Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a renvoyé un grief à l’arbitrage en alléguant une mesure disciplinaire déguisée - l’employeur s’est opposé au renvoi du grief à l’arbitrage étant donné que le grief avait été réglé au moyen d’un protocole d’entente - le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que le protocole d’entente avait été signé sous l’effet de la contrainte - le fonctionnaire s’estimant lésé a aussi allégué que l’employeur n’avait pas respecté les conditions du protocole d’entente - l’arbitre de grief a conclu que le protocole d’entente constituait un règlement valide et exécutoire - aucun élément de preuve n’indique qu’il y a eu contrainte ni que le règlement était déraisonnable - pour ce motif, l’arbitre de grief n’avait pas compétence pour entendre le grief ou le règlement. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35!-- InstanceEndEditable -->

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2007-09-18
  • Dossier:  166-02-32088
  • Référence:  2007 CRTFP 98

Devant un arbitre de grief


ENTRE

COREY NASH

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Nash c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Ian R. Mackenzie, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
lui-même et John Feldsted

Pour l'employeur:
Stephan Bertrand, avocat

Affaire entendue à Edmonton (Alberta),
les 12 et 13 décembre 2006 et les 25 et 26 avril 2007.
(Traduction de la C.R.T.F.P.)

I.  Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Corey Nash est agent de libération conditionnelle (WP-4). Le 13 mars 2002, il a déposé un grief dans lequel il a allégué avoir été victime d'une mesure disciplinaire déguisée. Son grief a été renvoyé à l'arbitrage le 3 avril 2003. L'employeur s'oppose aujourd'hui à ce renvoi à l'arbitrage, faisant valoir que le grief a été réglé le 26 juillet 2004, date à laquelle M. Nash a signé un protocole d'entente. M. Nash soutient que ce protocole d'entente a été conclu sous la contrainte et qu'il n'a donc aucune validité ni aucune force exécutoire. L'audience s'est limitée à la question de savoir si le grief a fait l'objet d'un règlement valide et exécutoire.

2 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

3 À l'ouverture de l'audience, M. Nash a demandé que la présence d'un sténographe judiciaire soit autorisée de manière que l'instance soit enregistrée. Il est clairement ressorti de ses observations qu'il souhaitait que le sténographe prenne des notes, ce à quoi l'employeur ne s'est pas opposé. Le sténographe judiciaire présent étant incapable de fournir un tel service, l'audience a été ajournée jusqu'à 13 h afin que M. Nash puisse trouver quelqu'un d'autre. J'ai bien fait comprendre que la prise de notes devait servir uniquement à aider M. Nash à présenter sa preuve, et que les notes qui seraient prises ne pourraient être versées au dossier de la preuve. M. Nash a été incapable d'obtenir les services d'un preneur de notes, et l'audience s'est poursuivie.

4 Dès la reprise de l'audience le 25 avril 2007, M. Nash a indiqué qu'il avait obtenu les services d'un représentant. John Feldsted a assisté à l'audience par voie de conférence téléphonique et a aidé M. Nash au cours des deux dernières journées de l'audience.

5 M. Nash a cherché à déposer en preuve une bande sonore des discussions qui avaient eu lieu par voie téléphonique en vue d'un règlement. Il avait enregistré ces discussions à l'insu des autres participants ou sans leur consentement. J'ai déterminé que la bande sonore était inadmissible. Les participants aux discussions menées en vue d'un règlement étaient disponibles aux fins de témoigner. J'ai déterminé également que l'admission de la bande sonore en preuve serait contraire aux principes des relations du travail, puisque l'enregistrement clandestin des discussions qui ont lieu en vue d'un règlement ne doit pas être encouragé.

6 M. Nash a appelé à témoigner Derek Becker, inspecteur auprès de Ressources humaines et Développement social Canada (RHDSC). M. Becker, qui était un agent des relations du travail auprès de RHDSC en 2003 et en 2004, a eu avec M. Nash des conversations portant sur un refus de travailler, fondé sur le Code canadien du travail, qui s'inscrivait dans le contexte du différend opposant M. Nash et son employeur. La preuve produite par M. Becker n'était pas pertinente relativement aux questions en litige. Je ne l'ai donc pas résumée.

7 M. Nash a témoigné pour son compte, tandis que l'employeur a appelé deux personnes à témoigner. Une ordonnance d'exclusion des témoins a été rendue.

II.  Résumé de la preuve

8 En 2002, M. Nash occupait un poste d'agent de libération conditionnelle à l'établissement de Stony Mountain à Winnipeg (Manitoba). Je n'ai entendu aucun témoignage direct sur les événements qui ont mené à son départ de l'établissement de Stony Mountain, puisque l'audience a porté exclusivement sur la validité de l'entente de règlement conclue. Après les événements qui se sont produits à l'établissement de Stony Mountain, M. Nash a pris congé et a touché des prestations d'accident de travail de la Commission des accidents du travail du Manitoba.

9 Le directeur de Stony Mountain a écrit à M. Nash le 4 septembre 2002, après une conversation téléphonique qui s'est tenue le 30 août 2002 (pièce E-13), pour lui offrir une affectation temporaire à titre de WP-4 à l'établissement d'Edmonton. Il a demandé à M. Nash de remplir une demande de transfert inter-région. M. Nash a déclaré au cours de son témoignage que cette offre de transfert constituait une mutation temporaire seulement.

10 Timothy Leis est le sous-commissaire adjoint, Services corporatifs, région des Prairies, au sein du Service correctionnel du Canada (SCC). Il a pris part aux discussions qui ont été menées en vue d'en arriver à un règlement. Il a déclaré au cours de son témoignage qu'au départ, les négociations s'étaient déroulées directement avec le représentant syndical de M. Nash, Michel Charbonneau (un représentant national du Syndicat des employés du Solliciteur général (SESG)), avec qui les éléments fondamentaux de l'entente avaient été négociés en novembre 2003 (pièces E-2 et E-3 : courriels et pièces jointes datés du 19 et du 21 novembre 2003). Dans une lettre qu'il a adressée à M. Nash le 25 novembre 2003, M. Charbonneau a joint un projet de protocole d'entente, que M. Nash n'a pas signé.

