Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Sommaire: La plaignante a soutenu que son entrevue a eu lieu après la vérification des références soumises par la candidate retenue, ce qui la défavorisait au départ. Selon la plaignante, le comité d’évaluation a contacté un certain nombre de répondants en ce qui la concerne afin d’obtenir des commentaires défavorables sur elle. L’intimé a répliqué qu’il n’existe aucune preuve par rapport au moment exact de la première vérification des références concernant la plaignante. Selon l’intimé, la plaignante voulait que le comité d’évaluation prenne exclusivement en considération les références positives; le Tribunal ne peut substituer son jugement à celui du comité d’évaluation. Pour sa part, la Commission de la fonction publique a maintenu que les erreurs ou omissions n’entrent pas dans la catégorie d’abus de pouvoir et que ces cas de figure sont déjà traités dans la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. Pour qu’une action liée à un processus de sélection constitue un abus de pouvoir, il doit y avoir une intention telle que la mauvaise foi ou le favoritisme personnel. Décision: Le rôle du Tribunal consiste à examiner le processus utilisé par l’administrateur général pour s’assurer qu’il n’y a pas d’abus de pouvoir. En l’espèce, le Tribunal a examiné le processus lié aux vérifications des références et l’incidence de celles-ci sur la décision de ne pas nommer la plaignante. Il n’est pas nécessaire d’obtenir le consentement pour communiquer avec des répondants issus de la fonction publique. Ce n’était pas un abus de pouvoir de la part du comité d’évaluation que de communiquer avec des répondants qui ne figuraient pas sur la liste fournie par la plaignante. Par la lecture de l’annonce de possibilité d’emploi, les candidats étaient au courant du fait « qu’[une] vérification de références peut être ou sera faite. » En posant leur candidature au poste, les candidats consentaient implicitement à la vérification des références. Une discussion officieuse avec un répondant ne saurait être prise en compte dans un processus décisionnel visant à nommer ou ne pas nommer un candidat, particulièrement lorsque peu de notes ont été prises de la conversation. Le comité d’évaluation devrait disposer de renseignements suffisants de la part des répondants pour être en mesure de justifier sa décision. En dépit des erreurs commises par ledit comité, celles-ci n’invalidaient pas le caractère juste et impartial du processus. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2006-0066
Rendue à:
Ottawa, le 3 juillet 2007

LORRIE ODDIE
Plaignante
ET
LE SOUS-MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir aux termes de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Sonia Gaal, vice-présodente
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Oddie c. Sous-ministre de la Défense nationale et al.
Référence neutre:
2007 TDFP 0030

Motifs de la décision

Introduction

1 Le 13 juillet 2006, Mme Lorrie Oddie a présenté une plainte auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) aux termes de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP). La plaignante a posé sa candidature au poste d'agent des ressources humaines, PE‑04, au ministère de la Défense nationale, (Processus numéro 06‑DND‑IA‑KGSTN‑045000).

2 La plaignante allègue l'abus de pouvoir de la part de l'intimé, le sous‑ministre de la Défense nationale, car, à son avis, le processus de sélection était entaché d'irrégularités. Elle fait également mention de favoritisme dans la sélection de la candidate retenue, Mme Cheryl Hogan.

3 Le Tribunal a rendu une première décision le 3 octobre 2006, qui avait trait à une demande d'ordonnance de communication de renseignements: Oddie c. le Sous-ministre de la Défense nationale et al. [2006] TDFP 0009.

4 L'audience sur le fond du litige a eu lieu à Kingston, en Ontario, les 9, 10 et 11 mai 2007.

Contexte

5 La plaignante a participé à un processus de nomination interne annoncé visant à doter le poste d'agent des ressources humaines. Le comité d'évaluation, composé de deux membres, a décidé que l'évaluation des candidats se ferait au moyen d'une entrevue et de la vérification des références. C'est la gestionnaire des ressources humaines de l'Est de l'Ontario, Mme Jane Adams‑Roy, qui présidait le comité d'évaluation. Le comité a accordé une importance considérable aux habiletés en communications interpersonnelles, car il s'agissait d'une qualité personnelle résolument indispensable pour occuper le poste d'agent des ressources humaines.

6 Les entrevues ont été menées par Mme Adams‑Roy et Mme Sweeting, son homologue de la région Ouest de l'Ontario. Trois candidats n'ont cependant pu être reçus en entrevue au cours de cette période : la plaignante, qui était en vacances, et deux candidats de l'Ouest de l'Ontario. Mmes Adams‑Roy et Sweeting ont alors décidé de rencontrer les candidats séparément, avec l'aide d'un agent supérieur des ressources humaines de leur région respective. Mme Sweeting a donc rencontré les deux candidats de sa région et Mme Adams‑Roy a, pour sa part, rencontré la plaignante en compagnie de Mme Judy Faubert.

7 Les candidats ont été informés qu'il y aurait une vérification des références 360º afin d'évaluer leurs qualités personnelles. Ils ont donc été priés de fournir le nom de subalternes, de superviseurs, de collègues et de clients.

8 Toutefois, les candidats ont été également informés qu'il pourrait y avoir une vérification des références de type « boule de neige », c’est-à-dire qu'un répondant mentionne le nom d'une autre personne qui peut, elle aussi, fournir une référence pour le candidat.

