Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignantes ont formulé à l’encontre de l’intimé des allégations de mauvaise foi aux motifs qu’elles auraient dû être nommées à des postes à durée indéterminée dans le cadre d’un processus non annoncé, et que la qualification << connaissances >> n’avait pas été évaluée de façon appropriée. L’intimé a soutenu que le choix d’un processus de nomination annoncé visait à établir un vaste bassin de candidats qualifiés; que l’examen écrit était une méthode d’évaluation appropriée et que les candidats avaient été informés de la tenue de celui-ci. L’intimé a fait remarquer d’autre part que la Loi sur l’emploi dans la fonction publique ne contient aucune disposition obligeant un administrateur général à réévaluer des candidats durant une discussion informelle. Décision : Le Tribunal a conclu que la justification fournie par l'intimé relativement au choix d'un processus de nomination annoncé répondait aux critères d’équité et de transparence s'appliquant aux pratiques d'embauche. Il y avait une explication raisonnable justifiant la décision d’opter pour un processus annoncé : les candidats n’occupant pas tous un poste intérimaire, il fallait évaluer leurs connaissances. Les plaignantes avaient été informées de la tenue d’un examen écrit. Étant donné qu’elles ne s’attendaient pas à l’utilisation de cette méthode d’évaluation, elles auraient dû se renseigner sur l’objectif de l’examen écrit; or, aucune d’elles n’avait cherché à en savoir plus. S’agissant de la discussion informelle, le Tribunal a confirmé qu’elle est un moyen de communication visant essentiellement à permettre à un candidat de discuter des raisons de l’élimination de sa candidature d’un processus; ce n’est pas une occasion de demander que le comité d’évaluation réévalue les qualifications d’un candidat. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers:
2006-0164, 0166, 0167, 0168, 0170 et 0173
Rendue à:
Ottawa, le 10 décembre 2007

MICHELLE ROZKA ET AL.
Plaignantes
ET
LE SOUS-MINISTRE DE CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plaintes d'abus de pouvoir en vertu de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par:
Helen Barkley, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Rozka et al. c. Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada et al.
Référence neutre:
2007 TDFP 0046

Motifs de la décision

Introduction

1 Six employées travaillant pour Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) à Vegreville (Alberta) ont présenté une plainte au motif qu'elles n'ont pas été nommées au poste d'agent de prestation des services (CR-05) en raison d'un abus de pouvoir. Leur plainte se divise essentiellement en deux volets : premièrement, elles estiment qu'elles auraient dû être nommées à un poste pour une période indéterminée dans le cadre d'un processus de nomination non annoncé; deuxièmement, elles sont d'avis que la qualification « connaissances » relative au poste n'a pas été évaluée de façon appropriée.

Contexte

2 Michelle Rozka, Denise Durie, Peggy Bienvenue, Cheryl Harris, Caren Bilyk et Kathy O’Neill, les plaignantes, ont présenté une plainte semblable au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, articles 12 et 13 (la LEFP). L'intimé en l'espèce est le sous-ministre de CIC.

3 Conformément à l'article 8 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6 (le Règlement du TDFP), les six plaintes ont été jointes.

4 Toutes les plaignantes travaillent au Centre de traitement des demandes (CTD) de CIC à Vegreville (Alberta). Le poste d'attache de cinq plaignantes sur six est de niveau CR-03, tandis que la sixième plaignante occupe un poste d'agent de prestation des services (CR-05) pour une durée déterminée.

5 Un concours visant à doter des postes d'agent de prestation des services avait eu lieu avant la mise en oeuvre de la LEFP actuelle. Un appel interjeté en vertu de l'ancienne Loi sur l'emploi dans la fonction publique (l'ancienne LEFP) avait été accueilli et, à titre de mesure corrective, l'intimé avait décidé de mener un nouveau processus de nomination sous le régime de la LEFP (processus no 06-IMC-IA-CPCVG-1213) après avoir consulté le syndicat.

6 Une annonce de possibilité d'emploi a été affichée sur Publiservice le 6 juin 2006. Les candidats ont été évalués, et 31 personnes possédaient les qualifications essentielles pour le poste. Les six plaignantes ne possédaient pas au moins une des qualifications essentielles liées aux connaissances, et leur candidature a donc été éliminée du processus de nomination.

7 Les plaignantes ont toutes assumé les tâches du poste d'agent de prestation des services pendant des périodes variables avant la tenue du processus de nomination. Elles estiment qu'elles auraient dû être nommées dans le cadre d'un processus non annoncé, compte tenu de leur rendement à titre d'agentes de prestation des services.

Résumé des éléments de preuve pertinents

8 Les six plaignantes ont affirmé qu'elles avaient été induites en erreur quant à la nature du processus de nomination. Elles avaient assumé les fonctions du poste d'agent de prestation des services de façon intérimaire pendant des périodes variables, allant de quelques mois à quatre ans. Elles avaient toutes obtenu des évaluations de rendement positives pendant qu'elles assumaient ces responsabilités. En février 2006, elles ont rencontré Paul Snow, gestionnaire des opérations au CTD de CIC à Vegreville, afin de discuter du nouveau processus de nomination.

9 Les plaignantes ont toutes affirmé que, au cours de la réunion de février 2006, M. Snow leur avait dit qu'elles « ne devaient pas s'en faire » [Traduction] et qu'elles « pouvaient être confiantes » [Traduction] étant donné qu'il y avait beaucoup de postes d'agent de prestation des services à doter. Elles avaient également été informées qu'il y avait beaucoup de travail en retard à rattraper au CTD et que l'on nommerait le plus de personnes possible. Caren Bilyk a affirmé que M. Snow avait posé la question suivante au cours de la réunion : « Pourquoi vous retournerait-on à des postes de CR‑03, alors que vous avez été formées pour occuper des postes de CR‑05? » [Traduction].