11 Le 1er mars 2004, M. Nash a avisé la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») que le SESG/Alliance de la Fonction publique du Canada ne le représentait plus.

12 Marc-Arthur Hyppolite a commencé à agir à titre de sous-commissaire pour la région des Prairies en janvier 2004 et, à partir de ce moment-là, il a pris part aux discussions qui ont été menées avec M. Nash en vue d'en arriver à un règlement. Une réunion visant à tenir de telles discussions a été prévue à Saskatoon le 31 mars 2004, et M. Nash a été invité à y assister. Il a demandé que sa famille soit elle aussi considérée comme étant en déplacement pour assister aux discussions, mais sa demande a été rejetée par M. Hyppolite (pièce E-5). M. Nash a assisté aux discussions en vue d'un règlement par voie de conférence téléphonique. M. Hyppolite, M. Leis et Bonnie Davenport, conseillère en ressources humaines, ont assisté à la réunion, ainsi que des représentants du SESG, dont M. Charbonneau. M. Leis et M. Hyppolite ont témoigné qu'à la fin de la conférence téléphonique, tous les participants avaient cru comprendre qu'il y avait eu entente. M. Leis a témoigné que M. Charbonneau avait dit qu'il y avait eu entente verbale. Dans une lettre qu'il a adressée à M. Hyppolite le 2 juin 2004 (pièce G-12), M. Nash a qualifié l'issue de la réunion du 31 mars 2004 dans les termes suivants :

[traduction]

 Nous avions conclu une entente verbale, ainsi que l'indique le procès-verbal de notre réunion du 31 mars  2004 […]

[…] vous n'avez pas communiqué avec moi ni n'avez effectué le paiement requis des frais de réinstallation et de protection de ma famille. Je m'attends à ce que vous respectiez notre entente verbale et à ce que vous teniez parole de manière que je puisse retourner à mon poste sans aucun autre préjudice et, encore une fois, sans délai supplémentaire.

13 Un projet révisé de protocole d'entente a été rédigé par Mme Davenport à la suite de la conférence téléphonique (pièce E-4). M. Leis a déclaré dans son témoignage que le document faisait état de l'entente verbale qui avait été conclue lors de la réunion. Le projet a ensuite été transmis à M. Nash par télécopieur le 1er avril 2004 (pièce G-11). M. Hyppolite a écrit sur la page couverture de la télécopie que M. Nash devait signer le document et en retourner une copie par télécopieur le même jour. Il a écrit également qu'il avait obtenu une copie de la demande de M. Nash visant à obtenir un congé d'études et qu'il n'approuverait pas cette demande. M. Nash n'a pas accepté le texte révisé du protocole d'entente.

14 Le 1er avril 2004, M. Nash a fait parvenir à Lucie McClung, commissaire du SCC, une lettre (pièce G-20) dans laquelle il a indiqué que le texte dactylographié de l'entente ne reprenait pas les termes de l'entente conclue lors de la réunion du 31 mars 2004 :

[Traduction]

[…]

[…] Une entente claire a été conclue entre M. Hyppolite et moi-même, mais le texte dactylographié de l'offre de règlement présenté par Bonnie Davenport n'en reprend pas les termes.

[…]

[…] En ce qui concerne le règlement des questions en temps opportun, les gestionnaires locaux et régionaux ont rompu le lien de confiance qui existe entre un employé et un employeur. Je crois vraiment, compte tenu de l'expérience que j'ai moi-même vécue, que même si je signais une offre, aucune mesure corrective ne serait prise […]

[…]

15 Le 2 avril 2004, M. Hyppolite a fait parvenir à M. Nash une note (pièce G-10) dans laquelle il a écrit ceci :

[traduction]

[…]

À la suite des longues discussions que nous avons eues le 31 mars 2004, au cours desquelles nous en sommes venus à une entente verbale en la présence de votre représentant syndical et de deux autres représentants [du SCC], vous m'avez donné l'assurance que vous donniez votre accord à cette entente. J'ai précisé qu'il s'agissait de mon offre finale et que, si nous n'arrivions pas à obtenir une entente, nous assujettirions vos griefs à la procédure applicable.

Vous avez par la suite pris la décision de ne pas accepter mon offre. Je suis déçu de votre décision, en  bout de ligne, de rejeter cette offre, mais vous avez le droit de changer d'idée et de faire avancer vos griefs par la voie de la procédure appropriée.

Compte tenu de ce qui précède, je doute sérieusement de votre volonté d'en arriver à une résolution définitive et raisonnable de l'affaire. Je rejette par conséquent toute autre demande visant la tenue de réunions supplémentaires sur cette question.

Veuillez notez que cette offre était finale. Si vous continuez de la rejeter, elle sera déclarée nulle et non avenue.

[…]

16 Santé Canada a mené une évaluation d'aptitude au travail et, le 13 avril 2004 (pièce E-12), en est arrivé à la conclusion que M. Nash était apte à travailler. Le 12 mai 2004, M. Hyppolite a, dans une lettre qu'il a fait parvenir à M. Nash, reconnu qu'il avait été informé de son évaluation d'aptitude au travail (pièce E-9). Il a écrit ceci également :

[traduction]

[…]

En ce qui concerne votre retour au travail, je sais que vous avez unilatéralement décidé de vivre à Edmonton et que vous y vivez depuis près de deux ans. En conséquence, je suis disposé à prendre en considération une demande de votre part visant à retourner à Edmonton à titre d'agent de libération conditionnelle si c'est ce que vous préférez. J'apprécierais que vous informiez mon bureau de votre préférence - un retour à votre poste d'attache ou une demande visant à travailler à titre d'agent de libération conditionnelle à Edmonton. Nous pourrons ensuite prendre les mesures requises aux fins de votre retour au travail.

[…]

17 M. Nash a écrit à M. Hyppolite le 2 juin 2004 (pièce G-12) :

[traduction]

[…]

Je participe à votre procédure sans une défense entière de mes intérêts et de ceux de ma famille, et sous la coercition et la contrainte. J'ai l'intention de contester cette procédure inéquitable par tous les recours qui me sont ouverts […]

[…]

18 Le 3 juin 2004 (pièce E-10), M. Hyppolite a répondu que M. Nash n'avait pas indiqué s'il voulait retourner à son poste d'attache à l'établissement de Stony Mountain ou obtenir un poste à Edmonton.

