Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignantes avaient d'abord présenté une demande d'enquête auprès de la Commission de la fonction publique (CFP), mais on les a informées que la CFP n'avait pas compétence en matière de nomination interne. Par la suite, elles ont déposé leurs plaintes devant le Tribunal, accompagnées d’une demande de prorogation. Elles ont fait valoir qu’elles étaient soucieuses des conséquences possibles de leurs plaintes, que la présentation d’une plainte demandait beaucoup d’énergie, et qu’il y avait une certaine confusion entre le recours devant la CFP et le recours devant le Tribunal. L’intimé s’est opposé à la demande de prorogation de délai au motif que les plaignantes n’avaient pas démontré l’existence de circonstances exceptionnelles. Décision : Se référant à des décisions antérieures, le Tribunal a fait remarquer qu’il est important que les parties sachent que les délais doivent être respectés afin d’assurer le bon déroulement de la procédure. Le délai de présentation d’une plainte est un délai de rigueur. Le Tribunal peut le proroger par souci d’équité, mais la prorogation n’est pas automatique. Il incombait aux plaignantes de démontrer qu’elles avaient une raison exceptionnelle justifiant le retard. Les raisons fournies par ces dernières pour justifier la demande de prorogation de délai ne constituaient pas des circonstances exceptionnelles. Le dépôt d’une plainte hors délai ou devant une institution non compétente ne pouvait être considéré comme un vice de forme ou de procédure susceptible de correction. Le Tribunal a précisé d’autre part que la législation n’indique nulle part que les délais de présentation de plainte puissent être suspendus en cas de dépôt d’une plainte devant une institution non compétente. Demande rejetée.

Contenu de la décision

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Dossiers:
2007-0097, 0115 et 0116
Rendue à:
Ottawa, le 30 avril 2007

MICHELINE LARIVIÈRE, FRANCE MARCOUILLER ET CÉLINE MCDUFF
Plaignantes
ET
LE SOUS-MINISTRE, SANTÉ CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Demande de prorogation de délai
Décision:
La demande est rejetée
Décision rendue par:
Francine Cabana, membre
Langue de la décision:
Français
Répertoriée:
Larivière et al. c. Sous-ministre, Santé Canada et al.
Référence neutre:
2007 TDFP 0019

Motifs de la décision

Introduction

1 Le 5 mars 2007, les plaignantes, Mmes Micheline Larivière, France Marcouiller et Céline McDuff,ont demandé une prorogation de délai pour présenter des plaintes auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP). Les plaintes portent sur cinq propositions de nominations aux postes d’adjointe administrative, de niveau AS‑01, à durée indéterminée, au sein du Ministère de la Santé (numéro de processus 06–NHW–MT–IA–015). L’intimé est le sous-ministre, Santé Canada.

2 Le 23 mars 2007, l’intimé s’est objecté aux demandes de prorogation de délai pour déposer les plaintes.

3 Conformément à l’article 8 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6, (le Règlement du TDFP), ces trois plaintes ont été regroupées.

Contexte

4 Le 24 octobre 2006, les plaignantes ont reçu un avis de proposition de nomination par courriel les informant des propositions de nominations et de leur droit de recours.

5 Sur l’avis de proposition de nomination, aucune date limite précise n’apparaît quant à la présentation d’une plainte. Toutefois, il est indiqué que la plainte au Tribunal doit être présentée dans un délai de « 15 jours civils du présent avis ».

6 Le 12 janvier 2007, les plaignantes ont présenté une plainte auprès de la Commission de la fonction publique (CFP) demandant de procéder à une enquête sur le processus de nomination en question.

7 Le 1er février 2007, la CFP a répondu par écrit aux plaignantes qu’elle n’avait pas compétence en matière de dotation dans le cadre d’un processus de nomination interne. La CFP a informé les plaignantes que les plaintes concernant un processus de nomination interne devaient être présentées au Tribunal.

8 Le 28 février 2007, les plaignantes ont alors fait parvenir leurs plaintes ainsi que leurs demandes de prorogation au Tribunal.

