Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé soutenait que la description de travail afférente à son poste de conseiller en évaluation immobilière (groupe et niveau SI-05) ne représentait pas un énoncé complet et actuel de ses fonctions et responsabilités - il a demandé qu’on modifie la description de travail pour y ajouter, de façon rétroactive au 1er avril 2000, la phrase [traduction] << fournir des conseils techniques et de l’expertise concernant les politiques et procédures applicables aux dossiers reliés à l’industrie forestière >> - le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré que les dossiers sur lesquels il travaillait étaient tout à fait particuliers et extrêmement complexes et qu’il fournissait des avis en matière de politique sur des évaluations de terrains boisés, de méthodologies de détermination des coûts, de méthodes et procédures d’exploitation forestière et de possibles implications fiscales qui allaient au-delà de la fourniture de conseils techniques - le fonctionnaire s’estimant lésé a travaillé sur des dossiers qui sortaient de son cadre de responsabilité au Bureau des services fiscaux, notamment sur des dossiers provenant de différentes régions, comme la Colombie-Britannique ainsi que d’autres provinces, ce qui était inhabituel pour un évaluateur - l’employeur a convenu que, en sa qualité d’évaluateur principal, le fonctionnaire s’estimant lésé travaillait sur les dossiers les plus complexes, mais il a affirmé que ce dernier n’était pas chargé d’élaborer des politiques et des procédures ou de fournir des conseils à cet égard - l’employeur a néanmoins concédé que, dans les dossiers provenant d’autres provinces, le fonctionnaire s’estimant lésé avait bel et bien fourni des conseils techniques sur les méthodes d’évaluation employées pour des biens spécialisés - l’employeur a également admis le fait que, compte tenu de sa spécialisation dans le domaine forestier, le fonctionnaire s’estimant lésé communiquait avec des évaluateurs aux quatre coins du pays et qu’il fournissait formation, mentorat et conseils dans son domaine d’expertise - l’employeur n’avait pas de politique, procédure ou ligne directrice établie touchant le secteur forestier à laquelle le fonctionnaire s’estimant lésé pouvait se conformer - l’arbitre de grief a déclaré que le fonctionnaire s’estimant lésé fournissait des conseils techniques et partageait son expertise - l’ARC n’avait pas de politique, de procédure ou de lignes directrices concernant les dossiers forestiers, de sorte que le fonctionnaire s’estimant lésé fournissait effectivement des conseils en matière de politique - l’employeur n’a pas fait valoir l’application de Canada (Office national du film c. Coallier, [1983] A.C.F. no 813 (C.A.F.) (QL), préférant discuter du cas sur le fond - l’arbitre de grief a donc accueilli le grief en partie, ordonnant que la description de travail soit modifiée de sorte qu’on y ajoute l’énoncé [traduction] << fournir des conseils techniques et en matière de politique concernant l’industrie forestière >>. Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-09-13
  • Dossier:  166-34-37315
  • Référence:  2007 CRTFP 96

Devant un arbitre de grief


ENTRE

WILFRED CUSHNIE

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Cushnie c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
D.R. Quigley, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Harinder Mahil, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Robert Lindey, avocat

Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),
du 20 au 22 juin 2007.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

I. Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Wilfred Cushnie (le « fonctionnaire s'estimant lésé ») a présenté un grief le 29 novembre 2004, alléguant que la description de travail de son poste de conseiller en évaluation de biens immobiliers SI-05 (groupe et niveau) n'était pas un exposé complet et courant de ses fonctions et responsabilités. Il soutient que c'est contraire à l'article 20 de la convention collective entre l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») et l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada pour le groupe Vérification, finances et sciences (VFS) (date d'expiration : 21 décembre 2003) (pièce G-1, onglet 4).

2 Comme mesure corrective, le fonctionnaire s'estimant lésé demande un exposé complet et courant de ses fonctions et responsabilités, rétroactif à partir du 1er avril 2000.

3 La stipulation 20.02 de la convention collective est libellée en ces termes :

20.02   Sur demande écrite, l'employé reçoit un exposé complet et courant de ses fonctions et des responsabilités, y compris le niveau de classification du poste et, le cas échéant, la cote numérique attribuée par facteur à son poste, ainsi qu'un organigramme décrivant le classement de son poste dans l'organisation.