9 La plaignante a fourni le nom de répondants comme on lui avait demandé. Mme Adams‑Roy a communiqué avec onze répondants dans le cas de la plaignante, et avec six, dans le cas de la candidate retenue, Mme Cheryl Hogan.

10 Une fois l'entrevue et la vérification des références terminées, le comité d'évaluation a conclu que la plaignante ne satisfaisait pas au facteur « Relations interpersonnelles efficaces » (QP2), qui faisait partie de l'évaluation des qualités personnelles. La note obtenue par la plaignante a été de 5 sur 10, ce qui correspond à la catégorie « médiocre ». Sa candidature a donc été éliminée du processus, et les autres capacités et compétences n'ont pas été évaluées.

Résumé des éléments de preuve

11 Une grande part du témoignage de la plaignante a consisté à répondre à certains commentaires négatifs de la part de quelques répondants et à expliquer les circonstances les entourant afin de démontrer que le comité d'évaluation n'a pas rapporté correctement ses commentaires. La plaignante a également précisé qu'une partie des réponses qu'elle avait données au cours de l'entrevue avaient été interprétées de façon négative, et il en était de même de sa relation avec les répondants, particulièrement avec deux d'entre eux.

12 Par exemple, la plaignante a témoigné au sujet de son affectation au sein de la collectivité en 2003, affectation qui semble avoir causé des problèmes dans son milieu de travail en raison d'un malentendu concernant son rôle au cours de ladite affectation. Une fois le sujet abordé avec les collègues de la plaignante, le procès-verbal de la réunion du personnel au cours de laquelle le sujet a été discuté, a été modifié. Tous ont compris que le problème était réglé.

13 La plaignante s'est penchée sur un incident signalé par Mme Teresa Westfall, maintenant directrice d'un établissement fédéral à Kingston, qui a parlé à Mme Adams‑Roy, mais qui ne faisait pas partie des répondants dont le nom a été fourni par la plaignante. Mme Westfall a mentionné que la plaignante s'était montrée impolie avec l'une de ses employées. Selon la plaignante, Mme Westfall n'était pas présente pendant l'échange, et elle n'a pas été impolie. De plus, l'employée visée ne se rappelait même pas l'incident.

14 La plaignante n'a eu qu'un petit nombre d'échanges avec Mme Westfall et l'a rencontrée il y a environ un an. D'après elle, il ne fallait pas communiquer avec Mme Westfall, car elle ne cadrait avec aucune des catégories visées par la vérification des références 360º, par exemple une subordonnée, une superviseure, une collègue ou une cliente. Elle ne rentrait pas non plus dans la définition de la vérification de référence de type « boule de neige ».

15 En contre-interrogatoire, la plaignante a déclaré avoir le plus grand respect pour la candidate reçue, Mme Hogan, mais que s'il y avait une conclusion d'abus de pouvoir, la mesure corrective qui en découlerait serait la révocation, et qu'une telle décision ne pourrait lui être attribuée.

16 Les habiletés en communications interpersonnelles ainsi que les diverses relations de travail de la plaignante ont fait l'objet de discussions, particulièrement avec ses superviseurs. Il s'est avéré qu'il y avait parfois des problèmes sur le plan des habiletés en communications interpersonnelles lors des échanges avec ses collègues.

17 Mme Ruth Hoard a témoigné pour la plaignante. Mme Hoard, une collègue, a refusé de fournir des références à Mme Adams‑Roy. Elle a expliqué être employée fédérale depuis 20 ans et n'avoir jamais fourni de références au cours de cette période. Elle n'avait jamais eu de problème avec la plaignante, mais ne voulait tout simplement pas fournir de références à son sujet.

18 Une autre collègue, Mme Leslie King, a également comparu devant le Tribunal. Dans son cas, elle a expliqué ne pouvoir se rappeler avoir utilisé l'expression « elle prend vraiment le mors aux dents » [Traduction : « get her back up »] relativement à la plaignante lors de sa discussion avec Mme Adams‑Roy tout en reconnaissant que cette expression peut avoir une connotation négative. L'expression se retrouve dans la partie relative aux questions posées dans le cadre des références, remplie par Mme Adams‑Roy sous la rubrique « esprit d'équipe » (QP6).

19 Une autre collègue, Mme Jennifer Walcott, a témoigné avoir été mal citée dans le document sur les questions concernant la vérification des références, également en ce qui a trait à « l'esprit d'équipe » (QP6). Elle a dit : « Elle ne laisse pas les choses traîner » [Traduction] et non : « Elle laisse les choses traîner en longueur » [Traduction]. Mme Walcott a expliqué que la plaignante offrait spontanément son aide, qu'elle la rappelait et qu'elle lui montrait comment faire les choses.

20 Mme Walcott a expliqué que les commentaires au sujet de son « hésitation » qui figurent dans le même document avaient été pris hors contexte. Elle ne voulait pas donner une mauvaise impression du ministère, car elle est fière d'y travailler; elle voulait donner un exemple précis. Cependant, c'est la façon dont elle parle : elle prend son temps pour répondre; elle « hésite » [Traduction].

21 Mme Jane Adams‑Roy a été le seul témoin pour l'intimé.

22 Cette dernière a déclaré dans son témoignage ne pas connaître la plaignante ni la candidate reçue avant le processus de nomination. Elle a effectué les vérifications des références pour la plaignante ainsi que pour chaque candidat, une fois leur entrevue terminée.

