Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante est une membre régulière de la Gendarmerie royale du Canada - l’employeur lui a ordonné de se présenter au travail alors qu’elle était en congé de maladie - la plaignante a refusé de travailler, invoquant un danger pour sa santé - l’employeur lui a alors indiqué qu’un refus de se conformer à l’ordre de retour au travail pourrait entraîner des mesures disciplinaires - l’employeur a réitéré son ordre à plusieurs reprises et la plaignante a maintenu son refus de travailler - la Commission a noté que le cœur du litige entre les parties portait sur la capacité de la plaignante d’exécuter des tâches sédentaires de nature administrative - la Commission a conclu que le premier refus de travailler exprimé par la plaignante ne répondait pas aux exigences du Code, puisqu’il n’avait pas été formulé sur les lieux du travail - la plaignante n’a pas démontré qu’elle avait des motifs raisonnables de croire que les tâches sédentaires de nature administrative que l’employeur voulait lui confier présentaient un risque pour sa santé - rien n’indique cependant que la plaignante ait délibérément refusé de travailler de façon abusive. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Code canadien du travail

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-01-03
  • Dossier:  560-02-20
  • Référence:  2008 CRTFP 1

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

CARMEN SAUMIER

plaignante

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Gendarmerie royale du Canada)

défendeur

Répertorié
Saumier c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada)

Affaire concernant une plainte visée à l'article 133 du Code canadien du travail

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Léo-Paul Guindon, commissaire

Pour la plaignante:
James R.K. Duggan, avocat

Pour le défendeur:
Raymond Piché, avocat, et Nadia Hudon, avocate

Affaire entendue à Montréal (Québec),
du 16 au 20 octobre 2006, du 20 au 23 février, du 19 au 23 mars et le 28 mars 2007.

Plainte devant la Commission

1 Carmen Saumier (la « plaignante ») était gendarme à la Section des enquêtes fédérales aéroportuaires (SEFA) de la Division « C » de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) lorsqu’elle a déposé une plainte datée du 20 décembre 2005 auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») sur la base de l’article 133 du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2. Elle allègue ce qui suit dans sa plainte :

[…]

L’employeur a violé l’article 147 du Code puisqu’il a menacé de prendre des mesures disciplinaire à l’occasion de l’exerce du droit de refus par la plaignante, sous l’article 128 le tout tel qu’il appert de l’annexe ci-joint.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

2 La plaignante précise comme suit les circonstances de sa plainte :

Mme Carmen SAUMIER
Plainte présentée
en vertu de l'article 133 du Code Canadien du Travail
ANNEXE 1
  1. La plaignante est un membre régulier de la Gendarmerie royale du Canada et détient le grade de gendarme.
  2. Le 22 septembre 2005, la plaignante, qui est en congé de maladie, a reçu l'ordre de se présenter au travail et a exercé le droit de refus qui lui est accordé par l'article 128 du Code canadien du travail (le «Code»), invoquant qu'un retour au travail présenterait un danger à sa santé.
  3. Le 23 septembre 2005, le Sergent à l'état-major Gaétan Delisle, qui est le représentant divisionnaire de la plaignante, a communiqué avec son supérieur immédiat, l'Inspecteur J.R.A. Lemyre, et a demandé que le retour au travail forcé de la plaignante «soit mis en suspens tant et aussi longtemps que sa plainte n'est pas résolue», et il a offert de le rencontrer le 26 septembre pour tenter de régler la situation.
  4. Le 26 septembre 2005, l'Inspecteur Lemyre a envoyé un courriel au S.É.M. Delisle, dans lequel il mentionnait que la plaignante devait se présenter au travail pour exercer son droit de refus.
  5. Le 27 septembre 2005, la plaignante, accompagnée du S.É.M. Delisle, s'est présentée au travail et a de nouveau exercé son droit de refus.
  6. Le 29 septembre 2005, l'Inspecteur Lemyre a envoyé une note de service à la plaignante, dans laquelle il réitérait son ordre de retour au travail et menaçait des mesures disciplinaires si la plaignante maintenait son refus.
  7. Le 14 octobre 2005, le S.É.M. Delisle a envoyé un courriel au sujet de la plaignante au Surintendant Roger Brown, Directeur des ressources humaines de la Région du Centre de la Gendarmerie royale du Canada; le1er novembre 2005, le S.É.M. Delisle lui a transmis un rappel, lequel est demeuré sans réponse.
  8. Le 1er novembre 2005, le S.É.M. Delisle a demandé à l'inspecteur Lemyre de lui faire parvenir les résultats de l'enquête qui serait faite par le comité local de santé et sécurité.
  9. Le 6 décembre 2005, l'inspecteur Lemyre a transmis une note de service au S.É.M, Delisle, laquelle conteste le droit de refus de la plaignante. Dans sa note, l'Inspecteur Lemyre allègue que la plaignante «a entre autre enfreint l'article 128.1(3)» et, de plus:

    «Cependant, les faits et la condition de la Gendarme Saumier démontre que cette affaire relève du domaine médical et qu’il est prématuré de considérer les dispositions au niveau du Code du travail canadien.»
  10. Par contre, le 14 décembre 2005, l’Inspecteur Lemyre a signifié un autre ordre de retour au travail, menaçant des mesures disciplinaires à l’égard de la plaignante si elle ne se présentait pas au travail.
  11. La plaignante a clairement indiqué que son refus de retourner au travail est fondé sur le danger à sa santé que représente le fait d’être obligée de se présenter au travail alors quelle est malade, ce qui risquerait d’aggraver sa situation.
  12. Pour sa part, l’employeur n’a pas voulu mettre en suspens son ordre de retourner au travail, ni de quelque autre façon tenter de régler la situation, mais a plutôt choisi de menacer à plusieurs reprises de prendre des mesures disciplinaires à l’endroit de la plaignante si elle n’obéissait pas à l’ordre de retourner au travail.

PAR CONSÉQUENT, la plaignante demande à la Commission de:

  • ORDONNER une enquête sur sa plainte;
  • ACCUEILLIR sa plainte;
  • ORDONNER à l’employeur de cesser de violer le Code canadien du travail;
  • ORDONNER à l’employeur de ne pas imposer de mesure disciplinaire ou toutes autres représailles à l’endroit de la plaignante;
  • RENDRE toute autre ordonnance appropriée dans les circonstances.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

3 Le Conseil du Trésor (le « défendeur ») a soumis à la Commission, dans sa correspondance du 25 mai 2006, que la plainte n’est pas recevable :

[…]

Nous voudrions informer la Commission que l'employeur entend contester la recevabilité de la plainte que madame Saumier a présentée à la Commission aux termes de l'article 133 de la Partie II du Code canadien du travail (le Code).

L'employeur estime que cette plainte est irrecevable parce que madame Saumier n'apas respecté la procédure de refus de travail mentionnée aux paragraphes 128(6) et suivants du Code.

À cet égard, madame Saumier, n'a pas expliqué à son employeur les raisons qui lui faisaient croire que l'accomplissement de sa tâche constituait un danger pour elle-même.

Au moment où madame Saumier a invoqué le paragraphe 128(1) du Code, cette dernière n'accomplissait pas sa tâche et ce, d'autant plus, qu'elle ne l'avait jamais exercée puisqu'elle était en absence de son travail pour des raisons de maladie depuis plusieurs mois.

De plus, madame Saumier n'a pas maintenu son refus de travail parce qu'elle avait quitté son lieu de travail avant que son employeur ne puisse commencer son enquête sur l'existence ou non d'un danger pour cette dernière. Elle n'est pas demeurée à la disposition de son employeur et a quitté sans autorisation son lieu de travail.

Enfin, madame Saumier n'a jamais présenté à son employeur le rapport circonstancié prévu au paragraphe 128(9) du Code, si bien que l'agent de santé et de sécurité du ministère du Travail n'a pu jouer le rôle que lui impose l'article 129 du Code.

À partir du moment où madame Saumier - qui incidemment ne travaillait pas depuis plusieurs années - ne s'est présentée à son lieu de travail que dans l'unique but de formuler un refus de travail et qu'elle a décidé par la suite de retourner à son domicile sans donner de plus amples explications à son employeur, ce dernier est en droit de soutenir que le refus de travail de cette dernière n'est qu'un simulacre qui n'a pas produit et ne peut produire les effets juridiques qu'elle recherche par sa plainte.

Par ailleurs, l'employeur entend démontrer que madame Saumier n'avait pas de motifs raisonnables de croire que les situations mentionnées au paragraphe 128(1) du Code constituaient un danger pour elle-même.

En conséquence, l'employeur estime que, dans l'instance, le renversement du fardeau de preuve prévu au paragraphe 133(3) du Code ne s'est pas produit et qu'il appartient à madame Saumier d'établir, dès le début de l'audition, que son refus de travail est conforme au Code.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

4 La Commission a avisé les parties que cette objection relative à la recevabilité de la plainte devrait être soulevée devant le commissaire en début d’audience. L’audience de cette affaire a commencé le 16 octobre 2006, les parties n’étant pas disponibles avant cette date.

5 En début d’audience, le défendeur a soulevé de nouveau son objection portant sur la recevabilité de la plainte. Il a ajouté aux motifs soumis dans sa correspondance du 25 mai 2006 que la plaignante n’a pas formulé un refus de travailler au sens de la partie II du Code canadien du travail. L’ordre de retour au travail ne peut constituer une menace de mesure disciplinaire au sens du Code, car il précède le refus de travailler de la plaignante. En conséquence, le défendeur ne peut pas avoir exercé des représailles à la suite d’un refus de travailler formulé par la plaignante. Pour respecter les exigences de l’article 147 du Code, la plaignante doit démontrer que, à la suite de son refus de travailler, le défendeur l’a menacée de prendre des mesures disciplinaires.

6 Le défendeur a ajouté que, pour que le renversement du fardeau de la preuve prévu au paragraphe 133(6) du Code canadien du travail puisse s’appliquer, la plaignante doit d’abord démontrer qu’elle a exercé son droit de refus de travailler conformément à la procédure prévue à la partie II du Code. À l’appui de ses arguments, le défendeur a soumis les décisions suivantes, qui précisent qu’il incombe au plaignant de démontrer qu’il a exercé son droit de refus de travailler conformément à l’article 128 du Code : Brisson c. Via Rail Canada Inc., [2004] CCRI n° 273; Buchholz c. Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, [2005] CCRI n° 331; Chaves c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 45; et Boivin c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 94.

7 La plaignante a demandé que l’objection du défendeur soit prise sous réserve et a mentionné qu’elle est d’accord pour présenter sa preuve en premier. Elle a soutenu qu’elle a exercé son droit de refus de travailler conformément au Code canadien de travail.