4 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur.  En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l' « ancienne Loi »).

5 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a produit 20 pièces et a appelé le fonctionnaire s'estimant lésé comme témoin. L'avocat de l'employeur a déposé cinq pièces et a appelé deux témoins. Les deux parties ont fait un court exposé introductif.

II. Questions préliminaires

6 Lors de l'audition du grief au dernier palier le 27 janvier 2006, le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté à l'employeur des fonctions et responsabilités supplémentaires (pièce G-19) qu'il souhaitait voir ajouter à sa description de travail de SI-05.

7 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a déposé la pièce G-20 en date du 20 juin 2007 - une révision de la pièce G-19 - que le fonctionnaire s'estimant lésé désirait maintenant voir inclure dans sa description de travail. L'avocat de l'employeur s'est opposé au dépôt de ce document, mais après une brève discussion les parties ont consenti à la production de la pièce G-20.

8 Dans son argumentation finale, le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a concédé que la question dont je suis saisi vient de ce que l'ARC n'a pas de politique en vigueur touchant le secteur forestier. À cause de ce vide, le fonctionnaire s'estimant lésé fournissait non seulement son expertise ainsi que des conseils techniques, mais également, de fait, des conseils en matière de politique sur les dossiers liés à l'industrie forestière.

III. Résumé de la preuve

A. Pour le fonctionnaire s'estimant lésé

9 Le fonctionnaire s'estimant lésé a travaillé à l'ARC et aux prédécesseurs de celle-ci depuis août 1980. En novembre 1989, il a été nommé à un poste de conseiller en évaluation de biens immobiliers SI-05 (groupe et niveau), à la Direction générale de la validation et de l'exécution du Bureau de services fiscaux (BSF) de Vancouver.

10 Le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné qu'il avait choisi le 1er avril 2000 comme date de prise d'effet parce que c'était à partir de cette date qu'il avait commencé à travailler à de très gros dossiers se rapportant à des sommes importantes. Il a déclaré qu'il avait renvoyé son grief à l'arbitrage de grief [traduction] « parce que l'ARC avait examiné les fonctions et responsabilités des conseillers en évaluation de biens immobiliers de l'ensemble du Canada, mais dans le seul cas des SI-04 et non pas également dans celui des SI-05 ».

11 Le fonctionnaire s'estimant lésé a reconnu un document de la pièce G-1, onglet 2, comme étant la réponse, au dernier palier, à son grief, soit une réponse signée par Elaine Routledge, commissaire adjointe, Direction générale des programmes de conformité, en date du 28 avril 2006. Cette réponse dit notamment :

[Traduction]

[…]

Nous avons bien examiné la description de travail S1-0010, Conseiller en évaluation de biens immobiliers (SI-5), laquelle description a été approuvée le 22 juillet 1998, avec date de prise d'effet du 1er juin 1994, par la personne qui était alors SMA de la Direction générale de la validation et de l'exécution. Je suis donc convaincue que c'est un exposé complet et courant des fonctions et responsabilités auxquelles on s'attend de vous et que cet exposé inclut les changements que vous aviez demandés.

Toutefois, quant au fait de donner des conseils d'expert en matière de politique et de procédures, je voudrais confirmer que cette responsabilité de l'administration centrale n'a pas été déléguée à la région et que ce n'est donc pas une partie du travail qui vous est attribué. Les mesures conduisant à l'établissement de nouvelles politiques et procédures représentent un très long processus et sont soumises aux approbations de divers niveaux de gestion à l'administration centrale. On s'attend des conseillers en évaluation de biens immobiliers qu'ils se conforment aux politiques, lignes directrices et procédures établies, dont les collègues de travail peuvent discuter entre eux pour être certains de bien les comprendre.

Étant donné ce qui précède, je ne peux accorder la mesure corrective demandée, et votre grief est par conséquent rejeté.

[…]

12 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a produit la description de travail du fonctionnaire s'estimant lésé en date du 22 juillet 1998, soit la pièce G-1, onglet 3.