19 Le 4 juin 2004, M. Hyppolite a fait parvenir à M. Nash, en réponse à sa lettre du 2 juin 2004, une lettre dans laquelle il a écrit ceci (pièce G-15) :

[traduction]

[…]

[…] Je constate avec plaisir que vous aimeriez voir un retour à l'entente du 31 mars 2004.

Par conséquent, je joins l'entente pour que vous puissiez la signer et la retourner. Vous remarquerez que je l'ai signée. Si vous souhaitez discuter une partie ou une autre de cette entente, veuillez communiquer avec mon bureau.

[…]

J'estime que cette entente réglera les difficultés que vous avez soulevées et que nous pouvons maintenant nous tourner vers l'avenir.

[…]

20 Le 4 juin 2004, M. Hyppolite a, dans une note distincte, répondu à d'autres questions soulevées (pièce E-7) par M. Nash dans sa lettre du 2 juin 2004 :

[Traduction]

[…]

Vous mentionnez dans votre lettre que vous participez à la procédure sans une défense entière de vos intérêts et de ceux de votre famille, sous la coercition et la contrainte. Je ne crois pas que cela représente la réalité. Vous avez recouru à la médiation et avez au départ donné votre accord à un règlement en présence de votre représentant syndical, M. Charbonneau […] Nous n'avons jamais eu l'intention d'user de coercition à votre endroit ni de vous faire agir sous la contrainte. Vous avez pris part à la médiation de votre propre gré et avez choisi de ne pas accepter le règlement de votre propre gré.

[…] Si vous avez l'intention de rouvrir notre offre du 31 mars 2004, veuillez nous en aviser et il nous fera grand plaisir d'en discuter.

[…]

21 M. Nash a écrit à M. Hyppolite le 5 juin 2004 (pièce G-9) et a joint à sa lettre des modifications faites à la main au projet d'entente fourni par M. Hyppolite. Dans la lettre d'accompagnement, il a écrit qu'il proposait une modification de la date d'entrée en vigueur pour permettre le déménagement de ses effets personnels de Winnipeg à Edmonton.

22 Le 14 juin 2004, M. Nash a fait parvenir à M. Hyppolite un courriel (pièce G-13) auquel était  joint le texte révisé d'une entente. Dans ce courriel, il a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] vous trouverez ci-joint une proposition raisonnable visant à régler toutes ces questions maintenant. Une telle entente me permettra d'obtenir immédiatement l'aide que j'ai demandée et ne constituera pas une charge pour l'employeur.

Je crois, M. Hyppolite, que nous en sommes maintenant arrivés à une entente entièrement réalisable. Veuillez noter que les dates ont été modifiées de manière que ma famille et moi obtenions l'aide dont nous avons besoin plus rapidement.

J'apprécierais recevoir par courriel une réponse dans laquelle vous accuserez réception des modalités de cette entente et les accepterez, d'ici la fin de la journée de travail du 14 juin 2004.

[…]

23 M. Hyppolite a fait parvenir à M. Nash un courriel daté du 16 juin 2004 (pièce G-14) en réponse à une déclaration de M. Nash selon laquelle il souhaitait retourner au travail le plus rapidement possible :

[Traduction]

[…]

[…] Votre poste d'attache se trouve à l'établissement de Stony Mountain (ÉSM). Puisque nous croyons comprendre que vous ne souhaitez pas y retourner, nous avons décidé d'approuver votre demande de mutation à un poste d'agent de libération conditionnelle classé WP-04 au bureau de district d'Edmonton, ce qui est conforme à la note que nous vous avons fait parvenir le 12 mai 2004, puis à nouveau le 1er juin 2004 […]

[…]

24 M. Nash a répondu dans les termes suivants le 17 juin 2004 (pièce G-14) :

[Traduction]

[…]

Ainsi que je l'ai mentionné dans la lettre que je vous ai adressée le 2 juin 2004 [pièce G-12], je participe à votre procédure sans une défense entière de mes intérêts et de ceux de ma famille. J'ai l'intention de contester cette procédure inéquitable ainsi que je l'ai déjà indiqué.

Votre offre d'emploi à Edmonton est le résultat d'une mutation involontaire visant à assurer la protection de ma famille et obtenue sous la contrainte […] Je demande le remboursement de tous les frais de réinstallation temporaire et permanente de ma famille et de moi-même conformément au Programme de réinstallation intégré […] Ce sont là les circonstances entourant mon emploi à Edmonton, et j'attends le remboursement de tous les frais engagés et de tous ceux qui devraient être engagés.

[…] En réponse à votre courriel ci-dessous [du 16 juin 2004],j'ai communiqué avec Dave Chapman et laissé un message concernant mon transfert conformément à vos directives et à votre demande.

[…]

25 M. Hyppolite a déclaré au cours de son témoignage que la mutation à Edmonton n'avait [traduction] « rien à voir » avec le règlement et qu'elle n'était pas conditionnelle à la signature du protocole d'entente par M. Nash.

26 Dans une note datée du 17 juin 2004 (pièce E-8), M. Hyppolite a écrit ceci en réponse aux changements que M. Nash a proposés au protocole d'entente :

[Traduction]

[…]

Dans un esprit de collaboration, nous avons à contrecour convenu d'intégrer ces exigences au corps de l'entente afin de régler cette question et d'aller de l'avant […]

À notre étonnement, vous avez unilatéralement choisi de présenter à nouveau une proposition complètement différente renfermant une série d'exigences nouvelles et excessives qui n'ont jamais fait l'objet de discussions entre nous. Très franchement, nous estimons que votre comportement se trouve à la limite d'une tentative de m'influencer en ma qualité de sous-commissaire en vue de m'amener à effectuer des transactions financières que je considère inappropriées et qui excèdent la portée des pouvoirs dont je suis investi par la loi. Pour cette raison, je n'ai d'autre choix que de rejeter ces exigences déraisonnables. Néanmoins, je continue de m'en tenir à l'entente antérieure, datée du 2 juin, laquelle faisait état de vos exigences. Si vous souhaitez accepter, veuillez signer l'entente et la retourner à mon attention, et cette affaire sera réglée une fois pour toutes.

