Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Selon la plaignante, en cas de mise en disponibilité imminente d’un fonctionnaire, l’intimé doit démontrer que cette décision découle d’un manque de travail, de la suppression d’une fonction ou de la cession du travail ou de la fonction à l’extérieur de l’administration fédérale. La plaignante a déclaré qu’elle occupait un poste particulier, qui consistait entre autres à fournir du soutien à d’autres secteurs de l’administration. Elle a ajouté que le passage << dans les cas où certains des fonctionnaires >> sont informés de leur mise en disponibilité pourrait se rapporter à une seule personne. L’intimé a fait valoir qu’il n’y avait eu aucune mise en disponibilité; que le poste de la plaignante a été déclaré excédentaire; qu’elle s’était vu accorder le statut de fonctionnaire excédentaire et avait reçu une offre d’emploi raisonnable. L’intimé a également présenté l’argumentation suivante. Pour que la plainte fût valide, certains fonctionnaires - mais pas tous - d’une partie de l’administration devaient recevoir un avis et certains autres devaient faire l’objet d’un processus de mise en disponibilité. Vu la particularité du poste de la plaignante, on ne saurait affirmer que cette dernière avait été choisie parmi d’autres fonctionnaires. La plaignante ne pouvait contester la décision de mise en disponibilité, ni la détermination de la partie de l’administration où avait lieu la mise en disponibilité, ni le nombre de fonctionnaires mis en disponibilité. Décision : Le Tribunal a conclu que les circonstances en l’espèce ne donnaient pas lieu à un droit de recours car la plaignante n'avait pas été choisie parmi d'autres fonctionnaires occupant un poste semblable ou exécutant des fonctions similaires. Étant donné que le Tribunal n’avait pas compétence pour instruire la plainte et statuer sur elle, il ne s’est pas prononcé sur le fond. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier:
2006-0230
Rendue à:
Ottawa, le 20 novembre 2007

SHELLEY MOLANDER
Plaignante
ET
LE COMMISSAIRE DE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir en vertu du paragraphe 65(2) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Helen Barkley, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Molander c. Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada et al.
Référence neutre:
2007 TDFP 0042

Motifs de la décision

Introduction

1 Le 6 novembre 2006, la plaignante, Shelley Molander, a présenté une plainte au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu du paragraphe 65(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP), car elle estime avoir été choisie aux fins de mise en disponibilité en raison d’un abus de pouvoir.

Contexte

2 Le 23 octobre 2006, la plaignante a été avisée par écrit que son poste de chef de bureau (AS‑02) au sein de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC) à Regina (Saskatchewan) avait été déclaré excédentaire en raison de la suppression d’une fonction et qu’elle se verrait accorder le statut de fonctionnaire excédentaire à partir du 30 octobre 2006. La plaignante a également été informée qu’elle pourrait faire l’objet d’une mise en disponibilité.

3 La plaignante s’est vu offrir le poste de coordonnatrice du SIGRH (AS‑02) au sein de la GRC à Regina (Saskatchewan) le 3 novembre 2006. Elle a accepté ce poste, ce qui a mis fin à son statut de fonctionnaire excédentaire. La plaignante a présenté une plainte au Tribunal car elle estime que la décision du gestionnaire délégataire de l’intimé, le commissaire de la GRC, de la mettre en disponibilité constituait un abus de pouvoir.

4 Avant la tenue de l’audience, l’intimé a tenté de faire rejeter la plainte au motif que le Tribunal n’avait pas compétence pour instruire celle-ci. Plusieurs jours avant l’audience prévue, l’intimé a demandé que le Tribunal tienne une audience à deux volets. Il a également demandé que sa première objection en ce qui a trait à la compétence du Tribunal soit traitée séparément avant l’instruction de la plainte sur le fond.

