Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée avait accumulé plus de 30années de service et obtenu d’excellentes évaluations du rendement - elle s’est blessée au travail - après un congé pour accident du travail, elle est rentrée et a assumé des tâches adaptées - elle a allégué dans son grief pour harcèlement avoir été victime de la part de l’employeur d’actes discriminatoires fondés sur son incapacité - son rendement au travail a diminué, et l’employeur l’a congédiée - l’arbitre de grief a statué que l’employeur ne s’était pas acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation - il a accueilli tant le grief pour harcèlement que le grief pour congédiement - il a invité les parties à lui soumettre leurs arguments à propos de la date de réintégration qu’il convenait de retenir, étant donné que la fonctionnaire s’estimant lésée recevait des prestations d’invalidité et de retraite - il a laissé aux parties la possibilité de s’entendre sur une autre réparation. Griefs accueillis.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans
la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2008-12-03
  • Dossier:  166-02-35120 et 37176
  • Référence:  2008 CRTFP 102

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MARCELLE GIROUX

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Agence des services frontaliers du Canada)

employeur

Répertorié
Giroux c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant un renvoi à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P‑35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Barry Done, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Krista Devine, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Caroline Engmann, avocate

Affaire entendue à Toronto (Ontario),
les 24 et 25 avril, les 11, 12, 16 et 17 octobre, les 16 et 19 novembre et le
19 décembre 2007.
(Arguments écrits déposés les 21 et 27 décembre 2007 et le 4 janvier 2008.)
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs renvoyés à l’arbitrage

1 La présente décision porte sur deux renvois à l’arbitrage distincts, mais néanmoins reliés à de nombreux égards, par Marcelle Giroux (la « fonctionnaire s’estimant lésée »). Dans le premier grief, présenté à l’Agence des douanes et du revenu du Canada (dont un secteur est devenu l’Agence des services frontaliers du Canada) (l’« employeur »), le 14 mai 2002 (dossier de la CRTFP 166-02-35120), la fonctionnaire s’estimant lésée se dit victime d’actes discriminatoires fondés sur son incapacité physique : [traduction] « J’allègue une violation, par l’employeur, des droits qui me sont reconnus par l’article 19. » Dans le second grief, présenté à l’employeur 16 mois plus tard, le 16 septembre 2004 (dossier de la CRTFP 166-02-37176), la fonctionnaire s’estimant lésée conteste la décision de son employeur de la renvoyer pour incapacité : [traduction] « Je conteste mon renvoi pour incapacité. »

2 Dans les deux griefs, la fonctionnaire s’estimant lésée demande à être réintégrée dans ses fonctions ainsi qu’à être indemnisée intégralement.

3 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ces renvois à l’arbitrage doivent être décidés conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

4 L’instruction de ces deux renvois à l’arbitrage a commencé en avril 2007 et s’est conclue par la réception finale des arguments écrits des parties, le 4 janvier 2008. Ce long délai est attribuable au fait que la fonctionnaire s’estimant lésée ne pouvait pas être présente à l’audience plus de deux jours de suite et que sa représentante est tombée malade, ce qui a occasionné le report de plusieurs audiences déjà prévues au calendrier. Neuf témoins ont été appelés à témoigner et 219 documents ont été produits en preuve. Les éléments de preuve s’appliquent pour la plupart aux deux renvois à l’arbitrage.

II. Résumé de la preuve

A. Contexte

5 Dans une lettre datée du 30 août 2004 (pièce E-1), signée par Reinhard Mantzel, directeur général régional, Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), la fonctionnaire s’estimant lésée a été avisée que son emploi prenait fin le jour même. La raison invoquée était qu’elle n’était pas apte à s’acquitter des fonctions de son poste d’inspectrice des douanes malgré les diverses tentatives de l’ASFC pour répondre à ses besoins.

6 La majorité de la preuve relative aux troubles physiques de la fonctionnaire s’estimant lésée n’est pas contestée, tout comme le fait que l’ASFC a déployé beaucoup d’efforts pour répondre à ses besoins. La question que je dois trancher ici est celle de savoir si ces efforts permettent à l'employeur de s'acquitter du fardeau de la preuve qui lui est imposé et de montrer que, en vertu de son obligation de prendre des mesures d’adaptation, il a pris toutes les mesures possibles pour maintenir une personne handicapée en poste, jusqu’à la contrainte excessive.

7 La fonctionnaire s’estimant lésée compte presque 33 années de service dans l’administration fédérale, dont 31 à l’ASFC ou ses prédécesseurs. Durant sa carrière, elle n’a jamais fait l’objet d’une sanction disciplinaire et ses évaluations brossent le portrait d’une employée qui donnait un très bon rendement (pièces G-25, G-53 et G-54), comme l’avocate de l’employeur l’a indiqué dans ses remarques d’ouverture, ce qui confirme qu'elle est une employée estimée.

8 Les troubles physiques de la fonctionnaire s’estimant lésée ont commencé en novembre 1999 à la suite d’un accident du travail. Elle a fait une chute après s’être emmêlé les pieds dans des courroies de plastique et s’est infligé des blessures aux mains et aux poignets (pièce G-55, courriel du surintendant Peter Harris). À ce moment-là, elle occupait à titre intérimaire un poste d’agente de soutien des programmes de groupe et de niveau PM-03, mais son poste d’attache était celui d’inspectrice des douanes, de groupe et de niveau PM-02.

9 La fonctionnaire s’estimant lésée s’est absentée du travail pendant les huit mois suivants, ayant obtenu un congé pour accident du travail. Pendant cette période, elle a reçu des soins du Dr Anthony Galea pour les blessures qu’elle s’était infligées non seulement aux mains et aux poignets, mais aussi au cou, au dos et aux coiffes des rotateurs. Elle a aussi participé à de nombreuses conversations et réunions en vue de l’établissement d’un programme de retour au travail. La fonctionnaire s’estimant lésée est revenue au travail en août 2000, mais elle n’a pas réintégré le poste intérimaire de PM-03 intérimaire ni son poste d’attache d’inspectrice des douanes PM-02. La direction lui a plutôt attribué des tâches adaptées dans un service chargé du traitement des « biens personnels des immigrants ». Après avoir reçu une plainte d’une entreprise auprès de laquelle elle avait perçu un montant de taxe, la direction l’a mutée dans un autre service, où ses tâches consistaient principalement à entrer des données.

10 Au cours des 20 mois suivants, la direction a établi divers programmes de retour au travail pour la fonctionnaire s’estimant lésée afin de l’amener à accroître sa productivité sur diverses périodes et à augmenter progressivement le nombre d’heures et de jours de travail accomplis chaque semaine.

11 Au printemps de 2002, la fonctionnaire s’estimant lésée a été mise en congé de maladie non rémunéré, après que son médecin (le Dr Galea) eut avisé l’ASFC qu’elle montrait des symptômes de stress et que cela aggravait ses problèmes physiques. Le congé s’est poursuivi jusqu’en juin 2003, quand elle a été rappelée au travail.

12 Le retour de la fonctionnaire s’estimant lésée a nécessité une autre série de programmes de retour au travail ayant pour but de l’amener progressivement à reprendre un horaire à temps plein et à s’acquitter de toutes les fonctions de son poste d’inspectrice. On s’attendait encore une fois à ce que sa productivité augmente. À cette fin, un système de suivi du rendement de la fonctionnaire s’estimant lésée a été mis en place et des réunions ont eu lieu pour discuter des résultats atteints par rapport aux objectifs fixés.

13 La fonctionnaire s’estimant lésée a réussi à atteindre ses objectifs de rendement à brève échéance, mais elle n’a pas été capable de soutenir le rythme sur une plus longue période.

14 Mme Giroux a fait deux autres chutes au travail durant l’été de 2003, aggravant du coup ses problèmes au dos, au cou, aux épaules et aux mains. Un troisième problème physique s’est ajouté au printemps de 2004. Il s’agissait cette fois-là d’un problème à la main et au poignet droit causé par les mouvements répétés qu’elle devait faire pour séparer les copies des formules requises pour la mainlevée des marchandises.

15 En fin de compte, l’employeur a jugé que la faible productivité de la fonctionnaire s’estimant lésée était devenue inacceptable; estimant avoir pris, en vain, toutes les mesures nécessaires pour répondre à ses besoins, il a décidé de la licencier le 30 août 2004.

B. Preuve de l’employeur

16 M. Mantzel est l’auteur de la lettre de renvoi (pièce E-1). Il a dit qu’avant de rédiger cette lettre, il a consulté Marie Lau, des Ressources humaines, afin d’établir à sa satisfaction que les tâches adaptées qui avaient été attribuées à la fonctionnaire s’estimant lésée ne représentaient qu’une infime partie des fonctions du poste d’inspecteur des douanes et qu'il s'agissait des tâches les moins exigeantes sur le plan physique. Il a alors conclu que, si la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas capable d’accomplir les tâches adaptées qu'on lui avait attribuées et qu’elle n’avait pas la capacité physique pour s’acquitter des fonctions des autres postes qu’on avait envisagés pour elle, c’est donc qu’elle n’était pas en mesure d’apporter une contribution satisfaisante et [traduction] « ne pouvait pas faire son travail! »

17 En contre­interrogatoire, M. Mantzel a déclaré qu’il ne se rappelait pas avoir demandé une nouvelle opinion médicale avant de prendre la décision de renvoyer la fonctionnaire s’estimant lésée. Il n’avait pas non plus participé à la recherche d’autres postes qui auraient pu lui convenir et il ne savait pas où ces postes se trouvaient. Il n’en avait pas moins conclu que les tâches adaptées [traduction] « étaient si sédentaires qu’il serait difficile de trouver quelque chose de plus simple que ça ».

18 M. Mantzel n’a communiqué ni avec le Dr Jeffrey M. Chernin, de Santé Canada, ni avec le médecin de la fonctionnaire s’estimant lésée, mais il a pris connaissance de son dossier médical avant de prendre la décision de la renvoyer.

19 En août 2002, Gerry Roussel était directeur des opérations commerciales à l’ASFC. Il a pris connaissance de la lettre du Dr Chernin (pièce E-2A) datée du 4 septembre 2002 et destinée à Mme Lau, indiquant que la fonctionnaire s’estimant lésée [traduction] « ne lui semblait pas apte » à travailler. Il a aussi demandé à Ernest Spraggett, qui l’avait remplacé à titre intérimaire, de lui fournir une courte description des états de service de la fonctionnaire s’estimant lésée. M. Roussel ne s’était jamais entretenu directement avec le Dr Chernin et il possédait peu d’expérience pour ce qui est de répondre aux besoins d’une personne qui a été victime d’un accident du travail. Quoi qu’il en soit, lors d’une réunion avec la fonctionnaire s’estimant lésée et sa représentante, en novembre 2002, M. Roussel lui a offert deux choix — soit prendre sa retraite, soit être renvoyée — en lui accordant deux semaines pour réfléchir à son offre, avec laquelle il [traduction] « se sentait très à l’aise », car il était persuadé que la fonctionnaire s’estimant lésée était inapte à s’acquitter des fonctions d’un autre poste.

20 Avec l’aide de Mme Lau, M. Roussel a dressé la liste de neuf postes PM-01 disponibles à Revenu Canada, Impôt (pièces E-9 à E-17). Il considérait que le secteur des services fiscaux offrait le plus grand choix de postes par rapport au secteur des douanes, où le travail était plus physique. M. Roussel n’a pas consulté le Dr Chernin pour savoir si elle était apte à remplir les fonctions de l'un de ces neuf postes. Il ne s'est pas entretenu non plus avec le Dr Galea, le médecin traitant de la fonctionnaire s’estimant lésée.

