourant les attentes de l'employeur concernant la disponibilité au travail, que ce soit intentionnellement ou non. D'un autre côté, un employé ne peut pas, de sa propre initiative, agir comme s'il était nécessaire d'être disponible à tout instant et puis tenir l'employeur responsable pour le versement d'une indemnité de disponibilité.

97 Je note que la représentante de l'employeur a avancé que, dans les situations autres que la situation « normale » décrite à la stipulation 30.02 de la convention collective, un critère plus élevé doit être appliqué à la preuve (« preuve très claire ») censée démontrer qu'il y a une exigence de disponibilité. J'interprète cet argument comme un avertissement approprié selon lequel je devrais examiner prudemment les autres éléments de preuve présentés pour démontrer qu'il y avait un arrangement de disponibilité de facto. Je ne pense toutefois pas que la jurisprudence exige l'application d'une norme de preuve qui soit différente et formelle. Que la preuve proposée pour démontrer une exigence de disponibilité soit directe ou indirecte, officielle ou de facto, le fardeau qui incombe au fonctionnaire s'estimant lésé continue d'être, à mon avis, qu'il doit prouver l'existence de motifs lui donnant droit à une rémunération de disponibilité en conformité avec les dispositions de la convention collective, selon le critère de la prépondérance des probabilités.

98 Du fait que c'est un aspect important en l'espèce, je note aussi que la jurisprudence fait clairement la distinction entre les situations de disponibilité et les situations de rappel. Dans les deux cas, le versement d'une rémunération reconnaît, du moins en partie, une interruption dans la vie d'un employé. Au-delà de cela, les deux situations sont différentes. Le rappel entraîne un droit à la rémunération - normalement à un taux d'heures supplémentaires plus élevé pendant un nombre minimal d'heures - parce que, dans les faits, l'employé reprend son service et accomplit du travail durant des heures qui normalement auraient été des heures hors-service. Il se peut que l'employé ait été en disponibilité ou non avant d'être rappelé au travail. Cette exigence de retourner au travail est habituellement obligatoire, telle que décrite dans Lantic Sugar Ltd. Le fait d'être obligé de retourner au travail une fois le contact établi ne prouve pas nécessairement l'existence d'une exigence de disponibilité, un point souligné dans Roach au paragraphe 77.

99 Gardant ces observations à l'esprit, je me penche maintenant sur la preuve produite en l'espèce. Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé  a fait valoir, en premier lieu, que la preuve répondait aux conditions énoncées à la stipulation 30.02 de la convention collective. Est-ce que la preuve montrait, selon le critère de la prépondérance des probabilités, que le fonctionnaire s'estimant lésé était « […] désigné par une lettre ou un tableau pour remplir des fonctions de disponibilité […] » et qu'il pouvait « […] être atteint au cours de cette période à un numéro de téléphone connu et pouvoir rentrer au travail aussi rapidement que possible s'il [était] appelé à le faire […] »?

100 Pour que la stipulation 30.02 de la convention collective s'applique, il doit y avoir une preuve d'une désignation « […] par une lettre ou un tableau pour remplir des fonctions de disponibilité […] ». Ici, nous sommes à la recherche d'une preuve directe ou relativement directe, sous une forme écrite (« par une lettre ou un tableau »), faisant état d'une exigence de disponibilité, dont l'employeur aurait été l'auteur.