Permettez-moi de vous rappeler que c'est la troisième fois qu'une entente est conclue avec vous, soit avec les conseils judicieux et l'appui de votre représentant syndical, soit par suite de négociations que vous avez menées directement avec moi, en la présence de plusieurs témoins.

En ce qui concerne l'emploi continu auprès du SCC, nous respectons votre demande visant à occuper un emploi à Edmonton et une offre de mutation vous sera transmise.

[…]

27 M. Nash a reçu une lettre que M. Hyppolite a signée le 18 juin 2004 (pièce G-6) et dans laquelle il lui a offert une mutation à un poste d'une durée indéterminée au Bureau de libération conditionnelle de district d'Edmonton. M. Nash a indiqué, par sa signature, qu'il consentait à cette mutation le jour même où il a signé le protocole d'entente (26 juillet 2004).

28 Dans une note datée du 21 juin 2004 (pièce G8), M. Nash a demandé la permission de se réinstaller à Edmonton. M. Hyppolite a répliqué le même jour (pièce G-7) :

[Traduction]

[…]

En réponse à votre note du 21 juin 2004 dans laquelle vous demandez une réinstallation aux fins de votre mutation, j'aimerais avec égards vous rappeler que votre réinstallation à Edmonton est le résultat de votre décision personnelle et unilatérale. Le Service n'a pas autorisé votre déménagement ni n'a-t-il participé à votre choix de vous établir à Edmonton. Vous savez qu'aux termes de la Politique du Conseil du Trésor, vous auriez dû demander l'autorisation avant de vous réinstaller pour avoir droit au remboursement des frais de déménagement.

Toutefois, compte tenu de votre situation dans son ensemble, nous avons choisi de vous faire une offre de paiement d'une somme forfaitaire qui couvre tous les frais de réinstallation et toutes les questions non encore réglées. Vous avez accepté cette offre à plusieurs reprises, puis avez changé d'idée. Il importe de noter que les offres inférieures précédentes avaient été jugées raisonnables par les représentants du SCC et de l'AFPC.

En conséquence, nous vous conseillons respectueusement d'accepter notre offre et de régler cette affaire. Le remboursement d'aucuns autres frais de réinstallation que ceux qui sont prévus dans cette entente antérieure ne sera pris en considération aux fins de votre mutation.

[…]

29 L'entente a été signée par M. Hyppolite le 5 juillet 2004, puis transmis à M. Nash (pièce G-5). M. Leis a paraphé certains autres changements proposés par M. Nash, et ce dernier a signé l'entente le 26 juillet 2004 (pièce E-1). M. Leis a agi pour le compte de M. Hyppolite pendant que ce dernier était en vacances et a déclaré dans son témoignage qu'il était autorisé à approuver les changements qui avaient été portés à l'entente.

30 M. Nash a ajouté le passage suivant à la décharge type en ce qui concerne tous les griefs, plaintes, demandes et autres recours : « exception faite des obligations qui découlent de la présente entente ». M. Leis a paraphé ce changement. Il a déclaré au cours de son témoignage que M. Nash ne lui avait jamais dit qu'il ne comprenait pas les modalités de l'entente. Il a déclaré également, au cours de l'interrogatoire principal, qu'aucune pression indue n'avait été exercée sur M. Nash au cours des négociations. En contre-interrogatoire, il a admis que celles-ci avaient été difficiles.

31 M. Leis s'est fait demander en contre-interrogatoire, par M. Nash, s'il avait une offre d'emploi garantie. M. Leis a déclaré dans son témoignage qu'à titre d'employé pour une durée indéterminée, il avait un emploi garanti. Il a indiqué également qu'une offre de mutation à Edmonton se trouvait sur la table [traduction] « depuis un bon moment » et que M. Nash avait décidé de ne pas l'accepter. M. Leis a déclaré qu'il n'était pas d'accord avec les propos tenus par M. Nash en contre-interrogatoire, selon lesquels son emploi était conditionnel à la signature de l'entente. En contre-interrogatoires, M. Leis a déclaré que, si M. Nash n'avait pas accepté de se réinstaller à Edmonton, son emploi aurait été [traduction] « maintenu là où il était initialement » (c.-à-d. à l'établissement de Stony Mountain).

32 M. Nash a été informé par la Commission des accidents du travail de Manitoba le 9 juillet 2004 qu'il toucherait des prestations d'accident du travail jusqu'au 16 juillet 2004 (pièce G-21). M. Leis a déclaré dans son témoignage qu'il savait que les prestations d'accident du travail de M. Nash étaient en question et qu'il savait également qu'elles cesseraient bientôt, bien qu'il ignore la date exacte à laquelle cela se produirait. M. Hyppolite a indiqué dans son témoignage qu'il n'était pas au courant de la situation concernant les prestations d'accident du travail.

33 Dans le protocole d'entente, les parties ont convenu de ne pas divulguer le contenu de celui-ci pour des raisons administratives et juridiques. J'ai reproduit ci-après les seules modalités qui sont strictement nécessaires pour comprendre les observations des parties et pour en arriver à une décision sur la question de compétence.

34 En plus d'un certain nombre d'autres modalités, le SCC a convenu de muter M. Nash au Bureau des libérations conditionnelles d'Edmonton. Dans l'entente, cette décision a été qualifiée de [traduction] « réinstallation volontaire ». M. Nash a convenu de [traduction] « retirer tous les griefs et toutes les plaintes qui avaient été déposées contre le SCC à la date de la signature ». Il a convenu en outre :

[Traduction]

[…]

De libérer Sa Majesté la Reine, ses préposés et ses représentants, de tous les griefs, les plaintes, les demandes ou autres recours découlant de son emploi auprès du SCC à la date de la signature (exception faite des obligations découlant de la présente entente).