21 M. Roussel a cependant pris connaissance de la pièce E-2(C), une lettre datée du 2 avril 2003 de la Dre E. Callary, la supérieure du Dr Chernin, indiquant que la fonctionnaire s’estimant lésée était apte à reprendre le travail, avec les mesures d'adaptation recommandées.

22 Comme la fonctionnaire s’estimant lésée [traduction] « devait être d’une quelconque utilité », on lui avait fixé un objectif de 150 mainlevées électroniques, ce qui correspondait à 70 % de la production attendue des autres employés. Au bout de huit semaines, M. Roussel a écrit à la fonctionnaire s’estimant lésée, le 3 octobre 2003, pour lui dire qu’elle avait atteint les objectifs contenus dans son programme de retour au travail (pièce E-20).

23 À partir de cette date, la productivité de la fonctionnaire s’estimant lésée s’est mise à fluctuer, en raison surtout de divers ennuis de santé qui l’ont contrainte à s’absenter du travail. En fait, à la fin de la période d’évaluation suivante, elle n’avait atteint ses objectifs que 3 semaines sur 22. M. Roussel avait conclu qu’elle ne répondait pas aux attentes de la direction et qu’elle n’était pas capable de faire le travail. Il l’a alors convoquée à une réunion, le 25 août 2004, pour discuter des choix qui s’offraient à elle, mais elle était en congé de maladie autorisé ce jour-là et ne devait revenir au travail que le 30 août 2004.

24 Le 26 août 2004, M. Roussel a écrit (pièce E-23) à la fonctionnaire s’estimant lésée pour lui offrir les deux mêmes choix qu’en novembre 2002 : soit prendre sa retraite, soit être renvoyée. Il a ensuite rejeté la demande écrite que lui avait adressée Mme Giroux visant à obtenir un délai de réflexion, et la lettre de renvoi rédigée par M. Mantzel (pièce E-1) a été expédiée à la fonctionnaire s’estimant lésée.

25 En contre­-interrogatoire, M. Roussel a déclaré que Mme Lau avait dressé la liste des postes disponibles en s’appuyant sur divers critères tels que [traduction] « la nécessité de soulever des charges ou de faire des mouvements répétitifs, le niveau de stress, les exigences, les conditions de travail et l’environnement ». Il a indiqué qu’il n’avait pas consulté le médecin de la fonctionnaire s’estimant lésée pour savoir quel était le niveau de stress associé à chaque poste et qu’il n’avait pas transmis les descriptions des postes en question à la représentante syndicale de la fonctionnaire s’estimant lésée pour connaître son avis. Il n’a pas examiné quelles fonctions de chaque poste la fonctionnaire s’estimant lésée était capable d’accomplir et n’a pas envisagé la possibilité de combiner les fonctions de divers postes pour créer un poste adapté à ses besoins. Du reste, il n’a pas déterminé de quelle façon ces postes pouvaient être adaptés pour tenir compte de ses capacités physiques.

26 Comme M. Roussel avait besoin de temps pour examiner les diverses options et déterminer le moment le plus propice, le retour au travail de la fonctionnaire s’estimant lésée a été retardé de plus de deux mois après que la Dre Callary eut indiqué qu’elle était apte à reprendre le travail, en avril 2003. En terminant, M. Roussel a déclaré qu’il n’avait pas mis à jour ou demandé à ce que soit mise à jour la liste des postes disponibles qui avait été établie en novembre 2002.

27 M. Spraggett, qui relève de M. Roussel, occupe le poste de Chef des opérations, District commercial, Terminal routier. La fonctionnaire s’estimant lésée était en affectation dans son secteur en 2003-2004. Après avoir reçu une lettre (pièce E-29) du Dr Galea à propos du stress que la fonctionnaire s’estimant lésée vivait au travail, M. Spraggett a écrit (pièce E-30) au Dr Chernin pour qu’il examine à nouveau la fonctionnaire s’estimant lésée et qu’il la mette en congé de maladie rémunéré à compter du 26 avril 2002, en attendant les résultats du nouvel examen. Après son retour au travail, en juin 2003, on lui a fixé un objectif quotidien de 150 mainlevées électroniques, ce qui correspondait à 70 % de la production attendue des autres employés, mais elle a rarement réussi à l’atteindre. M. Spraggett estime qu’il restait environ 500 000 mainlevées électroniques à traiter à l’échelle nationale. Certaines sont plus complexes que d’autres et nécessitent plus de temps et le nombre de mainlevées à traiter fluctue tout au long de l’année.

28 M. Spraggett a admis que le rendement de la fonctionnaire s’estimant lésée [traduction] « s’améliorait de jour en jour » au début et que la décision de la mettre en congé, le 26 avril 2002, jusqu’en juin 2003, avait été prise contre son gré.

29 M. Spraggett a indiqué qu’il avait participéà des réunions et à des discussions, en janvier 2004, visant à concevoir un plan d’action pour la fonctionnaire s’estimant lésée (pièce G-5).

30 Le Dr Galea, médecin de la fonctionnaire s’estimant lésée, a été appelé à témoigner avant la fin de la présentation de la preuve de l’employeur pour des raisons de disponibilité. Kinésithérapeute de formation, il soigne des athlètes professionnels et olympiques à son cabinet de médecine sportive. Il suit la fonctionnaire s’estimant lésée depuis 1995. Il l’avait soumise à un examen physique après sa première chute au travail en 1999 et il l’avait reçue fréquemment en consultation, jusqu’à trois fois par mois, au début. Il avait aussi participé à l’établissement de tous ses programmes de retour au travail, mises à jour et prolongations comprises.

31 Le Dr Galea est bien au fait de la description de travail de la fonctionnaire s’estimant lésée. Il estime que, même après une déchirure de la coiffe des rotateurs, elle est capable d’accomplir ses fonctions d’inspectrice des douanes, à condition que certaines mesures d'adaptation soient prises. En fait, a-t-il dit, 90 % des personnes qui ont subi une telle déchirure peuvent vaquer à leurs occupations sans problème. Même si la mobilité de la fonctionnaire s’estimant lésée est réduite en permanence au niveau des épaules, elle peut continuer, entre autres choses, à interroger des voyageurs, à fouiller des bagages, à remplir des documents et des formulaires, et à diriger des entrevues, pourvu qu’elle puisse se lever et bouger.

32 Le Dr Galea a insisté sur le fait que, contrairement au Dr Chernin, il ne croyait pas que la fonctionnaire s’estimant lésée devait être confinée à des tâches sédentaires, car il y avait [traduction] « une foule d’activités qu’elle pouvait faire ». Le Dr Galea a précisé qu’il n’avait jamais rencontré le Dr Chernin.

33 À la fin de l’automne 2000, le Dr Galea a commencé à être exaspéré par la lenteur de l’employeur de la fonctionnaire s’estimant lésée à appliquer ses recommandations. Il a fait les commentaires suivants : [traduction pour l'ensemble des citations] « Ça a été la croix et la bannière d’obtenir un bureau, un fauteuil et un poste de premiers soins »; « De tous les employeurs avec lesquels j’ai eu à traiter dans des dossiers d’adaptation à la suite d’un accident, c’est l’administration fédérale qui m’a donné le plus de fil à retordre »; « J’avais l’impression que l’employeur tentait de la punir parce qu’elle s’était blessée »; « Les réserves que j’ai formulées à propos de l’augmentation des heures de travail ont été balayées du revers de la main; j’aurais pu tout aussi bien ne pas les faire ».

34 Le Dr Galea était particulièrement contrarié par le fait que l’employeur s’obstinait à ne pas fournir de bureau hydraulique à la fonctionnaire s’estimant lésée. Or, en août 2001, l’employeur n’avait pas reçu d’autre opinion médicale indiquant que ce bureau ne répondait pas aux besoins de la fonctionnaire s’estimant lésée. Le Dr Galea n’arrivait pas à comprendre pourquoi on ne lui en fournissait pas un. Il était totalement insensé d’obliger une personne ayant subi une déchirure de la coiffe des rotateurs à se servir d’une manivelle pour régler la hauteur de son bureau, car [traduction] « cela pouvait annuler des mois de progrès ». C’est pourtant le type de bureau qu’on lui avait fourni. La situation n’avait toujours pas changé en janvier 2002; avoir besoin d’un bureau hydraulique, c’est [traduction] « comme avoir besoin d’une orthèse à la jambe ». En mars 2002, le Dr Galea avait déjà expliqué maintes fois pourquoi la fonctionnaire s’estimant lésée avait besoin d’un bureau hydraulique, mais [traduction] « on m’a encore demandé de justifier ma recommandation ».

35 Le 9 avril 2002, le Dr Galea a écrit à l’employeur (pièce E-29) à propos du stress que le fonctionnaire s’estimant lésée vivait au travail et des effets que cela avait sur elle. À propos de ses lettres, il a déclaré : [traduction] « Chaque contact avec l’employeur m’occasionnait du stress et je ne travaillais même pas dans cet organisme. » Il a expressément mentionné la manière dont Mme Hussein avait traité la fonctionnaire s’estimant lésée et le fait que, dans un courriel, Mme Lau avait appelé Mme Giroux [traduction] « vous savez qui ». Le Dr Galea croit que le stress accroît la douleur et la fatigue et que [traduction] « quiconque se trouverait dans cette situation serait stressé; ce ne serait pas normal de ne pas l’être ».

36 Le Dr Chernin a avisé l’employeur que la fonctionnaire s’estimant lésée devait être confinée à des tâches strictement sédentaires, sans avoir examiné la fonctionnaire s’estimant lésée. Le Dr Galea avait examiné Mme Giroux et son opinion était totalement différente de celle du Dr Chernin. Le Dr Chernin ne lui a pas demandé son opinion avant de confiner la fonctionnaire s’estimant lésée à des tâches sédentaires. S’il l’avait fait, il se serait rendu compte que ce type de tâches ne pouvait qu’aggraver les problèmes de la fonctionnaire s’estimant lésée, alors que le Dr Galea l’avait toujours encouragée à se lever et à marcher le plus souvent possible.

37 Le Dr Galea a déclaré que l’employeur ne l’avait pas consulté pour savoir si la fonctionnaire s’estimant lésée était capable d’accomplir les tâches des postes disponibles dont M. Spraggett et Mme Lau avaient dressé la liste. Il était et il est toujours d’avis que la fonctionnaire s’estimant lésée [traduction] « pouvait faire n’importe quel travail disponible, à condition que certaines mesures d'adaptation soient prises », comme la possibilité de faire des pauses, de se lever et de marcher fréquemment, de faire des étirements au besoin et d'utiliser un bureau et un fauteuil adaptés à ses besoins. La fonctionnaire s’estimant lésée peut travailler avec le public sans aucune restriction tout comme elle peut travailler dans une zone très achalandée.

38 Bref, la fonctionnaire s’estimant lésée est apte au travail, tout comme elle l’était en août 2004, avec les mêmes restrictions; elle est également capable de travailler à plein temps.

39 En contre-interrogatoire, le Dr Galea a indiqué que l’ergothérapeute et le Dr Chernin avaient cautionné sa recommandation de fournir un bureau hydraulique à la fonctionnaire s’estimant lésée. Le poste de travail ergonomique auquel il fait référence dans divers documents, dont la pièce G-10, intègre ce bureau, mais il a fallu attendre deux ans pour que l’employeur donne suite à cette recommandation.