8 Selon la plaignante, la GRC était informée de son état de santé lorsqu’elle a voulu forcer son retour au travail à l’encontre des directives de son médecin traitant. Selon les allégations précisées à l’annexe de la plainte, la GRC aurait menacé la plaignante de prendre des mesures disciplinaires à son égard à la suite de son refus de travailler. La plaignante a signifié son refus de travailler selon les dispositions du paragraphe 128(6) du Code canadien du travail et il incombait au défendeur de procéder à une enquête par la suite. Les décisions Chaves et Kinhnicki et Dupuis c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 52, appuient cette argumentation.

9 En réplique, le défendeur a plaidé que la plaignante ne peut pas contester la décision de lui refuser un congé de maladie en refusant de travailler sur la base de l’article 128 du Code canadien du travail.

10 L’objection a été prise sous réserve et les parties ont présenté leur preuve.

II. Résumé de la preuve

11 La plaignante travaille à la GRC depuis 1987. Elle occupait un poste d’enquêteur à la répression de la contrebande à la Section des douanes et de l’accise de la Division « C » à Valleyfield lorsqu’elle a subi un accident de travail le 14 décembre 1993. La voiture banalisée dont elle était passagère a été heurtée de face par une camionnette conduite par des contrebandiers en fuite (pièce P-3). La plaignante a été projetée dans le pare-brise et a subi une commotion cérébrale. Elle a été en arrêt de travail jusqu’en mai 1994 pour des problèmes de mémoire, de céphalées et de vision. Les problèmes de mémoire ont persisté pendant au moins une année après son retour au travail. En raison de problèmes de fatigue et de douleur généralisée chronique, Jiri Krasny, rhumatologue, diagnostique une fibromyalgie en novembre 1997 (pièce E-11). Selon la plaignante, la fibromyalgie résulterait du traumatisme subi lors de l’accident de 1993.

12 Le 27 mars 1998, la plaignante a avisé son supérieur qu’elle avait des restrictions médicales : elle  ne pouvait travailler plus de huit heures par jour, du lundi au vendredi. À partir de ce moment, la plaignante a été restreinte à un travail léger (pièce E-13). Elle avait des traitements de physiothérapie de deux à trois fois par semaine en 1998. À cette époque, elle se plaignait d’être toujours fatiguée et elle a suivi une thérapie avec Luisa Cameli, psychologue, pour anxiété et dépression. La plaignante a été assignée à un poste d’enquêteur à l’aéroport Pierre-Elliot-Trudeau en décembre 1999 et ses tâches exigeaient souvent de travailler de nombreuses heures consécutives. En janvier 2003, la plaignante a reçu deux traitements de massothérapie et deux traitements de physiothérapie par semaine (pièce E-16).

13 Une dégénérescence fibrillaire post-traumatique du vitré de l’œil gauche avait été diagnostiquée chez la plaignante à la suite de l’accident du 14 décembre 1993, lors d’un examen effectué le 9 février 1994 par H. Hammami, ophtalmologue. Le 26 février 2001, Jean-Paul Demers, ophtalmologue, a conclu que l’examen ophtalmologique de la plaignante était dans les limites de la normale (pièce P-39). En octobre 2001, Catherine Dumont, neuropsychologue, a attribué les légères incapacités cognitives de la plaignante à un trauma crânien léger subi en décembre 1993 (pièce E-27). Le 20 février 2002, le Dr Hammami exprimait son désaccord avec cette conclusion de Mme Dumont et a déterminé que la plaignante avait subi une fracture de la base du crâne en décembre 1993, qui avait provoqué la dégénérescence fibrillaire, les céphalées, les pertes de mémoire et de concentration et qui expliquait l’apparition de fibromyalgie (pièce P-37).

14 Lors de son témoignage, Mitchell S. Pantel, médecin chef, Services de santé et sécurité au travail à la Division « C » de la GRC, s’est dit en désaccord avec les dernières conclusions du Dr Hammami, qui semble faire reposer ses conclusions sur des photographies prisent à la suite de l’accident de décembre 1993 (pièce P-4). Selon le Dr Pantel, les tests d’imagerie magnétique et de tomographie cérébrale ne démontrent pas de fracture à la base du crâne. De plus, le Dr Pantel précise que les rhumatologues et psychologues qui ont examiné la plaignante ne concluent pas que la fibromyalgie est d’origine post-traumatique.

15 À la demande de la GRC, Sylvain Louis Lafontaine, psychiatre, a examiné la plaignante le 8 juillet 2003. Le Dr Lafontaine a conclu que la plaignante présentait un trouble d’adaptation avec anxiété et souffrait de fibromyalgie et de fatigue chronique. Le Dr Lafontaine a précisé que la plaignante ne présentait pas un syndrome de stress post-traumatique. Sur ce point, il avait une opinion contraire à celle de Maria E. Subak, psychiatre traitant la plaignante.

16 À la suite d’un examen effectué le 6 novembre 2003, Mary-Ann Fitzcharles, rhumatologue, a posé un diagnostic de douleur chronique généralisée, puisque la plaignante ne rencontrait pas les critères de la fibromyalgie. La Dre Fitzcharles a noté que les multiples symptômes qui affligeaient la plaignante pourraient être d’ordre somatique. Selon la Dre Fitzcharles, la plaignante utilise le système de santé de façon excessive. La prescription de traitements de physiothérapie et de massothérapie d’une façon continue aurait rendu la plaignante dépendante et aurait été un facteur négatif important la portant à se plaindre continuellement de problèmes de santé.

17 Une nouvelle évaluation effectuée le 27 février 2004 par Marc Favreau, rhumatologue, à la demande de la Dre Subak, a confirmé le diagnostic de fibromyalgie (pièce E-21). La fréquence des traitements de physiothérapie a été diminuée graduellement sur une période de trois mois, pour arrêter complètement au début de l’année 2004.

18 Le 21 octobre 1998, aucune relation n’a été retenue par la Société de l’assurance automobile du Québec entre la fibromyalgie et l’accident du 14 décembre 1993 (pièce E-10). Cependant, le 12 avril 1999, le Comité de révision du Tribunal des anciens combattants a accepté que la fibromyalgie de la plaignante était consécutive ou était rattachée directement au travail effectué à la GRC et lui a accordé 5 p. 100 d’incapacité (pièce E-11). Selon la plaignante, son taux d’invalidité a augmenté à 20 p. 100, lui donnant une rente annuelle non imposable d’environ 4 800 $.

19 La plaignante a subi deux expertises indépendantes à la demande de la GRC. Le 23 juin 2004, le Dr Pantel a émis l’opinion que la plaignante était inapte pour accomplir les tâches essentielles d’un gendarme en raison d’une incapacité physique. À la suite du rapport d’examen du 2 août 2004 de la Dre Cameli recommandant un retour progressif au travail (pièce E-20), la GRC a modifié le profil médical de la plaignante le 25 août 2004. La plaignante pourrait ainsi effectuer des tâches de type sédentaire en travail administratif et elle ne pourrait plus participer à des opérations policières, être identifiée comme policière auprès du public, porter une arme de service et conduire un véhicule d’urgence (pièces P-8 et E-18).

20 Un retour progressif au travail à compter du 4 octobre 2004 a été recommandé par la Dre Subak le 24 août 2004 (pièces P-5, P-6 et P-7). Le retour progressif devait commencer par deux demi-journées par semaine pour une période de trois semaines, avec une augmentation d’une demi-journée à chaque trois semaines jusqu’à une pleine semaine de travail de cinq jours (pièces P-5, P-6 et P-7). Le 15 septembre 2004, la Dre Subak a recommandé une thérapie de réhabilitation avant un retour progressif au travail avec restrictions et que la plaignante soit considérée inapte au travail jusqu’au 4 octobre 2004 (pièce P-9).

21 Lors d’une rencontre le 23 septembre 2004 à la clinique médicale de la GRC en présence du Dr. Pantel, du sergent Ralph Paul Ehlebracht et des caporaux Martin St-Laurent, Jodie Blais et Nicole Gingras, la plaignante a accepté un horaire de retour au travail sur une période plus courte que celle recommandée par la Dre Subak le 24 août 2004 (pièce E-14). Cette entente de retour progressif prévoyait un retour au travail le 4 octobre 2004 pour une semaine de travail de cinq jours à raison de quatre heures par jour. Une augmentation d’une heure par journée de travail était prévue pour chacune des semaines subséquentes, pour en arriver à des journées de travail de huit heures à la fin d’une période de cinq semaines (pièces P-12 et E-14). Les tâches qui lui ont été confiées étaient très légères. La plaignante était alors d’accord avec les modifications apportées à son horaire de retour progressif au travail.

22 Le 5 novembre 2004, la plaignante a demandé au Dr Pantel de lui fournir les motifs pour ne pas appliquer l’horaire de retour au travail progressif suggéré par la Dre Subak (pièce P-12). Du 26 octobre au 8 novembre 2004, la plaignante a été en congé de maladie en raison d’une pharyngite (pièces P-10 et E-14). La Dre Subak était d’avis que cette situation découlait du fait que les modalités de retour au travail qu’elle avait suggérées le 24 août 2004 n’avaient pas été suivies. La Dre Subak a mis la plaignante en arrêt de travail à partir du 20 novembre 2004 pour cause de dépression et fibromyalgie.

23 La plaignante a demandé de suivre le programme de retour au travail suggéré par la Dre Subak. Cette demande a été refusée par le surintendant principal Roger L. Brown, officier responsable des Ressources humaines, Région du Centre. La note de service du surint. pr. Brown datée du 22 novembre 2004 informe la plaignante qu’elle doit se conformer à l’horaire de retour au travail déterminé par l’entente du 23 septembre 2004 (pièce P-11). La plaignante a pris connaissance de cette note de service le 29 novembre 2004 alors qu’elle était au travail.

24 La plaignante a respecté la directive du surint. pr. Brown et est retournée au travail le 30 novembre 2004, à raison de sept heures de travail par jour. Elle a ainsi travaillé sept heures par jour les 1er et 2 décembre 2004. Elle a pris des congés annuels les 3 et 6 décembre 2004. Elle a travaillé huit heures par jour les 7 et 8 décembre 2004 (pièce P-20).

25 La plaignante a consulté la Dre Subak le 9 décembre 2004 pour une pharyngite. La Dre Subak a noté une détérioration de l’état de santé de la plaignante après son retour au travail à plein temps et l’a déclarée inapte au travail pour la période du 10 novembre au 20 décembre 2004 (pièce E-4). La Dre Subak a recommandé de retourner à l’horaire de travail progressif à raison de quatre demi-journées par semaine (pièce P-14). La plaignante est retournée au travail, à raison de quatre heures par jour, à compter du 13 décembre 2004 (pièce P-20). La Dre Subak a précisé que la plaignante présentait des problèmes de somnolence et l’a renvoyée à Marc A. Baltzan, spécialiste des problèmes de sommeil.