[…]

35 Le même jour, soit le 26 juillet 2004, M. Nash a signé une lettre dans laquelle il a consenti à sa mutation (pièces E-1 et G-6). M. Leis a déclaré dans son témoignage que, le 30 juillet 2004, M. Nash a proposé de modifier la date d'entrée en vigueur de l'entente, mais qu'en bout de ligne, celle-ci n'avait pas été modifiée. Dans un courriel adressé à M. Nash le 30 juillet 2004 (pièce G-1), M. Leis a écrit ceci :

[Traduction]

[…]

Comme vous le savez, le 12 juillet 2004, vous avez indiqué dans un courriel adressé à M. Hyppolite votre désir d'accepter notre offre de règlement. Par la suite, soit le 13 juillet 2004, M. Hyppolite vous a indiqué par écrit que, pour mettre l'exécution du règlement en marche, il fallait signer l'original de l'entente qui en énonçait les modalités. Le 16 juillet 2004, une version télécopiée de l'entente a été reçue. Elle indiquait que le règlement serait en vigueur à cette date. Cependant, sur réception de l'original de l'entente, l'on a noté que vous aviez modifié la date en question et l'aviez remplacée par le 26 juillet 2004. Comme nous n'avions aucune objection à la date et estimions qu'elle était la date à laquelle vous souhaitiez que commence le congé avec paie de six semaines, nous avons exécuté ce changement ainsi que les autres changements que vous aviez effectués et avons mis l'entente en ouvre en conséquence.

Cela étant dit, je crois comprendre, à la lecture de votre plus récent courriel, que vous souhaitez que la date de règlement soit le 16 juillet 2005, et que votre congé de six semaines commence à ce moment-là. Comme je n'ai aucune objection et que je vous en avais fait la mention le 26 juillet 2004, je joins une nouvelle entente qui énonce les dates que vous avez demandées.  Lorsque vous aurez signé cette entente et que notre bureau en aura reçu l'original, elle remplacera l'entente précédente, et votre congé de six semaines entrera en vigueur à la nouvelle date.

Veuillez noter que, jusqu'à la réception de l'original de la nouvelle entente, l'entente initiale demeurera valide.

[…]

36 M. Nash a répondu le même jour dans les termes suivants :

[Traduction]

[…]

La période de 30 jours commence à la date à laquelle les changements seront paraphés et vous m'en ferez parvenir une copie certifiée. Il y a une perte de six jours de paie découlant des prestations que me verse la CAT (comme vous le savez) ainsi qu'une perte de temps (vous avez indiqué que M. Hyppolite était dans l'impossibilité de parapher les changements et que l'AC avait déjà accepté les modalités). Cette affaire a déjà pris trop de temps. Il y a une perte de six jours de paie qui doit être compensée. Vous avez déjà retardé le paiement et le rétablissement de mon plein salaire assez longtemps.

[…]

37 M. Nash a écrit à la Commission le 18 août 2004 :

[Traduction]

[…]

Je suis disposé à retirer mon grief de la procédure d'arbitrage à condition que la Commission des relations de travail dans la fonction publique demeure saisie de l'affaire pour s'assurer que l'entente est exécutée de manière équitable et appropriée par les deux parties.

[…]

38 La Commission a répondu à M. Nash le 25 août 2004 pour l'informer qu'elle n'avait pas la compétence pour se prononcer sur un grief concernant l'omission d'une partie de respecter ses obligations sous le régime d'une entente de règlement exécutoire. La Commission a noté également qu'il incombait à M. Nash de l'informer du fait que les modalités de l'entente avaient été mises au point et [traduction] « de retirer votre grief à ce moment-là ».

39 M. Nash a écrit à la Commission le 22 novembre 2004 pour lui indiquer que les modalités de l'entente n'avaient pas été [traduction] « respectées ». Il a demandé la tenue d'une audience, qui devrait se tenir à Edmonton. Il a demandé également un délai de six mois pour obtenir les services d'un conseiller juridique.

40 Le 23 décembre 2004, M. Nash a fait parvenir à M. Hyppolite le courriel suivant (pièce E-11) :

[Traduction]

[…]

 […] J'aimerais vous remercier pour l'appui que vous avez offert à ma famille et à moi-même. Je me réjouis à l'idée de travailler étroitement avec vous dans la nouvelle année et au cours des années à venir […]

[…]

41 Lorsqu'il a été interrogé au sujet de ce courriel en contre-interrogatoire, M. Nash a déclaré que [traduction] « l'on attire les abeilles avec du miel ».

42 M. Nash a écrit à la Commission le 21 février 2006, alléguant que l'entente avait été conclue sous la contrainte. En conformité avec le paragraphe 15(1) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, la Commission a demandé des renseignements supplémentaires à M. Nash (lettre datée du 17 mars 2006), qui a répondu le 31 mars 2006. Dans cette lettre, il a renvoyé aux déclarations qu'il avait faites au cours des discussions menée en vue d'un règlement, selon lesquelles il y participait sans une défense entière de ses droits et sous la contrainte. Il a allégué également que l'employeur avait agi de connivence avec la Commission des accidents du travail du Manitoba pour mettre un terme au paiement de ses prestations, sans son consentement ni sa participation.

43 M. Hyppolite a déclaré en contre-interrogatoire qu'il n'avait pas usé de coercition ni d'intimidation à l'égard de M. Nash dans le cadre du processus de règlement. Il a déclaré dans son témoignage qu'au moment de signer le protocole d'entente, il avait parfaitement l'intention de se conformer aux modalités de l'entente.

III. Résumé de l'argumentation

A. Observations de l'employeur

44 À l'audience, l'avocat de l'employeur a déposé des observations écrites, que j'ai résumées ci-après, et dont le texte intégral figure au dossier de la Commission.

45 L'avocat de l'employeur a fait valoir que l'objectif premier de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique est de résoudre les conflits de travail opposant employeurs et employés. Dans l'affaire qui nous occupe, l'on peut atteindre cet objectif par la voie d'une ordonnance rejetant le grief sur le fondement du règlement final qui a été conclu par les parties au moyen d'une entente de règlement valide.