5 Le Tribunal a rejeté la demande visant à faire séparer l’audience, pour deux motifs. Premièrement, aux termes du paragraphe 98(1) de la LEFP, le Tribunal est tenu d’instruire les plaintes avec célérité. Si l’audience avait été séparée en deux volets, les parties, leurs représentants et le Tribunal auraient probablement été amenés à effectuer plus de déplacements, à engager des frais supplémentaires et à consacrer plus de temps à l’affaire. Deuxièmement, il s’agissait de la première audience portant sur une plainte présentée en vertu du paragraphe 65(1) de la LEFP, et le Tribunal a déterminé qu’il était important de statuer sur la question de compétence dans le contexte global de la plainte.

6 L’audience a eu lieu à Regina (Saskatchewan) les 23 et 24 août 2007. Deux témoins qui avaient présenté un affidavit ont été contre-interrogés au cours d’une téléconférence qui s’est déroulée le 6 septembre 2007. Après la tenue de l’audience, les parties ont fourni par écrit leur argumentation sur le fond de la plainte. Le Tribunal a reçu l’argumentation finale le 3 octobre 2007.

Résumé des éléments de preuve pertinents

7 La plaignante a expliqué en détail les circonstances qui l’ont amenée à recevoir un avis indiquant que son poste avait été déclaré excédentaire et qu’elle pourrait faire l’objet d’une mise en disponibilité. La plaignante a commencé à travailler au Bureau de perfectionnement professionnel et de répartition des ressources de la GRC de Regina (BPPRR de Regina) en 2000, à titre de commis au recrutement. En février 2003, la plaignante a été retenue dans le cadre d’un concours visant la dotation d’un poste de groupe et niveau CR‑05. Elle a alors assumé la supervision des fonctionnaires du bureau. Par la suite, le poste de la plaignante a évolué pour englober des fonctions de coordination des activités au sein du bureau et de prestation de soutien à l’officier responsable. De plus, le recrutement est devenu une priorité à l’échelle nationale, particulièrement dans la région du Nord-Ouest. La plaignante a participé activement au recrutement de nouveaux membres autochtones au sein de la GRC. En novembre 2005, son poste a été reclassifié aux groupe et niveau AS‑02, et ce changement a été antidaté au 1er avril 2004.

8 Le 1er décembre 2005, l’inspecteur Paul Dowden a été nommé au poste d’officier responsable au BPPRR de Regina. La plaignante a affirmé que l’atmosphère du bureau a commencé à changer dès l’arrivée de l’inspecteur Dowden. Deux ou trois semaines plus tard, la plaignante perdait le pouvoir de signature qu’elle possédait en vertu de l’article 34 de la Loi sur la gestion des finances publiques. Au cours d’une réunion de l’unité en mars 2006, l’inspecteur Dowden a informé les fonctionnaires que la plaignante ne serait plus leur superviseure, mais qu’ils relèveraient désormais du s.é.-m. Fotteringham. Lorsque la plaignante a voulu discuter des rôles et des responsabilités, l’inspecteur Dowden lui a simplement fait savoir qu’il lui donnerait des directives. Au cours d’une réunion avec les Services de santé, l’inspecteur Dowden a décrit les fonctionnaires comme des « ronds-de-cuir ». À une autre occasion, il a affirmé que des études avaient démontré que les fonctionnaires travaillaient seulement 50 p. 100 du temps. La plaignante a trouvé ces commentaires très insultants. De plus, l’inspecteur Dowden s’est adressé à elle de façon méprisante à plusieurs reprises.

9 Avant l’arrivée de l’inspecteur Dowden au BPPRR de Regina, la plaignante avait collaboré à un projet nommé « Recruter pour le futur », une initiative de recrutement d’Autochtones au sein de la GRC. Étant donné que l’inspecteur Dowden estimait qu’il n’était pas approprié qu’une personne n’étant pas membre de la GRC participe au projet, il a demandé à la plaignante de s’en retirer.

10 En février 2006, l’inspecteur Dowden a informé le s.é.‑m. Coutts que le poste de la plaignante n’était plus nécessaire.