40 M. Harris est surintendant des douanes depuis 16 ans. Il est devenu le superviseur de la fonctionnaire s’estimant lésée en 1999. C’est lui qui s’était porté à son secours après sa chute cette année­-là et qui a rédigé le rapport d’accident.

41 Quand elle est revenue au travail en août 2000, elle relevait toujours de lui. Il avait une très bonne relation de travail avec elle. Il a indiqué qu’il avait quitté temporairement son poste de superviseur pendant 18 mois et qu’à son retour en avril 2003, la fonctionnaire s’estimant lésée était en congé prolongé. Quand il a appris qu’elle revenait au travail en juin 2003, il a fait le nécessaire pour l’aider à se familiariser avec son nouveau lieu de travail sur le chemin Dixie, notamment en lui faisant visiter les lieux et en lui présentant les autres employés (pièce E-42).

42 Le surintendant Harris a déclaré qu’il avait reçu pour instruction de suivre de près la production de la fonctionnaire s’estimant lésée. La pièce E-45 montre qu’elle a eu un bon rendement jusqu’au 17 juillet 2003, qu’il était satisfait de ses efforts et que [traduction] « son niveau de rendement correspondait à celui qui est attendu d’une personne qui revient au travail après une absence ». Le problème était que la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas réussi à atteindre ses objectifs de production par la suite. Cinq mois plus tard, le 19 janvier 2004, une réunion a eu lieu pour discuter de son rendement, qui avait beaucoup baissé dans les 22 dernières semaines. En effet, durant cette période, elle n’avait atteint son objectif quotidien de 150 mainlevées électroniques que lors de trois semaines seulement. Dans le compte rendu de cette réunion (pièce E-46), on peut lire ce qui suit : [traduction] « Tous les participants conviennent que […] l’inspectrice Giroux est parfaitement capable d’atteindre les [objectifs de production]. » Une autre réunion s’est tenue environ cinq semaines plus tard, le 1er mars 2004. Cette fois-là, le compte rendu indique (pièce E-48), comme dans la pièce E-45, que : [traduction] « Marcelle a atteint et dépassé l’objectif quotidien minimal de 150 mainlevées et [que] nous l’en avons félicitée. »

43 Le 23 avril 2004, la fonctionnaire s’estimant lésée a expédié un courriel au surintendant Harris pour se plaindre de douleurs à la main droite accompagnées de rigidité. À sa demande, il a rempli un rapport d’accident du travail à l’intention de la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail (CSPAAT).

44 Une autre réunion s’est tenue le 20 juillet 2004 (pièce E-51) pour discuter du rendement de la fonctionnaire s’estimant lésée durant la période du 16 février au 2 juillet 2004. Sur ces 19 semaines, la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait atteint ses objectifs de production que lors de quatre semaines seulement. Elle s’est absentée du travail pour cause de maladie pendant neuf semaines complètes et a pris divers autres types de congé pour une partie de la semaine à plusieurs reprises. La direction avait attiré l’attention sur le fait que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait fait qu’une semaine complète de travail dans les 47 semaines précédentes. [Traduction] «[…] la direction a observé que les absences répétées de Marcelle lui nuisent car elle n’est pas là quand il y a du travail […] ».

45 Les participants à la réunion avaient convenu de se réunir de nouveau huit à dix semaines plus tard, mais la fonctionnaire s’estimant lésée a été licenciée avant.

46 En contre-interrogatoire, le surintendant Harris a admis qu’il avait rédigé une évaluation du rendement (pièce E-25), datée du 8 août 2001, dans laquelle il a fait des commentaires très élogieux à propos de la fonctionnaire s’estimant lésée. Il a notamment dit qu'elle était une employée [traduction] « compétente, professionnelle, consciencieuse et très motivée ». Il a aussi tenu un journal (pièce E-26) quotidien à son sujet, sur une période de plus de dix mois, du 16 juin 2003 au 23 avril 2004, dans lequel il consignait, entre autres choses, ses heures d’arrivée et de départ, sa production quotidienne, ses rendez-vous chez le médecin, ses plaintes occasionnelles à propos du manque de travail, la durée de ses séances d’ergonomie, ses problèmes continuels avec des collègues et leur attitude négative à son endroit, et les plaintes de ses collègues contre elle.

47 Le surintendant Harris a expliqué que le fait que la fonctionnaire s’estimant lésée accomplissait une tâche unique dans un service polyvalent affectait le moral des autres employés (pièce G-27). Il avait eu beau expliquer la situation à quatre de ses collègues [traduction] « cela n’avait rien fait pour les réconforter ». Un peu plus tôt, en avril 2002, il a fait parvenir un courriel à Mme Hussein, à la demande de cette dernière, dans lequel il résumait les observations qu’il avait faites durant les 13 mois qu’il avait supervisé la fonctionnaire s’estimant lésée (d’août 2000 à octobre 2001), en la décrivant comme une personne qui était parfois [traduction] « vindicative, égocentrique et impertinente ».

48 Le surintendant Harris a déclaré qu’après le retour de la fonctionnaire s’estimant lésée au travail, en juin 2003, MM. Spraggett et Roussel lui ont fixé un objectif quotidien de 150 mainlevées électroniques. Le surintendant Harris communiquait les chiffres de production réels de la fonctionnaire s’estimant lésée à la direction pour lui permettre de suivre son rendement de près. À ce propos, il a déclaré ce qui suit : [traduction] « Je ne surveillais pas tous les employés de la même façon que je surveillais Marcelle. C’était la première fois qu’on me demandait de surveiller quelqu’un aussi étroitement ». Les 150 mainlevées quotidiennes demandées représentaient un « objectif souhaitable », plutôt qu’un objectif absolu, selon lui. Il a confié que [traduction] « l'on avait déjà commencé, en juillet 2004, à discuter de la possibilité de renvoyer Marcelle. »

49 Mme Lau est la conseillère en relations de travail qui est responsable du dossier des mesures d’adaptation. Elle a participé à l’établissement du premier programme de retour au travail de la fonctionnaire s’estimant lésée, en août 2000. Comme les opinions médicales divergeaient à propos des restrictions qui s’appliquaient à la fonctionnaire s’estimant lésée pour des raisons de santé, elle a sollicité l’opinion du Dr Chernin, médecin en santé du travail. Des changements avaient aussi été apportés au programme initial de retour au travail, à l’issue d’une réunion avec l’agent négociateur de la fonctionnaire s’estimant lésée, afin, notamment, d’étaler sa réintégration sur huit mois plutôt que sur six semaines seulement, d’augmenter le nombre d’heures et de jours de travail, ainsi que de faire passer l’objectif de production de 25 % à 100 % de la charge de travail.

50 Le Dr Chernin et Lidia Darolfi, ergothérapeute, ont visité le lieu de travail et recommandé diverses mesures pour faciliter la réintégration de la fonctionnaire s’estimant lésée (pièces E-2W et E-2X).

51 Après réception de la lettre du Dr Galea datée du 9 avril 2002 (pièce E-29), la fonctionnaire s’estimant lésée a été mise en congé (pièce E-32). Comme le Dr Chernin avait indiqué que la fonctionnaire s’estimant lésée était apte à reprendre le travail dès la deuxième semaine de juillet 2002 (pièce E-2(C)(I)), Mme Lau a écrit au Dr Chernin (pièce E-73), le 30 juillet 2002, pour lui faire part de ses réserves à propos de ce retour et lui communiquer des données sur la production de la fonctionnaire s’estimant lésée sur une période de 15 semaines (du 6 janvier au 20 avril 2002). Mme Lau a conclu sa lettre en disant que [traduction] « […] rien n’indique que le fait de la réintégrer au travail à ce moment-ci donnerait d’heureux résultats […] » et en lui demandant des instructions supplémentaires. Dans sa réponse (pièce E-2A) datée du 4 septembre 2002, le Dr Chernin a mentionné ce qui suit : [traduction] « […] Mme Giroux ne me semble pas apte à s’acquitter des fonctions de son poste d’attache. Il faudrait essayer de voir s’il n’y aurait pas, ailleurs à l’Agence ou dans un autre ministère, un poste comportant des tâches plus sédentaires qui lui conviendrait mieux […] ».

52 Dans une lettre datée du 11 février 2003 et accompagnée d’une pièce jointe (pièce E-79) adressée à la Dre Callary, la supérieure du Dr Chernin, Mme Lau a indiqué que si la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas en mesure d’accomplir les tâches adaptées, il y avait peu d’espoir de lui trouver un autre poste dans l’organisation. Elle demandait ensuite à la Dre Callary de : [traduction] « […] faire le nécessaire pour clore ce dossier d’ici la fin du mois prochain, car il serait injuste pour l’employée et pour l’Agence de laisser cette situation perdurer au-delà d’une date raisonnable ».

53 Or, le 2 avril 2003, la Dre Callary a indiqué que la fonctionnaire s’estimant lésée était apte à retourner au travail, à condition que certaines mesures d'adaptation soient prises (pièce E-2(c)).

54 De fait, la fonctionnaire s’estimant lésée est retournée au travail et a réussi à atteindre les objectifs que l’Agence lui avait fixés, ce qu’on a d’ailleurs confirmé lors d’une réunion, le 9 septembre 2003. Malheureusement, ses absences sont devenues plus fréquentes par la suite et sa production a de nouveau chuté.

55 En contre-interrogatoire, Mme Lau a déclaré qu’après avoir pris connaissance de la lettre du Dr Chernin, elle s'est employée à dresser une liste de postes comportant [traduction] « strictement des fonctions sédentaires ». Elle n’a pas envisagé la possibilité de proposer du temps partiel ou un autre type d’horaire. [Traduction] « La capacité de mouvement de Mme Giroux était déjà très limitée; il fallait donc lui trouver un travail qui était encore moins exigeant à cet égard. »

56 Mme Lau a indiqué qu’aucun nouveau pronostic n’avait été demandé après celui reçu de la Dre Callary au printemps de 2003 (pièce E-26).

57 Personne n’avait dit à Mme Lau qu’il était impossible de répondre aux besoins de la fonctionnaire s’estimant lésée, mais elle savait qu’on ne pouvait pas lui attribuer de tâches qui nécessitaient plus de mouvements que celles que Mme Giroux accomplissait déjà. Du reste, la fonctionnaire s’estimant lésée [traduction] « n’était pas admissible à des mesures de réintégration au travail aux termes des programmes offerts par le CSPAAT, de sorte qu’il n’y avait aucune raison de lui offrir une formation d’appoint ou de lui trouver un poste à l’extérieur de l’Agence. Nous n’avons pas jugé bon d’obtenir une autre opinion du Dr Galea, car les avis que nous avions déjà reçus du Dr Chernin et de la Dre Callary, au printemps de 2003, nous suffisaient ».

58 Mme Lau a précisé qu’elle avait participé à la rédaction du projet de lignes directrices médicales en matière d’adaptation (pièce E-32) à l’Agence; [traduction] « Il nous arrivait d’aller au­-delà des mesures prévues », a-t-elle déclaré.

C. Preuve de la fonctionnaire s’estimant lésée

59 La fonctionnaire s’estimant lésée a fait ses premiers pas comme inspectrice des douanes en 1973, à l’aéroport international Pearson. Elle a commencé à consulter le Dr Galea après sa première chute au travail, le 22 novembre 1999. Elle le voyait toutes les semaines au début, puis toutes les deux semaines par la suite. Il lui arrive encore de le consulter quand elle en sent le besoin. Le Dr Galea avait procédé à un examen physique et vérifié sa capacité de mouvement.