101 D'après le fonctionnaire s'estimant lésé, la preuve montrait qu'il y avait deux documents principaux qui correspondaient à cette désignation écrite : les listes des personnes faisant partie des équipes d'enquête sur les accidents majeurs dans les secteurs de l'aviation, de la marine et du rail/pipeline (principalement la pièce G-7) et la lettre de nomination du fonctionnaire s'estimant lésé remontant à 2004 (pièce G-4). Je ne peux accepter les listes des équipes d'enquête sur les accidents majeurs comme preuve suffisante d'une exigence de disponibilité. Ces listes ne concernent pas la disponibilité et on ne m'a soumis aucun autre document à l'appui qui indiquerait que l'on s'attendait à ce que les employés figurant dans ces listes soient en disponibilité pour pouvoir retourner au travail. Il est certain que les listes furent utilisées pour rappeler des employés au travail. Il se peut également que le fonctionnaire s'estimant lésé croyait que les listes étaient l'équivalent d'un tableau de disponibilité. Mais ce n'est pas parce qu'il avait cette croyance que c'était nécessairement vrai. Des preuves corroborantes seraient nécessaires pour établir que les listes des membres des équipes d'enquête sur les accidents majeurs servaient ou étaient censées servir spécifiquement pour assurer la disponibilité des employés, mais je ne suis pas convaincu que le fonctionnaire s'estimant lésé a réussi à le prouver. Au contraire, il y a eu un élément de preuve produit par M. Wallis que d'autres directions du BCEATST établissaient des tableaux de disponibilité distincts en plus de dresser des listes pour les équipes d'enquête sur les accidents majeurs. Si ces listes invoquées par le fonctionnaire s'estimant lésé servaient à placer les employés en disponibilité au sens de la convention collective, il semble peu probable que les autres directions, qui se servaient également de telles listes, auraient éprouvé le besoin d'adopter des tableaux de disponibilité distincts.

102 Le deuxième document cité par le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé est également problématique. Dans la lettre de nomination de 2004 du fonctionnaire s'estimant lésé (pièce G-4), on lit que [traduction] « […] la disposition à répondre et à voyager, à court préavis, durant et après les heures de travail normales et les jours fériés […] » était une condition d'emploi. Ce passage montre que, dans le cadre de l'emploi du fonctionnaire s'estimant lésé, il y avait une exigence significative de rappel, facette de son travail confirmée par une abondance d'éléments de preuve produits à l'audience. L'employeur aurait pu décider que la meilleure façon de faire respecter cette condition d'emploi aurait été d'obliger le fonctionnaire s'estimant lésé à être en disponibilité. Cependant, il n'y a aucune preuve directe que l'employeur ait pris cette mesure additionnelle en rapport avec la lettre de 2004, ni peut-on considérer que l'affirmation décrivant la condition d'emploi constitue en soi un élément de preuve, selon le critère de la prépondérance des probabilités, montrant que l'employeur l'a fait. Même si je me trompe sur ce point, la pièce G-4 demeure problématique puisque le document a été rédigé et communiqué par l'employeur trois ans après la date du grief. Tandis que la décision de reclassification annoncée dans le document pouvait avoir et a effectivement eu un effet rétroactif jusqu'au moment du grief, on peut difficilement avancer qu'un document précisant les conditions d'emploi communiqué en 2004 prouve l'existence d'une désignation aux fins de disponibilité trois ans avant cela, à l'époque où le grief a été déposé. Je note, entre parenthèses, que j'ai également examiné la description de travail du fonctionnaire s'estimant lésé qui remonte à 1996 (pièce G-5) pour trouver une preuve qui pourrait équivaloir à une désignation écrite aux fins de disponibilité, mais je n'en n'ai trouvé aucune.

103 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a présenté plusieurs arguments subsidiaires. Il a affirmé que les faits du cas, et particulièrement le relevé tenu par le fonctionnaire s'estimant lésé indiquant ses affectations en réponse à des appels de rappel, établissaient l'existence d'une exigence de disponibilité de facto. Il a fait valoir que plusieurs gestes posés et affirmations faites par la direction au fil des ans créaient une attente raisonnable chez le fonctionnaire s'estimant lésé que la disponibilité était une exigence de son poste. Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a également suggéré, essentiellement comme possibilité additionnelle, que la question de la disponibilité était entourée de confusion au travail, de sorte que le fonctionnaire s'estimant lésé a agi en toute bonne foi, puisqu'il croyait que l'employeur exigeait qu'il soit en disponibilité. Ces arguments m'ont amené à essayer de trouver une preuve moins directe dénotant une exigence de disponibilité, aux termes de la stipulation 30.01 de la convention collective.