11 En juin 2006, on a demandé à la plaignante de faire partie d’une équipe de transition chargée de transférer la fonction de recrutement afin que celle-ci relève d’un nouveau centre régional de traitement des demandes de recrutement plutôt que du BPPRR de Regina. La plaignante a donc exercé un rôle administratif dans le cadre duquel elle élaborait des organigrammes, des analyses de rentabilisation aux fins de financement et des descriptions de travail pour le nouveau centre régional. Toutefois, elle devait également continuer d’accomplir ses tâches courantes au BPPRR de Regina, sous les ordres de l’inspecteur Dowden. À cette époque, il n’y avait aucun commis de dotation au BPPRR de Regina. Un échelon supérieur avait été ajouté aux postes de la GRC et le traitement des évaluations du rendement devait être effectué en priorité. La plaignante était littéralement « submergée » de travail à son poste du BPPRR de Regina. Peu de temps après, son poste a été déclaré excédentaire. La plaignante ne comprenait pas que son poste puisse être déclaré excédentaire dans un contexte où il y avait une charge de travail importante à assumer.

12 Compte tenu des préoccupations relatives au conflit qui avait éclaté au BPPRR de Regina, la direction a demandé qu’une évaluation des besoins du groupe soit effectuée en juillet 2006. La plaignante a participé à cette évaluation. Selon elle, la direction a décidé de ne pas publier le rapport à l’issue de l’évaluation en raison de sa teneur trop négative. La direction a plutôt commandé la préparation d’un autre rapport, portant cette fois-ci sur l’examen de la gestion.

13 La plaignante a affirmé que son poste avait été déclaré excédentaire parce que l’inspecteur Dowden cherchait à se défaire d’elle. Ses tâches n’avaient pas changé et il y avait une lourde charge de travail.

14 Le surintendant principal Garry Jay, agent des ressources humaines, Région du Nord-Ouest, GRC, a présenté les éléments de preuve suivants au nom de l’intimé. Il a indiqué que son unité était responsable du perfectionnement professionnel et du ressourcement des membres réguliers et des membres civils de la GRC ainsi que des fonctionnaires qui travaillent pour l’organisation au Nunavut, dans les Territoires du Nord-Ouest, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba et à l’École de la GRC à Regina. Le surintendant principal était chargé d’élaborer une stratégie visant à combler les besoins grandissants en matière de recrutement de membres réguliers et civils, ainsi que les besoins en formation des nouveaux membres. Dans le cadre de cette stratégie, il fallait établir un centre régional de traitement des demandes de recrutement et prendre des mesures proactives pour favoriser le recrutement de membres.

15 Une fois l’approbation reçue, un centre de traitement des demandes de recrutement a été créé à Regina en juin 2006. Le BPPRR de Regina a continué de s’occuper de la dotation et de la formation des fonctionnaires, de la formation des membres réguliers et civils et de la gestion professionnelle. Toutefois, étant donné que tout le recrutement devait s’effectuer au centre de traitement des demandes de recrutement, quatre postes de groupe et niveau CR‑04 y ont été transférés à partir du BPPRR de Regina, ce qui a mis fin aux fonctions de supervision associées au poste de chef de bureau du BPPRR de Regina. Les autres tâches liées à ce poste ont été examinées aux fins de classification et ont été classifiées aux groupe et niveau CR‑04.

16 En ce qui a trait aux préoccupations exprimées par la plaignante, le pouvoir de signature en matière de finances a été retiré à cette dernière peu de temps après l’arrivée de l’inspecteur Dowden au bureau de Regina. Le surintendant principal Jay a expliqué que cette situation s’expliquait par l’importance accrue accordée à la responsabilité de gestion au sein de la GRC. Les structures de responsabilisation de tous les bureaux ont fait l’objet d’une nouvelle évaluation et, dans ce cas précis, l’officier responsable était la personne la mieux placée pour exercer ce pouvoir financier.

