Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Selon le plaignant, il existait un plan délibéré visant à s’assurer qu’un autre candidat serait retenu au terme du processus de nomination. Le candidat reçu dans le processus en cause n’avait pas été retenu dans un processus de nomination antérieur où le plaignant avait participé. Ce dernier a également formulé des allégations de discrimination. Il a demandé au Tribunal d’ordonner à l’intimé de lui fournir des renseignements concernant aussi bien le candidat retenu dans le processus en cause que celui reçu dans le processus antérieur. Le plaignant a affirmé qu’il avait été traité différemment des candidats retenus dans les deux processus et que les résultats d’évaluation issus de ces processus corroboreraient ses allégations. L’intimé a soutenu que le plaignant n’avait pas réussi à établir la pertinence des renseignements demandés. Décision : Il incombe à la partie requérante de démontrer qu’il existe une corrélation, un lien direct entre les renseignements demandés et la plainte. Le critère préliminaire en l’occurrence consiste à soutenir la pertinence des renseignements. Le Tribunal a jugé que le plaignant aurait dû déposer une plainte à l’encontre du premier processus de nomination. Mais même s’il ne l’a pas fait, les documents liés au premier processus peuvent bien être pertinents par rapport au deuxième processus. Dans la mesure où le plaignant doit pouvoir établir que le seul des membres du comité d’évaluation à participer aux deux processus avait un parti pris contre lui, le Tribunal a estimé que les renseignements concernant les résultats obtenus par le plaignant dans les deux processus étaient pertinents en l’espèce. Lorsqu’une plainte comporte une allégation de traitement différentiel, on peut soutenir la pertinence des renseignements relatifs au candidat retenu. La demande de renseignements se rapportant au candidat retenu dans le deuxième processus a été accordée, de même que celle se rapportant à ce candidat dans le premier processus où il n’avait pas été retenu. Le Tribunal a déterminé que les renseignements se rapportant au candidat retenu dans le premier processus de nomination n’étaient pas pertinents. Le plaignant n’a pas établi le lien nécessaire entre les renseignements se rattachant au candidat retenu dans le premier processus et l’objet de la plainte en question. Le Tribunal a fait remarquer par ailleurs que si le plaignant a l’intention d’explorer la question des droits de la personne, il doit en informer la Commission canadienne des droits de la personne. Demande accordée en partie.

Contenu de la décision

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Dossier:
2007-0058
Rendue à:
Ottawa, le 11 juin 2007

MUHAMMAD AKHTAR
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L'INFRASTRUCTURE ET DES COLLECTIVITÉS
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Demande d'ordonnance de communication de renseignements
Décision:
La demande est accordée en partie
Décision rendue par:
Guy Giguère, président
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Akhtar c. Sous-ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités et al.
Référence neutre:
2007 TDFP 0026

Motifs de la décision

Introduction

1Le plaignant, Muhammad Akhtar, a demandé au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) d’ordonner à l’intimé, le sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, de lui fournir certains renseignements.

Contexte

2 Le plaignant travaille à Ottawa comme gestionnaire, au groupe et niveau TI‑08, au sein du ministère des Transports, Sécurité maritime. Il a posé sa candidature dans le cadre de deux processus de nomination interne annoncés en Colombie‑Britannique (C.-B.) pour le poste de gestionnaire, Services d’inspection, Sécurité maritime, au même groupe et niveau TI-08 : le processus de sélection 06‑MOT‑CCID‑VAN‑07987 (le premier processus de nomination) et le processus de sélection 06-MOT-CCID-VAN-009443 (le deuxième processus de nomination).

3 Dans le premier processus de nomination, la candidature du plaignant a été acceptée à la présélection. Le plaignant était l’une des cinq personnes dont la candidature a été examinée pour le poste. Dans le deuxième processus de nomination, le plaignant était l’un des deux candidats qui se sont rendus jusqu’à l’étape de l’entrevue. Il n’a été choisi comme candidat retenu dans aucun des deux processus de nomination.

4 Le plaignant n’a pas présenté de plainte auprès du Tribunal en ce qui concerne le premier processus de nomination. Il a toutefois fourni une explication pour ne pas avoir présenté de plainte, et son explication sera examinée ultérieurement dans la présente décision.

