Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée avait présenté quatre griefs à l’arbitrage - l’arbitre de grief en avait rejeté trois et avait accueilli un grief de harcèlement - la décision a été annulée en contrôle judiciaire - le juge a ordonné à l’arbitre de grief de rejeter le grief, au motif que la politique sur le harcèlement ne pouvait être considérée comme faisant partie de la convention collective. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-11-28
  • Dossier:  166-02-36590
  • Référence:  2008 CRTFP 101

Devant un arbitre de grief


ENTRE

THU-CÙC LÂM

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Santé)

employeur

Répertorié
Lâm c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
John A. Mooney, arbitre de grief

Décision rendue sans audience.

I. Renvoi de la Cour fédérale

1 Le 16 juillet 2008, dans sa décision Canada (Procureur général) c. Lâm, 2008 CF 874, la Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire de la décision Lâm c. Conseil du Trésor (ministère de la santé) 2007 CRTFP 69 (« Lâm ») concernant le grief de Thu-Cùc Lâm (la « fonctionnaire s’estimant lésée »). La Cour fédérale a annulé la décision de l’arbitre de grief et a ordonné que le grief de la fonctionnaire s'estimant lésée soit renvoyé devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») afin que le grief soit rejeté en conformité avec les motifs de la décision de la Cour fédérale. Le président de la CRTFP m’a renvoyé ce grief afin que je rende une nouvelle décision dans cette affaire.

2 Comme la décision de la Cour fédérale précisait que le grief devait être rejeté selon les motifs donnés dans la décision de la Cour fédérale, je n’ai pas cru utile d’entendre les parties au sujet de ce renvoi.

3 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

II. Grief de la fonctionnaire s'estimant lésée

4 La fonctionnaire s'estimant lésée travaillait à titre de consultante à la Direction générale de la santé de la population et de la santé publique (la « DGSPSP ») dans la région du Québec.

5 La fonctionnaire s'estimant lésée a dénoncé une situation de harcèlement. Le 18 mars 2003, la fonctionnaire s'estimant lésée et son représentant syndical, Alain Bélanger, ont rencontré son gestionnaire, Michel Gaussiran et Guy Aucoin, directeur régional, DGSPSP. Alors qu’ils étaient tous assis autour d’une table, M. Gaussiran a pointé du doigt, près du visage, la défenderesse, et lui a dit :« Désormais, je ne te fais plus confiance. » Le 3 juillet 2003, la fonctionnaire s'estimant lésée a déposé une plainte de harcèlement à l’endroit de M. Gaussiran à la suite de cet incident. La fonctionnaire s'estimant lésée avait demandé de ne plus relever de M. Gaussiran.

6 Le 25 août 2003, Suzette Jeannotte, directrice des programmes, a écrit à la fonctionnaire s'estimant lésée pour lui indiquer qu’à la suite d’une enquête, sa plainte était considérée non fondée. Lors de cette enquête, Mme Jeannotte n’a rencontré ni la fonctionnaire s'estimant lésée, ni M. Gaussiran.

7 Le 3 octobre 2003, Lucie Myre, directrice généralede la région du Québec, a convoqué une rencontre entre la fonctionnaire s'estimant lésée et M. Gaussiran. Lors de cette rencontre, M. Gaussiran a indiqué qu’il était profondément désolé pour son geste, mais a refusé de s’excuser au motif qu’il parle souvent en faisant des gestes avec ses mains.

8 Insatisfaite du résultat et du processus, la fonctionnaire s’estimant lésée a déposé le grief suivant :

Je conteste la décision de Santé Canada (annexe 3) dans le traitement de ma plainte pour harcèlement.

Que ce soit par la décision du 26 novembre 2003, ou de la façon dont l’enquête a été menée, les représentants de l’employeur n’ont pas respecté l’esprit et la lettre de la politique de Santé Canada et du Conseil du Trésor concernant le harcèlement.

Par ces faits et ceux exprimés dans la plainte de harcèlement (annexe 4) l’employeur contrevient à :

La Politique de Santé Canada sur le harcèlement
La Politique du Conseil du Trésor sur le harcèlement
La convention collective article 1
La convention collective article 19
Tout autre article de la convention ou politiques pertinentes.

9 La fonctionnaire s'estimant lésée avait demandé, comme mesure de redressement, que l’enquête soit menée selon la politique de Santé Canada sur le harcèlement, qu’on lui remette une copie du rapport d’enquête et des conclusions des enquêteurs, et que M. Gaussiran lui fasse des excuses.

III. Décision de l’arbitre de grief

10 Le 15 septembre 2005, la fonctionnaire s'estimant lésée a renvoyé son grief à l’arbitrage en même temps que trois autres griefs contestant des mesures disciplinaires. Dans Lâm, l’arbitre de grief a rejeté les trois griefs portant sur les mesures disciplinaires, mais a accueilli en partie ce grief-ci portant sur l’élimination de la discrimination et du harcèlement. L’arbitre de grief a conclu que l’employeur avait enfreint l’article 1 de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada, groupe Services des programmes et de l'administration (Date d’expiration : 20 juin 2007) :

277    Bien que le geste du gestionnaire mis en cause soit involontaire, je crois que l’employeur doit prendre acte du fait que la fonctionnaire s’estimant lésée se soit sentie intimidée.