17 Le surintendant principal Jay était au courant des rumeurs de conflit qui circulaient à propos du BPPRR de Regina, mais aucune plainte officielle n’avait été déposée. Il a décidé de mener une enquête à cet égard et a donc demandé qu’une évaluation des besoins de groupe soit effectuée en juin 2006. Il voulait particulièrement savoir s’il y avait des questions de harcèlement en cause et s’il fallait mener une enquête sur un cas de harcèlement. Beaucoup de gens ont rapporté des ouï‑dire et ont signalé des commentaires inappropriés ou vulgaires. Toutefois, aucune preuve concrète n’a été présentée et personne n’a formulé d’allégations de harcèlement au surintendant principal. Ce dernier a donc décidé de demander la tenue d’un examen de la gestion axé sur les questions de leadership, de relations interpersonnelles et de harcèlement.

18 À titre de gestionnaire délégataire, le surintendant principal Jay avait été informé des changements qui devaient être apportés au poste de chef de bureau et était satisfait du processus qui avait été mené en vue de l’examen. Il a ensuite déterminé que le poste de groupe et niveau AS‑02 était excédentaire. Il s’agissait du seul poste AS‑02 au BPPRR de Regina.

19 Le surintendant principal a attesté qu’il avait signé la lettre adressée à la plaignante dans laquelle celle‑ci était informée que son poste était déclaré excédentaire. Toutefois, il n’a jamais eu l’intention de mettre la plaignante en disponibilité, car il connaissait l’existence d’au moins trois possibilités d’emploi aux groupe et niveau AS‑02 au sein de la GRC à Regina. Le surintendant principal Jay était convaincu que la plaignante recevrait une offre d’emploi raisonnable à l’intérieur de la période de statut de fonctionnaire excédentaire. Son intention était donc simplement d’aviser la plaignante de son statut de fonctionnaire excédentaire et de lui fournir la garantie d’une offre d’emploi raisonnable.

20 Katherine Kesslering, gestionnaire, Perfectionnement professionnel de la fonction publique, GRC, a indiqué qu’elle avait préparé une lettre d’offre en date du 1er novembre 2006 dans laquelle Mme Molander se voyait offrir le poste de coordonnatrice du SIGRH (groupe et niveau AS‑02) à compter du 6 novembre 2006. La plaignante a signé cette lettre le 3 novembre 2006, confirmant ainsi qu’elle acceptait le poste. Mme Kesslering a affirmé que la plaignante a toujours été considérée comme une employée de la GRC et qu’il n’y avait eu aucune interruption de service ni perte de salaire.

Question préliminaire - compétence

21 L’intimé a soulevé une objection préliminaire quant à la question de la compétence du Tribunal, pour les motifs suivants : premièrement, aucune mise en disponibilité n’a eu lieu; deuxièmement, la plaignante n’a pas été choisie parmi d’autres employés; troisièmement, l’objet de la plainte est expressément exclu par le paragraphe 65(2) de la LEFP.

Questions en litige

22 Le Tribunal doit répondre aux questions suivantes :

23 Le Tribunal a-t-il compétence pour instruire la plainte et statuer sur elle en vertu du paragraphe 65(1) de la LEFP?

24 Dans l’affirmative, le choix de la plaignante aux fins de mise en disponibilité constitue-t-il un abus de pouvoir?

Argumentation des parties concernant la question préliminaire ‑ compétence

A) Argumentation de l’intimé

25 L’intimé soutient qu’il n’y a pas eu de mise en disponibilité, pas plus que la plaignante n’a été informée qu’elle serait mise en disponibilité. L’intimé affirme qu’aucune définition de la mise en disponibilité n’est fournie dans la LEFP ni dans le Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, DORS/2005‑334 (le REFP). Toutefois, les dispositions relatives à la mise en disponibilité contenues dans la LEFP et dans le REFP doivent être lues conjointement avec l’article 5 du REFP, qui traite de la priorité de fonctionnaire excédentaire.