46 Selon un principe bien établi, une entente de règlement valide est un obstacle insurmontable à la compétence d'un arbitre de grief. Dans MacDonald c. Canada(1998), 158 FTR 1 (confirmée [2000] A.C.F. no 1902; demande d'en appeler rejetée, [2001] A.C.S.C. no 30), la Cour fédérale a indiqué en des termes clairs que lorsqu'un fonctionnaire conclut une entente de règlement exécutoire avec l'employeur, il perd son droit de renvoyer l'affaire à l'arbitrage. L'arbitre de grief ne détient aucune compétence pour entendre un grief une fois que les parties ont signé une entente exécutoire, peu importe que les modalités de cette entente aient été respectées ou non. Il n'appartient pas à la Commission ni à l'arbitre de grief de superviser l'exécution d'une entente. L'avocat de l'employeur m'a renvoyé aux décisions suivantes : Myles c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2002 CRTFP 53; Castonguay c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2005 CRTFP 73; et Van de Mosselaer c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), 2006 CRTFP 59.

47 L'avocat de l'employeur a déclaré qu'en outre, l'arbitre de grief n'a pas la compétence pour trancher un grief qui porte sur l'omission d'une partie de s'acquitter des obligations qui lui incombent aux termes d'une entente de règlement exécutoire. Même si le fonctionnaire s'estimant lésé avait déposé un nouveau grief pour contester le fait que l'employeur n'a pas respecté les modalités de l'entente, l'arbitre de grief demeurerait sans compétence pour entendre un tel grief.

48 L'avocat de l'employeur a fait valoir que l'entente de règlement était valide. Aucune des dispositions de cette entente n'indique qu'il s'agissait d'une entente de principe, que l'entente était provisoire ou que l'exécution des obligations mutuelles qui y étaient prévues était facultative. Aucune disposition de l'entente n'a donné au fonctionnaire s'estimant lésé l'occasion de changer d'idée ou de refuser de s'acquitter de ses obligations aux termes de l'entente, notamment de celle de retirer tous les griefs et plaintes contre l'employeur. Les obligations étaient énoncées en des termes non équivoques et elles n'étaient aucunement conditionnelles. La preuve de l'employeur a permis de constater qu'il n'y avait eu aucune discussion, à la date de la signature de l'entente, indiquant que celle-ci était conditionnelle ou provisoire. En fait, après avoir signé l'entente, l'employeur a commencé à mettre l'entente en application et en a effectivement exécuté les modalités. L'on m'a renvoyé à Carignan c. Conseil du Trésor (Anciens combattants Canada), 2003 CRTFP 58; Lindor c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), 2003 CRTFP 10; Bedok c. Conseil du Trésor (ministère du Développement des ressources humaines), 2004 CRTFP 163; et Skandharajah c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), 2000 CRTFP 114.

49 L'avocat de l'employeur a noté que l'intention des parties à la date de la signature du règlement d'entente est déterminante aux fins de déterminer si une entente lie les parties. De manière générale, le critère qui permet de déterminer si les parties sont liées par un contrat est objectif. Ce qui peut avoir été l'état d'esprit véritable quoique inexprimé du fonctionnaire s'estimant lésé à la date de la signature est sans importance (voir MacDonald). Si l'on applique ce critère objectif et que l'on examine tous les faits à la date de la signature de l'entente, aucune preuve ne permet de dire que cette entente n'était pas exécutoire. Les propos et les gestes de M. Nash révèlent clairement une intention manifeste d'accepter l'entente.

50 L'avocat de l'employeur a fait valoir que les deux parties avaient fait preuve d'une volonté et d'une capacité de participer aux négociations. M. Nash n'a soulevé aucune raison convaincante justifiant l'annulation de l'entente de règlement. Il peut très bien avoir été pris de remords, ce qui ne donne cependant pas à l'arbitre de grief le pouvoir de se pencher sur cette question. S'il y a un conflit entre les parties concernant les modalités de l'entente, le recours tient dans une action intentée au civil en vue de faire appliquer cette entente.

51 L'avocat de l'employeur a fait valoir qu'un arbitre de grief possède le pouvoir discrétionnaire résiduel de déterminer si l'entente de règlement doit ou non être appliquée dans les cas où elle constitue une opération inique. Ainsi qu'il a été indiqué dans la décision rendue dans MacDonald, une opération sera infirmée en raison de son caractère inique si la preuve établit les éléments suivants :

1) inégalité du pouvoir de négociation;

2) utilisation sans scrupule de son pouvoir par la partie la plus forte pour obtenir un avantage;

3) conclusion d'une entente très injuste pour la partie la plus faible.

52 L'avocat de l'employeur a fait remarquer que, d'après certaines décisions arbitrales antérieures, l'arbitre de grief n'aura la compétence que si le fonctionnaire s'estimant lésé peut produire une preuve qu'il a été la victime d'une entente forcée ou que celle-ci a été signée sous la contrainte. M. Nash n'a pas réussi à s'acquitter de cette charge. Il n'y a aucune preuve d'une entente forcée ou conclue sous la contrainte, et il n'y a aucune preuve non plus que l'employeur a exercé une coercition ou des pressions indues sur le fonctionnaire s'estimant lésé. Les lettres que M. Nash a fait parvenir à la Commission montrent clairement qu'il estime que l'employeur n'a pas respecté l'entente de règlement et que, de ce fait, l'entente est nulle et non avenue. Il n'y fait mention d'aucune coercition et se concentre plutôt sur la mise en application de l'entente.

53 L'avocat de l'employeur a fait remarquer que M. Nash avait déménagé à Edmonton de son gré et qu'on lui avait offert un emploi à Edmonton indépendamment de l'entente de règlement. Les témoins appelés par l'employeur ont indiqué que M. Nash avait eu l'occasion de demander une mutation sans être tenu de signer l'entente préalablement. C'est M. Nash qui a choisi d'aborder la mutation à Edmonton dans le cadre de l'entente. Il aurait pu traiter de cette question avant de mettre l'entente au point, mais il a choisi de n'en rien faire. Son manque de coopération n'a laissé d'autre choix à la direction que de lui rappeler que, sans une entente, il devrait être renvoyé à son poste d'attache.

54 L'avocat de l'employeur a fait valoir que l'entente conclue était une [traduction] « bonne entente ». M. Nash n'aurait pas mieux réussi si un arbitre de grief avait assumé compétence à l'égard du grief.