5 Le 28 janvier 2007, le plaignant a déposé une plainte détaillée auprès du Tribunal en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP) contre le deuxième processus de nomination. Le plaignant soutient que le critère de sélection a été changé afin de favoriser le candidat retenu, M. Tewari, et que le comité de sélection a manipulé les notes des examens écrit et oral, également dans le but de favoriser M. Tewari. Le plaignant affirme qu’un des membres du comité de sélection avait un parti pris contre lui et que ce membre a joué un rôle décisif pour que M. Tewari occupe son ancien poste au Bureau de la sécurité des transports du Canada (le BST).

6 Finalement, le plaignant allègue avoir été victime de discrimination fondée sur la religion et explique les raisons pour lesquelles il se considère comme une victime. Il a travaillé au bureau régional de la C.-B. pendant plus de sept ans, dont presque quatre ans aux Services d’inspection, où se trouve le poste en question. Bien qu’il travaille à Ottawa, sa famille habite toujours en C.‑B., et il a fait une demande de mutation ou de mutation latérale, qui a été refusée. Une seule nomination avait été faite à l’issue du premier processus de sélection dans le cadre duquel il a été jugé qualifié et ce, malgré l’offre d’emploi qui indiquait clairement que deux postes étaient prévus. Quant au deuxième processus de sélection, selon le plaignant, il a été lancé dans le but de discriminer contre lui.

7 Le 10 avril 2007, le plaignant a présenté sa demande d’ordonnance de communication de renseignements. Pour des raisons pratiques, les renseignements sont numérotés de façon consécutive. Les renseignements demandés sont les suivants :

Premier processus de nomination :

1. Les copies d’examens écrits corrigés de M. Akhtar et son évaluation orale, y compris toutes les copies de brouillon se rapportant aux examens écrits et à l’évaluation orale des deux membres du comité ainsi que leurs notes, le barème de correction (y compris l’identité des personnes ayant corrigé les examens écrits), les critères d’évaluation, les critères de sélection et toute vérification des références. Toute autre correspondance avec d’autres parties en ce qui concerne le présent processus, c’est-à-dire Ressources humaines, etc.

2. Les copies d’examens écrits corrigés de M. Sultan Virani (candidat retenu) et son évaluation orale, y compris toutes les copies de brouillon se rapportant aux examens écrits et à l’évaluation orale des deux membres du comité ainsi que leurs notes, le barème de correction (y compris l’identité des personnes ayant corrigé les examens écrits), les critères d’évaluation, les critères de sélection et toute vérification des références. Toute autre correspondance avec d’autres parties en ce qui concerne le présent processus, c’est-à-dire Ressources humaines, etc.

3. Les copies d’examens écrits corrigés de M. Aloak Tewari (candidat non retenu au terme du premier concours) et son évaluation orale (le cas échéant), y compris toutes les copies de brouillon se rapportant aux examens écrits et à l’évaluation orale des deux membres du comité ainsi que leurs notes, le barème de correction (y compris l’identité des personnes ayant corrigé les examens écrits), les critères d’évaluation, les critères de sélection et toute vérification des références. Toute autre correspondance avec d’autres parties en ce qui concerne le présent processus, c’est-à-dire Ressources humaines, etc.

Deuxième processus de nomination :

4. Les copies d’examens écrits corrigés de M. Akhtar et son évaluation orale, y compris toutes les copies de brouillon se rapportant aux examens écrits et à l’évaluation orale des deux membres du comité y compris leurs notes, le barème de correction (y compris l’identité des personnes ayant corrigé les documents écrits), les critères d’évaluation, les critères de sélection et toute vérification des références. Toute autre correspondance pertinente liée au présent processus avec d’autres parties concernées, c’est-à-dire Ressources humaines ou entre le comité et le directeur régional de la Sécurité maritime, ou l’inverse.

