Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a soutenu que la méthode d’évaluation n’était pas transparente ni juste parce qu’elle contenait des erreurs. Elle a ajouté que 13 des 19 questions ne comportaient aucune échelle de notation pour les éléments de réponse sur la grille de correction. L’intimé a répondu qu’il n’y avait aucune preuve démontrant que la plaignante avait été traitée différemment des autres candidats ou que le barème de correction était injuste. L’intimé a fait valoir que le barème de correction et les erreurs présumées ou même admises concernant la grille de correction ou le document de travail n’avaient aucune incidence sur le résultat final; que la plaignante n’a produit aucune preuve démontrant que le barème de correction avait été trafiqué ou conçu d’une manière qui avantage ou désavantage un candidat. La Commission de la fonction publique a fait valoir que même si le barème ne figurait pas sur la grille de correction, cette erreur n’a pas eu d’impact fondamental sur les résultats de la plaignante. La plaignante a obtenu la plus haute note à l’examen écrit. Décision : Le Tribunal a conclu qu’en vertu de la LEFP, les gestionnaires délégataires disposaient d’une marge de manœuvre considérable en ce qui concerne le choix des méthodes d’évaluation et qu’il n’y avait aucune preuve en l’espèce démontrant que les méthodes élaborées étaient déraisonnables ou que leur application avait entraîné un résultat injuste. Le Tribunal a aussi statué que le comité d’évaluation s’était trompé en n’indiquant pas les points accordés par élément de bonne réponse et en ne corrigeant pas l’erreur; il a toutefois jugé qu’il s’agissait de simples erreurs ou omissions qui ne constituaient pas un abus de pouvoir. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2007-0124
Rendue à:
Ottawa, le 20 décembre 2007

JEFFREY CHARTER
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir en vertu des alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Helen Barkley, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Charter c. Sous-ministre de la Défense nationale et al.
Référence neutre:
2007 TDFP 0048

Motifs de la décision

Introduction

1Le plaignant, Jeffrey Charter, a présenté une plainte auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) le 20 mars 2007 au motif qu’il n’avait pas été nommé au poste de technicien de soutien à l’aviation (AS-01) au ministère de la Défense nationale à Ottawa (Ontario) en raison d’un abus de pouvoir de la part de l’intimé, le Sous-ministre de la Défense nationale.

Contexte

2 Le ministère de la Défense nationale a annoncé un processus de nomination interne (07-DND-IA-OTTWA-056565) visant à doter le poste de technicien de soutien à l’aviation (AS-01). Le plaignant a posé sa candidature à ce poste, mais on a considéré qu’il ne possédait pas deux des qualifications essentielles, à savoir les suivantes :

  • Expérience de l’élaboration, de la mise à jour et de la modification de divers rapports et de diverses publications comme les documents Jeppesen, les documents du DoD et différentes publications britanniques liées à l’aviation (« expérience 3 »);
  • Expérience de la recherche concernant l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels (AIPRP) et de la préparation de réponses aux demandes connexes (« expérience 4 »).

[Traduction]

3 Donna Charron a été proposée en vue d’une nomination le 7 mars 2007.

4 Le plaignant affirme que le poste en question était en fait le résultat d’une reclassification de son poste (CR-05) au sein du 412e Escadron. Il soutient également que l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a choisi un processus annoncé et lorsqu’il a éliminé sa candidature du processus de nomination à l’étape de la présélection. Au cours des 15 dernières années, le plaignant a exécuté les fonctions principales d’un technicien de soutien à l’aviation. Il considère qu’il possède toutes les qualifications essentielles du poste.

Résumé des éléments de preuve pertinents

5 Le plaignant a déclaré qu’il occupe un poste d’attache au sein du 412e Escadron, dans la même unité que le poste de technicien de soutien à l’aviation. Quatre avions servant à transporter des hauts fonctionnaires relèvent de la responsabilité du 412Escadron. Le plaignant a affirmé qu’il possède l’expérience nécessaire pour occuper le poste, expérience acquise dans son poste d’administrateur des opérations. Il est actuellement en détachement au ministère des Transports, mais son poste d’attache reste au ministère de la Défense nationale.

6 Le comité d’évaluation était formé du major Daigle, superviseur du plaignant, et du capitaine Matthew Dillon, collègue du major Daigle. Selon le plaignant, ces derniers connaissaient bien son expérience.