13 Il a en outre déposé la pièce G-3, à savoir un courriel que le fonctionnaire s'estimant lésé avait envoyé le 8 avril 2003 à John Weldon, chef d'équipe régional à la section des biens immobiliers du BSF de Vancouver. Dans ce courriel, le fonctionnaire s'estimant lésé fournissait de l'information sur de nombreux dossiers forestiers qui lui avaient été confiés et sur des enquêtes relatives à la foresterie qu'il avait effectuées au cours des dernières années. Les parties reconnaissaient que le fonctionnaire s'estimant lésé avait travaillé à ces dossiers, comme il l'a décrit, du 1er avril 2000 au 29 novembre 2004.

14 Comme les parties l'avaient demandé, des lettres et des chiffres ont été assignés aux narrations figurant dans la pièce G-3.

15 La pièce G-3 se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

A1 […] - Problèmes d'attribution de concessions forestières en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick. Machines et outillage en jeu. Quatre-vingt-quatre concessions forestières distinctes comprenant plus de 74 000 acres. Évaluations de 1989. Valeurs immobilières de plus de 18 millions de dollars.

A2 […] - Problèmes d'attribution de concessions forestières en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick. Environ 160 000 acres, ainsi que de nombreuses parcelles individuelles. Consultations avec le ministère de la Justice et avec les responsables des appels à Toronto et à Ottawa ainsi qu'avec des évaluateurs, etc., à Halifax. Répercussions représentant probablement plus de 2 millions de dollars d'impôt direct. Les deux […] questions peuvent avoir une incidence nationale à l'égard des questions de concession forestière et relativement aux problèmes d'attribution.

B […] LTD - Évaluations de machines et d'outillage comprenant probablement 150 véhicules et du matériel forestier spécialisé - chargeuses, niveleuses, etc. Nombreuses machines forestières différentes.

C […] CORPORATION - Valeurs et attributions de bois d'ouvre et de terrains nécessaires pour recenser les valeurs immobilières afin d'établir une base pour fixer de l'impôt à l'égard d'une question de convention fiscale internationale. Environ 40 000 acres en Ontario et au Québec sont en cause relativement à cette question. Les valeurs attribuées aux terrains et au bois détermineront si les transferts de plusieurs millions de dollars d'actifs d'entreprise (plus de 85 millions de dollars pour le Canada seulement - probablement plus de 600 millions de dollars à l'échelle internationale) seront imposés au Canada ou aux États-Unis. Les questions complexes de terrains forestiers concernent des forêts de feuillus et de résineux et ont trait à différents facteurs climatiques et géographiques.

D […] LTD. ANCIENNEMENT […] LTD. - Usines de pâte à papier à deux chaînes, pleinement intégrées, usines de papier, deux scieries, usines de rabotage, tenures (forêt et bois d'ouvre), terrains en fief simple, machines et outillage, y compris tout le matériel de l'usine, les égouts, l'approvisionnement en eau et des services complets - matériel ferroviaire, routier, d'expédition et de bateau, etc. Attribution de valeurs au terrain, à tous les immeubles, au bois d'ouvre ainsi qu'à l'équipement, dans les diverses catégories d'immobilisations aux fins de la DPA. Droits relatifs à l'eau, intérêts partiels. Valeurs pour les camps forestiers, le matériel d'usine flottante.

E […] LTD. - Valeurs du terrain et du bois d'ouvre pour le jour de l'évaluation - deux ou trois dossiers en C.-B. Attribution du bois d'ouvre et du terrain.

F […] - Questions d'attribution et d'évaluation de concessions forestières sur […] l'île. Concernait environ 20 parcelles, de même qu'une grande variété de types de biens, de facteurs géographiques, de dimensions, etc.

G […] +/- 850 000 acres situées au nord de […] dans le N.-O. de l'Ontario. Estimation de la valeur marchande au jour de l'évaluation. Avoirs importants en bois d'ouvre, comportant des questions touchant le volume du bois, la qualité, la commercialité et d'autres facteurs. Concessions originelles de biens-fonds ferroviaires comportant des intérêts partiels, ainsi que des questions de droits miniers et des questions de bois d'ouvre différentes dans les cantons du nord et ceux du sud à cause de différences climatiques. Forêts de feuillus et de résineux. Facteurs complexes ayant trait à la géographie, à l'hydrologie, à l'histoire. Installations hydroélectriques sur la propriété en cause. Intérêts dans la flore et la faune.