104 À ce stade-ci, je dois faire quelques observations servant d'avertissements au sujet de la preuve. Une partie considérable du témoignage des témoins du fonctionnaire s'estimant lésé et de la preuve qui a été obtenue durant le contre-interrogatoire des témoins de l'employeur portaient sur le comportement du fonctionnaire s'estimant lésé et d'autres employés une fois que l'employeur les avait appelés pour qu'ils se rendent sur les lieux d'une enquête à la suite d'un accident. Tandis que cette information a fourni un contexte utile pour comprendre en quoi consiste une enquête sur un accident, à mon avis, elle concernait principalement les procédures de rappel et la rémunération de rappel, plutôt que la disponibilité. Tel que noté plus haut, le rappel est différent de la disponibilité. L'article 29 de la convention collective précise les procédures à suivre et l'indemnité à verser en cas de rappel, mais elles ne faisaient pas l'objet du grief examiné ici. Tandis qu'il peut y avoir un important lien entre la disponibilité et le rappel - un lien énoncé expressément à la stipulation 30.04 - ce n'est pas un lien nécessaire. L'employeur peut demander à un employé d'être en disponibilité et ne pas le rappeler au travail. De même, l'employeur peut assujettir un employé à une exigence de rappel, tout en lui demandant ou non d'être en disponibilité.

105 Si j'examine la preuve, il n'y a aucun doute dans mon esprit que le fonctionnaire s'estimant lésé a reçu un nombre considérable de requêtes lui demandant de se rendre à des endroits où étaient menées des enquêtes sur des accidents et qu'il a obtempéré. Même si le témoignage de M. Hutchinson remettait en question l'exactitude et la validité de toutes les affectations énumérées par le fonctionnaire s'estimant lésé (pièce G-19), je ne doute pas qu'il a été rappelé par l'employeur pour accomplir du travail à une variété d'occasions, sur les lieux d'un accident ou au Laboratoire d'ingénierie. Le témoignage du fonctionnaire s'estimant lésé selon lequel il n'a pas reçu de rémunération de rappel pour s'être plié à ces exigences n'est pas contesté, mais le grief devant moi n'allègue pas une omission de l'employeur de respecter les dispositions relatives à la rémunération de rappel de la convention collective. Je note également que selon un témoignage - non déterminant en l'espèce - le fonctionnaire s'estimant lésé a été rémunéré en heures supplémentaires pour les heures qu'il travaillait en plus de sa journée de travail régulière, dans le cadre d'affectations et lorsqu'il était rappelé au travail.

106 Aucun de ces éléments de preuve en soi ne me permet de trancher la question distincte voulant que l'employeur aurait mal interprété ou mal appliqué l'article 30 de la convention collective. À vrai dire, le témoignage du fonctionnaire s'estimant lésé lui-même a révélé que ce dernier n'avait peut-être pas compris et continue peut-être de mal comprendre la distinction entre les exigences de disponibilité et les exigences de rappel. Je me réfère ici à la preuve résumée au paragraphe 28. Le principal malentendu dans l'esprit du fonctionnaire s'estimant lésé semble être qu'il pense que le fait de partir en affectation prouvait qu'il était en disponibilité, plutôt que de prouver la nécessité de pouvoir répondre à un appel quand il y en recevait un. Parce que [traduction] « […] il s'était rendu immédiatement à l'endroit voulu chaque fois qu'on communiquait avec lui […] », le fonctionnaire s'estimant lésé estime qu'il était toujours en disponibilité. La convention collective est claire sur ce point. La rémunération de disponibilité est versée « [l]orsque l'employeur exige d'un employé-e qu'il ou elle soit disponible dans les heures hors-service […] ». Qu'un employé accepte ou non une affectation lorsqu'on communique avec lui est pertinent dans le cadre de la rémunération de disponibilité uniquement dans le contexte de la stipulation 30.03 de la convention collective :

30.03 Il n'est pas versé d'indemnité de disponibilité si l'employé-e est incapable de se présenter au travail lorsqu'il ou elle est tenu de le faire.

Cela signifie que si l'employé n'est pas disponible lorsqu'il y a un appel lui demandant de se présenter au travail pendant qu'il est en disponibilité, il ne touchera pas l'indemnité de disponibilité prévue à l'article 30. D'un autre côté, s'il se présente au travail, il satisfait à une condition de son droit à une indemnité de disponibilité en vertu de la stipulation 30.01 ou de la stipulation 30.02, mais uniquement s'il est en disponibilité. Autrement, la réaction de l'employé à la communication peut être pertinente dans le contexte de la rémunération de rappel, mais non pas dans le contexte de la rémunération de disponibilité.