23 Même si l'avis sur Publiservice avait trait à un poste de niveau PE‑04, selon Mme Adams‑Roy, il y avait en fait deux postes à doter au niveau PE‑03 ou au niveau PE‑04, et un poste temporaire à des fins de remplacement. Le processus visait à doter les deux postes. Cependant, le poste PE‑03 n'a pu être doté à ce moment‑là. Toujours selon Mme Adams‑Roy, la classification PE représente un défi du point de vue démographique, et les agents sont des atouts incontestables.

24 À la suite de l'entrevue de la plaignante, Mmes Faubert et Adams‑Roy étaient toutes deux préoccupées par certains commentaires formulés par la plaignante.

25 Mme Adams‑Roy a expliqué que, d'après les différents répondants, la plaignante possédait d'excellentes compétences techniques et qu'elle était bien informée. Elle a de bons rapports avec ses clients et subalternes. Le problème semble résider dans ses habiletés en communications interpersonnelles, lesquelles font partie des qualifications essentielles du poste.

26 Mme Adams‑Roy a déclaré s'être entretenue avec une adjointe, Mme Birtch, qui lui a donné de bonnes références au sujet de la plaignante. Elle a également communiqué avec un client, M. Townson, qui a été également très positif à propos du travail de la plaignante.

27 Mme Adams‑Roy a communiqué avec cinq collègues au total. Comme il s'agit d'un processus auquel on participe de plein gré, deux des collègues ont refusé de fournir des références, Mmes Marshall et Hoard. Il est à noter que Mme Marshall a fourni une référence pour la candidate retenue, Mme Hogan.

28 Selon l'interprétation de Mme Adams‑Roy, le refus de fournir des références correspond à fournir des références négatives au sujet de la plaignante. À son avis, il était raisonnable de déduire que la raison pour laquelle certains répondants refusent de fournir des références est qu'ils n'ont rien de positif à dire au sujet de la personne visée. Plutôt que de formuler des commentaires négatifs, ils préfèrent ne rien dire. Mme Adams‑Roy a ajouté ne pas s'enquérir des raisons pour lesquelles des répondants refusent de fournir des références, considérant qu'il est indiscret d'insister une fois le refus prononcé.

29 Mmes King et Walcott, collègues de la plaignante, ont fourni généralement des références positives à Mme Adams‑Roy. Mme Kelly, une ancienne collègue dont le nom n'a pas été donné par la plaignante, a fait mention d'un incident survenu il y a quatre ans, où elle a entendu une conversation au cours de laquelle la plaignante s'adressait à une autre personne sur un ton brusque. Mme Adams‑Roy a expliqué qu'il s'agissait plutôt d'une discussion « de corridor » avec Mme Kelly. L'incident n'a guère eu d'influence par rapport au processus et n'a pas vraiment joué dans la décision de ne pas nommer Mme Oddie.

30 Mme Adams‑Roy a communiqué avec trois superviseurs. Mme Joyce a fourni de bonnes références. Mme Biscaro, la deuxième superviseure, a fourni des références nuancées, mais elle a soulevé certaines préoccupations concernant les habiletés en communications interpersonnelles de la plaignante en plus de donner des exemples. Enfin, M. Stolfa, qui a supervisé la plaignante pendant quatre ou cinq ans, a également donné des exemples qui ont suscité certaines inquiétudes chez Mme Adams‑Roy au regard des habiletés en communications interpersonnelles de la plaignante.

31 Dans le cadre de la vérification des références concernant Mme Hogan, Mme Adams‑Roy a communiqué avec Mme Westfall, répondante de Mme Hogan, qui a fourni des références très positives. À la fin de sa conversation avec Mme Westfall, Mme Adams‑Roy a mentionné que la plaignante avait également posé sa candidature et a demandé à Mme Westfall si elle la connaissait. Mme Westfall a répondu qu'elle la connaissait effectivement, mais qu'elle n'était pas très à l'aise d'en parler. Mme Adams‑Roy lui a alors déclaré qu'elle ne prendrait aucune note et qu'elle ne ferait aucun usage de son stylo. Mme Adams‑Roy n'a donc pris aucune note et a témoigné « de mémoire » au sujet de sa discussion avec Mme Westfall. Cette dernière n'a jamais été un pair, une superviseure, une subalterne ou une cliente de la plaignante. Selon Mme Adams‑Roy, Mme Westfall était plutôt une répondante de type « boule de neige », qui a fourni des références négatives au sujet de la plaignante. De l'avis de Mme Adams‑Roy, il n'y a pas de problème à demander à la même personne des références au sujet de deux candidats.

32 En contre-interrogatoire, Mme Adams‑Roy a expliqué que les membres du comité d'évaluation n'étaient pas limités aux vérifications des références 360º, car le but visé était d'obtenir un portrait exact de la plaignante. Elle a déclaré ne pas avoir pris de notes alors qu'elle discutait avec Mme Westfall, car elle pouvait sentir l'extrême hésitation de cette dernière et elle souhaitait que Mme Westfall parle de façon sincère et honnête.

33 Au dire de Mme Adams‑Roy, comme il y avait deux postes à doter, elle a discuté avec Mmes Faubert et Sweeting de la possibilité de nommer la plaignante au niveau PE‑03 et de lui assurer la formation et le mentorat nécessaires. Elles ont toutefois conclu ne pas être certaines de réussir à corriger les lacunes relevées sur le plan des habiletés en communications interpersonnelles. Mme Adams‑Roy a déclaré avoir éprouvé de la difficulté à clore définitivement le dossier de la plaignante, car celle-ci possédait de bonnes compétences techniques et qu'il fallait doter les postes.