60 La fonctionnaire s’estimant lésée est d’avis que la plupart des recommandations du Dr Galea n'ont pas été appliquées immédiatement dans certains cas, alors que dans d'autres cas elles ne l'ont jamais été. Mme Hussein lui a dit que la direction avait décidé d’attendre d’avoir quitté le terminus cargo « B » et emménagé dans ses nouveaux locaux pour lui fournir les outils recommandés et un bureau adapté à ses besoins.

61 Le Dr Chernin ne lui a jamais fait subir un examen physique. Elle ne l’a rencontré qu’une seule fois, en compagnie de sa représentante syndicale, pour discuter de ses tâches informatiques. Il n’a pas non plus demandé à la rencontrer le jour où il a visité les locaux de l’employeur.

62 La fonctionnaire s’estimant lésée avait fait part de ses préférences au surintendant Harris, lors d’une réunion qu’elle avait eue avec lui. Elle avait précisé qu’elle ne pouvait pas demeurer assise très longtemps et qu’il lui fallait un poste qui lui permettait de marcher et de bouger le plus souvent possible. C’était beaucoup plus pénible pour elle de demeurer assise que de se lever, de marcher et de se pencher. Elle a déclaré : [traduction] « À la suite d’une lettre de plainte dans laquelle on me reprochait d’avoir perçu un montant trop élevé de taxes, Mme Hussein m’a convoquée pour me dire que j’étais une incompétente et un déshonneur pour l’Agence. Je me suis sentie menacée et je n’ai pas voulu poursuivre la réunion. »

63 On a fourni à la fonctionnaire s’estimant lésée un bureau muni d’une manivelle pour en régler la hauteur. Elle a déclaré que c’était mauvais pour son épaule et qu’on ne lui avait pas permis d’emporter son ancien bureau hydraulique.

64 Dans une lettre datée du 26 juillet 2001, le Dr Galea a demandé à la direction de lui fournir un bureau hydraulique.

65 À titre de condition préalable pour l'obtention d'un bureau hydraulique, la fonctionnaire s’estimant lésée a dû signer une formule de « consentement à la divulgation de renseignements », le 11 février 2002 (pièce G-62). Cependant, le bureau ne lui a pas été fourni cette année-là.

66 La fonctionnaire s’estimant lésée a reçu un courriel (pièce E-37) daté du 12 mars 2002 lui rappelant qu’elle devait désormais atteindre le même objectif de production que les autres employés, conformément à la directive qui lui avait été donnée le 28 février 2002, ce qui allait à l’encontre de l’opinion de son médecin. Comme il est indiqué dans la pièce G-10, le Dr Galea mettait la direction en garde contre le danger d’obliger la fonctionnaire s’estimait lésée à donner trop vite son plein rendement, car cela risquait de nuire à son rétablissement.

67 Mme Giroux a été convoquée au bureau de M. Spraggett après que le Dr Galea eut écrit à l’Agence à propos du stress qu’elle vivait au travail et des causes et conséquences de cette situation. Elle a déclaré : [traduction] « On ne m’a pas parlé de la cause de mes problèmes, ni offert de l’aide. Même si mon médecin, le Dr Chernin et le psychiatre disaient que j’étais apte à travailler, on m’a dit de rentrer chez moi et d’y demeurer jusqu’à nouvel ordre ». La fonctionnaire s’estimant lésée a protesté et demandé qu’on élimine plutôt les irritants qui lui causaient du stress, mais sans succès. Elle est demeurée en congé de maladie pendant 14 mois, jusqu’en juin 2003.

68 Le Dr Chernin a déclaré, le 27 juin 2002, que la fonctionnaire s’estimant lésée était apte à retourner travailler (pièce E-2(0)(I)). Elle avait été encore plus stressée d’apprendre seulement 11 semaines plus tard, que, sans même l’avoir examinée ou lui avoir parlé, le Dr Chernin ne voyait plus du tout la situation de la même façon et qu’il lui semblait maintenant qu’elle [traduction] « n’était pas apte à accomplir les fonctions de son poste d’attache ».

69 C’est à la suite de cette dernière opinion que la fonctionnaire s’estimant lésée a été convoquée à une réunion, le 12 novembre 2002 (pièce E-74), durant laquelle on lui a donné le choix entre prendre sa retraite ou être renvoyée.

70 La fonctionnaire s’estimant lésée a alors écrit à son député, le 26 novembre 2002, pendant qu’elle était en congé (pièce G-66), pour lui demander son son aide. Sa représentante a expédié une copie de sa lettre au sous-ministre de la Santé, d’où l’intervention de la Dre Callary. Celle-ci a rédigé une opinion (pièce E-2(C)), le 2 avril 2003, dans laquelle elle déclarait que la fonctionnaire s’estimant lésée était apte à retourner au travail pour une période provisoire. À la fin de la période de réintégration de huit semaines (pièce E-20), la fonctionnaire s’estimant lésée a atteint les objectifs de production qui lui avaient été fixés. Une réunion avait eu lieu précédemment, le 17 juillet 2003, pour discuter des résultats de ses quatre premières semaines de travail (pièce E-45), qui avaient tous été jugés très positifs.

71 La fonctionnaire s’estimant lésée a expliqué que sa faible productivité était en partie attribuable au fait qu’elle avait de la difficulté à utiliser le nouveau programme informatique (Pegasus) qu’elle entrait uniquement des données de type « 496 » puisqu’elle n’avait pas encore appris à faire les autres, qu’elle avait des problèmes avec ses collègues (ils avaient rencontré le surintendant Harris afin de le convaincre de la remplacer par un employé qui était capable d’accomplir toutes les tâches d’inspecteur des douanes), et que ses douleurs étaient plus intenses qu’avant à cause des trois autres chutes qu’elle avait faites au travail (pièces G-74, G-76 et G-77) entre juillet et décembre 2003.

72 Le 19 janvier 2004, on l’a convoquée à une réunion pour discuter de son rendement (pièce E-46), jugé beaucoup trop faible pendant 19 des 22 semaines de la période d’examen.

73 Cependant, à la réunion suivante, le 1er mars 2004, on lui a dit qu’elle avait [traduction] « atteint et même dépassé l’objectif minimal de 150 dossiers traités ».

74 La fonctionnaire s’estimant lésée a été victime d’un autre accident du travail, mais cette fois­-là, il ne s’agissait pas d’une chute; elle s'était  plutôt mise à [traduction] « avoir des douleurs et de la rigidité à la main droite » (pièce E-50) à cause des mouvements répétitifs qu’elle devait faire pour entrer des données dans l’ordinateur.

75 À la réunion d’évaluation suivante, le 20 juillet 2004, on lui a dit que sa production avait de nouveau chuté et que ses absences répétées étaient devenues inacceptables. On a alors décidé qu'une autre réunion aurait lieu huit à dix semaines plus tard.

76 Cinq semaines environ avant que la fonctionnaire s’estimant lésée soit renvoyée, on s’est mis à lui reprocher le temps qu’elle consacrait à ses étirements. Des courriels échangés entre la fonctionnaire s’estimant lésée, sa surintendante, Julie Bennett et le surintendant Harris durant la période allant du 23 juillet au 6 août 2004 (pièce G-82) relatent les événements liés à ce dernier différend à propos des mesures d’adaptation à prendre et du programme de retour au travail.

77 En contre-interrogatoire, la fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’elle avait participé à une réunion, le 24 juillet 2000, pendant son congé de maladie, pour discuter de son retour au travail (pièce G-50). Elle avait insisté sur le fait qu’il lui était très difficile de travailler assise et qu’elle avait besoin de faire des étirements pour atténuer ses spasmes. On lui a répondu que l'on [traduction] « ne prendrait aucune mesure d’adaptation permanente ».

78 L’employeur a admis qu’il avait attendu d’avoir quitté le terminus cargo B et emménagé dans ses nouveaux locaux pour fournir une partie du mobilier ergonomique dont la fonctionnaire s’estimant lésée avait besoin [traduction] « afin de ne pas avoir à payer deux fois ». La fonctionnaire s’estimant lésée a indiqué qu’elle avait travaillé au terminus cargo B d’août 2000 à mars 2001 et que, de juin 2001 à avril 2002, avant que la direction la mette en congé de maladie, elle avait travaillé dans les nouveaux locaux. À son retour au travail en juin 2003, elle n’était pas la bienvenue dans l’édifice d'Interport, les autres employés ne voulant pas travailler avec elle. En dépit de ses problèmes avec ses collègues, elle préférait quand même travailler dans cet édifice, car il s’agissait d’une nouvelle construction (avec des portes automatiques, un ascenseur, des rampes d’accès et une salle de premiers soins où elle pouvait faire ses étirements), il y avait un stationnement à proximité, et l'immeuble était situé dans un secteur bilingue où elle pouvait parler sa langue maternelle.

79 Quand on lui a montré la lettre de la Dre Callary la priant de lui faire savoir quelles mesures d’adaptation n’avaient pas été prises (pièce G-72), la fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré que [traduction] « tous les mesures d'adaptation physiques [avaient] été prises » et qu’il ne fallait pas s’attendre à une [traduction] « amélioration spectaculaire de son état de santé ».

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

80 Les fonctions de l’inspecteur des douanes sont décrites dans les pièces E-85 et E-86, et les exigences physiques, dans la pièce E-78. Cependant, au moment où elle a fait sa première chute au travail, en 1999, elle occupait le poste d’agente de soutien aux programmes, de groupe et de niveau PM-03.

81 L’employeur a fait de nombreuses tentatives, de bonne foi, pour aider la fonctionnaire s’estimant lésée au travail à réintégrer son poste. Il a notamment :

  • adapté ses fonctions;
  • modifié son horaire;
  • examiné sa capacité de travail;
  • effectué une évaluation ergonomique;
  • donné suite à l’ensemble des recommandations;
  • fourni du matériel de formation;
  • établi des programmes de retour au travail;
  • accordé un congé rémunéré de 14 mois à la fonctionnaire s’estimant lésée;
  • eu des échanges réguliers avec la fonctionnaire s’estimant lésée à propos des exigences de l’employeur, lui a signalé ses problèmes de rendement et l’a informé des conséquences si elle ne satisfaisait pas aux exigences;
  • offert du counseling relativement à un éventuel départ à la retraite pour raisons de santé.

82 La preuve médicale, ajoutée au rendement de la fonctionnaire s’estimant lésée montre qu’elle est incapable de donner le rendement prévu par Santé Canada et par son propre médecin.

83 L’avocate de l’employeur a renvoyé à diverses causes, soit, dans l’ordre, Hutchinson c. Canada (ministère de l’Environnement) (2003), CAF 133; Scheuneman v. Canada (Attorney General) (2000), 266 N.R. 154 (C.A.F.); McCormick c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-26274 (19950918); Gouvernement de la province de la Colombie­-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. British Columbia Government and Service Employees’ Union (grief Meiorin), [1999] 3 R.C.S.; Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, [2007] A.C.S. no 4; Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] A.C.S. no 75; Ontario Public Service Employees Union (Kerna) v. The Crown in Right of Ontario (Ontario Human Rights Commission),2005 CanLII 55151; Re Canada Post Corp. v. Canadian Union of Postal Workers (Godbout) (1993), 32 L.A.C. (4th) 289; Corbiere c. Wikwemikong Tribal Police Services Board, 2007 CAF 97; Kerr-Alich c. Conseil du Trésor (ministère du Développement social), 2007 CRTFP 33; et Joss c. Conseil du Trésor (Agriculture et Agroalimentaire Canada), 2001 CRTFP 27.