10 De plus, au cours de l'été 2006, une réunion à l’intention de tous les candidats intéressés a été organisée avec Joan Hauser, gestionnaire des ressources humaines à CIC, à Vegreville. Selon le témoignage des plaignantes, la gestionnaire des ressources humaines a insisté sur le fait que les demandes d'emploi des candidats devaient démontrer que ceux-ci possédaient chacune des qualifications essentielles pour le poste. Elle a également indiqué que la direction n'avait pas besoin de lancer un processus; les candidats pourraient être embauchés à la suite de l'examen des qualifications indiquées dans leur lettre de présentation et leur curriculum vitæ. Mme Hauser a assuré aux employés qui occupaient le poste intérimaire d'agent de prestation des services que « tous ceux qui travaillaient en cette qualité continueraient de faire bonne figure » [Traduction].

11 À la fin du mois d'août 2006, les plaignantes ont été avisées qu'un test écrit serait administré. Comme on les avait assurées qu'elles n'avaient pas à s'en faire et que Mme Hauser avait indiqué qu'elles seraient évaluées en fonction de leur demande d'emploi écrite, les plaignantes croyaient que le test servirait à établir l'ordre dans lequel les candidats seraient choisis, parmi les autres personnes figurant au bassin, pour être nommés à des postes pour une période indéterminée. Les plaignantes n'ont jamais été informées que le test servirait à éliminer certaines candidatures. Plusieurs des plaignantes ont indiqué que, si elles avaient connu l'objectif de l'examen écrit, elles se seraient mieux préparées à cet égard. Or, au cours de deux réunions différentes, deux gestionnaires leur avaient signifié de ne pas s'en faire.

12 Au cours du contre-interrogatoire, toutes les plaignantes ont reconnu avoir lu l'annonce d'emploi et qu'elles connaissaient les qualifications essentielles pour le poste. Les six plaignantes ont également confirmé qu'elles avaient pris connaissance des deux affirmations suivantes contenues dans l'annonce d'emploi : « Un examen pratique peut être ou sera administré » et « Les candidats doivent satisfaire aux qualifications essentielles pour être nommés à un poste ».

13 Le 21 septembre 2006, les candidats ont été informés du nom des 31 personnes proposées en vue d'une nomination.

14 Cinq des six plaignantes ne satisfaisaient pas à la qualification essentielle « Connaissance des événements actuels intéressant Citoyenneté et Immigration Canada ». Trois plaignantes, soit Peggy Bienvenue, Denise Durie et Michelle Rozka, ne répondaient pas à la deuxième qualification liée aux connaissances, c'est-à-dire « Connaissance des objectifs de la Loi et du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés ».

15 À partir du moment où les résultats du processus de nomination ont été diffusés, en septembre 2006, cinq des plaignantes sont retournées à leur poste d'attache (CR‑03). Ces cinq personnes ont affirmé que, en dépit du rejet de leur candidature à l'étape de la présélection pour cause de lacunes sur le plan des qualifications essentielles, on leur a offert une nomination intérimaire au poste d'agent de prestation des services en janvier 2007. Au moment de la tenue de l'audience, quatre plaignantes exerçaient toujours les fonctions d'agent de prestation des services. Cheryl Harris, qui occupait un poste de CR‑05 pour une durée déterminée (jusqu'en mars 2007), est demeurée à ce poste, même si elle avait été informée en septembre 2006 qu'elle n'était pas qualifiée pour l’occuper. En mars 2007, elle a été nommée à titre intérimaire au poste d'agent de prestation des services.

16 Les plaignantes ont toutes demandé à participer à une discussion informelle après avoir été informées des résultats du processus de nomination. Kathy O’Neill a affirmé que, durant la discussion informelle, le comité l'avait informée qu'elle avait donné un exemple d'événement actuel qui n'était pas sur la liste. On lui a également dit que si cet événement avait figuré sur la liste, on lui aurait attribué tous les points. Les membres du comité se sont entendus pour discuter de la possibilité d'accepter sa réponse, mais ils l'ont ensuite informée qu'ils ne prendraient pas de mesure corrective pour éviter de s'exposer ensuite à des situations imprévues.

17 Kathy O’Neill a également affirmé qu'elle n'avait jamais utilisé ses connaissances des événements actuels lorsqu'elle exerçait les fonctions d'agent de prestation de services. Elle a affirmé que les mesures à appliquer par les agents étaient dictées par la direction.

18 Fiona Smythe-Wilson, chef d'équipe, a été appelée à témoigner par les plaignantes. Mme Smythe-Wilson a indiqué qu'elle avait assisté à une réunion organisée par Joan Hauser le 18 août 2006 à l’intention de toutes les personnes occupant des postes de CR‑05 à titre intérimaire. Mme Hauser a affirmé qu'il manquait des agents de prestation des services au CTD et que la direction tentait d'accélérer le processus, de façon à ce qu'il soit terminé au plus tard à la fin du mois de septembre. Elle a indiqué qu'on disposait désormais d'une plus grande marge de manoeuvre pour mener ce processus et que la direction pourrait se contenter d'examiner les dossiers, sans nécessairement procéder à un test. Mme Hauser a également affirmé que toutes les personnes qualifiées obtiendraient une offre d'emploi.

19 Louise Mardell, ancienne représentante syndicale du Syndicat de l'emploi et de l'immigration du Canada, Donna Harley et Lynn Mongeon, spécialistes de la prestation des services, ont présenté un témoignage au nom des plaignantes en ce qui a trait aux événements qui se sont produits après la notification, une fois que les plaignantes ont été avisées du rejet de leur candidature et de l’achèvement des évaluations.