H […] LTD. - Véhicules automobiles et attribution de valeurs à des valeurs déclarées. Grand nombre de véhicules.

I […] - Trois usines de pâtes et papiers pleinement intégrées, qui se trouvent en C.-B. Évaluations d'actifs incluant le terrain, les immeubles, les machines et l'outillage. Chaque usine est tout à fait distincte et unique en son genre. […] Évaluations d'actifs se rapportant aux transferts en franchise d'impôt et à l'analyse du tableau de la DPA. Valeurs de la DPA comparativement à des questions relatives à la juste valeur marchande. Comportait une vaste gamme de questions de valeurs, y compris concernant de nombreux immeubles, le terrain, les tenures (bois d'ouvre) et plusieurs séries d'équipements d'usine de pâtes et papiers et de scierie - divers âges et diverses opérations. Les questions ont fini par inclure des transactions internationales ainsi que des transferts en franchise d'impôt de type « Sec-85 ». Analyse de flux de trésorerie faite pour six ou sept années à l'égard de chaque exploitation. Analyse d'indices d'efficacité pour des usines de pâte à papier. De grandes différences de valeurs ont été constatées dans ces dossiers.

I […] INDUSTRIES LTD. - Usines de pâtes et papiers et scieries pleinement intégrées. Attributions, évaluations, questions de DPA et questions de juste valeur marchande à la vente ou disposition.

[…]

16 Lors de son témoignage, le fonctionnaire s'estimant lésé a fait état des narrations précitées. Il a déclaré que les dossiers étaient uniques en leur genre et extrêmement complexes, car ils concernaient d'immenses concessions de ressources en bois d'ouvre, des usines de pâtes et papiers, des installations hydroélectriques, des parcs de véhicules, de la construction ainsi que des machines et de l'outillage à usage industriel, dans diverses provinces de même que dans différentes régions de la Colombie-Britannique hors du secteur relevant du BSF de Vancouver.

17 Le fonctionnaire s'estimant lésé a affirmé que, s'étant vu confier ces dossiers, il avait été prié de donner des conseils à des hauts fonctionnaires, avocats et collègues de l'ARC au sujet de questions liées à la foresterie. Il a signalé qu'il prodiguait [traduction] « des conseils en matière de politique concernant les évaluations de bois d'ouvre ainsi que de ressources en bois d'ouvre, les méthodologies de détermination du coût, les méthodes et procédures forestières et les conséquences fiscales possibles, ce qui allait au-delà du simple fait de donner des conseils techniques ». À l'appui de ses allégations, il a mentionné une série de courriels (pièces G-4 à G-18 - remarque : la pièce G-17 est une note de service).

18 Pendant le contre-interrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé a reconnu qu'il avait communiqué avec M. Weldon pour exprimer son intérêt à l'égard du travail sur des dossiers forestiers. Il a en outre reconnu qu'il y a des spécialistes de l'impôt au sein de l'ARC qui traitent des répercussions fiscales dans le cas des gros dossiers.

19 Dans sa preuve produite en réplique, le fonctionnaire s'estimant lésé a dit qu'il avait découvert des anomalies fiscales de plus de 100 millions de dollars ayant échappé aux vérificateurs. Il y était parvenu grâce à sa compréhension des répercussions fiscales.

B. Pour l'employeur

20 M. Weldon est chef d'équipe régional à la section des biens immobiliers du BSF de Vancouver. Il relève de Yvon Lamontagne, gestionnaire de la section des évaluations à Ottawa. M. Weldon travaille à l'ARC depuis environ 28 ans et supervise un CR-04, deux SI-04 et cinq SI-05, dont un est le fonctionnaire s'estimant lésé.

21 M. Weldon a témoigné que son personnel effectue des évaluations en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu et de la Loi sur la taxe d'accise et examine des déclarations de valeurs marchandes. Une demande d'évaluation peut venir de la Division de la vérification interne, de la Direction générale des appels en matière de perception ou de la direction générale des services à la clientèle.