Questions en litige

9 Les questions auxquelles doit répondre le Tribunal sont les suivantes :

  1. Les plaintes ont-elles été présentées hors délai ?
  2. Le fait de présenter des plaintes auprès d’une institution qui n’est pas l’autorité compétente permet-il de suspendre le délai prescrit à l’article 10 du Règlement du TDFP ?
  3. Le Tribunal devrait-il utiliser son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 5 du Règlement du TDFP pour accorder la demande de prorogation relative à la présentation des plaintes ?

Observations des parties

Observations des plaignantes

10 Les plaignantes soutiennent que de choisir de recourir au syndicat pour présenter une plainte auprès du Tribunal est un « pensez-y bien » compte tenu des conséquences indirectes possibles.

11 De plus, la présentation d’une plainte demande beaucoup d’énergie. Les plaignantes soutiennent qu’elles n’avaient pas cette énergie au moment où elles ont appris qu’elles n’étaient pas qualifiées. Elles étaient amèrement déçues des résultats et ont conservé le silence quelques jours, voire quelques semaines.

12 Par ailleurs, les plaignantes soulèvent la confusion entre le recours à la CFP et le recours au Tribunal.

Observations de l’intimé

13 L’intimé s’oppose à la demande de prorogation des délais puisque les raisons fournies par les plaignantes ne sont pas exceptionnelles. Les plaignantes n’ont pas rencontré leur fardeau de preuve pour justifier leur retard.

14 De plus, l’intimé fait valoir que l’ignorance de la LEFP ou l’erreur ne peuvent être acceptées afin de justifier la prorogation des délais.

15 L’intimé demande donc au Tribunal de rejeter la plainte faute de compétence puisque les plaintes auraient été présentées hors des délais prévus par le Règlement du TDFP.

Analyse

Question I: Les plaintes ont-elles été présentées hors délai ?

16 L’article 10 du Règlement du TDFP est rédigé comme suit :

10. La plainte est présentée au Tribunal au plus tard quinze jours après la date :

a) où l’avis de mise en disponibilité, de révocation, de nomination ou de proposition de nomination en faisant l’objet été reçu;

b) figurant sur l’avis, s’il s’agit d’un avis public.

17 Le 24 octobre 2006, l’avis de nomination proposée a été communiqué aux plaignantes par l’entremise d'un courriel. Le Tribunal, dans la décision MacDonald c. L’administrateur général de Service Canada et als., [2006] TDFP 0002, a clairement énoncé que le délai pour déposer une plainte est un délai de rigueur selon l’article 10 du Règlement du TDFP. Le Tribunal y a indiqué :

[6] Comme l’a déterminé la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Allard c. Canada (Commission de la fonction publique), [1982] 1 C.F. 432 et Lalancette c. Canada (Comité d'appel de la commission de la fonction publique), [1982] 1 C.F. 435, le délai pour déposer une plainte est un délai de rigueur. (…) Toutefois, selon la Cour fédérale dans Lalancette, supra, il semble équitable de considérer qu’une plainte a été déposée en vertu de l’article 10 du Règlement dès que la plainte est mise à la poste, si l’on peut facilement prouver la date d’envoi.

18 Dans les cas qui nous occupent, les plaignantes ont envoyé leurs plaintes le 28 février 2007 en utilisant le service postal « Xpresspost ». Le cachet postal permet de prouver que la date d’envoi est le 28 février 2007.

19 Par conséquent, le Tribunal conclut que les plaintes ont été présentées le 28 février 2007, soit hors du délai de 15 jours civils prévu à l’article 10 du Règlement du TDFP. Les plaintes sont donc présentées un peu plus de quatre mois après la date limite.

Question II: Le fait de présenter une plainte auprès d’une institution qui n’est pas l’autorité compétente permet-il de suspendre le délai prescrit à l’article 10 du Règlement du TDFP ?

20 L’avis de nomination proposée, qui a été communiqué aux plaignantes, indique clairement que la LEFP accorde le droit de présenter une plainte au Tribunal. Les informations nécessaires à la présentation d’une plainte sont également fournies aux plaignantes. Il n’y a donc aucune confusion dans l’avis acheminé par l’intimé.

21 Il est à noter que les plaignantes ont déposé leurs plaintes à la CFP, le 12 janvier 2007, soit plusieurs mois après le 24 octobre 2006, date à laquelle l’avis de notification leur a été transmis. Le 1er février 2007, la CFP a informé les plaignantes qu’elle n’avait pas compétence pour enquêter sur leur plainte. Toutefois, ce n’est que le 28 février 2007 qu’elles ont déposé leurs plaintes au Tribunal.