7 En ce qui concerne la qualification « expérience 3 », le plaignant a expliqué que la mise à jour de rapports et de publications comme Jeppesen et ceux du DoD faisait partie des fonctions de son poste d’attache. Ces publications contiennent de l’information sur les vols, des procédures à suivre dans les aéroports et des graphiques utilisés par les pilotes pour préparer leurs vols. Par exemple, les publications Jeppesen sont une série de livres reliés en cuir à couverture papier pour lesquels des modifications sont reçues toutes les deux semaines. Dans le cadre de son travail, le plaignant doit retirer et remplacer des pages pour assurer la mise à jour. Les publications du DoD sont des livres reliés à couverture rigide qui doivent être retirés de leurs boîtes et distribués dans chaque avion. La plupart de ces publications sont maintenant reçues par voie électronique. Le plaignant exécute précisément ces fonctions depuis 1991, et plus exactement au sein du 412e Escadron depuis 1993.

8 En ce qui concerne la qualification « expérience 4 », lorsqu’il a posé sa candidature pour le poste en question, le plaignant a oublié de noter son expérience de la recherche concernant l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels (AIPRP) et de la préparation de réponses aux demandes connexes. Cependant, selon le plaignant, les membres du comité d’évaluation connaissaient son expérience. En appui à sa plainte, le plaignant a présenté un échange de courriels entre le major Daigle et le capitaine Dillon, dans lequel il est confirmé que le plaignant « (…) serait la personne toute indiquée pour répondre à cette demande d’accès à l’information ainsi qu’à toutes les autres que nous recevrons dans l’avenir » [Traduction].

9 Le plaignant a expliqué qu’une ou deux demandes d’AIPRP étaient envoyées au 412e Escadron tous les deux mois. En tant que responsable de la conservation des dossiers, il effectuait des recherches et faisait l’ébauche d’une réponse afin que le commandant puisse la signer. Il recueillait des documents et les envoyait au directeur de la protection des renseignements personnels. Au début, il choisissait les exemptions appropriées, mais plus tard, il s’est mis à envoyer les documents au directeur de la protection des renseignements personnels, qui prenait alors les décisions relatives aux exemptions.

10 Pendant le contre-interrogatoire, le plaignant a reconnu que dans l’offre d’emploi liée à ce poste, il était écrit que « dans leur demande, les postulants doivent montrer clairement qu’ils répondent à tous les critères essentiels suivants (...) » [Traduction]. Il a également admis que dans sa demande, il n’avait pas mentionné son expérience concernant l’AIPRP. Le comité d’évaluation aurait dû savoir, en lisant sa demande, que sous le titre « Expérience professionnelle » [Traduction], la formulation « administration des opérations au sein du 412e Escadron (Transport) » [Traduction] comprenait la mise à jour de rapports et de publications, ce qui correspondait aux exigences de l’« expérience 3 ». Il a effectué ce travail pendant 14 ans, et les membres du comité d’évaluation le savaient.

11 Au nom de l’intimé, le major Daigle a déclaré qu’il était l’officier responsable des opérations du 412e Escadron depuis avril 2006. Il a ajouté que le plaignant, en fait, relevait de lui, mais qu’il avait délégué la supervision des activités quotidiennes du plaignant au capitaine Dillon.

12 Le major Daigle a témoigné qu’il connaissait peu le domaine de l’emploi dans la fonction publique, et qu’il avait donc consulté le conseiller en ressources humaines à chaque étape. Il avait la responsabilité de mettre la dernière main au processus et de doter le poste de technicien de soutien à l’aviation en août 2006. Il a déclaré qu’il voulait utiliser la démarche la plus simple possible, et les ressources humaines lui avaient donc conseillé d’avoir recours à un processus non annoncé. Il en avait discuté avec son commandant, le lieutenant-colonel Dagenais, qui avait rejeté sa décision et avait insisté pour utiliser un processus annoncé par souci d’équité et de transparence.

13 Le poste a été annoncé, et la date limite de présentation des candidatures était le 7 février 2007. Les candidats devaient présenter leur demande par voie électronique.

14 Le comité d’évaluation a reçu 34 demandes. Le major Daigle et le capitaine Dillon ont évalué les candidats en ce qui concerne les exigences relatives à l’expérience. Ils ont tous les deux conclu qu’une seule personne possédait toutes les qualifications relatives à l’expérience pour le poste. Le plaignant n’a pas démontré qu’il possédait les qualifications nécessaires pour respecter les critères « expérience 3 » et « expérience 4 ».