26 Une expertise psychiatrique a été effectuée par Jocelyn Aubut, psychiatre, à la demande de la GRC, pour évaluer le diagnostic, le traitement et l’aptitude au travail de la plaignante. Le rapport préliminaire du Dr Aubut, daté du 27 janvier 2005, a été déposé de consentement des parties (pièce P-26) et son contenu est avéré. Le Dr Aubut y énonce que, nonobstant la présence de trouble physique sous-jacent (fibromyalgie), il y a une composante psychologique assez clairement associée. Le Dr Aubut a préféré attendre les résultats d’une polysomnographie et les résultats de l’étude des troubles de sommeil pour conclure son expertise.

27 Les parties ont admis que le Dr Aubut témoignerait sur les éléments de son rapport d’expertise daté du 27 janvier 2005 (pièce P-26) et ont convenu que le contenu du rapport est véridique.

28 Le 27 janvier 2005, le Dr Aubut a énoncé les conclusions suivantes (pièce P-26) :

[…]

  • diagnostic de trouble douloureux avec forte composante psychologique, sans évidence de dépression majeure et de trouble de stress post traumatique; possibilité de fibromyalgie, hypercholestérolémie;
  • les limitations relatées par la plaignante sont en relation avec la fatigue, les problèmes de sommeil et des douleurs chroniques; sans réaménagement dans la prise en charge de la patiente il y a peu de modifications significatives à espérer;
  • un retour progressif suggéré débutant à quatre demi-journées par semaine, pouvant être augmenté d’une demi-journée à chaque deux semaines, dans la mesure d’une modification de la prise en charge; sans modification de prise en charge, la patiente va connaître des hauts et des bas et il est peu probable qu’elle parvienne à un horaire à temps plein;
  • le retour au travail administratif est sous restriction de quart de nuit et de temps supplémentaire;
  • aucune date plausible de retour au travail à temps plein ne peut être déterminée;
  • le traitement orienté sur une prise en charge en fonction d’un problème de trouble de stress post-traumatique devrait être modifié vers une prise en charge orientée en fonction d’un trouble douloureux avec composante psychologique importante.

[…]

29 Le Dr Pantel est en accord avec la recommandation du Dr Aubut de modifier la prise en charge de la plaignante. Selon le Dr Pantel, la nature des problèmes de santé de la plaignante est d’origine somatique et le plan de traitement doit être orienté vers un retour progressif au travail. Selon le Dr Pantel, il est contre-indiqué de maintenir la plaignante dans une longue période d’invalidité, ce qui ne fait qu’augmenter ses problèmes somatiques.

30 Le Dr Baltzan a posé un diagnostic d’hypersomnolence diurne le 12 janvier 2005 (pièce E-40). Selon le sergent d’état-major Luc Vaillancourt, superviseur de la plaignante, celle-ci ne s’est pas présentée au travail après le 22 février 2005. Des tests d’éveil ont été effectués sur la plaignante le 20 juillet 2005 (pièce E-3). À cette date, le Dr Baltzan a augmenté la dose de médication (Alertec) de 100 mg à 200 mg. Le Dr Baltzan a déclaré la plaignante inapte au travail pour une période indéfinie le 17 août 2005 (pièce E-5). Le Dr Baltzan a demandé à la plaignante de ne pas conduire son véhicule tant que le dosage de sa médication n’aura pas été ajusté. Des préposés du Programme d’aide aux membres de la GRC conduisaient la plaignante à ses rendez-vous médicaux ou pour ses besoins personnels. À certaines occasions, la plaignante a utilisé les membres de sa famille pour se faire conduire. Selon la plaignante, la prise de 200 mg d’Alertec le matin lui permettait d’avoir une période maximum d’éveil de six heures. La longueur de la période d’éveil variait et pouvait être de seulement une ou deux heures certains jours.

31 Une période d’incapacité a été recommandée par la Dre Subak du 22 juin au 20 juillet 2005 pour dépression et problèmes de sommeil (pièce E-48). Cette période d’incapacité a été prolongée, pour les mêmes motifs, jusqu’au 1er septembre 2005, puis jusqu’au 21 septembre 2005 par la Dre Subak (pièce E-48).

32 La plaignante avait demandé, le 25 août 2005, la permission de voyager à Winnipeg, lors d’une période d’incapacité, pour visiter un ami malade. Le Dr Pantel a convoqué la plaignante à une rencontre au bureau médical de la GRC le 31 août 2005, pour vérifier si son état de santé permettait ce voyage. Lors de cette rencontre, la plaignante lui a déclaré avoir des capacités très limitées (marche de moins de 1 km, nettoyage de la maison et de la vaisselle) et qu’elle se sentait toujours fatiguée. La Dre Subak a informé le Dr Pantel, lors d’une conversation téléphonique le 1er septembre 2005, que la plaignante éprouvait une fatigue chronique, qu’elle vivait une période de deuil en raison de ses limitations fonctionnelles et du décès d’un ami et qu’elle présentait des symptômes de dépression et de profonde tristesse (pièce E-41). Le 2 septembre 2005, le Dr Pantel a conclu, sur la base de ses observations de la plaignante lors de la rencontre du 31 août 2005, qu’elle n’était ni déprimée ni anxieuse (pièce E-36). L’inspecteur Gilles Moreau, officier responsable des Services de santé et sécurité au travail, Région du centre, a informé le surint. pr. Brown de la recommandation du Dr Pantel, dans les termes suivants (pièce E-57) :

[…]

Le Dr. Pantel recommande que cette membre pourrait quitter son territoire d’affectation lors de la présente période de congé de maladie, pour une période de 14 jours, pour se rendre à Winnipeg au chevet d’un ami mourant.

Cette recommandation est motivée par le fait qu’il n’y aura pas d’interférence avec ses traitements et qu’il n’y aura pas d’effet nocif sur son état de santé actuel.

[…]

33 L’insp. Moreau a ordonné la surveillance de la plaignante afin de recueillir des renseignements sur ses capacités et restrictions physiques et le degré d’autonomie au cours de ses déplacements quotidiens. Des rapports ont été produits par Chartrand Laframboise Investigation le 8 septembre 2005 (pour la surveillance effectuée du 30 août au 2 septembre 2005) (pièce E-44a) et le 15 septembre 2005 (pour la surveillance effectuée du 9 au 14 septembre 2005) (pièce E-44b). Oliver, Yaskiw & Associates Inc. a produit un rapport le 15 septembre 2005 (pour la surveillance effectuée du 31 août au 9 septembre 2005) (pièce E-44d). Le Dr Pantel a conclu que les enregistrements vidéos démontraient que la plaignante avait des activités qui étaient incompatibles avec une recommandation d’incapacité totale. Les vidéos contredisaient les déclarations de la plaignante voulant qu’elle était incapable de faire quoi que ce soit parce qu’elle était déprimée, qu’elle avait une fatigue diurne excessive, qu’elle était triste et en deuil. Elle semblait plutôt avoir des activités sociales normales (p. ex : se déplacer avec facilité, même avec des poids, et magasiner). Les activités de la plaignante démontraient qu’elle pouvait effectuer à temps plein des tâches administratives sédentaires, ce qui était compatible avec un diagnostic de fibromyalgie, de fatigue et douleur chronique.

34 Le Dr Pantel a avisé l’insp. Moreau, le 21 septembre 2005, que la plaignante était apte à reprendre le travail (pièce E-45) :

[…]

Recommandation du Médecin-chef/SSSTO:

Par le présent et suivant l’analyse de tous les éléments au dossier médical du membre, je suis d’avis que ce membre est apte a reprendre un travail modifiées (taches administratives) a temps complet effectif immédiatement. Cet avis prend en considération les informations fournit par le membre elle-même lors d’une rencontre ainsi que l’avis de son médecin traitant.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

35 Le surint. pr. Brown a été informé de la recommandation du Dr Pantel et s’est dit en accord avec celle-ci le 21 septembre 2005 (pièce E-45). Malgré une demande du sergent d’état-major Gaétan Delisle, représentant divisionnaire aux relations fonctionnelles, Division « C »,  en date du 14 octobre 2005 (pièce P-30), le surint. pr. Brown n’a pas précisé les motifs de ce refus de congé de maladie. La demande transmise le 1er novembre 2005 à ce sujet à l’inspecteur J.R. André Lemyre, officier responsable de l’Intégrité frontalière, Division « C » (pièce P-31), est demeurée sans réponse. L’insp. Moreau a pris note de la décision du surint. pr. Brown et a demandé à l’insp. Lemyre de rédiger un ordre de retour au travail pour le 22 septembre 2005 (pièce E-45). Dans son témoignage, l’insp. Lemyre a précisé qu’un membre de la GRC pouvait contester par grief une décision lui refusant un congé de maladie, sur la base du Manuel d’administration de la GRC (chapitre II.38, pièce E-67).

36 Un ordre de retour au travail a été signifié à la caporale Valérie-Marie Ouellette, à son domicile, par les sergents John Génier et Claude Bissonnette, le 22 septembre 2005, à 13 h 36. La cap. Ouellette a refusé l’ordre en vertu de la « Canada Health and Safety Act ». Lors de cette signification, les sergents Génier et Bissonnette ont appris que la plaignante était présente sur les lieux. Après avoir obtenu du bureau de la SEFA un ordre de retour au travail adressé à la plaignante par l’insp. Lemyre, les sergents Génier et Bissonnette sont revenus au domicile de la cap. Ouellette. Les sergents ont alors signifié l’ordre de retour au travail à la plaignante à 14 h 15 (pièces E-52, E-53 et P-17).

37 La note de service (pièce P-16) précise que la demande de la plaignante pour un congé médical pour une invalidité totale et indéfinie, basée sur le rapport clinique signé par le Dr Baltzan en date du 17 août 2005, a été refusée par le surint. pr. Brown le 21 septembre 2005. La note de service ordonne à la plaignante de retourner au travail, comme suit :

[…]

CONSIDÉRANT QUE vous n’êtes plus en congé médical et êtes considérée apte à des fonctions avec restrictions,

Je vous donne l’ordre de retourner au travail et de vous présenter en personne à la Section des Enquêtes fédérales aéroportuaires, à cette fin aux date, heures et lieu suivants :

DATE :        Vendredi, le 23 septembre 2005
HEURE :     08h00
LIEU :         700, Leigh Capreol, Dorval, Québec
                   Tél : (514) 420-5701

Tout défaut de respecter le présent ordre sera considéré comme une contravention à l’article 40 et/ou 49 du Code de déontologie et pourra faire l’objet de mesures disciplinaires prévues à la Loi sur la G.R.C..[sic] Vous pourrez également faire l’objet d’un renvoi par mesure administrative suivant l’article 19 du Règlement de la G.R.C. pour le motif que vous avez abandonné votre poste.