5. Les copies d’examens écrits corrigés de M. Aloak Tewari (candidat retenu au terme du dernier concours) et son évaluation orale, y compris toutes les copies de brouillons se rapportant aux examens écrits et à l’évaluation orale des deux membres du comité y compris leurs notes, notamment le barème de correction (y compris l’identité des personnes ayant corrigé les examens écrits), les critères d’évaluation, les critères de sélection et toute vérification des références. Toute autre correspondance pertinente liée au présent processus avec d’autres parties concernées, c’est-à-dire Ressources humaines ou entre le comité et le directeur régional de la Sécurité maritime, ou l’inverse.

6. Un énoncé des critères de mérite pour le poste.

7. Le plan stratégique des ressources humaines pour la région du Pacifique se rapportant à la Direction de la sécurité maritime.

8. La politique du CT relative au choix des processus.

9. Des copies des descriptions de travail pour Vancouver et Nanaimo, etc.

[Traduction]

8 Dans les documents joints à sa demande, le plaignant a fourni la copie d’une note de service en date du 2 avril 2007 que le conseiller en ressources humaines de l’intimé a envoyé au représentant du plaignant. La note de service contenait la réponse de l’intimé à la demande de renseignements du plaignant formulée au cours de la communication des renseignements.

9 Le 2 avril 2007, une note de service énonçait les renseignements que l’intimé était disposé ou n’était pas disposé à fournir au plaignant. La note de service indiquait également que des copies de ces renseignements se trouvaient en annexe. En ce qui concerne le deuxième processus de nomination, la note de service indique que les renseignements liés aux points 4, 6, 7, 8 et 9 ont déjà été fournis. De plus, la note de service indique que d’autres renseignements relatifs au deuxième processus de nomination avaient été inclus, notamment une copie des résultats finaux de M. Akhtar et la justification du choix de la « bonne personne » pour occuper le poste.

10 La note de service indiquait également que « toute autre correspondance pertinente liée au présent processus avec d’autres parties concernées, c’est-à-dire Ressources humaines ou entre le comité et le directeur régional de la Sécurité maritime, ou l’inverse) » [Traduction] avait déjà été fournie. Ainsi, les seuls renseignements manquants liés au deuxième processus de nomination sont limités à une partie du point 5, à savoir les renseignements liés à l’évaluation du candidat retenu. L’intimé affirme que ces renseignements ne sont pas pertinents en ce qui concerne la plainte.

11 L’intimé refuse de fournir les documents de 1 à 3 qui sont liés au premier processus de nomination. Il affirme de nouveau que ces renseignements ne sont pas pertinents à la plainte.

12 La présente décision portera uniquement sur les autres renseignements demandés par le plaignant, c’est‑à‑dire les documents de 1 à 3, et la première partie du point 5.

Question en litige

13 Les renseignements demandés sont-ils pertinents en ce qui concerne la plainte?

Argumentation des parties

Argumentation du plaignant

14 Dans sa demande, le plaignant affirme que le favoritisme et d’autres formes d’abus de pouvoir ont été utilisés pour faire en sorte qu’il ne soit nommé à aucun des postes en question. Il ajoute que les postes visés par les deux processus de nomination étaient identiques, et que l’intimé aurait dû le nommer à partir du répertoire de candidats qualifiés créé au terme du premier processus de nomination au lieu de procéder à un deuxième processus de nomination. Selon le plaignant, les renseignements demandés aideront à appuyer cette allégation.

15 Il déclare aussi que le deuxième processus de nomination a été mené de façon artificielle dans le but de l’exclure et de donner la préférence au candidat retenu, qui avait échoué au premier processus de nomination, et qu’une évaluation des critères de cotation est essentielle pour aider le plaignant à prouver le bien-fondé de son allégation.

16 Le plaignant déclare que la cotation de tous les candidats dans les deux processus prouvera que le favoritisme et d’autres actes d’abus de pouvoir ont entaché les deux processus. Le plaignant affirme qu’il est nécessaire pour lui d’obtenir les questions et les réponses liées aux deux processus afin de s’assurer qu’elles étaient les mêmes dans les deux cas, et que la même norme a été appliquée dans toutes les évaluations.