34 La Commission de la fonction publique (CFP) n'avait pas de témoins.

Questions en litige

35 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. Y a-t-il eu abus de pouvoir de la part du comité d'évaluation en raison du fait qu'il a communiqué avec des répondants dont les noms n'ont pas été fournis par la plaignante?
  2. Y a-t-il eu abus de pouvoir de la part du comité d'évaluation en raison du fait qu'il a communiqué avec un répondant dont le nom a été fourni par la personne nommée, aux fins de la vérification d'une référence concernant la plaignante?
  3. Y a-t-il eu abus de pouvoir de la part du comité d'évaluation parce qu'il a tiré une conclusion négative du fait que des employés ont refusé de fournir une référence?
  4. La plaignante s'est-elle acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait, soit qu'il y a eu abus de pouvoir de la part du comité d'évaluation parce qu'il ne l'a pas nommée?

Arguments des parties

A) Position de la plaignante

36 Le représentant de la plaignante soutient que les appels effectués dans le cadre de la vérification des références concernant Mme Hogan ont été faits avant l'entrevue de la plaignante, ce qui plaçait cette dernière dans une situation défavorable.

37 Les références concernant Mme Hogan ont été positives alors que la première personne contactée dans le cas de la plaignante a fourni des commentaires négatifs; en effet, Mme Adams‑Roy a parlé de la plaignante à Mme Westfall alors qu'elle vérifiait les références pour Mme Hogan. Mme Westfall a formulé des commentaires positifs pour Mme Hogan, mais des commentaires négatifs concernant la plaignante.

38 De l'avis de la plaignante, le comité d'évaluation a communiqué avec un grand nombre de répondants à son sujet afin de confirmer la première impression négative découlant de l'échange avec Mme Westfall.

39 Mme Adams‑Roy n'a pas respecté les lignes directrices établies par la CFP lorsqu'elle a déclaré ne pas avoir pris de notes dans le cadre de son entretien avec Mme Westfall. Il s'agissait d'une discussion « officieuse ». Elle ne pouvait se fier qu'à sa mémoire, car elle n'avait pris aucune note pour justifier l'évaluation négative, sinon un commentaire selon lequel la plaignante avait été impolie à l'endroit d'un cadre intermédiaire relevant de Mme Westfall, et qu'il y avait des problèmes concernant ses habiletés en communications interpersonnelles.

40 Il n'y avait pas la moindre relation entre la plaignante et Mme Westfall, cette dernière n'étant ni une collègue, ni une subalterne, ni une cliente ou une superviseure de la plaignante. Il ne s'agissait pas d’une véritable référence de type « boule de neige », mais plutôt d’une référence initiale. Les commentaires de Mme Westfall n'étaient aucunement fondés sur la connaissance directe, mais sur une opinion, des ouï-dire et des rumeurs. Il était impossible que Mme Westfall ait été témoin de l'incident au cours duquel la plaignante a été présumément impolie à l'endroit d'un cadre intermédiaire, car elle ne s'est jamais, en aucun moment, trouvée en présence de la plaignante.

41 Selon la plaignante, le ton et le comportement adoptés par le comité d'évaluation à l'endroit de Mme Hogan ont été très différents de ceux qu'il a adoptés pour elle. La plaignante souligne que les commentaires négatifs faits par Mme Hogan n'ont pas été analysés de la même manière que les commentaires qu'elle a elle-même formulés. Il y a eu des « signalements » concernant la plaignante, mais aucun dans le cas de Mme Hogan, malgré quelques commentaires négatifs qu'elle a faits, ce qui démontre une part d'indulgence vis‑à‑vis de Mme Hogan. Qui plus est, le comité d'évaluation a communiqué avec 11 répondants dans le cas de la plaignante, et avec six dans le cas de Mme Hogan.

42 Mme Kelly a donné un exemple remontant à quatre ans, exemple qui est contesté par la plaignante et qui a été considéré de manière négative par Mme Adams‑Roy. Il n'aurait pas fallu non plus communiquer avec Mme Kelly.

43 Mme Adams‑Roy a noté comme étant négatif le fait que deux collègues de la plaignante ont refusé de fournir des références. Elle n'a cependant pas précisé la raison de leur refus. Mme Hoard a expliqué pourquoi elle ne souhaitait pas fournir de références, et il n'y avait là rien de négatif. Le refus de fournir des références ne doit pas être interprété comme étant des références négatives.

44 De manière générale, les références ont été positives, mais Mme Adams‑Roy a continué à chercher d'autres références pour confirmer une première impression négative. Dans la décision Portree c. Administrateur général de Service Canada et al., [2006] TDFP 0014, le Tribunal a conclu qu'un comité d'évaluation ne devrait pas tenter d'obtenir des références favorables ou défavorables.

45 Ces actions constituent un abus de pouvoir en vertu de la LEFP.

B) Position de l'intimé

46 L'intimé argumente qu'il n'y a aucune preuve permettant de déterminer à quel moment la première vérification des références concernant la plaignante a eu lieu, car elle n'était pas datée. Dans tous les cas, les vérifications des références ont été faites après chaque entrevue.