278    À mon avis, l’employeur aurait dû dire à la fonctionnaire s’estimant lésée qu’il était désolé qu’elle se soit sentie intimidée.

279    L’employeur aurait dû indiquer qu’il ne souhaitait pas que de telles situations se reproduisent. Je ne crois pas que l’on puisse tolérer que lors de rencontres les employés et les gestionnaires se pointent du doigt, plus particulièrement comme dans le cas présent où les parties sont assises l’une près de l’autre.

[…]

281    Je considère cependant que l’employeur n’a pas respecté la lettre et l’esprit de l’article 1 de la convention collective et a mal appliqué la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail préparé par le Secrétariat du Conseil du Trésor. L’audience du grief a remédié à la procédure, mais l’employeur devrait reconsidérer sa décision sur le bien-fondé de la plainte. L’article 19 de la convention collective ne s’applique pas au cas de la fonctionnaire se sentant lésée.

11 L’article 1 de la convention collective se lit comme suit :

1.01 La présente convention a pour objet d’assurer le maintien de rapports harmonieux et mutuellement avantageux entre l’Employeur, l’Alliance et les employé-e-s et d’énoncer certaines conditions d’emploi pour tous les employé-e-s décrits dans le certificat émis le 7 juin 1999 par la Commission des relations de travail dans la fonction publique, à l’égard des employé-e-s du groupe Services des programmes et de l’administration.

1.02 Les parties à la présente convention ont un désir commun d’améliorer la qualité de la fonction publique du Canada et de favoriser le bien-être de ses employé-e-s afin que les Canadiens soient servis convenablement et efficacement. Par conséquent, elles sont déterminées à établir, dans le cadre des lois existantes, des rapports de travail efficaces à tous les niveaux de la fonction publique auxquels appartiennent les membres des unités de négociation.

12 L’arbitre de grief a ordonné à l’employeur de reconsidérer sa décision sur la plainte de harcèlement. L’arbitre de grief a écrit qu’il serait souhaitable que l’employeur fasse savoir à la fonctionnaire s’estimant lésée qu’il est désolé de l’incident survenu le 18 mars 2003 et qu’il souhaite que de tels incidents ne se reproduisent pas à l’avenir.

IV. Décision de la Cour fédérale

13 La Cour fédérale a d’abord précisé que la fonctionnaire s'estimant lésée avait reçu des excuses de la part du gestionanire contre qui elle avait porté plainte. La Cour a aussi souligné que l’ordonnance de l’arbitre de grief n’était pas une ordonnance, mais un souhait. La Cour fédérale a conclu que l’arbitre de grief avait outrepassé ses pouvoirs en décidant que l’employeur avait enfreint l’article 1 de la convention collective et avait rendu une décision déraisonnable. En voici un extrait :

[…]

[27]    L’arbitre a adéquatement conclu que l’article 19 de la convention collective ne s’applique pas en l’espèce puisque le harcèlement personnel n’y est pas mentionné. Cependant, en décidant que la politique relative au harcèlement en milieu de travail édictée par le Conseil du Trésor s’inscrit dans le cadre des objectifs de l’article 1 de la convention collective, il a mal interprété ledit article et a excédé sa compétence. De plus, sa décision est déraisonnable.

[28]       L’article 1 de la convention collective est une clause générale, une introduction ou un avant-propos qui ne confère aucun droit substantif aux employés. Il n’y a rien dans la convention collective qui peut amener à conclure que celle-ci voulait inclure la politique édictée par le Conseil du Trésor.

[…]

14 La Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire et a ordonné ce qui suit :

1) La demande de contrôle judiciaire est accordée avec dépens;

2) La décision de l’arbitre concernant le grief de harcèlement (dossier #166-02-36590) est annulé [sic]; et

3) Le grief de harcèlement est renvoyé devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique afin que celui-ci soit rejeté en conformité avec les motifs de la présente décision.

V. Motifs

15 La Cour fédérale m’a ordonné de rejeter le grief de la fonctionnaire s'estimant lésée en conformité avec les motifs de sa décision. Je rejette donc le grief parce que l’employeur n’a pas enfreint l’article 1 de la convention collective. Comme l’a expliqué la Cour fédérale, cet article n’incorpore pas la politique du Conseil du Trésor sur le harcèlement en milieu de travail comme le soutient la fonctionnaire s'estimant lésée. C’est un article de nature générale qui ne confère aucun droit substantif aux employés.

16 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

17 Le grief est rejeté.

Le 28 novembre 2008.

John A. Mooney,
arbitre de grief

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