Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’intimé a soutenu que les plaignants ne jouissaient pas d’un droit de recours puisqu’ils n’avaient pas participé à un processus de nomination interne. Il a ajouté que les plaignants étaient des employés occasionnels et qu’ils ne pouvaient pas de ce fait se porter candidats dans le processus de nomination interne annoncé. Les plaignants avaient posé leur candidature dans le processus de nomination externe. Les plaignants ont reconnu s’être portés candidats dans le processus externe mais à titre d’employés occupant un poste à durée déterminée et non pas en qualité d’employés occasionnels. Décision : Le retard dans la présentation n’avait pas d’incidence sur la requête car le Tribunal n’avait pas rendu de décision sur celle-ci avant la réception de la réponse des plaignants. De plus, le Tribunal était convaincu que le retard (de quelques jours seulement) n’avait causé aucun préjudice à l’intimé. Rendre une décision sur cette requête sans examiner la réponse des plaignants aurait été contraire au principe du droit administratif selon lequel les parties ont le droit de se faire entendre. Le Tribunal a établi que les plaignants ne jouissaient pas d’un droit de recours vu qu’ils ne s’étaient pas portés candidats dans un processus de nomination interne. Ils pouvaient déposer un recours devant la Commission de la fonction publique, l’institution investie des pouvoirs d’enquête dans les processus de nomination externe. Demande de rejet accordée. Plaintes rejetées pour défaut de compétence.

Contenu de la décision

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Dossiers:
2007-0190 et 0196
Rendue à:
Ottawa, le 11 juillet 2007

JOSÉE ST-PIERRE ET PIERRE LÉTOURNEAU
Plaignants
ET
LE SOUS-MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Détermination de la compétence
Décision:
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par:
Francine Cabana, membre
Langue de la décision:
Français
Répertoriée:
St-Pierre et Létourneau c. Sous-ministre de la Défense nationale et al.
Référence neutre:
2007 TDFP 0032

Motifs de la décision

Introduction

1 Le 8 mai 2007, l’intimé, le Sous-ministre de la Défense nationale, a demandé que le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) rejette les plaintes présentées en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP), puisque les nominations auraient eu lieu à la suite d’un processus de nomination externe.

2 En vertu des dispositions de l’article 8 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6, (le Règlement du TDFP), le Tribunal a regroupé les plaintes des dossiers 2007-0190 et 2007-0196.

Contexte

3En mai 2006, l’intimé a initié un processus de nomination interne annoncé afin de combler des postes de magasiniers, de groupe et niveau GS-STS-03, au 202e Dépôt d’Ateliers à Montréal, Québec (numéro de processus 06‑DND‑MTL‑IA-047906). Conjointement à ce processus de nomination interne, un processus de nomination externe a également été tenu (numéro de processus 06‑DND‑MNTRL-EA-054204).

4 La période d’emploi à durée déterminée des plaignants a pris fin le 31 mars 2006. Les plaignants ont été réembauchés le 19 juin 2006. Entre le 31 mars et le 19 juin 2006, le ministère a affiché l’avis de processus de nomination interne. La date de clôture était le 18 mai 2006. La seule possibilité qui s’offrait donc aux plaignants était de postuler sur le processus de nomination externe.

5 Les plaignants ont subi les différentes étapes de sélection du processus de nomination externe, mais n’ont pas été nommés ni fait l’objet d’une proposition de nomination puisqu’ils ne possédaient pas toutes les qualifications essentielles pour le poste de magasinier.

6 Le 25 avril 2007, les plaignants ont présenté leurs plaintes en vertu de l’article 77 de la LEFP. Ils citent sur leur formulaire de plainte le numéro de processus 06-DND-MTL-IA-047906, soit le numéro du processus de nomination interne annoncé.

7 La procédure du Tribunal prévoit qu’à la réception d’une requête, une partie qui veut y répondre, a cinq jours pour envoyer ses commentaires par écrit. Suite à la demande de rejet des plaintes de l’intimé en date du 8 mai 2007, les plaignants avaient jusqu’au 14 mai 2007 pour faire parvenir leurs commentaires par écrit. Le représentant des plaignants a fourni leurs arguments au Tribunal le 23 mai 2007, neuf jours suivant la date prévue. Le 23 mai 2007, le greffe du Tribunal a rappelé au représentant des plaignants qu’il devait demander une prorogation de délais afin de présenter les arguments, ce qu’il n’a toujours pas fait à ce jour.

Questions en litige

8 Les questions auxquelles doivent répondre le Tribunal sont les suivantes :

  1. Le Tribunal peut-il proroger les délais pour la présentation de l’argumentation des plaignants ?
  2. Les plaignants jouissent-ils d’un droit de recours en vertu du paragraphe 77(1) de la LEFP?

Argumentation des parties

A) Argumentation de l’intimé

9 Selon l’intimé, les plaignants sont des employés à statut occasionnel. Ils ne pouvaient donc poser leur candidature au processus de nomination interne annoncé. Les plaignants ont posé leur candidature au processus de nomination externe.

10 L’intimé soutient que les plaignants ne jouissent pas d’un droit de recours en vertu de l’article 77 de la LEFP puisqu’ils n’ont pas participé à un processus de nomination interne. Ils ne faisaient pas partie de la zone de recours, ayant participé à un processus de nomination externe pour lequel il n’existe pas de droit de recours devant le Tribunal.

B) Argumentation des plaignants

11 Les plaignants admettent qu’ils ont porté leurs candidatures sur le processus externe mais à titre d’employés à durée déterminée et non pas à titre d’employés à statut occasionnel.

