Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a avancé que l’annulation de la conversion du statut de son emploi visant à le faire passer de déterminé à indéterminé constituait une révocation de sa nomination. Elle a d’autre part affirmé avoir été mal renseignée avant de prendre son congé de maternité et que l’annulation était discriminatoire. L’intimé a soutenu que le Tribunal n’avait pas compétence pour statuer sur la plainte vu que celle-ci ne portait pas sur la révocation d’une nomination. Il a fait valoir qu’il ne pouvait y avoir de révocation de nomination puisqu’il n’y avait pas eu de nomination, tout en ajoutant que l’annulation d’une conversion n’était pas un motif de plainte devant le Tribunal. Décision : Le Tribunal a jugé que le droit de porter plainte à l'encontre d'une révocation supposait une nomination préalable, suivie de la révocation de cette nomination. La conversion de la durée d’emploi de déterminée à indéterminée ne constituait pas une nomination pas plus que l’annulation de la conversion ne constituait la révocation d’une nomination. Le Tribunal n’avait pas compétence pour instruire la plainte et statuer sur elle. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier:
2007-0343
Rendue à:
Ottawa, le 14 décembre 2007

AUDREY COMEAU
Plaignante
ET
L'ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL DE SERVICE CANADA, AU SEIN DU MINISTÈRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Requête visant à faire rejeter la plainte
Décision:
La requête est accueillie et la plainte est rejetée
Décision rendue par:
Guy Giguère, président
Langue de la décision:
Français
Répertoriée:
Comeau c. Administrateur général de Service Canada et al.
Référence neutre:
2007 TDFP 0047

Motifs de la décision

Introduction

1 L’intimé demande le rejet de la plainte au motif que l’annulation de la conversion de la durée d’emploi de la plaignante, de déterminée  à  indéterminée, ne peut faire l’objet d’une plainte devant le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal). L’intimé est l'administrateur général de Service Canada.

Contexte

2 MmeAudrey Comeau, la plaignante, a été embauchée par le ministère des Ressources humaines et du Développement social le 10 mai 2004. Depuis, elle a été embauchée à plusieurs reprises pour plusieurs périodes d’emploi à durée déterminée. La plaignante était une fonctionnaire à statut déterminé occupant un poste de représentante, prestation de service, des groupe et niveau CR-05, à Bathurst, Nouveau‑Brunswick.

3 Le 14 mai 2007, la plaignante a accepté et signé une lettre d’offre pour le poste d’agente de services au citoyen, des groupe et niveau PM-01. Il s’agit en fait du même poste qu’elle occupait puisque le numéro de poste demeure inchangé.

4 La lettre d’offre informait la plaignante qu’elle avait atteint une période de travail cumulative de trois ans au sein du ministère des Ressources humaines et du Développement social. Il est indiqué dans cette lettre que le statut de la plaignante sera converti à « indéterminé » en date du 7 mai 2007 et que « cette conversion ne constitue pas une nomination ou une mutation et comme tel n’est pas assujetti à un mécanisme de recours ». La conseillère en ressources humaines a contresigné cette lettre d’offre.

5 Le 25 juin 2007, la conseillère en ressources humaines a convoqué la plaignante à son bureau afin de l’aviser que la conversion était annulée. La conseillère en ressources humaines lui a expliqué que le congé de maternité de la plaignante avait créé une interruption de service de plus de 60 jours sur sa période cumulative de trois années.

6 Le 26 juillet 2007, le Directeur, Direction générale des personnes et de la culture, a écrit à la plaignante qu’une erreur avait eu lieu dans le calcul de la période des trois années de travail consécutives nécessaires pour la conversion d’un statut déterminé à un statut indéterminé. La plaignante avait été en congé sans solde du 24 mai 2005 au 19 mai 2006 créant ainsi une interruption de service de plus de 60 jours. D’après la Politique du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada sur l’emploi pour une période déterminée, cette période n’aurait pas dû être calculée comme faisant partie de sa période de travail cumulative pour la conversion à un statut indéterminé.

7 La plaignante a présenté par la suite, une plainte sous l’article 74 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP) concernant la révocation du poste d’agente de services au citoyen, de groupe et niveau PM-01 (numéro de processus : 2007-CSD-CON-NB-EICC-BAT-097). Elle soulève également que cette révocation est discriminatoire.

8 Le 7 septembre 2007, l ’intimé a demandé au Tribunal de rejeter la plainte présentée le 7 juillet 2007 par la plaignante.

Question en litige

9 Le Tribunal doit répondre à la question suivante :

  1. Le Tribunal a-t-il compétence pour instruire la plainte et statuer sur celle-ci relativement à l’annulation de la conversion de la durée d’emploi de la plaignante, de déterminée  à  indéterminée ?

Argumentation des parties

A) Argumentation de l’intimé

10 L’intimé soutient que le Tribunal n’a pas compétence pour instruire la plainte et statuer sur celle-ci puisque la plainte ne porte pas sur une révocation de nomination mais bien sur l’annulation de la conversion du statut d’emploi de déterminé à indéterminé, ce qui n’est pas un motif de plainte devant le Tribunal.