26 Selon l’intimé, le poste de la plaignante a été déclaré excédentaire, celle-ci s’est vu accorder le statut de fonctionnaire excédentaire et, en l’espace d’une semaine, elle a reçu une offre d’emploi raisonnable.

27 L’intimé soutient que le droit de porter plainte auprès du Tribunal ne s’applique que lorsqu’un employé est avisé qu’il sera mis en disponibilité, généralement 30 jours à l’avance. Cet avis peut être donné six mois après la date à laquelle la personne a été déclarée excédentaire ou beaucoup plus tard, compte tenu de la garantie d’une offre d’emploi raisonnable et des dispositions de la Politique sur le réaménagement des effectifs.

28 En ce qui a trait à la deuxième question, l’intimé a présenté l’argumentation suivante. Pour que l’article 65 de la LEFP soit applicable et que la plainte soit valide, deux critères doivent être satisfaits. Premièrement, certains fonctionnaires, mais pas tous les fonctionnaires, d’une partie de l’administration doivent recevoir un avis, et certains employés doivent être « choisis » pour être mis en disponibilité. Le Black’s Law Dictionary définit le verbe « choisir » comme suit : « Prendre de préférence parmi d’autres » [Traduction]. À supposer que la plaignante ait été informée qu’elle serait mise en disponibilité, puisque son poste était unique à Regina, il est impossible d’affirmer que la plaignante a été choisie parmi d’autres fonctionnaires.

29 L’intimé soutient que l’article 65 de la LEFP vise à remplacer l’ancien « processus de l’ordre inverse du mérite » prévu par la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P‑33 (l’ancienne LEFP) en ce qui a trait à la mise en disponibilité des employés. Aux termes de la LEFP, une personne peut présenter une plainte si la décision de la mettre en disponibilité constituait un abus de pouvoir. Cette interprétation est appuyée par la partie portant sur les mesures correctives, c’est‑à‑dire le paragraphe 65(4) de la LEFP, selon lequel le Tribunal peut annuler la décision de l’administrateur général de mettre le plaignant en disponibilité. En l’espèce, si la plainte était fondée, cela signifierait que la plaignante ne serait pas mise en disponibilité, mais qu’elle retournerait à un poste qui n’existe plus. La Loi n’autorise pas le Tribunal à annuler la décision qui consiste à procéder à une mise en disponibilité. L’intimé a insisté sur le fait que le Tribunal pouvait seulement annuler la décision de mettre le plaignant en disponibilité.

30 Enfin, l’intimé indique que l’objet de cette plainte est expressément exclu par le paragraphe 65(2) de la LEFP, qui ne permet pas au plaignant de contester la décision de procéder par mise en disponibilité, la détermination de la partie de l’administration au sein de laquelle se fait la mise en disponibilité ni le nombre de fonctionnaires qui sont mis en disponibilité.

31 Selon l’intimé, toute l’argumentation de la plaignante, tant dans sa plainte que durant l’audience, reposait sur le fait que ses fonctions n’avaient pas été supprimées, mais que la décision de la mettre en disponibilité constituait un abus de pouvoir.

32 L’intimé demande au Tribunal de rejeter la plainte de Mme Molander par défaut de compétence. L’objet de la plainte présentée par la plaignante est la décision de la direction de procéder par mise en disponibilité, ce qui constitue un motif expressément exclu par le paragraphe 65(2) de la LEFP. Les allégations de la plaignante concernant le défaut de respecter la politique de la GRC en matière de harcèlement, la Politique sur le réaménagement des effectifs et les lignes directrices de la Commission de la fonction publique, de même que son insatisfaction quant à l’offre d’emploi raisonnable ne sont pas des éléments qui relèvent de la compétence du Tribunal en vertu de l’article 65 de la LEFP.