17 En ce qui concerne le deuxième processus de nomination, le plaignant déclare que le comité de sélection a choisi le candidat retenu sur la base du « résultat le plus élevé » [Traduction]. Le plaignant a fourni la copie d’une note de service en date du 1er décembre 2006 et envoyée par un des membres du comité de sélection au conseiller en RH de l’intimé. Selon le plaignant, cette note de service confirme que c’était bien la méthode utilisée pour choisir le candidat retenu. Le plaignant ajoute que sans le barème de correction et les réponses de tous les candidats retenus, il n’est pas possible de déterminer qui a satisfait aux critères établis. Selon lui, ces renseignements sont également pertinents afin d’appuyer son allégation relative à la partialité en ce qui a trait à la façon dont la correction a été faite.

18 Le plaignant croit que les renseignements demandés lui permettront de déterminer s’il a été traité de manière différente par les divers membres du comité de sélection ou s’il a été traité différemment des candidats retenus.

19 Le plaignant est d’avis qu’il a fourni un compte rendu des événements qui ont eu lieu avant, pendant et après les processus de nomination, et qu’il a établi le fondement des raisons pour lesquelles il croit que le comité de sélection avait un parti pris contre lui.

Argumentation de l’intimé

20 L’intimé a fourni ses arguments le 16 avril 2007. Il affirme qu’aucun des renseignements demandés se rapportant au premier processus de nomination n’est pertinent en ce qui concerne la présente plainte.

21 Selon l’intimé, le premier processus de nomination a été mené dans le but de doter deux des trois postes de gestionnaires qui allaient devenir vacants – postes au CTC dans la région du Pacifique (Nanaimo, Prince Rupert et Victoria). Le processus n’était pas annoncé et n’était pas destiné à doter d’autres postes de gestionnaires – postes au CTC dans des endroits qui n’étaient pas indiqués sur l’avis, c’est‑à‑dire Vancouver.

22 Les candidats non retenus ont été informés de leur droit de présenter une plainte relative au premier processus de nomination en vertu de l’article 48 de la LEFP. Le plaignant a décidé de ne pas se prévaloir de son droit de porter plainte à l’encontre du premier processus de nomination. Tout renseignement relatif au premier processus de nomination n’est pas pertinent en ce qui concerne la présente plainte.

23 Pour ce qui est des renseignements que le plaignant cherchait à obtenir concernant le deuxième processus de nomination, l’intimé affirme qu’il n’a pas à prouver au Tribunal que les renseignements sont non pertinents. Il incombe au plaignant de prouver que les renseignements qu’il cherche à obtenir sont pertinents.

24 L’intimé affirme que le plaignant n’a pas réussi à prouver que les renseignements qu’il voulait obtenir sont pertinents. L’intimé déclare que la demande du plaignant doit être précise et que ce dernier doit démontrer qu’il existe un lien direct entre les renseignements demandés et la plainte. L’intimé s’appuie sur les décisions du Tribunal dans les affaires Oddie c. le Sous‑ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0009, et Visca c. le Sous‑ministre de la Justice et al., [2006] TDFP 0016.

25 L’intimé ajoute que les renseignements demandés relatifs à l’évaluation du candidat retenu dans le deuxième processus de nomination ne sont pas pertinents. Le fait que le plaignant croit qu’il est peut‑être « mieux qualifié » [Traduction] que la personne choisie ne peut pas constituer le fondement d’une plainte d’abus de pouvoir. Par conséquent, l’exercice d’analyse et de comparaison des notes prises et des cotes attribuées aux divers candidats pendant le processus d’évaluation est futile. L’intimé déclare que le concept de « mérite relatif » [Traduction] n’existe plus dans le cadre de la nouvelle LEFP, et il s’appuie sur la décision du Tribunal dans l’affaire Aucoin c. le Président de l’Agence des services frontaliers du Canada et al., [2006] TDFP 0012, pour soutenir son point de vue selon lequel les renseignements demandés sont non pertinents.