47 Mme Adams‑Roy ne cherchait pas à obtenir des références négatives; en réalité, la plaignante a reçu quelques références positives. La plaignante demande que le comité d'évaluation se penche uniquement sur les références positives, mais c'est là l'information transmise par les répondants.

48 Mme Adams‑Roy devait déterminer si les problèmes relevés au cours de l'entrevue de la plaignante étaient fondés ou non. En raison de son expérience, elle a pu tirer certaines conclusions en fonction de l'interaction avec les répondants.

49 La plaignante souhaite que le Tribunal analyse la signification des mots consignés par le comité d'évaluation et remplace le jugement du comité par son propre jugement. Or, le Tribunal ne peut substituer son jugement à celui du comité d'évaluation. La plaignante n'est peut-être pas d'accord avec l'interprétation du comité, mais c'est bel et bien son rôle. Il n’y a aucune preuve suggérant que l'information a été sciemment modifiée ou entachée d'irrégularités au point d'être vide de sens. Il n'est pas obligatoire de faire un compte rendu mot à mot des discussions ou de les enregistrer. L'on dispose de l'essence même des discussions, ce qui permet de faire ressortir les préoccupations au sujet des habiletés en communications interpersonnelles de la plaignante.

50 La plaignante a également tenté d'apporter des précisions sur des événements passés. Ce n'est pas au Tribunal de déterminer si les événements sont exacts. La plaignante a également tenté de comparer son dossier à celui de Mme Hogan afin d'y relever des anomalies. La nouvelle LEFP permet d'éviter cet exercice, car les personnes ne sont plus nommées sous le régime du mérite relatif. De plus, même si un candidat possède d'excellentes compétences techniques, cela ne lui donne pas droit pour autant d'occuper un poste si d'autres qualifications comme les habiletés en communications interpersonnelles sont déficientes.

51 Les trois témoins qui ont comparu pour la plaignante ont apporté peu d'informations au regard du processus. Mme Adams‑Roy a pris sa décision en se fondant sur l'information qu'elle avait à l'époque, et ces nouvelles informations n'étaient pas disponibles à ce moment-là.

52 Mme Adams‑Roy avait deux postes à doter et n'avait pas à choisir entre Mme Hogan et la plaignante. Elle aurait pu en effet choisir les deux, mais elle ne l'a pas fait en raison des problèmes concernant les habiletés en communications interpersonnelles de la plaignante. De plus, il n'y a aucune preuve voulant que Mme Hogan n'ait pas satisfait aux qualifications essentielles.

53 L'intimé a produit des décisions faisant jurisprudence et des extraits d'ouvrages pour traiter de la notion d'abus de pouvoir. L'intimé soutient que le Tribunal doit examiner la règle des choses du même ordre pour l'aider à interpréter l'abus de pouvoir. Selon cette règle, l'abus de pouvoir doit comprendre la mauvaise foi et le favoritisme personnel, ou d'autres mots qui entrent dans cette catégorie. Pour qu'il y ait abus de pouvoir, il doit y avoir une part quelconque de discernement lié à des degrés divers d'action fautive, par exemple la corruption, le manque de diligence, la malhonnêteté.

54 La plaignante doit démontrer par une preuve claire que l'intimé a abusé de son pouvoir et qu'il a agi de mauvaise foi au moment où il a éliminé la candidature de la plaignante. Le fait que la plaignante n'a pas été nommée ne signifie pas pour autant qu'il y a eu mauvaise foi. L'intimé fait également mention de la décision Portree, supra, à l'appui de sa position selon laquelle il n'y a aucune preuve d'abus de pouvoir et que Mme Adams‑Roy ne cherchait pas à obtenir des références négatives. Elle voulait simplement s'assurer d'avoir choisi quelqu'un qui s'intégrerait bien au sein de l'équipe.

55 La plainte doit être rejetée, car la plaignante n'a pas réussi à s'acquitter du fardeau de la preuve en vertu de l'alinéa 77(1)a) de la LEFP.

C) Position de la Commission de la fonction publique

56 Selon la CFP, la LEFP prévoit une structure de dotation complète pour les nominations dans la fonction publique, le règlement des conflits et les mécanismes de recours, en plus de l'obligation de rendre compte des administrateurs généraux à la CFP et au Parlement. Il n'y a donc aucun vide juridique ayant besoin d'être comblé par une définition élargie de l'abus de pouvoir.

57 De plus, l'abus de pouvoir ne comprend aucun élément d'erreur ou d'omission, cela étant prévu au paragraphe 15(3) de la LEFP.

58 Dans l'arrêt Finney c. Barreau du Québec [2004], 2 R.C.S. 17, la Cour suprême du Canada a jugé que lorsque l’on détermine qu’il y a incurie ou insouciance grave, on peut conclure à la mauvaise foi.

59 La définition élargie de l'abus de pouvoir fondée sur les catégories établies par Jones et de Villars dans leur ouvrage intitulé Principles of Administrative Law,n'est pas nécessaire en l'espèce. Les auteurs renvoient à la décision Tucci c. Canada (Revenu, Accise, Douanes et Impôt), [1997] A.C.F. n159 (C.F.) (QL) pour déterminer les cinq types généraux d'abus de pouvoir dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire. Dans la décision Tucci, supra, la Cour fédérale a révisé une décision discrétionnaire, non pas l'abus de pouvoir. Les faits dans cette affaire se situaient dans un contexte complètement différent, où il n'y avait aucun cadre législatif limitant la portée de la définition. De plus, la décision Tucci n'a pas été citée par les tribunaux, depuis qu’elle a été rendue en 1997.