11 L’intimé fait valoir qu’en vertu de l’article 74 de la LEFP, une personne dont la nomination est révoquée par la Commission en vertu du paragraphe 67(1) ou par l’administrateur général en vertu de paragraphes 15(3) ou 67(2), peut présenter au Tribunal une plainte selon laquelle la révocation n’est pas raisonnable.

12 L’intimé argumente que selon le paragraphe 59(2) de la LEFP une conversion de la durée d’emploi de déterminée à indéterminée effectuée conformément au paragraphe 59(1) de la LEFP ne constitue pas une nomination. L’intimé soutient donc que la plainte ne respecte pas les exigences donnant droit à un recours sous l’article 74 de la LEFP puisqu’il n’y a pas eu de nomination. Il ne peut donc y avoir de révocation de cette nomination. Le fait d’annuler une conversion effectuée sous l’article 59 n’est pas un motif de plainte.

B) Argumentation de la plaignante

13 La plaignante soutient que l’annulation de la conversion de son statut d’emploi pour une durée indéterminée n’est pas justifiée car elle résulte de l’erreur de l’intimé. La plaignante affirme qu’elle a été mal informée par l’employeur avant de prendre le congé de maternité et que cette annulation a des graves effets économiques et financiers. De plus dans sa plainte, elle allègue que le fait que l’intimé explique l’annulation de la conversion en raison du congé de maternité de la plaignante, est discriminatoire. La plaignante soutient finalement que la requête de l’intimé doit être rejetée car il y va de son droit de se faire entendre et du droit de porter plainte en vertu de l’article 74.

Analyse

14 La plaignante a présenté une plainte à l’encontre de la révocation de la conversion de la durée de son emploi, de déterminée à indéterminée. Cette plainte a été présentée sous l’article 74 de la LEFP qui porte sur les révocations de nomination et qui se lit ainsi :

74. La personne dont la nomination est révoquée par la Commission en vertu du paragraphe 67(1) ou par l’administrateur général en vertu des paragraphes 15(3) ou 67(2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle la révocation n’était pas raisonnable.

15 Ainsi, le droit de porter plainte en vertu de l’article 74 est conditionnel à ce qu’une personne ait fait l’objet d’une nomination et que cette nomination ait été révoquée en vertu des paragraphes 67(1) et (2) de la LEFP.

16 L’article 59 de la LEFP porte sur les conversions et les modalités entourant celles-ci :

59. (1) La durée des fonctions du fonctionnaire qui est employé pour une durée déterminée par voie de nomination ou de mutation devient indéterminée dans son poste d’attache lorsqu’il a occupé un emploi dans les circonstances déterminées par l’employeur pendant une période cumulative fixée par celui-ci, sauf si le fonctionnaire demande à l’administrateur général que la durée continue d’être déterminée.

(2) La conversion visée au paragraphe (1) ne constitue pas une nomination ni une mutation pour l’application de la présente loi et ne donne à personne le droit de présenter une plainte en vertu de l’article 77.

(Nos italiques)

17 Il est donc clair qu’en vertu du paragraphe 59(2) de la LEFP une conversion de la durée d’emploi de déterminée à indéterminée ne constitue pas une nomination. C’est pourquoi, il n’y a pas de droit de plainte à la suite de cette conversion, en vertu de l’article 77, car ce droit de recours nécessite qu’il y ait eu nomination ou proposition de nomination. Voir à cet effet la décision Czarneckic. Administrateur général de Service Canada et al., [2007] TDFP 0001.

18 De la même façon, il n’y a pas de droit de porter plainte en vertu de l’article 74 suite à l’annulation de cette conversion car elle ne porte pas sur une nomination et ne constitue donc pas une révocation de nomination. La plainte ne respecte pas les exigences donnant droit à un recours sous l’article 74 de la LEFP.

19 Par ailleurs, en vertu du paragraphe 88(2) de la LEFP, le Tribunal a pour mission « d’instruire les plaintes présentées en vertu du paragraphe 65(1) ou des articles 74, 77 ou 83 et de statuer sur elles ». Ces dispositions visent respectivement les mises en disponibilité, les révocations de nominations, les nominations internes et l’application des mesures correctives. La plainte présentée par la plaignante ne fait partie d’aucune de ces dispositions de la LEFP.

20 Puisque la plaignante ne peut présenter une plainte au Tribunal en vertu de l’article 74 de la LEFP et que la plaintene vise pas une mise en disponibilité, une nomination interne ou l’application de mesures correctives, le Tribunal n’a pas compétence pour instruire la plainte et statuer sur celle-ci.

Décision

21 Pour tous ces motifs, la demande de l’intimé est accueillie. Par conséquent, la plainte est rejetée.

Guy Giguère

Président

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2007-0343
Intitulé de la cause:
Audrey Comeau et l'Administrateur général de Service Canada, au sein du ministére des Ressources humaines et du Développement social et al.
Audience:
Demande écrite; décision rendue sans comparution des parties
Date des motifs:
Le 14 décembre 2007
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