107 La confusion apparente du fonctionnaire s'estimant lésé était d'autant plus prononcée lorsqu'il a fait l'affirmation suivante :

[Traduction]

Le rappel au travail se produit uniquement lorsqu'un employé doit retourner sur les lieux du travail et ne s'applique pas dans les cas où un employé est affecté sur les lieux d'un accident, ailleurs qu'au travail. Le fait de recevoir un appel lui demandant, par exemple, de se rendre à Vancouver pour participer à une enquête sur un accident, n'est pas un rappel au travail […]

Au contraire, la réception d'un appel lui demandant de se rendre à Vancouver est exactement ce qui constitue un rappel, en supposant que l'appel en question est survenu lorsque l'employé était hors-service.

108 En fin d'analyse, je ne peux pas savoir si et dans quelle mesure la compréhension problématique qu'a le fonctionnaire s'estimant lésé des notions de disponibilité et de rappel ont contribué à son désaccord avec l'employeur. Dans la pratique, pour rendre cette décision, il n'est pas crucial de le savoir. À ce stade-ci, ce qu'il reste à déterminer c'est s'il y a d'autres éléments de preuve produits à l'audience qui révèlent une exigence de disponibilité de facto.

109 Le témoignage de M. Soberal, de M. Wallis et du fonctionnaire s'estimant lésé au sujet du genre d'attentes qui existaient à leur lieu de travail ont produit d'éventuels éléments de preuve qu'il y avait une exigence de disponibilité de facto. M. Soberal a toujours supposé que, dans le cadre de son poste, il devait être disponible. Il avait le sentiment qu'il était sous-entendu qu'on devait pouvoir le joindre les fins de semaine même si on ne lui a pas dit directement de faire le nécessaire pour qu'il en soit ainsi. À ses yeux, la nécessité d'être muni d'un téléphone cellulaire pour recevoir des appels faisait partie de son emploi. M. Wallis a signalé que le fait de ne pas être disponible pour répondre à des demandes d'affectation aurait eu un impact négatif au moment de l'évaluation de son rendement. Il a témoigné que M. Hutchinson lui a donné l'impression que le refus d'une demande d'affectation entraînerait une mention négative à côté de son nom et pourrait compromettre la sécurité de son emploi. L'expérience de M. Wallis auprès du comité sur la disponibilité et le rappel au travail lui a permis d'apprendre que, dans certains secteurs du BCEATST, il y avait une pratique officielle consistant à placer les employés en disponibilité et qu'ailleurs, on avait la perception qu'il y avait une exigence de disponibilité de facto,que le BCEATST [traduction] « […] devrait s'efforcer d'éliminer […] ». Il a conclu que [traduction] « […] les employés continuaient d'être essentiellement de service tout le temps », en dépit des efforts faits par le comité. Il a également indiqué qu'on l'avait interrogé à plusieurs reprises pour connaître la raison pour laquelle son téléphone cellulaire n'était pas allumé durant les heures hors-service. Le fonctionnaire s'estimant lésé, pour sa part, a témoigné qu'il y avait eu au moins trois occasions où à son avis M. Langdon avait clairement indiqué que le fait de pouvoir être joint n'importe quand faisait partie du travail et qu'il [traduction] « aurait affaire » à la direction si cette exigence lui déplaisait. Après ces conversations, il avait la conviction profonde qu'il n'avait pas d'autre option que d'être disponible et que s'il ne se pliait pas à cette exigence, il serait mis au ban ou réprimandé ou perdrait même son emploi. En ce qui concerne l'accident à Stewiacke, lorsque l'employeur a eu de la difficulté à le joindre, le fonctionnaire s'estimant lésé a signalé qu'on lui avait demandé de justifier le temps qu'il avait mis pour s'y rendre, tout comme on l'a demandé à d'autres employés de le faire.