B) Argumentation de la plaignante

33 La plaignante soutient que sa plainte est directement visée par les articles 64 et 65 de la LEFP. La lettre en date du 23 octobre 2006 concernant le statut de fonctionnaire excédentaire informait la plaignante que son poste au sein de l’organisation avait été déclaré excédentaire en raison de la suppression d’une fonction aux termes du paragraphe 64(1) de la LEFP. Par conséquent, la plaignante estime être directement visée par les dispositions de la LEFP qui l’autorisent à présenter sa plainte. Dès lors qu’une personne est informée qu’elle peut être mise en disponibilité, elle est directement visée par le paragraphe 64(1) de la LEFP et, par le fait même, par l’article 65 de la LEFP.

34 Selon la plaignante, à partir du moment où l’on choisit un employé pour le mettre en disponibilité, l’intimé doit démontrer que cette décision est visée par le paragraphe 64(1) de la LEFP, c’est‑à-dire que cette décision découle d’un manque de travail, de la suppression d’une fonction ou de la cession du travail ou de la fonction à l’extérieur de l’administration publique fédérale. La Série d’orientation – Sélection des fonctionnaires aux fins du maintien en poste et de mise en disponibilité de la CFP contient le passage suivant :

Les organisations doivent respecter les valeurs directrices de justice et de transparence lorsqu’elles doivent choisir les fonctionnaires à maintenir en poste ou à mettre en disponibilité. Par justice, on entend que les décisions sont prises de façon objective, exemptes d’influence politique et de favoritisme personnel, et les lignes directrices et pratiques témoignent d’un traitement juste des personnes. Par transparence, on entend que les renseignements concernant les décisions, les lignes directrices et les pratiques sont communiqués ouvertement et en temps opportun.

Si l’on choisit un employé pour le mettre en disponibilité, ce dernier a le droit de savoir en quoi ce choix satisfait aux exigences de la LEFP.

35 La plaignante affirme également que, contrairement à ce que soutient l’intimé dans son argumentation, la « partie de l’administration » mentionnée au paragraphe 65(1) n’était pas, en l’espèce, une unité employant une seule personne. Même si le poste de chef de bureau était unique de par sa nature, il faisait partie du BPPRR de Regina, qui employait des membres réguliers de la GRC ainsi que des fonctionnaires de groupe et niveau CR‑03 et CR‑04. Les fonctions du chef de bureau consistaient à fournir du soutien à l’officier responsable de même qu’aux membres réguliers et à superviser les postes de commis.

36 La plaignante soutient que le paragraphe 65(1) de la LEFP ne précise pas qu’il faut être choisi parmi d’autres personnes aux fins de mise en disponibilité ni que les personnes choisies doivent être des mêmes groupe et niveau. Une personne occupant un poste unique dans une unité devrait bénéficier des mêmes droits que ceux qui sont choisis pour être mis en disponibilité au sein d’une unité. Autrement, tous les employés qui occupent un emploi unique se trouveraient désavantagés en ce qui a trait à l’application de la LEFP et de ses valeurs directrices. Il ne revient pas aux ministères de déterminer ce qui constitue une unité ou une « partie de l’administration », au gré de leurs besoins du moment. La « partie de l’organisation » doit être déterminée de façon à ce qu’un employé qui risque de faire l’objet d’une mise en disponibilité puisse bénéficier d’un droit de recours.

37 Pour ce qui est du passage « [d]ans les cas où seulement certains des fonctionnaires » qui figure au paragraphe 65(1), la plaignante affirme que le terme « certains » pourrait signifier une seule personne. La plaignante se fonde sur le paragraphe 33(2) de la Loi d’interprétation, L.R.C., 1985, ch. I‑21, aux termes duquel « [l]e pluriel ou le singulier s’appliquent, le cas échéant, à l’unité et à la pluralité ».