Analyse

26 Comme le Tribunal l’a indiqué dans la décision Visca, supra, la communication de renseignements est l’occasion, pour le plaignant et l’intimé, de se rencontrer, d’échanger les renseignements pertinents et de discuter de la plainte. Souvent, une telle rencontre permettra aux parties de régler la plainte. Les parties doivent se communiquer tous les renseignements pertinents en leur possession, et pas seulement les documents demandés expressément. Il ne doit y avoir aucun élément de surprise dans le processus de résolution d’une plainte au Tribunal, et les deux parties doivent disposer des renseignements nécessaires pour aborder les questions soulevées dans une plainte.

27 Si les parties ne peuvent pas s’entendre sur la pertinence des renseignements demandés, ou si une partie s’oppose à leur divulgation, la partie requérante peut demander au Tribunal d’émettre une ordonnance de communication de renseignements. Le critère préliminaire pour examiner une demande d’ordonnance de communication de renseignements est que l’on peut soutenir leur pertinence. Ce critère exige qu’il existe une certaine pertinence, et il incombe à la partie requérante de démontrer qu’il existe une corrélation, ou un lien direct, entre les renseignements demandés et la plainte. Le Tribunal n’ordonnera pas la communication de renseignements lorsqu’une partie se contente de soupçonner que certains documents pourraient être pertinents, sans plus, ce qui constituerait une demande vague correspondant à une « recherche à l'aveuglette » [Traduction]. Comme le Tribunal l’a indiqué dans la décision Smith c. le Commissaire du Service correctionnel du Canada et al., [2006] TDFP 0013 :

[11] La pertinence de l’information demandée constitue donc la principale question à déterminer. La partie requérante, à savoir la plaignante dans le cas présent, doit prouver au Tribunal qu’il existe un lien direct entre l’information demandée et les questions soulevées dans la plainte. On doit pouvoir soutenir que l’information est pertinente à la plainte, et l’obligation de démontrer cette pertinence revient à la partie requérante.

(…)

[13] (…) En plus de l’obligation pour la partie requérante, de démontrer la pertinence de l’information demandée, il faut aussi tenir compte du facteur selon lequel « le Tribunal doit être convaincu que les renseignements ne sont pas demandés dans le contexte d'une "recherche à l'aveuglette" ». (…) L’hypothèse de la plaignante selon laquelle des renseignements importants pourraient bien être révélés si on lui permettait d’avoir accès à l’information demandée n’est pas suffisante pour justifier l’émission d’une ordonnance de communication de renseignements.

28 Alors que le plaignant ne peut pas chercher à obtenir des renseignements relatifs au premier et au deuxième processus de nomination à moins d’en établir la pertinence, il a la possibilité d’essayer de convaincre le Tribunal qu’on peut soutenir la pertinencedes renseignements demandés. Il est important de reconnaître que le critère préliminaire servant à établir la pertinence à cette étape du processus de plainte est plus large que le critère utilisé à l’audience. On pourrait déterminer que les renseignements produits mèneront à la conclusion que d’autres renseignements qui n’ont pas encore été produits sont pertinents et doivent être fournis. En outre, les renseignements produits pourraient mener à la conclusion qu’ils ne sont pas utiles pour la partie qui les a demandés.

Documents relatifs au premier processus de nomination

29 M. Akhtar a expliqué pourquoi il n’a pas présenté de plainte par rapport au premier processus de nomination. Des copies des divers avis de dotation liés au premier processus de nomination ont été annexées à sa plainte. Selon ces documents, l’annonce concernant le premier processus de nomination a été affichée le 31 mai 2006. L’annonce indiquait que le lieu du poste était « Colombie-Britannique – Vancouver » [Traduction] et que deux postes pourraient être dotés à la suite d’une dotation anticipée. Une annonce publiée ultérieurement et contenant un numéro de processus de sélection identique a été affichée le 1er juin 2006. L’annonce indiquait que le lieu du poste était « Colombie-Britannique – Nanaimo, Victoria et Prince Rupert » [Traduction]. Il semble que ce changement de lieu soit la seule modification apportée à l’annonce.

30 Le plaignant était l’un des cinq candidats identifiés sur la notification de candidatures retenues du premier processus de nomination. Le plaignant déclare qu’il faisait partie du « répertoire de candidats qualifiés » [Traduction] et qu’il attendait l’annonce de la dotation du deuxième poste. Lorsqu’ on lui a appris qu’un nouveau processus de nomination aurait lieu dans le but de doter le deuxième poste, il était trop tard pour présenter une plainte auprès du Tribunal concernant le premier processus de nomination.

