Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a communiqué avec la Commission de la fonction publique pour demander des renseignements sur le processus de plainte. Lorsqu'il a reçu ces renseignements, le délai de présentation d'une plainte auprès du Tribunal, l'autorité compétente, avait expiré. L’intimé s’est opposé à la prorogation de délai. Décision : Rien n’indique dans la Loi sur l’emploi dans la fonction publique ni dans le Règlement du TDFP que le fait de déposer une plainte auprès d’une institution qui n’est pas l’autorité compétente a pour effet de suspendre les délais devant le Tribunal. Déposer une plainte hors délai ou auprès d’une institution non compétente ne peut pas être considéré comme un vice de forme ou de procédure susceptible de correction par le Tribunal. Il incombait au plaignant de présenter sa plainte auprès de l’autorité compétente et dans les délais prescrits dans le Règlement. Les délais sont stricts et le plaignant n'avait pas fourni suffisamment de motifs pour appuyer sa demande de prorogation de délai. Les raisons invoquées par le plaignant ne constituaient pas des circonstances ou motifs exceptionnels hors de son contrôle. Demande refusée. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier:
2007-0055
Rendue à:
Ottawa, le 12 mars 2007

GERARDO SUÀREZ
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Demande de prorogation de délai
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Sonia Gaal, vice-président
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Suàrez c. Sous-ministre des Ressources humaines et Développement social Canada et al.
Référence neutre:
2007 TDFP 0008

Motifs de la décision

Introduction

1 Le plaignant, M. Gerardo Suàrez, a présenté une plainte le 19 janvier 2007 auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP) concernant une nomination intérimaire non annoncée (2006-SCD-ACIN-NHQ-22068).

Questions préliminaires

2 Le 22 février 2007, l’intimé, le Sous-ministre des Ressources humaines et du Développement social Canada, a déposé une objection selon laquelle la plainte aurait été présentée hors des délais prescrits à l’alinéa 10b) du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique DORS/2006-6 (le Règlement du TDFP).

3 Le 1er mars 2007, le Tribunal a informé les parties que la plainte avait été rejetée et que les motifs seraient présentés ultérieurement. Les motifs en question sont énoncés ci-dessous.

Contexte

4 Le 20 novembre 2006, le plaignant a écrit à la Commission de la fonction publique (la CFP) pour lui demander de faire enquête sur une nomination intérimaire non annoncée faite au sein de son ministère. Il a demandé à être dirigé vers l’autorité compétente si ce n’était pas à la CFP qu’il devait s’adresser pour exprimer ses préoccupations.

5 Le 27 novembre, l’intimé a affiché un avis d'information concernant une nomination intérimaire dans Publiservice concernant cette nomination, ainsi que des renseignements sur la façon de présenter une plainte. La date limite pour présenter une plainte était le 12 décembre.

6 Le 30 novembre, le plaignant a fait un suivi auprès de la CFP. Il y faisait remarquer qu’il n’avait reçu aucune forme d’accusé de réception, et il a demandé que la CFP lui laisse savoir s’il s’adressait à l’autorité compétente.

7 Le 5 décembre, il a reçu une réponse du service des enquêtes (« Enquêtes/Investigations ») de la CFP l’informant que son courriel avait été transféré à un agent.

8 Le 18 décembre, le plaignant a écrit de nouveau à la CFP pour l’informer de ses préoccupations concernant le fait que personne n’avait encore communiqué avec lui. Il déclarait alors ce qui suit : « Je n’étais pas absolument sûr d’avoir communiqué avec l’autorité compétente, et j’ai demandé qu’on me dirige vers le bon ministère s’il ne s’agissait pas de l’autorité compétente pour s’occuper de ma demande, ou qu’on me donne les coordonnées d’une personne‑ressource » [Traduction].

9 Le 20 décembre, la CFP a finalement répondu à ses nombreux courriels. La CFP l’a informé que l’autorité compétente était le Tribunal et lui a conseillé de consulter le site Web du Tribunal.