38 Pour ce qui est de l’argumentation de l’intimé selon laquelle la disposition portant sur les mesures correctives de la LEFP (paragraphe 65(4)) indique qu’il doit y avoir plus d’une personne visée, la plaignante affirme que le Tribunal, de par son pouvoir discrétionnaire, n’est pas tenu d’annuler la décision de mettre la plaignante en disponibilité et que c’est à lui de déterminer les mesures à prendre. La plaignante affirme également que les mesures correctives peuvent ne pas la viser directement, mais pourraient porter sur des conditions imposées quant à l’exercice des pouvoirs délégués ou sur des procédures visant à prévenir la répétition d’une situation peu convenable.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

39 La Commission de la fonction publique (la CFP) souscrit à l’argumentation de l’intimé en ce sens qu’elle estime que le Tribunal n’a pas compétence pour instruire la plainte.

Analyse

Question I: Le Tribunal a-t-il compétence pour examiner la plainte et statuer sur celle- ci en vertu du paragraphe 65(1) de la LEFP?

40 La plaignante a présenté une plainte en vertu de l’article 65 de la LEFP, lequel contient le passage suivant :

65. (1) Dans les cas où seulement certains des fonctionnaires d’une partie de l’administration sont informés par l’administrateur général qu’ils seront mis en disponibilité, l’un ou l’autre de ces fonctionnaires peut présenter au Tribunal, dans le délai et selon les modalités fixés par règlement de celui‑ci, une plainte selon laquelle la décision de le mettre en disponibilité constitue un abus de pouvoir.

(2) Le paragraphe (1) ne permet pas de se plaindre de la décision de procéder par mise en disponibilité, de la détermination de la partie de l’administration au sein de laquelle se fait la mise en disponibilité ni du nombre de fonctionnaires qui sont mis en disponibilité.

(3) Le plaignant, les autres fonctionnaires de la partie de l’administration en cause, l’administrateur général et la Commission, ou leurs représentants ont le droit de se faire entendre par le Tribunal.

(4) S’il juge la plainte fondée, le Tribunal peut annuler la décision de mettre le plaignant en disponibilité et ordonner à l’administrateur général de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées; il ne peut toutefois ordonner la mise en disponibilité d’un fonctionnaire.

41 Comme l’a statué le Tribunal dans la décision Tibbs c. le Sous‑ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0008, au paragraphe 61, le Tribunal doit tenir compte de l’esprit de la LEFP dans son interprétation. Par conséquent, pour interpréter l’intention du législateur à l’article 65 et pour déterminer si la plaignante possède un droit de recours dans le présent contexte, il faut examiner les autres articles de la LEFP, particulièrement le paragraphe 64(2), de même que le règlement applicable aux termes de l’article 64 de la LEFP.

42 Le paragraphe 64(2) de la LEFP est libellé comme suit :

64. (2) Dans les cas où il décide dans le cadre du paragraphe (1) que seulement certains des fonctionnaires d’une partie de l’administration seront mis en disponibilité, la façon de choisir les fonctionnaires qui seront mis en disponibilité est déterminée par les règlements de la Commission.

43 Le règlement applicable en l’espèce est le Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, DORS/2005‑334 (le REFP), notamment l’article 21, libellé comme suit :

21. (1) Lorsque les services d’un ou de plusieurs fonctionnaires d’un secteur de l’administration ne sont plus nécessaires aux termes de l’article 64 de la Loi, l’administrateur général évalue le mérite des fonctionnaires qui occupent des postes semblables ou exercent des fonctions semblables des mêmes groupe et niveau professionnels dans ce secteur et désigne, en fonction du mérite, lesquels seront conservés pour l’accomplissement des fonctions permanentes de ce secteur de même que ceux des fonctionnaires restants qui seront informés que leurs services ne sont plus nécessaires et qui seront mis en disponibilité.

(2) L’administrateur général consigne les motifs sur lesquels il a fondé son choix.