12 Les plaignants argumentent qu’ils ont été induits en erreur et que le ministère a agi de façon à favoriser les personnes nommées par voie de processus de nomination interne, notamment, en procédant à un processus de nomination interne pendant la période où les plaignants ont été mis en disponibilité, soit du 31 mars au 19 juin 2006. Les employés dont la nomination a été proposée n’ont pas fait l’objet d’une mise en disponibilité bien qu’ils soient aussi des employés à durée déterminée.

Analyse

Question I: Le Tribunal peut-il proroger les délais pour la présentation de l’argumentation des plaignants ?

13 Le représentant des plaignants a fourni les arguments au Tribunal tardivement et n’a pas demandé de prorogation de délais tel que le Tribunal l’avait requis. Le Tribunal doit donc déterminer s’il tient compte des arguments des plaignants.

14 Le Tribunal est maître de sa procédure, comme l’indique l’article 27 du Règlement du TDFP. Le Tribunal reçoit un nombre considérable de requêtes et pour en accélérer le traitement, il a adopté une règle de procédure selon laquelle, une partie qui veut répondre à une requête a cinq jours pour envoyer ses commentaires par écrit. Cette règle de procédure apparaît maintenant dans la 2e édition du Guide de procédures, disponible sur le site Web du Tribunal.

15 Selon cette règle de procédure et sans aucun autre avis, si le Tribunal ne reçoit pas de commentaires dans le délai de cinq jours ou une demande de prorogation de ce délai, il rendra sa décision sur la base de l’information reçue.

16 Par ailleurs, l’article 5 du Règlement du TDFP permet au Tribunal, par souci d’équité, de proroger les délais prévus au Règlement du TDFP. Le Tribunal peut également proroger les délais qu’il a lui-même instauré dans sa propre procédure, s’il est convaincu que cela favorise l’équité du processus.

17 En l’espèce, le retard de neuf jours dans la présentation n’a pas d’incidence en soi sur la requête car le Tribunal n’a pas rendu de décision sur celle-ci avant la réception de la réponse des plaignants. De plus, le Tribunal est convaincu que le retard n’a causé aucun préjudice à l’intimé car ce retard n’est que de quelques jours.

18 Rendre une décision sur cette requête sans considérer la réponse transmise par les plaignants serait contraire au principe bien établi en droit administratif selon lequel les parties ont le droit d’être entendu. Cette règle de justice naturelle est aussi connue sous le nom de audi alteram partem. Par conséquent, le Tribunal tiendra compte des arguments des plaignants.

19 Néanmoins, le Tribunal aimerait souligner que l’information sur les procédures est disponible sur le site Web et que le Tribunal s’attend à ce que les plaignants et les représentants soient au fait de celles-ci. Par ailleurs, le Tribunal note que le représentant des plaignants, en ne respectant pas la directive claire du Tribunal de demander de prorogation de délai, a fait preuve d’insouciance. Les délais, qu’ils soient réglementaires ou autres, doivent être respectés. Les parties ne doivent pas s’attendre à ce que le Tribunal proroge automatiquement les délais.

Question II: Les plaignants jouissent-ils d’un droit de recours en vertu du paragraphe 77(1) de la LEFP?

20 Le paragraphe 77(1) de la LEFP accorde un droit de recours à une personne qui n’est pas nommée ou n’a pas fait l’objet d’une proposition de nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne. Le paragraphe 77(1) se lit comme suit :

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes : (…)

(Nos italiques)

21 Le Tribunal est d’avis que les plaignants ne jouissent pas d’un droit de recours en vertu du paragraphe 77(1) de la LEFP puisqu’ils n’ont pas posé leurs candidatures à un processus de nomination interne. Le paragraphe 2(1) de la LEFP définit un « processus de nomination interne de la façon suivante : « Processus de nomination dans lequel seules peuvent être prises en compte les personnes employées dans la fonction publique ». Pour la période comprise entre le 31 mars et le 19 juin 2006, les plaignants n’étaient pas des personnes employées dans la fonction publique. En conséquence, ils ne font pas partie de la zone de recours. Les plaignants ont plutôt participé à un processus de nomination externe pour lequel il n’existe pas de droit de recours en vertu de l’article 77 de la LEFP.

22 En effet, il ressort clairement à la lecture du paragraphe 77(1) de la LEFP que la compétence du Tribunal se limite à la nomination ou proposition de nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne. Le Tribunal en a d’ailleurs traité dans la décision Robillard c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada et al., [2007] TDFP 0015.

23 Les plaignants ayant participé à un processus de nomination externe, la LEFP ne prévoit pas de recours devant le Tribunal. Cependant il est prévu à l’article 66 de la LEFP que la CFP peut faire enquête. L’article 66 se lit comme suit :

66. La Commission peut mener une enquête sur tout processus de nomination externe; si elle est convaincue que la nomination ou la proposition de nomination n’a pas été fondée sur le mérite ou qu’une erreur, une omission ou une conduite irrégulière a influé sur le choix de la personne nommée ou dont la nomination est proposée, la Commission peut :

a) révoquer la nomination ou ne pas faire la nomination, selon le cas;

b) prendre les mesures correctives qu’elle estime indiquées.

(Nos italiques)

24 Les plaignants pouvaient donc s’adresser à la CFP en vertu de l’article 66 de la LEFP puisque la CFP est l’institution investie des pouvoirs d’enquête dans le cadre d’un processus de nomination externe.

Décision

25 Pour tous ces motifs, la demande de rejet est accordée. En conséquence, les plaintes sont rejetées faute de compétence du Tribunal.

Francine Cabana

Membre

Parties au dossier

Dossiers du Tribunal:
2007-0190 et 0196
Intitulé de la cause:
St-Pierre et Létourneau et le Sous-ministre de la Défense nationale et al.
Audience:
Demande écrite; décision rendue sans comparution des parties
Date des motifs:
Le 11 juillet 2007
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