110 Ce témoignage suggère l'existence d'un climat où certains employés à la Direction de l'ingénierie sont raisonnablement arrivés à la conviction que la direction s'attendait à ce qu'ils soient disponibles durant les heures hors-service pour recevoir des appels leur demandant de partir en affectation, même si la Direction ne tenait pas un horaire de disponibilité formel. La représentante de l'employeur a fait valoir, par contraste, que toute attente de cette nature existait principalement dans l'esprit des employés et que ce n'était jamais l'intention des cadres à la tête de la Direction. Elle a suggéré que c'était plutôt le professionnalisme et le puissant sens du devoir des employés qui les avaient incités à être ainsi disponibles pour pouvoir intervenir. De plus, la représentante de l'employeur a indiqué que le fonctionnaire s'estimant lésé était peut-être aussi motivé par son intérêt à être impliqué dans les activités menées sur place, allié à son aspiration à devenir un enquêteur spécialisé dans les accidents. Si les employés interprétaient des déclarations faites par la Direction comme les obligeant à être en disponibilité, d'après la représentante de l'employeur, ils avaient mal compris la situation. Selon l'employeur, la direction n'a jamais dit spécifiquement au fonctionnaire s'estimant lésé ou à d'autres employés qu'ils devaient être disponibles au cas où ils recevraient un appel les rappelant au travail. Par exemple, la direction n'a jamais dit au fonctionnaire s'estimant lésé ou à d'autres employés de s'abstenir de consommer de l'alcool durant les heures hors-service afin qu'ils soient aptes à retourner au travail rapidement. La représentante de l'employeur a souligné que la direction n'a jamais discipliné qui que ce soit pour avoir refusé une demande d'affectation et que des raisons personnelles pouvaient toujours être invoquées pour refuser un rappel. De plus, les témoins de l'employeur ont nié avoir fait les déclarations que les témoins du fonctionnaire s'estimant lésé leur ont attribuées et selon lesquelles ils auraient menacé d'inclure des mentions négatives à côté du nom de ce dernier, de prendre des mesures disciplinaires à son égard ou encore de le licencier s'il résistait à l'exigence d'être disponible au cas où il serait nécessaire de pouvoir le joindre.

111 De toute évidence, on m'a fourni deux descriptions opposées des attentes en matière de disponibilité qui avaient cours dans le cadre des pratiques quotidiennes au lieu de travail du fonctionnaire s'estimant lésé. Les deux perspectives sont confirmées dans une certaine mesure par la preuve et ni l'un ni l'autre ne sont à l'abri d'une contestation. Pour certains éléments, je trouve que les interprétations rivales avancées par le fonctionnaire s'estimant lésé et l'employeur sont chacune toute aussi probable. Un exemple est la question de savoir comment le fonctionnaire s'estimant lésé en est venu à être muni d'un téléavertisseur. Sur ce point, j'estime que la preuve n'était pas suffisamment claire pour établir s'il était plus probable que non que la direction avait obligé le fonctionnaire s'estimant lésé à être équipé d'un téléavertisseur. En conséquence, je conclus que cet aspect du témoignage n'aide pas à prouver qu'il y avait une exigence de disponibilité de facto.