(3) Malgré le paragraphe (1), la détermination des fonctionnaires à mettre en disponibilité au sein du groupe de réparation des navires du ministère de la Défense nationale est fondée sur une combinaison de facteurs de mérite et d’ancienneté et est faite en collaboration avec les agents négociateurs concernés.

(4) Malgré le paragraphe (1), si un fonctionnaire se propose pour une mise en disponibilité, l’administrateur général peut l’informer que ses services ne sont plus nécessaires et le mettre en disponibilité.

(5) L’administrateur général avise par écrit :

a) la Commission du nom des fonctionnaires qui seront mis en disponibilité conformément au présent article et de la date prévue de leur mise en disponibilité.

b) tout fonctionnaire qui est informé que ses services ne sont plus nécessaires de la date prévue de sa mise en disponibilité.

(6) Les paragraphes (1) à (5) ne s’appliquent pas à l’égard des fonctionnaires nommés pour une période déterminée.

44 Il est clair que l’article 21 du REFP vise une situation où il y a plus d’un employé des mêmes groupe et niveau occupant un poste semblable ou exerçant des fonctions semblables. Aux termes de cette disposition, l’administrateur général doit cibler les employés qui demeureront en poste, selon le principe du mérite. Par conséquent, cet article du REFP porte principalement sur le choix de certains fonctionnaires à partir d’un groupe. Les personnes qui ont été choisies pour être mises en disponibilité ont ensuite le droit de présenter une plainte au Tribunal concernant le fait qu’elles aient été choisies aux fins d’une mise en disponibilité.

45 En l’espèce, les éléments de preuve présentés par les gestionnaires visés ainsi que par la plaignante indiquaient que le poste de cette dernière, c’est‑à‑dire le poste de chef de bureau au BPPRR de Regina, était le seul poste de ces groupe et niveau et était unique. Le Tribunal tient pour avéré que le poste de la plaignante était le seul poste de ces groupe et niveau et qu’il s’agissait d’un poste unique au sein du BPPRR de Regina.

46 Par conséquent, lorsque le poste de la plaignante a été déclaré excédentaire, il n’a pas été nécessaire de choisir celle-ci parmi d’autres fonctionnaires, étant donné qu’elle était la seule personne occupant un poste de ce type. Le contexte en l’espèce ne permet donc pas à la plaignante de présenter une plainte au Tribunal en vertu du paragraphe 65(1) de la LEFP. En effet, la plaignante n’a pas été choisie parmi d’autres fonctionnaires occupant un poste semblable ou effectuant des fonctions similaires. À la lumière des faits présentés en l’espèce, la situation de la plaignante ne correspond pas à celle qui est décrite aux paragraphes 64(2) et 65(1) de la LEFP.

Question II: Le choix de la plaignante aux fins de mise en disponibilité constitue-t-il un abus de pouvoir?

47 Le Tribunal a déterminé que la plaignante ne satisfaisait pas à l’une des conditions énoncées au paragraphe 65(1) et que, par conséquent, celle‑ci ne disposait d’aucun droit de recours auprès du Tribunal. Le Tribunal n’a pas compétence pour statuer sur une plainte présentée par une employée qui n’a pas été choisie parmi d’autres fonctionnaires pour être mise en disponibilité. Étant donné que le Tribunal n’a pas compétence pour instruire la plainte en vertu de l’article 65 de la LEFP et pour statuer sur celle-ci, il ne se prononcera pas sur le fond de la plainte.

Décision

48 Pour les motifs exposés ci-dessus, la plainte est rejetée.

Helen Barkley

Membre

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2006-0230
Intitulé de la cause:
Shelley Molander et le Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada et al.
Audience:
Les 23 et 24 août
Regina (Saskatchewan)
Réception du dernier document: le 3 octobre 2007
Date des motifs:
Le 20 novembre 2007

Comparutions:

Pour le plaignant:
Satinder Bains
Pour l'intimé:
Lesa Brown
Pour la Commission
de la fonction publique:
Angie Paquin
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