55 L'avocat de l'employeur a fait valoir qu'avant de signer l'entente, M. Nash avait eu plusieurs occasions de déterminer s'il allait ou non la signer. Les négociations se sont poursuivies pendant des mois. Il a été représenté au départ par son syndicat et, par la suite, il a choisi de négocier pour son compte. Il a présenté plusieurs contre-offres et a effectué des changements au projet d'entente, et il a en bout de ligne donné son accord à une entente qui était meilleure que celle que son syndicat avait appuyée le mois précédent. À aucun moment avant de signer ou même après avoir signé M. Nash n'a-t-il indiqué à l'employeur qu'il signait cette entente sous la contrainte. Il n'a soulevé la question de la contrainte que le 20 février 2006. Il a remercié M. Hyppolite après que l'entente eut été conclue et qu'il eut encaissé le chèque de remboursement de ses frais.

56 L'avocat de l'employeur a fait valoir que le grief devait être rejeté au motif que l'affaire a été réglée.

B. Observations du fonctionnaire s'estimant lésé

57 M. Nash a présenté des observations finales pour son compte. Il a déclaré qu'il n'avait eu d'autre choix que de donner son accord à l'entente, dont l'existence ne peut être maintenue en raison de la mauvaise foi de l'employeur, qui n'en a pas respecté les modalités. Si l'entente est maintenue, des employeurs sans scrupule se croiront autorisés à créer de fausses ententes puis à faire simplement fi des modalités de celles-ci.

58 M. Nash a fait valoir que je ne devrais pas tenir compte des déclarations qui, dans les observations de l'employeur, pourraient se rapporter à des questions qui se sont posées après la signature de l'entente. Cela serait conforme à la décision que j'ai rendue, selon laquelle il était interdit à M. Nash de produire une preuve sur ce qui s'est produit après que l'entente a été signée, puisqu'une telle preuve excède la portée de la présente audience.

59 M. Nash a déclaré qu'il n'était pas pris de remords. Il a signé l'entente sous l'effet d'une contrainte économique, psychologique et physique. L'employeur a usé de son pouvoir et de son contrôle en [traduction] « privant sa famille de tout bonheur », et il n'avait pas l'intention de le traiter de manière équitable avant, pendant ou après les négociations. Sa carrière a ainsi été arrêtée.

60 M. Nash a fait valoir que, dans Lindor, l'arbitre de grief a déclaré que l'entente devait être légitime. Celle qui est en cause ici ne l'est pas, car l'employeur, qui a l'obligation d'agir de manière équitable, n'en a pas respecté les modalités. Il m'a renvoyé à Vogan c. AFPC,2004 CRTFP 159.

61 M. Nash a fait valoir que l'entente qu'il a signée était assortie d'une clause conditionnelle, aux termes de laquelle la non-exécution de l'entente rendrait celle-ci nulle et non avenue (pièce E-1).

62 M. Nash a déclaré qu'il n'avait eu d'autre choix que de revenir sur l'entente en raison de l'abus de pouvoir exercé par l'employeur, qui avait rompu le lien de confiance. Quel recours un employé a-t-il, sinon devant la Commission?

63 M. Nash a fait valoir que les relations du travail harmonieuses sont importantes. L'incertitude créée par un employeur qui ne respecterait pas les ententes pourrait aussi compromettre le maintien de ces relations harmonieuses. L'employeur assume une responsabilité de fiduciaire à l'égard de ses employés.

64 M. Nash a fait remarquer que, dans Castonguay, la représentation était en cause. Dans ce cas, il y a eu absence de représentation. L'agent négociateur a tenté de retirer son grief sans le consentement du fonctionnaire s'estiment lésé. Ce dernier n'avait pas les moyens de se faire représenter. En outre, dans Castonguay, l'arbitre de grief a examiné l'intention des parties à la date de la signature. Dans le présent cas, M. Nash a noté à maintes reprises qu'il prenait part à la procédure [traduction] « sans une défense entière de ses droits ».

65 M. Nash a allégué que l'employeur avait agi de connivence avec la Commission des accidents du travail du Manitoba pour mettre un terme au paiement de ses prestations. La signature de l'entente garantissait à M. Nash la capacité de prendre soin de sa famille.

66 M. Nash a fait valoir que les faits dans Van de Mosselaer étaient identiques et contraires à ceux du cas le concernant. L'entente qui a été conclue dans la présente affaire est inique, et il y avait inégalité du pouvoir de négociation entre les parties. L'employeur a profité sans scrupule de sa position de force pour obtenir un avantage, et l'entente qui en a résulté est très injuste. En outre, l'employeur a tenté de miner davantage sa situation financière à la date de la signature.

67 M. Nash a soutenu que, l'entente n'ayant pas été conclue à la suite d'une procédure de médiation, la décision de l'infirmer n'aura pas d'effet paralysant sur le recours à une telle procédure. La décision de refuser d'assumer toute compétence dans la présente affaire pourrait cependant avoir un effet paralysant sur la manière dont l'employeur et le syndicat traitent les erreurs graves et les actes abusifs plus rapidement.

C. Observations de l'employeur en réponse

68 L'avocat de l'employeur a fait valoir que je n'avais pas la compétence pour me pencher sur la mauvaise foi dont l'employeur aurait fait preuve dans la mise en application de l'entente.

69 L'avocat de l'employeur a noté que la clause, dans l'entente, que M. Nash a qualifiée de conditionnelle, se rapportait en fait à l'exécution et n'ouvrait pas la porte à ma compétence.

70 L'avocat de l'employeur a fait valoir également que je devrais examiner minutieusement la preuve, car elle n'appuie pas les observations de M. Nash.

IV.  Motifs

71 La question à trancher est celle de savoir si le protocole d'entente signé par M. Nash et l'employeur lie les parties. Dans l'affirmative, je n'ai pas la compétence pour entendre le grief de M. Nash. Une entente de règlement valide est de manière générale un obstacle insurmontable à l'arbitrage (p. ex. voir Van de Mosselaer), à moins que l'on ne fasse la preuve que l'entente était inique. Il est clairement ressorti à l'audience que M. Nash avait vécu une expérience difficile dans son emploi auprès du Service correctionnel du Canada. La preuve qui m'a été présentée ne révèle pas cependant que l'entente de règlement signée par M. Nash était inique ou qu'elle avait été conclue sous la contrainte. Pour les motifs qui suivent, j'en suis arrivé à la conclusion qu'un arbitre de grief n'a pas la compétence pour entendre le grief de M. Nash.