60 En conclusion, pour qu'une action liée à un processus de sélection constitue un abus de pouvoir, il doit y avoir refus de tenir compte d'une fonction officielle conjuguée au fait de savoir que l'inconduite sera vraisemblablement préjudiciable au plaignant. Il doit y avoir une intention telle que la mauvaise foi ou le favoritisme personnel.

D) Réplique de l'intimé à l'argumentation de la Commission de la fonction publique relativement au paragraphe 15(3) de la LEFP

61 L'intimé déclare en premier lieu que la question de savoir s'il y a possibilité de recours en vertu du paragraphe 15(3) de la LEFP n’est pas pertinente quant à la détermination de la plainte.

62 Après avoir analysé la LEFP, l'intimé soutient qu'il n'y a aucun recours possible en vertu du paragraphe 15(3) de la LEFP, celui-ci n'étant pas appuyé par le libellé de la Loi, sa structure ou l'intention du législateur de créer un nouveau régime de dotation plus souple et plus efficace. L'autorisation d'un tel recours consisterait à recréer le système très rigide, complexe et indûment long qui existait sous le régime de l'ancienne LEFP.

E) Réplique de la plaignante

63 La plaignante réitère la position selon laquelle elle est convaincue que Mme Adams‑Roy a communiqué avec Mme Westfall avant l'entrevue la concernant. De plus, il n'existe aucune description réelle de l'exactitude de leur discussion, car Mme Adams‑Roy n'a pris aucune note. Il y a donc un problème lorsqu'un comité d'évaluation rend une décision négative fondée sur de l'information incomplète.

Analyse

Question I: Y a-t-il eu abus de pouvoir de la part du comité d'évaluation en raison du fait qu'il a communiqué avec des répondants dont les noms n'ont pas été fournis par la plaignante?

64 Les pouvoirs du Tribunal figurent à l'alinéa 77(1)a) de la LEFP, qui est ainsi rédigé :

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d'un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixé par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n'a pas été nommée ou fait l'objet d'une proposition de nomination pour l'une ou l'autre des raisons suivantes :

a) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l'administrateur général dans l'exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

(…)

65 De l'avis de la plaignante, le comité d'évaluation a communiqué avec un plus grand nombre de répondants qu'il était nécessaire afin de recueillir des commentaires négatifs supplémentaires à son sujet. De plus, le comité d'évaluation ne devrait pas avoir communiqué avec des personnes non inscrites sur la liste des répondants fournie par la plaignante, en particulier Mmes Westfall et Kelly.

66 Le Tribunal a déterminé dans plusieurs décisions telles que les décisions Portree c. l'Administrateur général de Service Canada et al., [2006] TDFP 0014, et Robbins c. l'Administrateur général de Service Canada et al., [2006] TDFP 0017, que son rôle n'est pas de reprendre le processus de nomination ni de trancher la question de savoir si les réponses ont été correctement évaluées. Le rôle du Tribunal est d'examiner le processus utilisé par l'administrateur général pour s'assurer qu'il n'y a pas d'abus de pouvoir. En l'espèce, le Tribunal est d'avis qu'il peut examiner le processus lié aux vérifications des références et analyser l'incidence de celles-ci sur la décision de ne pas nommer la plaignante.

67 Les parties ont déposé sur consentement un document préparé par la CFP, intitulé « La vérification des références : Regard sur le passé », et déposé en preuve pendant l'audience. Bien qu'il s'agisse d'un document de référence n'ayant aucune portée législative, il n'en demeure pas moins un guide utile pour les personnes chargées de vérifier les références.

68 Le document traite du sujet portant sur : « La question du consentement » :

(…) Lorsque cette vérification sert à évaluer une qualité autre que la fiabilité/sécurité, le consentement n'est pas nécessaire pour communiquer avec les répondants de la fonction publique, mais il l'est pour communiquer avec les répondants de l'extérieur de la fonction publique (…)

(Gras et italiques ajoutés)

69 Ce document fournit également des conseils concernant le choix des répondants, qui confirme qu'il n'est pas nécessaire d'obtenir le consentement pour communiquer avec des répondants de la fonction publique :

(…) Adressez-vous également à des personnes qui ne sont pas sur la liste de références du candidat. Vous éviterez ainsi de ne parler qu'à des gens ayant des rapports « amicaux » avec celui-ci. De plus, n'hésitez pas à communiquer avec des personnes qui vous sont suggérées par les répondants auxquels vous avez déjà parlé ou avec des personnes qui peuvent vous aider à expliquer les divergences entre les rapports des autres répondants (…)

70 Aucun élément de preuve n'a été produit devant le Tribunal, selon lequel la vérification des références relatives à la plaignante aurait été requise pour évaluer sa fiabilité/sécurité. Au contraire, il s'est avéré évident que les références ont servi à évaluer les qualifications définies dans le document Énoncé des critères de mérite et conditions d'emploi, paru dans Publiservice. En conséquence, Mme Adams‑Roy n'avait pas à obtenir le consentement de la plaignante pour communiquer avec Mmes Westfall et Kelly, car elles faisaient toutes deux partie de l'administration fédérale.