VEUILLEZ AGIR EN CONSÉQUENCE

[…]

38 La plaignante a répondu aux sergents Génier et Bissonnette qu’elle était incapable de se présenter au travail car elle prend des médicaments et qu’elle ne peut pas conduire. Elle leur a précisé qu’elle refusait de travailler sur la base de la « Canada Health and Safety Act » (pièce P-17). Le serg. Bissonnette précise, dans son rapport en date du 26 septembre 2005 (pièce E-51), ce qui suit :

[…]

[…] J’ai personnellement signifié l’ordre de retour au travail à la gend. Saumier. Elle a pris le temps de lire le document au complet et a déclaré comprendre. La gend. Saumier n’accepte pas l’ordre de retour au travail, suite au conseil de la cap..Ouellette. À noter que la cap. Ouellette est revenu d’une autre pièce avec le téléphone dans ses mains et a dit à la gend. Saumier; ‘Gaetan fait dire de refuser comme moi, under the Canada Health and Safety Act’. […]

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

39 Le 22 septembre 2005, la plaignante n’avait pas reçu les résultats des tests effectués par le Dr Baltzan le 21 septembre 2005. Le 20 septembre 2005, la Dre Subak avait aussi prolongé la période d’inaptitude de la plaignante jusqu’au 9 novembre 2005 (pièces E-46 et E-50). Le Dr Pantel n’a pas effectué ou demandé des examens médicaux pour évaluer la santé de la plaignante après la signification de l’ordre de retour au travail.

40 Le s.é.-m. Delisle agit comme représentant de l’Association des membres de la Gendarmerie royale du Canada. La plaignante l’avait consulté quelques semaines avant le 22 septembre 2005 pour connaître ses droits si la GRC lui ordonnait de revenir au travail contrairement aux recommandations de la Dre Subak. Le s.é.-m. Delisle lui a recommandé de refuser de retourner au travail en disant à la GRC que c’est un refus de travailler. Lors de son témoignage, le s.é.-m. Delisle a précisé qu’il était possible de contester par grief une décision de la GRC refusant la recommandation de congé médical d’un médecin traitant.

41 Le 23 septembre 2005, le s.é.-m. Delisle a précisé à l’insp. Lemyre que le refus de travailler de la plaignante était fondé sur l’article 128 du Code canadien du travail (pièce P-27).

42 Le 26 septembre 2005, l’insp. Lemyre a demandé au s.é.-m. Vaillancourt de communiquer avec la plaignante pour l’informer qu’elle devait se présenter au travail pour exercer valablement un refus de travailler en vertu du Code canadien du travail (pièce E-70). Le s.é.-m. Vaillancourt a communiqué avec la plaignante, le 27 septembre 2005, pour l’informer que son refus de travailler n’était pas accepté puisqu’elle ne s’était pas présentée au travail pour le formuler. Dans son rapport (pièce E-54), il précise ce qui suit :

[…]

Elle m’a indiqué qu’elle ne peut conduire. Je lui ai indiqué que le médecin de la GRC avait déterminer qu’elle était apte au travail.

Elle m’a indiqué que son médecin lui a dit de ne pas retourner au travail. Elle a dit qu’elle veut écouter son médecin et qu’elle n’est pas capable de conduire et qu’elle n’a pas de permit.

Je lui ai expliqué la procédure au niveau du refus de travail sur le code du travail. Elle m’a alors indiqué qu’elle voulait être certaine d’avoir bien comprit et elle m’indiqua ‘en vertu du code du travail, il faut que je me présente au travail pour refus au code du travail. Ok j’ai comprit’.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

43 Dans ses notes (pièce E-55), le s.é.-m. Vaillancourt indique qu’il a informé la plaignante de la procédure de refus prévue au Code canadien du travail, comme suit :

[…]

Je lui lit le texte du E-mail de l’insp Moreau :

L’employé peut exercer son droit de refus de travailler mais pour ce faire il doit se presenter au travail. L’employeur doit répondre par une enquête en présence de l’employé ou de son representant. Si l’employeur détermine qu’il n’y a pas de danger, l’employé peut toujours contester en avisant le superviseur et les membre du comité locaux de Santé et Sécurité au Travail. Alors l’employeur avec un membre du comité fait son enquête. Si l’employé refuse toujours, alors la partie est référé à Travail Canada (HRSDC) et aux agets de Santé et Sécurité au Travail qui trancheront.

Elle m’indique qu’elle veut être sur qu’elle a bien comprit. Elle dit ‘ en vertu du code du travail il faut que je me présente au travail pour refus au code du travail. OK j’ai comprit’

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

44 La plaignante s’est présentée devant le s.é.-m. Vaillancourt, au bureau de la SEFA à Dorval, accompagnée du s.é.-m. Delisle, le 27 septembre 2005 en après-midi. Selon la plaignante, elle a dit au s.é.-m. Vaillancourt qu’elle refusait de travailler pour ne pas aggraver sa santé. Le s.é.-m. Delisle a noté que la plaignante refusait de travailler en vertu du Code canadien du travail pour ne pas aggraver sa santé (pièce P-29). En réponse à la question du s.é.-m. Vaillancourt, qui lui demandait pour quelles tâches, elle a répété sa première déclaration. Le s.é.-m. Vaillancourt a noté le contenu de la rencontre comme suit (pièce E-55) :

[…]

3h43

Carmen Saumier et Gaétan Delisle arrive dans mon bureau.

Gaétan m’indique que Carmen Saumier à quelque chose a me dire au niveau du code du travail car elle doit le faire en personne.

Carmen Saumier m’indique qu’elle refuse de travailler pour sa santé.

Je lui demande qu’elle tâche son dangereuse pour sa santé? Gaétan Delisle m’indique que c’est au niveau de sa santé et ils quittent.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

45 Lors de son témoignage, la plaignante a déclaré qu’elle n’a pas précisé au s.é.-m. Vaillancourt quelles tâches pouvaient être dangereuses pour sa santé. Elle a expliqué que toutes les tâches étaient aggravantes pour sa santé, car la Dre Subak l’avait mise en période d’invalidité. La plaignante n’est pas retournée au travail après son refus de travailler du 27 septembre 2005. La plaignante et le s.é.-m. Delisle n’ont pas demandé l’intervention du comité local de santé et sécurité. Le s.é.-m. Vaillancourt n’a pas informé le comité local de santé et sécurité du refus de travailler exprimé par la plaignante. Selon le s.é.-m. Vaillancourt, le comité local de santé et sécurité n’aurait été formé qu’en 2006.

46 Le 28 septembre 2005, le s.é.-m. Vaillancourt a noté ce qui suit (pièce E-55) :

[…]

Appel Carmen Saumier […]

Je l’avise que j’ai discute avec l’insp. Lemyre et que son refus de travail n’est pas accepté et que l’ordre de retour au travail est maintenu et qu’elle doit se presenter au travail. Je lui demande si elle comprend? elle me dit que ce n’est pas accepté Ok, Bye.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

47 Le 28 septembre 2005, Grégoire Guillemette, agent en sécurité du travail à la Division « C », informe l’insp. Moreau qu’à son avis, le refus de travailler de la plaignante est prématuré (pièce E-56).

48 Le 30 septembre 2005, le s.é.-m. Vaillancourt a remis à la plaignante, dans la rue près de son domicile, un ordre de retour au travail émis par l’insp. Lemyre (pièce P-22). Cette note de service, datée du 29 septembre 2005, énonce les circonstances qui ont suivi la signification de l’ordre de retour au travail du 22 septembre 2005. Cette note de service précise que l’ordre de retour au travail est maintenu, comme suit :

[…]

CONSIDÉRANT QUE vous n’êtes plus en congé médical et êtes considérée apte à des fonctions avec restrictions;

CONSIDÉRANT QUE le 22 septembre 2005 vous avez été signifiée avec mon ordre de retour au travail pour vendredi le 23 septembre 2005 à 08:00 à la Section des Enquêtes fédérales aéroportuaires au 700, Leigh Capreol, Dorval;

CONSIDÉRANT QUE le 27 septembre 2005, vous vous êtes présentée à la Section des Enquêtes fédérales aéroportuaires au 700, Leigh Capreol, Dorval, et avez indiqué verbalement au S.é.-m. Luc Vaillancourt votre refus de travailler, pour votre santé et ce, sans même connaître les fonctions qui étaient pour vous être attitrées, et

CONSIDÉRANT QU’IL était donc prématuré de soumettre un refus de travail en invoquant les articles 127.1 et 128 de la Partie II du Code canadien du travail,

JE VOUS AVISE que je maintiens toujours mon ordre de retour au travail qui vous a été signifié le23 septembre 2005 à 08h00, à la Section des Enquêtes fédérales aéroportuaires, au 700 Leigh Capreol, Dorval, Québec.

Tout défaut de respecter l’ordre qui vous a été signifié le 22 septembre 2005 sera considéré comme une contravention à l’article 40 et/ou 49 du Code de déontologie et pourra faire l’objet de mesures disciplinaires prévues à la Loi sur la G.R.C.. [sic] Vous pourrez également faire l’objet d’un renvoi par mesure administrative suivant l’article 19 du Règlement de la G.R.C. pour le motif que vous avez abandonné votre poste.

VEUILLEZ AGIR EN CONSÉQUENCE

[…]

49 Sur réception de la note de service du 29 septembre 2005, la plaignante a informé le s.é.-m. Vaillancourt qu’elle maintenait son refus et qu’elle avait  autorisé le s.é.-m. Delisle à la représenter (pièce P-23).

50 Un rapport clinique de la Dre Subak le 20 septembre 2005 a été soumis à la GRC par la plaignante entre le 20 et le 30 septembre 2005. La Dre Subak recommandait que la plaignante soit considérée inapte au travail du 20 septembre au 9 novembre 2005 (pièce E-50). Le 3 octobre 2005, après révision de la recommandation de la Dre Subak, le Dr Pantel a maintenu que la plaignante était apte à retourner au travail, dans les termes suivants (pièce E-47) :

[…]

Recommandation du Médecin-chef/SSST:
Suivant l’analyse de son dossier médical et tel que recommander antérieurement, le Gend Saumier est apte a accomplir des fonctionnes modifier a temps complète.

Les taches modifier ont était déjà spécifier dans un courriel précédent (y compris des taches administratifs sans participations aux opérations policiers, sans arme, sans uniforme, sans conduite de v.a. d’urgence en mode urgent et sans arrestation du suspect.)

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

51 Le surint. pr. Brown a accepté, le 3 octobre 2005, la recommandation du Dr Pantel (pièce E-72).

52 La plaignante a soumis le rapport clinique de la Dre Subak recommandant qu’elle était inapte au travail du 9 novembre au 7 décembre 2005 (pièce E-49). Le surint. pr. Brown a refusé ce congé de maladie le 25 novembre 2005, sur la recommandation du Dr Pantel.