22 Le Tribunal a déjà traité d’une question similaire dans la décision Suàrez c. Sous-ministre des Ressources humaines et Développement social Canada et al., [2007] TDFP 0008. Le Tribunal a conclu que rien n’est indiqué dans la LEFP qui permettrait de suspendre l’application des échéances relatives à la présentation de plaintes auprès du Tribunal dans les cas où une plainte est présentée auprès d’une institution qui n’est pas l’autorité compétente, notamment la CFP. Le Tribunal a également déterminé que la présentation d’une plainte hors délai ou auprès d’une institution qui n’est pas l’autorité compétente, ne pouvait être considérée comme un vice de forme ou de procédure.

23 Par conséquent, puisque le respect du délai de présentation d’une plainte n’est pas une question de forme ou de procédure qui peut être corrigée en vertu de l’article 9 du Règlement du TDFP, mais qu’il s’agit plutôt du respect d’un délai de rigueur, le Tribunal conclut que la présentation des plaintes auprès de la CFP n’est pas conforme au Règlement du TDFP. En conséquence, les délais énoncés à l’article 10 du Règlement du TDFP ne sont pas suspendus.

Question III: Le Tribunal devrait-il utiliser son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 5 du Règlement du TDFP pour accorder la demande de prorogation relative à la présentation des plaintes ?

24 L’article 5 du Règlement du TDFP est ainsi rédigé :

5. Le Tribunal peut, par souci d’équité, proroger tout délai prévu par le présent règlement.

25 Tel qu’indiqué dans la décision MacDonald, supra, le délai pour présenter une plainte selon l’article 10 du Règlement du TDFP est un délai de rigueur. Le Tribunal peut toutefois proroger ce délai conformément à l’article 5 du Règlement du TDFP. Par contre, cette prorogation n’est pas automatique et les plaignantes doivent pouvoir démontrer qu’elles ont une raison exceptionnelle pour justifier le retard. Dans la décision Casper c. Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration et al., [2006] PSST 0010. Le Tribunal a énoncé ce qui suit :

22 Il est important que les parties sachent que les délais doivent être respectés pour que la procédure se déroule convenablement. Par souci d’équité, le Tribunal peut proroger des délais stricts de présentation d’une plainte. La plaignante a le fardeau de fournir les motifs relatifs à la demande de prorogation. À moins de circonstances exceptionnelles, le Tribunal n’accordera pas de prorogation.

26 Les motifs invoqués par les plaignantes pour justifier leurs demandes de prorogation peuvent être résumés ainsi: premièrement, elles soutiennent qu’elles étaient craintives quant aux conséquences possibles si elles présentaient des plaintes, et, deuxièmement, elles soutiennent que la présentation d’une plainte au Tribunal demandait beaucoup d’énergie, ce qu’elles n’avaient pas au moment où elles ont appris qu’elles n’étaient pas qualifiées. Enfin, elles font valoir la confusion entre le recours prévu à la CFP et le recours prévu au Tribunal.

27 Les plaignantes ne fournissent aucun autre motif pouvant justifier le long laps de temps qui s’est écoulé entre le 24 octobre 2006, date à laquelle l’avis de nomination proposée leur a été communiqué, et le 28 février 2007, date à laquelle elles ont présenté leurs plaintes auprès du Tribunal.

28 Le Tribunal ne peut accepter les raisons fournies par les plaignantes pour prolonger le délai prévu à l’article 10 du Règlement du TDFP puisqu’il ne s’agit pas de raisons exceptionnelles. Le Tribunal n’exercera donc pas son pouvoir discrétionnaire pour accorder la demande de prorogation relative à la présentation des plaintes.

Décision

29 Pour tous ces motifs, le Tribunal rejette la demande de prorogation. En conséquence, les plaintes sont rejetées.

Francine Cabana

Membre

Parties au dossier

Dossiers du Tribunal:
2007-0097, 0115 et 0116
Intitulé de la cause:
Larivière et al. et le Sous-ministre, Santé Canada et al.
Audience:
Demande écrite; décision prise sans comparution des parties
Date des motifs:
Le 30 avril 2007
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