84 L’employeur était fondé de renvoyer la fonctionnaire s’estimant lésée; il s’est également acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation. La fonctionnaire s’estimant lésée avait donné son accord aux objectifs de rendement qui lui avaient été fixés.

85 Les tâches adaptées ne représentaient qu’une partie des fonctions habituelles de l’inspecteur des douanes. Les raisons invoquées par la fonctionnaire s’estimant lésée pour justifier sa production inacceptable ont été réfutées par les témoins de la direction. La seule raison qui reste maintenant est que ses douleurs incessantes la ralentissaient dans son travail. Or, même après que l’employeur eut pris toutes les mesures d’adaptation nécessaires, la fonctionnaire s’estimant lésée a indiqué qu’elle ne pouvait pas accomplir plus de 70 % à 80 % de la charge de travail habituelle. Le 10 juillet 2001, elle a écrit au surintendant (pièce E-41) pour l’informer qu’elle éprouvait [traduction] « […] une douleur aiguë […] et si lancinante qu[’elle] [était] incapable de poursuivre son travail ». Dans la pièce E-51, il est écrit qu’elle aurait déclaré, trois ans après avoir rédigé la pièce E-41, que [traduction] « elle éprouvait des douleurs qui l’empêchaient d’accomplir son travail à certains moments ». La situation était toujours la même en avril 2004 (pièce E-49), lorsqu’elle a demandé au surintendant Harris de rédiger un courriel indiquant qu’elle avait mal à la main droite [traduction] « au travail et au repos ».

86 D’après Meiorin, l’un des éléments dont il faut tenir compte est la santé de l’employé au travail. La fonctionnaire s’estimant lésée a fait plusieurs chutes (pièces G-76 et G-77). À cela s’ajoute une blessure au poignet (pièce E-50) au printemps de 2004. L’employeur est obligé de déterminer s’il existe d’autres risques pour la fonctionnaire s’estimant lésée.

87 Les absences répétées de la fonctionnaire s’estimant lésée (pièces G-55 et G-59), ajoutées à sa faible productivité et au fait que son travail lui causait des douleurs, démontrent qu’elle n’était plus capable de travailler.

88 La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré que le harcèlement auquel elle avait été soumise avait nui à sa productivité. Or, même après avoir été mutée dans l’édifice d’Interport, elle n’a pas réussi à augmenter sa productivité.

89 En ce qui concerne la question du bureau hydraulique, l’employeur n’a pas dit qu’il refusait de lui en fournir un — il n’était tout simplement pas sûr que c’était nécessaire. Le fait que la fonctionnaire s’estimant lésée ait tardé à signer la formule d’autorisation à la divulgation de renseignements a aussi retardé les choses.

90 Le programme de retour au travail (pièce E-65) prévoyait que la fonctionnaire s’estimant lésée devait atteindre le même niveau de production que les autres employés au plus tard en février 2002. Quand elle s’est élevée contre cette exigence, l’employeur a accepté de ramener son objectif aux trois quarts de la production attendue.

91 Vint ensuite la lettre du Dr Galea (pièce E-29), datée du 9 avril 2002, à propos du stress que la fonctionnaire s’estimant lésée vivait au travail. L’Agence a réagi en lui accordant un congé rémunéré de 14 mois, jusqu’en juin 2003. Quand elle est revenue au travail, en novembre 2002, l’Agence l’a rencontrée et lui a offert deux choix, soit prendre sa retraite pour raisons médicales, soit être renvoyée.

92 Lorsque la Dre Callary a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée était apte à retourner au travail, avec certains aménagements, pour une période provisoire (pièce E-2(c)), toutes ses recommandations ont été mises en œuvre. Le suivi a été effectué dans une optique positive, et non pas négative, et s’est accompagné de suggestions. Bref, l’employeur a fait tous les efforts qu’on attendait de lui.

93 L’avocate de l’employeur a formulé quelques observations à propos de la jurisprudence citée. Je reviendrai sur certaines de ces observations dans les motifs de ma décision.

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

94 La représentante de la fonctionnaire s’estimant lésée a présenté des arguments écrits sur les deux griefs à la fois plutôt que sur chacun d’eux, vu que les [traduction] « deux griefs portent sur la même série d’événements et sur diverses pratiques discriminatoires ».

95 La fonctionnaire s’estimant lésée était inspectrice des douanes depuis plus de 31 ans et son rendement était considéré comme très satisfaisant. Elle a été victime d’un accident du travail, qui l’a laissée avec une incapacité permanente. Quand la fonctionnaire s’estimant lésée a été renvoyée, le 30 août 2004, l’employeur ne s’était pas acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation jusqu’à la contrainte excessive.

96 Pour en arriver à sa décision de renvoyer la fonctionnaire s’estimant lésée, l’employeur a préféré retenir l’opinion médicale d’un médecin qui n’avait vu Mme Giroux qu’une seule fois et qui ne l’avait jamais examinée, alors qu’il aurait dû accorer plus de crédibilité à l’opinion médicale de son médecin, qui l’avait vue et examinée de façon régulière. Le Dr Galea estimait et estime toujours que la fonctionnaire s’estimant lésée était capable d’effectuer des contrôles douaniers ou n’importe quel autre type de travail, à la condition de prendre certaines mesures d’adaptation.

97 Au moment du renvoi de la fonctionnaire s’estimant lésée, son employeur était le Conseil du Trésor, et ce, depuis le transfert, par décret, le 12 décembre 2003, des employés de l’Agence des douanes et du revenu du Canada à l’ASFC, à la suite de la création du nouvel organisme.

98 Le critère que l'on doit appliquer pour déterminer si l’employeur s’est acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation est celui qui est énoncé dans Meiorin, au lieu de l’ancien critère qui consistait à tenter d’intégrer l’employé handicapé au milieu de travail. L’employeur ne peut se contenter, comme il l’a fait dans le cas de la fonctionnaire s’estimant lésée, d’attribuer des tâches partielles à un employé et de conclure, en partant du principe qu’il a de la difficulté à s’acquitter de ses tâches, qu’il est nécessairement incapable de faire quoi que ce soit d’autre.

99 L’employeur n’a pas examiné honnêtement toutes les raisons pour lesquelles la fonctionnaire s’estimant lésée n’atteignait pas ses objectifs de rendement, comme ses difficultés continuelles avec des collègues et le stress que lui causaient ses relations de plus en plus tendues avec la direction et ses compagnons de travail.

100 L’employeur a concentré son attention sur les objectifs et les chiffres de production, à l’exclusion du reste, ce qui était une erreur. Rien ne lui permettait d’ailleurs de conclure, comme il le fait dans la lettre de renvoi, que la fonctionnaire s’estimant lésée était [traduction] « […] également inapte à s’acquitter des fonctions d’un autre poste à l’Agence […] ».

101 Au lieu de tenter de supprimer les causes de stress, après la lettre du Dr Galea, l’employeur a préféré retirer la fonctionnaire s’estimant lésée du lieu de travail (ce à quoi elle s’est opposée) et la faire examiner par un psychiatre.

102 Comme les troubles physiques de la fonctionnaire s’estimant lésée étaient permanents, l’employeur avait l’obligation de trouver une solution à long terme au lieu de simplement lui fixer des objectifs de rendement moins élevés que ceux des autres employés.

103 Le fait d’attribuer à la fonctionnaire s’estimant lésée une seule fonction d’un poste, au lieu d’examiner à fond les autres postes qui étaient disponibles ou même de combiner les fonctions de divers postes, a eu des conséquences sur le moral des autres employés et été perçu comme un traitement de faveur.

104 Un autre facteur qui a contribué à accroître le stress de la fonctionnaire s’estimant est la supervision étroite du surintendant Harris, qui a admis n’avoir jamais suivi une employée d’aussi si près avant.

105 L’employeur n’a pas démontré que les objectifs de production que la fonctionnaire s’estimant lésée devait atteindre dans un délai donné constituaient une exigence professionnelle justifiée. Aucune donnée n’a d’ailleurs été fournie au sujet de la production des autres employés afin de se faire une meilleure idée de ce qui était la norme, les maximums et les minimums et les fluctuations normales. Pour l’essentiel, les autres employés qui accomplissaient la même tâche que la fonctionnaire s’estimant lésée le faisaient dans le cadre de leurs autres fonctions et non pas de façon continuelle, ce qui rend donc toute comparaison impossible.

106 Le rendement de la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas le seul sujet de préoccupation de l’employeur. Il a été démontré que ses absences répétées constituaient aussi un problème majeur.

107 L’employeur n’a pas reçu d’autre opinion médicale du Dr Chernin après septembre 2002. Il était déraisonnable, en août 2004, de continuer d’utiliser l’opinion antérieure du Dr Chernin, selon laquelle la fonctionnaire s’estimant lésée devait être confinée à des tâches [traduction] « strictement sédentaires ». L’employeur aurait dû obtenir une opinion plus actuelle et dresser une liste des postes disponibles. Il a omis d’analyser d’autres postes pour déterminer quelles fonctions étaient essentielles et lesquelles ne l’étaient pas. Il n’a pas non plus envisagé la possibilité de proposer du temps partiel ou un autre type d’horaire, à plus forte raison un poste à l’extérieur de l’ASFC, c’est-à-dire ailleurs dans l’administration fédérale.

108 Si l’employeur s’était donné la peine de consulter le Dr Galea pour obtenir son opinion sur les autres postes envisagés, ou le Dr Chernin, ou la fonctionnaire s’estimant lésée, ou son agent négociateur, il aurait recueilli de l’information sur ce que la fonctionnaire s’estimant lésée pouvait faire et ne pouvait pas faire. Il y avait une divergence d’opinions entre les médecins de Santé Canada. Le Dr Chernin estimait que la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas apte à travailler, alors que son superviseur, la Dre Callary était d’avis qu’elle l’était, mais pour une période d’essai.

109 Il a été démontré que la fonctionnaire s’estimant lésée pouvait atteindre et même dépasser ses objectifs de rendement, une partie du temps à tout le moins. Il ne s’agit pas d’un cas où l’employée est tenue à l’écart du lieu travail sans avoir quand elle y retournera. On sait, au contraire, que l’employeur a félicité la fonctionnaire s’estimant lésée pour son bon travail à l’été de 2003 et de nouveau au printemps de 2004.

110 Le point le plus important, c’est que l’employeur n’a pas démontré qu’il avait pris des mesures d’adaptation jusqu’à la contrainte excessive ou qu’il n’existait pas d’autre solution qui n’aurait pas constitué une telle contrainte. En se limitant à la liste des dix postes PM-01 au service de l’impôt, dressée deux ans plus tôt, et en les rejetant tous, sans justification médicale, l’employeur ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait, avant même d’avoir étendu sa recherche au reste de l’administration publique. Il n’a pas démontré que le fait de prendre d’autres mesures d’adaptation aurait constitué une contrainte excessive en matière de santé, de sécurité ou de coûts. Cette dernière affirmation est particulièrement pertinente au vu des ressources financières dont dispose l’administration fédérale et de la multitude et de la diversité des postes qu’on y trouve.