22 Des évaluations sont menées pour que l'ARC puisse décider d'une mesure à prendre, au besoin, à la suite d'une vérification ou pour qu'elle puisse contester la déclaration ou la non-déclaration de revenus et d'actifs ou le paiement ou le non-paiement de la TPS, ou pour les fins ayant trait aux gains en capital.

23 M. Weldon a témoigné qu'en annexe à la description de travail du conseiller en évaluation immobilière SI-05 (pièce G-1, onglet 3) figure l'appendice « A ». Cet appendice définit les trois catégories d'affectations à un travail pour l'évaluateur résidentiel SI-03 (« évaluations résidentielles »), l'évaluateur de biens immobiliers SI-04 (« évaluations complexes ») et le conseiller en évaluation de biens immobiliers SI-05 (« évaluations très complexes »). Dans l'attribution de travaux à son personnel, M. Weldon a déclaré qu'il faut faire preuve de jugement [traduction] « pour déterminer le niveau de complexité du dossier et attribuer celui-ci à un évaluateur du groupe et du niveau appropriés ». En tant que SI-05, le fonctionnaire s'estimant lésé se voyait confier des évaluations considérées comme très complexes. L'appendice « A » énumère des exemples d'évaluations très complexes :

[Traduction]

[…]

  1. Évaluations commerciales
    • gros ensembles résidentiels commerciaux
    • centres commerciaux
    • installations récréatives comme les terrains de golf
    • grands hôtels
    • gros immeubles de bureaux
  2. Évaluations industrielles
    • gros immeubles spécialisés pour la fabrication, l'assemblage
    • industrie lourde
  3. Groupements parcellaires
    • terrains d'une valeur hautement spéculative et dont les dimensions et les fins sont variables
  4. Évaluations agricoles
    • entreprises agricoles s'occupant de transformation des aliments, etc., bétail dont le prix est élevé (chevaux de reproduction, bovins de race, etc.)
  5. Autres types
    • droits de tenure à bail, etc.

[…]

24 M. Weldon a déclaré que le fonctionnaire s'estimant lésé avait communiqué avec lui à plusieurs reprises pour lui dire qu'il était intéressé à travailler à des dossiers forestiers. Ainsi, M. Weldon avait attribué au fonctionnaire s'estimant lésé un certain nombre de dossiers, y compris ceux décrits dans la pièce G-3.

25 Au cours de son témoignage, M. Weldon a précisé que, dans le document intitulé [traduction] « Évaluation de biens immobiliers et d'autres biens corporels » (pièce E-2), on donne une définition des évaluations très complexes, incluant des exemples comme les gros immeubles industriels spécialisés pour la fabrication et l'assemblage, les biens de l'industrie lourde, les groupements parcellaires, les terrains d'une valeur hautement spéculative, etc. En d'autres termes, les dossiers attribués au fonctionnaire s'estimant lésé (pièce G-3) étaient classés dans la catégorie des « évaluations très complexes ». Il a déclaré que la section des activités principales de la description de travail du fonctionnaire s'estimant lésé dit notamment [traduction] : « mener tous les types d'évaluations immobilières, y compris celles qui sont très complexes […] ».

26 M. Weldon a affirmé que le fonctionnaire s'estimant lésé n'était pas chargé d'élaborer des politiques et procédures ou de prodiguer des conseils, et qu'il ne lui confiait jamais cette responsabilité. Si le fonctionnaire s'estimant lésé avait du mal à interpréter une politique ou une procédure, il ou du personnel de l'administration centrale l'orientait.

27 Au sujet du travail à des dossiers d'autres provinces, M. Weldon a admis que le fonctionnaire s'estimant lésé donnait bel et bien des conseils techniques sur les méthodes d'évaluation utilisées dans le cas de biens spécialisés. Toutefois, le fonctionnaire s'estimant lésé ne donnait pas de conseils sur les politiques ou procédures.