31 Après avoir examiné la notification de candidatures retenues et la notification de nomination se rapportant au premier processus de nomination, il est évident, comme le soutient l’intimé, que ce dernier a fourni un avis suffisant conformément à l’article 48 de la LEFP.

32 En ce qui concerne le point 1, si le plaignant avait présenté une plainte se rapportant au premier processus de nomination, il est évident que cette information lui aurait été transmise pendant la communication de renseignements. Selon l’intimé, puisque le plaignant n’a pas présenté de plainte concernant le premier processus de nomination, aucun renseignement lié à ce processus n’est pertinent en ce qui concerne la plainte présentée auprès du Tribunal.

33 Le Tribunal estime que si le plaignant avait voulu remettre en question le premier processus de nomination, il aurait dû présenter une plainte dans les délais prescrits par le Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6 (le Règlement du TDFP). Il ne l’a pas fait, mais cela ne signifie pas que les documents liés au premier processus ne peuvent pas être pertinents pour le deuxième processus de nomination. Le Tribunal doit déterminer si le plaignant a établi le lien nécessaire entre les renseignements recherchés – les renseignements relatifs à son évaluation se rapportant au premier processus de nomination – et l’objet de sa plainte.

34 Une des allégations soulevées par le plaignant dans sa plainte et par la suite dans sa demande d’ordonnance est qu’un membre du comité de sélection, qui était le seul à avoir participé aux deux processus de nomination, a fait preuve d’un parti pris contre lui dans le cadre de ces processus. Dans sa plainte, le plaignant déclare, en partie, ce qui suit :

[Le membre du comité de sélection] faisait toujours partie du comité en tant que membre clé. Il notait les copies d’examen, mettait sur pied les processus et conseillait les membres de la haute direction pour la prise de décisions. De plus, il était une personne clé dans la prise des décisions finales de tous les comités de sélection de la Sécurité maritime dans la région du Pacifique. Habituellement, ce qu’il déclare avant les processus de sélection correspond aux résultats officiels annoncés après les processus. [Traduction]

35 Le Tribunal est d’avis que le plaignant a démontré qu’on peut soutenir que le point 1 est pertinent pour déterminer si ce membre du comité de sélection avait un parti pris contre le plaignant.

36 Le Tribunal abordera maintenant le point 2 de la demande de renseignements, à savoir les renseignements liés à l’évaluation du candidat retenu au terme du premier processus de nomination, M. Sultan Virani. Après avoir examiné la plainte et les observations supplémentaires du plaignant, le Tribunal n’est pas convaincu que le plaignant a établi un lien direct entre les renseignements demandés concernant le candidat retenu au terme du premier processus de nomination, M. Sultan Virani, et l’objet de la plainte.

37 Le fondement de la plainte est que le deuxième processus de nomination a été établi de manière à permettre au comité de sélection de choisir leur candidat préféré, Aloak Tewari, aux dépens du plaignant. Le Tribunal n’est pas convaincu que le plaignant a établi le lien nécessaire entre les renseignements portant sur M. Virani et la plainte actuelle afin de démontrer la pertinence de la plainte. Par conséquent, aucune ordonnance ne sera émise quant à ces renseignements.

38 Toutefois, tel qu’expliqué dans les affaires Oddie, supra et Visca, supra, dans une plainte où un traitement différentiel est allégué, par exemple dans une plainte de favoritisme, les renseignements liés au candidat retenu sont pertinents pour une allégation de traitement différentiel et le sont donc pour la plainte. La plainte démontre de façon évidente que le plaignant estime avoir été traité d’une manière différente du candidat retenu, et que ce traitement différentiel s’inscrit dans une tendance à favoriser le candidat retenu.