111 La représentante de la fonctionnaire s’estimant lésée renvoie elle aussi à diverses décisions, qu’elle me presse de prendre en considération : Canada (Procureur général) c. Boutilier, [2000] 3 C.F. 27 (C.A.); Parry Sound (district), Conseil d’administration des services sociaux c. Syndicat des employés et employées de la fonction publique de l’Ontario, section locale 324, [2003] 2 R.C.S. 157; Meiorin; Desormeaux c. Ville d’Ottawa, 2005 CAF 311; Vancouver (Greater) v. Greater Vancouver Regional District Employees’ Union (Dove Grievance), [2007] B.C.C.A.A.A. No 12 (QL); Parisien c. Commission de transport régionale d’Ottawa-Carleton, 2003 TCDP 10; Coupal c. Canada (Procureur général), 2006 CF 255; Sketchley c. Canada, 2004 CF 1151; Alberta v. Alberta Union of Provincial Employees, [2005] A.G.A.A. No. 60; Zhang c. Conseil du Trésor (Bureau du Conseil privé), 2005 CRTFP 173; et Dhaliwal c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 109.

IV. Motifs

112 Pour commencer, il y a un certain nombre de faits qui sont acquis.

113 Au moment de son renvoi, la fonctionnaire s’estimant lésée cumulait plus de 31 années de service comme inspectrice des douanes; ses évaluations montrent qu’elle a toujours eu un très bon rendement; c’était une employée estimée qui avait un dossier disciplinaire vierge.

114 Il est également acquis que la fonctionnaire s’estimant lésée a été victime d’un accident du travail. L’employeur admet qu’il a l’obligation de prendre des mesures d’adaptation et l'on doit reconnaître, à ce propos, qu’il a fait beaucoup d’efforts pour s’acquitter de cette responsabilité.

115 Mais l’employeur s’est­-il acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation jusqu’à la contrainte excessive? C’est ce que je tenterai d’établir dans ma décision.

A. Le fardeau de la preuve

116 C’est à l’employeur qu’il appartient de prouver que la question posée au paragraphe précédent appelle une réponse affirmative : il doit démontrer qu’il s’est acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation jusqu’à la contrainte excessive. S’il ne parvient pas à faire cette preuve, le renvoi devra alors être invalidé.

B. L’obligation de prendre des mesures d’adaptation

117 Comme il est indiqué dans la lettre de renvoi (pièce E-1), l’employeur doit démontrer que la fonctionnaire s’estimant lésée n’est pas apte, à cause d'une incapacité physique ou pour des raisons de santé, de s’acquitter des fonctions de son poste d’inspectrice des douanes. En outre, il doit également prouver, dans le contexte de son obligation de prendre des mesures d’adaptation, qu’elle est [traduction] « […] également inapte à s’acquitter des fonctions d’un autre poste à l’Agence […] » pour reprendre le libellé de la lettre de renvoi.

118 Je m’interromps un instant ici pour préciser que ces considérations sont non seulement pertinentes, mais aussi d’une importance déterminante dans le cas qui nous occupe.

119 Dans mon analyse des motifs invoqués dans la lettre de renvoi, je dois d’abord m’intéresser aux fonctions de l’inspecteur des douanes, qui sont décrites dans les pièces E-85 et E-86 et expliquées quelque peu dans la pièce E-78.

120 Une chose est sûre, c’est que le travail de l’inspecteur des douanes n’est pas unidimensionnel, tant s’en faut. Il suffit de jeter un coup d'œil aux activités principales, qui sont énumérées à la page 2 de la pièce E-85 datée du 26 septembre 2002, pour constater que le poste comporte dix aspects. À titre d’exemple, l’activité principale numéro 3 est décrite comme suit : [traduction] « Analyser des renseignements (sur support papier ou électronique) afin d’accorder la mainlevée des marchandises, de s’assurer que les conditions prévues par la législation et le programme sont respectées et d’évaluer les risques associés au non-respect de ces conditions. »

121 Il existe une preuve abondante et limpide à propos du rendement de la fonctionnaire s’estimant lésée relativement à cette activité. On sait qu’elle était capable d’atteindre et même de dépasser ses objectifs de rendement, moindres, certes, du fait des mesures d’adaptation, une partie du temps. En fait, à plusieurs reprises, lors de réunions dont l’objet était de discuter de son rendement, on l’a félicitée pour ses efforts. Le problème était que son rendement concernant cette activité n’était pas constant. Il y avait des fluctuations, des hauts et des bas.

122 Sans chercher à établir les raisons pour lesquelles son rendement est demeuré en deçà des attentes à certains moments, venons-en aux neuf autres activités principales. De quels éléments de preuve est-ce que je dispose pour conclure que la fonctionnaire s’estimant lésée ne peut pas accomplir ces activités? La réponse c’est que je n’en ai absolument aucun.

123 On ne m’a pas fourni de preuve sur le pourcentage de temps qu’elle a consacré à chaque activité ni sur l’importance que chacune revêt dans la réalisation du mandat général de l’organisme, tel qu’il est décrit dans la section intitulée Résultats axés sur le service à la clientèle. Je dispose toutefois de plusieurs évaluations de rendement élogieuses, qui portent sur l’ensemble du travail accompli plutôt que sur une « partie des tâches » seulement. Du reste, lorsqu’elle a fait sa première chute, en 1999, la fonctionnaire s’estimant lésée occupait, à titre intérimaire, un poste de nouveau supérieur, de groupe et de niveau PM-03. Cela me confirme une nouvelle fois que la direction croyait en ses capacités.

124 Je trouve troublant, au vu des motifs qui sont invoqués dans la lettre de renvoi (pièce E-1), qu’aucune preuve n’a été produite pour établir si la fonctionnaire s’estimant lésée était capable ou n’était pas capable d’accomplir les neuf autres activités, lesquelles pouvaient représenter jusqu’à 90 % du travail de l’inspecteur des douanes.

125 Bien évidemment, entre le retour de la fonctionnaire s’estimant lésée au travail et son renvoi, quatre ans plus tard, l’employeur ne lui a jamais donné l’occasion d’accomplir les autres fonctions qui constituaient l’essentiel de son travail. C’est pourquoi j’ai de la difficulté à comprendre comment M. Mantzel a pu en arriver à la conclusion qu’en plus de ne pas être capable d’accomplir les fonctions de son poste d’attache, celui d’inspectrice des douanes, de groupe et de niveau PM-02, elle était également inapte à s’acquitter des fonctions [traduction] « […] d’un autre poste à l’Agence […] ».

126 Comment pouvait-il être à l’aise, comme il l’a affirmé, avec la décision de renvoyer une employée après 31 années de service, sans exiger une opinion médicale actualisée pour établir la capacité fonctionnelle de la fonctionnaire s’estimant lésée à s’acquitter des fonctions de son poste d’attache ou d’un autre poste, et sans mettre à jour la liste des postes disponibles dressée en 2002?

127 Un employeur peut-il conclure de façon définitive, comme l’a fait M. Mantzel, à propos d’une employée qui réussit seulement une partie du temps à atteindre les objectifs de rendement qui lui ont été fixés relativement à l’une des dix fonctions de son poste, qu’elle est nécessairement incapable d’accomplir les neuf autres fonctions, décrites comme suit :

[Traduction]

1) Effectuer des examens primaires des personnes ou des écoulements, des marchandises […] Demander un deuxième examen […], déterminer les personnes admissibles […], lesmarchandises ou les écoulements suspects.

2) […] intercepter et détenir des personnes […]

3) Établir, percevoir […] les taxes et droits fédéraux et provinciaux […] et faire appliquer la réglementation en matière d’importation et d’exportation.

4) Effectuer des examens secondaires et des vérifications d’entrepôt […]

5) Fournir de l’information aux voyageurs […] et répondre aux demandes de renseignements, aux préoccupations et aux plaintes sur la qualité du service.

6) Recueillir de l’information […] en entrant des données dans les bases de données […].

7) Consulter les collègues […], effectuer des recherches dans les diverses bases de données et analyser le contenu de celles-ci […]

8) Donner des conseils et de la formation sur le tas […]

9) Faire partie d’une équipe de travail et partager les renseignements recueillis avec les collègues, donner de la formation […]

128 Bref, M. Mantzel ne peut tirer une telle conclusion, et c’est là le problème.

129 On ne peut s’empêcher de se demander ce qu’il serait advenu de la fonctionnaire s’estimant lésée si l’occasion lui avait été donnée d’accomplir les neuf autres tâches. Je me demande aussi comment il se fait qu’après avoir constaté qu’elle avait de la difficulté à atteindre les objectifs qui lui étaient fixés relativement à sa seule tâche, l’employeur ne lui a pas attribué une ou plusieurs des autres tâches, particulièrement celles qui ne comportaient pas d’objectif quantitatif ni de norme de service?

130 J’aurais cru qu’une employée estimée qui comptait 31 ans d’expérience aurait représenté un atout pour de nombreuses autres tâches, notamment les activités principales 6, 8, 9 et 10 (pièce E-85). Elle aurait pu encadrer de nouvelles recrues, des employés temporaires ou des étudiants, comme il est indiqué à la page 4 de la description de travail, sous la rubrique Leadership des ressources humaines (pièce E-85), et les faire bénéficier de sa longue expérience.

131 La preuve de l’employeur porte exclusivement sur la seule et unique tâche qui a été attribuée à la fonctionnaire s’estimant lésée, une tâche qui, dit-il, ne représentait qu’une infime partie du travail de l’inspecteur des douanes. Cela dit, il a lui-même admis que la fonctionnaire s’estimant lésée avait atteint et même dépassé ses objectifs de rendement à certains moments. Or, je n’ai aucune preuve devant moi que la qualité de son travail était inacceptable.

132 Mme Lau a déclaré que la direction avait utilisé les opinions médicales du Dr Chernin et de la Dre Callary pour en arriver à sa décision de renvoyer la fonctionnaire s’estimant lésée. L’opinion la plus récente de la Dre Callary avait été communiquée à Mme Lau, dans une lettre datée du 2 avril 2003 (pièce E-2(C)), qui disait que : [traduction] « Mme Giroux a été examinée par un médecin spécialiste externe. » En se basant sur les résultats de cet examen, la Dre Callary a conclu, contrairement à la dernière opinion médicale reçue du Dr Chernin, que [traduction] « Mme Giroux [était] apte à retourner au travail, pour une période d’essai […] ». Il se trouve que la direction n’a pas tenté d’obtenir une autre opinion médicale.

133 Jusqu’ici, l’employeur n’a pas prouvé que la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas capable de s’acquitter des fonctions de son poste d’attache d’inspectrice des douanes ni qu’elle était incapable, pour des raisons de santé, de retourner au travail. Au contraire, le médecin dont il a reçu la dernière opinion médicale indique expressément qu’elle était apte à retourner au travail, et cette opinion s’accorde avec celle du Dr Galea.

134 Qu’en est-il maintenant de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation? Comme je l’ai indiqué au début, l’employeur a fait beaucoup d’efforts pour répondre aux besoins de la fonctionnaire s’estimant lésée. La preuve non contredite, à tout le moins celle entendue durant l’interrogatoire principal, établit que la plupart des recommandations du Dr Galea ont été appliquées, même si cela a pris du temps et que le Dr Galea a dû se livrer à une partie de bras de fer avec l’employeur. Le Dr Galea n’est d’ailleurs pas très tendre envers l’employeur lorsqu’il dit : [traduction pour l'ensemble des citations] « Ça a été la croix et la bannière pour obtenir un bureau, un fauteuil et un poste de premiers soins »; « De tous les employeurs avec lesquels j’ai eu à traiter dans des dossiers d’adaptation à la suite d’un accident, c’est l’administration fédérale qui m’a donné le plus de fil à retordre »; « Les réserves que j’ai formulées à propos de l’augmentation des heures de travail ont été balayées du revers de la main; j’aurais pu tout aussi bien ne pas les faire ».