10 Le 19 janvier 2007, le plaignant a écrit au Tribunal pour expliquer fondamentalement les mêmes faits qu’il avait déjà exposés à la CFP le 20 novembre. Une employéedu Greffe du Tribunal a laissé un message sur la boîte vocale du plaignant le 29 janvier, puis un courriel a été envoyé le 8 février dans lequel le Tribunal demandait certains renseignements pour lui permettre d’accuser réception de la plainte et de la transmettre à l’administrateur général.

11 Le 9 février, le plaignant a fourni les renseignements nécessaires et a demandé une prorogation de délai pour lui permettre de présenter sa plainte, en expliquant que la CFP ne lui avait répondu que le 20 décembre. Le plaignant a ajouté qu’il était en vacances du 20 décembre 2006 au 9 janvier 2007.

Questions en litige

12 Le Tribunal doit statuer sur les questions suivantes :

  1. Le fait de présenter une plainte auprès d’une institution qui n’est pas l’autorité compétente permet‑il de suspendre le délai prescrit au paragraphe 10 (1) du Règlement du TDFP?
  2. Le Tribunal devrait-il utiliser son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 5 du Règlement du TDFP pour accueillir la demande de prorogation relative à la présentation de la plainte?

Arguments des parties

A) Position de l’intimé

13 L’intimé s’oppose à la prorogation du délai pour la présentation de la plainte. L’intimé affirme que depuis l’entrée en vigueur de la LEFP le 31 décembre 2005, tous les employés du Ministère ont été informés que chaque avis de nomination ou de proposition de nomination ou chaque avis d'information concernant une nomination intérimaire serait disponible par l’entremise de Publiservice. L’intimé fait valoir que cette pratique était également en vigueur avant le 31 décembre 2005, sous l’ancien régime, où tous les concours et appels étaient alors également publiés dans Publiservice. Comme le plaignant travaillait pour le Ministère à ce moment, il aurait dû connaître cette procédure. L’intimé déclare qu’il n’est pas responsable du retard causé par le fait que le plaignant attendait une réponse de la CFP.

14 En outre, la date limite pour présenter une plainte était le 12 décembre 2006. Le plaignant avait donc assez de temps pour présenter sa plainte au cours du délai prescrit, avant ses vacances qui ont commencé le 20 décembre.

B) Position du plaignant

15 Le 28 février 2007, le plaignant a présenté une réponse à l’objection de l’intimé voulant que la plainte ait été présentée hors du délai prescrit.

16 Le plaignant fait remarquer que, lorsqu’il a présenté sa plainte initiale le 20 novembre 2006, une période de 14 semaines s’était écoulée depuis la nomination et que la personne titulaire du poste avait commencé à exercer ses fonctions à la mi‑avril 2006.

17 Il ajoute que l’intimé n’avait offert aucun programme d’orientation « afin de donner de l’information sur certaines procédures ou sur un mode de recours quelconque en vertu de la LEFP » [Traduction].

Analyse

Question I: Le fait de présenter une plainte auprès d’une institution qui n’est pas l’autorité compétente permet‑il de suspendre le délai prescrit au paragraphe 10(1) du Règlement du TDFP?

18 Personne ne conteste le fait qu’en vertu du paragraphe 88(2) de la LEFP, le Tribunal constitue l’autorité compétente auprès de laquelle la plainte doit être présentée. La principale compétence du Tribunal lui permettant d’entendre des plaintes et de statuer à cet égard est énoncée dans la LEFP et dans le Règlement du TDFP.

19 L’article 10 du Règlement du TDFP est ainsi rédigé :

10. (1)La plainte est présentée au Tribunal au plus tard quinze jours après la date :

a) où l’avis de mise en disponibilité, de révocation, de nomination ou de proposition de nomination en faisant l’objet été reçu;

b) figurant sur l’avis, s’il s’agit d’un avis public.