53 Une note de service de l’insp. Lemyre, en date du 2 décembre 2005, a été remise à la plaignante par le serg. Ehlebracht. Cet ordre reprend les considérations énoncées dans la note de service du 29 septembre 2005 et conclut comme suit (pièce P-24) :

[…]

CONSIDÉRANT QUE votre demande de congé de maladie, pour la période du 9 novembre au 7 décembre 2005, ne vous a pas été accordée par l’Officier responsable des ressources humaines de la Région du Centre;

JE VOUS AVISE que je maintiens toujours mon ordre de retour au travail qui vous a été signifié le 23 septembre 2005 à 08h00, à la Section des Enquêtes fédérales aéroportuaires, au 700, Leigh Capreol, Dorval, Québec.

Tout défaut de respecter l’ordre qui vous a été signifié le 22 septembre 2005 sera considéré comme une contravention à l’article 40 et/ou 49 du Code de déontologie et pourra faire l’objet de mesures disciplinaires prévues à la Loi sur la G.R.C.. [sic] Vous pourrez également faire l’objet d’un renvoi par mesure administrative suivant l’article 19 du Règlement de la G.R.C. pour le motif que vous avez abandonné votre poste.

VEUILLEZ AGIR EN CONSÉQUENCE

[…]

54 L’insp. Lemyre a précisé au s.é.-m. Delisle, le 5 décembre 2005, que le refus de travailler de la plaignante ne respectait pas les exigences du Code canadien du travail. L’insp. Lemyre a précisé que cette situation ne relevait pas des agents en sécurité du travail, mais des médecins qui doivent déterminer si la plaignante est apte à exécuter des tâches administratives (pièce P-32). Lors de son témoignage, le s.é.-m. Delisle a déclaré que le comité local de santé et sécurité aurait dû vérifier si la plaignante était réellement inapte au travail. Il a ajouté que le comité local aurait pu communiquer avec le médecin traitant de la plaignante et avec le Dr Pantel pour s’enquérir de la situation et formuler des recommandations.

55 Le 20 décembre 2005, à 10 h 30, le caporal Léo Mombourquette, superviseur de groupe, a rencontré la plaignante et le s.é.-m. Delisle. Selon le s.é.-m. Delisle, la plaignante a refusé de travailler pour ne pas aggraver sa situation médicale (pièce P-33). Le cap. Mombourquette a noté ce qui suit (pièce E-64) :

[…]

Carmen Saumier et Gaetan Delisle se sont présenté au bureau. J’ai enregistré un refus de se conformer à l’ordre de retourne au travail de la part de Mme Saumier en vertu de l’article 128 du Code canadien de travail.

SEM Vaillancourt avisé par courriel.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

56 La plaignante a déposé sa plainte à la Commission le 20 décembre 2005. Les éléments qui ont été déposés en preuve et qui étaient postérieurs au dépôt de la plainte ont été acceptés, sous réserve d’une objection soulevée par le défendeur relativement à leur pertinence.

57 Le 16 août 2006, l’insp. Lemyre a soumis à Jean-Pierre Laporte, directeur régional, Direction de travail, Région du Québec, ministère des Ressources humaines et du Développement de compétences (RHDC), qu’il estime que la question de savoir si les tâches que la GRC veut confier à la plaignante constituent un danger au sens de l’alinéa 128(1)c) du Code canadien du travail doit être tranchée dans les meilleurs délais par un agent de santé et de sécurité de RHDC (pièce E-75). Le 13 octobre 2006, Claude Léger, un agent de santé et de sécurité de RHDC, a répondu qu’il a été décidé d’attendre la décision de la Commission sur la question de savoir si la plaignante a exercé un refus de travailler en vertu du Code.

III. Résumé de l’argumentation

A.  Pour la plaignante

58 Les commentaires de Clarke’s Canada Industrial Relations Board (2007) relativement au paragraphe 128(1) du Code canadien du travail énoncent que l’existence du droit de refus de travailler est basée sur des motifs raisonnables. Un employé peut exercer son droit de refuser de travailler même s’il est démontré après coup qu’il n’y avait pas de danger. En général, le bénéfice du doute qu’une cause raisonnable existe doit être donné à l’employé.

59 Dans les cas où les avis médicaux sont contradictoires, il faut regarder ce que précisent les évaluations contemporaines effectuées par les médecins traitants. La preuve au présent dossier démontre que la Dre Subak et le Dr Baltzan, les médecins traitants de la plaignante, la considèrent inapte au travail.

60 Le Dr Pantel a rencontré la plaignante le 31 août 2005 relativement à sa demande d’autorisation pour voyager à Winnipeg alors qu’elle est en congé de maladie. Le Dr Pantel a témoigné qu’il avait conclu que la plaignante était apte au travail, sur la base des observations faites lors de la rencontre. Il n’a pas informé la plaignante de sa conclusion. La GRC avait la responsabilité d’informer la plaignante de cette conclusion. La GRC avait un raisonnement contradictoire, autorisant la plaignante à voyager pendant son congé de maladie tout en évaluant qu’elle était apte au travail.

61 Le lendemain, la GRC a débuté la surveillance de la plaignante afin de la prendre en défaut. Cette attitude est déraisonnable, la GRC ayant en sa possession l’avis de la Dre Subak recommandant de permettre à la plaignante de voyager du 31 août au 14 septembre 2005. À la suite de la rencontre du 31 août 2005, le Dr Pantel n’a pas communiqué avec la Dre Subak ou le Dr Baltzan. Un ordre de retour au travail a été signifié à la plaignante le 22 septembre 2005. Le 27 janvier 2005, le Dr Aubut avait recommandé de procéder à une nouvelle évaluation médicale de la plaignante advenant une nouvelle absence de celle-ci (pièce P-26). Sur la base de cette recommandation, la plaignante estimait qu’un retour au travail présentait un danger d’aggraver son état de santé.

62 L’approche de la GRC dans la correspondance du 5 décembre 2005 (pièce P-32) est contradictoire, l’insp. Lemyre précisant que ce sont les médecins qui peuvent déterminer si la plaignante est en mesure d’accomplir ses tâches, mais il ordonne qu’elle réintègre ses fonctions administratives à plein temps. Le défendeur a précisé ainsi à la plaignante qu’elle devait s’exposer au danger appréhendé pour sa santé et qu’il allait évaluer les conséquences par la suite. Ceci va à l’encontre de l’objectif de prévention du Code canadien du travail.

63 L’argument du défendeur selon lequel la plaignante n’a pas identifié les tâches qui représentaient un danger est faux. Dans son rapport du 27 septembre 2005, le s.é.-m. Vaillancourt précise que la plaignante lui a indiqué que son médecin traitant lui avait dit de ne pas retourner au travail (pièce E-54). Le Dr Pantel avait identifié les tâches modifiées que la plaignante pouvait effectuer (pièce E-47). Ainsi, malgré le fait que le défendeur connaissait l’invalidité de la plaignante, la GRC lui ordonnait de retourner au travail à l’encontre de la recommandation de la Dre Subak et de l’objectif de prévention précisé à la partie II du Code canadien du travail.

64 La décision Ferrusi et Giornofelice c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2007 CRTFP 1, précise ce qui suit :

[…]

[54] Il semble clair que la procédure régissant les refus de travailler qui est énoncée dans le Code est destinée à assurer une protection à l’employé dont l’évaluation de ses propres circonstances de travail est que celles-ci comportent un risque de se blesser ou de tomber malade. Cet employé est en droit de refuser de travailler — et est à l’abri des conséquences disciplinaires qu’aurait normalement un tel abandon de travail — jusqu’à ce qu’il soit possible que la menace alléguée en matière de santé et de sécurité soit l’objet d’une enquête. Dans certains cas, l’employeur peut reconnaître que le risque décrit par l’employé existe et il peut s’engager à améliorer la situation. Dans d’autres cas, l’employeur et l’employé peuvent ne pas être d’accord quant à l’existence d’un risque, et une partie externe — un agent de santé et de sécurité employé par RHDSC — peut être priée de faire une évaluation du risque. Pendant tout ce processus d’enquête, l’employé est en droit de s’abstenir de reprendre le travail.

[55] Une fois que l’agent de santé et de sécurité a définitivement déterminé qu’il n’existe pas de danger, l’employé est tenu de retourner au travail. Le recours qui est alors disponible, si l’employé est encore convaincu qu’il y a un risque, est le processus d’appel. C’est seulement au terme de l’ensemble de ce processus que l’employeur peut envisager de prendre des mesures disciplinaires à l’égard d’un employé qui a délibérément utilisé le processus de façon abusive.

[56] Certes, ce processus est destiné à offrir un recours aux employés désireux qu’une question de santé ou de sécurité soit réglée, mais il reconnaît aussi les intérêts opérationnels de l’employeur. Le système prévoit que les étapes d’enquête de la procédure seront menées promptement. Une fois que l’agent de santé et de sécurité a communiqué l’opinion selon laquelle il n’existe pas de danger, l’employé est tenu de retourner au travail et il doit attendre l’issue de l’appel, s’il y en a un.

[…]

65 La décision Union des facteurs du Canada c. Société canadienne des postes (1989), 76 di 188 (C.C.R.T.), indique que, dans le cas où l’employeur refuse de procéder à une enquête à la suite d’un refus de travailler et impose une mesure disciplinaire à l’employé, on présumera que l’employeur a pris une mesure disciplinaire à l’égard de l’employé pour s’être prévalu d’un droit prévu au Code canadien du travail. Les décisions Butler c. Verspeeten Cartage Ltd. (1991), 86 di 107 (C.C.R.T.), Baker c. Polymer Distribution Inc., [2000] CCRI n° 75, et Navratil c. Canadian Stevedoring Co. Ltd. (1996), 101 di 112 (C.C.R.T.), vont dans le même sens. Même si un employé a tardé à aviser l’employeur des motifs de sa crainte, on a considéré qu’il avait assumé l’obligation qui lui était imposée par l’article 128 du Code canadien du travail (voir Kinhnicki et Dupuis).

66 Le Conseil canadien des relations industrielles, dans Chaney c. Auto Haulaway Inc.,[2000] CCRI no 47, a précisé comme suit le fardeau de l’employé :

[…]

[28] […] La seule charge qui incombe à l’employé devrait être celle de convaincre le Conseil que le refus était fondé sur des craintes véritables liées à la sécurité  […]

[…]

67 En l’espèce, le défendeur n’a pas procédé à l’enquête après le refus de travailler de la plaignante. En agissant ainsi, il n’a pas permis l’intervention d’un tiers pouvant trouver une solution.