39 Le Tribunal est convaincu que le plaignant a déterminé que le point 3, à savoir les renseignements relatifs à l’évaluation de M. Tewari dans le cadre du premier processus de sélection, étaient pertinents afin de déterminer si M. Tewari a été nommé en raison de favoritisme personnel ou d’une autre forme d’abus de pouvoir. Selon le plaignant, M. Tewari n’a pas d’expérience au ministère dans le domaine de la sécurité maritime, ni d’expérience significative en ce qui concerne l’inspection de navires. M. Tewari a échoué à l’examen écrit dans le cadre du premier processus de nomination. Cependant, au terme du deuxième processus de nomination qui a eu lieu à peine quelques mois plus tard, il a été choisi en vue d’une nomination, car le comité de sélection lui a attribué les cotations les plus élevées. Il existe un lien direct entre les renseignements demandés au point 3 et l’objet de la plainte.

Documents relatifs au deuxième processus de nomination

40 Les renseignements demandés concernant le deuxième processus de nomination sont liés à l’évaluation du candidat retenu, soit le point 5. L’intimé s’appuie sur la décision du Tribunal dans l’affaire Aucoin c. le Président de l’Agence des services frontaliers du Canada et al., [2006] TDFP 0012, pour appuyer son point de vue : comme la nouvelle LEFP n’exige pas une évaluation comparative des candidats, la communication de renseignements relatifs au candidat retenu serait « futile ».

41 Les circonstances entourant cette plainte sont différentes de celles énoncées dans la décision Aucoin, supra. Dans ce processus de sélection, une évaluation comparative des candidats a été utilisée pour choisir le candidat retenu. Le plaignant a présenté la copie d’une lettre provenant d’un membre du comité de sélection dans laquelle il est indiqué que le candidat ayant obtenu le résultat le plus élevé pour les qualifications essentielles et les qualifications constituant un atout serait choisi en vue d’être nommé. Ces renseignements n’ont pas été contredits par l’intimé, qui n’a pas donné plus d’explications à cet égard.

42 En vertu de l’ancienne LEFP, les renseignements concernant l’évaluation du candidat retenu étaient divulgués à l’appelant sur demande. Ces renseignements étaient pertinents alors, car le fondement d’un appel était lié au non respect du mérite relatif. Comme les réponses étaient cotées et qu’il était obligatoire de procéder à un classement, les renseignements relatifs à l’évaluation du candidat retenu étaient communiqués au comité d’appel.

43 À présent, le mérite est défini au paragraphe 30(2) de la LEFP. L’unique obligation à respecter pour qu’une nomination puisse être faite conformément au principe du mérite est la suivante : la personne qui sera nommée doit répondre aux qualifications essentielles. Un pouvoir discrétionnaire considérable est accordé pour choisir, parmi les postulants qualifiés, la personne qui, selon le jugement du gestionnaire, est la bonne personne pour occuper le poste. Il n’y a donc aucune obligation de classer les candidats ni de coter les réponses. Le Tribunal est d’avis que le recours à l’ancienne pratique consistant à classer les candidats est à déconseiller, car cette pratique ne correspond pas à l’esprit de la LEFP. Cependant, rien n’empêche un gestionnaire de classer les candidats, car cette pratique ne constitue pas en soi un abus de pouvoir.

44 Selon la nature de la plainte, lorsque le classement est utilisé pour choisir les candidats retenus, on peut soutenir la pertinence des renseignements relatifs à l’évaluation de la personne nommée.

45 Le fondement de la plainte est lié au fait que le plaignant a été traité d’une façon différente du candidat retenu au cours du deuxième processus de nomination. Il a présenté sa plainte comme un cas de favoritisme personnel au profit du candidat retenu et d’un parti pris défavorable contre lui. Le plaignant a soulevé un certain nombre d’affirmations pour soutenir sa plainte, dont les suivantes : son rendement présumé à l’entrevue par rapport à la réceptivité du comité de sélection; la méthode utilisée pour choisir le candidat retenu fondée sur la note la plus élevée, laquelle était sujette à une éventuelle manipulation de la part du comité de sélection; un des deux membres du comité de sélection du deuxième processus de nomination faisait partie du comité de sélection du premier processus d’évaluation et a contribué en grande partie à placer M. Tewari à son poste au BST, et à présent qu’il quitte Transports Canada, Direction de la sécurité maritime, il voulait s’assurer que M. Tewari allait le remplacer à ce poste également et, enfin, l’affirmation selon laquelle le candidat retenu ne possède pas les qualifications essentielles et les qualifications constituant un atout liées au poste, car son poste d’attache était un poste d’enquêteur au sein du BST.