(nos italiques)

20 Comme l’avis concernant le présent processus de nomination a été affiché dans Publiservice, il s’agissait d’un avis public. Le Règlement du TDFP indique clairement qu’une plainte doit être présentée au plus tard 15 jours après la date figurant sur l’avis concernant le droit de présenter une plainte auprès du Tribunal. Ainsi, la période limite de 15 jours ne commence pas lorsque l’employé apprend l’existence du droit de recours ou lorsqu’on lui indique quelle institution est l’autorité compétente.

21 De plus, rien n’indique dans la LEFP ni dans le Règlement du TDFP que le fait de présenter une plainte auprès d’une institution qui n’est pas l’autorité compétente, notamment la CFP, permet de suspendre l’application des échéances relatives à la présentation des plaintes auprès du Tribunal.

22 Dans la décision MacDonald c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2006] TDFP 0002, le Tribunal a confirmé que le délai de 15 jours est un délai de rigueur :

[6] Comme l’a déterminé la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Allard c. Canada (Commission de la fonction publique), [1982] 1 C.F. 432, et dans Lalancette c. Canada (Comité d’appel de la Commission de la fonction publique), [1982] 1 C.F. 435, le délai pour déposer une plainte est un délai de rigueur. Une plainte n’est pas déposée simplement en la signant ou en la confiant à un messager; elle devrait parvenir au Tribunal dans le délai de 15 jours. (…)

(nos italiques)

23 L’article 9 du Règlement du TDFP indique qu’aucune instance n’est invalide en raison d’un vice de forme ou de procédure. Cependant, le fait de présenter une plainte hors délai ou auprès d’une institution qui n’est pas l’autorité compétente ne peut pas être considéré comme un vice de forme ou de procédure pouvant être corrigé par le Tribunal. En fait, l’article 21 du Règlement du TDFP établit une procédure à suivre lorsqu’il y a une objection quant aux délais de présentation d’une plainte.

24 Par conséquent, comme il s’agit d’un délai de rigueur et non pas d’un vice de forme ou de procédure pouvant être corrigé en vertu de l’article 9 du Règlement du TDFP, le Tribunal estime que la présentation d’une plainte auprès de la CFP ne peut pas être interprétée comme étant conforme au Règlement du TDFP et, ainsi, ne suspend pas les délais énoncés à l’article 10 du Règlement du TDFP.

25 Le Conseil canadien des relations industrielles a adopté une démarche semblable dans un certain nombre de décisions où des personnes ont présenté une plainte devant une institution qui n’était pas l’autorité compétente. Les plaintes formulées à l’encontre de syndicats en vertu de l’article 37 du Code canadien du travail, L.R. 1985, ch. L-2, ont été considérées comme ayant été présentées hors des délais prescrits. Voir, par exemple : Winfield Porter, [2002] CCRI no 176 (QL); et Sylvain Gagné, [2003] CCRI no 254 (QL).

Question II: Le Tribunal devrait-il utiliser son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 5 du Règlement du TDFP pour accueillir la demande de prorogation relative à la présentation de la plainte?

26 L’article 5 du Règlement du TDFP est ainsi rédigé :

5. Le Tribunal peut, par souci d’équité, proroger tout délai prévu par le présent règlement.

27 Le plaignant a la responsabilité de présenter une plainte auprès de l’autorité compétente et dans les délais prescrits dans le Règlement du TDFP. Si un plaignant demande la permission de présenter une plainte hors des délais prescrits indiqués à l’article 5 du Règlement du TDFP, il lui incombe de prouver qu’il a agi avec diligence et que des circonstances ou des motifs exceptionnels hors de son contrôle l’ont empêché de présenter sa plainte en temps opportun.