20 Paul Snow a présenté des éléments de preuve au nom de l'intimé. Il a indiqué qu'il était le gestionnaire des opérations au CTD de Vegreville jusqu'en mars 2007. Son rôle, à ce titre, consistait à veiller à ce que les demandes relatives aux résidents temporaires, au statut temporaire et aux résidents permanents soient traitées en temps opportun. M. Snow a lancé un processus de nomination au début de l'année 2006 afin de doter des postes d'agent de prestation des services. Le processus s'adressait à tous les employés de CIC à Vegreville (Alberta).

21 Ce processus visait à établir un vaste bassin de candidats qualifiés en vue de doter des postes vacants pour répondre aux besoins de l'organisation. M. Snow estimait que le processus annoncé constituait la façon la plus équitable de procéder. Le processus précédent datait d'un an, et il y avait maintenant de nouveaux employés qui souhaiteraient sans doute poser leur candidature. Il était également prévu qu'un processus annoncé permettrait de rattraper le retard de travail au sein de l'unité. L'objectif du processus n'était donc pas d'éliminer des candidatures, mais bien de créer un vaste bassin permettant de doter les postes vacants.

22 M. Snow a confirmé qu'il avait rencontré les employés en février 2006 pour discuter d'un certain nombre de préoccupations qui avaient été soulevées. Ce processus de nomination constituait en fait la mesure corrective prise par la direction par suite de l'appel interjeté en vertu de l'ancienne LEFP. Certaines personnes craignaient que la direction modifie le processus en raison de la mise en oeuvre de la nouvelle LEFP, qui avait eu lieu entre-temps. M. Snow tenait à rassurer les candidats éventuels et à leur faire savoir qu'il ne tentait d'exclure personne, mais qu'il souhaitait plutôt que le processus soit le plus inclusif possible.

23 Durant le contre-interrogatoire, on a demandé à M. Snow pourquoi il n'avait pas nommé les employés qui occupaient déjà le poste. Il a répondu que la Commission de la fonction publique (CFP) avait relevé des erreurs dans le processus précédent et qu'il estimait qu'il n'était pas juste de nommer des personnes sans entreprendre de nouveau processus. Il souhaitait également que le plus grand nombre de personnes possible puissent faire partie du bassin. Lorsqu'on lui a demandé s'il avait affirmé qu'il pourrait y avoir un test ou non, il a répondu qu'il était possible qu'il ait fait cette affirmation. M. Snow était d'avis que la tenue d'un processus annoncé était la seule option qui s'offrait à lui, dans un contexte où il ne souhaitait exclure aucun des nouveaux candidats éventuels.

24 Lorsqu'on lui a demandé au cours du contre-interrogatoire s'il avait fait des promesses aux candidats, M. Snow a répondu qu'il avait promis aux candidats que les personnes qui avaient réussi l'étape de la présélection dans le cadre du processus précédent réussiraient également cette étape dans le cadre du nouveau processus. Il a indiqué qu'il n'avait pas signifié aux candidats de ne pas s'en faire ni que tout le monde se qualifierait. Au cours de plusieurs discussions avec les membres de son personnel, M. Snow a affirmé à ces derniers qu'il considérait leur travail comme précieux.

25 C'est M. Snow qui était chargé d'établir les qualifications essentielles pour le poste. La connaissance des événements actuels est nécessaire étant donné que les agents de prestation des services doivent évaluer individuellement les circonstances personnelles. S'ils possèdent plus de connaissances, les agents de prestation des services sont en mesure de traiter les demandes de façon plus efficace.

26 Le deuxième critère lié aux connaissances est essentiel car les agents de prestation des services prennent des décisions en fonction des objectifs énoncés dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Il est donc beaucoup plus facile de former des employés qui possèdent déjà ces connaissances.

27 M. Snow a participé à la décision de demander aux plaignantes d'assumer les fonctions du poste d'agent de prestation des services à titre intérimaire en janvier 2007. Les tâches d'agent de prestation des services qui ont été assignées à ces personnes se limitaient au traitement des demandes des résidents temporaires et ne nécessitaient donc pas de connaissances relatives aux événements actuels. Les plaignantes ont ainsi été nommées pour une période de quatre ou cinq mois dans le cadre d'un processus de nomination non annoncé.

28 Gwynn Alexander a affirmé que son poste d'attache était celui de chef d'équipe au CTD de CIC à Vegreville et qu'à ce titre, elle supervisait une équipe composée de 18 employés CR‑05 et d'un agent PM‑03. En 2006, son superviseur, Paul Snow, lui a demandé de présider le comité d'évaluation relatif au processus visant à doter les postes d'agent de prestation des services. Elle était principalement chargée de l'élaboration des outils d'évaluation, soit les outils suivants : un examen écrit visant à évaluer la qualification « connaissances »; des exercices écrits visant à évaluer la capacité de communiquer par écrit ainsi que la capacité d'analyser et d'évaluer; et la vérification des références visant à évaluer la capacité de communiquer de vive voix et les qualités personnelles.

29 La première qualification « connaissances », soit la « connaissance des événements actuels intéressant Citoyenneté et Immigration Canada », était évalué par une question à laquelle les candidats devaient répondre en indiquant deux événements à partir d'une liste de six événements fournie par l'intimé. Les candidats devaient ensuite fournir un bref aperçu de l'événement et décrire le lien entre cet événement et CIC ou l'incidence que celui-ci avait sur l'organisation. Mme Alexander s'était fondée sur des communiqués de presse pour chacun des six événements de la liste, lesquels étaient accessibles sur le site Web de CIC. Mme Alexander a également expliqué comment le comité d'évaluation avait noté la question et utilisé la grille de cotation. Elle a affirmé que les six plaignantes avaient toutes omis de fournir suffisamment de détails dans leur réponse pour démontrer leur connaissance des événements actuels liés à CIC.