B. Pour le défendeur

68 La décision Gingras c. Canada, [1994] 2 C.F. 734 (C.A.), a précisé qu’un membre de la GRC est un employé de la fonction publique au sens de la Loi sur l’administration financière, S.R.C., 1952, ch. 116, et S.R.C., 1970, ch. F-10. Ainsi, la Commission a compétence à l’égard des membres de la GRC aux fins de la partie II du Code canadien du travail. Dans R. v. Royal Canadian Mounted Police, [1999] N.S.J. No. 263 (Prov. Ct.) (QL), R. v. Royal Canadian Mounted Police (2000), 188 N.S.R. (2d) 1 (S.C.), et R. v. Royal Canadian Mounted Police, 2001 NSCA 30, il est précisé que la partie II du Code s’applique aux membres de la GRC. La plaignante partage l’opinion que ces décisions donnent compétence à la Commission pour décider de sa plainte.

69 Relativement à la procédure disciplinaire, l’article 37 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10, prévoit une procédure d’enquête tenue par ou sous l’autorité d’un officier ou d’un membre commandant un détachement lorsqu’un membre a contrevenu au code de déontologie de la GRC. Si une mesure disciplinaire grave s’impose dans le cas où la contravention est établie, un comité d’arbitrage formé de trois officiers (dont un possède un diplôme en droit) procèdera à l’enquête et imposera la peine appropriée (article 43 et suivants de la Loi). La partie III de la Loi prévoit un mécanisme de griefs lorsqu’un acte lié à la gestion des affaires de la GRC cause un préjudice à un membre (article 31).

70 Le Règlement de la Gendarmerie royale du Canada, DORS/88-361, prévoit les motifs de renvoi d’un membre par mesure administrative, pour abandon de poste ou pour incapacité. Les articles 38 à 58.7 du Règlement constituent le code de déontologie de la GRC, qui s’applique aux membres. Entre autres, le Règlement énonce qu’un membre doit obéir aux ordres légitimes de tout membre qui lui est supérieur en grade ou qui a autorité sur lui; qu’il ne peut s’absenter de son travail sans autorisation et qu’il ne peut sciemment transgresser le serment professionnel aux termes de l’article 14 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada.

71 Un membre de la GRC a droit à une solde reliée à son statut de membre et non pas à un salaire relié à l’exécution de fonctions. Le membre ne cumule pas de crédits de journées de maladie, mais il reçoit sa solde lorsqu’il est en absence pour maladie. La GRC assume entièrement les frais médicaux de ses membres, qui ne sont pas assujettis aux régimes d’assurance-maladie des provinces. Un membre invalide en raison de son travail peut recevoir une pension d’invalidité en vertu de la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada,L.R.C. (1985), ch. R-11. Il est admissible à des prestations en vertu de la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État, L.R.C. (1985), ch. G-5.

72 La partie II du Code canadien du travail impose à un employeur l’obligation d’assumer les coûts, d’assurer un milieu de travail sécuritaire et de corriger les situations dangereuses. Une situation dangereuse pour un employé lui donne le droit de refuser de travailler, y compris pour des circonstances reliées à des maladies. Le droit de refuser de travailler ne peut pas s’appliquer dans les circonstances de la présente plainte, car aucune fin utile ne peut être atteinte pour protéger la plaignante d’un danger imminent.

73 La partie II du Code canadien du travail précise que son objet est de prévenir les accidents et les maladies reliés au travail et impose à un employeur l’obligation d’éliminer les risques.

74 L’article 126 du Code canadien du travail impose à un employeur des obligations envers l’employé au travail (en anglais « while at work »). L’employé doit signaler tout objet ou circonstance présentant un risque. La plaignante n’a rien signalé à ce titre alors qu’elle était au travail. Selon le défendeur, le paragraphe 127(1) oblige les parties à dialoguer pour tenter de trouver une solution au problème. En l’occurrence, la plaignante n’a pas mentionné à la GRC, préalablement à sa plainte, qu’elle se sentait menacée ou qu’il y avait une violation de l’article 147 du Code. Selon le défendeur cette obligation d’aviser la GRC préalablement au dépôt d’une plainte est dans l’esprit du Code.

75 Dans le présent dossier, la GRC a demandé des expertises sur la capacité de retour au travail de la plaignante. Les expertises précisent des restrictions fonctionnelles et une capacité d’accomplir des tâches administratives de façon graduelle. Les opinions divergent sur le rythme du retour au travail. Le surint. pr. Brown avait précisé, à l’automne 2004, qu’il considérait la plaignante apte à revenir au travail à plein temps avec un travail allégé (pièce P-11). À la suite du diagnostic de problèmes de sommeil, la plaignante a consulté le s.é.-m. Delisle, car elle craignait que la GRC insiste pour un retour au travail.

76 Une entente de retour progressif au travail est intervenue avec la plaignante (pièce E-14). La plaignante a mis fin à cette entente à la suite de la recommandation de la Dre Subak. Le retour progressif au travail s’est poursuivi selon la recommandation de la Dre Subak, jusqu’en février 2005.

77 Une amie de la plaignante (la cap. Ouellette) était dans la même situation d’absence prolongée et avait reçu un ordre de retour au travail en juillet 2005. Le s.é.-m. Delisle s’est informé auprès de Santé Canada sur cette situation. Le s.é.-m. Delisle a recommandé d’exercer un refus de travailler en vertu de la partie II du Code canadien du travail.

78 Le Dr Pantel a autorisé le voyage de la plaignante à Winnipeg même s’il la considérait en bonne forme. La surveillance a démontré que la plaignante avait des activités normales pendant lesquelles elle n’apparaît pas abattue ou incapable de reprendre ses activités normales. La GRC a signifié l’ordre de retour au travail à la plaignante le 22 septembre 2005 (pièce P-16). La plaignante a refusé de retourner au travail sur la base de la « Canada Health and Safety Act », à la suite de la recommandation du s.é.-m. Delisle. La plainte de la plaignante est fondée sur cet ordre de retour au travail. Le défendeur a soumis que la plaignante n’a pas exprimé de refus de travailler au sens du Code canadien du travail.

79 Si le refus de travailler de la plaignante est considéré comme un refus au sens du Code canadien du travail, l’ordre de retour au travail ne peut pas être considéré comme représentant une menace de mesure disciplinaire au sens de l’article 147 du Code. L’ordre de retour au travail précise que la plaignante n’est plus considérée en congé médical et reprend le texte règlementaire du code de déontologie de la GRC applicable à cette situation. À la GRC, ce n’est pas l’employeur qui impose une mesure disciplinaire, mais un comité d’arbitrage.

80 La plaignante a refusé de retourner au travail à la suite de la réception de l’ordre de retour au travail. En conséquence, l’ordre ne peut pas constituer une menace de mesure disciplinaire, car il est antérieur au refus de travailler et n’est pas en réaction à l’action de la plaignante. Les menaces de mesure disciplinaire ne découlent pas du refus de se conformer à l’ordre de retour au travail.

81 Après ce refus de retour au travail, la plaignante a présenté un nouveau certificat médical à la GRC. Cette dernière a rendu une nouvelle décision sur la base de ce certificat médical et a conclu que la plaignante était apte à retourner au travail. Il s’agissait d’une nouvelle situation et d’un ordre de retour au travail sur de nouvelles circonstances. Aucune relation n’a été établie entre le refus de retour au travail et la réaction de la GRC au certificat médical qui recommande l’inaptitude de la plaignante de retourner travailler. Selon le Dr Pantel, la plaignante ne présente pas de problème neurologique et présente une réaction somatique qui minimise ses capacités de retour au travail. Un retour au travail permettra à la plaignante de se reprendre en charge et de se sortir de son état de dépendance médicale, selon le Dr Pantel.

82 La plaignante a soumis qu’elle est invalide, mais refuse de travailler. Cette action de la plaignante empêche le défendeur de gérer la situation et n’est pas un refus de travailler fondé sur l’article 128 du Code canadien du travail pour la protéger d’un danger qui menace sa santé ou sa sécurité. Le Code prévoit une enquête menée par un tiers pour vérifier s’il y a un danger et appliquer un correctif s’il y a lieu. En l’espèce, cette enquête n’était pas possible car la plaignante n’avait pas identifié le danger qui la menaçait. Elle a soumis qu’elle était invalide et qu’elle ne voulait pas travailler, non pas qu’elle était apte au travail et que quelque chose au travail allait la rendre malade. Le défendeur ne peut pas procéder à une enquête différente de celle que le Dr Pantel a menée sur cette question. Le Code ne prévoit pas d’effectuer une vérification de l’état de santé d’un employé mais plutôt de vérifier si les conditions de travail constituent un danger. La procédure de vérification prévue au Code ne sert pas à déterminer quelle évaluation médicale est la plus valable.

83 La procédure du Code canadien du travail permet à un employé de s’absenter de son travail pour la période nécessaire pour corriger une situation dangereuse. Dans le présent dossier, aucune situation dangereuse susceptible de correction n’a été identifiée. La question de savoir si la plaignante est apte ou non à retourner au travail doit être tranchée par la procédure de griefs prévue à la partie III de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada.

84 Le Code canadien du travail définit le mot danger comme suit :

[…]

« danger » Situation, tâche ou risque — existant ou éventuel  — susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade — même si ses effets sur l’intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats —, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d’avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

[…]

85 Dans Boivin, la Commission a précisé ce qui suit :

[…]

[124] […] la Commission doit déterminer si l’employé avait un motif raisonnable de croire qu’il existait une situation dangereuse avant de refuser de travailler. Si ce n’est pas le cas, les mesures que l’employeur a prises, qu’elles soient disciplinaires ou non, ne constituent pas une violation du Code.

[…]

[147] La lecture de la définition de « danger » m’amène à conclure que, pour qu’on puisse considérer qu’une situation est dangereuse, il faut établir un rapport entre elle et le risque que ce danger cause des blessures à une personne ou la rende malade. Si c’est le cas, l’employeur a l’obligation de corriger la situation avant que l’employé ne retourne au travail. […]

[…]

86 Il a été précisé dans Brisson que l’examen d’une plainte fondée sur l’article 147 du Code canadien du travail s’effectue en deux étapes. En premier lieu, il faut déterminer si l’employé, en refusant de travailler, avait des motifs raisonnables de croire qu’un danger existait. Si c’est le cas, on passe à la deuxième étape, où l’employeur doit démontrer que la mesure disciplinaire était motivée par des facteurs légitimes qui ne sont liés d’aucune manière à l’exercice par l’employé de son droit de refus. Cette position a été reprise dans Lequesne c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [2004] CCRI no 276.