28 Dans la décision Casper c. le Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada et al., [2006] TDFP 0010, dans laquelle la plaignante s’est appuyée sur le système de notification antérieur du ministère pour justifier son retard, le Tribunal a déclaré ce qui suit :

[22] Il est important que les parties sachent que les délais doivent être respectés pour que la procédure se déroule convenablement. Par souci d’équité, le Tribunal peut proroger des délais stricts de présentation d’une plainte. La plaignante a le fardeau de fournir les motifs relatifs à la demande de prorogation. À moins de circonstances exceptionnelles, le Tribunal n’accordera pas de prorogation.

29 Les motifs invoqués par le plaignant pour justifier sa demande de prorogation sont essentiellement de deux ordres et peuvent être résumés comme suit : en premier lieu, il croyait que la CFP aurait pu être l’institution auprès de laquelle il pouvait présenter sa plainte, et la CFP a tardé à l’informer que ce n’était pas le cas; en deuxième lieu, son ministère a omis de lui fournir de la formation sur la nouvelle loi et sur les procédures de recours dans le cadre du nouveau mode de présentation des plaintes au Tribunal.

30 Il est évident que le plaignant avait des doutes depuis l’envoi de son premier courriel à la CFP le 20 novembre 2006 dans lequel il s’interrogeait à savoir s’il s’adressait à l’autorité compétente. Malgré ses préoccupations, il semble qu’il ne se soit pas informé davantage à cet égard, et qu’il s’est contenté d’attendre la réponse de la CFP. Il n’explique pas pourquoi il n’a pas tenté de se renseigner davantage auprès d’une autre personne. Lorsqu’il a reçu le courriel de la CFP le 20 décembre, un mois s’était déjà écoulé.

31 La décision Casper, supra, porte sur les délais et les procédures à suivre, et on peut y lire ce qui suit :

[25] Tous les plaignants ont la responsabilité de s’assurer qu’ils connaissent parfaitement les délais et les procédures applicables au processus de plainte du Tribunal. Le fait qu’un plaignant ne soit pas ainsi au courant de cette exigence, surtout en tenant compte de l’information diffusée par le Tribunal, ne constitue pas une circonstance exceptionnelle pouvant justifier une prorogation de délai.

32 En outre, dans ses observations, l’intimé déclare que le processus de notification n’a pas changé depuis le 31 décembre 2005, car les avis sont encore affichés dans Publiservice. Le plaignant n’a fourni aucune preuve du contraire. Le plaignant aurait pu consulter l’avis dans Publiservice. Il n’était pas nécessaire qu’il reçoive une formation complémentaire pour effectuer une telle recherche.

33 Finalement, même si le Tribunal acceptait que le plaignant ne savait pas, avant le 20 décembre 2006, auprès de quelle institution il devait présenter sa plainte, il a tout de même attendu près d’un mois avant de présenter sa plainte auprès du Tribunal le 19 janvier 2007. En effet, il a présenté sa plainte 10 jours après son retour de vacances le 9 janvier. Le Tribunal ajoute que le fait d’être en vacances ne constitue pas un motif valable pour permettre la prorogation du délai. Encore une fois, le plaignant n’a fourni aucune explication pour justifier ce délai supplémentaire.

34 Le Tribunal n’est pas convaincuque le plaignant a rencontré son fardeau de preuve en l’espèce et ce, surtout parce que l’information est facilement accessible sur les sites Web du gouvernement, et en particulier sur le site Web du Tribunal ou par l’entremise d’une consultation auprès des représentants syndicaux ou du service des ressources humaines de l’employé.

35 Le Tribunal juge que les motifs invoqués par le plaignant pour appuyer sa demande de prorogation ne constituent pas des circonstances ou des motifs exceptionnels hors de son contrôle. Il est inapproprié pour le Tribunal d’exercer son pouvoir discrétionnaire en l’espèce.

Décision

36 La plainte est rejetée.

Sonia Gaal

Vice-présidente

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2007-0055
Intitulé de la cause:
Gerardo Suàrez et le Sous-ministre des Ressources humaines et du Développement social Canada et al.
Audience:
Demande écrite; décision rendue sans comparution des parties
Date des motifs:
Le 12 mars 2007
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.