30 La deuxième qualification « connaissances » était la « connaissance des objectifs de la Loi et du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés ». La question visant à évaluer cette qualification portait sur l'article 3 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Les candidats devaient nommer deux objectifs relatifs à l'immigration et un objectif relatif aux réfugiés, puis fournir un exemple de la façon dont ces objectifs étaient atteints à CIC. Mme Alexander a également expliqué comment les notes avaient été attribuées à chacune des plaignantes en ce qui a trait à ces deux questions.

31 Mme Alexander a en outre affirmé que les qualifications essentielles avaient déjà été établies lorsqu'on lui a demandé de présider le comité d'évaluation. Elle avait eu des discussions avec M. Snow quant à la possibilité de procéder à un « examen sur dossier », mais selon les Ressources humaines, cette procédure n'était pas appropriée. Certains des candidats avaient exercé les fonctions du poste de CR‑05, tandis que d'autres travaillaient à la salle du courrier. Il était impossible d'évaluer les qualifications liées aux connaissances dans le cas des personnes travaillant à la salle du courrier en procédant à un examen de leur demande.

32 Durant le contre-interrogatoire, on a demandé à Mme Alexander d'indiquer quelles étaient les trois différentes versions du guide de cotation. Elle a affirmé que le guide de cotation, qui comprenait la grille de cotation, était la version finale qui avait été utilisée pour le processus de nomination. La version finale de ce guide avait été élaborée en juillet 2006.

33 Lorsqu'on lui a demandé comment les candidats pouvaient savoir qu'ils devaient fournir des détails à la question no 1, qui visait à évaluer la connaissance des événements actuels touchant CIC, Mme Alexander a affirmé que l'on demandait aux candidats de fournir un bref aperçu de l'événement. À la deuxième partie de la question, ceux-ci devaient « décrire la façon dont ces événements étaient liés à ce ministère ou l'incidence qu'ils avaient sur celui-ci » [Traduction] et fournir des renseignements détaillés à cet égard. Les détails étaient importants, car ils permettaient aux candidats de démontrer leur compréhension des événements actuels et de leur incidence sur CIC.

34 Joan Hauser a confirmé qu'elle était la gestionnaire des ressources humaines du CTD de CIC à Vegreville au moment de la tenue du processus de nomination. Son rôle consistait à fournir des conseils et des orientations au gestionnaire et au comité d'évaluation. Mme Hauser a indiqué qu'elle avait organisé un « déjeuner-causerie » le 1er juin 2006 portant sur la façon de poser sa candidature dans le cadre d'un processus annoncé. Elle avait alors informé les employés qu'il était important d'expliquer dans leur demande d'emploi comment ils répondaient aux critères relatifs aux qualifications essentielles et aux qualifications constituant un atout. Elle avait fait remarquer que le comité d'évaluation pouvait rejeter des candidatures à l'étape de la présélection sur la base des qualifications constituant un atout.

35 Le 18 août 2006, Mme Hauser a organisé deux réunions, soit une réunion à l’intention des employés occupant des postes de CR‑05 pour une durée déterminée et une réunion à l’intention des employés occupant des postes de CR‑05 à titre intérimaire. Ces réunions visaient à informer les employés que certaines nominations seraient prolongées, mais pas toutes. Certaines questions avaient été posées au sujet du processus annoncé. Elle avait mentionné que le comité d'évaluation déterminerait quels outils d'évaluation seraient utilisés. Mme Hauser avait indiqué que le comité pourrait procéder à une vérification des références, administrer des tests écrits ou examiner les emplois précédents. Elle n'avait pas précisé quels outils seraient utilisés dans le cadre du processus visant la dotation de postes de niveau CR‑05; le comité d'évaluation n'avait pas encore pris de décision à cet égard. Elle avait mentionné que pour être nommés, les candidats devaient posséder toutes les qualifications essentielles.

36 Mme Hauser n'était pas en mesure de préciser le moment où la décision finale avait été prise au sujet des outils d'évaluation, mais elle a affirmé que c'était après le 18 août 2006. Elle a informé les candidats le 29 août 2006 de la tenue de l'examen écrit.

37 Mme Hauser avait discuté des méthodes d'évaluation possibles avec le comité d'évaluation, y compris de la possibilité d'effectuer une évaluation du rendement au travail. À son avis, cette méthode n'aurait pu être utilisée que dans les cas où le comité connaissait bien les candidats. Pour le processus en question, les membres du comité connaissaient certains candidats, mais pas tous.

Questions en litige

38 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu'il a choisi un processus de nomination annoncé?
  2. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l'application du mérite, plus précisément dans l'évaluation des qualifications des plaignantes en ce qui a trait aux connaissances?

Argumentation des parties

A) Argumentation des plaignantes

39 Les plaignantes soutiennent que l'abus de pouvoir s'est manifesté de deux façons : premièrement, par le choix d'un processus annoncé; deuxièmement, par l'application des critères de mérite, plus précisément au moment de l'évaluation des qualifications liées aux connaissances.

40 Les plaignantes soutiennent toutes qu'elles sont suffisamment qualifiées pour le poste d'agent de prestation des services; elles ont d'ailleurs démontré leurs qualifications au cours de leur longue période de nomination intérimaire. Les six plaignantes ont toutes présenté des documents écrits attestant qu'elles fournissaient un rendement plus que satisfaisant lorsqu'elles occupaient ce poste.