87 Lors de son refus de travailler, la plaignante devait faire rapport à la GRC et à un membre du comité local de sécurité et de santé conformément au paragraphe 128(6) du Code canadien du travail. En l’espèce, aucune situation n’a été identifiée par la plaignante, qui ne voulait pas modifier le milieu de travail. Lorsque l’employé ne respecte pas les exigences de l’article 128 du Code, sa plainte doit être rejetée : Buchholz. Le même principe a été repris dans Chaves, Kinhnicki et Dupuis, Gouger c. Transport Ducampro inc., [2004] CCRI no 287, et Kucher c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (1996), 102 di 121 (C.C.R.T.).

88 Le Code canadien du travail oblige l’employé qui veut exercer son droit de refus de travailler de préciser de façon raisonnable et suffisante, non seulement le fait que son refus de travailler est fondé sur des craintes pour sa sécurité, mais aussi la nature de ces craintes elles-mêmes (Green c. Air Niagara Express Inc. (1992), 90 di 186 (C.C.R.T.).

89 Le rapport que doit faire l’employé sur les motifs de son refus de travailler déclenche le processus devant mener à la solution du problème et est une condition préalable, selon le paragraphe 133(3) du Code canadien du travail, au dépôt d’une plainte (Lapointe c. Société canadienne des postes (1992), 87 di 83 (C.C.R.T.)). L’article 127 du Code prévoit un mécanisme de règlement interne obligatoire avant de pouvoir exercer les recours prévus à la partie II du Code (Caponi c. Via Rail Canada Inc., [2002] CCRI no 177).

90 La preuve a démontré que la plaignante était en désaccord avec la GRC, qui a évalué que la plaignante était apte à retourner au travail. Le refus de travailler exercé par la plaignante est un prétexte pour éviter que la GRC prenne des mesures contre elle. La plaignante pouvait déposer un grief pour contester la décision de la GRC. Les circonstances de l’ordre de retour au travail ne sont pas de celles pouvant fonder un recours en vertu de la partie II du Code canadien du travail.

91 Le défendeur a demandé le rejet de la plainte, aucune violation de l’article 147 du Code canadien du travail n’ayant été démontrée.

C. Réplique de la plaignante

92 Le refus de travailler de la plaignante est clairement fondé sur le fait que la Dre Subak considère la plaignante inapte au travail. Cet élément est connu du défendeur.

93 La GRC a demandé le 16 août 2006 aux RHDC de confier à l’un de leurs agents de santé et de sécurité d’évaluer si les tâches qu’elle veut confier à la plaignante constituent un danger au sens du Code canadien du travail (pièce E-75). Cette démarche aurait dû être faite par le défendeur dès le refus de travailler exercé par la plaignante en 2005, au lieu de prétende, comme il l’a fait, qu’il ne connaissait pas les circonstances du refus. La GRC connaissait les tâches qu’elle voulait confier à la plaignante à la suite de l’évaluation du Dr Pantel.

94 Dans la présente plainte, l’ordre de retour au travail constitue un motif raisonnable de croire que le retour au travail présente un danger pour la santé de la plaignante. Selon Boivin, il faut établir un rapport entre une situation de danger et le risque qu’elle puisse causer des blessures à un employé ou le rendre malade. La GRC n’a pas permis que cette évaluation soit effectuée par un tiers dans le cas de la plaignante, contrairement à ce qui a été fait dans Brisson. Dans Buchholz et Lapointe, les plaignants n’ont pas informé leur employeur qu’ils invoquaient leur droit de refuser de travailler, contrairement à ce qu’a fait la plaignante en l’espèce.

95 Le principe général retenu par la jurisprudence est que l’employé doit informer son employeur, en termes généraux, des motifs de son refus de travailler. L’employé n’est pas tenu de faire un rapport complet, écrit et scientifique des circonstances de son refus. Il incombe à un employeur d’obtenir des détails s’il ne comprend pas les motifs précisés par l’employé. Les décisions suivantes énoncent ces principes : Union des facteurs du Canada; Fraternité des préposés à l’entretien des voies c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (1986), 67 di 183 (C.C.R.T), et Froment c. Bell Canada (1982), 46 di 125 (C.C.R.T).

96 Le défendeur a démontré qu’il n’avait pas de préoccupation réelle pour la santé de la plaignante. Ce n’est pas une condition normale de travail de se présenter au travail à l’encontre de l’opinion du médecin traitant qui considère le travailleur inapte au travail.

97 La plaignante a signalé à la GRC, le 5 novembre 2004, que le retour progressif au travail qui lui était imposé ne correspondait pas ce que la Dre Subak recommandait (pièce P-12). La Dre Subak a insisté, le 10 décembre 2004, pour que le retour progressif au travail s’effectue selon sa recommandation (pièce P-15).

98 La GRC n’a pas tenté de résoudre le problème entre le premier refus de travailler exprimé par la plaignante le 22 septembre 2005 et sa plainte en date du 20 décembre 2005.

99 La GRC a réitéré sa menace de prendre des mesures disciplinaires à la suite du refus de la plaignante de retourner au travail. Selon Ferrusi et Giornofelice, il n’est pas loisible à l’employeur de considérer la situation comme étant en continuité des situations précédentes, sans permettre à l’employé d’invoquer les procédures du Code canadien du travail et d’obtenir une évaluation des dangers au travail par une personne indépendante. Dans le présent dossier, la GRC avait la possibilité de demander une enquête à l’inspecteur en santé et sécurité après le refus de la plaignante. Le refus de la GRC de surseoir à l’ordre de retour au travail constitue une menace de mesure disciplinaire. Le Code prévoit une procédure pour refuser de travailler et empêche que des mesures disciplinaires puissent être imposées pendant son déroulement.

100 La Commission peut ordonner au défendeur de cesser les menaces envers la plaignante jusqu’à ce que la procédure d’enquête prévue par le Code canadien du travail soit complétée. Cette façon de procéder ne créerait pas de préjudice au défendeur.

IV. Motifs

101 Les dispositions suivantes du Code canadien du travail sont pertinentes au présent litige :

[…]

[…]

   128. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’employé au travail peut refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche s’il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

a) l’utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;

b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;

c) l’accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

[…]

    (6) L’employé qui se prévaut des dispositions du paragraphe (1) […] fait sans délai rapport sur la question à son employeur.

    (7) L’employé informe alors l’employeur, selon les modalités — de temps et autres — éventuellement prévues par règlement, de son intention de se prévaloir du présent article ou des dispositions d’une convention collective traitant du refus de travailler en cas de danger. Le choix de l’employé est, sauf accord à l’effet contraire avec l’employeur, irrévocable.

[…]

   133. (1) L’employé — ou la personne qu’il désigne à cette fin — peut, sous réserve du paragraphe (3), présenter une plainte écrite [à la Commission] au motif que son employeur a pris, à son endroit, des mesures contraires à l’article 147.

[…]

    (3)Dans les cas où la plainte découle de l’exercice par l’employé des droits prévus aux articles 128 et 129, sa présentation est subordonnée, selon le cas, à l’observation du paragraphe 128(6) par l’employé ou à la notification à l’agent de santé et de sécurité conformément au paragraphe 128(13).

[…]

    (6) Dans les cas où la plainte découle de l’exercice par l’employé des droits prévus aux articles 128 ou 129, sa seule présentation constitue une preuve de la contravention; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.

   134.[Si elle] décide que l’employeur a contrevenu à l’article 147, [la Commission] peut, par ordonnance, lui enjoindre de mettre fin à la contravention et en outre, s’il y a lieu :

a) de permettre à tout employé touché par la contravention de reprendre son travail;

b) de réintégrer dans son emploi tout ancien employé touché par la contravention;

c) de verser à tout employé ou ancien employé touché par la contravention une indemnité équivalant au plus, à son avis, à la rémunération qui lui aurait été payée s’il n’y avait pas eu contravention;

d) d’annuler toute mesure disciplinaire prise à l’encontre d’un employé touché par la contravention et de payer à celui-ci une indemnité équivalant au plus, à son avis, à la sanction pécuniaire ou autre qui lui a été imposée par l’employeur.

[…]

   147. Il est interdit à l’employeur de congédier, suspendre, mettre à pied ou rétrograder un employé ou de lui imposer une sanction pécuniaire ou autre ou de refuser de lui verser la rémunération afférente à la période au cours de laquelle il aurait travaillé s’il ne s’était pas prévalu des droits prévus par la présente partie, ou de prendre — ou menacer de prendre — des mesures disciplinaires contre lui parce que :

a) soit il a témoigné — ou est sur le point de le faire — dans une poursuite intentée ou une enquête tenue sous le régime de la présente partie;

b) soit il a fourni à une personne agissant dans l’exercice de fonctions attribuées par la présente partie un renseignement relatif aux conditions de travail touchant sa santé ou sa sécurité ou celles de ses compagnons de travail;

c) soit il a observé les dispositions de la présente partie ou cherché à les faire appliquer.

[…]

102 Il est clairement établi et admis par les parties que la plaignante présente des symptômes douloureux reliés à la fibromyalgie, des problèmes de sommeil et souffre aussi de périodes de dépression et d’anxiété. Les parties acceptent que ces problèmes de santé limitent la capacité de travailler de la plaignante à des tâches administratives et sédentaires. La preuve démontre qu’un désaccord existe sur la capacité de la plaignante de retourner au travail à temps plein à ces tâches modifiées. Les recommandations de la Dre Subak, à l’été 2005, voulaient que la plaignante était incapable de retourner au travail. Le Dr Baltzan avait basé l’incapacité sur le problème d’hypersomnolence diurne pour lequel la posologie devait être ajustée. La Dre Subak a précisé au Dr Pantel, le 1er septembre 2005, que la plaignante était incapable de retourner au travail pour cause d’hypersomnolence diurne, de dépression, de fatigue chronique et un état de profonde tristesse relié au deuil d’un ami.

103 Le Dr Pantel a déterminé, sur la base de ses observations lors de sa rencontre du 31 août 2005 avec la plaignante et du visionnement des enregistrements vidéos de surveillance, que la plaignante n’avait pas l’apparence, les attitudes et les activités d’une personne dépressive souffrant de fatigue et de douleurs chroniques. Les conclusions du Dr Pantel provenaient aussi de l’évaluation de l’ensemble du dossier médical de la plaignante, qui démontrait un problème somatique à forte tendance psychologique motivant un changement de prise en charge thérapeutique de la plaignante, en opposition à l’orientation thérapeutique post-traumatique recommandée par la Dre Subak.

104 La note de service de l’insp. Lemyre, signifiée à la plaignante le 22 septembre 2005, indique que celui-ci la considère apte à des fonctions restreintes et qu’elle n’est plus en congé médical. Cette note de service ordonnait à la plaignante de retourner au travail le lendemain. Cette note de service précise les conséquences que pourrait entraîner le défaut de se conformer à l’ordre de retour au travail (pièce P-16).