15 Selon le major Daigle, la qualification « expérience 3 » comportait deux volets. Le premier volet portait sur l’élaboration, la mise à jour et la modification de divers rapports, par exemple les rapports sur le temps de vols au sein du 412e Escadron pour un type de mission en particulier. Le deuxième volet consistait à mettre à jour les publications en y ajoutant des modifications, tâche décrite par le plaignant dans son témoignage.

16 En ce qui concerne la qualification « expérience 3 », dans la demande présentée par le plaignant, rien ne démontrait qu’il possédait l’expérience nécessaire. Le major Daigle déclare qu’il cherchait un énoncé se rapportant aux mots clés contenus dans la qualification « expérience 3 », par exemple « Jeppesen ».

17 Le major  Daigle a indiqué que ce n’était qu’après la tenue du processus qu’il a appris que le plaignant avait de l’expérience en ce qui a trait à la recherche liée aux demandes d’AIPRP et de la préparation de réponses connexes, ce qui correspondait à l’« expérience 4 » requise. Cependant, la dernière demande qu’a traité le plaignant remontait à 2004, c’est‑à‑dire deux ans avant que le major Daigle n’arrive sur le lieu de travail. Le capitaine Dillon l’a également informé que lorsque le plaignant a été questionné au sujet des demandes liées à l’AIPRP, il a répondu que ce travail n’était pas le sien, mais plutôt celui des réservistes de classe B de l’Escadron.

18 Le plaignant a communiqué avec les Ressources humaines lorsqu’il a été informé que sa candidature avait été rejetée le 21 février 2007. Le conseiller en ressources humaines a informé le plaignant qu’il disposait d’une période de cinq jours pour présenter des renseignements complémentaires. Aucun autre renseignement n’a été reçu. Le plaignant n’a communiqué avec le major Daigle pour discuter de la situation qu’après la notification de nomination finale, le 7 mars 2007. Le major Daigle a déclaré qu’en tant que membre du comité d’évaluation, ce n’était pas son travail de communiquer avec le plaignant pour lui demander s’il avait transmis tous les renseignements nécessaires dans sa demande. Si le plaignant lui avait envoyé un courriel au cours de la période de cinq jours pour lui donner un aperçu plus détaillé de son expérience, le major Daigle aurait pris en compte les renseignements complémentaires lors de l’évaluation du comité.

19 Pendant le contre-interrogatoire, le major Daigle a indiqué que le besoin de doter le poste de technicien de soutien à l’aviation a été déterminé en 2005. Le 412e Escadron a reçu les fonds nécessaires pour créer un poste de réserviste de classe B, et on s’attendait à ce que ce poste existe jusqu’à la fin de l’exercice (2005‑2006), bien qu’il ait ensuite été prolongé pour une autre année financière. Un consultant a été embauché pour rédiger une description de travail et pour classifier le poste. Le major Daigle a été informé que le plaignant avait participé dans une certaine mesure à l’élaboration de la description de travail. En août 2006, on a demandé au major Daigle de mettre la dernière main au processus et de doter le poste. Il s’agissait d’un nouveau poste, et non d’une reclassification du poste d’attache du plaignant.

20 Le major Daigle a reconnu que le plaignant a formé la personne nommée, Mme Charron, au poste qu’elle occupait comme réserviste de classe B. Le contrat de Mme Charron avec le 412e Escadron avait pris fin en mars 2007, ce qui signifie que le major Daigle devait lui trouver un remplaçant pour le 1er avril 2007. Lorsque le représentant du plaignant lui a demandé si la dotation du poste était prévue pour coïncider avec la fin du contrat de Mme Charron, le major Daigle a répondu : « Absolument pas » [Traduction].

Questions en litige

21 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. Y a-t-il eu abus de pouvoir dans le choix d’un processus de nomination annoncé?
  2. Y a-t-il eu abus de pouvoir dans la décision de ne pas nommer le plaignant au poste en question?

Argumentation des parties

A) Argumentation du plaignant

22 Le plaignant affirme que le poste correspond à une reclassification du poste d’attache qu’il occupe encore, bien qu’il soit actuellement détaché à Transports Canada. Le major Daigle avait le pouvoir de mener un processus non annoncé et de nommer le plaignant au poste en question.