41 Les plaignantes sont d'avis que le gestionnaire d'embauche et la gestionnaire des ressources humaines ont fait preuve de mauvaise foi. Les deux gestionnaires avaient laissé entendre que les personnes qui exerçaient les fonctions du poste d'agent de prestation des services à titre intérimaire pourraient être évaluées au moyen d'un examen de leur demande d'emploi et d'une évaluation de leur rendement au travail. Le bassin de candidats constitué des personnes qui occupaient le poste à titre intérimaire était suffisamment vaste et, par conséquent, il n'était pas nécessaire de mener un processus de nomination annoncé. La fonction publique aurait été mieux servie par la nomination des personnes déjà qualifiées et habituées à accomplir les tâches que par la tenue d'un tout nouveau processus par la direction.

42 Selon les plaignantes, l'intimé n'a pas tenu compte de ses besoins actuels et futurs. Il y a toujours eu une lourde charge de travail dans le secteur de la prestation des services. Il aurait donc été plus prudent de mener un processus non annoncé en vue d'embaucher les personnes occupant un poste d'agent de prestation des services à titre intérimaire qui fournissaient un rendement satisfaisant. L'intimé aurait également pu mener simultanément un processus annoncé visant à renouveler le bassin des candidats qualifiés, au besoin.

43 En ce qui a trait à l'allégation d'abus de pouvoir dans l'application du mérite, les plaignantes soutiennent avoir eu la confirmation d'une plaignante, qui avait travaillé à titre d'agente de prestation des services pendant quatre ans, que la connaissance des événements actuels était rarement utilisée, et seulement lorsque la direction le demandait au moyen de directives. Le gestionnaire d'embauche et la gestionnaire des ressources humaines ont tous deux affirmé que les qualifications relatives aux connaissances n'étaient pas nécessaires pour exercer les fonctions du poste; elles étaient simplement essentielles au moment où le processus de nomination a été mené. Il est illogique que les plaignantes n'aient pas été considérées comme qualifiées à l'issue du processus de nomination. Elles avaient toutes exercé les fonctions du poste pendant de longues périodes à titre intérimaire. De plus, elles ont à nouveau été nommées à titre intérimaire à peine trois mois après avoir été informées qu'elles n'étaient pas qualifiées.

44 Compte tenu de tout ce qui précède, les plaignantes soutiennent que le résultat du processus de nomination était inéquitable. Le « résultat inéquitable » est l'un des types d'abus de pouvoir précisés dans la décision rendue par le Tribunal dans l'affaire Tibbs c. le Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0008.

45 Les plaignantes sont également d'avis que les pratiques de dotation adoptées dans le cadre de ce processus de nomination étaient caractérisées par un manque d’équité et de transparence. Les plaignantes ont d'abord reçu un guide de cotation le 7 février 2007, puis une deuxième version en août 2007. Finalement, une troisième version du guide de cotation, qui comprenait la grille de cotation utilisée par le comité d'évaluation, a été fournie à l'audience. Ni la présidente du comité d'évaluation ni la gestionnaire des ressources humaines n'étaient en mesure de confirmer quelle version du guide de cotation était la bonne ni la date à laquelle celui-ci avait été terminé.

46 Les plaignantes ont également mentionné qu'il n'y avait pas eu de dialogue efficace au cours de la discussion informelle. Les plaignantes n'avaient pas été informées qu'elles pouvaient demander que les erreurs soient corrigées. Les membres du comité d'évaluation ne savaient pas comment régler les problèmes soulevés au cours de la discussion informelle. Finalement, la gestionnaire des ressources humaines avait fait savoir aux plaignantes que la direction n'avait pas l'intention de s'exposer à des situations imprévues en prenant des mesures.

47 Enfin, les plaignantes soutiennent que Mme Alexander, présidente du comité d'évaluation, ne leur a pas expliqué pourquoi leur réponse a été notée en fonction des détails qu'elle contenait, alors que dans la question, on ne demandait qu'un aperçu. La présidente du comité d'évaluation n'a pas été en mesure d'expliquer comment les candidats auraient pu savoir qu'ils devaient fournir ces détails, pas plus qu'elle ne pouvait expliquer comment la grille de cotation s'appliquait à cette question ou quelle était la différence entre une réponse qui méritait une note de passage et une réponse incorrecte.

B) Argumentation de l'intimé

48 L'intimé soutient qu'il incombe aux plaignantes de prouver qu'il a fait preuve d'abus de pouvoir dans le choix du processus de nomination annoncé et dans l'application du mérite. Or, les plaignantes n'ont présenté aucun élément de preuve clair et convaincant en ce qui a trait à l'abus de pouvoir.

49 L'intimé soutient que les plaignantes n'ont présenté aucun élément de preuve démontrant que le choix du processus annoncé constituait un abus de pouvoir. En vertu de l'article 33 de la LEFP, la direction dispose d'un vaste pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait au choix d'un processus annoncé ou non annoncé. M. Snow a affirmé qu'il croyait que la tenue d'un processus annoncé était appropriée. Un an s'était écoulé depuis le processus précédent, et il y avait de nouveaux candidats éventuels qui auraient pu poser leur candidature. De plus, il souhaitait que le processus soit le plus inclusif possible. M. Snow a indiqué que son intention était de créer un grand bassin de candidats qualifiés. Les plaignantes n'ont pas réussi à prouver que la décision de mener un processus de nomination annoncé constituait un abus de pouvoir.

50 En ce qui a trait à l'application des critères de mérite, l'intimé affirme que les plaignantes n'ont pas été induites en erreur de quelque façon que ce soit. Mme Fiona Smythe‑Wilson a confirmé qu'elle avait compris que les candidats devaient posséder toutes les qualifications et que toutes les personnes considérées comme qualifiées se verraient présenter une offre d'emploi. Les six plaignantes ont toutes confirmé qu'elles avaient lu l'annonce et l'énoncé des critères de mérite et qu'elles savaient qu'elles devaient posséder toutes les qualifications afin d'être choisies pour faire partie du bassin. L'annonce d'emploi indiquait clairement que les candidats devaient posséder les qualifications essentielles pour être nommés au poste et qu'il était possible qu'un examen écrit soit administré.