135 Le délai démesurément long qu’il a fallu pour fournir un bureau hydraulique à la fonctionnaire s’estimant lésée, délai qui aurait été moindre si l'on n’avait pas commencé par lui donner un bureau à manivelle, est fort instructif.

136 L’avocate de l’employeur a déclaré que celui-ci n’avait pas refusé de fournir un bureau à la fonctionnaire s’estimant lésée; il avait juste demandé pourquoi elle en avait besoin. Le Dr Galea avait pour sa part réagi de façon plus positive en disant qu’il n’y avait aune raison de la priver de ce bureau. Quoi qu’il en soit, la fonctionnaire s’estimant lésée a attendu des années avant d’obtenir le bureau dont elle avait besoin. L’employeur a allégué que le délai était en partie attribuable au fait qu’elle avait tardé à signer la formule d’« autorisation à la divulgation de renseignements ». Or la preuve montre que, même après avoir rempli les formalités d’usage, elle a dû attendre encore un an avant de recevoir le bureau.

137 La dernière recommandation de la Dre Callary (pièce E-2(C)) était la suivante : [traduction] « Si la réintégration [de la fonctionnaire s’estimant lésée] pose des problèmes, il pourrait être utile de retenir les services d’un facilitateur en matière de retour au travail. » Or, il y a bel et bien eu des difficultés, mais personne n’a fait pas appel à un facilitateur.

138 Il y a déjà de nombreuses années que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation et la Loi canadienne sur les droits de la personne s’appliquent dans l’administration publique fédérale. Du reste, l’obligation de prendre des mesures d’adaptation n’est pas un principe immuable; c’est plutôt un concept dynamique à caractère évolutif avec lequel Mme Lau, qui est responsable du dossier des aménagements, était très familière. Cela dit, comment expliquer des erreurs aussi flagrantes que de négliger d’obtenir un pronostic médical actuel ou de dresser une liste à jour des postes disponibles avant de renvoyer la fonctionnaire s’estimant lésée, ou encore que d’utiliser une liste vieille de deux ans?

139 Je tiens compte du fait que c’est Mme Lau elle-même qui a rejeté l’opinion du Dr Chernin, qui a jugé que la fonctionnaire s’estimant lésée était apte à retourner au travail dès juillet 2002 et qui a écrit à la Dre Callary pour lui faire savoir qu’elle ne croyait qu’il était possible d'affecter la fonctionnaire à un autre poste. En fait, elle la presse même d’agir rapidement pour que le statu quo ne se prolonge pas au-delà d’une date limite raisonnable. Ces événements sont survenus plus d’un an avant le renvoi de la fonctionnaire s’estimant lésée.

140 Pourquoi l’Agence s’en est-elle tenue à une liste de dix postes de niveau subalterne au service de l’impôt et a­t-elle éliminé toutes les autres possibilités, sans même obtenir une opinion médicale sur la capacité de la fonctionnaire s’estimant lésée à accomplir les diverses fonctions?

141 L’employeur a décidé de ne pas envisager la possibilité d’offrir du temps partiel ou de regrouper diverses fonctions. Il n’a pas expliqué non plus pourquoi il n’avait pas songé à nommer la fonctionnaire s’estimant à des postes de bureau supérieur à titre d’essai, comme il l’avait fait avant son accident du travail, en 1999.

142 J’hésite à dire que les offerts de l’employeur visant à trouver un autre poste à la fonctionnaire s’estimant lésée n’étaient que de pure forme; pour présenter la situation sous l'éclairage le plus positif possible, je dirai plutôt qu’ils n'avaient rien d’extraordinaire. Ils étaient en tout cas bien en deçà des démarches exhaustives qui auraient été nécessaires pour étayer une affirmation aussi péremptoire que celle contenue dans la lettre de renvoi, à propos de l’inaptitude de la fonctionnaire s’estimant lésée à s’acquitter des fonctions d’un autre poste à l’Agence, ou encore pour permettre à M. Roussel de déclarer à l’audience qu’il était [traduction] « convaincu qu’il n’y avait pas d’autre poste qui répondait aux besoins de Mme Giroux ».

143 En convenant avec Mme Lau que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas la capacité médicale voulue pour accomplir les tâches des dix postes dont ils avaient dressé la liste, M. Roussel n’a pas tenté de déterminer s’il était possible d’adapter ces tâches pour tenir compte des limites physiques de Mme Giroux et, le cas échéant, de quelle façon elles pouvaient être modifiées.

144 Au vu de ces restrictions, je ne comprends pas pourquoi la suggestion contenue dans la lettre du Dr Chernin datée du 4 septembre 2002 (pièce E-2(a)), selon laquelle [traduction] « […] Il faudrait vérifier pour voir s’il n’y a pas, ailleurs à l’Agence ou dans un autre ministère, un poste comportant des tâches plus sédentaires […] [je souligne] », est demeurée lettre morte.

145 Peut-être la réponse se trouve-t-elle dans le témoignage de Mme Lau à l’audience, lorsqu’elle a déclaré que, puisque la fonctionnaire s’estimant lésée [traduction] « n’était pas admissible à des mesures de réintégration au travail aux termes des programmes offerts par la CSPAAT, il n’y avait pas de raison de lui offrir une formation d’appoint ou de lui chercher un autre poste à l’extérieur de l’Agence ». À mon sens, pour s’acquitter de son obligation de prendre des mesures d’adaptation jusqu’à la contrainte excessive, il aurait fallu que l’employeur effectue une recherche semblable à celle décrite dans Zhang. Dans cette décision, l’arbitre de grief a conclu que le Conseil du Trésor, à titre d’employeur, avait l’obligation d’effectuer une recherche diligente. « Le licenciement devrait être le dernier choix [je souligne] », a-t-il observé [Zhang,au paragr. 61, citation tirée de la décision de la Cour fédérale dans Singh c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2001 CFPI 577].

146 Même si la décision Zhang porte sur des faits différents et sur l’application de la Norme sur la sécurité du personnel, ce qui n’est pas le cas ici, il n’en demeure pas moins que la fonctionnaire s’estimant lésée se trouve dans une situation tout aussi regrettable que Mme Zhang. On la prive d’un emploi après 31 ans de service remarquables pour des raisons qui échappent pareillement à son contrôle — un handicap physique occasionné par un accident du travail. L’examen limité auquel l’employeur s’était livré deux ans plus tôt en dressant la liste des dix postes disponibles au service de l’impôt était tout aussi superficiel que celui dont il est question dans Singh, et il ne peut être jugé suffisant si l’on veut que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation ait un sens.

147 Cette conception négative de l’obligation de répondre aux besoins des employés, ajoutée à la conclusion, contenue dans une lettre à la Dre Callary (pièce E-79), en date du 11 février 2003, que : [traduction] « […] À notre avis, si une employée est incapable d’accomplir des tâches qui nécessitent si peu de mouvements, il ne nous reste plus beaucoup de latitude pour lui trouver un autre poste à l’Agence […] » a sonné le glas des efforts de l’employeur pour trouver des mesures d’adaptation plus valables.

148 Deux autres décisions ont aussi freiné les efforts de l’Agence pour répondre de manière plus active aux besoins de la fonctionnaire s’estimant lésée : a) la première est celle d’utiliser exclusivement l’opinion à tout le moins douteuse du Dr Chernin, qui estimait que la fonctionnaire s’estimant lésée devait être confinée à des tâches sédentaires; b) la seconde est celle de fixer, de manière vraisemblablement arbitraire, un objectif quantitatif de 70 %.

a) L’opinion du Dr Chernin

149 Pour commencer, l’avis du Dr Chernin à propos des tâches sédentaires contrastait vivement avec les renseignements fournis par la fonctionnaire s’estimant lésée avant son retour au travail en août 2000. Elle avait dit qu’elle avait de la difficulté à demeurer assise très longtemps et qu’elle avait besoin de se lever, de bouger et de s’étirer pour atténuer ses spasmes au dos. Cet avis contrastait aussi vivement avec celui du Dr Galea, selon lequel des tâches sédentaires aggraveraient les problèmes physiques de la fonctionnaire s’estimant lésée. Étant donné que le Dr Chernin n’avait vu la fonctionnaire s’estimant lésée qu’une seule fois et qu’il ne l’avait jamais examinée, la décision de privilégier son opinion au détriment de celle de la fonctionnaire s’estimant lésée et du Dr Galea était certainement déraisonnable, et peut-être même intéressée.

b) L’objectif de 70 %

150 L’employeur a déterminé, pour une raison ou pour une autre, que c’était un objectif raisonnable. Il n’a pas expliqué pourquoi il avait arrêté son choix sur ce pourcentage de préférence à un autre, ni s’il s’agissait d’une exigence professionnelle justifiée. M. Roussel a toutefois déclaré à l’audience que : [traduction] « Mme Giroux devait être d’une quelconque utilité [je souligne]. » Les inspecteurs des douanes ne sont pas des travailleurs à la chaîne, leur travail consiste plutôt à offrir un service à la clientèle. N’empêche que c’est finalement l’incapacité de la fonctionnaire s’estimant lésée à atteindre son objectif quantitatif de façon soutenue qui a occasionné son renvoi. L’employeur n’a pas démontré que cela aurait constitué une contrainte excessive de lui retirer cette tâche ou de l’attribuer à un autre inspecteur, en échange peut-être d’une autre tâche qui n’était pas assortie d’un objectif quantitatif. M. Spraggett a déclaré à l’audience qu’il [traduction] « restait environ 500 000 mainlevées électroniques à traiter à l’échelle nationale ». Cela donne une bonne idée du délai nécessaire pour accomplir cette tâche et de son importance relative — s’il y avait autant de mainlevées en attente, quelle sorte de priorité attachait-on à cette tâche?

151 Un autre aspect troublant de ce type de comptabilité c’est qu’il ne tient pas compte du fait établi que certaines mainlevées étaient plus complexes que d’autres et donc plus longues à effectuer. Rien n'indique qu’on a pris en compte ce facteur ou encore la fluctuation du nombre de mainlevées durant la période d’examen, et je ne dispose donc d'aucune preuve me permettant de porter un jugement sur le rendement de la fonctionnaire s’estimant lésée.

152 L’obligation de prendre des mesures d’adaptation s’inscrit dans la perspective d’insuffler de la diversité dans le milieu de travail et de garantir un emploi à tous par l’élimination des obstacles discriminatoires. Bien entendu, si l’employeur est en mesure de démontrer au moyen d'une preuve solide et convaincante que, conformément à la Loi canadienne sur les droits de la personne, l’obligation de répondre aux besoins de la fonctionnaire s’estimant lésée constituerait pour lui une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité, on considérera dès lors qu’il s’est acquitté de son obligation. Or, je ne dispose d’aucune preuve de ce genre ici. En fait, en ce qui concerne l’examen des coûts, la preuve généralement la plus difficile à établir, la taille de l’organisme et sa capacité à assumer les coûts des mesures d’adaptation sont des facteurs qui sont pris en considération. Depuis le décret du 12 décembre 2003, qui a créé l’ASFC, huit mois avant le renvoi de la fonctionnaire s’estimant lésée, l’Agence fait désormais partie de l’administration fédérale et a donc accès à ses vastes ressources financières. Le psychiatre retenu par l’employeur a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée ne mettait pas en danger sa sécurité, ni celle de ses collègues. Il nous reste donc le risque pour la santé; là encore, une preuve convaincante est requise pour établir que le risque pour la santé découlant de la mise en œuvre d’une mesure d’adaptation est probable et non pas juste possible. En fait, la description de travail (pièce E-85) indique qu’il existe un risque pour tous les inspecteurs des douanes. En examinant les rubriques Effort psychologique et émotionnel, à la page 10, Environnement de travail, à la page 11, et Risque pour santé, à la page 12, on voit très bien que ce risque est inhérent à la fonction et qu’il est pratiquement impossible de l’éliminer, ce qui n’empêche nullement les inspecteurs des douanes de vaquer à leurs occupations.