23 Le plaignant affirme que le Tribunal a la responsabilité d’appliquer une définition large de l’abus de pouvoir, tel qu’il l’a fait dans la décision Tibbs c. le Sous‑ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0008. En l’espèce, le pouvoir discrétionnaire du major Daigle était entravé par le lieutenant-colonel Dagenais, qui insistait pour qu’un processus annoncé ait lieu. Le major Daigle a témoigné qu’il voulait procéder directement à une nomination, mais que sa décision a été rejetée par son supérieur hiérarchique. Cet acte constitue un abus de pouvoir tel qu’il est décrit au paragraphe 70 de la décision Tibbs, supra : « Lorsqu’un délégué refuse d'exercer son pouvoir discrétionnaire en adoptant une politique qui entrave sa capacité d'examiner des cas individuels avec un esprit ouvert. »

24 En ce qui concerne l’application des critères de mérite, le plaignant déclare qu’il est évident que le comité d’évaluation s’est fondé sur des renseignements inadéquats. Le comité d’évaluation avait le pouvoir de prendre en compte le travail effectué par le plaignant au cours de ses nombreuses années au sein du 412e Escadron. Bien que le plaignant ait admis qu’il avait oublié d’inscrire son expérience de l’AIPRP dans sa demande, le comité avait le pouvoir d’examiner d’autres renseignements que ceux qui figuraient dans sa demande.

B) Argumentation de l’intimé

25 L’intimé indique que l’article 33 de la LEFP accorde à la Commission ou à son délégataire le pouvoir discrétionnaire de choisir un processus de nomination annoncé ou non annoncé. En l’espèce, l’intimé a choisi de permettre à plus d’une personne de présenter sa candidature pour le poste en question. L’intimé avait la possibilité de prendre cette décision. Aucun élément de preuve n’atteste que la décision de procéder à un processus annoncé a été prise de mauvaise foi ou qu’elle a été motivée par le favoritisme personnel. Si l’intimé avait décidé de mener un processus de nomination non annoncé, aucun élément de preuve n’indique que le plaignant aurait été nommé. Deux décisions du Tribunal, Robbins c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2006] TDFP 0017, et Kane c. l'Administrateur général de Service Canada et al., [2007] TDFP 0035, confirment que la LEFP n’accorde pas de préférence à un processus de nomination annoncé ou non annoncé.

26 L’intimé affirme que la décision de ne pas nommer le plaignant ne découle pas du choix du processus. En réalité, le plaignant ne possédait pas deux des qualifications essentielles liées au poste. Le major Daigle déclare qu’il a conclu que le plaignant possédait les deux premières qualifications relatives à l’expérience, mais qu’il n’a pu trouver aucun renseignement se rapportant à l’« expérience 3 » et à l’« expérience 4 » dans la demande du plaignant. On ne pouvait pas déduire que le plaignant possédait la qualification « expérience 3 » à la lecture du titre de l’emploi « administrateur des opérations ». Le plaignant devait indiquer l’expérience qu’il possédait réellement. En ce qui concerne l’« expérience 4 », le major Daigle indique que le plaignant n’avait traité aucune demande relative à l’AIPRP pendant qu’il travaillait sous la supervision du major Daigle. Le major Daigle n’a été mis au courant de l’expérience du plaignant qu’après la diffusion des résultats de la nomination. Dans un processus de nomination, il revient au candidat de convaincre un comité d’évaluation qu’il possède l’expérience nécessaire.

27 L’intimé fait valoir que le plaignant n’a pas réussi à démontrer qu’il y a eu une erreur ou une omission dans le processus de nomination en question, à plus forte raison qu’il y a eu abus de pouvoir. Par conséquent, la plainte doit être rejetée.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

28 La Commission de la fonction publique (CFP) a fourni une argumentation écrite générale sur le concept d’abus de pouvoir et sur la façon dont, selon elle, le Tribunal devrait aborder cette question. La CFP affirme que, pour conclure qu’il y a eu abus de pouvoir dans un processus de nomination, le Tribunal doit établir qu’il y a eu une intention illégitime de la part de l’intimé. Des erreurs ou des omissions ne constituent pas un abus de pouvoir, à moins qu’une partie ne fasse preuve « d’une imprudence ou d’une insouciance grave » [Traduction], par exemple lorsqu’on peut présumer qu’il y a eu mauvaise foi.

29 En l’espèce, la CFP déclare que selon le plaignant, le major Daigle avait le pouvoir de choisir entre un processus annoncé et un processus non annoncé. Aucun élément de preuve ne vient appuyer cette déclaration, car pendant l’audience, personne n’a déterminé qui possédait le pouvoir de dotation délégué pour le poste de technicien de soutien à l’aviation. Le major Daigle indique qu’il a discuté du processus avec le lieutenant-colonel Dagenais, qui a pris la décision de mener un processus annoncé. La LEFP établit clairement que le choix du processus relève de la responsabilité de l’administrateur général. En l’absence de mauvaise foi, de favoritisme personnel ou d’une imprudence ou insouciance grave, le simple fait de faire un choix ne peut pas constituer un abus de pouvoir.