105 Les circonstances entourant la signification de l’ordre de retour au travail du 22 septembre 2005 m’indiquent que le cœur du litige entre les parties est la capacité de retour au travail de la plaignante. Les conversations que la plaignante a eues avec les sergents Génier et Bissonnette, qui lui ont signifié la note de service, et avec le s.é.-m. Vaillancourt lors de leur rencontre du 27 septembre 2005, ainsi que l’intervention du s.é.-m. Delisle auprès de l’insp. Lemyre, confirment cette évaluation.

106 La GRC a informé la plaignante que son refus de travailler ne pouvait pas être considéré comme étant valablement fondé sur le paragraphe 128(1) du Code canadien du travail, car elle n’était pas « au travail » lorsqu’elle l’a formulé.

107 Lors de la rencontre du 27 septembre 2005 avec le s.é.-m. Vaillancourt, la plaignante, en présence du s.é.-m. Delisle, a exprimé qu’elle refusait de retourner au travail « pour sa santé ». Elle n’a pas précisé, en réponse à la question du s.é.-m. Vaillancourt, quelle tâche serait dangereuse pour sa santé. Selon le témoignage de la plaignante, elle considérait que toutes les tâches étaient aggravantes pour sa santé, car la Dre Subak la considérait inapte à travailler.

108 Le refus de travailler de la plaignante n’a pas été accepté par la GRC, qui a signifié à la plaignante le 30 septembre 2005 que ce refus était prématuré, car elle ne connaissait pas les fonctions qui lui auraient été assignées. Sur cette base, la GRC a maintenu son ordre de retour au travail du 22 septembre 2005 et a précisé à la plaignante qu’elle pourrait encourir des mesures disciplinaires ou un renvoi par mesure administrative (pièce P-22). Lors de la signification de cette note de service, la plaignante a informé le s.é.-m. Vaillancourt qu’elle maintenait son refus (pièce P-23).

109 Une autre note de service a été émise par la GRC et signifiée à la plaignante le 2 décembre 2005 (pièce P-24). Cette note de service a été rédigée à la suite des rapports cliniques que la Dre Subak avait remis depuis le 20 septembre, qui recommandaient que la plaignante était inapte à travailler jusqu’au 7 décembre 2005. La demande de congé de maladie pour la période du 9 novembre au 7 décembre 2005 a été refusée. La GRC a précisé qu’elle maintenait l’ordre de retour au travail du 22 septembre 2005 et a réitéré que le défaut de s’y conformer pouvait entraîner des mesures disciplinaires ou un renvoi par mesure administrative (pièce P-24).

110 Le 20 décembre 2005, lors de sa rencontre avec le cap. Mombourquette, la plaignante a exprimé, en présence du s.é.-m. Delisle, qu’elle refusait de retourner au travail « pour ne pas aggraver sa situation médicale » (pièces P-33 et E-64).

111 L’examen d’une plainte fondée sur l’article 147 du Code canadien du travail s’effectue en deux étapes, suivant Brisson et Lequesne. En premier lieu, il faut déterminer si l’employé, en refusant de travailler, avait des motifs raisonnables de croire qu’un danger existait. Si c’est le cas, il faut passer à la deuxième étape, où un employeur doit démontrer que la mesure disciplinaire prise à l’égard de l’employé était motivée par des facteurs légitimes qui ne sont liés d’aucune manière à l’exercice par l’employé de son droit de refus.

112 La plaignante a exprimé son refus de travailler au défendeur à quatre occasions : le 22 septembre 2005 lors de la signification de la note de service; le 27 septembre 2005 lorsqu’elle s’est présentée au bureau de la SEFA à Dorval; lors de la signification de la note de service le 30 septembre 2005; le 20 décembre 2005 lors de la rencontre avec le cap. Mombourquette. Il faut appliquer la procédure d’évaluation déterminée dans Brisson et Lequesne à chacune de ces circonstances.

113 Les alinéas 128(1)b) et c) du Code canadien du travail prévoient qu’un employé « au travail » peut refuser de travailler dans un lieu s’il a des motifs raisonnables de croire qu’il est dangereux pour lui de travailler dans ce lieu ou d’accomplir une tâche s’il a des motifs raisonnables de croire que l’accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé. Les mots « au travail » impliquent nécessairement qu’un employé ne peut pas exercer un droit de refus lorsqu’il n’est pas au travail. En conséquence, le défendeur était bien fondé de ne pas accepter que le refus de travailler exprimé par la plaignante aux sergents Génier et Bissonnette, le 22 septembre 2005, était valablement exercé selon le Code. Cette exigence a cependant été satisfaite par la plaignante lorsqu’elle s’est présentée avec le s.é.-m. Delisle au bureau de la SEFA à Dorval le 27 septembre 2005 pour exprimer son refus de travailler au s.é.-m. Vaillancourt.

114 Au moment de la signification de la note de service, le 22 septembre 2005, la plaignante a précisé qu’elle était incapable de travailler pour cause de maladie. Elle a motivé son refus de travailler de la même façon lors de sa conversation téléphonique et de sa rencontre avec le s.é.-m. Vaillancourt le 27 septembre 2005. En agissant de la sorte, la plaignante a suffisamment motivé son refus au défendeur et a satisfait à l’exigence du paragraphe 128(6) du Code canadien du travail. Je suis en accord avec le principe précisé dans les décisions citées par la plaignante voulant que l’obligation d’un employé est d’informer son employeur en termes généraux des motifs de son refus. La GRC a bien compris que la plaignante refusait de travailler à l’encontre des recommandations de ses médecins, qui l’ont déclarée inapte au travail.

115 La plaignante devait préciser de façon raisonnable et suffisante non seulement le fait que son refus de travailler était fondé sur des craintes pour sa sécurité, mais aussi la nature de ces craintes elles-mêmes selon Green. Les parties conviennent que l’objectif de la procédure du droit de refuser de travailler qui est prévue au Code canadien du travail est de protéger l’employé qui évalue que les circonstances de son travail constituent un danger et de déclencher le processus devant mener à la solution du problème par l’employeur.

116 Dès la signification de la note de service le 22 septembre 2005, le litige entre les parties était clairement identifié et reposait strictement sur des conclusions médicales opposées relativement à la capacité de la plaignante d’effectuer des tâches administratives et sédentaires. Dans le présent dossier, cette relation entre les tâches sédentaires et administratives et le risque de blessure ou de maladie devait être démontrée par la plaignante pour satisfaire à l’exigence qu’elle avait des motifs raisonnables de croire que l’accomplissement de telles tâches constituait un danger. Je suis en accord avec Boivin, qui énonce :

[…]

[147] La lecture de la définition de « danger » m’amène à conclure que, pour qu’on puisse considérer qu’une situation est dangereuse, il faut établir un rapport entre elle et le risque que ce danger cause des blessures à une personne ou la rende malade. Si c’est le cas, l’employeur a l’obligation de corriger la situation avant que l’employé ne retourne au travail. […]

[…]

117 Il n’est pas suffisant d’alléguer tout simplement qu’une personne incapable d’exécuter une tâche spécifique, pour des raisons de maladie, puisse aggraver son état de santé si elle retourne au travail. Pour que son refus de travailler soit bien fondé selon l’article 128 du Code canadien du travail, la plaignante devait démontrer la nature du risque pour sa santé que pouvaient présenter les tâches que voulait lui confier la GRC. Je suis en accord avec Chaney, qui énonce que l’employé doit convaincre la Commission que son refus était fondé sur une crainte véritable liée à la sécurité.

118 La plaignante ne m’a pas démontré qu’elle avait des motifs raisonnables de croire, à la suite de la signification de la note de service le 22 septembre 2005, que les tâches que voulait lui confier la GRC présentaient un danger ou un risque pour sa santé selon les exigences de l’article 128 du Code canadien du travail. En conséquence, la présente plainte ne peut être accueillie pour les refus de travailler exprimés par la plaignante les 22 et 27 septembre 2005.

119 À la suite de la remise de la note de service à la plaignante le 30 septembre 2005 ainsi que de celle du 2 décembre 2005, la plaignante a exprimé qu’elle maintenait son  refus de travailler, sans préciser au défendeur la nature du risque que pouvaient présenter pour sa santé les tâches qui lui seraient assignées. Le litige entre les parties demeure le même relativement à la capacité de la plaignante de retourner au travail. Pour les mêmes motifs que ceux précisés ci-haut, la présente plainte ne peut être retenue pour les refus de travailler exprimés par la plaignante à la suite des notes de service des 30 septembre et 2 décembre 2005, la preuve n’ayant pas été faite qu’elle avait des motifs raisonnables de croire que son retour au travail présentait un risque pour sa santé ou sa sécurité selon l’article 128 du Code canadien du travail.

120 Puisque je conclus que la plaignante n’a pas démontré qu’elle avait des motifs raisonnables de croire qu’un danger existait, il n’est pas nécessaire de passer à la deuxième étape de l’analyse de la plainte et d’évaluer si le défendeur a démontré que quelque mesure disciplinaire était motivée par des facteurs légitimes qui ne sont liés d’aucune manière à l’exercice par la plaignante de son droit de refus.

121 La Commission ne peut pas trancher, sur la base d’une plainte fondée sur l’article 133 du Code canadien du travail, le litige entre les parties en ce qui concerne la capacité de la plaignante d’assumer des tâches sédentaires et administratives. L’article 134 du Code canadien du travail précise les ordonnances que la Commission peut rendre à l’encontre d’un employeur qui a contrevenu à l’interdiction énoncée à l’article 147.

122 La preuve qui m’a été présentée par les parties ne me permet pas de conclure que la plaignante a délibérément exercé ses droits de refus de façon abusive. Bien que la plaignante ait suivi les conseils de son représentant, le s.é.-m. Delisle, rien n’indique qu’elle ait agi de mauvaise foi. Au contraire, elle a fait preuve de prudence en cherchant assistance auprès d’un représentant de l’Association des membres de la Gendarmerie royale du Canada. Elle s’est fiée de bonne foi aux conseils du s.é.-m. Delisle, qui agit comme conseiller auprès des membres de la GRC depuis longtemps. C’est la première fois qu’une plainte fondée sur l’article 133 du Code canadien du travail est déposée devant la Commission par un membre de la GRC et il n’est pas anormal ou de mauvaise foi, en cette circonstance, que les positions de la plaignante, de son représentant et même du défendeur puissent être ambiguës.

123 Lors de l’audience, il a été mentionné que d’autres recours existaient pour régler ce litige par grief, sur la base de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et son règlement. Il est de connaissance générale qu’un litige relatif à l’adaptation des tâches et des modalités d’un retour progressif au travail à la suite d’une incapacité puisse aussi faire l’objet de recours en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6.

124 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

125 La plainte est rejetée.

Le 3 janvier 2008.

Léo-Paul Guindon,
commissaire

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