153 Je ne dispose d’aucune preuve, dans le cas qui nous occupe, qui me permettrait de soustraire l’employeur à son obligation de prendre des mesures d’adaptation. On attend beaucoup de l’employeur à ce chapitre, et beaucoup plus que ce qui a été fait pour la fonctionnaire s’estimant lésée dans la présente affaire. L’employeur est tenu d’épuiser toutes les pistes de solutions raisonnables pour répondre aux besoins de l’employé, ce qu'il n'a pas fait.

154 L’employeur a déclaré à l’audience que, dans deux des trois services auxquels la fonctionnaire s’estimant lésée a été affectée, il y avait eu des problèmes avec le personnel et une baisse de moral. En fait, le surintendant Harris a indiqué qu’il avait rencontré quatre collègues de la fonctionnaire s’estimant lésée, qui voulaient le convaincre de la remplacer. Il y a eu aussi de nombreuses plaintes contre elle. Le surintendant Harris a expressément dit que le fait qu’elle n’avait qu’une seule tâche à accomplir dans un service polyvalent avait eu une incidence significative sur le moral des autres employés et que les explications qu’il leur avait données n’avaient pas changé grand-chose à la situation.

155 La fonctionnaire s’estimant lésée a déclaré qu’elle trouvait cette situation stressante, et je la crois.

156 Il ressort aussi clairement de la preuve que, dès novembre 2002, l’employeur a indiqué en toutes lettres qu’il voulait mettre fin à la relation d’emploi. La fonctionnaire s’estimant lésée a de nouveau déclaré que c’était une situation stressante et je suis encore convaincu qu’elle dit vrai.

157 La fonctionnaire s’estimant lésée a indiqué que les atermoiements de la direction pour apporter les changements recommandés et les tactiques agressives qu’il avait employées à son endroit, en l’obligeant, par exemple, à s’absenter du travail pendant 14 mois et en retardant son retour de plus de deux mois, alors même que la Dre Callary venait de la déclarer apte à travailler, lui avaient aussi causé du stress.

158 Encore une fois, je suis convaincu que la fonctionnaire s’estimant lésée dit vrai. Mais il n’y a pas que le stress qui a nui à son rendement. Le témoignage non contredit du Dr Galea nous a appris que le stress aggravait les symptômes de Mme Giroux, que toute personne placée dans sa situation serait stressée et que cela ne serait pas normal de ne pas l’être. Le Dr Galea parlait en connaissance de cause puisqu’il avait lui­même fait l’expérience de ce stress lorsqu’il avait tenté de résoudre les problèmes associés aux mesures d’adaptation et, comme il l’a dit, il ne travaillait même pas dans cet organisme.

159 Or, l’Agence a réagi à la lettre du Dr Galea à propos du stress que vivait la fonctionnaire s’estimant lésée en l’obligeant à demeurer chez elle [traduction] « jusqu’à nouvel ordre » et à consulter un psychiatre choisi par l’employeur.

160 Même en adoptant l’attitude la plus magnanime possible, cela s’accorde difficilement avec l’esprit, et à plus forte raison avec la lettre, de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation.

161 L’employeur a failli à son obligation de composer avec l’incapacité de la fonctionnaire s’estimant lésée, et comme je l’ai indiqué plus tôt, il ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer que le renvoi était justifié. Son argumentation ne peut donc lui permettre d'avoir gain de cause dans le cas du présent grief.

C. Le grief de discrimination (dossier de la CRTFP 166-02-35120)

162 La fonctionnaire s’estimant lésée allègue une [traduction] « violation des droits qui [lui] sont reconnus par l’article 19 » de la convention collective, lequel est libellé comme suit :

ARTICLE 19

ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION

19.01  Il n'y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l'égard d'un employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion à l'Alliance ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle l'employé-e a été gracié…

[…]

163 Même si la Commission canadienne des droits de la personne a compétence pour instruire et trancher les griefs alléguant une violation de l’article 19 de la convention collective, le présent grief a été réexpédié à la CRTFP (ce qu’on appelle familièrement en anglais un « bounce back order »), aux termes de l’article 41 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, afin qu’il soit résolu par la procédure de règlement des griefs, laquelle prévoit le renvoi à l’arbitrage des griefs non réglés à la satisfaction du fonctionnaire s’estimant lésé.

164 Dans la décision que j’ai rendue plus tôt à propos du renvoi de la fonctionnaire s’estimant lésée, j’ai tiré un certain nombre de conclusions de fait qui s’appliquent aussi au grief de discrimination :

  1. la fonctionnaire s’estimant lésée a été victime d’un accident du travail;
  2. elle doit maintenant vivre avec les séquelles physiques de cet accident;
  3. l’employeur a l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour tenir compte de l’incapacité de la fonctionnaire s’estimant lésée;
  4. l’employeur a failli à son obligation à cet égard;
  5. ayant failli à son obligation de prendre des mesures d’adaptation pour tenir compte de l’incapacité de la fonctionnaire s’estimant lésée, l’employeur a mis fin à son emploi parce qu’elle n’atteignait pas systématiquement les objectifs de production qu’on lui fixait.

165 Ces faits connexes suffisent à eux seuls pour trancher le grief de discrimination.

166 Mettre fin à l’emploi d’une personne qui est devenue handicapée sans avoir pris d’abord toutes les mesures d’adaptation possibles jusqu’à la contrainte excessive constitue un acte discriminatoire. C’est aussi un acte d’omission.

167 Ayant déterminé plus tôt que la fonctionnaire s’estimant lésée avait été victime de discrimination, il ne m’est pas nécessaire de décrire en détail les divers actes qui sont cités par sa représentante. Cela dit, j’estime tout de même que certains exemples du manque de bonne foi de l’employeur méritent à tout le moins les quelques commentaires que voici :

  1. Le surintendant Harris a déclaré qu’il avait reçu la consigne de suivre la fonctionnaire s’estimant lésée de très près et que c’était la première fois qu’il suivait une employée d’aussi près. Les notes contenues dans son journal quotidien vont au-delà de simples observations sur son rendement. Il y a aussi cette évaluation très élogieuse qu’il a rédigée au terme d’une période d’examen particulière. Or, le surintendant Harris a déclaré à l’audience que Mme Hussein lui avait demandé de rédiger un rapport très négatif sur la fonctionnaire s’estimant lésée pour cette même période. Cette dernière évaluation officielle du rendement était destinée à la fonctionnaire s’estimant lésée alors que l’autre ne l’était pas. C’est là une tactique qui jette un éclairage plutôt défavorable sur la façon de la direction conçoit son obligation de prendre des mesures d’adaptation.
  2. Lors d’une réunion à laquelle était présente Janet Gover, Mme Hussein s’est emportée contre la fonctionnaire s’estimant lésée en lui disant qu’elle était le déshonneur de sa profession. À l’audience, Mme Hussein ne regrettait pas même pas son accès de colère contraire à l’éthique professionnelle, qu’elle a plutôt mis sur le compte d’une mauvaise journée.
  3. Faisant fi des réserves du médecin de la fonctionnaire s’estimant lésée à propos de l’augmentation de sa production quotidienne, la gestionnaire Margaret Fiske a insisté pour que la fonctionnaire s’estimant lésée devienne prématurément aussi productive que les autres employés. C’est seulement lorsque la fonctionnaire s’estimant lésée a protesté que l’employeur a fait marche arrière.
  4. Dès novembre 2002, M. Spraggett et Mme Lau ont tenté, par la coercition, de convaincre la fonctionnaire s’estimant lésée de quitter « volontairement » son emploi en prenant sa retraite. La coercition a consisté à la menacer de renvoi si elle ne partait pas. De nouveau, en janvier 2004, la direction a conçu un « plan d’action » pour mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire s’estimant lésée. Finalement, la direction lui a écrit pour lui dire, pour la troisième fois, qu’elle avait le choix entre « prendre sa retraite ou être renvoyée » et cela, jusque quatre jours avant de la renvoyer.
  5. Même si le surintendant Harris a tenté (en vain) d’atténuer les inquiétudes de la fonctionnaire s’estimant lésée à propos du fait qu’elle n'assumait pas sa juste part du travail, la direction a manqué à son devoir de procurer à la fonctionnaire s’estimant lésée un lieu de travail dénué de harcèlement.
  6. Au lieu de tenter de supprimer les causes du stress, la direction a opté pour la solution de facilité en la mettant en congé de maladie, contre son gré, pour une période indéterminée, qui a finalement duré 14 mois, et en l’obligeant à consulter un psychiatre dans l'intervalle. Encore une fois, c’était assurément une réaction démesurée, mais surtout, j’estime que cela s’accorde parfaitement le témoignage du Dr Galea selon lequel l’employeur [traduction] « tenait à la punir parce qu’elle s’était blessée ».

168 Compte tenu de ce que disent les articles 7 et 14 de la Loi canadienne sur les droits de la personne à propos de ce qui constitue un acte discriminatoire en matière d’emploi, je conclus sans hésitation que la fonctionnaire s’estimant lésée a été victime d’actes de discrimination, de harcèlement et de coercition fondés sur un motif de distinction illicite, du fait de son incapacité physique.

D. Conclusion

169 Puisque j’ai conclu que l’employeur ne s’était pas acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation, la réparation qui s’impose, en application de l’arrêt Gannon c. Canada (Conseil du Trésor), 2004 CAF 417, est la réintégration de la fonctionnaire s’estimant lésée.

170 Les conditions de réintégration sont cependant plus complexes à établir. Avant d’accorder une réparation complète, je dois prendre en considération les arguments des parties sur l’atténuation du préjudice puisque je ne dispose pas de preuve suffisante sur la rémunération gagnée par la fonctionnaire s’estimant lésée depuis son renvoi. Je dois aussi tenir compte du nombre de jours ou du pourcentage du temps où elle aurait été absente et, donc, non disponible pour travailler, ainsi que de toute indemnité de retraite qu’elle aurait reçue durant la période rétroactive. Ordonner la réintégration de la fonctionnaire s’estimant lésée à la date de son renvoi sans tenir compte en toute justice de ces facteurs pourrait occasionner son enrichissement injustifié et se révéler injuste pour l’employeur.

171 J’invite donc les parties à me soumettre, dans les 30 prochains jours, leurs arguments (accompagnés, peut-être, d’une formule basée sur les congés utilisés dans sa dernière année d’emploi) à propos de la date de réintégration qu’il convient de retenir.

172 Subsidiairement, les parties voudront peut-être, au vu de mes conclusions, négocier elles-mêmes une autre mesure de réparation qui ne suppose pas la réintégration de la fonctionnaire s’estimant lésée.

173 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

174 Les deux griefs sont accueillis.

175 Les parties disposent de 30 jours pour me soumettre leurs arguments sur la date de réintégration à retenir.

176 Je demeure saisi de l’affaire pour une période de 60 jours à compter de la date de ma décision, à la seule fin d’accorder une réparation, à moins que les parties s’entendent sur une mesure qu’elles auront elles-mêmes façonnée.

Le 3 décembre 2008.

Traduction de la CRTFP

Barry Done,
arbitre de grief

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