71 De plus, les candidats étaient au courant du fait, par la lecture de l'Annonce de possibilité d'emploi « qu'[une] vérification de références peut être ou sera faite ». En posant leur candidature au poste d'agent des ressources humaines, les candidats consentaient implicitement à la vérification des références.

72 Le comité d'évaluation n'a fait preuve d'aucun abus de pouvoir quand il a communiqué avec Mmes Westfall et Kelly ou d'autres personnes qui ne figuraient pas sur la liste des répondants fournie par la plaignante à Mme Adams‑Roy.

Question II: Y a-t-il eu abus de pouvoir de la part du comité d'évaluation en raison du fait qu'il a communiqué avec un répondant dont le nom a été fourni par la personne nommée, aux fins de la vérification d'une référence concernant la plaignante?

73 Dans le document « La vérification des références » susmentionné, figure également les conseils ci-après sur la prise de notes : « Prenez autant de notes que vous le pouvez. Les notes complètes sont très utiles lorsque vient le temps d'évaluer l'information recueillie (…) » (Gras dans l'original)

74 Il n’est pas contesté que Mme Adams‑Roy n'a pas pris de notes dans le cadre de sa conversation avec Mme Westfall et qu'elle lui a dit qu'elle ne ferait pas usage de son stylo, laissant entendre qu'il s'agissait d'une conversation officieuse. Selon le sens commun, une conversation officieuse est souvent interprétée comme étant une conversation qui n'a jamais eu lieu et que l'information qui y est liée ne peut être utilisée ailleurs.

75 Selon le Tribunal, une discussion officieuse avec un répondant ne doit pas être prise en compte dans le cadre d'un processus décisionnel visant à nommer ou à ne pas nommer un candidat, particulièrement lorsque peu de notes ont été prises de la conversation. Le comité d'évaluation doit disposer de renseignements suffisants de la part des répondants pour être en mesure de justifier sa décision.

76 Mme Adams‑Roy n'a pas expliqué l'importance accordée aux propos de Mme Westfall dans la décision du comité d'évaluation. Qui plus est, son témoignage devant le Tribunal était fondé sur son souvenir de la discussion, car elle ne disposait fondamentalement d'aucune note à laquelle se reporter.

77 Il n'existe également aucune date concernant les vérifications des références qui ont eu lieu vraisemblablement entre le 21 mars (date de clôture du processus) et le 29 juin 2006 (date de la nomination de Mme Hogan), plusieurs mois avant l'audience.

78 Les paroles de Mme Westfall ne constituent pas une source d'information de très grande valeur pour ce qui est d'appuyer la conclusion du comité d'évaluation, selon laquelle la plaignante avait des problèmes de relations interpersonnelles. De plus, la plaignante déclare que Mme Westfall ne l'a jamais supervisée directement et qu'elle n'a aucune connaissance directe de son travail.

79 En conséquence, le Tribunal estime que le comité d'évaluation a commis une erreur en prenant en compte la référence de Mme Westfall, quelle que soit l'importance qu'on lui ait accordée.

80 Dans la décision Tibbs c. le Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0008, le Tribunal a établi qu'une erreur, une omission ou une conduite irrégulière ne constituaient pas un abus de pouvoir. Ainsi, l'erreur en l'espèce n'invalide pas le processus de nomination, particulièrement en raison du fait que Mme Adams‑Roy a communiqué avec d'autres superviseurs et que leurs commentaires ont été consignés à l'appui de la décision du comité d'évaluation.

Question III: Y a-t-il eu abus de pouvoir de la part du comité d'évaluation parce qu'il a tiré une conclusion négative du fait que des employés ont refusé de fournir une référence?

81 D'après les explications fournies par Mme Adams‑Roy au Tribunal, le refus de Mmes Hoard et Marshall de fournir des références concernant la plaignante a été interprété de façon négative à l'endroit de la plaignante.

82 Le Tribunal a entendu le témoignage de Mme Hoard qui a expliqué pourquoi elle avait refusé de fournir une référence dans un processus volontaire. Elle n'avait rien de négatif à dire au sujet de la plaignante. Elle n'avait tout simplement jamais donné de référence au cours de ses 20 ans de travail en qualité de fonctionnaire fédérale.

83 Le Tribunal reconnaît que Mme Adams‑Roy n'avait pas cette information en main au moment de tirer cette conclusion négative. Or, Mme Adams‑Roy aurait vraisemblablement obtenu l'information si elle avait demandé à Mme Hoard la raison de son refus. De même, Mme Adams‑Roy aurait pu demander à Mme Marshall pourquoi elle ne voulait pas fournir de références. Une fois cette information acquise, Mme Adams‑Roy aurait alors pu déterminer si les refus avaient été faits pour des raisons négatives ou autres.

84 Le Tribunal estime que Mme Adams‑Roy a commis une erreur lorsqu'elle a conclu que le refus de fournir des références était fondé sur des raisons négatives sans toutefois connaître les véritables raisons du refus.

85 Une fois de plus, comme il a été expliqué à la Question II précédemment, une erreur ne constitue pas un abus de pouvoir et n'invalide pas le processus ni le rend vicié. Le Tribunal conclut que ladite erreur n'était pas le facteur déterminant dans la décision de ne pas nommer la plaignante.

Question IV: La plaignante s'est-elle acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait, soit qu'il y a eu abus de pouvoir de la part du comité d'évaluation parce qu'il ne l'a pas nommée?