72 La première question est celle de savoir s'il y a eu entente entre les parties. Le critère qui permet de déterminer si les parties sont liées à un contrat est objectif. Ainsi qu'il a été énoncé dans MacDonald au paragraphe 35 :

[…]

L'intention qu'il a exprimée est celle de signer l'entente. C'est ce qui est pertinent. Son intention non exprimée n'est pas pertinente. Encore une fois, selon l'extrait du Corpus Juris cité dans Kerster :

Si les paroles et les actes d'une personne, appréciés de façon raisonnable, expriment son intention de donner son accord sur un sujet, cet accord est établi et le véritable état d'esprit de cette personne sur le sujet n'a aucune importance si elle ne l'a pas exprimé.

[…]

73  M. Nash a effectivement indiqué à deux reprises qu'il participait aux discussions en vue d'un règlement [traduction] « sans une défense entière de ses droits ». Il a été représenté par son agent négociateur au cours d'une partie des discussions en vue d'un règlement, et il a décidé de mettre fin à cette représentation (ce qu'il a le droit de faire). Toutefois, en bout de ligne, M. Nash  a bien signé une entente.

74 Cette entente a été négociée sur une longue période, et M. Nash y a proposé de nombreux changements, qui ont été acceptés en grand nombre par l'employeur. M. Nash a proposé également, vers la fin de la procédure, de modifier la date de l'entrée en vigueur. Son état d'esprit à la date de la signature de l'entente s'est manifesté par son attention aux détails de l'entente. Ses propos et ses gestes ont révélé une intention d'accepter les modalités du projet de protocole d'entente.

75 Sa déclaration à la Commission selon laquelle il était disposé à retirer ses griefs si la Commission [traduction] « demeure saisie de l'affaire pour s'assurer que l'entente est exécutée de manière équitable et appropriée par les deux parties » démontre qu'il a donné son accord à l'entente librement et sans contrainte. Ce n'est qu'en février 2006 que M. Nash a déclaré que l'entente avait été conclue sous la contrainte. Or, la preuve révèle qu'à la date à laquelle il a signé l'entente, il n'agissait pas sous la contrainte. Le fait qu'il ait éprouvé des difficultés financières à la date à laquelle il a signé l'entente est sans pertinence aux fins de se prononcer sur l'existence d'une contrainte. La motivation qui pousse une partie à conclure une entente peut être en partie financière, sans que cela n'équivaille à une contrainte.

76 Si l'on applique un critère objectif et que l'on examine tous les faits à la date de la signature du protocole d'entente, aucune preuve n'indique que l'entente n'était pas exécutoire.

77 La seconde question est celle de savoir s'il y a lieu d'interdire l'exécution de l'entente de règlement au motif qu'elle constitue une opération inique. Dans MacDonald, le tribunal a énoncé le critère relatif à l'existence d'une opération inique :

[…]

 Une opération peut être annulée en raison de son caractère inique si la preuve établit les éléments suivants :

(1) inégalité du pouvoir de négociation résultant de l'ignorance, de l'indigence ou de la détresse de la partie la plus faible;

(2) utilisation de son pouvoir par la partie la plus forte afin d'obtenir un avantage;

(3) conclusion d'une entente très injuste envers la partie la plus faible ou […] d'une entente qui déroge suffisamment aux normes de moralité de la collectivité en matière commerciale pour en justifier l'annulation.

[…]

78 Dans le présent cas, il n'y a simplement aucune preuve d'une opération inique. Ainsi qu'il est indiqué dans MacDonald, il peut très bien exister une inégalité du pouvoir de négocier. M. Nash, bien qu'il ait au départ été représenté, a commencé à se représenter aux dernières étapes des négociations. J'admets que le pouvoir de négociation des parties était inégal. Toutefois, il n'y a aucune preuve que l'employeur a, sans scrupule, usé de sa position de force pour obtenir un avantage. En outre, l'entente conclue n'est pas « très injuste » pour M. Nash. Ce dernier a conservé son emploi et a été muté dans un autre lieu de travail - un résultat sur lequel il a beaucoup insisté.

79 Dans Carignan, le fonctionnaire s'estimant lésé a tenté de se retirer d'une entente au motif qu'il s'agissait d'une entente temporaire et qu'il n'avait pas reçu les avantages monétaires qu'il avait prévu recevoir aux termes de l'entente de médiation. M. Nash a fait valoir également que l'entente n'avait pas été exécutée, de sorte qu'elle était « nulle et non avenue ». L'arbitre de grief a statué ceci :

[…]

[48] Étant donné que la Commission n'a pas compétence pour décider si les conditions de l'entente et les règlements ont été respectés, elle n'a pas plus compétence pour établir si une des parties a agi de mauvaise foi dans l'application de cette entente. Par conséquent, cet argument doit aussi être rejeté.

[…]

80 Le protocole d'entente signé par M. Nash est une entente valide et exécutoire. Selon un principe bien établi, une entente de règlement valide représente un obstacle insurmontable à la compétence d'un arbitre de grief. En conséquence, je n'ai pas la compétence pour déterminer si les modalités d'une entente de règlement ont été respectées et je n'ai pas la compétence non plus pour entendre toute autre preuve sur le bien-fondé du grief.

81 M. Nash a allégué dans une lettre qu'il a adressée à la Commission et dans les observations qu'il a présentées à l'audience que l'employeur avait agi de connivence avec la Commission des accidents du travail du Manitoba. Il n'a présenté aucune preuve à l'appui de cette allégation incendiaire.

82 Pour ces motifs, je rends l'ordonnance qui suit :

V.  Ordonnance

83 Le grief est rejeté.

Le 18 septembre 2007.

Traduction de la C.R.T.F.P.

Ian R. Mackenzie,
arbitre de grief

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.