112 J'en suis arrivé à une conclusion différente au sujet des déclarations qu'auraient faites M. Hutchinson et M. Langdon à plusieurs des témoins quant à l'exigence de pouvoir être joints pendant les heures hors-service. Alors que les deux témoins de l'employeur ont nié qu'ils avaient fait des menaces ou avaient fait allusion d'une quelconque autre façon à des mentions négatives ou des mesures disciplinaires dont feraient l'objet les employés qui résistaient à l'exigence d'être disponibles au cas où ils recevraient une communication leur demandant de retourner au travail, leur souvenir ou manque de souvenir des événements renfermait des indications laissant supposer que la situation était peut-être différente. Au moment où il démentait ces affirmations, M. Hutchinson les a qualifiées en affirmant ceci : [traduction] « ce que j'ai peut-être dit aurait pu être pris hors contexte ». Il a suggéré plus tard que le fonctionnaire s'estimant lésé avait peut-être mal interprété le caractère urgent du besoin d'être disponible pour pouvoir intervenir à la suite d'une communication durant les heures hors-service. Il a accepté la possibilité que [traduction] « […] le fonctionnaire s'estimant lésé sentait peut-être qu'il devait être disponible à tout instant ». Pour sa part, M. Langdon a admis ne pas se souvenir d'avoir envoyé un courriel ou une lettre au fonctionnaire s'estimant lésé pour l'informer que la disponibilité n'était pas une exigence, avant la réponse fournie au grief au premier palier en juin 2001 (pièce E-2). M. Langdon a prétendu qu'il ne savait pas que d'autres directions du BCEATST versaient des primes de disponibilité, ce qui révèle un manque de connaissance des pratiques appliquées par des secteurs d'enquête faisant partie de la même organisation, ce qui semble difficile à expliquer. Il ne pouvait pas se rappeler de façon précise d'avoir eu une « vive » conversation avec le fonctionnaire s'estimant lésé à propos des affectations. Lorsqu'on lui a demandé s'il était juste de conclure que certains employés avaient le sentiment qu'ils n'avaient pas le choix entre réagir et ne pas réagir à une requête d'affectation, il a répondu qu'il [traduction] « […] ne pouvait pas se prononcer sur ce que pensaient les employés ».

113 Lorsque j'applique le critère de la prépondérance des probabilités, je trouve que la preuve produite par les témoins du fonctionnaire s'estimant lésé à propos des attentes au travail en ce qui concernait la disponibilité cadre davantage [traduction] « […] avec la prépondérance des probabilités que reconnaîtrait d'emblée comme raisonnables une personne pratique et informée qui se trouverait en ce lieu et dans ces circonstances […] » (Faryna c. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (C.A.C.-B.), page 354). Même s'il est possible que M. Soberal, M. Wallis et le fonctionnaire s'estimant lésé aient tous mal interprété dans une certaine mesure ce que l'on attendait d'eux, quelque chose sur les lieux du travail les ont amenés tous les trois à penser que l'employeur s'attendait à ce qu'ils soient disponibles pour recevoir des appels en dehors du service. Tandis que la direction ne leur a peut-être jamais dit explicitement d'être en disponibilité ou qu'ils devaient être disponibles à tout instant, d'après moi, il est plus probable que non que ce que la direction a dit et a fait de temps en temps a contribué, à tout le moins, à un climat - peut-être à un climat d'incertitude - où la perception qu'avaient les employés qu'ils devaient être disponibles était raisonnable et compréhensible dans les circonstances. Ce qui est certainement le cas c'est que la direction a bénéficié de la croyance des employés qu'ils étaient en disponibilité étant donné que ceux-ci étaient presque toujours disponibles pour recevoir un appel et que, pour ainsi dire invariablement, étaient prêts à partir en affectation après avoir reçu une telle communication. La preuve montre également que dans les situations où les employés n'étaient pas disponibles en vue d'une affectation immédiate, l'employeur leur a demandé des comptes.

114 La constatation selon laquelle il était raisonnable pour le fonctionnaire s'estimant lésé, entre autres choses, de croire que l'employeur s'attendait à ce qu'il soit disponible de sorte qu'on puisse l'appeler à des fins d'affectation pendant qu'il était hors-service constitue-t-elle une preuve suffisante, au sens de la stipulation 30.01 de la convention collective, qu'il existait une exigence de disponibilité de facto? Il faut reconnaître qu'il ne s'agissait pas d'un cas où la preuve de l'existence d'une exigence de disponibilité de facto est aussi concrète que ce fut le cas, par exemple, dans Beaulieu et al. À mon avis, la preuve fait cependant peser la balance à l'avantage du fonctionnaire s'estimant lésé, même si ce n'est que légèrement, et me permet d'en arriver à une conclusion similaire. Ayant constaté qu'il y avait des indications que l'employeur « […] exige[ait] [que l'employeur] soit disponible durant les heures hors-service […] » de par ses actions, ses déclarations ou son omission de dissiper la confusion qui aurait bien pu entourer l'exigence (avant la réponse au grief au premier palier), la condition fondamentale justifiant une rémunération prévue à la stipulation 30.01 était satisfaite, du moins de façon générale. L'omission de l'employeur de fournir une indemnité de disponibilité constituait par conséquent une violation de la stipulation 30.01.