86 Le fardeau de la preuve a été examiné dans la décision Tibbs, supra, laquelle a été suivie par d'autres décisions du Tribunal :

[50] (…) S'il incombait à l'intimé de prouver qu'il n'y a pas eu abus de pouvoir, cela soulèverait une présomption d'abus de pouvoir dans toutes les nominations, ce qui, sans l'ombre d'un doute, n'était pas l'intention du législateur. La règle générale dans les causes civiles devrait être suivie et il incombe à la plaignante, dans les procédures intentées auprès du Tribunal, de faire la preuve de l'allégation d'abus de pouvoir.

(Gras et italiques ajoutés)

87 Dans la décision Portree, supra, le Tribunal s'est penché sur le type de preuve que doit présenter un plaignant pour avoir gain de cause :

[49] Les employés qui allèguent qu'il y a eu abus de pouvoir et qui, partant, invoquent une contravention à la LEFP et souhaitent obtenir un redressement en raison de cette contravention, doivent présenter des éléments de preuve et des arguments convaincants pour obtenir gain de cause (…)

[52] Comme il est expliqué dans la décision Tibbs, supra, le préambule de la LEFP met en évidence le pouvoir discrétionnaire du comité d'évaluation en matière de nomination. Les cotes ne sont plus requises et nécessaires en vertu de la LEFP et l'on pourrait procéder à la nomination d'un candidat qui aurait moins de points que d'autres candidats qualifiés si le comité de sélection détermine qu'il est la « bonne personne » (…)

88 Comme il est fait mention aux Questions II et III, le Tribunal a conclu que le comité d'évaluation avait commis deux erreurs au cours du processus. La première erreur a été de prendre en compte la référence fournie par Mme Westfall même s'il n'y a aucune preuve de l'importance qui lui a été accordée. La deuxième erreur a été de conclure que le refus des deux employées de fournir des références l'avait été pour des raisons négatives.

89 Malgré les erreurs commises par le comité d'évaluation, celles-ci n'invalident toutefois pas le processus. Le Tribunal estime que le processus du comité d'évaluation a été juste et impartial. Mme Adams-Roy ne connaissait ni Mme Hogan ni la plaignante, et elle a agi de bonne foi lorsqu'elle a communiqué avec les répondants. Il n'y avait pas la moindre preuve de favoritisme personnel. Mme Adams‑Roy était d'avis que les problèmes relevés au cours de l'entrevue de la plaignante devaient être fouillés davantage par la vérification des références. Elle avait besoin d'une personne pouvant bien s'adapter à l'équipe en place, et il était important à ses yeux de n'éprouver aucun doute quant aux habiletés en communications interpersonnelles de Mme Oddie.

90 Même si Mme Adams‑Roy était préoccupée au sujet des habiletés en communications interpersonnelles de la plaignante, elle a tout de même discuté avec Mmes Faubert et Sweeting, de la possibilité de la nommer au niveau PE‑03, à condition qu'elle soit formée et encadrée. Mme Adams‑Roy a déclaré dans son témoignage avoir eu de la difficulté à clore le dossier de la plaignante, car cette dernière avait de bonnes compétences techniques et qu'il fallait doter deux postes. On peut difficilement parler de mauvaise foi de la part de l'intimé.

91 Le comité d'évaluation a rendu sa décision, soit de ne pas nommer la plaignante, en se fondant sur l'entrevue et la vérification des références. Certaines préoccupations se sont présentées au cours de l'entrevue, préoccupations qui ont été confirmées par quelques répondants. Le comité d'évaluation avait déjà les références de trois superviseurs pour évaluer les habiletés en communications interpersonnelles, et deux superviseurs, Mme Biscaro et M. Stolfa, avaient effectivement mentionné avoir eu certaines inquiétudes à propos de ces habiletés. Le Tribunal conclut que les références des trois superviseurs ont été prises en compte par le comité d'évaluation pour rendre une décision fondée sur l'information recueillie.

92 Toutefois, le Tribunal ne réévaluera pas de nouveau le contenu et l'exactitude des réponses des répondants, car c'est le comité d'évaluation qui est le mieux placé pour les interpréter. De même, le Tribunal n'évaluera pas de nouveau les notes accordées au cours de l'entrevue, comme il est déclaré dans la décision Portree, supra, :

[52] (…) Dans cet esprit, le rôle du Tribunal n'est donc pas de réévaluer les notes attribuées à un plaignant pour une réponse donnée ou de réviser les réponses fournies pendant une entrevue simplement parce qu'un plaignant n'est pas d'accord avec la décision concernant une question d'entrevue (…)

93 Puisque le Tribunal rejette la plainte en raison du fait qu'il n'y a aucune preuve d'abus de pouvoir, il n'est pas nécessaire d'examiner les arguments de l'intimé et de la CFP.

94 Le Tribunal souhaite remercier les parties des excellentes présentations qu'ils ont faites et du professionnalisme dont ils ont fait montre au cours de l'audience.

Décision

95Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.

Sonia Gaal

Vice-présidente

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2006-0066
Intitulé de la cause:
Lorrie Oddie et le Sous-ministre de la Défense nationale et al.
Date et
lieu de l'audience:
Du 9 au 11 mai 2007
Kingston (Ontario)
Date des motifs:
Le 3 juillet 2007

Comparutions:

Pour le plaignant:
Ken Veley
Pour l'intimé:
Simon Kamel
Brian Harvey
Pour la Commission
de la fonction publique:
John Unrau
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