30 La CFP soutient que, pour que la responsabilisation dans le domaine de la dotation soit efficace, toutes les parties à un processus doivent assumer leurs responsabilités. Lorsqu’une personne décide de présenter sa candidature, elle doit expliquer clairement en quoi ses qualifications correspondent à celles exigées par le poste. En déclarant simplement qu’il a oublié de mentionner une qualification en matière d’expérience, le candidat ne reconnaît pas sa responsabilité dans le processus. La CFP affirme qu’elle n’a aucune inquiétude en ce qui concerne l’intégrité du processus de dotation en question.

Analyse

Question I: Y a-t-il eu abus de pouvoir dans le choix d’un processus de nomination annoncé?

31 L’article 33 de la LEFP porte sur le pouvoir discrétionnaire de la Commission ou de son délégataire de choisir entre un processus de nomination annoncé ou non annoncé : « La Commission peut, en vue d’une nomination, avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé. »

32 Dans l’affaire Kane, le Tribunal devrait trancher une question semblable. En effet, M. Kane soutenait qu’il aurait dû être nommé à son poste reclassifié au moyen d’un processus de nomination non annoncé. Le Tribunal a alors déterminé que, pour que ce type d'allégation soit retenue, le plaignant doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que la décision en soi d’utiliser un processus de nomination annoncé constituait un abus de pouvoir :

[60] Le simple fait de choisir un processus annoncé ou non annoncé ne constitue pas un abus de pouvoir en soi, car ce choix est permis aux termes de la LEFP. Comme le Tribunal l’a déclaré dans la décision Robbins c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2006] TDFP 0017 :

[36] Le plaignant ne peut donc alléguer qu'il y a eu abus de pouvoir uniquement parce qu'on a opté pour un processus non annoncé. Il doit prouver que la décision elle-même de choisir un processus non annoncé constitue un abus de pouvoir.

[65] (…) Rien dans la LEFP ou dans le REFP n’oblige un administrateur général à utiliser un processus de sélection en particulier selon qu’il s’agisse d’un poste nouveau ou d’un poste reclassifié. Au contraire, l’article 33 de la LEFP indique clairement que l’administrateur général dispose du pouvoir discrétionnaire nécessaire lui permettant de décider s’il utilisera un processus de nomination annoncé ou un processus de nomination non annoncé.

33 En l’espèce, le major Daigle affirme qu’il voulait doter le poste de technicien de soutien à l’aviation le plus rapidement possible, car le 412e Escadron allait perdre les fonds liés à son poste de réserviste de classe B le 31 mars 2007. Lorsqu’il a discuté de la situation avec son supérieur hiérarchique, le lieutenant-colonel Dagenais, ce dernier lui a demandé de mener un processus annoncé par souci d’équité et de transparence.

34 Le Tribunal juge que le plaignant n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu abus de pouvoir dans le choix d’un processus annoncé. La preuve indique qu’on a demandé au major Daigle de doter le poste, ce qu’il voulait faire le plus rapidement possible. Il n’avait aucune expertise dans le domaine de la dotation dans la fonction publique, et il a donc cherché à obtenir des conseils auprès du conseiller en ressources humaines à plusieurs reprises. Il a discuté du choix du processus avec son supérieur hiérarchique, qui lui a demandé de mener un processus de nomination annoncé par souci d’équité et de transparence. Ces faits ne permettent pas d’établir qu’il y a eu mauvaise foi ou de favoritisme personnel, ni que l’on a adopté une politique générale qui entrave la capacité du décideur de prendre en compte chaque cas sans parti pris. Au contraire, les faits montrent que le lieutenant‑colonel Dagenais était sensible au fait que des candidats éventuels souhaitaient obtenir des possibilités de promotion et qu’il y avait la volonté de mener un processus de nomination transparent. Par conséquent, le Tribunal estime que rien dans la preuve n’indique qu’il y a eu abus de pouvoir dans le choix du processus.

Question II: Y a-t-il eu abus de pouvoir dans la décision de ne pas nommer le plaignant au poste en question?