51 L'intimé fait valoir que le 29 août 2006, tous les candidats ont été officiellement informés de la tenue d'un examen écrit. Il est regrettable que les plaignantes aient cru qu'elles n'avaient pas à se préparer intensivement. C'est leur échec à l'examen écrit qui a amené le comité à déterminer qu'aucune d'entre elles ne possédait les qualifications essentielles.

52 Bien qu'il y ait eu certaines discussions au sein de la direction concernant la possibilité d'effectuer l'évaluation en se fondant sur les renseignements écrits fournis par les candidats, cette option n'a pas été retenue. La direction a déterminé qu'elle obtiendrait des renseignements plus fiables en procédant à un examen écrit.

53 Selon l'intimé, la présidente du comité d'évaluation, Gwynn Alexander, a fourni des éléments de preuve crédibles quant au lien entre les questions et les qualifications essentielles, et elle a expliqué pourquoi aucune des plaignantes ne possédait les qualifications relatives aux connaissances. Même s'il y avait plusieurs versions du guide de cotation – une première version, une version remaniée et une version finale – Mme Alexander et Mme Hauser ont toutes deux confirmé que la version finale avait été terminée avant le 6 septembre 2006, soit la date à laquelle l'examen écrit a eu lieu.

54 Pour ce qui est des préoccupations des plaignantes concernant la discussion informelle, l'intimé affirme que, aux termes de l'article 47 de la LEFP, les administrateurs généraux ne sont pas tenus de procéder à une nouvelle évaluation des candidats au cours de la discussion informelle. Bien que cette possibilité existe, il ne s'agit pas d'une exigence. Les nouveaux renseignements fournis par les plaignantes ont été pris en considération, mais le comité d'évaluation a décidé de ne pas modifier ses décisions. Les membres du comité d'évaluation ont expliqué aux plaignantes, au cours de leurs discussions informelles respectives, les motifs de leurs décisions.

55 Finalement, l'intimé soutient que M. Snow a expliqué la raison pour laquelle les plaignantes se sont vu offrir une autre nomination intérimaire au poste d'agent de prestation des services. Dans le cadre de ce poste, les plaignantes n'avaient qu'à traiter un seul type de demandes, soit les demandes provenant des résidents temporaires, ce qui n'exigeait aucune connaissance des événements actuels.

C) Argumentation de la Commission fonction publique

56 La CFP n'a pas pris position quant à la question de déterminer si l'abus de pouvoir avait été prouvé en l'espèce. Elle a plutôt proposé un cadre analytique au Tribunal pour permettre à ce dernier de déterminer s'il y avait eu abus de pouvoir. La CFP soutient que, pour prouver qu'il y a eu abus de pouvoir dans le cadre d'un processus de nomination, le Tribunal doit conclure qu'il y a eu intention illégitime de la part de l'intimé. Des erreurs ou des omissions ne constituent pas un abus de pouvoir, à moins qu'une partie ne puisse prouver qu'il y a eu « incurie ou insouciance grave » permettant de supposer que la personne a agi de mauvaise foi.

57 La CFP est d'avis que les plaignantes ne soutiennent pas qu'il y a eu mauvaise foi ou favoritisme professionnel. Par conséquent, la question que le Tribunal doit trancher en l'espèce consiste à déterminer si l'intimé a commis des erreurs ou des omissions en faisant preuve d'une incurie ou d'une insouciance telles que l'on puisse présumer qu'il a agi de mauvaise foi. C'est au Tribunal qu'il incombe de déterminer si ce critère a été satisfait dans le contexte des plaintes présentées en l'espèce.

Analyse

Question I: L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu'il a choisi un processus de nomination annoncé?

58 Le premier motif invoqué par les plaignantes se trouve à l'alinéa 77(1)b) de la LEFP, qui contient le passage suivant :

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d'un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n'a pas été nommée ou fait l'objet d'une proposition de nomination pour l'une ou l'autre des raisons suivantes :

(…)

b) abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu'elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé, selon le cas (…)

59 L'article 33 de la LEFP est libellé comme suit : « La Commission peut, en vue d'une nomination, avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé. » L'article 33 de la LEFP confère clairement à la Commission ou aux personnes auxquelles elle a délégué le pouvoir discrétionnaire de choisir un processus de nomination annoncé ou non annoncé.

60 Dans la décision Robbins c. le Sous-ministre de Service Canada et al., [2006] TDFP 0017, au paragraphe 36, le Tribunal a déterminé que le plaignant doit prouver selon la prépondérance des probabilités que la décision elle-même de choisir un processus non annoncé constitue un abus de pouvoir. Le même raisonnement s'applique au choix d'un processus annoncé.

61 En l'espèce, les plaignantes soutiennent que l'intimé les a induites en erreur en leur faisant croire qu'elles seraient considérées comme qualifiées sur la base de l'expérience de l'exercice des fonctions d'agent de prestation des services acquise dans le cadre du poste intérimaire ou du poste pour une durée déterminée. Le Tribunal n'a aucune raison de mettre en doute la sincérité des plaignantes à cet égard. En fait, M. Snow a confirmé dans son témoignage qu'il avait promis aux candidates que, si elles avaient réussi l'étape de la présélection dans le cadre du processus précédent, elles seraient également retenues à cette étape du nouveau processus. Bien que cet élément de preuve soit lié à la deuxième question en litige faisant l'objet de la présente décision, il ne démontre pas que la décision de choisir un processus annoncé constituait un abus de pouvoir.