28 M. Weldon a reconnu que le fonctionnaire s'estimant lésé, qui est un évaluateur principal spécialisé dans le domaine forestier, avait une interaction avec un certain nombre d'évaluateurs de l'ensemble du pays et qu'il agissait comme formateur, mentor et conseiller dans son domaine d'expertise.

29 Durant le contre-interrogatoire, M. Weldon a reconnu que les évaluateurs travaillent généralement dans le secteur de leur BSF et que c'est inhabituel pour eux de travailler à des dossiers d'autres provinces.

30 M. Weldon a déclaré qu'à son avis le fonctionnaire s'estimant lésé ne prodiguait pas de conseils en matière de politique. Il donnait plutôt des conseils techniques, ce qui fait partie de ses fonctions et responsabilités comme l'indique la section des activités principales de sa description de travail.

31 Dans une réplique, M. Weldon a affirmé que, en plus de M. Lamontagne, Glendon Todd, le consultant principal en évaluation à la section des évaluations à l'administration centrale ainsi que lui-même donnaient des conseils sur les politiques ou les procédures.

32 M. Lamontagne s'est joint à l'ARC en juin 1980. Depuis juillet 2004, il dirige six employés, dont trois consultants principaux en évaluation, un consultant principal en évaluation immobilière et deux experts dans ce domaine. Il est en outre chargé d'évaluations d'avoirs d'entreprise, d'évaluations immobilières et de soutien technique, ainsi que de l'interprétation de questions législatives et de politiques et procédures de l'ARC.

33 M. Lamontagne a expliqué que, avant qu'une politique, une procédure ou une ligne directrice ne soit invoquée par l'ARC, des consultations sont tenues avec diverses directions. Les observations reçues sont transmises à un comité de la politique de conformité, puis au comité des politiques de l'ARC.

34 L'avocat de l'employeur a renvoyé M. Lamontagne à la description de travail du consultant en évaluation immobilière SI-06 (pièce E-5) et plus particulièrement à la section des activités principales où il est dit notamment [traduction] : « Fournir des services de consultant en évaluation professionnelle, assurer un soutien technique et donner des conseils sur l'application des politiques […] »M. Lamontagne a déclaré que les conseils sur les politiques et procédures de l'ARC sont donnés par lui-même ou par du personnel de l'administration centrale. C'est une fonction de l'administration centrale qui n'est pas déléguée à une région.

35 Lors du contre-interrogatoire, M. Lamontagne a affirmé qu'il n'y avait aucune politique sur les biens immobiliers comportant des terrains forestiers.

IV. Résumé de l'argumentation

A. Pour le fonctionnaire s'estimant lésé

36 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a affirmé que la description de travail du fonctionnaire s'estimant lésé n'est pas un exposé complet et courant comme l'exige la stipulation 20.02 de la convention collective.

37 La preuve indique clairement que le fonctionnaire s'estimant lésé s'est vu attribuer de nombreux dossiers forestiers et concernant des affectations de ressources forestières, des machines et de l'outillage, y compris des usines de pâtes et papiers, ainsi que des scieries, dans un certain nombre de provinces. Les dossiers étaient uniques en leur genre et extrêmement complexes et débordaient le cadre de la description de travail du SI-05. Ils se rapportaient à des centaines de milliers d'acres de terres boisées et d'autres éléments d'actif, et des millions de dollars étaient en jeu.

38 M. Weldon a témoigné que le fonctionnaire s'estimant lésé donnait des conseils sur les évaluations de biens spécialisés et sur les méthodes. M. Lamontagne a témoigné qu'il n'y avait pas de politique de l'ARC sur le bois d'ouvre, les terres boisées ou les biens immobiliers connexes. Ainsi, le fonctionnaire s'estimant lésé donnait des conseils en matière de politique relativement à un domaine spécialisé. Ses conseils étaient sollicités, acceptés et suivis par diverses personnes travaillant à l'ARC.

39 À l'appui de ses arguments, le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a cité les cas suivants : Breckenridge c. Bibliothèque du Parlement, dossiers de la CRTFP 466-LP-225 à 233 et 241 à 245 (19960912); Hughes c. Conseil du Trésor(Ressources naturelles Canada), 2000 CRTFP 69; Taylor c. Conseil du Trésor (Revenu  Canada - Douanes et Accise), dossier de la CRTFP 166-02-20396 (19901221); Littlewood et al. c. Conseil du Trésor (Revenu Canada), dossier de la CRTFP 166-02-16044 (19870528).