115 Je me penche finalement sur la question de la réparation à prévoir. Selon la stipulation 30.01 de la convention collective, un employé en disponibilité a droit à une indemnité de disponibilité « […] au taux équivalent à une demi-heure (1/2) de travail pour chaque période entière ou partielle de quatre (4) heures durant laquelle il ou elle est en disponibilité ».

116 Un problème considérable en l'espèce est que la nature de la preuve produite fait qu'il est très difficile de décider d'une réparation spécifique reliée à des événements spécifiques. Le fonctionnaire s'estimant lésé a fourni un éventail d'éléments d'information à propos de la situation qu'il a vécue sur de nombreuses années au BCEATST. Certains de ces éléments d'information remontaient à aussi loin que 1990. Certains des renseignements fournis décrivaient des situations qui se sont produites après qu'il a déposé son grief. À titre de réparation, le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé qu'on lui verse les indemnités de disponibilité pour toutes les périodes, y compris toutes les fins de semaine, durant lesquelles il était tenu d'être disponible au cas où il serait nécessaire de reprendre le service en dehors des heures de travail normales.

117 Je ne peux accéder à la totalité de la requête du fonctionnaire s'estimant lésé. Il n'est simplement pas raisonnable de supposer, aux fins de la détermination de la réparation, qu'une exigence de disponibilité était constamment en vigueur à chaque instant, sur un grand nombre d'années, même si le fonctionnaire s'estimant lésé estimait qu'il avait toujours le sentiment que l'on s'attendait à ce qu'il soit disponible. La preuve laisse supposer, par exemple, qu'il y avait des moments où M. Soberal ou d'autres employés auraient pu assurer l'intervention requise en dehors du travail. Ni, du point de vue strictement pratique, est-il possible de déduire de la preuve que j'ai devant moi exactement quand le fonctionnaire s'estimant lésé était de service et quand il était hors-service sauf pour un nombre limité de dates à l'intérieur d'un laps de temps arbitraire choisi pour la présentation des données soumises en son nom.

118 Je pense que le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a reconnu la position difficile dans laquelle se trouvait le fonctionnaire s'estimant lésé pour ce qui était des mesures correctrices à prévoir lorsqu'il a laissé entendre que je pourrais prévoir plutôt des mesures correctrices plus limitées. Il y a de clairs motifs pour lesquels toute réparation en l'espèce devrait s'appliquer uniquement à une période nettement plus limitée. À n'importe quel moment où il était employé à la Section multimédia, le fonctionnaire s'estimant lésé aurait pu soumettre un grief contestant l'omission de l'employeur de lui verser des indemnités de disponibilité, mais il ne l'a pas fait. Son grief a été déposé le 3 mai 2001. Je ne vois aucune raison pour laquelle je m'écarterais de la directive fournie dans Coallier qui limite l'application rétroactive d'une réparation au délai contractuel fixé pour la présentation d'un grief. Dans la convention collective qui s'applique ici, ce délai était de 25 jours :

[…]

18.10 Au premier palier de la procédure, l'employé-e peut présenter un grief de la manière prescrite au paragraphe 18.05, au plus tard le vingt-cinquième (25e) jour qui suit la date à laquelle il ou elle est notifié, oralement ou par écrit, ou prend connaissance, pour la première fois, de l'action ou des circonstances donnant lieu au grief.

[…]

119 Par conséquent, je rends que la mesure correctrice ne peut s'appliquer avant le 25e jour précédant la date de dépôt du grief. Je rends aussi que la réponse fournie par l'employeur au grief au premier palier, en date du 27 juin 2001, a éliminé toute confusion antérieure à propos de l'exigence de disponibilité en affirmant clairement que [traduction] « [t]u n'es pas en disponibilité (article 30) durant tes heures hors-service […] » (pièce E-2). Toute mesure correctrice prévue ne peut s'appliquer après cette date.