62 Les deux parties ont présenté des éléments de preuve indiquant que le processus de nomination avait été établi par suite d'un appel accueilli en vertu de l'ancienne LEFP. Certaines des plaignantes avaient été considérées comme qualifiées dans le cadre de ce processus de nomination, mais elles n'avaient pas pu être nommées étant donné que l'appel avait été accueilli.

63 M. Snow a affirmé que sa décision de choisir un processus de nomination annoncé découlait de la nécessité de doter de nombreux postes d'agent de prestation des services. Outre les employés qui avaient posé leur candidature dans le cadre du processus précédent, il y avait de nouveaux candidats éventuels dans la zone de sélection. M. Snow voulait également donner à ces personnes l'occasion de faire valoir leur candidature. Le Tribunal estime que la raison fournie par M. Snow pour expliquer le choix d'un processus de nomination annoncé satisfait aux critères d’équité et de transparence qui s'appliquent aux pratiques d'embauche.

64 Les plaignantes avaient toutes posé leur candidature dans le cadre du processus annoncé et elles ont toutes fait l'objet d'une évaluation. Chacune d'entre elles a donc eu l'occasion d'être nommée au poste d'agent de prestation des services, dans la mesure où elle pouvait démontrer qu'elle possédait les qualifications essentielles pour le poste. Par conséquent, il est impossible d'affirmer que les plaignantes n'ont pas été nommées en raison du choix d'un processus de nomination annoncé. Les plaignantes n'ont pas réussi à prouver que ce choix constituait un abus de pouvoir. Au contraire, les éléments de preuve établissent l'existence d'une justification claire quant au choix du processus.

Question II: L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l'application du mérite, plus précisément dans l'évaluation des qualifications des plaignantes en ce qui a trait aux connaissances?

65 L'allégation des plaignantes à cet égard porte sur quatre aspects : premièrement, l'intimé a induit les plaignantes en erreur en leur laissant entendre que l'évaluation de leurs qualifications s'effectuerait au moyen d'un examen de leur lettre de présentation et de leur curriculum vitæ; deuxièmement, les plaignantes avaient eu l'assurance qu'aucune candidature des personnes occupant un poste d'agent de prestation des services à titre intérimaire ne serait éliminée du processus; troisièmement, il n'était vraiment pas nécessaire de connaître les événements actuels; et quatrièmement, les plaignantes n'ont pas été évaluées de façon appropriée à l'examen écrit.

66 L'article 36 de la LEFP est libellé comme suit :

36. La Commission peut avoir recours à toute méthode d'évaluation – notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues – qu'elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l'alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i).

67 Comme l'a déterminé le Tribunal dans la décision Visca c. le Sous-ministre de la Justice et al., [2007] TDFP 0024, au paragraphe 51 : « Aux termes de l'article 36 de la LEFP, les gestionnaires disposent d'un pouvoir discrétionnaire considérable dans la sélection et l'utilisation des méthodes d'évaluation pour déterminer si un candidat satisfait aux qualifications établies pour un poste donné. »

68 Les éléments de preuve ont permis d'établir que la direction avait d'abord songé à évaluer les candidats par un « examen sur dossier ». M. Snow a indiqué qu'il souhaitait que le processus soit le plus rapide possible, étant donné qu'il était urgent de nommer les agents de prestation des services. En outre, Mme Hauser a affirmé avoir informé les membres du personnel que, sous le régime de la LEFP, les candidats devraient démontrer dans leur lettre de présentation et leur curriculum vitæ qu'ils répondaient à chacun des critères de mérite. Elle avait également mentionné que les gestionnaires pourraient évaluer les candidats sur la base de leur lettre de présentation et de leur curriculum vitæ. Même si Mme Hauser parlait du nouveau régime de dotation en général, il est clair, selon les éléments de preuve fournis, que les plaignantes ont déduit qu'elles seraient évaluées en fonction des documents qu'elles fourniraient avec leur demande d'emploi.

69 M. Snow, conjointement avec le comité d'évaluation, a décidé d'évaluer les qualifications relatives aux connaissances pour le poste d'agent de prestation des services au moyen d'un examen écrit. Il a pris cette décision de par le pouvoir discrétionnaire que lui conférait l'article 36 de la LEFP. Les plaignantes s'attendaient à ce que leurs qualifications soient évaluées de façon différente, soit en fonction de leur rendement au travail, mais elles n'ont pas réussi à démontrer que la décision de M. Snow d'administrer un examen écrit constituait un abus de pouvoir. Il y avait un motif raisonnable expliquant cette décision; les candidats n'occupaient pas tous un poste intérimaire et, par conséquent, il fallait évaluer les connaissances de ces personnes. Les plaignantes ont affirmé que le gestionnaire d'embauche et la gestionnaire des ressources humaines ont agi de mauvaise foi; toutefois, aucun élément de preuve attestant que les gestionnaires avaient eu l'intention d'induire les candidats en erreur n'a été présenté. Selon leurs affirmations, les gestionnaires n'ont pas non plus fait preuve d'incurie ou d'insouciance au point où l'on aurait pu conclure qu'ils avaient agi de mauvaise foi.

70 Les éléments de preuve n'indiquent pas clairement à quelle date le comité d'évaluation a décidé de procéder à un examen écrit. Mme Hauser a indiqué que la date à laquelle les candidats ont été informés qu'ils devraient passer un examen écrit le 6 septembre 2006 se situait quelque part entre le 18 août, date de sa réunion, et le 29 août 2006.