B. Pour l'employeur

40 L'avocat de l'employeur a argué qu'il y a seulement trois niveaux de complexité dans le travail attribué à un évaluateur, les « évaluations très complexes » représentant le plus haut niveau. En tant que SI-05, le fonctionnaire s'estimant lésé se voyait confier ces dossiers. Les dossiers décrits dans la pièce G-3 entrent dans cette catégorie. La direction a le droit de déterminer les fonctions d'un employé et, pour que ce grief soit accueilli, le fonctionnaire s'estimant lésé doit montrer qu'il donnait des conseils sur les politiques ou les procédures.

41 L'avocat a également argué que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas dans son témoignage mentionné une politique sur laquelle il avait donné des conseils. M. Weldon et M. Lamontagne ont témoigné que les conseils et les instructions en matière de politique émanent d'eux-mêmes ou de l'administration centrale. En l'espèce, le fonctionnaire s'estimant lésé peut avoir prodigué des conseils techniques plutôt que des conseils en matière de politique, ceux-ci représentant une ligne de conduite ou un principe élaboré et adopté par l'ARC.

42 L'avocat de l'employeur a soutenu que la pièce G-1, onglet 3, est une description de travail générique du SI-05 et qu'elle est donc assez vaste pour couvrir toutes les fonctions qu'exerce le fonctionnaire s'estimant lésé.

43 L'avocat de l'employeur a cité les cas suivants : Taylor c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Douanes et Accise), dossier de la CRTFP 166-02-20396 (19901221); Jaremy et al. et Currington et al. c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Douanes, Accise et Impôt), 2000 CRTFP 59; Kerswill c. Conseil du Trésor (Ressources naturelles Canada), 2000 CRTFP 91; Barnes et al. c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 13.

C. Contre-preuve du fonctionnaire s'estimant lésé

44 Dans sa réplique, le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que ce dernier fournissait non seulement des conseils techniques, ainsi que son expertise, à M. Weldon, aux avocats, aux collègues et aux autres fonctionnaires supérieurs de l'ARC mais aussi, essentiellement, des conseils en matière de politique, parce que l'ARC n'a aucune politique sur les terres boisées ou le secteur forestier. Les conseils du fonctionnaire s'estimant lésé étaient sollicités, acceptés et suivis.

45 Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a cité les définitions suivantes des termes anglais Policy (politique) et Advice (conseil) figurant dans le Black's Law Dictionary et dans le Concise Oxford Dictionary :

[Traduction]

Black's Law Dictionary

Politique.Principes généraux par lesquels un gouvernement est guidé dans sa gestion des affaires publiques ou par lesquels le législateur est guidé dans ses mesures.

Conseil. Point de vue; avis; […] opinion exprimée quant au bien-fondé d'une conduite future.

[Traduction]

Concise Oxford Dictionary

Politique 1. Ligne de conduite ou plan d'action adopté ou proposé par un gouvernement, un parti, une entreprise ou un particulier, etc.2 Conduite prudente; sagacité

[…]

Conseil 1. Termes présentés ou offerts à titre d'opinion ou de recommandation sur une action ou un comportement futur.

V. Motifs

46 Le fonctionnaire s'estimant lésé allègue que l'ARC a violé l'article 20 de la convention collective, étant donné qu'il ne s'est pas vu remettre un exposé complet et courant de ses fonctions et responsabilités. Par suite de cette procédure, il demande expressément que, rétroactivement à partir du 1er avril 2000, la fonction et responsabilité suivante soit ajoutée à sa description de travail de SI-05 [traduction] : « fournir des conseils techniques et de l'expertise concernant les politiques et procédures ».