46 Selon le plaignant, il existait un plan prévu visant intentionnellement à s’assurer que M. Tewari serait choisi en tant que candidat retenu au terme du deuxième processus de nomination. La plainte est remplie d’allégations selon lesquelles le deuxième processus de nomination aurait été manipulé pour obtenir ce résultat.

47 Comme il a été expliqué ci-dessus, dans une plainte où il y a une allégation de traitement différentiel, on peut soutenir la pertinence des renseignements relatifs au candidat retenu. Le Tribunal est convaincu que la divulgation est nécessaire car les questions soulevées par le plaignant sont suffisamment détaillées et on peut soutenir la pertinence des renseignements relatifs à l’évaluation du candidat retenu pendant le deuxième processus de nomination, soit le point 5. Finalement, le Tribunal considère que la communication de ces renseignements ne cause pas un préjudice indu à l’intimé, et il est convaincu également que tout préjudice potentiellement causé au candidat retenu en raison de la communication de ces renseignements peut être contrôlé par l’imposition de conditions appropriées à cette communication de renseignements.

48 Le Tribunal note que le plaignant allègue la discrimination fondée sur la religion. L’article 78 de la LEFP et l’article 20 du Règlement du TDFP enjoignent le plaignant d’informer la Commission canadienne des droits de la personne lorsqu’une plainte soulève une question se rapportant à l’interprétation ou à l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6. Par conséquent, le plaignant doit informer la Commission canadienne des droits de la personne s’il a l’intention d’aborder la question liée aux droits de la personne qu’il a soulevé dans sa plainte.

Décision

49 Le Tribunal n’est pas convaincu que le plaignant s’est acquitté de son fardeau d’établir la pertinence en ce qui concerne le point 2. Il est toutefois convaincu que le plaignant s’est acquitté de son fardeau en ce qui a trait aux points 1, 3 et 5. Par conséquent, la demande du plaignant liée à l’ordonnance de communication de renseignements est accueillie en partie.

Ordonnance

50 L’intimé doit fournir les renseignements ci-dessous au plaignant dans un délai de sept jours suivant la date de la présente décision :

  1. Les copies d’examens écrits corrigés et l’évaluation orale du plaignant, y compris toutes les copies de brouillon se rapportant aux examens écrits et à l’évaluation orale des deux membres du comité ainsi que leurs notes, le barème de correction (y compris l’identité des personnes ayant corrigé les examens écrits), les critères d’évaluation, les critères de sélection et toute vérification des références se rapportant au premier processus de nomination.
  2. Toute correspondance avec les autres parties pendant le premier processus de sélection ayant trait au plaignant et à M. Tewari.
  3. Pour le premier et le deuxième processus de nomination : les examens écrits corrigés et l’évaluation orale d’Aloak Tewari, y compris toutes les copies de brouillon se rapportant aux examens écrits et à l’évaluation orale des deux membres du comité ainsi que leurs notes, le barème de correction (y compris l’identité des personnes ayant corrigé les examens écrits), les critères d’évaluation, les critères de sélection et toute vérification des références.

51 Conformément aux paragraphes 17(5) et (6) du Règlement du TDFP, le Tribunal impose la condition suivante : le plaignant et son représentant ne peuvent pas divulguer ou communiquer à quiconque n’est pas partie à la plainte des renseignements fournis par l’intimé au sujet du candidat retenu.

52 De plus, aux termes de l’article 18 du Règlement du TDFP, les renseignements obtenus grâce à cette ordonnance peuvent être utilisés seulement aux fins de la plainte.

Guy Giguère

Président

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2007-0058
Intitulé de la cause:
Muhammad Akhtar et le Sous-ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités et al.
Audience:
Demande écrite; décision rendue sans comparution des parties
Date des motifs:
Le 11 juin 2007
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