71 Compte tenu du contexte entourant le processus de nomination – il s'agissait d'une mesure corrective prise par suite d'un appel accueilli – et du fait que la nouvelle LEFP venait tout juste d'entrer en vigueur, il y avait beaucoup d'incertitude au sujet des modifications qui seraient apportées au processus d'évaluation. Les préoccupations à cet égard avaient été exprimées dès février 2006. Malgré tout ce qui précède, le Tribunal estime que l'intimé a fait preuve de négligence en omettant d'informer les candidats avant le 29 août 2006 des outils d'évaluation précis qui seraient utilisés. Il est clair que ce processus de nomination devait être le plus transparent possible. M. Snow a présenté des éléments de preuve selon lesquels il avait promis aux candidats, en février 2006, que tous ceux qui avaient réussi l'étape de la présélection dans le cadre du processus précédent seraient également retenus à cette étape du nouveau processus. Les plaignantes ont effectivement réussi l'étape de la présélection étant donné qu'elles satisfaisaient aux qualifications « études et expérience » et elles ont ensuite fait l'objet d'une évaluation. Malheureusement, les plaignantes ont cru que l'affirmation de M. Snow, de même que les sous-entendus selon lesquels les personnes occupant un poste intérimaire obtiendraient de bons résultats dans le cadre du processus, signifiaient qu'elles obtiendraient une nomination.

72 Pourtant, les plaignantes avaient été informées qu'un examen écrit serait administré et utilisé comme outil d'évaluation. Étant donné que ce renseignement était contraire aux suppositions des plaignantes sur la façon dont elles seraient évaluées, il aurait été judicieux que ces dernières s'informent sur l'objectif de l'examen écrit. Aucune des plaignantes n'a demandé de renseignements à cet égard.

73 M. Snow a expliqué en quoi chacune des qualifications relatives aux connaissances était essentielle à l'exercice des fonctions du poste d'agent de prestation des services. Les questions posées aux candidats étaient liées étroitement aux qualifications. La présidente du comité d'évaluation, Mme Alexander, a expliqué dans son témoignage comment le comité en est venu à la conclusion qu'aucune des plaignantes ne répondait aux critères minimaux établis pour l'une des qualifications relatives aux connaissances ou pour ces deux qualifications.

74 L'explication suivante figure au paragraphe 52 de la décision Portree c. Administrateur général de Service Canada et al., [2006] TDFP 0014 :

(…) [L]e rôle du Tribunal n'est donc pas de réévaluer les notes attribuées à un plaignant pour une réponse donnée ou de réviser les réponses fournies pendant une entrevue simplement parce qu'un plaignant n'est pas d'accord avec la décision concernant une question d'entrevue. Ainsi, dans les circonstances en l'espèce, le Tribunal n'interviendra pas, car il n'y a aucune preuve selon laquelle il y a eu erreur grave, omission ou conduite irrégulière dans la façon dont l'entrevue a été menée.

Le Tribunal est convaincu qu'il n'y a eu aucune erreur, omission ou conduite irrégulière dans la façon dont l'examen écrit a été élaboré ou évalué. Le Tribunal est d'avis que l'intimé n'a pas abusé de son pouvoir dans l'application du mérite.

75 Au cours de l'audience, les plaignantes ont soulevé deux autres préoccupations qui méritent d'être commentées. La première concerne la discussion informelle. L'intimé n'avait pas informé les plaignantes qu'il pouvait leur permettre de réintégrer le processus si une erreur avait été commise. Les plaignantes avaient tenté de convaincre le comité d'évaluation que certaines de leurs réponses devaient faire l'objet d'une nouvelle évaluation. L'intimé avait finalement décidé de ne pas modifier son évaluation.

76 La discussion informelle est un moyen de communication qui vise principalement à permettre à un candidat de discuter des raisons du rejet de sa candidature dans le cadre d'un processus. Si l'on découvre qu'une erreur a été faite, par exemple si le comité d'évaluation a omis de tenir compte de certains renseignements figurant dans la demande d'emploi du candidat, la discussion informelle donne l'occasion au gestionnaire de corriger son erreur. Toutefois, la discussion informelle ne doit pas constituer un mécanisme permettant de demander que le comité d'évaluation réévalue les qualifications d'un candidat.

77 Enfin, la représentante des plaignantes a évoqué les trois versions du guide de cotation qui ont été fournies aux plaignantes au cours du processus de plainte. L'intimé a fait preuve de négligence en omettant de fournir la version finale du guide de cotation aux plaignantes à l'étape de la communication de renseignements. De plus, il a aggravé le problème en remplaçant une ancienne ébauche (version 1), fournie durant la communication de renseignements, par une autre version, envoyée aux plaignantes en août 2007 (version 2). Or, le guide de cotation transmis en août 2007 ne comprenait pas la grille de cotation, laquelle faisait partie du guide de cotation final (version 3). Cette situation n'a certainement pas contribué à donner l'impression d'un processus de nomination transparent. Le Tribunal est convaincu, selon le témoignage de Mme Alexander, que la version finale du guide de cotation a été utilisée dans le cadre du processus de nomination. Néanmoins, le Tribunal est d'avis que l'intimé aurait dû fournir la version finale du guide de cotation aux plaignantes durant la séance de communication de renseignements. Il s'agit là d'une faille dans le processus de communication de renseignements et l'on pourrait soutenir qu'il s'agit d'un manquement au Règlement du Tribunal, mais non d'un motif démontrant qu'il y a eu abus de pouvoir dans le cadre du processus de nomination.

Décision

78 Pour les motifs exposés ci-dessus, les plaintes sont rejetées.

Helen Barkley

Membre

Parties au dossier

Dossiers du Tribunal:
2006-0164, 0166, 0167, 0168, 0170 et 0173
Intitulé de la cause:
Michelle Rozka et al. et le Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada et al.
Audience:
Du 10 au 12 octobre 2007
Edmonton (Alberta)
Date des motifs:
Le 10 décembre 2007

Comparutions:

Pour le plaignant:
Jodi Casper
Pour l'intimé:
Adrian Bieniasiewicz
Pour la Commission
de la fonction publique:
John Unrau
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