47 La réponse de Mme Routledge, au dernier palier, se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Toutefois, quant au fait de donner des conseils d'expert dans le domaine des politiques et des procédures, je voudrais confirmer que cette responsabilité de l'administration centrale n'a pas été déléguée à la région et que ce n'est donc pas une partie du travail qui vous est attribué. Les mesures conduisant à l'établissement de nouvelles politiques et procédures représentent un très long processus et sont soumises aux approbations de divers niveaux de gestion à l'administration centrale. On s'attend des conseillers en évaluation de biens immobiliers qu'ils se conforment aux politiques, lignes directrices et procédures établies, dont les collègues de travail peuvent discuter entre eux pour être certains de bien les comprendre.

[…]

48 Il ressort nettement de la réponse de Mme Routledge que cette dernière n'était pas au courant que l'ARC n'avait pas, quant au secteur forestier, une politique, des lignes directrices ou des procédures établies auxquelles le fonctionnaire s'estimant lésé aurait pu se conformer. En fait, M. Lamontagne a confirmé durant son témoignage que l'ARC n'avait pas de politique liée à la foresterie.

49 M. Weldon a attribué au fonctionnaire s'estimant lésé de nombreux dossiers forestiers qui, parfois, exigeaient du fonctionnaire s'estimant lésé qu'il travaille dans des régions et provinces hors du BSF de Vancouver. M. Weldon a témoigné que c'était une pratique inhabituelle. La preuve présentée étaye l'affirmation du fonctionnaire s'estimant lésé selon laquelle les hauts fonctionnaires, les avocats et ses collègues de l'ARC se fiaient à son expertise, à ses connaissances et à ses conseils et qu'ils agissaient en conséquence. D'ailleurs, l'employeur n'a jamais contesté ce fait lors du contre-interrogatoire ou par l'intermédiaire de ses propres témoins.

50 Ayant examiné la preuve produite, je conclus que le fonctionnaire s'estimant lésé donnait des conseils techniques aux fonctionnaires supérieurs, avocats et collègues de l'ARC et qu'il partageait son expertise avec eux. Vu l'absence d'une politique, d'une procédure ou de lignes directrices concernant les questions liées à la foresterie, le fonctionnaire s'estimant lésé prodiguait en réalité des conseils en matière de politique.

51 Je conclus aussi que la description de travail du fonctionnaire s'estimant lésé n'est pas une description générique. Cependant, même si c'était une description de travail générique, l'employeur a l'obligation de se conformer à l'article 20 et de veiller à ce que la description de travail du fonctionnaire s'estimant lésé soit un exposé complet et courant. Si la fonction n'est pas énoncée dans la description de travail générique ou spécifique du fonctionnaire s'estimant lésé, elle doit y être ajoutée.

52 Comme je l'ai signalé précédemment dans la présente décision, les deux parties reconnaissaient que le fonctionnaire s'estimant lésé avait travaillé à des dossiers forestiers (pièce G-1, onglet 3) du 1er avril 2000 au 29 novembre 2004.

53 Au cours de la présente procédure, jamais l'avocat de l'employeur n'a affirmé que le fonctionnaire s'estimant lésé avait cessé de fournir ce que j'ai considéré comme étant des conseils en matière de politique, les procédures ou les lignes directrices à l'égard de l'industrie forestière après le 29 novembre 2004.

54 L'avocat de l'employeur n'a pas fait valoir l'application de Coallier (Canada (Office national du film) c. Coallier), [1983] A.C.F. no 813 (C.A.F.), au redressement en l'espèce, malgré la claire formulation du grief demandant que la description de travail soit révisée au 1er avril 2000. Je ne peux donc que présumer que l'employeur a décidé de ne pas soulever cette question, préférant plaider l'affaire sur le fond. 

55 Par conséquent, le grief est accueilli en partie. Le libellé suivant sera ajouté à la description de travail SI-05 du fonctionnaire s'estimant lésé [traduction] : « fournir des conseils techniques et en matière de politique concernant l'industrie forestière ».

56 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

57 Le grief est accueilli en partie.

58 La description de travail SI-05 du fonctionnaire s'estimant lésé sera modifiée au 1er avril 2000, de manière à inclure ce qui suit dans la section des activités principales [traduction] : « fournir des conseils techniques et en matière de politique concernant l'industrie forestière ».

Le 13 septembre 2007.

Traduction de la C.R.T.F.P.

D.R. Quigley,
arbitre de grief

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.