35 Le plaignant affirme que les membres du comité d’évaluation savaient qu’il possédait l’expérience nécessaire, car il avait travaillé directement avec eux au sein du 412e Escadron jusqu’en novembre 2006. Le plaignant ajoute que le comité d’évaluation a pris sa décision en s’appuyant sur des renseignements inadéquats et aurait dû chercher à obtenir plus de renseignements de sa part avant de conclure qu’il ne possédait pas toute l’« expérience 3 » et l’« expérience 4 » requises.

36 En vertu de l’article 36 de la LEFP, la Commission ou son délégataire possède un large pouvoir discrétionnaire pour choisir les méthodes d’évaluation qui serviront à déterminer si un candidat possède les qualifications établies pour le poste. L’article 36 est ainsi rédigé :

36. La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation — notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues — qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i).

37 Pour qu’un candidat soit nommé à un poste, il doit démontrer, dans le cadre du processus d’évaluation choisi, qu’il possède les qualifications essentielles liées au poste. En l’espèce, le comité d’évaluation a utilisé une méthode d’évaluation courante afin d’évaluer les études et l’expérience, c’est-à-dire qu’il a demandé aux candidats de présenter une demande indiquant qu’ils possèdent les qualifications. L’annonce d’emploi contenait ce qui suit :

Qualifications essentielles

Les postulants doivent clairement démontrer dans leur demande qu'ils répondent aux critères essentiels et qu'ils font partie de la zone de sélection, sinon leur candidature pourrait être rejetée.

Diplôme d’études secondaires ou équivalence approuvée par la CFP. Un résultat satisfaisant à l'examen approuvé par la CFP comme équivalence au diplôme d'études secondaires; ou un agencement acceptable d’études, de formation et (ou) d’expérience.

EX1 : Expérience de la prestation de services de soutien administratif.

EX2 : Expérience de la mise à jour et du suivi des modifications à l’aide de divers logiciels.

EX3 : Expérience de l’élaboration, de la mise à jour et de la modification de divers rapports et de diverses publications comme les documents Jeppesen, les documents du DoD et différentes publications britanniques liées à l’aviation.

EX4 : Expérience de la recherche concernant l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels (AIPRP) et de la préparation de réponses aux demandes connexes.

[Traduction]

38 Malheureusement, le plaignant n’a pas démontré dans sa demande qu’il possédait les qualifications essentielles « expérience 3 » et « expérience 4 ». Il a supposé que le major Daigle et le capitaine Dillon déduiraient, à la lecture de la formulation générale « Administration des opérations pour le 412e Escadron (Transport), le service de vols administratifs pour le gouvernement » [Traduction], qu’il possédait l’expérience de la rédaction de rapports et de la mise à jour de publications comme Jeppesen, de documents du DoD et de différentes publications britanniques liées à l’aviation et que par conséquent, il répondait au critère « expérience 3 ».

39 Le plaignant admet qu’il a oublié d’indiquer son expérience de la recherche concernant les demandes d’AIPRP et de la préparation de réponses à ces demandes (« expérience 4 »). La preuve démontre clairement que le major Daigle ne savait pas que le plaignant possédait cette expérience et que le plaignant n’avait pas donné les renseignements pertinents dans sa demande. Le courriel daté du 26 juin 2006 envoyé par le capitaine Dillon au major Daigle indique que le capitaine Dillon songeait confier une demande d’AIPRP au plaignant. Il ne s’agit pas d’une preuve que le plaignant possédait vraiment cette expérience. En outre, une fois que sa candidature a été éliminée du processus de nomination, le plaignant a été informé par les Ressources humaines qu’il pouvait envoyer des renseignements complémentaires dans les cinq jours. Le plaignant n’a pas fourni d’autres renseignements concernant ses qualifications, et il n’a pas communiqué avec le major Daigle à ce moment.

40 Le Tribunal conclut qu’il n’existe aucune preuve attestant qu’il y a eu abus de pouvoir dans l’application du principe du mérite, car le plaignant n’a pas démontré qu’il possédait l’« expérience 3 » et l’« expérience 4 » lorsque ces qualifications ont été évaluées par le comité d’évaluation.

Décision

41 Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.

Helen Barkley

Membre

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2007-0124
Intitulé de la cause:
Jeffrey Charter et le Sous-ministre de la Défense nationale et al.
Audience:
Le 27 septembre et le 2 novembre 2007
Ottawa, (Ontario)
Date des motifs:
Le 20 décembre 2007

Comparutions:

Pour le plaignant:
Paul Dagenais
Pour l'intimé:
Jennifer Champagne
Pour la Commission
de la fonction publique:
Lili Ste-Marie
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