120 Qu'en est-il alors de la période qui a commencé 25 jours avant le 3 mai 2001 et qui s'est terminée le 27 juin 2001? De nouveau, il n'y avait pratiquement pas d'information dans la preuve qui me permettrait de définir quelles étaient réellement les heures hors-service du fonctionnaire s'estimant lésé entre ces dates et quelle proportion de ces heures hors-service devraient être considérées comme donnant droit à une indemnité de disponibilité. Je ne sais pas, par exemple, si la période incluait des jours pour lesquels le fonctionnaire s'estimant lésé avait demandé et avait obtenu des congés payés. Je ne sais pas non plus si l'exigence de disponibilité était partagée raisonnablement avec d'autres employés à la Section multimédia durant cette période, ce qui souvent est typique dans les situations de disponibilité. Le manque d'information venant du fonctionnaire s'estimant lésé sur ce point est troublant.

121 Je pense qu'il me reste trois options : 1) conclure que le manque d'information spécifique et pertinente sur laquelle je peux me baser pour décider d'une mesure correctrice m'empêche d'ordonner une réparation; 2) déterminer une réparation spécifique en me fondant sur mes propres suppositions sur ce qui s'est passé durant la période qui a commencé 25 jours avant le 3 mai 2001 et qui s'est terminée le 27 juin 2001; ou 3) prévoir une réparation formulée de façon générale et rester saisi de l'affaire, à ma propre initiative, dans l'éventualité que les parties soient incapables de s'entendre sur les détails précis de son application.

122  Étant donné que j'ai décidé qu'il y avait eu violation de la convention collective, le principe juridique « ubi jus ibi remedium » - là où il y a un droit, il y a un moyen de réparation - devrait s'appliquer, si c'est possible. Voir, par exemple, Waltec Components (Machining Plant) v. United Steelworkers of America, Local 9143 (1998), 69 L.A.C. (4th) 144. Pour cette raison, j'ai décidé de ne pas choisir la première option.

123 La seconde option est attrayante en ce sens qu'elle mettrait fin avec fermeté à un processus qui a déjà duré longtemps. Malheureusement, en l'absence d'éléments de preuve clairs, on s'expose à des risques évidents en faisant des suppositions sur ce qui s'est produit durant la période qui a commencé 25 jours avant le 3 mai 2001 et qui s'est terminée le 27 juin 2001. C'est pourquoi je n'ai pas choisi la seconde solution, même si j'estime que l'ancienne Loi accorde à un arbitre de grief une latitude considérable pour émettre une ordonnance appropriée imposant une mesure correctrice.

124 À mon avis, la troisième option représente l'approche la plus appropriée et la plus prudente pour ce qui est du choix de la réparation à prévoir dans les circonstances que l'on m'a présentées. Ayant fixé le délai explicite durant lequel la mesure correctrice s'appliquera - soit durant la période commençant 25 jours avant le 3 mai 2001 et se terminant le 27 juin 2001 - j'ordonne aux parties d'examiner les fiches de travail disponibles et de faire tous les efforts possibles pour s'entendre sur le versement, au fonctionnaire s'estimant lésé, d'une indemnité de disponibilité pour cette période. Dans l'éventualité où les parties ne parviennent pas à s'entendre sur ce paiement, je demeurerai saisi de l'affaire pendant une période limitée.

125 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

126 Je déclare que l'employeur a violé les dispositions de la stipulation 30.01 de la convention collective.

127 Je déclare que le fonctionnaire s'estimant lésé a droit à une indemnité de disponibilité pour la période qui a commencé le 25e jour avant le 3 mai 2001 et qui s'est terminée le 27 juin 2001, inclusivement. J'ordonne aux parties de se consulter et de faire tous les efforts possibles pour s'entendre sur le montant de l'indemnité de disponibilité qui est due au fonctionnaire s'estimant lésé pour ladite période. Je demeurerai saisi de l'affaire pendant une période de 60 jours à partir de la date à laquelle la présente décision est rendue, dans l'éventualité que les parties ne parviennent pas à s'entendre sur le montant dû au fonctionnaire s'estimant lésé et requièrent mon intervention.

Le 16 août 2007.

Traduction de la C.R.T.F.P.

D. Butler,
arbitre de grief

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